SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'anciens sénateurs (p. 1 ).

3. Désignation d'un sénateur en mission (p. 2 ).

4. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 3 ).

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 4 ).

6. Communication du Gouvernement (p. 5 ).

7. Organisme extraparlementaire (p. 6 ).

8. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 7 ).

9. Questions orales (p. 8 ).

AMÉLIORATION DES CONDITIONS D'INSCRIPTION
DANS LES UNIVERSITÉS (p. 9 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Christian Demuynck.

INSUFFISANCE DES MOYENS DE LA MÉDECINE SCOLAIRE (p. 10 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Mme Marie-Claude Beaudeau.

AVENIR DES CENTRES RÉGIONAUX
DES OEUVRES UNIVERSITAIRES ET SCOLAIRES (p. 11 )

Question de M. Ivan Renar. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Ivan Renar.

SITUATION DE LA PRESSE ÉCRITE (p. 12 )

Question de M. Ivan Renar. - MM. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche ; Ivan Renar.

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES PME
À L'EXPORTATION (p. 13 )

Question de M. Paul Girod. - MM. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget ; Paul Girod.

BILAN DE L'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE À LA LUTTE
CONTRE LE TABAGISME ET L'ALCOOLISME (p. 14 )

Question de M. Alain Dufaut. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Alain Dufaut.

PROBLÈMES POSÉS PAR LA COMMERCIALISATION
DES BOISSONS DE TYPE « PRÉMIX » (p. 15 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Franck Sérusclat.

LUTTE CONTRE LE TABAGISME (p. 16 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Franck Sérusclat.

DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI PORTANT RÉFORME
DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE (p. 17 )

Question de M. Charles Descours. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Charles Descours.

PARCS NATURELS RÉGIONAUX :
BÉNÉFICE DES AIDES FINANCIÈRES

ET RÉVISION DE LA CHARTE (p. 18 )
Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement ; M. René-Pierre Signé.

MODALITÉS D'APPLICATION DU MORATOIRE
SUR LES SERVICES PUBLICS EN ZONE RURALE (p. 19 )

Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration ; Georges Mouly.

TRACÉ DE LA DÉVIATION DE LA RN 12
À JOUARS-PONTCHARTRAIN (YVELINES) (p. 20 )

Question de M. Nicolas About. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Nicolas About.

CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME DU LOGEMENT SOCIAL
POUR LES HANDICAPÉS (p. 21 )

Question de M. Bernard Dussaut. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Bernard Dussaut.

CALENDRIER DE RÉALISATION
DE LA CITÉ JUDICIAIRE D'AVIGNON (p. 22 )

Question de M. Alain Dufaut. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Alain Dufaut.

ADAPTATION DE LA LOI RELATIVE À L'AMÉNAGEMENT
ET À LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

AU SECTEUR DE LA PÊCHE (p. 23 )
Question de M. Alain Gérard. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Alain Gérard.

PRÉVENTION DU SATURNISME À PARIS (p. 24 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence ; Mme Nicole Borvo.

CRITÈRES D'AFFECTATION DES POLICIERS À PARIS (p. 25 )

Question de M. Michel Charzat. - MM. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence ; Michel Charzat.

10. Remplacement d'un sénateur nommé membre du Conseil constitutionnel (p. 26 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 27 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

11. Hommage à Etienne Dailly, ancien vice-président du Sénat (p. 28 ).
M. le président.

12. Communication de deux nominations (p. 29 ).

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT

13. Conférence des présidents (p. 30 ).
M. le président, Mme Hélène Luc.

14. Lutte contre le travail illégal. - Discussion d'un projet de loi (p. 31 ).
Discussion générale : Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi ; MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Bernard Plasait, Jean-Jacques Hyest, Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jacques Bimbenet, Joseph Ostermann, André Jourdain.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.

15. Communication de l'adoption de propositions d'actes communautaires (p. 32 ).

16. Dépôt d'une proposition d'actes communautaires (p. 33 ).

17. Dépôt d'un rapport d'information (p. 34 ).

18. Dépôt d'un avis (p. 35 ).

19. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 20 décembre 1996 (p. 36 ).

20. Ordre du jour (p. 37 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du vendredi 20 décembre 1996 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

DÉCÈS D'ANCIENS SÉNATEURS

M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Etienne Dailly, membre du Conseil constitutionnel, vice-président honoraire du Sénat, qui fut sénateur de Seine-et-Marne de 1959 à 1995.
M. le président lui rendra hommage à la reprise de la séance de cet après-midi, à seize heures.
J'ai également le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Maurice Bayrou, qui fut sénateur de Paris de 1959 à 1977.

3

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 8 janvier 1997 l'informant qu'il avait décidé de placer M. René Trégouët, sénateur du Rhône, en mission temporaire auprès du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et du minstre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.

4

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 30 décembre 1996, le texte de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1997 et de la loi de finances rectificative pour 1996.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

5

saisine du conseil constitutionnel

M. le président. M. le président a également reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 1996, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

6

communication du gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 7 janvier 1997, relative à la consultation des assemblées territoriales de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis-et-Futuna sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux.
Acte est donné de cette communication.

7

Organisme extraparlementaire

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de quatre de ses membres pour siéger au sein du Conseil national de la montagne.
En conséquence, j'invite la commission des affaires économiques et du Plan à présenter deux candidatures et la commission des affaires sociales et la commission des lois à présenter chacune une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement.

8

dépôt d'un rapport
en application d'une loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le quatrième rapport annuel relatif au dispositif d'indemnisation des hémophiles et transfusés contaminés par voie transfusionnelle par le virus du sida, établi en application de l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

9

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

AMÉLIORATION DES CONDITIONS D'INSCRIPTION
DANS LES UNIVERSITÉS

M. le président. M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les problèmes que rencontrent les étudiants lors de leur inscription dans les universités.
Dans le cadre de la réforme de l'Université, sont notamment prévues une simplification des procédures administratives ainsi qu'une réflexion sur la gestion des établissements.
Actuellement, les étudiants ont à subir un véritable parcours du combattant lors de leurs inscriptions. Ils doivent d'abord s'inscrire administrativement, puis passer par d'autres services et revenir un autre jour pour assurer leur inscription pédagogique. Les démarches sont longues et pénibles. Dans certaines facultés, les attentes sont interminables. Elles peuvent se prolonger plusieurs heures, dans un couloir ou dans une salle inadaptée.
En outre, un grand nombre d'étudiants se plaignent de la manière dont ils sont accueillis par le personnel administratif. Ainsi, un étudiant qui attend plusieurs heures pour demander un document ou remplir son emploi du temps ne sera pas reçu s'il veut franchir la porte quelques minutes seulement après la fermeture des bureaux. Ces difficultés matérielles et relationnelles sont démotivantes pour les jeunes. Dès leur arrivée à l'université, ils ont une mauvaise impression de leur établissement et du fonctionnement de celui-ci.
Il lui demande si, dans le cadre de la réforme de l'Université, il est envisageable d'améliorer les conditions de déroulement des inscriptions. (N° 520.)
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais évoquer avec vous les problèmes d'inscription dans les universités. J'avais eu l'occasion, l'an passé à la même époque, de recevoir un groupe d'étudiants qui m'avaient fait part des difficultés qu'ils rencontraient pour s'inscrire. En effet, leur inscription relevait plus du parcours du combattant que d'un simple acte administratif.
Je me suis donc rendu, à l'automne dernier, dans deux universités pour vérifier la réalité de ces affirmations.
Or j'ai pu constater, à ma grande stupéfaction, que, lors des inscriptions, des files d'attente particulièrement longues se forment et mobilisent les futurs étudiants pendant plusieurs heures. Il existe même une université où il faut faire la queue afin d'obtenir un ticket qui permet d'accéder à une autre file d'attente, au terme de laquelle un agent de bureau doit théoriquement enregistrer le dossier si celui-ci est complet. Cependant, une fois sur quatre, il le refuse, même s'il est complet, arguant de l'absence de pièces qui ne sont pourtant pas demandées dans le formulaire d'inscription.
Sans vouloir généraliser, j'observe que, dans ces deux facultés, entre dix et quinze heures sont en moyenne nécessaires pour procéder à une inscription.
Par ailleurs, je voudrais aussi évoquer la manière dont les étudiants sont traités par le personnel administratif dans ces universités. M'interdisant l'utilisation de qualificatifs désobligeants, je dirai simplement que les étudiants ne sont absolument pas respectés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que 1996 a vu se dérouler un grand débat et une concertation approfondie concernant la réforme de l'Université, peut-on envisager, pour la rentrée universitaire de 1997, que soient assouplies les modalités d'inscription des étudiants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, la mise en place, depuis plusieurs années, d'une procédure d'inscription télématique par minitel dans l'ensemble des universités a permis de simplifier considérablement les démarches des étudiants auprès des différents services et d'éviter, au moins en partie, la constitution des longues files d'attente que vous venez d'évoquer.
Ce système, dans son ensemble, a d'ores et déjà fait ses preuves, ce qui témoigne de l'efficacité des efforts entrepris par les services de la scolarité des universités, lesquelles sont au nombre de plusieurs dizaines en France.
A la demande des futurs étudiants, diverses mesures ont été prises : ainsi, les horaires d'ouverture des services procédant à l'inscription ont été élargis, des points d'accueil ont été créés afin de diriger les étudiants dans les locaux, les moyens en personnel ont été renforcés et instruction a été donnée - cela allait de soi, mais on pourrait faire mieux encore - de réserver un accueil positif et agréable aux étudiants qui viennent s'inscrire.
Enfin, l'accompagnement des candidats étudiants par des étudiants confirmés a été également instauré.
Il faut souligner que la procédure d'inscription se déroule désormais dans de meilleures conditions - c'est en tout cas ce que l'on a pu constater à partir de la rentrée de 1996. Néanmoins, ainsi que vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, on peut toujours faire mieux, en particulier pour ce qui concerne la rentrée de 1997.
Une note est en préparation, qui sera adressée aux recteurs et aux présidents d'université, et qui tend à les inciter à tout mettre en oeuvre afin de faciliter l'inscription des nouveaux étudiants.
Cela correspond d'ailleurs à la volonté exprimée par M. le Premier ministre d'encourager l'action de proximité de l'administration et de faire en sorte que nos concitoyens étudiants - et les autres aussi - soient encore mieux accueillis par les services publics.
En outre, dans le cadre de la réforme de l'Université, cinq groupes de mise en oeuvre ont, comme vous le savez, été mis en place : ils concernent la recherche, la vie étudiante, l'Université, les personnels et enfin l'organisation des études. Ces groupes réfléchissent aux différents aspects et moments de la vie étudiante, parmi lesquels l'inscription tient évidemment une place importante.
Le problème des inscriptions relève de trois de ces groupes, à savoir ceux qui se penchent sur la vie étudiante, l'Université et l'organisation du travail. Ils se sont déjà réunis au moins quatre fois, sous la présidence personnelle de M. François Bayrou.
Cette question transversale n'a cependant pas été appelée pour l'instant à l'ordre du jour ; il semble en effet que tous les acteurs de l'Université constatent une amélioration sensible sur ce point, mais elle mérite sans doute d'être à nouveau examinée, à la lumière notamment des informations que vous nous avez données, monsieur le sénateur.
M. François Bayrou reste, bien sûr, attentif à toutes les suggestions qui pourront être faites lors des prochaines réunions.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je remercie M. le secrétaire d'Etat des informations qu'il vient de nous donner. Je note avec plaisir que des commissions se réunissent pour faciliter la vie de l'Université - on ne peut que s'en féliciter - mais j'insiste pour que cette question des inscriptions soit inscrite à l'ordre du jour afin que l'on puisse enregistrer, à la rentrée de 1997, une amélioration sensible, même si, je le répète, il n'est pas question de généraliser les constatations que j'ai pu faire dans deux universités parisiennes.

INSUFFISANCE
DES MOYENS DE LA MÉDECINE SCOLAIRE

M. le président. Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés rencontrées par la médecine scolaire pour pouvoir remplir correctement ses missions.
Elle lui demande quelles mesures urgentes il envisage de prendre pour donner à la médecine scolaire des moyens nouveaux afin qu'elle puisse jouer son rôle dans le dépistage des pathologies, le traitement de certaines causes de l'échec scolaire et toute politique de prévention en matière d'éducation à la santé. (N° 530.)
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la question de la médecine scolaire connaît une dimension nouvelle en raison de l'évolution de certaines réalités.
La première réalité, c'est que, du fait de la crise sociale et de l'appauvrissement de la population, des problèmes nouveaux surgissent puis s'aggravent. Ainsi voit-on des enfants sous-alimentés, atteints d'insuffisances physiques ou connaissant des problèmes de santé et d'équilibre mental.
Or des enfants rencontrant des difficultés psychologiques et ne bénéficiant pas d'un traitement souffriront à l'âge adulte - permettez-moi de vous le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat - de troubles mentaux plus graves. En outre, des maladies telles que la tuberculose, mais aussi le saturnisme et le scorbut constituent toujours une menace grave, et la préservation de la santé et de l'équilibre de l'enfant requiert donc toujours une bonne médecine scolaire.
La deuxième réalité - le législateur l'avait bien compris au lendemain de la guerre, au moment où il fallait trouver des bras pour relever le pays et préparer les enfants à un avenir nouveau - c'est que l'école doit jouer un rôle en matière de prévention.
A cet égard, je citerai simplement l'ordonnance du 18 octobre 1945, qui prévoyait une visite médicale d'incorporation scolaire obligatoire pour tous les enfants au cours de leur sixième année, laquelle devait être effectuée dans des centres de médecine scolaire. Est-il nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous rappeler toutes les obligations scolaires en matière de santé, telles que la visite médicale, la mise à jour des vaccinations obligatoires, l'éviction temporaire des enfants atteints de certaines maladies, la justification d'absence pour cause de maladie, la réglementation en matière de sécurité et de prévention, la visite médicale à l'issue de la classe de troisième pour tous les élèves devant suivre un enseignement technique et professionnel, le droit à la scolarité pour les enfants handicapés, épileptiques, diabétiques ou asthmatiques ? Pour assurer le respect de ces obligations, des équipes de médecine scolaire doivent être constituées. Elles comprendront bien entendu un médecin scolaire, mais aussi une infirmière et une assistante sociale.
Cela me conduit à l'évocation d'une troisième réalité grave qui se trouve à l'origine de ma question, car il faut que des décisions soient prises à ce sujet.
Confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, les instructions de 1969, qui prévoient la constitution d'une équipe comportant un médecin, deux infirmières et une secrétaire pour un secteur de 5 000 élèves ? Votre réponse sera bien entendu importante, car il n'existe actuellement aucune équipe complète, alors que tous les secteurs regroupent plus de 5 000 élèves, sauf à Paris. On compte ainsi en moyenne un médecin pour 7 947 élèves, tandis que de nombreux collèges ont perdu leur infirmière et qu'un plus grand nombre encore n'ont plus d'assistante sociale.
Confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que la médecine scolaire n'est plus en état de mettre en oeuvre les solutions globales que suppose l'accomplissement de sa mission ? Il faut savoir que les réponses à tout problème sont, bien entendu, des réponses d'équipe. En effet, elles ne sont pas exclusivement médicales, car elles concernent également la vie sociale, la vie familiale et les services de santé, de la justice et de l'aide sociale à l'enfance.
Quelles sont donc vos réponses pour la médecine scolaire, mais également pour la médecine du travail, chargée des personnels de l'éducation, car la médecine préventive universitaire compte actuellement 100 % de vacataires ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Madame le sénateur, je voudrais vous répondre assez longuement sur cette question très importante de la médecine scolaire.
Le Nouveau contrat pour l'école a notamment eu pour objectif prioritaire d'améliorer l'encadrement des élèves et de reconnaître le rôle des personnels non enseignants. C'est ainsi que les conditions d'exercice de la médecine scolaire ont fait l'objet d'une attention particulière.
Depuis 1993, la logique s'est inversée : désormais, on crée des postes dans ce secteur.
Tout d'abord, il faut rappeler que M. François Bayrou a rompu avec une évolution préjudiciable en ce domaine, consistant à supprimer des emplois, notamment des emplois d'infirmières. Aussi, les budgets de 1995 et de 1996 ont permis l'augmentation des effectifs de tous les personnels de la médecine scolaire.
Antérieurement au transfert de la médecine scolaire à l'éducation nationale, intervenu le 1er janvier 1991, le potentiel global en médecins titulaires, contractuels et vacataires était de 1 423 équivalents-temps plein ; lors de la dernière rentrée scolaire, les moyens globaux en personnels médicaux s'élevaient à 1 769 équivalents-temps plein, ce qui représente une progression de plus de 24 %, et le taux moyen d'encadrement, qui était en 1990 de un médecin pour 8 700 élèves, s'élevait à un médecin pour 7 200 élèves. Le taux s'est donc considérablement amélioré.
Les médecins scolaires exercent certes, parfois, dans des conditions difficiles, mais la création du corps des médecins de l'éducation nationale et une formation initiale et continue de haut niveau ont permis de fidéliser un personnel médical particulièrement compétent et ont donné les moyens d'orienter leur action vers des priorités telles que la réussite scolaire et l'intégration sociale, la prévention des conduites addictives et des maladies sexuellement transmissibles, le bon usage des soins, thèmes que vous avez développés tout à l'heure.
Toutes ces actions sont menées grâce aux efforts conjoints de l'équipe - médecin, infirmière et assistante sociale - désormais bien intégrée à la communauté éducative, mais aussi au partenariat extra-institutionnel.
Ainsi, les décisions budgétaires ont permis à la fois à la médecine scolaire de mieux réaliser ses missions traditionnelles, mais aussi de l'orienter vers de nouvelles priorités telles que la réussite scolaire et l'intégration sociale, la prévention des conduites addictives et des maladies sexuellement transmissibles, l'observation, l'enquête et le conseil en matière d'environnement scolaire.
Ces actions, auxquelles M. François Bayrou est très attaché, seront poursuivies et ne sont pas remises en cause par les choix budgétaires décidés pour 1997 par le Gouvernement. Les réductions d'effectifs imposées par la nécessaire maîtrise des dépenses publiques n'auront aucune incidence sur le nombre des emplois de médecin actuellement inscrits au budget de l'éducation nationale.
Afin d'atteindre l'objectif fixé par le Nouveau contrat pour l'école, à savoir une infirmière pour chaque établissement de plus de 500 élèves, la loi de programmation du 13 juillet 1995 a mis au point un plan quinquennal de créations d'emplois d'infirmière portant sur 739 emplois : 140 en 1995, 200 en 1996 et 1997, 150 en 1998 et 49 en 1999. Le nombre effectif de créations est de 202 : 100 en 1995 et 102 en 1996. La répartition des créations d'emplois s'est effectuée au prorata des effectifs scolarisés dans les établissements de plus de 500 élèves ; en outre, des emplois supplémentaires ont été attribués à des établissements particulièrement prioritaires : les lycées professionnels, les établissements régionaux d'enseignement adapté, les établissements en zone d'éducation prioritaire - ZEP - comportant des sections d'enseignement spécial - SES.
Le ratio d'encadrement est passé de une infirmière pour 2 557 élèves environ en 1994 à une infirmière pour 2 490 élèves environ en 1995.
Dans le même souci d'améliorer l'encadrement des élèves par des adultes, chaque bassin de formation doit bénéficier d'au moins deux assistantes sociales. La loi de programmation a prévu, selon un plan quinquennal, la création de 235 emplois. Cent huit ont été effectivement créés en deux ans : 50 en 1995, 38 en 1996 auxquels s'ajoutent 20 emplois supplémentaires créés au titre de la prévention de la violence à l'école. Ces emplois ont, comme pour ceux d'infirmières, été affectés en tenant compte du caractère spécifique des établissements.
Vous le constatez, les médecins scolaires et les assistantes sociales dont la nécessité s'impose sur le terrain constituent bien des priorités pour le ministre de l'éducation nationale.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne peut me satisfaire et elle sera, je crois, source de nouvelles difficultés.
Vous confirmez la création de quelques postes supplémentaires de médecin, soit à peine un poste par département, ce qui portera à 1 222 le nombre de personnels titulaires. Vous confirmez également la création de quelques postes supplémentaires portant le nombre d'assistantes sociales à 2 194 et d'infirmier à 5 130. Nous sommes, bien entendu, très loin des chiffres avancés par la profession. En effet, celle-ci estime qu'il manque près d'un millier de médecins et autant d'assistantes sociales et d'infirmiers.
Les chiffres publiés notamment par la revue Adolescents font apparaître que, parmi ceux qui ont entre 11 et 19 ans, 38 % ont des problèmes de vue, non corrigés dans 15 % des cas, et 72 % ont besoin de soins dentaires. Toujours au sein de cette catégorie d'âge, 42 % ont des difficultés de sommeil et 50 % se réveillent fatigués.
Ces chiffres traduisent des besoins que renforcent la malnutrition et une nouvelle diffusion de la pauvreté, mais également de graves problèmes psychologiques.
La baisse de fréquentation des cantines scolaires touche les familles les plus pauvres. Dans certains collèges de banlieue, moins de dix élèves fréquentent le restaurant scolaire. Un rapport officiel de l'inspection générale de l'éducation nationale vient de confirmer l'extension des phénomènes de malnutrition chez les enfants scolarisés.
Il s'agit donc bien d'un problème d'intérêt national, qui émeut tout le pays. Or le Gouvernement ne semble pas vraiment prendre conscience de la situation.

AVENIR DES CENTRES RÉGIONAUX
DES OEUVRES UNIVERSITAIRES ET SCOLAIRES

M. le président. M. Ivan Renar interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'avenir des CROUS.
L'inquiétude existe parmi les personnels des différents CROUS quant au maintien des missions de service public.
Déjà, des déclarations faites à l'occasion des états généraux de l'Université pouvaient laisser craindre une modification de la gestion et de l'objet des oeuvres universitaires.
Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement dans ce domaine. (N° 523.)
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'issue des états généraux de l'Université avait été annoncée la mise en chantier d'une prochaine réforme des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Aujourd'hui, de nombreuses craintes subsistent quant à l'avenir de notre service public d'aide sociale universitaire.
S'il ne s'agissait, dans vos projets, que de développer l'implication citoyenne des étudiants dans la gestion des oeuvres universitaires, et dans le cadre de leur revalorisation, il y aurait peu à redire.
Mais la réalité est tout autre. Sous couvert de citoyenneté et d'exigence d'un réel statut de l'étudiant, c'est, à terme, le service public même qui est menacé.
Déjà, le désengagement de l'Etat est tangible dans les deux missions fondamentales des CROUS : la restauration et l'hébergement. Il ne serait qu'aggravé au profit de sociétés privées qui trouvent dans ces activités des marchés très porteurs !
Depuis 1983, la parité du prix du ticket entre l'Etat et l'étudiant a été abandonnée. Le désengagement de l'Etat a été de 88 % en quatorze ans ! Le glissement est le même en ce qui concerne l'hébergement, le privé se taillant la part belle sur les constructions, avec toutes les conséquences sur les prix des loyers.
Renoncer à ces missions pour recentrer l'activité des CROUS sur les seules missions, dites nobles, de versement des aides directes - bourses aux étudiants, programmes européens interuniversitaires de développement de type COMETT, ERASMUS, LINGUA - serait serait lourd de conséquences sur le plan social.
Peut-on considérer comme insignifiante, voire inutile, l'aide à la restauration et à l'hébergement pour ne plus s'en préoccuper ?
Dans ce contexte de difficultés économiques accrues, renforcé par une insuffisance notoire des bourses universitaires, l'aide sociale à l'hébergement et à la restauration est déterminante.
L'heure n'est pas à une restriction de l'aide aux étudiants et des missions des CROUS ; elle n'est pas non plus au statu quo et à l'immobilisme : il convient, en effet, de redéfinir les missions élargies d'un véritable service public des oeuvres universitaires. Cela ne saurait exister sans la prise en compte d'un véritable statut du personnel des CROUS. A une mission de service public doit correspondre un statut bénéficiant des garanties du statut général de la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'exigence d'un véritable statut de l'étudiant, la volonté de participer davantage à la vie et aux décisions des universités sont légitimes. Elles ne doivent pourtant pas servir de prétexte à une réduction de l'aide sociale et à des privatisations préjudiciables à tous. A un moment où, le débat social rebondit, votre réponse sera étudiée avec attention.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétariat d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, coordonnés par le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, apportent aux étudiants un service qu'ils apprécient. Ils gèrent la restauration universitaire, l'hébergement - plus de 150 000 chambres aujourd'hui - ainsi que les programmes européens Socrates, Léonardo et Tempus. Leur budget total dépasse 6 milliards de francs. Ce mois-ci, ils mettent en place, dans toutes les académies, par télématique, un dossier social étudiant unique destiné aux étudiants ou futurs étudiants sollicitant une bourse d'enseignement supérieur ou un logement en résidence universitaire.
Par ailleurs, ce sujet est actuellement à l'étude dans le cadre du groupe de mise en oeuvre de la réforme de l'Université chargé des questions de la vie étudiante.
Je vous en prie, monsieur le sénateur, ne faites pas de procès d'intention. En effet, le secteur public n'est pas menacé. Le CNOUS et les CROUS jouent un rôle essentiel, et il n'est évidemment pas dans l'intention du ministre de l'éducation nationale de supprimer les oeuvres universitaires, qui devront au contraire se développer et s'adapter. Il a été demandé au directeur du CNOUS de réfléchir, avec les organisations étudiantes, aux meilleurs moyens de développer la participation de ceux-ci aux instances des CROUS ou du CNOUS, car il nous semble légitime que les étudiants de 1997 aient davantage la possibilité de s'exprimer sur les priorités des oeuvres universitaires.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'Etat, ne voyez pas dans mes propos un procès d'intention. Cependant, votre réponse est loin de me rassurer, car les problèmes sont réels. Vous savez bien que l'un des enjeux majeurs auxquels est confrontée notre société consiste à offrir au plus grand nombre de jeunes possible une formation supérieure de haut niveau permettant leur entrée dans la vie professionnelle et de faire de chacun un citoyen maître de son destin et de son environnement. C'est cela la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Or, vous le savez bien, un des obstacles à cette démocratisation est la sélection sociale. Au sein d'une classe d'âge, 63 % des jeunes sont inscrits à l'Université. C'est bien ! Toutefois, combien réussissent, combien renoncent faute d'argent pour se nourrir, se loger et payer les études ? Une autre question se pose : combien d'enfants de chômeurs, de RMIstes et d'ouvriers fréquentent l'Université ?
On sait bien que l'origine sociale demeure un critère de sélection. On sait aussi que les CROUS, dans la mesure de leurs moyens, permettent d'atténuer ces problèmes. Cependant, comme je l'ai rappelé lors du débat budgétaire, le partage du savoir s'effectue de manière encore trop inégale, les connaissances sont toujours monopolisées par le haut de l'échelle.
Parler de réforme des oeuvres universitaires, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est parler de tout cela, c'est engager la réflexion sur cette nécessité de justice sociale qu'est l'égalité des chances. Or, il n'y a pas dans vos propos, et je le regrette, d'élément rassurant à cet égard.

SITUATION DE LA PRESSE ÉCRITE

M. le président. La presse écrite est en proie à de très importantes difficultés. Nombre d'observateurs parlent à juste titre de 1997 comme de l'année de tous les dangers.
Les timides avancées budgétaires votées par le Sénat sont loin de remédier à cette situation. Plus que d'autres, les titres bénéficiant de faibles ressources publicitaires pâtissent de la baisse des aides d'Etat. L'état actuel des négociations presse-poste fait peser les plus grandes menaces sur le système d'aide au lecteur, clé de voûte de la liberté de la presse.
En conséquence, M. Ivan Renar demande au ministre de la culture de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre pour garantir le maintien de la pluralité des titres de la presse écrite. (N° 521.)
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après plusieurs mois de négociations relatives à l'aide au transport de la presse, un protocole a été signé entre le Gouvernement et la plupart des organisations professionnelles, qui fixe une nouvelle grille de tarification postale. On ne peut qu'éprouver de l'inquiétude sur les conséquences de la situation ainsi créée : inquiétude face aux conséquences économiques des modifications envisagées ; inquiétude aussi face à une modification de la conception même de la presse par l'Etat, considérée aujourd'hui plus comme un produit que comme un élément démocratique d'information et de formation du citoyen.
C'est cette dernière conception qui avait prévalu dès la Révolution française pour l'instauration de tarifs postaux préférentiels. La loi du 4 thermidor an IV considérait qu'il convenait « de faciliter la circulation des ouvrages périodiques pour encourager la libre communication des pensées entre les citoyens de la République ».
Un des critères essentiels qui a toujours prévalu pour la tarification reposait sur le poids des publications, donc sur la part de publicité. Plus une publication était lourde, plus elle était censée comporter de publicité.
Ainsi existait un système de solidarité entre les titres, les plus riches aidant les plus pauvres.
Tout cela est donc remis en cause par le désengagement de l'Etat, et l'abandon par La Poste de ses missions de service public.
Si tous les titres seront touchés par des hausses globales de 50 %, certains le seront plus que d'autres. Je pense à la presse hebdomadaire, à la presse professionnelle spécialisée, dont l'essentiel des ventes se fait par abonnement.
Ces titres ne sont, pour ainsi dire, pas en kiosque, car ils ne peuvent payer le « droit d'entrée » !
Je pense également à la presse d'opinion, qui souffre déjà d'un manque important de recettes publicitaires.
Les écrêtements divers n'y changent rien. Ce sont de nouvelles augmentations inacceptables dans ce contexte d'austérité et la remise en cause d'une aide au lecteur.
Une idée majeure était jusqu'à présent le fondement de ce qui constitue, en fait, une aide aux lecteurs : c'est l'affirmation que « la presse n'est pas une marchandise comme les autres », et singulièrement la presse d'information politique et générale, élément de pluralisme et de citoyenneté. Le service public de La Poste, la SNCF, ainsi que l'Etat directement se considéraient tenus de contribuer à ce que chaque lecteur le souhaitant puisse recevoir dans les meilleurs délais et au même tarif, quel que soit son lieu d'habitation, le journal de son choix.
Aujourd'hui, ces notions mêmes sont remises en cause au nom de ce que le protocole nomme pudiquement « la neutralité économique », pour ne pas dire la loi de l'argent.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que notre pays conserve une presse pluraliste et que soit garanti le libre accès de chaque citoyen au journal de son choix ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur Renar, je tiens tout d'abord à vous dire combien M. le ministre de la culture est attentif à la situation économique difficile que connaît aujourd'hui la presse : 1996 aura effectivement été une année délicate pour nombre d'entreprises de presse.
Il faut toutefois reconnaître que, selon les « familles » de presse, les situations ne sont pas tout à fait homogènes. Ainsi, la presse magazine a, dans son ensemble, vu ses ressources publicitaires augmenter : ces dernières connaissent même un taux de progression supérieur à celui des chaînes de télévision, ce qui est réconfortant.
En revanche, la situation de la presse d'information - c'est, je pense, surtout celle-là qui vous intéresse, monsieur le sénateur - notamment celle de la presse quotidienne, est demeurée difficile, avec une diffusion et des ressources publicitaires stables ou en très faible progression.
Il n'y a donc pas à proprement parler de « crise de la presse ». Il s'agit plutôt d'une situation difficile pour la presse quotidienne, plus spécialement la presse d'information.
Dans ce contexte, les entreprises de presse ont été d'autant plus sensibles aux réformes qui ont eu lieu en 1996 et qui s'appliquent cette année. Je pense, en particulier, au grand chantier des rapports entre la presse et La Poste. Sur ce dossier « presse-Poste », le ministre a, au cours de l'année passée, constamment défendu le principe du ciblage de l'aide postale, qui s'élève - faut-il le rappeler ? - à près de 4,5 milliards de francs. Il s'agit de cibler, au bon sens du terme, la presse d'information générale et politique, afin de limiter la progression des tarifs postaux pour cette forme de presse, qui est essentielle par son apport au débat démocratique et qui est également la plus fragile en termes économiques.
Ces accords prévoient également le maintien d'un traitement spécifique et plus avantageux pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires.
Pour l'année 1997, et dans le cadre du débat budgétaire de la fin de l'année dernière, M. le ministre de la culture a obtenu et fait adopter par le Parlement deux mesures qui semblent essentielles pour garantir l'avenir de la presse.
Tout d'abord, un abondement de 30 millions de francs des aides budgétaires directes à la presse permet de maintenir en 1997 les aides au niveau effectif de 1996.
Je rappellerai que la subvention de l'Etat aux quotidiens à faibles ressources publicitaires a augmenté de 25 % en 1996 et qu'elle sera maintenue à ce niveau de 15,7 millions de francs en 1997.
Par ailleurs - c'est la seconde mesure - le dispositif d'aide à l'investissement pour les entreprises de presse prévu à l'article 39 du code général des impôts est reconduit ; l'aide à l'investissement sera d'ailleurs élargie, à partir de 1997, aux investissements dans le multimédia et le portage des journaux.
M. le ministre de la culture est très heureux de vous annoncer la mise en place effective du fonds Presse et Multimédia. Conformément aux engagements qu'il avait pris lors de la discussion du projet de budget de la communication pour 1997, ce fonds d'aide à l'investissement de la presse dans le multimédia a été doté de 20 millions de francs, et il est opérationnel à compter d'aujourd'hui.
Le maintien en 1997 de l''effort de l'Etat en faveur de la presse à son niveau de 1996 ne doit pas pour autant nous interdire de réfléchir à une évolution des dispositifs d'aide existants, afin de mieux les adapter aux besoins des entreprises de presse, lesquelles vont connaître dès cette année le bouleversement du multimédia.
C'est la raison pour laquelle le ministre de la culture rencontrera, dans les prochains jours, les différents représentants de la presse pour envisager avec eux les adaptations qui pourraient être apportées aux dispositifs existants d'aide à la presse.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux me déclarer ni satisfait ni rassuré par votre réponse. L'année 1997 va donc être, pour la presse, l'année de tous les dangers. Je ne peux m'empêcher de reprendre cette formule du président du syndicat de la presse quotidienne régionale, qui se demandait, voilà quelque temps, s'il n'y avait pas, de la part de l'Etat, « une véritable intention de nuire ».
L'aide postale préférentielle est considérée à juste titre comme une aide au lecteur. C'est un principe fondamental de la démocratie, ainsi que je l'ai rappelé tout à l'heure. C'est cela qui est remis en cause. Les négociations qui se sont tenues ont été des négociations de type client-fournisseurs. Or les journaux ne sont pas des marchandises comme les autres.
Mais je n'oublie pas les conséquences économiques : la presse écrite, notamment la presse d'opinion, est au bord de l'asphyxie.
En 1995, c'était l'envolée du prix du papier : plus 50 %.
En 1996, malgré les promesses, les augmentations des fonds d'aide aux journaux à faible capacité publicitaire n'ont pas été versées intégralement.
En 1997, c'est un budget en régression que ne compenseront pas les hausses votées par le Sénat. C'est encore la suppression de l'abattement de 30 % dont bénéficiaient les journalistes, sans que soit levée l'hypothèque pesant sur les répercussions pour les organes de presse. C'est aussi le refus d'abonder les fonds d'aide prélevés sur les recettes publicitaires en augmentation des chaînes de télévision.
C'est, enfin, la hausse globale de 50 % des tarifs postaux, mesure qui aura des conséquences vitales pour un certain nombre de journaux alors qu'elle est dérisoire pour le budget de la Poste.
Monsieur le secrétaire d'Etat, plus on s'inquiète pour la presse, plus le Gouvernement parle de défense du pluralisme et plus les mauvais coups tombent ! C'est certainement la plus grave atteinte au pluralisme de la presse en matière d'aides publiques depuis la Libération, et c'est un coup porté contre l'exercice de la liberté d'opinion.
La question reste posée, monsieur le secrétaire d'Etat : veut-on rendre impossibles les conditions d'une presse pluraliste, veut-on faire disparaître de nouveaux titres du paysage de la presse française ?
Je n'accepte pas cette perspective. Il s'agit non pas d'un problème professionnel, mais bien d'une question de citoyenneté ; je ferai tout pour que les démocrates aient à coeur de relever ce défi.

DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
PAR LES PME À L'EXPORTATION

M. le président. M. Paul Girod attire l'attention de M. le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur sur les difficultés à l'exportation rencontrées par les PME. Seules les grandes entreprises sont habilitées à exporter, car elles peuvent financer des cadres capables de gérer les problèmes rencontrés.
En revanche, il semblerait que les procédures d'aides aux PME, nombreuses mais complexes, devraient être dynamisées.
La complémentarité des départements, des DRCE, les directions régionales du commerce extérieur, des agences régionales à l'exportation, des chambres de commerce et d'industrie, les CCI, permettrait une meilleure répartition des budgets affectés à des actions d'exportation, les coûts ne correspondant pas aux résultats constatés.
En Picardie, une DRCE de quatre personnes, une DRIRE, direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, d'une personne et, enfin, une CCI sans aucun professionnel de ce métier sont des exemples qui traduisent l'apparente inadéquation évoquée.
Il demande donc à M. le ministre quelles mesures il envisage d'adopter à cet égard. (N° 528.)
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, j'ai déjà eu l'occasion, lors du débat budgétaire, d'attirer votre attention sur mon souci de voir les entreprises françaises, notamment les petites et moyennes entreprises, se battre à l'exportation avec le maximum d'atouts. Les PME, quelle que soit leur envie d'aborder ces marchés difficiles, se trouvent bien souvent dans l'incapacité de le faire.
Divers organismes ont pour mission d'épauler les PME en cette matière. C'est notamment le cas de la direction régionale du commerce extérieur, la DRCE, dont les moyens sont tout de même extraordinairement limités. Trop souvent, me semble-t-il, la réponse au souci de ces petites et moyennes entreprises est à caractère quasiment administratif et, par conséquent, relativement inefficace.
En Picardie, par exemple, la DRCE compte trois personnes, et la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, une personne ; cela pose parfois des problèmes de coordination, mais la qualité des hommes est grande dans tous les cas. Nous disposons également d'un certain nombre d'intervenants dans les chambres de commerce et d'industrie, mais sans spécialisation absolue, d'une agence régionale d'exportation, et, ici ou là, des actions ponctuelles des agences de développement. Tout cela converge vers le même but, mais quelquefois dans un certain désordre. Trop souvent, je le répète, la réponse, par manque de moyens individuels de chaque intervenant, est plus administrative qu'autre chose : en effet, un effectif de trois personnes à la DRCE est trop important pour diffuser uniquement des imprimés, mais insuffisant pour traiter des cas particuliers d'exportation, ou ne permet alors de traiter qu'un petit secteur.
Tout cela me semble devoir être dynamisé, de la même manière que devrait à mon avis être dynamisée l'attitude de la COFACE, la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, vis-à-vis des exportateurs.
Je sais bien que l'opération « 2 000 nouveaux exportateurs » qui, je pense, est une opération de coordination, est en cours.
Néanmoins, monsieur le ministre, comment envisagez-vous d'aboutir à une meilleure efficacité globale, sans perte de dynamisme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure. ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Effectivement, monsieur Paul Girod, nous avons déjà eu l'occasion, lors du dernier débat budgétaire, d'évoquer les moyens dont dispose l'Etat pour aider les petites et moyennes entreprises à exporter. A partir de l'exemple de votre région Picardie, vous avez cité des cas concrets démontrant l'adaptation insuffisante de notre dispositif.
En réponse à votre question et au nom de M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, je rappellerai, d'une part, les initiatives qui ont déjà été prises par le Gouvernement et, d'autre part, les mesures complémentaires envisagées à la suite d'observations et de suggestions du type de celles que vous avez formulées.
Parmi les mesures qui sont déjà en cours d'application, je citerai l'opération « Partenariat France », qui vise à faire bénéficier les petites et moyennes entreprises de l'expertise et du soutien logistique des grandes entreprises. Cette opération a déjà mobilisé l'ensemble des services dans les régions pour identifier plusieurs dizaines d'entreprises candidates. Elle a bien fonctionné au cours de la première année ; M. le ministre de l'économie et des finances et M. le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ont remis, au mois de décembre, les premiers prix à l'Aérospatiale, d'une part, et à Carrefour, d'autre part. Ces grandes entreprises ont en effet été les meilleures pour parrainer en quelque sorte les efforts à l'exportation des petites et moyennes entreprises.
J'en viens à la deuxième initiative : M. Yves Galland, en accord avec M. le ministre de l'économie et des finances, a décidé de créer, au sein de la direction des relations économiques extérieures, une sous-direction spécialement à la disposition des petites et moyennes entreprises.
Troisième initiative : il a été demandé aux 160 postes d'expansion économique qui nous représentent à l'étranger de désigner chacun un correspondant chargé des petites et moyennes entreprises, et il a été souhaité que l'adjoint des chefs de poste en soit systématiquement le responsable.
Enfin, quatrième initiative : en 1996, la réforme des organismes de soutien au commerce extérieur - le Centre français du commerce extérieur, le CFCE, le Comité français des manifestations économiques à l'étranger, le CFME, l'Agence de coopération technique, industrielle et économique, l'ACTIM - a été engagée, en vue de simplifier le dispositif et de développer un véritable service d'information et de promotion pour les PME, notamment de créer un réseau informatique centralisé à la disposition des entreprises. Le CFME et l'ACTIM sont déjà juridiquement fusionnés et, prochainement, ce nouvel ensemble fera partie, avec le CFCE, d'un nouveau groupement d'intérêt public.
Je vous ai donc cité ce qui est déjà en cours.
Mais cela ne suffit pas, et c'est la raison pour laquelle nous entreprenons des actions complémentaires, en particulier dans deux domaines. Tout d'abord - cela répond à l'une des observations critiques que vous venez de faire, monsieur le sénateur - nous engageons un effort pour réduire la multiplicité des intervenants au niveau local, multiplicité qui, comme vous l'avez dit, rend trop complexe la tâche des PME. L'objectif est d'arriver à constituer un guichet unique au niveau départemental, le plus souvent la chambre de commerce et d'industrie ; mais je note que, dans votre région, des améliorations doivent être apportées de ce point de vue, sur un plan tant quantitatif que qualitatif.
Nous avons entrepris une vaste consultation avec les différents acteurs du commerce extérieur pour réfléchir à la meilleure concertation à organiser sur le plan régional. Cette consultation débouchera, dans les prochaines semaines, vraisemblablement à la fin du mois de mars, sur la réunion des assises nationales de l'exportation, qui permettra de faire la synthèse des avis reçus.
Enfin, une autre voie de réforme actuellement en cours d'étude est l'adaptation des procédures de soutien aux efforts d'exportation et d'investissement, afin de les rendre plus accessibles aux PME, en particulier en simplifiant les critères d'aide.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement progresse donc dans la voie que vous avez décrite. La conférence nationale sur les PME, que présidera le Premier ministre la semaine prochaine, permettra de faire un bilan et de donner un nouvel élan à ces réformes. J'ajouterai que, si vous avez connaissance, dans votre département, d'un certain nombre de cas concrets d'entreprises pour lesquelles une aide adaptée vous paraît nécessaire, M. Yves Galland et les services du ministère de l'économie et des finances se tiennent bien entendu à votre disposition.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments d'information que vous venez de nous fournir. Permettez-moi cependant de formuler deux voeux.
Le premier, c'est que toutes ces réformes ne soient pas menées dans un souci excessif de perfectionnisme administratif. (Très bien ! sur les travées du RPR.) En effet, nous avons trop souvent l'expérience d'excellentes intentions politiques au niveau national qui, sur le terrain, se transforment en accumulation de formulaires, de papiers, de démarches complémentaires qui se situent exactement à l'opposé de ce qu'est la vie des petites et moyennes entreprises.
Mon second voeu, monsieur le ministre - je reviens en cela sur les propos que nous avons échangés voilà quelques semaines - c'est que les administrations de l'ensemble de notre pays aient la volonté d'aller chercher des parts de marché « avec les dents », comme on dit, à l'instar de ce que font les Allemands avec le soutien de l'ensemble de leurs organisations collectives.
Tant que nous n'aurons pas totalement compris, non seulement au sein des administrations en charge du commerce extérieur mais dans l'ensemble des administrations de notre pays, que la croissance économique ne se situe plus seulement en Europe mais est aussi ailleurs et qu'il faut aller la chercher, nous n'aurons rien compris. Donner plus d'air à une entreprise, c'est aider l'ensemble du pays.
Cela étant, j'ai bien le sentiment que le Gouvernement en est persuadé, mais je souhaite que toutes les administrations le soient aussi.
M. Christian Demuynck. Très bien !

BILAN DE L'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE

À LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME ET L'ALCOOLISME M. le président. M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur l'application de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, dite « loi Evin », et en particulier sur son article 13, qui prévoyait qu'un rapport d'évaluation devrait être soumis au Parlement deux et cinq ans après sa mise en application.

Si certains aléas justifient le retard pris dans la mise en oeuvre du dispositif complet prévu par la loi précitée, et donc l'absence de matérialisation de cette obligation légale, il convient désormais de dresser un constat de la situation actuelle après plus de cinq ans d'application, à partir des données objectives disponibles et connues de tous les acteurs de santé publique.
D'ailleurs, un comité d'évaluation a été mis en place pour le tabac dès 1994. Il devrait en être de même pour l'alcool.
En effet, compte tenu des désordres juridiques - dont l'exemple majeur reste la question des retransmissions à la télévision de manifestations sportives se déroulant à l'étranger - et des conséquences économiques et sociales - pour les entreprises du secteur des boissons alcoolisées mais aussi pour les domaines d'activité soutenus financièrement par ces sociétés, tels que les médias - provoqués par la loi Evin, il est nécessaire de s'interroger sur l'impact de l'intégration de mesures limitant le contenu et les vecteurs de la publicité dans un dispositif public de lutte contre l'alcoolisme.
Rappelons en effet que l'objectif principal de la loi du 10 janvier 1991 était de réduire les conséquences de la consommation excessive d'alcool prioritairement auprès des jeunes, et que cet objectif s'inscrivait dans une politique globale de prévention, dont il est permis, quelques années après, de remettre en cause l'efficacité.
La réponse à la question écrite n° 15171 du 25 avril 1996 de M. Emmanuel Hamel fait justement référence à « l'évaluation de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme qui sera réalisée au cours de l'année 1997 ».
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui confirmer sa volonté de procéder à cette évaluation dans les meilleurs délais. (N° 486.)
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne l'application de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, dite « loi Evin », dont l'article 13 prévoyait qu'un rapport d'évaluation serait soumis au Parlement deux ans, puis cinq ans, après sa mise en application.
Si certains aléas justifient le retard pris dans la mise en oeuvre du dispositif complet prévu par la loi précitée, et donc l'absence de matérialisation de cette obligation légale, il me semble désormais nécessaire de dresser un constat de la situation actuelle après plus de cinq ans d'application, à partir des données objectives disponibles et connues de tous les acteurs de santé publique.
Au demeurant, un comité d'évaluation a été mis en place pour le tabac dès 1994. Il devrait en être de même pour l'alcool.
En effet, les désordres juridiques - dont l'exemple majeur, que chacun connaît, reste la question des retransmissions à la télévision de manifestations sportives se déroulant à l'étranger - et les conséquences économiques et sociales pour les entreprises du secteur des boissons alcoolisées et pour le secteur viticole, qui constitue précisément l'une des richesses économiques de mon propre département, sont telles que l'on ne peut que s'interroger sur l'impact de l'intégration de ces mesures limitant le contenu et les vecteurs de la publicité au sein du dispositif public de lutte contre l'alcoolisme.
Rappelons que l'objectif principal de la loi du 10 janvier 1991 était de réduire les conséquences de la consommation excessive d'alcool, prioritairement auprès des jeunes. Cet objectif s'inscrivait dans une politique globale de prévention dont, quelques années après, on peut mettre en cause la réelle efficacité.
De nombreux parlementaires sont intervenus sur ce sujet. En réponse à l'une de ces démarches - la question écrite du 25 avril 1996 de notre collègue M. Emmanuel Hamel - vous précisiez justement, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette évaluation serait réalisée au début de l'année 1997.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous confirmiez cette annonce. Je vous en remercie à l'avance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, comme vous le soulignez, un certain nombre de contraintes ont conduit à différer l'évaluation de la loi du 10 janvier 1991 et, par conséquent, la présentation d'un premier rapport au Parlement sur ce sujet.
Il s'agit, tout d'abord, des contraintes liées à l'entrée en vigueur de ce texte, dont les dispositions, pour l'essentiel, ne prenaient effet qu'à compter du 1er janvier 1993.
Il s'agit, ensuite, des difficultés relatives à l'élaboration de certaines mesures d'application.
Il s'agit, enfin, de la modification apportée par la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier à la publicité par affichage pour l'alcool, sans limitation réglementaire.
Aujourd'hui - vous avez raison de le rappeler, monsieur le sénateur - il est devenu indispensable de disposer dans les meilleurs délais d'un outil d'évaluation de la loi de 1991, afin de pouvoir juger de l'efficacité de ces mesures sur la consommation d'alcool, notamment auprès des jeunes.
Cette évaluation sera conduite en 1997, je le confirme bien volontiers ici. Le commissariat général du Plan sera ainsi chargé de coordonner le dispositif interministériel d'évaluation des politiques publiques.
L'évaluation aura notamment pour finalité d'estimer l'impact des dispositions législatives sur la population et leur effet relatif sur les comportements de consommation. Elle visera aussi à en apprécier, pour l'avenir, le caractère approprié et proportionné en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Cette évaluation sera accomplie à la demande du ministère du travail et des affaires sociales, et le commissariat général du Plan s'est déjà mis au travail. Il le poursuivra activement tout au long de l'année. L'évaluation sera menée par une instance indépendante et pluridisciplinaire, composée d'une quinzaine de personnes et comprenant des représentants des principaux ministères concernés, des personnalités qualifiées et des élus. Elle aura notamment pour finalité d'estimer l'impact des dispositions législatives sur la population et leur effet relatif sur les comportements de consommation mesurables.
Enfin, comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le sénateur, les aspects juridiques et socio-économiques relèveront également du champ de l'évaluation de la loi : cette dernière visera aussi à en apprécier, pour l'avenir, le caractère approprié et proportionné en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'information que je suis en mesure de vous apporter aujourd'hui.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat, et je prends acte de la volonté du Gouvernement de faire procéder à cette évaluation en 1997 dans les meilleurs délais.
Il est vrai que de nombreuses questions demeurent, même si elles sont annexes par rapport à la politique de lutte contre l'alcoolisme - je pense notamment à la publicité - et nous souhaitons tous que le bilan que vous nous avez annoncé puisse y répondre.

PROBLÈMES POSÉS PAR LA COMMERCIALISATION
DES BOISSONS DE TYPE « PRÉMIX »

M. le président. M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la commercialisation des boissons de type « prémix » ; le phénomène, lancé pendant l'été, est manifestement poursuivi aujourd'hui. Non seulement les affichages muraux vantent les mérites de ces boissons, mais on voit aussi tous les vendeurs de grandes surfaces arborer des tee-shirts publicitaires.
L'avis qu'il avait sollicité du conseil supérieur d'hygiène publique avait mis en évidence que, si « la commercialisation de ces produits (était) poursuivie », des mesures s'imposeraient.
Le maintien de cette commercialisation étant maintenant parfaitement établi, il souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour éviter que, par le biais de ces boissons, les plus jeunes ne soient attirés par des alcools forts. (N° 494.)
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne les boissons de type « prémix », sujet sur lequel nous avons déjà eu l'occasion de nous entretenir, au moins par courrier.
Nos préoccupations sont un peu les mêmes, me semble-t-il : il s'agit de la protection des jeunes auxquels on offre, sous la forme anodine d'un soda, la découverte des plaisirs - mais sont-ce vraiment des plaisirs ? - de l'alcool fort. En la matière, l'habitude risquerait de conduire à une certaine mansuétude.
Si la commercialisation devait prendre des proportions trop importantes, il conviendrait d'arrêter des mesures. Or, aujourd'hui, nous constatons que non seulement de la publicité est faite sur les murs, mais aussi que des initiatives sont prises par certaines grandes surfaces où des jeunes sont vêtus de tee-shirts vantant les boissons « prémix. »
A cet égard, des précautions particulières doivent être prises et j'aurais souhaité connaître vos intentions dans ce domaine.
Par ailleurs, j'ai reçu ce matin un projet de charte déontologique élaboré par un organisme dénommé « Entreprise et Prévention ». Ce projet présente-t-il un intérêt ? La simple séparation, sur les lieux de vente, entre soda et alcool serait peut-être suffisante, puisque les « prémix » seraient alors présentés comme des boissons contenant de l'alcool.
Je souhaiterais savoir comment vous comptez répondre à l'invitation du conseil supérieur d'hygiène publique, qui souhaite que soient prises les mesures nécessaires en ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Comme vous, monsieur le sénateur, je suis bien entendu très attentif à la question de la commercialisation des sodas mélangés d'alcool fort, dits « prémix ».
J'ai fait sur ce sujet un certain nombre de déclarations l'été dernier, et j'ai immédiatement, comme vous l'avez rappelé, saisi le conseil supérieur d'hygiène publique. Celui-ci m'a rendu, au cours de l'automne, un avis et des recommandations qui fondent les actions que nous menons.
Les mesures intervenues ou à intervenir afin de protéger les jeunes - qui sont, vous l'avez dit, la cible avouée des fabricants d'alcool - sont de deux types.
En premier lieu, s'agissant de la taxation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 prévoit, en son article 29, une taxe de 1,50 franc par décilitre sur les boissons contenant un mélange préalable d'alcool et de boissons non alcooliques. Je me réjouis que le Parlement, et en premier lieu le Sénat, avec l'accord du Gouvernement, ait décidé cette taxation spécifique qui a pour effet de renchérir très fortement le prix de ces boissons et de les rendre moins attractives pour les jeunes auxquelles elles sont destinées.
En second lieu, la taxation nécessaire et indispensable ne suffit évidemment pas et nous devons prendre en compte tout ce qui concerne l'information.
De ce point de vue, un décret est actuellement en cours de préparation et imposera des graphismes et des mentions spécifiques afin d'attirer l'attention des jeunes et de leur famille sur la nature alcoolique de ces boissons. Les conditionnements devront ainsi obligatoirement présenter un message sanitaire important et visible.
Pour répondre plus complètement à votre question, monsieur le sénateur, il n'a pas été porté à ma connaissance que des vendeurs de certaines grandes surfaces auraient arboré des tee-shirts publicitaires en faveur des « prémix ». Toutefois, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt et je relève que, sur le plan législatif, une telle opération publicitaire tombe sous le coup de l'article L. 17 du code des débits de boissons, qui énonce limitativement les différents types de supports autorisés pour la publicité en faveur des boissons alcooliques.
Je vais donc demander à mes services de relever ces infractions. Une fois qu'elles seront relevées, je saisirai bien évidemment la justice, car la publicité en faveur de boissons qui contiennent de l'alcool fort et qui sont de véritables produits d'accoutumance est effectivement intolérable.
Vous avez par ailleurs fait état d'une brochure dont je n'ai pas encore eu connaissance. Je ne suis donc pas en mesure de vous livrer mes commentaires. Cela étant, vous avez notamment évoqué la mise en place des « prémix » dans des rayonnages différents de ceux des boissons non alcoolisées. Pour tout vous dire, c'est une des idées que j'ai avancées lorsque j'ai travaillé sur cette question l'été dernier. J'ai, en effet, proposé que ces boissons soient proposées non pas au rayon des sodas, mais à celui des alcools. Après avoir travaillé sur cette question, il m'est cependant apparu difficile, juridiquement, d'imposer la mise à disposition des « prémix » sur tel ou tel rayon.
Quoi qu'il en soit, je prendrai connaissance avec beaucoup d'attention de ce document, car le fait de distinguer les rayons sodas et alcools va dans le sens que nous souhaitons.
Quant à la taxation, elle a été votée et elle entrera très rapidement en vigueur, même si quelques textes d'application restent encore à mettre en oeuvre, en liaison avec le ministère des finances.
S'agissant du conditionnement, de la présentation et de l'information, un décret est en cours de préparation et sera pris le plus rapidement possible.
Bien évidemment, en cas d'infraction, notamment en matière de publicité, je diligenterai immédiatement les poursuites nécessaires.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je prends note de vos propositions et de vos réflexions, monsieur le secrétaire d'Etat.
Personnellement, je n'accorde pas un grand crédit aux moyens de taxation. En effet, ils peuvent entraîner une dérive des prix des boissons visées et, de ce fait, inciter ceux qui n'auraient pas les moyens de les acheter à commettre des actes de délinquance inattendus pour se les procurer quand même.
En revanche, l'application de l'article 17 du code des débits de boissons me paraît être une solution efficace - sans doute plus drastique - pour lutter contre la diffusion de fausses informations sur des tee-shirts ou d'autres supports.
Je prends également note de votre souci, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte que ces boissons soient séparées des sodas dans les lieux de vente.
Enfin, une information sanitaire est sans doute nécessaire, même si l'on connaît la faible portée d'une telle information - j'y reviendrai à l'occasion de ma question sur le tabagisme - tant il est vrai que celui qui la lit est persuadé qu'il peut échapper au risque en consommant raisonnablement, croit-il, les produits incriminés.
Des initiatives doivent être prises ; l'efficacité des solutions retenues n'est cependant pas toujours facile à démontrer.

LUTTE CONTRE LE TABAGISME

M. le président. M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur la lutte contre le tabagisme. Il souhaiterait plus particulièrement attirer son attention sur le fait que le tabac à rouler est manifestement commercialisé à des prix trop bas, étant devenu beaucoup moins cher que les cigarettes. Le tabac à rouler est, en revanche, plus nocif, sa teneur en goudron étant supérieure. Il lui demande s'il envisage une augmentation plus substantielle de cette sorte de tabac afin que le prix, comme pour les cigarettes, soit un élément restreignant la consommation, notamment chez les plus jeunes. Il profite de cette question pour lui demander de veiller à une application plus stricte du décret prévoyant la protection des non-fumeurs, et plus précisément en ce qui concerne les écoles et les hôpitaux. (N° 495.)
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Je tiens à bien préciser dès le début de mon intervention que je ne mène pas une bataille contre les fumeurs, car qui veut fumer peut fumer. Combien de « plaisirs » n'avons-nous pas qui sont porteurs de dangers ? Y en a-t-il, d'ailleurs, qui ne le soient pas ?
Mon souci n'est donc pas de faire en sorte que ceux qui veulent fumer soient tellement incités à ne pas le faire que leur désir de fumer soit encore accru. Là n'est pas mon propos.
En revanche, il convient de chercher à protéger des dangers liés à la méconnaissance des situations auxquelles peut conduire le plaisir recherché.
A cet égard, deux situations me paraissent quelque peu curieuses dans la mesure où l'on va à l'encontre du souci d'éviter le recours à la cigarette.
Il y a, d'abord, l'usage du tabac à rouler, sujet sur lequel il peut paraître curieux que j'intervienne tant il semble plus anecdotique qu'autre chose.
En effet, si l'on a augmenté le prix des cigarettes - si l'on croit que c'est un moyen dissuasif, il faut aller jusqu'au bout et arriver au niveau de prix général européen - dans le même temps, on a laissé le tabac à rouler à un prix relativement modeste. Or, ce dernier est riche en goudron et l'on sait depuis longtemps, en particulier par des essais sur la queue des souris, que le goudron est une substance cancérigène particulièrement dangereuse.
Le problème, c'est que, quand un jeune a envie de fumer, il cherche le produit le moins cher. Par conséquent, il se tourne vers le tabac à rouler, et il court ainsi un risque supplémentaire du fait de la teneur supérieure en goudron.
Il court aussi un autre risque, celui de prendre l'habitude de rouler, car on roule quand on prend du haschisch !
Cette situation particulière devrait d'ailleurs nous conduire à nous demander ce qui est le plus dangereux : la nicotine et le goudron ou le tétrahydrocannabinol ? Comment se comporter face à ces deux façons attrayantes de fumer ? Je soulève le problème incidemment à l'occasion de cette question orale sur le tabac.
On sait combien la diffusion du tabac a soulevé d'inquiétudes et de critiques. A la cour de Louis XIV, il était strictement interdit de fumer. Mme de Maintenon, en particulier, y veillait. Toute l'histoire montre combien on a vaticiné ou divagué sur le danger ou, au contraire, sur l'absence de danger du tabac.
Peut-être pourrions-nous, aujourd'hui, nous interroger sur les dangers respectifs du tétrahydrocannabinol et de la nicotine.
Peut-être pourrions-nous également nous interroger sur l'opportunité de mettre sur le marché du tabac ou des cigarettes « spécial jeunes » dosé à 0,1 milligramme de nicotine, par exemple, comportant moins de goudron et à un prix susceptible de concurrencer le tabac à rouler.
La seconde situation que je souhaite évoquer tient à l'attitude spontanée que devraient avoir les fumeurs. Tout le monde s'est aperçu que, dans les groupes de travail, de moins en moins de gens fumaient ; dans ces groupes de travail, on respecte donc les non-fumeurs. En revanche, il semble que, dans les hôpitaux, dans les écoles, lieux symboliques s'il en est, il n'en aille pas de même.
Il serait donc souhaitable de trouver des solutions pour que, en ces lieux, en particulier, et dans quelques autres, les restaurants, par exemple, on ne fume pas.
Dans les wagons non-fumeurs, tout le monde l'a vérifié aussi bien que moi, on ne fume pas ; dans l'avion, il est interdit de fumer, et on ne fume pas. En revanche, hôpitaux et écoles me paraissent aujourd'hui plutôt en déshérence à cet égard.
Voilà les situations que je souhaitais vous exposer, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crois avoir dépassé le temps qui m'était imparti, mais M. le président ne m'a pas rappelé à l'ordre.
M. le président. Mon cher collègue, c'est une séance de rentrée et nous avons un peu de temps. Je rappelle tout de même que l'auteur d'une question dispose de trois minutes pour l'exposer.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, le tabagisme reste un phénomène préoccupant en France, malgré l'amélioration constatée de certains indicateurs.
Globalement, en effet, le nombre de fumeurs dans la population a diminué au cours des vingt dernières années ; mais cette évolution ne doit pas masquer l'apparition, au sein de certaines catégories de la population de tendances qui présentent à terme des risques pour la santé.
De ce point de vue, vous l'avez signalé, une attention particulière doit être portée à la commercialisation des tabacs à rouler, du fait de la progression constatée du marché de ces produits, corrélative à la hausse des prix des cigarettes.
Il semblerait que ce phénomène puisse s'analyser en un report de consommation vers les produits du tabac les moins chers. Or, le fait de substituer aux cigarettes manufacturées des cigarettes roulées présente un caractère aggravant en termes de santé publique compte tenu de la nocivité supérieure du tabac à rouler.
Ce constat plaide en faveur d'une convergence des prix des tabacs à rouler et des cigarettes manufacturées, afin de ne pas favoriser la consommation par les jeunes de cigarettes roulées.
Le vote, lors de la loi de finances pour 1997, d'un minimum de perception applicable au prix de vente au détail des tabacs à rouler constitue à cet égard une avancée significative, car cette mesure interdit la mise sur le marché de produits à bas prix, dont on connaît le fort effet d'attraction auprès des plus jeunes consommateurs.
L'objectif est d'obliger progressivement à relever le prix des produits les moins chers sur le marché et d'éviter, notamment, les effets de transfert des consommateurs vers le tabac à rouler.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, une évolution des comportements est perceptible. Une enquête réalisée en mai 1995 par le Comité français d'éducation pour la santé auprès d'un échantillon représentatif des entreprises a montré que plus du tiers de ces dernières ont pris de nouvelles dispositions après l'entrée en vigueur du décret du 29 mai 1992. Un quart des entreprises ont apposé une signalisation rappelant l'interdiction de fumer. Un peu plus d'un établissement sur dix a interdit totalement de fumer dans les bureaux. Globalement, 59 p. 100 des établissements ont pris des mesures pour limiter le tabagisme dans leurs locaux.
L'enquête met, en outre, en évidence le fort degré d'adhésion à l'interdiction de fumer. En effet, 85,5 % des directions d'établissement en reconnaissent l'intérêt et 90 % des représentants du personnel jugent favorablement cette mesure.
Les efforts en ce domaine doivent cependant viser aussi les écoles - vous l'avez souligné - et les établissements de santé, où les situations sont effectivement très disparates.
C'est pourquoi une circulaire sera adressée, dans les toutes prochaines semaines, aux directeurs d'établissement public de santé, quel que soit le statut de celui-ci, leur demandant d'être particulièrement vigilants quant au respect de la mesure d'interdiction de fumer dans leur établissement.
Voilà, monsieur le sénateur, les quelques éléments d'information que je voulais livrer à votre attention.
M. Franck Sérusclat Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas me satisfaire pleinement de vos réponses, tout au moins de deux d'entre elles.
S'agissant de l'augmentation des prix, rendre l'accès au produit plus difficile sur le plan financier ne fait qu'accroître les inégalités entre ceux qui peuvent tout de même payer et ceux qui ne le peuvent pas. Les conséquences peuvent quelquefois être dramatiques, car il est des fumeurs qui tiennent tellement à leur produit qu'ils n'hésitent pas à recourir à la violence pour l'obtenir. La taxation n'a donc pas les effets attendus et elle peut même conduire parfois à des situations plus dangereuses.
C'est pourquoi il faut chercher d'autres solutions. Personnellement, je n'en ai pas à proposer maintenant puisque ma question tendait précisément à faire en sorte que vous m'en présentiez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Quant à la circulaire, c'est sans doute une bonne chose ; mais, des circulaires, il y en a tellement et les gens ont tellement peu de temps pour les lire que, bien souvent, elles passent à côté de l'objectif visé.
Ne pourrait-on pas envisager, en particulier dans le domaine médical, des conférences de consensus, qui permettraient de bien faire sentir les responsabilités de chacun en ce domaine ? Cela pourrait, me semble-t-il, être plus efficace que de simples circulaires.
Je ne sous-estime pas vos propositions, monsieur le secrétaire d'Etat. Pardonnez-moi, cependant, de ne pas croire à la pleine efficacité des solutions que vousenvisagez.

DÉCRETS D'APPLICATION
DE LA LOI PORTANT RÉFORME
DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE

M. le président. M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre délégué pour l'emploi sur la non-parution de plusieurs textes d'application relatifs à la loi portant réforme du financement de l'apprentissage n° 96-376 du 6 mai 1996. Cette loi reste, en effet, pour une grande partie inopérante.
La collecte 1997 de la taxe d'apprentissage ne peut pas être organisée en l'absence des précisions sur les trois points suivants : l'évolution du quota, la part de la contribution obligatoire au profit de l'établissement d'accueil, la mise en place des mécanismes de péréquation visant à une meilleure répartition des ressources.
Le temps est désormais compté et tout retard supplémentaire aura des conséquences négatives sur la prochaine collecte et, plus gravement, sur le développement de l'apprentissage. Cette requête ne vise que la mise en application de dispositions que le Gouvernement a souhaitées. (N° 522.)
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le secrétaire d'Etat, une double constatation s'impose : nous avons en France un fort taux de chômage des jeunes et, dans le même temps, un très faible taux de jeunes qui suivent la filière de l'apprentissage. Cette constatation a été faite depuis longtemps et les gouvernements successifs, notamment celui auquel vous appartenez, ont pris acte du fait que la faiblesse de l'apprentissage pouvait expliquer que le taux de chômage des jeunes soit plus élevé dans notre pays que chez nos voisins.
Le Parlement a voté une loi sur le financement de l'apprentissage. Cette loi du 6 mai 1996 va dans le bon sens. Cependant, il semble qu'elle soit actuellement en grande partie inopérante, car, à notre connaissance - à moins qu'il n'y ait eu un changement très récent - un certain nombre de textes d'application ne sont pas parus.
Or, la collecte 1997 de la taxe d'apprentissage ne peut pas être organisée en l'absence de précisions sur les trois points suivants : l'évolution du quota, la part de la contribution obligatoire au profit de l'établissement d'accueil, la mise en place des mécanismes de péréquation visant à une meilleure répartition des ressources.
Le temps est désormais compté. Tout retard supplémentaire aura des conséquences négatives sur la collecte en cours, plus grave encore, sur le développement de l'apprentissage et donc, probablement, sur l'emploi des jeunes.
Le Parlement et le Gouvernement ont souhaité que toutes dispositions soient prises rapidement après le vote de la loi. Les décrets vont-ils paraître prochainement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Nous savons que 50 % des textes votés par le Parlement ne sont pas suivis des décrets d'application. Nous aimerions que tel ne soit pas le cas de la loi sur le financement de l'apprentissage.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, Mme Couderc, ministre délégué pour l'emploi, m'a chargé de porter à votre connaissance les éléments d'information suivants s'agissant de l'état d'avancement des textes d'application de la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage.
Il convient de souligner au préalable qu'une première série de textes d'application de cette loi a été prise entre juin et août derniers. C'est le cas, notamment, du décret du 6 juin 1996, qui a mis en place les nouvelles indemnités compensatrices forfaitaires versées aux employeurs d'apprentis. Entre le 1er juillet et le 31 décembre 1996, 260 000 entreprises ont bénéficié, au titre de cette mesure, d'un versement de l'Etat.
L'adoption rapide de ces dispositions a permis une forte progression de l'apprentissage au cours des derniers mois ; le nombre total de contrats d'apprentissage conclus en 1996, hors agriculture, s'est ainsi établi à 193 000, contre 178 000 en 1995, soit une progression de 8 %. A ce chiffre doivent être ajoutés environ 12 000 contrats conclus dans le secteur agricole.
En ce qui concerne la collecte de la taxe d'apprentissage pour 1997, pour laquelle les versements libératoires pourront être effectués par les entreprises jusqu'au 1er mars, le calendrier d'avancement des textes est le suivant.
En premier lieu, le décret portant relèvement du quota de la taxe d'apprentissage de 20 % à 40 % de cette taxe a été publié au Journal officiel du 8 décembre dernier. Il s'agit du décret n° 96-1056 du 5 décembre 1996.
Un second décret a été transmis au Conseil d'Etat et sera publié prochainement. Il fixe à 20 % le montant de la fraction du quota affectée au financement de la péréquation nationale et à 2 500 francs le montant minimal de la contribution de l'entreprise au CFA où est inscrit l'apprenti, sachant que ce montant minimal s'appréciera dans la limite du quota dont est redevable l'entreprise.
Enfin, un texte législatif doit déterminer les conditions dans lesquelles sera effectuée la péréquation nationale de la taxe d'apprentissage prévue à l'article L. 118-2-2 nouveau du code du travail. Ces dispositions seront intégrées au projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui sera soumis par le Gouvernement au Parlement au cours du premier semestre 1997.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments d'informations que Mme Couderc m'a chargé de vous transmettre.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. J'ai bien pris acte des réponses assez précises de votre collègue Mme le ministre délégué pour l'emploi.
Le fait qu'il s'agisse d'un texte législatif montre que nous allons à nouveau prendre un peu de retard. En effet, si nous discutons de ce texte portant diverses mesures d'ordre économique et financier à la fin de la présente session, il faudra probablement attendre encore les textes d'application. Ce processus est assez long alors qu'il nous semble absolument urgent de réagir dans ce domaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, sachez que nous resterons, avec les chambres de métiers, très attentifs à cette affaire ; que le Gouvernement ne s'étonne pas si nous revenons à la charge dans l'hypothèse où un retard serait pris dans le calendrier que vous venez de nous communiquer. Il me semble très important d'agir le plus rapidement possible.

PARCS NATURELS RÉGIONAUX :
BÉNÉFICE DES AIDES FINANCIÈRES
ET RÉVISION DE LA CHARTE

M. le président. M. René-Pierre Signé appelle l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur les conséquences financières pour les parcs naturels régionaux dont la parution de l'arrêté interministériel approuvant les nouvelles chartes interviendra après le 31 décembre de cette année.
Certains parcs naturels régionaux, dont la charte a été approuvée par leur comité syndical, par les divers financeurs - conseils régionaux, conseils généraux et communes - mais dont la phase d'instruction n'a pas été achevée au 31 décembre 1996, ne pourront pas, conformément à une circulaire adressée aux préfets par les services du ministère, bénéficier des aides financières de l'Etat, et ce jusqu'à parution de l'arrêté de renouvellement.
Les parcs sont des syndicats mixtes qui n'ont pour seules ressources que les subventions consenties par l'Etat, les régions et, dans une moindre mesure, les participations des conseils généraux et des communes. La quote-part qui ne sera pas versée par le ministère mettra gravement en péril l'équilibre budgétaire de ces structures et compromettra sûrement certaines actions engagées.
Serait-il possible de lui indiquer si une distinction peut être faite entre les parcs n'ayant pas entamé la procédure de révision de leur charte et ceux dont elle est en cours, en dotant ces derniers de l'intégralité des aides prévues au contrat de plan. (N° 515.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, je voulais appeler votre attention sur les conséquences financières pour les parcs naturels régionaux de la parution de l'arrêté interministériel approuvant les nouvelles chartes, qui interviendra cette année. Certains parcs naturels régionaux, dont la charte a été approuvée par le comité syndical et par les divers financeurs - conseils régionaux, conseils généraux et communes - mais dont la phase d'instruction n'était pas achevée au 31 décembre 1996, ne pourront pas, conformément à une circulaire adressée aux préfets par vos services, bénéficier des aides financières de l'Etat, et ce jusqu'à parution de l'arrêté de renouvellement.
Les parcs sont des syndicats mixtes qui ont pour seules ressources les subventions consenties par l'Etat, les régions et, dans une moindre mesure, les conseils généraux et les communes. La quote-part qui ne sera pas versée par le ministère mettra gravement en péril l'équilibre budgétaire de ces structures et compromettra certaines actions engagées.
Vous serait-il possible, madame le ministre, de m'indiquer si une distinction peut être faite entre les parcs n'ayant pas entamé la procédure de révision de leur charte, ou n'en ayant pas achevé la rédaction, et ceux pour lesquels elle est en cours, et même localement achevée, en dotant ces derniers de l'intégralité des aides prévues au contrat de plan.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les conséquences financières, pour les parcs naturels régionaux, du retard dans les renouvellements de classement par rapport à la date du 31 décembre 1996, fixée par le décret du 29 février 1996.
A la date d'aujourd'hui, trente-deux parcs naturels régionaux sont créés. L'article L. 244-1 du code rural prévoit un classement pour une durée limitée à dix ans. En conséquence, et en tenant compte des mesures transitoires prévues dans le décret du 1er septembre 1994 et du décret du 29 février 1996, les échéances pour les renouvellements de classement sont les suivantes : mai 2006 pour le parc ayant bénéficié d'un renouvellement de classement en mai 1996, le Normandie-Maine ; mai 2005, décembre 2005 et mai 2006 pour les cinq parcs les plus récemment classés ; décembre 1999 pour les sept parcs qui ont bénéficié d'un renouvellement de classement après une révision de leur charte entre 1991 et 1994 ; 31 décembre 1997, pour les sept parcs classés entre 1985 et 1991 ; enfin, 31 décembre 1996 pour les douze parcs dont la charte est encore en cours de révision - Armorique, Camargue, Corse, Forêt d'Orient, Haut-Languedoc, Lubéron, Marais poitevin, Martinique, Montagne de Reims, Morvan, Queyras et Vercors.
L'ensemble de ces douze parcs se trouvait, jusqu'à la publication du décret du 1er septembre 1994, dans une situation de vide juridique. En effet, n'ayant pas révisé leur charte dans les délais fixés par le précédent décret de 1988, c'est-à-dire avant avril 1991, ils n'avaient pas bénéficié d'un renouvellement de classement et utilisaient la marque « parc naturel régional » sans en avoir théoriquement le droit.
L'article 2 du décret précité est venu mettre un terme à cette situation en reclassant de droit tous ces parcs jusqu'au 31 décembre 1995. Pour ma part, j'ai décidé de prolonger le classement des parcs ci-dessus cités jusqu'au 31 décembre 1996.
En l'absence de décret de renouvellement de classement à la date du 1er janvier 1997, les territoires cités ci-dessus ne seront plus classés en parcs naturels régionaux : ils ne pourront donc plus prétendre à des crédits de l'Etat à ce titre. En outre, ils ne pourront utiliser la marque « parc naturel régional », laquelle est propriété de l'Etat et reste concédée au territoire pendant la période de validité de son classement.
Toutefois, en pratique, un traitement différent sera réservé à ces parcs en fonction de l'avancement de la procédure de renouvellement de classement au 1er janvier 1997.
S'agissant des parcs pour lesquels la phase des délibérations des collectivités est terminée, après confirmation par le préfet de région du fait que le dossier a bien été transmis par la région, les services de l'Etat feront le nécessaire pour une parution des décrets de reclassement dans les plus brefs délais. Une lettre sera envoyée au président de la région pour lui communiquer le calendrier prévisionnel relatif au renouvellement de classement. Il lui sera demandé de ne pas développer de nouvelles utilisations de la marque « parc naturel régional » jusqu'à la parution de décret de reclassement ; il n'y aura pas d'implications en termes de crédits, compte tenu des délais de délégation.
En revanche, pour les parcs qui présentent un vrai retard dans la procédure de renouvellement de classement, les crédits ne pourront être délégués qu'après reclassement effectif du territoire.
Enfin, pour les parcs qui ont abordé la phase finale de la procédure et dont le décret de classement est en cours de rédaction par mes services, aucune conséquence du retard n'est à prévoir. Il en va ainsi, monsieur le sénateur, du parc du Morvan, dont l'état d'avancement dans la procédure de renouvellement de classement laisse espérer une publication du décret dans les prochaines semaines.
J'espère ainsi, monsieur le sénateur, avoir répondu à l'inquiétude que traduisait la question que vous avez posée. Il n'y aura pas de conséquences financières pour tous les parcs dont la procédure permet un reclassement dans les toutes prochaines semaines.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je suis à même de vous fournir.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Madame le ministre, je vous remercie d'avoir bien fait la distinction entre les parcs qui n'ont pas rédigé leur charte - en effet, parmi les douze, vous avez nommé le mien - et ceux qui l'ont rédigée dans les délais, mais qui ont pris un peu de retard pour transmettre à vos services cette rédaction dûment approuvée.
Vous connaissez les difficultés qui existent souvent localement. Les consultations sont longues, difficiles, ce qui peut expliquer, sinon excuser, le retard pris. Si j'ai bien compris, il n'y aura pas de retard dans la délégation des crédits. Simplement, nous ne pouvons pas utiliser le label « Parc » tant que l'arrêté ne sera pas pris. D'ailleurs, vous le savez puisque M. Jean-François Bazin, président du conseil régional - avec qui nous avons eu le plaisir de vous recevoir lors des assises du développement rural en Bourgogne -, vous avait envoyé une lettre allant dans le même sens que ma question. Il sera donc lui aussi très satisfait de votre réponse.

MODALITÉS D'APPLICATION DU MORATOIRE
SUR LES SERVICES PUBLICS EN ZONE RURALE

M. le président. M. Georges Mouly demande à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation de bien vouloir apporter toutes précisions utiles sur les modalités précises d'application du moratoire touchant les services publics en milieu rural, conscient qu'il est de la nécessité de préparer soigneusement la sortie de ce moratoire. Actuellement, des changements sont apportés pour ce qui concerne par exemple La Poste, la trésorerie, l'éducation, changements qui ne sont pas sans provoquer un fort mécontentement chez les élus locaux. (N° 529.)
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République rappelait samedi dernier dans le département dont il fut l'élu, département à dominante rurale, comme vous le savez, le prix qu'il attachait au maintien du service public à la française.
Point n'est besoin de s'appesantir longuement, me semble-t-il, sur le prix qu'attachent tout particulièrement les élus des zones rurales au maintien des services publics. En effet, aujourd'hui, quelque 65 % des maires ruraux estiment le service public tout juste satisfaisant et 26 % le trouvent plutôt insuffisant.
Le moratoire, dans ce contexte, fut une mesure bienvenue et appréciée au point que chacun pût espérer que rien ne serait modifié avant la sortie dudit moratoire. Effectivement, pendant un certain temps, il en fut ainsi tant et si bien que furent maintenues par exemple - mais ce n'est qu'un exemple - des classes de quatre ou cinq élèves. Je ne dis pas que c'était une bonne chose, mais le moratoire était ainsi appliqué.
Certes, j'ai bien conscience que la sortie d'un moratoire se prépare, mais peut-il y être mis fin avant l'élaboration des schémas départementaux de modernisation et d'amélioration des services publics et des contrats de services passés avec les organismes gestionnaires des services publics ? A mon sens, théoriquement du moins, la réponse est négative.
Je veux croire en tout cas que chacun a conscience qu'il s'agit bien là d'un aspect décisif - et tel est votre conviction, monsieur le ministre - de l'aménagement du territoire. En fait, et vous le savez aussi sans doute, les choses ne se passent pas sur le terrain de façon claire, simple, j'allais dire logique. La réalité est bien plutôt que, alors même que les schémas départementaux sont en pleine élaboration et plus ou moins avancés selon les départements - certains ne le sont d'ailleurs pas beaucoup - il est procédé, sans plus attendre, à des modifications importantes que, mis devant le fait accompli, les élus n'ont plus qu'à prendre en compte, j'allais dire à subir, et je pèse mes mots.
Ce sont des changements parfois importants qui sont décidés : en effet, ici, des recettes de financement sont supprimées et les postes comptables compteront moins d'agents de catégorie A ; là, les services de La Poste se restructurent différemment, fortement allais-je dire. Il est d'autres exemples.
Vous le savez sans doute, monsieur le ministre, la déception est grande - en tout cas, je vais la traduire ici - chez les élus du milieu rural. D'aucuns vont jusqu'à dire et écrire que les communes seront contraintes de payer bientôt pour conserver certains services publics nationaux. Je leur en laisse la responsabilité, mais tel est le sentiment parfois exprimé.
Il est grand temps de préciser aujourd'hui, et c'est le sens de ma question, les limites du moratoire, puisque, j'en conviens, tout ne peut être sans doute maintenu en l'état. Il est grand temps aussi de préciser l'articulation entre moratoire et schémas départementaux de modernisation et d'amélioration des services publics.
En tout cas, monsieur le ministre, il me paraît nécessaire, et je pèse encore une fois mes mots, que rien ne soit modifié, dans quelque service que ce soit, sans une concertation préalable avec les élus concernés, élus dont nul ne pense qu'ils sont quantité négligeable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Monsieur le sénateur, je connais bien les chiffres que vous avez cités en introduisant votre propos. Ils sont, en effet, le résultat d'une enquête qui a été présentée le 21 novembre dernier à Nîmes, lors du colloque organisé par le CELAVAR que j'ai moi-même conclu.
Ces chiffres doivent aussi être interprétés de façon positive : 71 % des maires ruraux jugent en effet les services suffisants. C'est une majorité considérable. La question que vous soulevez est extrêmement importante, et je souhaite y répondre le plus complètement possible.
Je vous rejoins, monsieur le sénateur, pour estimer que la présence de services publics de qualité est décisive pour l'aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales.
En vertu du principe d'égalité d'accès des citoyens aux services publics, le Gouvernement, vous l'avez vous-même rappelé, a décidé, le 10 mai 1993, un moratoire s'opposant à la suppression de ces services en milieu rural.
Ce moratoire, j'y insiste, est toujours applicable.
Pour éviter tout malentendu, je rappellerai son champ d'application.
Il concerne toutes les communes dont la population agglomérée ne dépasse pas 2 000 habitants. Il vise « tous les services publics de proximité de l'Etat », comme par exemple l'éducation nationale, et les « entreprises publiques placées sous la tutelle de l'Etat et chargées d'une mission de service public de proximité », comme La Poste, EDF ou France Télécom.
Il suspend « la fermeture ou la réduction des services publics ainsi que les réorganisations aboutissant à une diminution significative du service rendu ».
En revanche, les réorganisations internes, qui n'ont pas d'effet sur les services ou les bureaux directement en contact avec le public ou sur les prestations rendues aux usagers, n'entrent pas dans le champ du moratoire.
Ces règles sont à ma connaissance respectées. Lorsque ce n'est pas le cas, je demande instamment à l'ensemble des élus de m'en faire part.
Toutefois, ce moratoire ne saurait, sous peine d'entraîner des blocages préjudiciables à la qualité du service rendu aux usagers, durer indéfiniment.
Je m'emploie donc actuellement à ce que des règles claires, préalable indispensable à sa levée, soient fixées.
A cet égard, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a institué une double procédure comprenant : d'une part, des schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics soumis à l'avis de commissions départementales ad hoc ; d'autre part, des contrats de services publics conclus entre l'Etat et les organismes chargés d'un service public.
Les commissions départementales sont désormais toutes installées et elles ont plus que commencé leurs travaux. Ainsi que le prévoit la loi d'orientation, elles sont composées de manière large. Je sais, monsieur le sénateur, que vous participez vous-même activement à celle de la Corrèze.
Quant aux contrats de services publics, le décret d'application de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 est actuellement soumis à la concertation interministérielle et pourra être publié dans les premiers mois de l'année 1997.
Aux termes de ce décret, toute décision de réorganisation ou de restructuration d'un service aux usagers qui ne serait pas conforme aux objectifs fixés dans les contrats de services publics devra être précédée d'une étude d'impact permettant de définir les mesures de compensation à mettre en place.
La commune du lieu d'implantation du service aura alors la possibilité d'émettre un avis, de même que toute commune ou groupement de communes concerné qui en ferait la demande.
Enfin, la décision de réorganisation sera soumise à l'autorisation du préfet ou du ministre de tutelle.
Vous pouvez donc être assuré, monsieur Mouly, de ma totale détermination, d'une part, à faire respecter le moratoire et, d'autre part, à garantir le principe d'égalité d'accès au service public sur l'ensemble du territoire.
J'ajouterai qu'il s'agit d'un combat permanent.
Ainsi, cet après-midi, je reçois le gouverneur de la Banque de France, qui doit me parler de l'éventuelle suppression, par cette dernière, de ses succursales dans plusieurs départements. Je peux vous dire dès maintenant l'accueil que je vais lui réserver : je suis opposé à la fermeture de toute succursale.
On va m'opposer - le ministre des finances en tête, qui m'a déjà entretenu du sujet en conseil des ministres - le coût et la nécessaire rigueur budégaire. Et là, le soutien des élus, en particulier des membres de la Haute Assemblée, m'est nécessaire.
Ce n'est pas la première tentative à laquelle j'ai à faire face. J'ai déjà pu en repousser une. En voici une seconde : vous le voyez, il me faut être constamment sur la brèche.
En tout cas, monsieur Mouly, vous pouvez compter sur ma détermination à dire ce que je pense. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, pour votre réponse détaillée et circonstanciée : vous manifestez une fois de plus - cela n'étonne personne ici ! - votre volonté d'orienter les choses dans le bon sens.
Toutefois, permettez-moi de formuler quelques remarques.
Ainsi, vous dites que 71 % des maires sont satisfaits. Mais ces maires sont satisfaits de l'état actuel des choses, peut-être le seront-ils moins si la situation évolue défavorablement.
Vous avez rappelé les différents points du moratoire. Il est question, avez-vous dit, de réorganisation et de changements significatifs. C'est vrai, mais quand un changement commence-t-il à être significatif ?
Lors de la dernière commission départementale à laquelle j'ai assisté, nous avons consacré le tiers de notre temps à entendre le directeur de La Poste et celui des services fiscaux évoquer ce qui sera entrepris, ce qui sera modifié. Certes, le problème n'est pas facile à régler et, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous devons mener un combat permanent à tous les niveaux.
Permettez-moi, en conclusion, de reprendre la suggestion que j'ai formulée tout à l'heure : il serait nécessaire que les élus soient informés chaque fois que les services de La poste ou les services fiscaux, par exemple, procèdent à des changements.
J'ai insisté, dans mon département, à propos de La Poste, en particulier, pour qu'au cours de réunions rassemblant le directeur de La Poste, les conseillers généraux, les maires concernés soient présentées les modifications qui doivent intervenir.
De telles réunions sont souvent très bénéfiques ; elles permettent d'aboutir à des solutions.
Au moins les élus, qui sont tous de bonne volonté, comme vous le savez, comprennent alors que l'on puisse envisager des modifications sans attendre la fin ou la sortie du moratoire.
De grâce, monsieur le ministre, faites passer la consigne pour que les élus soient informés, au lieu d'être considérés comme quantité négligeable !
En tout cas, je vous sais gré de la bonne volonté que vous manifestez en la matière.
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps maximum imparti pour poser une question est de trois minutes et pour répondre au ministre de deux minutes.

TRACÉ DE LA DÉVIATION DE LA RN 12
À JOUARS-PONTCHARTRAIN (YVELINES)

M. le président. M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la réalisation de la voie express est-ouest dite « déviation RN 12 » à Jouars-Pontchartrain, dans les Yvelines. Implanté en plein milieu de la plaine de Jouars, dans une zone agricole à 90 %, son tracé actuel s'avère des plus absurdes.
Le tracé sud, actuellement retenu, est contraire à l'avis émis par la plupart des riverains et de leurs élus, qui souhaitent la réalisation du tracé nord, plus direct et surtout moins nuisible pour l'environnement naturel et culturel du site. Le projet local d'un passage en tranchée couverte sous le parc du château présente l'avantage d'épargner la plaine agricole de Jouars, de limiter les risques d'urbanisation et de réduire considérablement les nuisances visuelles et sonores. Il a pourtant été écarté par la DDE en raison de son coût estimatif, jugé trop élevé.
Il souhaite cependant porter à sa connaissance les éléments nouveaux qui sont intervenus depuis la parution du décret d'utilité publique et qui sont de nature à remettre en question les décisions prises en 1993.
Je pense tout d'abord à l'envolée des coûts de réalisation du tracé sud. Chiffrés à 550 millions de francs par la DDE en 1994, ils ont pratiquement doublé aujourd'hui, rendant le tracé choisi plus cher que celui qui était proposé initialement par les associations locales. Vient ensuite le classement d'urgence, décidé par le ministère de la culture en février 1996, d'un site archéologique gallo-romain de premier ordre dont la découverte a suscité le plus grand intérêt de la Commission nationale de recherche archéologique. N'oublions pas le passage de la déviation sur le parc classé du château de Pontchartrain, datant des xvie et xviie siècles.
Enfin, il faut noter la mobilisation sans précédent des associations locales et régionales de défense de l'environnement, soutenues par un comité de soutien, réunissant des personnalités françaises et étrangères prêtes à donner une vocation culturelle internationale au château de Pontchartrain.
A la lumière de ces nouveaux éléments, il lui demande l'arrêt momentané des travaux dans la plaine de Pontchartrain, le temps pour ses services d'examiner la situation et de chiffrer le tracé situé au nord du château, réclamé par les riverains et les élus locaux, et proposé pendant un temps par l'administration elle-même. (N° 519.)
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme dont j'ai attiré l'attention sur la réalisation de la voie express est-ouest dite « déviation RN 12 » à Jouars-Ponchartrain dans les Yvelines.
Décrétés d'utilité publique en décembre 1993, les travaux de cette route à gabarit autoroutier ont débuté en mai de cette année. Implanté en plein milieu de la plaine de Jouars-Ponchartrain, dans une zone agricole à 90 %, son tracé actuel se révèle pourtant des plus absurdes.
Soyons clairs : mon propos n'est pas de remettre en cause la nécessité d'une déviation aux alentours de la commune de Ponchartrain, bien au contraire. Tous ceux qui ont voulu un jour quitter Paris pour rejoindre Dreux et l'ouest de la France connaissent les nuisances subies depuis des années par cette commune traversée en son milieu par un invraisemblable trafic routier en provenance de la capitale. Ce n'est donc pas la déviation qui est en cause ; c'est le choix du tracé par la DDE.
Le tracé sud actuellement retenu par vos services est contraire à l'avis émis par la plupart des riverains et de leurs élus qui souhaitent la réalisation du tracé nord, plus direct et surtout moins nuisible pour l'environnement naturel et culturel du site. Le projet local d'un passage en tranchée couverte sous le parc du château présenterait l'avantage d'épargner la plaine agricole de Jouars, de limiter les risques d'urbanisation et de réduire considérablement les nuisances visuelles et sonores. Il a pourtant été écarté par la DDE en raison de son coût estimatif, jugé trop élevé.
Je crois cependant, madame le secrétaire d'Etat, devoir porter à votre connaissance les éléments nouveaux qui sont intervenus depuis la parution du décret d'utilité publique et qui sont de nature à remettre en cause les décisions prises en 1993.
Tout d'abord, il faut prendre en compte l'envolée des coûts de réalisation du tracé sud chiffrés à 550 millions de francs par la DDE en 1994. Ils ont pratiquement doublé aujourd'hui, rendant le tracé choisi plus cher que celui qui était proposé initialement par les associations locales.
Par aileurs, il est également important de considérer le classement d'urgence, décidé par le ministère de la culture en février 1996, d'un site archéologique gallo-romain de premier ordre s'étendant sur un espace de 40 hectares et dont la découverte a suscité le plus grand intérêt de la Commission nationale de recherche archéologique. Beaucoup de spécialistes se sont émus à l'idée du gel définitif de ce site unique en Ile-de-France et dont il existe sans doute peu d'équivalents en France et en Europe.
N'oublions pas non plus le passage de la déviation sur le parc classé du château de Ponchartrain datant des xvie et xviie siècles, qui ruine la perspective de 13 kilomètres dessinée par Le Nôtre et un espace naturel unique à 30 kilomètres de Paris.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur About.
M. Nicolas About. Je termine, monsieur le président.
A la lumière de ces nouveaux éléments, pouvez-vous, madame le secrétaire d'Etat, demander l'arrêt momentané des travaux dans la plaine de Pontchartrain, le temps pour les services d'examiner la situation et de chiffrer le tracé situé au nord du château réclamé par les riverains et les élus locaux, et proposé pendant un temps par l'administration elle-même ?
Par ailleurs, je vous demande instamment de bien vouloir demander à M. le ministre qu'il reçoive personnellement toutes les personnes concernées localement par ce projet et qui n'ont pas encore été entendues. D'avance, je vous en remercie.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Bernard Pons, qui est retenu aujourd'hui et qui m'a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Le tracé de la déviation de Jouars-Pontchartrain a fait l'objet d'études très détaillées, tant au nord qu'au sud du château. Après une très large concertation avec les collectivités et le ministère de la culture, c'est un tracé sud qui a été retenu, puis déclaré d'utilité publique le 16 décembre 1993.
Des études multicritères ont montré que cette solution est beaucoup moins pénalisante que les autres variantes pour les zones urbanisées environnantes, c'est-à-dire pour les populations, et au regard du monument classé que constituent le château et son parc, dont les amis des Yvelines apprécient tant le charme.
La concertation locale avait fait ressortir une forte préférence pour le tracé qui a été retenu.
Les coûts des différentes solutions étaient voisins au départ. Il se trouve que le tracé retenu a permis des découvertes archéologiques au nord du site de Diodurum.
Les travaux de fouilles archéologiques se sont déroulés de septembre 1994 à octobre 1996. Des dispositions techniques ont été prises en concertation et en accord avec le ministère de la culture pour que l'exploitation de ce site par les archéologues ne soit pas compromise après la réalisation de la déviation. Ce site d'une quarantaine d'hectares n'est concerné par la déviation que sur une superficie de quatre hectares. Ainsi, à cet endroit, les fouilles ont été recouvertes d'un dispositif de protection et certains ouvrages routiers, comme celui qui franchit la Mauldre, ont été déplacés. Le surcoût lié à ces travaux est de près de 20 millions de francs, pour un coût total de la déviation de 800 millions de francs, soit 2,5 %.
M. Pons a bien noté qu'une opposition nouvelle à ce tracé se manifestait.
Toutefois, il se trouve que d'autres voix se font entendre, émanant d'élus locaux et d'un certain nombre d'associations, pour une réalisation rapide de la déviation.
Toutes les communes du canton concerné, à l'exception d'une seule, ont délibéré en faveur de l'achèvement rapide des travaux. Vous avez rappelé vous-même, monsieur le sénateur, pourquoi il fallait réaliser rapidement cette déviation.
Par ailleurs, la construction des ouvrages d'art et la réalisation des terrassements sur la partie est de la déviation sont désormais bien engagées.
Le message que M. Pons m'a chargé de vous transmettre, monsieur le sénateur, est le suivant : l'aménagement de cette déviation est désormais entré dans une phase que l'on peut considérer comme irréversible, à la suite d'une large concertation associant à la fois les ministères de l'environnement et de la culture, et la DDE, que vous avez citée à plusieurs reprises.
Monsieur le sénateur, vous avez terminé votre question en souhaitant que tout le monde puisse être entendu. Je crois pouvoir me faire l'interprète de M. Bernard Pons en vous assurant que, bien entendu, comme c'est toujours le cas aussi bien pour lui que pour moi, nous serons attentifs aux associations et aux différents intervenants qui viendraient à son cabinet.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je vous remercie, madame, d'avoir accepté de répondre à la place de M. le ministre de l'équipement.
Je suis pris entre deux souhaits : celui que soit effectivement réalisée cette déviation indispensable et, sur ce point, je partage la volonté de M. le ministre, et celui de défendre le patrimoine archéologique et l'environnement : vous n'en voudrez pas au président du groupe France-Egypte d'aimer les vieilles pierres ! (Sourires.)
Sur ce dernier point, des efforts restent à faire. Un entretien entre le ministre et les associations qui souhaitent défendre l'environnement et notre patrimoine sera donc le bienvenu.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat.

CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME
DU LOGEMENT SOCIALPOUR LES HANDICAPÉS

M. le président. M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre délégué au logement sur les conséquences de la réforme du logement social pour lespersonnes handicapées.
Dorénavant, les subventions et prêts de l'Etat destinés à la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés sont évalués en privilégiant le principe de la surface utile, et c'est le nombre d'occupants qui détermine la surface du logement. Ce calcul est incompatible avec la mise en oeuvre effective des règles d'accessibilité et d'adaptabilité qui imposent, dans bien des cas, des surfaces majorées de l'ordre de 10 à 12 %.
Il lui demande quelles dispositions il entend prendre afin que soit favorisée la vie à domicile des personnes handicapées et à mobilité réduite. (N° 518.)
La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Madame le secrétaire d'Etat, vous représentez aujourd'hui M. le ministre délégué au logement, ce dont je vous remercie, bien que je regrette l'absence de M. Périssol.
Il a été interrogé, au cours des derniers mois, par quelque trois cents parlementaires sur l'accessibilité et l'adaptabilité des logements sociaux aux personnes handicapées. J'ai moi-même posé une question écrite à ce sujet, dont la réponse est parue au Journal officiel du 22 août dernier.
Si je me permets de l'interroger directement aujourd'hui, c'est que le problème reste entier, malgré les précisions qu'il a bien voulu m'apporter.
Les inquiétudes des personnes handicapées demeurent quant à l'application effective des règles d'accessibilité et d'adaptabilité, car les dispositions réglementaires portant réforme du logement social, qui sont parues dernièrement, vont avoir des conséquences désastreuses sur l'accès de ces handicapés à ce type de logement.
En effet, les subventions et prêts de l'Etat destinés à la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés sont désormais évalués à partir de la surface utile, et c'est le nombre d'occupants qui détermine la surface des logements. Ce calcul est incompatible avec la mise en oeuvre effective des règles d'accessibilité et d'adaptabilité qui imposent très fréquemment des surfaces majorées de l'ordre de 10 % à 12 %.
L'objectif de ces dispositions réglementaires est clair : diminuer les coûts de construction. Mais on imagine mal comment on pourra éviter que les maîtres d'ouvrage ne portent leur choix sur des logements de taille réduite, qui auront une meilleure rentabilité.
Certes, la nouvelle réglementation prévoit, dans le cas des opérations de constructions neuves bénéficiant du label « qualitel-accessibilité », une majoration de subvention de 5 %. Or nous savons tous que ce label n'aura pas d'effet incitatif en matière d'application des règles d'accessibilité et d'adaptabilité.
Les maîtres d'ouvrage qui solliciteront ce financement complémentaire seront ceux qui auront la volonté d'optimiser la qualité des logements. Or nous sommes très éloignés de cette réalité.
Par ailleurs, comment croire, compte tenu d'un contexte budgétaire dans lequel le logement social subit un traitement particulièrement sévère, que tout est fait en faveur du logement social des personnes handicapées, alors même que cela implique des surcoûts ?
Enfin, madame le secrétaire d'Etat, les problèmes de non-conformité aux règles d'adaptabilité et d'accessibilité de l'habitat étaient déjà trop fréquents. Peut-être devrions-nous mettre en place des procédures de contrôle qui permettraient de les éviter.
La question de l'accès au logement des personnes handicapées est fondamentale. On ne peut pas, d'une part, prôner le maintien à domicile et, d'autre part, ne pas garantir les moyens indispensables à un logement adapté. Le parc de logements auquel les personnes handicapées peuvent prétendre est insuffisant, et les associations redoutent que ce problème ne s'aggrave.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Elles attendent donc que vous consentiez des efforts significatifs pour permettre la vie à domicile des handicapés.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, je vous pris d'excuser l'absence de M. Pierre-André Périssol, ministre du logement, qui m'a chargée de vous dire à quel point il est attaché, comme l'ensemble du Gouvernement et vous-même, monsieur le sénateur, à la politique en faveur des personnes handicapées, en l'occurrence au logement de ces personnes.
Je crois pouvoir vous apporter un certain nombre d'éclaircissements susceptibles de vous rassurer.
La surface utile qui est prise en compte pour le calcul des aides au logement est égale à la somme de la surface habitable et de la moitié des annexes privatives - la réglementation du logement est toujours un peu technique ! C'est une donnée objective qui n'est en rien déterminée par le nombre d'occupants, contrairement aux informations qui vous avaient été fournies.
S'agissant du financement des opérations PLA, la réforme du 1er octobre 1996, qui a substitué une aide fiscale à la subvention calculée sur la base de la surface utile dans le cas de la construction neuve, a conservé la neutralité du système de financement à l'égard de la taille des logements. Il n'y a donc pas de changement, a fortiori, pas d'aggravation, comme vous sembliez le craindre, monsieur le sénateur.
En effet, d'une part, le PLA de la Caisse des dépôts et consignations peut couvrir l'intégralité du prix de revient, quelle que soit la surface, et, d'autre part, la nouvelle aide fiscale est directement proportionnelle à la totalité, là encore, des coûts de construction - y compris ce qu'on appelle les VRD - et de conception des immeubles, cela sans limitation relative à la taille des logements et, a fortiori, au nombre des occupants.
Les majorations de surface nécessaires à l'accessibilité - on le sait bien et c'est tout à fait légitime - sont ainsi financées par les subventions, les aides fiscales et le prêt, d'une part, par les loyers permettant d'équilibrer financièrement l'opération, d'autre part, et cela dans des conditions inchangées.
M. Périssol m'a demandé de vous affirmer très clairement qu'il n'existe donc aucune incompatibilité entre le nouveau régime de financement des opérations PLA et la mise en oeuvre effective des règles d'accessibilité et d'adaptabilité des logements, qui sont définies indépendamment de la surface totale des logements relativement à leur typologie. Naturellement, les règles spécifiques pour les logements des handicapés ont été intégralement maintenues.
Je terminerai en disant que, personnellement, monsieur le sénateur, comme M. Pierre-André Périssol et vous-même, je considère que cette question du logement pour les personnes handicapées est fondamentale.
M. Bernard Dussaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Même avec les quelques éléments nouveaux que vous m'apportez, je ne sais pas si elle rassurera les personnes handicapées à mobilité réduite. Je suis d'autant plus sceptique que la remise en cause de ces logements sociaux et la diminution de leur construction en réduiront encore l'accès.
L'avenir nous dira si les éléments que vous m'avez apportés se vérifieront.

CALENDRIER DE RÉALISATION
DE LA CITÉ JUDICIAIRE D'AVIGNON

M. le président. M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le retard pris dans la construction de la cité judiciaire d'Avignon.
Les Avignonnais et leurs représentants attendent, depuis plus de vingt ans, une telle réalisation dont le besoin se fait chaque jour davantage ressentir.
Au-delà de l'absolue nécessité d'améliorer rapidement les conditions de travail des personnes qui oeuvrent chaque jour pour assurer le fonctionnement de la justice dans notre ville, il convient de se pencher sur les retombées économiques d'un tel projet.
En effet, la ville d'Avignon doit faire face à une situation financière particulièrement délicate. En approuvant les dernières mesures de redressement des finances que le député-maire et lui-même avaient proposées à la fin du mois de juillet 1996, la chambre régionale des comptes a mis fin à la procédure de contrôle de l'Etat qui pesait sur la commune depuis le 10 avril dernier.
Mais il s'agit d'un plan de longue haleine qui nous conduit à limiter fortement les capacités d'investissements de la ville.
Il est donc absolument impératif que les grands chantiers programmés depuis plusieurs années, tels que celui-ci, avancent enfin pour favoriser la survie de nos entreprises locales du secteur du bâtiment et des travaux publics, déjà fortement touchées par une crise sans précédent.
C'est pourquoi il lui demande s'il peut apporter des apaisements aux élus et acteurs locaux concernés en confirmant que les travaux afférents à la réalisation de la cité judiciaire d'Avignon démarreront rapidement, et s'il est en mesure de préciser les différentes phases ainsi que le calendrier de la mise en oeuvre de ce projet. (N° 487.)
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et a trait au retard pris dans la construction de la cité judiciaire d'Avignon.
Les Avignonnais et leurs représentants attendent depuis plus de vingt ans une réalisation dont le besoin se fait chaque jour davantage ressentir.
Au-delà de l'absolue nécessité d'améliorer rapidement les conditions de travail des personnes qui oeuvrent chaque jour pour assurer le fonctionnement de la justice dans notre ville et dans le département, il convient de se pencher sur les retombées économiques d'un tel projet, dont je rappelle que l'estimation est d'environ 100 millions de francs.
En effet, la ville d'Avignon doit faire face à une situation financière particulièrement délicate. En approuvant les dernières mesures de redressement des finances que notre député-maire et moi-même avions proposées à la fin du mois de juillet 1996, la chambre régionale des comptes a mis fin à la procédure de contrôle de l'Etat qui pesait sur la commune depuis le 10 avril de la même année.
Mais il s'agit d'un plan de longue haleine qui nous conduit à limiter fortement, pour ne pas dire à réduire totalement les capacités d'investissements de la cité des papes.
Il est donc absolument impératif que les grands chantiers programmés depuis plusieurs années et financés par l'Etat, tels que celui-ci, avancent enfin pour favoriser la survie de nos entreprises locales du secteur du bâtiment et des travaux publics, déjà fortement touchées par une crise sans précédent.
M. le ministre nous a écrit voilà quelques mois que le chantier, qui devait démarrer en 1997, a pris du retard pour des raisons budgétaires. Nous souhaitons concrètement qu'il puisse néanmoins démarrer à la fin de l'année afin que son financement porte sur le budget de 1998.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir apporter aux élus et acteurs locaux concernés les apaisements auxquels ils aspirent en confirmant aujourd'hui que les travaux afférents à la réalisation de la cité judiciaire d'Avignon démarreront rapidement et, si cela est possible, de préciser les différentes phases ainsi que le calendrier de la mise en oeuvre de ce projet.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. M. Toubon, qui est retenu, m'a demandé de répondre en son nom à votre question, monsieur Dufaut, et de vous dire qu'il est tout à fait conscient de la préoccupation que vous avez très parfaitement exprimée.
Le projet de construction de la nouvelle cité judiciaire d'Avignon a été attribué après concours d'architectes, comme vous le savez, monsieur Dufaut, à l'équipe de maître d'oeuvre conduite par l'architecte Alain Fainsilber.
Ce projet figure dans le programme pluriannuel d'équipement judiciaire et son étude a été achevée à la fin de l'année 1996. Cette phase-là est donc terminée.
En l'état actuel du projet de loi de finances pour 1997, les travaux de construction de cette opération ne pourront pas être engagés au cours de l'année 1997, monsieur le sénateur. Mais, compte tenu de l'urgence et donc du caractère prioritaire donné à cette opération, M. le garde des sceaux envisage effectivement de programmer le financement des travaux sur la loi de finances pour 1998.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je vous remercie de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat. Permettez-moi à nouveau d'insister sur l'urgence qui s'attache au lancement de ce chantier. J'espère que les travaux débuteront bien dans les tout premiers mois de l'année 1998. Il en va, bien sûr, de l'activité de nos entreprises du BTP tant de la ville d'Avignon que du département.
Je compte sur vous, madame le secrétaire d'Etat, pour transmettre une nouvelle fois nos légitimes préoccupations à M. le garde des sceaux.

ADAPTATION DE LA LOI RELATIVE À L'AMÉNAGEMENT
ET À LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
AU SECTEUR DE LA PÊCHE

M. le président. M. Alain Gérard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'adaptation de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail au secteur de la pêche.
En effet, on constate un déficit de recrutement des jeunes trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs.
Quelles sont les raisons d'une telle désaffection ?
Alors que, dans toute l'industrie, l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche il y a eu amélioration très importante de la productivité afin de donner des salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de l'activité, au détriment des conditions sociales et de l'embauche.
Les jeunes refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction de jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance.
C'est pourquoi il lui demande si une réflexion pouvait s'engager, en concertation avec les organisations professionnelles, afin de mettre en place un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien et qui s'appliquerait, avec ses spécificités, au secteur de la pêche. (N° 514.)
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Madame le secrétaire d'Etat, par ma question, je souhaitais appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur l'adaptation au secteur de la pêche de la loi du 11 juin 1996 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.
En effet, on constate un déficit de recrutement des jeunes, trop peu attirés par le métier de marin. Si cette difficulté à recruter devait perdurer, dans quelques années ce sont bon nombre de bateaux qui seront dans l'obligation d'arrêter leur exploitation par manque d'effectifs.
Quelles sont les raisons d'une telle désaffection ?
Alors que, dans toute l'industrie, l'amélioration de la productivité a eu des répercussions positives sur les employés par la diminution de la charge de travail, dans le secteur de la pêche cette amélioration très importante de la productivité a permis de donner des salaires convenables en compensation de la pénibilité et des risques de l'activité, mais s'est faite au détriment des conditions sociales de l'embauche.
Les jeunes refusent aujourd'hui d'entrer dans ce système. La réduction du nombre de jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance.
C'est pourquoi je demande au ministre de l'agriculture et de la pêche si une réflexion ne pourrait pas s'engager en concertation avec les organisations professionnelles afin de mettre en place un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien et qui s'appliquerait avec ses spécificités au secteur de la pêche.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation m'a chargée de répondre à sa place à la question que vous posez. Je le fais d'autant plus volontiers que, comme vous le savez, la réglementation du travail à la pêche relève, dans l'organisation administrative, du ministère des transports.
Peut-on réellement parler, comme vous le faites, d'une désaffection des jeunes pour le métier de marin-pêcheur, ce qui serait évidemment tout à fait triste ? Je n'en suis pas si sûre. Certes, la crise de la pêche des années 1993-1994 a véhiculé une image quelque peu misérabiliste de ce métier, image qui comporte des réalités, mais aussi un certain nombre d'excès. Cette image est, me semble-t-il, en train de s'améliorer dans la mesure où les salaires sont, dans leur ensemble, devenus tout à fait corrects. D'ailleurs, la plus grande attractivité de ce métier s'est ressentie lors de la dernière rentrée scolaire des écoles maritimes et aquacoles à travers l'augmentation des effectifs.
Il n'en reste pas moins qu'il est important que soit menée une réflexion sur l'emploi à la pêche, et vous avez tout à fait raison de le souligner, monsieur le sénateur.
En adoptant la loi d'orientation sur la pêche, le Sénat a pu constater l'importance donnée au volet social ; les diverses mesures prises à cet égard sont, à l'évidence, de nature à moderniser l'exercice du métier, donc à attirer des jeunes.
Quant à la mise en place d'un dispositif s'inspirant de la loi Robien, elle fait l'objet, vous le savez, monsieur le sénateur, d'une étude détaillée du comité local des pêches du Guilvinec. Cette proposition est actuellement étudiée par la direction des gens de mer, en liaison avec le ministère du travail. La réflexion que vous souhaitez est donc engagée.
Par ailleurs, le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation est favorable au principe d'un dispositif s'inspirant de la loi Robien, mais celui-ci devra tenir compte des spécificités de la pêche.
Tout d'abord, se pose la question du temps de travail, qui est très difficile à calculer dans le secteur de la pêche. Il faudrait envisager une réduction de la durée du travail qui soit compatible avec les règles traditionnelles de décompte des activités.
L'exonération des charges sociales à laquelle la loi ouvre droit pose également un problème. Vous savez que les charges sociales à la pêche ont déjà fait l'objet d'exonérations importantes, notamment à la suite de la crise de 1994. Une nouvelle exonération devrait donc s'inscrire dans ce contexte particulier.
Enfin, la rémunération à la part est un puissant élément de motivation des pêcheurs. Tous y sont très attachés et l'embauche de membres d'équipages supplémentaires pourrait se traduire par des parts moindres pour chacun.
Il y a donc un certain nombre d'obstacles à surmonter, mais ils doivent pouvoir être aplanis avec le concours des professionnels. Lors du comité de suivi de la pêche, M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation s'est déclaré prêt à examiner les adaptations envisageables au dispositif de la loi Robien et je ne doute pas qu'il restera en contact avec vous, monsieur le sénateur, pour progresser dans cette voie.
M. Alain Gérard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu m'apporter, mais je me permets d'insister sur l'urgence qui s'attache à la résolution des problèmes que j'ai évoqués.
Lorsqu'on étudie l'origine sociogéographique des élèves des lycées maritimes, on constate que la grande majorité d'entre eux vient de milieux extérieurs à la pêche et, souvent, de zones situées assez loin des ports. Cela signifie que les fils de pêcheur ne veulent plus faire le métier de leur père. On est en droit de s'interroger sur les causes d'une telle désaffection.
Dans le rapport que vous avez cité, madame le secrétaire d'Etat, on peut déjà trouver des éléments de réponse, à commencer par les contraintes qu'implique l'exercice de cette profession, notamment l'éloignement du cadre familial, l'épouse devant assurer seule la bonne marche de la famille et les enfants se voyant souvent privés de la présence de leur père. Mais d'autres facteurs sont en cause.
Si, dans l'industrie, l'amélioration de la productivité s'est accompagnée d'une diminution de la charge de travail pour les salariés, il n'en est pas de même pour les pêcheurs. Pour maintenir un salaire convenable et éviter que ne s'accroisse le nombre d'hommes bénéficiant du partage, les pêcheurs payés à la part ont vu leur charge de travail s'alourdir en même temps qu'augmentait la productivité.
Aujourd'hui, les jeunes refusent d'entrer dans ce système, qui privilégie les gains de productivité par rapport à une vie sociale et familiale acceptable.
La réduction des jours de mer pourrait constituer un élément décisif pour inverser cette tendance. C'est pourquoi la mise en place d'un dispositif contractuel qui s'inspirerait de la loi Robien pourrait, selon moi, s'appliquer, en tenant compte, bien entendu, des spécificités du métier de la pêche.
Pour les navires hauturiers et artisanaux, par exemple, l'objectif serait augmenter les équipages des navires sans accroître le nombre d'hommes présents à bord par la généralisation de la rotation au sein de l'équipage, avec deux ou trois hommes à terre en permanence.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, j'avais déjà évoqué l'idée d'un aménagement du temps de travail adapté au secteur de la pêche. Vous avez confirmé, madame le secrétaire d'Etat, les réponses qu'avait alors apportées M. le ministre de l'agriculture, qui s'était engagé à susciter une discussion sur ce point ; je ne puis que m'en réjouir.

PRÉVENTION DU SATURNISME À PARIS

M. le président. Mme Nicole Borvo attire à nouveau l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation dramatique des victimes du saturnisme à Paris.
En trois ans, 1 904 enfants ont présenté des signes de saturnisme dans la capitale, selon les nouvelles données de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France.
Cette maladie des taudis, qui frappe les plus pauvres, doit être éradiquée.
Le seul remède au saturnisme, c'est le relogement des familles.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour reloger de manière prioritaire les familles touchées et publier les sites exacts où les plombémies supérieures à 100 microgrammes ont été relevées, afin de pouvoir intervenir efficacement et rapidement. (N° 524.)
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Voilà un an, j'interrogeais M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation qui fait que des Parisiens, et malheureusement des plus jeunes, sont victimes de saturnisme.
Depuis un an, la situation ne s'est pas améliorée, bien au contraire. C'est ce qui ressort d'une étude de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France, la DRASSIF, étude dont la publication a d'ailleurs été retardée sans doute parce que les chiffres qu'elle contient sont terriblement accusateurs pour les pouvoirs publics.
Permettez-moi de citer quelques extraits de ce rapport.
« Le nombre d'enfants présentant au moins un critère majeur est en augmentation : 70 % des enfants prélevés pour dépistage entre novembre 1994 et avril 1995 présentent au moins un pica et/ou un autre cas de saturnisme dans l'entourage et/ou demeurent dans un habitat ancien dégradé, contre 62 % précédemment. »
Le rapport note également que le « pourcentage d'enfants d'origine européenne augmente » et que l'« on retrouve des enfants présentant des plombémies élevées quelle que soit l'origine géographique des familles ».
Les familles des milieux les plus défavorisés sont particulièrement frappées par cette maladie des taudis. C'est le nord-est de la capitale qui est d'ailleurs le plus touché. Or c'est là que le chômage et la précarité atteignent des taux largement supérieurs aux moyennes régionales. C'est également là que l'on compte le plus grand nombre d'habitations précaires de la capitale.
La situation est telle qu'on ne peut plus attendre pour prendre des mesures efficaces afin d'en finir avec cette maladie d'un autre âge.
Et ce n'est pas une modeste équipe d'un comité de pilotage de lutte contre le saturnisme insuffisamment pourvue en moyens - trois personnes à mi-temps seulement, selon la presse - qui pourra venir à bout des problèmes de saturnisme à Paris !
Au lieu de parcelliser le problèmes, il conviendrait de regrouper les services sanitaires et sociaux de la mairie et de la préfecture afin qu'ils puissent les étudier globalement et apporter des réponses adaptées aux victimes de cette terrible maladie. Il n'y a pas de remède médical : c'est par le relogement des familles concernées qu'il faut lutter contre le saturnisme.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence. Madame le sénateur, en Ile-de-France, de mai 1992 à avril 1995, un dépistage du saturnisme a été réalisé chez 6 490 enfants à partir des données de l'interrogatoire médical et/ou des signes cliniques évocateurs d'intoxication par le plomb.
Chez 1 296 d'entre eux, la plombémie était supérieure à 150 microgrammes par litre, nécessitant une enquête environnementale au domicile de l'enfant, permettant de repérer les peintures dégradées et d'informer les familles sur les zones à risque qui seront isolées.
Le suivi de ces enfants à intervalle régulier est indispensable pour juger de la maîtrise de l'environnement, des mesures d'hygiène et, le cas échéant, des résultats du traitement curatif.
Les données non médicales résultant du dépistage et du suivi sont intégrées dans un système de surveillance et sont communiquées, sous forme de synthèse, à un comité de pilotage de la lutte contre le saturnisme, mis en place en avril 1996 par le préfet de Paris, qui en a confié la présidence au directeur régional des affaires sanitaires et sociales.
Ce comité s'appuie sur deux commissions de travail : une commission « santé », chargée d'étudier les cas d'intoxication qui lui sont soumis, et une commission opérationnelle, dont la mission est d'arrêter les dispositions techniques et financières propres à supprimer les causes du saturnisme, de prescrire les travaux nécessaires et d'aider les familles concernées.
En effet, le relogement n'est pas la solution unique pour prévenir l'intoxication au plomb. On le réserve aux situations où l'habitat est irrémédiablement insalubre ou dans lesquelles une surpopulation aggravée ne permet pas à la famille de vivre dans des conditions décentes.
Dans la majorité des cas, un bon niveau de protection est atteint par des travaux de recouvrement des peintures, qui peuvent être financés dans le cadre des aides publiques habituelles de rénovation de l'habitat.
Ainsi, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, a relevé le montant des travaux subventionnables à 40 000 francs en cas de peintures riches en plomb susceptibles d'entraîner des cas de saturnisme et supprimé le délai de cinq ans avant l'intervention d'une autre subvention d'amélioration de l'habitat.
Le projet de loi de renforcement de la cohésion sociale prévoit par ailleurs d'appuyer les actions de luttre contre le saturnisme, notamment par l'attribution à l'ANAH de crédits réservés à la réalisation de travaux d'urgence dans les logements des enfants intoxiqués.
Enfin, il convient de rappeler que, dans la région parisienne, au titre du plan Périssol, plusieurs milliers de logements anciens rénovés sont en cours de mise sur le marché pour le relogement des personnes modestes et que le risque lié au plomb est pris en compte dans ces rénovations.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de toutes les informations que vous avez bien voulu me donner. J'espère simplement ne pas avoir à constater dans un an que la situation à cet égard continue de s'aggraver.
Vous avez cité un certain nombre de mesures de prévention qui ont été prises. Vous avez indiqué en particulier que des commissions se préoccupent de ce problème. Mais une politique de prévention implique un engagement financier de la part des pouvoirs publics, car les dépenses en question ne peuvent pas être assumées par les familles, chacun le sait.
Quelques rares entreprises du bâtiment possèdent le matériel permettant d'éviter une aggravation de la pollution. Or le coût d'une telle intervention est supérieur à 100 000 francs pour un petit appartement. Il convient de mettre une telle somme en regard du coût des hospitalisations répétées, des souffrances qu'entraîne la maladie pour les enfants et les familles, sans parler des retards scolaires, qui ont également un coût social.
Cette situation est donc humainement insupportable mais aussi économiquement extravagante. Les enfants « ont droit » à la maladie parce qu'ils sont pris en charge à 100 %, mais ils n'ont pas droit à la santé puisque le problème se pose en amont.
Je crois que ce qui a été décidé, après maintes difficultés, concernant la cartographie de l'amiante doit être décidé pour le plomb si l'on veut véritablement se donner les moyens d'éradiquer cette maladie aux conséquences irréversibles, et parfois fatales.
Il y a lieu de mettre en oeuvre des pénalités fiscales importantes pour les propriétaires bailleurs de mauvaise foi qui se refusent à mettre leurs logements en conformité avec les normes d'hygiène. Il importe de mettre en place un dispositif d'incitation fiscale pour les propriétaires confrontés au problème du saturnisme.

CRITÈRES D'AFFECTATION DES POLICIERS À PARIS

M. le président. M. Michel Charzat attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les critères d'affectation des policiers dans les différents arrondissements de Paris.
Apparemment, tous les secteurs de la capitale ne sont pas traités de manière équitable en matière d'effectifs de police.
Il lui demande, en conséquence, des explications sur cette situation et sur les mesures qui seront prises pour y remédier. (N° 513.)
La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Ma question, qui s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, concerne donc les critères d'affectation des policiers sur les différents secteurs de la capitale.
Un grand quotidien du matin, qu'on ne peut soupçonner de malveillance à l'égard du Gouvernement, a publié récemment une carte apportant la démonstration de ce que ressentent nos concitoyens parisiens, à savoir que tous les arrondissements de la capitale ne sont pas traités de manière équitable en matière d'effectifs de police.
En effet, que dire aux habitants des quartiers les plus populaires, notamment le XXe arrondissement, où on dénombre 1,2 policier pour 1 000 habitants, contre 6,4 dans le IVe, 9,2 dans le VIIIe et 16,3 dans le Ier ?
Faut-il croire que certains méritent d'être mieux protégés que d'autres ? Faut-il comprendre que tous les citoyens et tous les contribuables ne sont pas égaux devant le service public de la sécurité ?
Faut-il rappeler ici que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose, dans son article II, qu'un des premiers droits de l'homme est le droit à la sûreté et, dans son article XII, que « la force publique est instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » ?
Certes, je le sais, dans certains secteurs, l'implantation des bâtiments de l'Etat et de représentations étrangères nécessite la présence constante de forces de police. Mais cela ne peut justifier de tels écarts, particulièrement quand on connaît la réalité sociale des secteurs de l'est parisien. On ne peut accepter du Gouvernement des discours sur la sécurité quand, dans le même temps, il laisse perdurer une telle inégalité devant le service public.
Je suis concret : dans le XXe arrondissement, il y a 310 policiers. Avec les contraintes de services, les roulements d'effectifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce sont à peu près quarante policiers qui sont présents pour assurer la sécurité de 190 000 habitants.
Ajoutez à cela que l'on retrouve affectés aux postes les plus difficiles nombre de jeunes policiers immergés dans des situations sociales inextricables, et vous aurez l'explication d'une partie de ce que l'on appelle le « malaise de la police ».
Cette situation ne peut durer. Le Gouvernement doit aux élus parisiens, au Sénat et à la population des explications et des indications sur les mesures qu'il compte prendre pour y remédier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence. Monsieur le sénateur, la répartition des policiers par arrondissement tient compte de nombreux critères, qui ne sont pas uniquement liés à la population résidente.
Ainsi, traditionnellement, la Préfecture de police prend en considération, outre bien sûr la population résidente, la population dite « de passage », constituée par les personnes travaillant la journée dans la capitale ou par les touristes, qui vient accroître le nombre des personnes présentes dans les arrondissements centraux de Paris.
Elle tient également compte des points sensibles que sont le siège des institutions républicaines ou des représentations étrangères, les zones de concentration commerciale ou d'activité économique, les lieux de loisirs, de spectacles ou sportifs et les quartiers où l'animation nocturne est permanente.
En outre, le poids inégalement réparti à Paris des sujétions inhérentes à l'organisation des services d'ordre et des dispositifs de maintien de l'ordre est lui aussi pris en considération, ainsi que la superficie de l'arrondissement et la longueur de la voirie, qui ont une influence sur les délais d'intervention et sont susceptibles d'accroître les difficultés de surveillance.
Enfin, les servitudes liées à la présence d'établissements hospitaliers, dans lesquels doit être assurée la garde de détenus, ou à l'existence de postes de police importants dans les gares jouent également, de même que le niveau de la délinquance locale, ainsi que ses particularités.
Chacun de ces critères fournit donc des indications utiles et importantes, mais parcellaires. Le croisement de ces différents critères est en effet nécessaire pour proportionner les effectifs des commissariats d'arrondissement à la réalité des multiples charges qui leur incombent.
J'ajoute que les policiers affectés en permanence dans les arrondissements sont soutenus, selon les moments et en fonction des besoins, par des fonctionnaires appartenant à des unités centrales.
Ainsi, s'agissant de la direction de la sécurité publique, les personnels locaux, dans les arrondissements où une présence supplétive s'avère nécessaire, sont renforcés par les policiers de la sous-direction de la circulation et de la police de proximité, des compagnies d'intervention, de la brigade anti-criminalité de nuit et de la toute récente brigade anti-criminalité de jour.
Il faut aussi noter le travail considérable effectué par le service de protection et de sécurité du métropolitain, ainsi que le rôle important joué par les 684 policiers auxiliaires qui exercent leurs fonctions sur la voie publique.
De même, les fonctionnaires de la direction régionale de la police judiciaire affectés au sein des commissariats de quartier bénéficient de l'appui des brigades centrales spécialisées, parmi lesquelles figurent la brigade criminelle, la brigade de répression du proxénétisme, la brigade de recherche et d'intervention, la brigade de protection des mineurs et la brigade de répression du banditisme, qui opèrent sur l'ensemble du territoire de la capitale.
Enfin, les personnels des forces mobiles des compagnies républicaines de sécurité ou les gendarmes mobiles mis à la disposition du préfet de police, qui ne figurent pas dans les tableaux d'effectifs, contribuent également à renforcer l'action policière dans les arrondissements.
M. Michel Charzat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Je remercie M. le secrétaire d'Etat des éléments d'information qu'il m'a transmis, mais sa réponse ne me satisfait pas du tout.
En effet, il s'agit d'arguments traditionnels que rappelle régulièrement le préfet de police, mais je considère pour ma part que la lutte contre l'extension de l'économie parallèlle de la drogue et les incivilités qui caractérisent certaines cités, notamment dans le nord-est parisien, passe par le développement de l'îlotage et de la police de proximité.
Or le préfet de police m'a confirmé que des effectifs supplémentaires ne pouvaient être dégagés à Paris au profit des quartiers les plus difficiles, alors qu'il conviendrait pourtant de permettre une meilleure adéquation entre les problèmes rencontrés par les habitants de ces quartiers et les effectifs de police.
Je souhaite donc que M. le ministre de l'intérieur entende le cri de détresse poussé par certains de ces habitants et que, à défaut d'augmenter les effectifs, il procède au nécessaire redéploiement de ceux-ci en faveur de l'îlotage, car cette action constitue la réponse la plus adaptée aux problèmes que nous connaissons.

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REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
NOMMÉ MEMBRE
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'informe le Sénat qu'en application de l'article 57 de la Constitution et de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président a pris acte, au nom du Sénat, de la cessation, à la date du 12 janvier 1997 à minuit, du mandat de sénateur de la Dordogne de M. Yves Guéna, nommé membre du Conseil constitutionnel le 3 janvier 1997.
Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Gérard Fayolle est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Dordogne, M. Yves Guéna.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue,
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

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HOMMAGE À ÉTIENNE DAILLY,
ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DU SÉNAT

M. le président. Mes chers collègues, c'est avec une vive émotion que nous avons appris la disparition de notre ancien collègue Etienne Dailly, emporté le 24 décembre dernier par une longue maladie qu'il avait affrontée avec courage. (Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
J'ai souhaité rendre un hommage particulier à la mémoire de ce grand parlementaire, qui a marqué notre assemblée de son empreinte et qui, en toutes circonstances, a manifesté un attachement profond et une vigilance constante aux prérogatives du Parlement en général, et du Sénat en particulier.
Etienne Dailly a siégé parmi nous pendant trente-six ans. Il a assumé la vice-présidence du Sénat durant vingt-sept ans.
Juriste passionné, doué d'une intelligence brillante, il a animé nos débats de sa compétence et de son style, dans cet hémicycle comme à la commission des lois. Il a mis au service du Sénat une énorme capacité de travail. Spécialiste averti du droit commercial et du droit des sociétés, il a apporté, dans ces domaines et dans bien d'autres, une contribution personnelle éminente à l'élaboration de notre législation.
Faut-il rappeler qu'il a été rapporteur de cent vingt textes et membre de plus de cent soixante commissions mixtes paritaires ?
Etienne Dailly était aussi un remarquable connaisseur de la Constitution et un défenseur scrupuleux des principes constitutionnels ; il avait d'ailleurs été désigné comme rapporteur de six projets de loi de révision de la Constitution.
Il était enfin, comme l'a rappelé le président du Conseil constitutionnel, « le maître de la procédure parlementaire » : il donnait toute la mesure de son talent à la présidence de séance, « au plateau » comme il aimait à le dire. Son autorité et sa connaissance de toutes les subtilités de notre règlement impressionnaient nos collègues et les membres du Gouvernement. C'est pourquoi, à partir de 1979, la commission des lois l'a chargé de rapporter la plupart des révisions du règlement, dont il était d'ailleurs souvent l'inspirateur.
Les grandes compétences d'Etienne Dailly, sa longue expérience m'ont naturellement conduit à le nommer au Conseil constitutionnel, voilà bientôt deux ans. Le bureau du Sénat lui a alors manifesté sa reconnaissance en lui conférant le titre de vice-président honoraire, témoignage d'estime tout à fait exceptionnel.
Le Sénat tout entier gardera le souvenir de celui qui fut une grande figure du Parlement, mais aussi une personnalité attachante et un homme de coeur.

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COMMUNICATION DE DEUX NOMINATIONS

M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de porter à votre connaissance deux nominations auxquelles je viens de procéder. Elles concernent un vice-président et un ancien vice-président du Sénat.
En remplacement d'Etienne Dailly, j'ai désigné, pour siéger au Conseil constitutionnel, M. Yves Guéna.
Les qualités éminentes dont notre ancien collègue a su faire preuve dans l'exercice des hautes fonctions qu'il a exercées à tous les niveaux de l'administration, du Gouvernement puis du Parlement, le destinaient à siéger au sein de cette haute instance.
Par ailleurs, j'avais, dès le 22 novembre, désigné notre ancien collègue Roger Chinaud, qui fut rapporteur général de la commission des finances, puis vice-président de notre Haute Assemblée, pour siéger au sein de la toute nouvelle Autorité de régulation des télécommunications, qui a été créée au 1er janvier de cette année.
Ses compétences avérées en matière de finances publiques et, plus généralement, dans le domaine économique le distinguaient pour s'impliquer dans ce secteur.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai nommé pour le Sénat l'un et l'autre. Comme vous pouvez en juger, ce sont deux hommes remarquables.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.
A. - Mercredi 15 janvier 1997, à quinze heures :
1° Election d'un vice-président du Sénat.
Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences.
2° Désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal (n° 152, 1996-1997).
La conférence des présidents a précédemment fixé au mardi 14 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
B. - Jeudi 16 janvier 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal.
A quinze heures :
2° Cinq projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre, d'une part, les communautés européennes et leurs Etats membres et, d'autre part :
- la République de Moldova (n° 137, 1996-1997) ;
- la République kirghize (n° 138, 1996-1997) ;
- la République du Kazakhstan (n° 139, 1996-1997) ;
- la République de Russie (n° 140, 1996-1997) ;
- l'Ukraine (n° 141, 1996-1997).
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces cinq projets de loi.
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 11, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
C. - Mardi 21 janvier 1997, à seize heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré national » (n° 35, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 20 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 20 janvier.
D. - Mercredi 22 janvier 1997, à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré national ».
E. - Jeudi 23 janvier 1997, à neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré national ».
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
F. - Mardi 28 janvier 1997 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente :
1° Proposition de loi de M. Alain Joyandet et plusieurs de ses collègues visant à modifier le code des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des districts (n° 34, 1996-1997 ; rapport n° 117, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au lundi 27 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
A seize heures :
2° Proposition de loi de M. Jean-Marc Pastor et plusieurs de ses collègues (n° 23, 1996-1997) et proposition de loi de M. Jean-Pierre Camoin et plusieurs de ses collègues (n° 142, 1996-1997) tendant à organiser la lutte contre les termites.
La conférence des présidents a fixé au lundi 27 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.
G. - Mercredi 29 janvier 1997, à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, deuxième lecture du projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de services et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence et la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 54, 62 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (n° 163, 1996-1997).
La conférence des présidents a fixé au mardi 28 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.
H. - Jeudi 30 janvier 1997, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Eventuellement, deuxième lecture de la proposition de loi relative à l'épargne retraite.
La conférence des présidents a fixé au mercredi 29 janvier, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution ?...
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Mon intervention a trait aux dispositions arrêtées par la conférence des présidents. Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, j'ai protesté aujourd'hui contre l'inscription du projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré national » à l'ordre du jour de la séance publique du 21 janvier, c'est-à-dire dans une semaine, et je veux renouveler ici, devant notre assemblée, mes protestations.
Dès demain, le rapport sera examiné en commission.
En effet, une nouvelle fois, le Gouvernement entend faire passer en force une réforme d'envergure, dangereuse pour la collectivité et contraire à l'intérêt national ; il s'agit de l'éclatement de la SNCF, établissement public, avec la création d'une nouvelle entité, le Réseau ferré national (RFN).
Le Gouvernement devance ainsi les exigences des autorités européennes, qui contestent fondamentalement la spécificité du service public à la française, dans les chemins de fer comme dans d'autres domaines.
De grands services publics comme les télécommunications, La Poste, aujourd'hui la SNCF, et demain - qui peut l'écarter ? - EDF-GDF, sont et seront soumis plus encore à la loi du marché, à la rentabilité financière au détriment de l'intérêt général.
Le Gouvernement n'a pas accepté la demande de consultation des salariés qui émanait de la principale organisation syndicale de la SNCF, la CGT.
Nous constatons cependant que les deux organisations qui représentent plus de 70 % des salariés repoussent ce projet de loi.
Est-il sérieux, alors que le report de l'examen du texte, voilà quelques semaines, devait favoriser la prise en compte des aspirations des cheminots, de précipiter la discussion en se fondant uniquement sur une prise en charge supplémentaire de la dette de la SNCF par RFN, compte tenu du fait que les oppositions portaient sur la nature même de l'éclatement de cette grande entreprise et la philosophie profondément libérale qui la sous-tend ?
Une nouvelle fois, les principes qui avaient présidé à la création de la session unique sont foulés au pied. Précipitation et urgence restent toujours valables pour faire ratifier par la majorité parlementaire les mauvais coups ! Il faut d'ailleurs souligner que le Gouvernement a bien hésité.
Nous protestons également contre le refus du rapporteur de permettre l'audition par l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques de toutes les organisations syndicales concernées, lesquelles n'ont été entendues que par lui.
Le pluralisme et le bon exercice de la démocratie parlementaire exigent que la commission auditionne largement sur un tel texte. Nous maintenons cette demande et souhaitons entendre le président de la commission s'exprimer ici même sur ce point.
M. le président. Madame Luc, vous m'avez sans doute mal entendu. J'ai demandé s'il y avait des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents, s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, c'est-à-dire uniquement en ce qui concerne l'ordre du jour réservé du Sénat.
Je considère votre intervention plutôt comme un rappel au règlement.
Y a-t-il d'autres observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents s'agissant de l'ordre du jour établi en application de l'article 48, troisième alinéa, de la Constitution ?...
Ces propositions sont adoptées.
Compte tenu de la Constitution, il ne peut d'ailleurs en être autrement, notamment en qui concerne l'ordre du jour prioritaire.
Mme Hélène Luc. Ils sont majoritaires, comme à la conférence des présidents ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. Ma chère collègue, je parle de la Constitution et de son application, et non d'autre chose !

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LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 152, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal [rapport n° 157 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons examiner à partir d'aujourd'hui le projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal. Ce texte répond à une nécessité, car cette forme de délinquance particulièrement pernicieuse pour la société française est malheureusement en développement.
Je souhaite tout d'abord exprimer mes remerciements à MM. Souvet et Masson, rapporteurs respectivement de la commission des affaires économiques et de la commission des lois. Les travaux menés au sein de ces dernières nous permettront d'enrichir le texte, et nombre d'amendements déposés pourront notamment améliorer la rédaction du projet de loi. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles de ce projet de loi.
Mais, auparavant, je voudrais vous exposer les enjeux de la lutte contre le travail illégal, vous rappeler brièvement les principaux éléments de ce projet de loi, et, surtout, replacer ce dernier dans le cadre de la stratégie globale que nous conduisons, avec Jacques Barrot et l'ensemble du Gouvernement.
J'examinerai, en premier lieu, les enjeux de la lutte contre le travail illégal.
Je voudrais tout d'abord affirmer avec solennité que le Gouvernement entend faire de la lutte contre le travail illégal une priorité nationale. En effet - je sais que vous en êtes persuadés - le travail illégal joue contre l'emploi, contre les salariés, contre les entreprises, en un mot contre la collectivité nationale tout entière.
Le travail illégal exclut les salariés de leurs droits sociaux et les met en situation précaire. Conditions de travail déplorables, absence de couverture maladie, absence de retraite, tout se conjugue au détriment des salariés : qu'ils soient Français ou étrangers, ils sont toujours les premières victimes, parfois, hélas ! consentantes, par manque d'information.
Le travail illégal est également une source de concurrence déloyale pour les entreprises qui respectent leurs obligations. En effet, comment peut-on lutter à armes égales contre des concurrents qui échappent à leurs charges et aux dispositions qui protègent les salariés ?
Le travail illégal est, ensuite, la cause d'une évasion massive de recettes fiscales et sociales. Je ne me risquerai pas à quantifier devant vous un phénomène qui est, par nature, difficilement quantifiable.
Néanmoins, nous savons tous que la lutte contre le travail illégal est une composante importante de notre combat pour réduire les déficits.
Enfin, le travail illégal encourage, au moins de façon indirecte, l'immigration irrégulière sur le territoire national. Je pense en particulier à ces véritables filières d'introduction d'étrangers sans titre de séjour ni travail, qui existent dans notre pays, comme d'ailleurs dans les autres pays de l'Union européenne.
Je profite néanmoins de cette occasion pour réaffirmer qu'il ne faut pas confondre le travail illégal et l'immigration irrégulière. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'emploi d'étrangers sans titre représente à ce jour moins de 10 % des infractions constatées.
Il faut aujourd'hui incontestablement renforcer nos moyens d'action. En effet, les efforts réalisés jusqu'à présent n'ont pas suffi à enrayer le phénomène que nous connaissons.
Il est vrai que beaucoup de progrès ont été faits depuis la création de l'infraction de travail clandestin voilà plus de cinquante ans.
Ainsi, le dispositif législatif s'est beaucoup enrichi, notamment dans les dix dernières années.
Le législateur a peu à peu étendu le champ de l'infraction.
Il a également prévu des peines de plus en plus sévères, en correctionnalisant notamment l'infraction et en introduisant de nombreuses peines complémentaires très lourdes.
Il a également introduit une disposition essentielle, la solidarité financière des donneurs d'ordre. Il a enfin étendu les pouvoirs des agents de contrôle.
Dans un autre ordre d'idées, la création d'une mission interministérielle en 1976, devenue ultérieurement la MILUTMO, rattachée au ministère du travail, a également eu un impact très positif, en sensibilisant des administrations peu habituées à rencontrer sur le terrain ce type d'infractions et en apportant son expertise technique aux différents corps de contrôle.
Ainsi, comme le souligne M. le rapporteur, le nombre d'infractions constatées a crû considérablement au cours des dernières années ; de même, le nombre de condamnations prononcées a progressé, comme d'ailleurs la sévérité des tribunaux : sur dix personnes condamnées pour travail illégal en 1993, quatre l'ont été à des peines d'emprisonnement.
Malgré tout, le dispositif existant que je viens de vous présenter très rapidement ne suffit plus, et il faut résolument aller au-delà, pour plusieurs raisons.
Première raison : le nombre d'infractions constatées par les services de contrôles n'est toujours pas à la hauteur du phénomène du travail illégal en France.
Pensez que seulement 18 870 infractions ont été constatées en 1994, soit, en moyenne, moins d'une infraction par jour ouvrable et par département français, alors qu'il y a 1,5 million d'établissements possédant des salariés et près de 14 millions de salariés.
Deuxième raison : les formes de travail illégal évoluent rapidement.
Les exemples de fraude organisée se multiplient. Ceux-ci mettent en jeu des relations entre sociétés mères et filiales, donneurs d'ordres et sous-traitants, sur le territoire national, voire à l'étranger.
Je pense au marchandage, aux réseaux d'introduction d'étrangers en vue de travail clandestin que j'évoquais à l'instant.
Nos instruments législatifs et notre dispositif administratif de lutte contre le travail illégal doivent donc évoluer pour mieux contrer ces nouvelles formes de fraude.
Troisième raison : les obstacles existants à l'action des corps de contrôle sur le terrain sont encore trop nombreux. Ces obstacles sont d'abord d'ordre juridique. Ainsi, il n'est pas aujourd'hui possible de mobiliser tous les corps de contrôle dans la lutte contre le travail illégal, car les règles de procédure qui s'appliquent à certains d'entre eux - je pense aux douaniers, aux agents des impôts, aux contrôleurs des transports terrestres ou aux fonctionnaires techniques de l'aviation civile, qui, d'ailleurs, n'ont pas échappé à la vigilance de la commission - leur interdisent de s'investir pleinement et de conduire tous les contrôles qu'ils pourraient et devraient engager.
C'est pourquoi, sur ce point comme sur d'autres encore, le projet de loi propose d'harmoniser très largement les compétences et les prérogatives des agents des différentes administrations.
J'en viens à la dernière raison, qui n'est pas la moindre : comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la première ambition du Gouvernement est de conduire une politique de développement de l'emploi. Or, le travail illégal est incontestablement destructeur d'emploi.s
Le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui est un projet qui se veut ambitieux.
Il doit se comprendre dans le cadre de notre politique d'enrichissement de la croissance en emplois, et c'est bien pour cette raison que ce sont le ministre du travail et le ministre délégué pour l'emploi qui vous le présentent. C'est également pourquoi le Premier ministre m'a demandé de piloter sa mise en oeuvre sur le terrain.
Je serai brève sur les dispositions du texte, car nous y reviendrons longuement à l'occasion de l'examen des articles et des amendements que vous avez déposés.
Ce texte s'inscrit évidemment dans la continuité de l'action du Gouvernement, mais il constitue également, par de nombreux aspects, une rupture par rapport à ce qui s'est fait jusqu'à présent. Il s'agit, comme l'a justement souligné M. le rapporteur, de clarifier et d'adapter la définition du délit, de mieux contrôler, de dissuader et d'informer.
S'agissant de la clarification et de l'adaptation de la définition du délit, le projet de loi vise à permettre de lutter contre le travail dissimulé, et ce, que l'employeur exerce une activité à but lucratif - c'est déjà le cas aujourd'hui - ou qu'il dissimule cette activité sous une apparence associative, ce qui est nouveau.
En ce qui concerne le contrôle, le projet de loi donne à tous les agents des nombreux corps de contrôle compétents - je les ai évoqués tout à l'heure - la mission de « rechercher » l'infraction de travail illégal et non plus uniquement de la « constater ». Au-delà de la question de vocabulaire, cette modification aura un effet concret : grâce à cela, les milliers d'agents des impôts et des douanes pourront désormais s'impliquer entièrement et activement dans la lutte contre le travail illégal, eux qui n'ont pu dresser, en 1994, que 233 procès-verbaux sur un total de 9 150, soit 2,5 % seulement.
Le projet de loi permet aussi aux agents de ces corps de se faire présenter les documents commerciaux, afin d'identifier les donneurs d'ordre. Il s'agit évidemment d'une mesure importante.
La mise en cause des donneurs d'ordre doit devenir l'un des axes majeurs de notre politique de lutte contre le travail illégal. Il est inacceptable, en effet, que les véritables bénéficiaires des fraudes, et souvent même leurs instigateurs, échappent à la répression. Il est donc parfaitement logique que les agents de contrôle puissent avoir accès à des documents commerciaux dès qu'une situation de travail illégal a été détectée.
Le projet de loi prévoit, en outre, la levée du secret professionnel qui existe entre les corps de contrôle et les différents organismes de protection sociale. Cette disposition permettra de supprimer certains freins à l'efficacité des contrôles, dont trop de fraudeurs profitaient, et d'améliorer ainsi le recouvrement des cotisations.
Pour ce qui est de la dissuasion, l'administration ne peut refuser, à l'heure actuelle, au seul motif de recours au travail illégal, d'accorder des aides à l'emploi ou à la formation professionnelle. Cela n'est incontestablement pas normal, et le projet de loi vise à autoriser désormais l'administration à refuser, le cas échéant, le bénéfice de ces aides aux personnes physiques ou morales qui ont fait l'objet d'un procès-verbal constatant des faits de travail illégal. C'est là aussi un outil de dissuasion très puissant.
En revanche - et, sur ce point, le Gouvernement est favorable à l'amendement présenté par la commission, comme je le dirai tout à l'heure - la suspension du bénéfice d'aides déjà accordées n'est pas souhaitable. En effet, cette mesure risquerait de pénaliser les salariés, et non pas ceux qui ont voulu frauder, et contrarierait le principe de non-cumul des peines.
Le projet de loi fait par ailleurs obligation aux candidats à un marché public et à ses sous-traitants de justifier qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation prononcée depuis moins de cinq ans pour une infraction à la législation sur le travail dissimulé ou pour l'emploi d'un étranger dépourvu d'autorisation de travail. Cette disposition contribuera également à la moralisation des procédures d'attribution des marchés publics.
Le projet de loi vise à ouvrir au bénéfice des salariés l'accès aux informations qui prouvent l'accomplissement, par leur employeur, des formalités déclaratives les concernant. Ainsi, les salariés pourront désormais faire procéder au rétablissement de leurs droits.
Afin de mieux signifier la réprobation entourant le délit de travail dissimulé et d'emploi d'étrangers dépourvus de titre de travail, le projet de loi vise à ajouter aux sanctions les réprimant la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques et civils. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat, s'agissant de la possibilité d'interdire les droits de famille, disposition qui a été supprimée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais évoquer également deux dispositions importantes qui ne figurent pas dans le texte qui vous est soumis et qui viennent le compléter.
La première est incluse dans la loi sur le commerce et l'artisanat, que vous avez adoptée récemment. Elle prévoit l'obligation, pour les auteurs de publicités ou de petites annonces comportant des offres de services, de faire apparaître clairement leurs références professionnelles. Cette mesure permettra de rendre le marché plus transparent et rendra la tâche un peu plus difficile aux fraudeurs.
La seconde disposition figure dans le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, que vous allez bientôt examiner : l'instauration d'un droit d'entrée des officiers de police judiciaire sur les lieux de travail, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, est bien une mesure de lutte contre le travail dissimulé. Si elle figure dans le projet de loi présenté par Jean-Louis Debré, c'est pour des motifs juridiques, car elle modifie le code de procédure pénale et non le code du travail, comme l'essentiel des dispositions dont nous allons débattre.
Revenons maintenant à la stratégie du Gouvernement.
Les dispositions qui vous sont soumises, mesdames, messieurs les sénateurs, permettront de disposer d'instruments législatifs plus efficaces au service d'une stratégie d'ensemble.
Celle-ci comporte deux volets : la prévention doit être une priorité absolue et notre effort doit s'appuyer sur une mobilisation de tous les moyens de lutte contre le travail illégal.
La prévention doit être une priorité absolue, c'est-à-dire qu'avant de réprimer il faut prévenir, et d'abord informer les Français sur la perversité du travail illégal, les informer sur leurs droits ainsi que sur les risques qu'ils prennent en y recourant, même s'il est parfois tentant de faire repeindre sa cuisine par ce que l'on appelle un « ami ».
Nous devons aussi informer clairement les plus petites entreprises qui ont parfois recours au « coup de main » non déclaré parce que c'est plus rapide et qu'il n'y a pas de papiers à faire avant de développer la répression. Il ne s'agit pas, comme l'a justement souligné M. le rapporteur, de développer une législation trop inquisitoriale vis-à-vis des entreprises, qui ne nous ferait pas gagner en efficacité contre le travail illégal et aurait un effet néfaste sur le développement économique.
La prévention, par ailleurs, consiste d'abord à rendre le travail illégal moins tentateur pour ceux qui seraient prêts à y recourir.
Je sais que, comme beaucoup - et comme moi - vous regrettez que les réformes ne soient pas plus rapides. Cependant, nous avons fait incontestablement beaucoup de progrès dans les trois domaines qui jouent un rôle important dans la prévention du travail illégal : les simplifications administratives, les dispositifs d'exonération de charges sociales, la réforme fiscale.
Les simplifications administratives sont importantes sur le plan de la prévention, et il convient de les avoir présentes à l'esprit.
Il en est ainsi du chèque emploi-service, généralisé par la loi de janvier 1996 et qui permet de simplifier de manière drastique les formalités d'embauche et d'abaisser le coût des salariés pour les employeurs. Plus de 830 000 chéquiers ont été distribués et plus de 600 000 particuliers employeurs ont adhéré au système depuis sa création. En octobre 1996, 280 000 d'entre eux l'ont utilisé, ce qui correspond à 32 000 emplois en équivalent temps plein.
N'oublions pas le chèque saisonnier agricole, auquel, je le sais, un certain nombre d'entre vous sont particulièrement attachés, à juste titre.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Cette mesure facilitera l'embauche dans un secteur souvent frappé par le travail dissimulé. Nous allons, en outre, en transposer les principes aux extras de l'hôtellerie.
Quant à la déclaration unique d'embauche, elle remplace onze documents par un seul. Il faut savoir que 850 000 déclarations sont reçues chaque mois par les URSSAF !
Par ailleurs, le contrat unique d'apprentissage, disponible depuis le mois de juillet dernier, a permis de remplacer par une liasse de trois feuillets trois liasses de onze feuillets, et il offre l'avantage d'un interlocuteur unique.
Toujours dans l'ordre des simplifications, la déclaration unique de cotisations sociales, qui pourra être mise en oeuvre dès le mois de juin de manière expérimentale, sera généralisée très vraisemblablement dans le courant du second semestre, de manière progressive.
De même, le chèque « premier salarié », qui facilitera le travail des très petites entreprises, connaît actuellement la fin de sa première phase d'expérimentation. Le bilan que nous en tirerons sera, je pense, riche d'enseignements qui nous permettront de définir la suite à lui donner.
Enfin, la simplification du bulletin de salaire concerne 1,5 million d'employeurs. M. Turbot a remis en décembre dernier à M. Jacques Barrot les propositions de la commission qu'il préside ; elles seront, pour beaucoup, rapidement mises en oeuvre : notamment, depuis le 1er janvier 1997, le plafond de sécurité sociale est fixé pour toute l'année et non plus pour six mois.
Je tenais à vous rappeler ces différents éléments de simplification, qui doivent contribuer à prévenir le travail illégal.
J'en viens maintenant aux dispositifs d'exonérations de charges sociales patronales. En abaissant le coût du travail, ils diminuent, en effet, la tentation de frauder.
Amorcée en 1993, confirmée en septembre 1995, la réduction des charges patronales sur les bas salaires a été amplifiée, simplifiée et pérennisée. Depuis le 1er octobre 1996, cette réduction permet de diviser par deux les charges patronales au niveau du SMIC, et même par trois lorsqu'il s'agit de temps partiel. Ce dispositif concerne 4,5 millions de salariés, dont les trois quarts sont employés dans les petites et moyennes entreprises.
J'en arrive à la réforme fiscale.
La réduction de l'impôt sur le revenu - au terme de la réforme, un million de Français supplémentaires parmi les plus modestes ne paieront pas d'impôts - et la réduction de l'impôt pour travaux dans la résidence principale doivent aussi contribuer à réduire l'intérêt du travailillégal.
Je reste persuadé qu'il faut, en insistant sur la prévention, laisser se développer l'initiative de nos concitoyens et faire confiance à leur sens de la responsabilité.
Les simplifications administratives et la maîtrise des déficits et des prélèvements obligatoires encouragent l'initiative et favorisent le développement économique. Si l'on se donne la peine de bien les informer sur la nocivité du travail illégal et sur les simplifications qui sont mises en oeuvre aujourd'hui, les Français doivent pouvoir prendre leurs responsabilités.
Notre effort doit s'appuyer sur une mobilisation de tous les moyens de lutte contre le travail illégal.
Les dispositions que vous allez adopter seront mises en oeuvre dès la promulgation de la loi et cette mise en oeuvre s'organisera autour de trois idées-forces.
Première idée-force : il faut lutter en priorité contre les formes les plus scandaleuses de délinquance en matière de travail illégal telles que réseaux organisés ou montages juridiques complexes.
Deuxième idée-force : la lutte contre le travail illégal se fera avec les professions, qui y sont tout autant intéressées que les salariés, et non contre elles, bien entendu.
Troisième idée-force : tous les moyens à la disposition du Gouvernement seront mobilisés. Ce sera l'objet d'un dispositif interministériel, opérationnel dès le mois de février. Il permettra de combiner les compétences, notamment de l'inspection du travail, des services des douanes et des impôts, les moyens de police et de gendarmerie, et de mieux articuler la recherche, la constatation et la poursuite des infractions.
Le Premier ministre fixera les priorités de notre action dans le cadre du comité interministériel.
Pour les mettre en oeuvre, il a souhaité qu'un membre du Gouvernement pilote le dispositif afin de disposer de l'autorité politique indispensable. En conséquence, je présiderai, chaque mois, une commission réunissant le représentant du garde des sceaux et les responsables des corps de contrôle.
L'action de terrain sera conduite à deux niveaux.
Au plan national, un délégué interministériel se verra confier la responsabilité du dispositif de la coordination. Il veillera à la constante mobilisation des administrations et pourra donner toutes les instructions nécessaires aux préfets pour conduire des opérations de contrôle. Il disposera d'une équipe opérationnelle de haut niveau, qui pourra intervenir sur toutes les affaires complexes dépassant le cadre départemental, voire national.
Au niveau départemental, le préfet sera responsable de l'action administrative, en étroite coordination avec le procureur de la République. Il élaborera un plan d'action départemental, en y associant les représentants des professions.
C'est ainsi un dispositif d'ensemble, global et cohérent, qui vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il m'a paru essentiel de restituer les dispositions que nous examinons aujourd'hui dans leur cadre politique, économique et institutionnel afin que vous puissiez bien en appréhender les tenants et les aboutissants. Cette réforme législative ainsi que les dispositifs opérationnels qui suivront nous permettront, je le crois, d'être efficaces dans la lutte contre le travail illégal. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord prier le Sénat de bien vouloir excuser les répétitions qu'il trouvera dans mon propos après celui de Mme le ministre : elle a été à ce point exhaustive qu'il faut faire preuve de beaucoup d'imagination pour ne pas dire à nouveau ce qu'elle a excellemment développé.
Le projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail clandestin a été examiné par l'Assemblée nationale les 11 et 12 décembre dernier.
De dix articles, le texte est passé à trente-deux. Il n'a cependant pas changé de nature, puisque la plupart des amendements relatifs à l'immigration clandestine ont été renvoyés au projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, que nous examinerons prochainement.
Les ajouts de l'Assemblée nationale ont permis de clarifier un peu plus la notion de travail clandestin, d'ailleurs devenu travail « dissimulé », et de renforcer les moyens de lutte contre ce type de travail.
Je vous rappelle par ailleurs, mes chers collègues, que l'article 4 du présent projet de loi reprend une proposition de loi de nos collègues MM. Plasait et de Raincourt.
Ce projet de loi vient donc compléter un arsenal juridique abondant. Dix textes, depuis dix ans, ont été consacrés, partiellement ou totalement, à lutter contre le travail clandestin, car les raisons de lutter contre ce type de travail sont nombreuses.
Il y a d'abord, bien sûr, des raisons humaines : le travailleur employé clandestinement est d'abord une victime. Mal rémunéré et sans protection sociale, il connaît des conditions de travail souvent déplorables, voire dangereuses, la précarité et l'exclusion.
Ensuite, le travail dissimulé génère des distorsions de concurrence qui conduisent à fragiliser des secteurs entiers de l'économie avec, pour conséquence, la destruction de l'emploi et la montée du chômage.
Il y a aussi les pertes de recettes pour l'Etat et pour les organismes de protection sociale : c'est ainsi que l'on évoque le chiffre moyen de 130 milliards de francs de pertes de recettes, qu'il faut comparer avec le montant de nos déficits publics.
Enfin, la lutte contre le travail clandestin est un moyen de lutter contre l'immigration clandestine, non pas parce que les travailleurs clandestins seraient des étrangers en situation irrégulière - 10 % seulement relèvent de cette catégorie - mais parce que cela peut constituer un moyen de dissuader l'immigration clandestine en rendant moins attractive la perspective de trouver un emploi en France.
Toutefois, si l'on mesure assez bien les effets négatifs du travail clandestin, on constate aussi très vite que les moyens consacrés à la lutte contre celui-ci ne sont pas en rapport avec l'ampleur du phénomène : ainsi, en 1994, malgré une forte augmentation depuis 1992 - vous l'avez soulignée, madame le ministre - seules 18 877 infractions ont été relevées, à comparer avec le « chiffre d'affaires » de l'économie souterraine estimé - la fourchette est large - entre 80 et 270 milliards de francs.
L'insuffisante efficacité de cette lutte a plusieurs raisons, liées à la faiblesse des moyens humains, sans doute, mais aussi à l'inadaptation des moyens juridiques.
Cette inadaptation juridique tient d'abord aux règles de procédure qui s'imposent aux agents susceptibles de déceler des infractions et les empêchent de transmettre les informations recueillies ou de poursuivre leurs investigations en dehors de leur champ de compétence. Elle tient aussi à l'évolution des pratiques ; dès qu'un nouveau texte est adopté, les employeurs mal intentionnés s'adaptent et contournent l'obstacle : ainsi en est-il de la déclaration préalable à l'embauche, qui a entraîné une sous-déclaration du nombre d'heures travaillées.
La lutte contre le travail clandestin ou le travail dissimulé doit donc constituer une priorité ; elle est un complément indispensable du développement économique, de la politique de l'emploi et de la politique d'assainissement des déficits publics.
C'est tout le mérite du Gouvernement de s'y attaquer avec détermination et clarté, en évitant les amalgames qui ne pourraient que nuire à l'efficacité des dispositifs.
Le projet de loi vient donc compléter un arsenal juridique qui figure, pour l'essentiel, dans le code du travail et qui remonte à un décret-loi du 11 octobre 1940. Depuis cette date, tous les textes promulgués dans ce domaine ont eu pour effet d'étendre la population d'employeurs susceptible d'être mise en cause dans une procédure de travail clandestin, afin de responsabiliser davantage l'ensemble des acteurs économiques.
Je ne m'étendrai pas sur l'historique de la législation destinée à lutter contre le travail clandestin, que vous trouverez résumé dans mon rapport. Je me bornerai à souligner que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit directement dans la continuité de cette législation.
Le projet de loi s'articule autour de trois grandes orientations, que je résumerai en indiquant les principaux apports de l'Assemblée nationale et les principales positions de la commission.
La première de ces orientations vise à clarifier et à adapter la définition du délit de travail clandestin. Il est ainsi précisé que ce délit est caractérisé soit par la dissimulation d'activité, soit par la dissimulation de salarié.
Si les conditions de l'infraction de dissimulation d'activité ne sont pas nouvelles, en revanche, le délit de dissimulation d'emploi de salariés est désormais parfaitement défini par l'absence de l'une des formalités requises. Surtout, ce délit ne suppose plus une activité lucrative. Il sera ainsi possible de lutter contre la pratique de certains employeurs qui cachent leur véritable activité économique derrière des façades associatives.
L'Assemblée nationale a remplacé la notion de travail clandestin par celle de travail dissimulé afin, d'une part, de mettre l'accent sur la responsabilité de l'employeur, car celui qui commet le délit est toujours l'employeur, et d'autre part, d'éviter l'amalgame avec l'immigration clandestine. La commission partage ces analyses et propose de conserver cette notion de travail dissimulé.
En outre, pour lutter contre le recours indirect au travail clandestin et pour ne pas avoir de preuve difficile à établir, l'Assemblée nationale a supprimé le caractère intentionnel du recours d'un donneur d'ordre aux services d'une personne pratiquant elle-même le travail clandestin. Cette suppression, alors que le nouveau code pénal a posé le principe du caractère nécessairement intentionnel des délits, et après vingt-cinq ans d'usage, pourrait conduire à une interprétation ambiguë de la volonté du législateur. Il a donc semblé préférable à la commission de conserver la mention du caractère intentionnel.
Parmi les ajouts de l'Assemblée nationale, il faut aussi signaler la mention de la sous-évaluation des heures faites par le salarié comme éléments constitutifs du délit.
L'Assemblée nationale a aussi ramené à deux, en supprimant tout caractère cumulatif, les présomptions de dissimulation de salarié : il y a emploi dissimulé en l'absence de déclaration préalable à l'embauche ou en l'absence de bulletin de paye.
La deuxième grande série de dispositions a pour objet de renforcer les pouvoirs des agents de contrôle et d'améliorer la coordination de leurs actions.
Cette partie du texte vise à mettre fin à la relative impuissance de certains corps de contrôle, tels que la police, la gendarmerie et les douanes, lorsque leurs agents découvraient des indices de travail clandestin à l'occasion de leur mission principale.
Concrètement, tous les agents de contrôle pourront désormais non seulement constater les infractions au travail clandestin, mais également les rechercher. Tous pourront se faire communiquer les documents nécessaires à leurs investigations. Quant à leurs procès-verbaux, ils auront valeur probante jusqu'à preuve contraire. En fait, l'alignement se fait sur les pouvoirs de l'inspection du travail. Enfin, comme les autres agents, les agents des organismes de sécurité sociale et des impôts pourront entendre les salariés hors de l'entreprise, avec leur consentement. On rejoint là la préoccupation des auteurs de la proposition de loi, qui concerne exclusivement ce point et dont je reparlerai lors de l'examen des articles.
A cela s'ajoutent la levée du secret professionnel entre les différents corps de contrôle et avec les organismes de sécurité sociale, et l'habilitation des agents des douanes à contrôler l'emploi d'étrangers sans titre de travail, la levée du secret professionnel, les échanges d'informations relatives aux travailleurs étrangers. Il faudra cependant que tous ces corps que vous avez cités tout à l'heure, madame le ministre, apprennent à travailler ensemble et acceptent de travailler ensemble, ce qui n'est pas toujours le cas.
Enfin, les salariés pourront obtenir des agents de contrôle les informations relatives à leur situation au regard de la législation sur le travail dissimulé..
L'Assemblée nationale a développé assez nettement ce dispositif en en étendant le champ et l'objet, et en renforçant les moyens d'investigation.
C'est ainsi que les agents de contrôle auront désormais accès aux documents commerciaux et que la Cour des comptes se verra confier une mission annexe de lutte contre le travail clandestin dans la fonction publique. Très réservée sur ce dernier point, la commission des affaires sociales a laissé à la commission des lois le soin de se prononcer sur cette question, qui ne concerne pas le code du travail.
Les pouvoirs d'investigation des agents de contrôle des douanes et des impôts sont également étendus au délit de marchandage - vous l'avez dit tout à l'heure, madame le ministre - c'est-à-dire à la fourniture illégale de main-d'oeuvre, tandis que le secret professionnel est levé pour leur permettre de communiquer leurs informations aux autres corps de contrôle
Les juridictions seront, en outre, habilitées à communiquer aux caisses de sécurité sociale et de congés payés les informations nécessaires au recouvrement des cotisations éludées.
Sur tous ces points, la commission des affaires sociales n'a pas de remarque particulière à formuler, sachant qu'elle a laissé à la commission des lois le soin de se prononcer sur les nouveaux pouvoirs d'investigation confiés aux conseillers rapporteurs des conseils de prud'hommes.
J'en arrive au troisième volet du projet de loi, qui renforce les moyens visant à dissuader de recourir directement ou indirectement au travail clandestin ou dissimulé.
D'abord, le projet de loi ajoutait aux sanctions relatives au travail clandestin ou dissimulé et à l'emploi d'étrangers dépourvus de titre de travail la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille. Sur ce point, l'Assemblée nationale a supprimé la mention des droits de famille, considérant que la famille n'avait rien à voir avec le travail clandestin. La commission est réservée sur cette analyse et proposera un amendement de rétablissement.
Ensuite, le projet ouvre la possibilité à l'administration de refuser pendant cinq ans aux personnes physiques ou morales qui auraient fait l'objet d'un procès-verbal constatant des faits de travail dissimulé l'accès aux aides à l'emploi ou à la formation professionnelle.
L'Assemblée nationale a étendu ces sanctions au délit de marchandage et a prévu que les aides déjà octroyées puissent être suspendues si un procès-verbal était dressé ultérieurement. La commission est réservée sur cette disposition, qui pourrait avoir notamment pour conséquence l'arrêt d'un contrat de qualification ou d'apprentissage ; elle en propose donc la suppression.
Enfin, un candidat à un marché public ainsi que ses éventuels sous-traitants devront faire la preuve qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée depuis moins de cinq ans, pour infraction à la législation sur le travail clandestin ou sur l'emploi d'un étranger sans autorisation de travail.
Le dispositif a été renforcé par l'Assemblée nationale sur deux points : la preuve de la non-condamnation a été étendue aux « contrats » passés par les collectivités publiques et ces dernières devront insérer une clause dans les contrats et marchés supérieurs à une somme fixée par décret en Conseil d'Etat leur permettant de s'assurer que le cocontractant n'a pas recours au travail illégal, et pas seulement dissimulé.
Cette disposition a cependant un inconvénient en ce sens qu'elle pourrait engager la responsabilité de la collectivité territoriale si un accident survenait ; on pourrait lui reprocher son manque de vigilance. Pour y remédier, tout en conservant le caractère préventif du dispostif, la commission proposera de supprimer la référence au travail illégal pour ne mentionner que le travail clandestin, l'emploi d'étrangers sans titre de travail et le marchandage.
Au titre du renforcement des mesures prévues par le projet de loi, l'Assemblée nationale a ajouté d'autres sanctions portant sur des dispositifs variés. Elle a voulu sanctionner plus durement et plus rapidement le non-respect de la déclaration préalable à l'embauche, en en faisant une sanction administrative automatique. Cela risque de poser des problèmes dans la mesure où un tiers des déclarations préalables à l'embauche ne sont pas faites dans les délais, non par volonté de fraude, mais par manque de temps ou par négligence. C'est la raison pour laquelle la commission proposera, en accord, d'ailleurs, avec la commission des lois, une autre procédure, celle de l'ordonnance pénale.
L'Assemblée nationale a également fait passer de un mois à six mois l'indemnité que l'employeur verse au salarié non déclaré dont il se sépare. Elle a institué une responsabilité solidaire de celui qui ne s'est pas assuré que son cocontractant n'employait pas d'étrangers sans titre de travail, délit sanctionné par une contribution spéciale due à l'office des migrations internationales. Elle a élargi le champ de la solidarité des bénéficiaires et intermédiaires, dans le cas de recours au travail clandestin ou lorsque toutes les vérifications prévues par la loi n'ont pas été faites, aux pénalités et majorations de cotisations ainsi qu'aux indemnités versées aux salariés.
Sur l'ensemble de ce dispositif, qu'elle propose au Sénat d'approuver, la commission ne présentera que des amendements rédactionnels.
En revanche, elle est très réservée sur une autre disposition, qui consiste à mettre à la charge des employeurs les frais d'éloignement des travailleurs étrangers sans autorisation de travail. Là encore, elle a laissé à la commission des lois le soin de se prononcer sur l'article en cause, car cette question est liée au texte sur l'immigration.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, il n'a pas semblé nécessaire à la commission d'aller au-delà de ce qu'avait fait l'Assemblée nationale, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, la commission n'est pas tellement sûre qu'une législation très détaillée soit particulièrement efficace, d'autant qu'une telle législation risquerait d'être trop inquisitoriale vis-à-vis des entreprises.
Mais, surtout, la lutte contre le travail clandestin ne repose pas uniquement sur la multiplication des textes législatifs ou réglementaires. Il faut commencer par appliquer les textes existants, recenser les informations, coordonner les actions : il existe déjà - vous l'avez rappelé tout à l'heure, madame le ministre - la mission de liaison interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de main-d'oeuvre, la MILUTMO, les commissions départementales et les structures qui lui sont associées.
Ces moyens devraient être prochainement renforcés par la mise en place, par voie réglementaire, d'un nouveau dispositif de coordination interministérielle au plan national de lutte contre le travail illégal, qui comprendrait un comité interministériel pour la lutte contre le travail illégal, présidé par le Premier ministre, et une commission nationale de lutte contre le travail illégal, présidée par vous-même, madame le ministre.
Enfin, le dispositif devrait être complété par une délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal. Une commission de lutte contre le travail illégal sera également créée dans chaque département, ainsi qu'un comité opérationnel de lutte contre le travail illégal. L'ensemble de ces structures devrait permettre de mener des actions de grande ampleur, notamment pour démanteler les réseaux existants.
Le texte de loi et le dispositif réglementaire devraient donc permettre de renforcer efficacement la lutte contre le travail clandestin, le travail dissimulé ou d'autres formes de travail illégal.
La commission des affaires sociales tient toutefois à souligner qu'il y a un autre moyen de lutter contre le travail dissimulé : le prévenir. Là encore, vous vous y employez, madame le ministre.
Ces moyens de prévention sont la simplification des formalités administratives - elle est en bonne voie ; je pense au chèque emploi-service, à ses extensions envisagées et aux déclarations uniques - l'allégement des charges des employeurs - là encore, le processus est bien engagé - et aussi l'allégement du coût de certains services ou de certains contrats. L'abaissement de la TVA serait donc le bienvenu, de même que les déductions fiscales pour certains travaux, qui conforteraient certainement le secteur de l'artisanat. Il faut donc poursuivre dans cette voie, et c'est là que mon propos se distingue un peu du vôtre, madame le ministre.
Naturellement, vous l'avez compris, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous invite à adopter le présent projet de loi, sous réserve des quelques amendements qu'elle vous proposera demain et de ceux que présentera la commission des lois, qui a su opportunément compléter l'examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, je ne vais pas redire de manière forcément moins complète que ne l'ont fait il y a un instant Mme le ministre ou notre excellent rapporteur, M. Souvet, l'importance de ce texte et surtout la difficulté dans laquelle se trouve l'économie nationale face à ce phénomène du travail illégal. C'est un fléau social, on l'a souligné.
Le travail illégal, c'est la négation des dispositions concernant la protection sociale des travailleurs de ce pays.
Le travail illégal a un coût financier considérable. Pour 1 500 000 personnes illégalement employées, estime-t-on, ce coût atteindrait chaque année au moins 156 milliards de francs - c'est la moitié du déficit budgétaire - soit au titre des moins-values fiscales, soit au titre des moins-values sur les cotisations sociales.
Enfin, le travail illégal, c'est une source de distorsion de concurrence, dont pâtissent les employeurs respectueux de la législation.
Je ne reviens pas sur ces différents points.
Je ne rappellerai pas non plus ce que viennent de dire excellemment Mme le ministre et M. le rapporteur au fond sur ce qui est entrepris dans le texte, amendé par la commission des affaires sociales, et sur ce qui sera évoqué à l'occasion de l'examen de chacun des articles.
Il y a, à cet égard, une évolution inquiétante du travail clandestin, et M. Souvet a eu raison de le souligner : les dispositifs de lutte contre ce travail clandestin ne sont plus en rapport avec l'ampleur du phénomène.
Par ailleurs, s'il y a une évolution quantitative alarmante du travail clandestin, il y a aussi une évolution qualitative, qui est liée à la prépondérance acquise par le secteur tertiaire, et à laquelle il faut réfléchir. C'est un fait de société ; cette mutation incontournable, que nous vivons par ailleurs tous les jours, rend plus difficile encore le contrôle du travail clandestin.
Comment, par exemple, prévenir avec efficacité le recours au travail illégal à domicile, étant donné ce que chacun connaît du domicile, dont l'inviolabilité est un principe sacré, de valeur constitutionnelle ? C'est l'une des nombreuses questions qui se posent aujourd'hui au Sénat.
Le projet de loi apporte donc intelligemment, me semble-t-il, trois séries de réponses : étendre le champ d'application, améliorer le contrôle et la prévention, renforcer les sanctions.
Je n'entrerai pas pour l'heure dans le détail des amendements qui vous seront proposés ; nous les examinerons lors de la discussion des articles. Je dirai simplement que, en ce qui concerne la commission des lois, ces amendements sont d'ordre purement juridique.
D'abord, ils visent à assurer le respect des principes fondamentaux de notre droit pénal, tels que la nécessité et la proportionnalité des peines ; ensuite, ils tendent à préserver les principes essentiels de notre procédure pénale ; enfin, ils tiennent compte des règles régissant notre procédure civile.
Comme vous le constaterez, madame le ministre, ces amendements ne remettent aucunement en cause l'architecture générale du projet de loi. Nous nous sommes contentés, comme nous en avions le mandat, de rester strictement dans le cadre des compétences de la commission des lois, pour déposer les amendements qui seront soumis demain à cette assemblée.
A ce stade du débat, je me permettrai, dans cette discussion générale, de présenter trois observations qui ne sont pas traduites par un amendement mais qui peuvent nourrir la réflexion de chacun. Ces observations ont d'ailleurs donné lieu ce matin, en commission des lois, à certains débats qui n'étaient pas sans intérêt.
La première observation concerne l'appellation même du texte.
La formulation « travail clandestin » était ce qu'elle était. Pour des raisons d'opportunité ou par un souci d'affichage, on croit devoir changer l'appellation de la loi, ce qui donne lieu à un certain nombre d'amendements, dix ou douze, que vous avez rappelés, cher Louis Souvet. Ce texte va donc s'appeler maintenant : « projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail dissimulé ».
L'appellation que nous avons sécrétée, que l'Assemblée nationale a sécrétée et que, si je comprends bien, la commission saisie au fond a confirmée est-elle meilleure que celle de « travail clandestin » ? Je n'en suis pas si sûr. Je ne sais pas si tous seront satisfaits de cette modification de forme. J'ai le sentiment que, parfois, quand on ne sait pas comment aborder un problème au fond, on change l'étiquette, on change le flacon, on change l'emballage, et l'on est satisfait de l'oeuvre accomplie !
Je me souviens d'un autre débat, le terme « inculpation » semblait quelque peu pénalisant : alors, on a utilisé les mots « mis en examen ». Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette ! (Sourires.) On procède un peu, je crois, de ce même état d'esprit ici, parce que l'on va parler de travail dissimulé et l'on dira donc que le travail dissimulé, c'est la dissimulation d'activité, la dissimulation de salariés. Un travail dissimulé qui dissimule ? Un travail dissimulé qui organise la dissimulation ?... (Nouveaux sourires.) Madame le ministre, voilà qui n'est pas parfaitement ajusté, surtout dans un pays qui, comme le nôtre, se réclame à la fois de Descartes et de Montesquieu !
Mais soit ! La commission des lois n'est pas saisie au fond et, par conséquent, nous suivrons, à cet égard, la commission des affaires sociales. Mais si l'on pouvait inventer autre chose que cet intitulé, si l'on pouvait, en définitive, en revenir à l'expression : « travail clandestin », dont on sait au moins ce qu'elle recouvre à coup sûr à la fois d'ambiguïtés, je vous l'accorde, mais aussi de réalités, nous ne porterions pas le deuil. C'est ma première observation.
Ma deuxième observation concerne l'immigration clandestine. Là, effectivement, un amalgame peut être fait dans cette affaire. Trop souvent, on considère que la lutte contre le travail clandestin - peut-être est-ce là où la connotation des mots qui cotoie dangereusement une appréciation me paraît injuste - c'est la lutte contre l'immigration clandestine. Il est inconstestable qu'un certain nombre de travailleurs clandestins sont des travailleurs qui sont venus clandestinement dans notre pays. Mais il n'y a pas que cela.
Précisément pour éviter cet amalgame, la commission des lois proposera de retirer du texte ce qui pourrait prêter à ambiguïté. Nous défendrons donc un amendement supprimant une disposition relative aux entreprises ayant employé des travailleurs d'origine étrangère qui ne sont pas régulièrement inscrits dans le dispositif normatif national ; cette sanction, si elle doit être prise, le sera mieux dans le cadre du texte sur l'immigration clandestine dont nous aurons à débattre dans trois semaines environ.
Ma troisième et dernière observation concerne le travail clandestin des agents publics, madame le ministre.
C'est un sujet, non pas tabou, mais c'est un sujet qu'on aborde toujours avec un certain nombre de précautions. Nombre d'entre nous sont maires et gèrent à ce titre des corps d'agents publics. Je ne cite pas les sapeurs-pompiers, ni les agents de police, ni d'autres corps encore, car ce serait peut-être les désigner directement alors qu'il y en a tant d'autres.
Il y a là, madame le ministre, un vrai problème. Il faut le dire et je me permets, à cet égard, d'interroger le Gouvernement. Je le fais, vous le voyez, dans le cadre de la discussion générale et non pas à l'occasion de la discussion d'amendements parce que c'est un sujet épineux, c'est un sujet qu'il faut manier avec précaution et psychologie.
Nous sommes tous conscients, madame le ministre, du fait que, du côté des salariés, on est davantage victime que contrevenant lorsque l'on est employé illégalement : absence du bénéfice des dispositifs de protection sociale, de la garantie d'un salaire minimum, de congés, de la sécurité des conditions de travail, etc. Cette absence de garanties est évidemment pénalisante pour celui qui s'engage dans ce processus.
Mais, disons-le honnêtement, sans langue de bois : parmi les personnes employées illégalement, toutes ne sont pas à la limite de l'indigence, et je pratique la litote en disant cela. Il en est, tout particulièrement dans le secteur public - l'un de nous l'a dit ce matin en commission avec force et je le redis après lui - qui disposent d'un emploi fixe et souvent bien rémunéré, et qui profitent du temps libre, souvent substantiel, qui leur est accordé par leur statut pour se livrer à de menus travaux rémunérés.
L'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 est précis : il exige des fonctionnaires qu'ils consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. La loi leur interdit, sauf dérogation prévue par décret en Conseil d'Etat, d'exercer à titre professionnel une activité lucrative.
L'article 6 du décret-loi du 29 octobre 1936 prévoit des sanctions disciplinaires et des retenues sur traitement à l'encontre des personnels civils et militaires qui ont méconnu la réglementation sur le cumul d'emplois et de rémunérations.
La commission des lois s'est demandée, ce matin, s'il ne fallait pas aller plus loin, par exemple en prévoyant une véritable sanction pénale.
Bien entendu, il faudrait tenir compte de certaines pratiques, de certaines tolérances, par exemple à l'égard des enseignants et peut-être d'autres personnels, mais, cela étant, ne serait-il pas possible d'envisager au moins une contravention pour cumul d'emplois ?
A tout le moins, ne serait-il pas souhaitable de prononcer effectivement les sanctions disciplinaires et financières d'ores et déjà prévues dans les textes mais qui ne sont jamais appliquées ?
Compte tenu de cette pratique courante - c'est vrai, il s'agit d'une pratique courante, chacun le sait - et de ses conséquences - combien de nos concitoyens disent : vous êtes vraiment des citoyens surprotégés, vous, les personnels de la fonction publique, puisque non seulement vous avez un statut garantissant votre emploi, non seulement vous avez un salaire, mais, de plus, vous pouvez vous permettre des entorses à la législation que nous ne pouvons pas risquer, nous, sans être poursuivis - la commission des lois m'a demandé, madame le ministre, de vous interroger sur les intentions du Gouvernement quant à la prévention du cumul d'emplois par les agents publics.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais me permettre d'ajouter dans ce débat général sans répéter ce qui a été excellemment dit mais en vous demandant une réflexion supplémentaire sur cet aspect un peu particulier, mais profondément irritant, que, comme nos concitoyens, nous constatons quotidiennement.
Après cette dernière réflexion, qui se situe peut-être un peu en marge de notre débat, je vous assure, madame le ministre, de l'avis favorable de la commission des lois sur ce projet de loi, qui sera demain examiné dans le détail ; les quelques amendements que j'ajouterai à la réflexion commune n'apporteront pas de modifications structurelles à l'ensemble d'un dispositif que nous ratifierons. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, beaucoup, sinon tout, a été dit et excellemment dit. Aussi, me contenterai-je, pour l'essentiel, de quelques redites avec mes propres mots en insistant sur les points qui me paraissent les plus importants et en formulant, madame le ministre, puisque la période est propre, trois voeux.
L'article L. 324-9 du code du travail définit le travail clandestin. C'est, dit-il « la dissimulation de tout ou partie de l'une des activités mentionnées à l'article L. 324-10, et exercée dans les conditions prévues par cet article ».
L'article L. 324-10, quant à lui, dans sa rédaction issue de la loi du 24 janvier 1987, dispose qu'« est réputé clandestin l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui se soustrait intentionnellement à l'une quelconque des obligations suivantes : requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire ; procéder aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et par l'administration fiscale ; en cas d'emploi salarié, effectuer au moins deux formalités prévues aux articles L. 343-3, L. 343-5 et L. 633 du code du travail - c'est-à-dire déclaration préalable d'embauche, inscription unique au registre unique du personnel, remise d'un bulletin de paye ou tenue d'un livre de paye. »
Si, d'un point de vue juridique, la notion de travail clandestin, telle que je viens d'en rappeler la définition légale, caractérise un type particulier d'infraction, son utilisation dans le langage courant fait référence à une multiplicité d'infractions très différentes par leur nature et qui dépassent la notion juridique stricto sensu .
Ces autres infractions, associées au travail clandestin peuvent être regroupées sous le terme générique de « travail illégal ».
La sémantique ayant une importance particulière en la matière, je salue la perspicacité de nos collègues députés qui, après un long débat, ont modifié l'intitulé du projet de loi afin de mieux prendre en compte l'ensemble des infractions dont il est questin.
Néanmoins, les formes de travail illégal peuvent être rassemblées dans deux catégories principales : le travail et l'emploi irréguliers, parmi lesquels se trouvent le travail clandestin, et les trafics de main-d'oeuvre.
S'agissant de la première catégorie, celle du travail et de l'emploi irréguliers, les manifestations en sont diverses et d'importance variable.
En effet, dans certains cas, le travail clandestin prend naissance dans l'exercice d'activités de production ou de commerce mineures. Mais elles se propagent sous la forme de « petits boulots ».
C'est l'exemple classique d'une personne qui aide ses proches, éventuellement à titre gratuit pendant son temps libre ou pendant une période de chômage. Progressivement, elle demande une rémunération et accroît le volume de ses prestations. Puis elle structure son activité par l'acquisition de matériel et organise la recherche de sa clientèle. L'aboutissement naturel de cette pratique est trop souvent le renoncement à avoir une activité déclarée ou à rechercher un emploi.
Dans d'autres cas, le travail clandestin procède d'une volonté - a priori - de créer une activité organisée de production et de service non déclarée. C'est l'exemple bien connu des ateliers clandestins, particulièrement répandus dans le textile ou la réparation automobile.
Plus insidieuses encore sont les nouvelles formes vers lesquelles évolue la pratique du travail clandestin, qu'il s'agisse des prestations directement reçues à domicile, du non-respect du but non lucratif de certaines associations, de la sous-traitance en cascade ou de la sous-déclaration du travail à temps partiel.
Par la similitude de leurs effets, on peut encore citer dans cette catégorie les cumuls d'emploi ou l'emploi non déclaré.
Tout aussi pernicieux sont les trafics de main-d'oeuvre, qu'il s'agisse des infractions spécifiques à la main-d'oeuvre étrangère, des infractions à la législation sur le travail temporaire, le prêt de main-d'oeuvre et le marchandage ou encore du faux travail indépendant et des fraudes liées aux entreprises domiciliées ou établies à l'étranger.
Quelles que soient les manifestations du travail illégal, ses conséquences économiques, sociales et humaines sont, je le crois, inacceptables.
En effet, le travail illégal représente de 3 % à 5 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire entre 250 milliards et 400 milliards de francs. On estime que les pertes de recettes fiscales et sociales qui lui sont liées sont de l'ordre de 110 milliards à 180 milliards de francs : de 50 milliards à 75 milliards de francs perdus sur les cotisations sociales et de 60 milliards à 105 milliards de francs, soit entre le quart et le tiers du déficit du budget de l'Etat, perdus sur les recettes fiscales.
De plus, le travail illégal rompt l'égalité économique entre les entreprises. Comme chef d'entreprise, je suis particulièrement inquiet des atteintes permanentes portées à la loyauté de la concurrence. Souvent, de l'inquiétude à la colère il n'y a qu'un pas quand on songe que les impôts et les cotisations sociales payés par ceux dont le « tort » serait de respecter la loi sont d'autant plus élevés que d'autres n'en paient pas.
En outre, la banalisation de la pratique et le sentiment d'impunité qui entoure le travail illégal, et particulièrement le travail clandestin, sont le véritable terreau de son expansion. A cet égard, je voudrais souligner une conséquence très préoccupante du développement de ce phénomène : c'est le sentiment grandissant chez les consommateurs que les prix pratiqués par les entreprises qui travaillent régulièrement sont trop élevés. On ne saurait donc accepter plus longtemps le développement d'une économie parallèle sous peine de se résigner à voir une fracture économique s'ajouter à la fracture sociale.
Enfin, le coût humain est tout aussi inacceptable. Le travail clandestin engendre l'exclusion et la précarisation des personnes non déclarées. Dépourvues de la moindre protection sociale, elles sont les premières victimes de ces pratiques. Dans les ateliers clandestins, qui emploient seulement des immigrés clandestins, les rémunérations sont dérisoires et les droits élémentaires de la personne humaine sont bafoués.
C'est pour cela que le texte que vous nous présentez, madame le ministre, revêt une réelle importance. La lutte contre le travail illégal doit être classée parmi les priorités, tant à cause de l'ampleur que celui-ci a pris dans notre pays que des conséquences qu'il engendre. Je tiens donc à saluer la détermination du Gouvernement, particulièrement la vôtre, madame le ministre, à conduire une action efficace en ce domaine.
Largement inspiré des propositions du rapport de MM. Léonard et de Courson, ce projet de loi démontre, si besoin était, qu'un rapport parlementaire ne reste pas toujours lettre morte, et je vous en félicite !
Le présent projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la législation relative au travail clandestin. Comme l'indiquait le rapporteur de la commission saisie au fond, notre collègue Louis Souvet - dont je salue le travail de qualité, accompli dans des délais bien trop courts - l'origine de cette législation remonte au décret-loi du 11 octobre 1940. Depuis plus d'une dizaine d'années, dix textes ont été consacrés, partiellement ou totalement, au renforcement de l'arsenal législatif destiné à lutter contre le travail clandestin.
Il n'empêche que, le travail clandestin s'adaptant aux règles en vigueur et l'ingéniosité de ceux qui s'y livrent ayant peu de limites, il convient de légiférer de nouveau, avec fermeté.
Tel est le sens de ce projet de loi, qui vise à clarifier des notions confuses, à renforcer les moyens juridiques pour mieux contrôler et à dissuader les éventuels contrevenants.
Au vu des faits, mieux définir la notion de travail clandestin devenait une priorité. C'est l'objet des articles 1er et 2 du texte.
Le délit de travail clandestin est désormais caractérisé soit par la dissimulation d'activité, soit par la dissimulation de salarié. Le remplacement de la notion de travail clandestin par celle de travail dissimulé permet de mettre l'accent sur la responsabilité de l'employeur et d'éviter tout amalgame avec l'immigration clandestine. En outre, le caractère lucratif de l'activité n'étant plus mentionné au nombre des éléments constitutifs de la dissimulation d'emploi de salariés, l'article 2 permet de réintroduire les associations parmi les employeurs susceptibles d'être poursuivis. Cette solution me paraît particulièrement bienvenue.
Enfin, je partage la position de la commission des affaires sociales quant à la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 324-9 du code de travail pour lequel l'adverbe « sciemment » doit être maintenu sous peine, notamment, de méconnaître le principe du caractère nécessairement intentionnel des délits posé par le nouveau code pénal. De même, je suis favorable à la suppression de l'article 1er bis relatif à la présomption du recours du donneur d'ordre au travail dissimulé tant l'automaticité qu'il pose serait, à l'évidence, lourde de conséquences.
Ensuite, il s'agit de renforcer les pouvoirs des agents de contrôle et d'améliorer la coordination de leurs actions.
On ne peut en effet plus durablement se satisfaire de l'impuissance de certaines catégories d'agents de contrôle confrontés à des indices de travail clandestin à l'occasion de leur mission principale.
C'est d'ailleurs l'impuissance de certains services qui m'avait conduit à déposer la proposition de loi jointe à l'examen du présent texte et pour laquelle je remercie ici mes collègues cosignataires et M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, qui a oeuvré pour qu'il en soit ainsi. Cette proposition de loi trouvant globalement satisfaction dans la rédaction de l'article 4, j'interviendrai lors de la discussion de cet article.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Bernard Plasait. Il est en effet essentiel que les agents de contrôle puissent non seulement constater les infractions au travail clandestin, mais également les rechercher, ainsi que se faire communiquer les documents nécessaires à leurs investigations.
Il est ainsi procédé à un alignement sur les pouvoirs de l'inspection du travail, ce qui contribuera à renforcer l'efficacité des services concernés, d'autant que la circulation de l'information entre les différents corps ou organes de contrôle, mais aussi avec les salariés, sera considérablement facilitée.
Tout aussi importantes que la répression sont la prévention et la dissuasion - cela a été souligné. C'est le troisième volet de ce projet de loi. Il faut en effet rendre le travail clandestin moins attractif et faire peser une lourde épée de Damoclès sur la tête de ceux qui seraient tentés de s'y livrer.
Ainsi, l'article 8 du projet de loi ajoute aux sanctions relatives au travail clandestin ou dissimulé et à l'emploi d'étrangers sans titre de travail la peine complémentaire de privation des droits civiques et civils, peine à laquelle il me paraît justifié d'ajouter la privation des droits dits « de famille » ; puisque ceux-ci concernant la tutelle et la curatelle, ils s'apparentent à une délégation de justice.
De même, la possibilité de refuser pendant cinq ans l'attribution des aides à l'emploi ou à la formation professionnelle en cas de verbalisation pour travail clandestin ou pour marchandage, ouverte par l'article 9, et l'obligation d'attester de la non-condamnation au titre du travail illégal pour les candidats à un marché public et les sous-traitants, posée par l'article 10, sont de nature dissuasive.
Par ailleurs, la prise en charge des frais d'éloignement par l'employeur d'un travailleur étranger dépourvu d'autorisation de travail relevant plus directement du projet de loi relatif à l'immigration que la Haute Assemblée examinera dans quelques jours, il me paraît opportun d'extraire cette disposition du présent texte.
En outre, quelques autres dispositions de ce texte viennent renforcer les sanctions existantes.
Ainsi, la sanction du non-respect de l'obligation de déclaration préalable à l'embauche sera renforcée par l'adoption de la procédure de l'ordonnance pénale proposée par la commission des affaires sociales de préférence à une sanction administrative automatique.
Tout aussi dissuasive sera l'indemnité de six mois de salaire que le travailleur clandestin devra verser au salarié non déclaré dont il se sépare.
Sans examiner avec exhaustivité l'ensemble des dispositions, il me paraît donc incontestable que ce texte constitue une réelle avancée que viendra couronner le nouveau dispositif de coordination interministérielle qui sera mis en place par voie réglementaire dans les prochaines semaines.
Cependant, madame le ministre, je conclurai par trois observations.
La première sera en forme de voeu puisqu'elle a trait aux moyens des services. En effet, nous savons tous qu'il ne suffit pas d'avoir de bonnes lois. Encore faut-il avoir les moyens de les appliquer, donc de les faire respecter.
Il ne s'agit pas dans mon esprit, bien évidemment, de la question récurrente des effectifs puisque, en la matière, plus de 90 000 agents sont habilités à constater des infractions de travail clandestin ou illégal ; il s'agit plutôt de leur formation, de leur implication, pour tout dire de leur motivation.
J'ai noté avec intérêt les observations de M. Léonard, qui relève dans son rapport l'inégale efficacité des commissions départementales de lutte contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de main-d'oeuvre, instituées et organisées par les décrets des 25 juillet 1990 et du 30 octobre 1991.
Fort des statistiques fournies par la mission de liaison interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de main-d'oeuvre, la MILUTMO, sur la fréquence des réunions de ces commissions, notre collègue juge indispensable de mobiliser le corps préfectoral. Dans le droit-fil de l'importance accordée par le Président de la République au travail préfectoral dans le domaine de l'emploi, il suggère que l'action contre le travail illégal en soit un élément déterminant.
Mon voeu, madame le ministre, c'est donc que la nouvelle organisation interministérielle de lutte contre le travail illégal, par sa détermination et sa constance, permette une implication croissante de tous les agents concernés dans les départements, au plus près des réalités du terrain.
Ma deuxième observation concerne la prévention du travail illégal. Le Gouvernement s'y emploie. Cependant, il faut aller plus vite et plus loin. La simplification des formalités administratives, déjà engagée, y contribue. J'en veux pour preuve le succès souligné tout à l'heure du chèque emploi-service, qui rend le travail au noir domestique beaucoup moins attractif. L'économie rejoignant ici le social, je regrette qu'il n'ait pas été pour l'heure possible de revenir sur la hausse de deux points du taux de TVA décidée durant l'été 1995.
Les consommateurs considèrent en effet que le poids de l'impôt représentant plus de 20 % est excessif et difficilement supportable. C'est ainsi que se développent des comportements de fuite devant l'impôt et les pratiques de travail illégal.
Je crois vraiment que seul un grand mouvement de diminution des prélèvements obligatoires constituerait un levier très puissant pour supprimer une incitation au travail illégal et une « désincitation » au travail légal.
Enfin, ma dernière observation sera l'expression d'une crainte. Cette crainte, c'est celle d'une dérive qui tiendrait à se généraliser. En effet, d'après les services de contrôle, 60 % des entreprises clandestines sont dirigées par des personnes salariées par ailleurs qui dégagent suffisamment de temps libre pour exercer une activité complémentaire non salariée.
Le développement de l'aménagement du temps de travail paraît avoir facilité ces situations ; le mi-temps, les horaires atypiques permettent aux salariés de trouver du temps libre pour exercer une seconde activité. Or cette forme de travail, perçue comme un phénomène « naturel », représentant un coût marginal pour la société et susceptible d'arrondir les fins de mois de ceux qui s'y livrent, est trop souvent considérée avec indulgence.
C'est pourquoi, n'étant pas un farouche partisan de la réduction du temps de travail, j'attire votre attention, madame le ministre, sur ce remède qui serait pire que le mal et sur la nécessité de combattre les pratiques constatées, déjà trop fréquentes, sous peine d'en faire un nouveau sport national. Il faut, vous l'avez dit tout à l'heure dans votre propos liminaire, expliquer aux Français toute l'importance de ce combat afin qu'ils en aient pleinement conscience.
Madame le ministre, après la loi relative à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales et la loi sur le développement et la promotion du commerce et de l'artisanat adoptées par le Parlement au printemps dernier, ce projet de loi, que j'approuve, vient à point nommé pour encourager les « entreprenants » soucieux de la légalité et prévenir ainsi une fracture économique qui nous guette. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le premier texte qui nous est soumis cette année concerne un sujet important et difficile. Comme cela a été dit, le Parlement a déjà légiféré à de nombreuses reprises sur ce sujet, ce qui montre bien l'ampleur de la tâche qu'ont à accomplir les services publics chargés de réprimer le travail clandestin.
Je dois dire que le rapprochement entre le nombre des travailleurs clandestins, fixé à 1,4 million, et celui des infractions constatées, qui est de 20 000, me gêne un peu. Peut-être ferait-on mieux d'amoindrir la portée du phénomène car je ne suis pas sûr que ces chiffres correspondent à la réalité. Certains éléments auraient tendance à prouver que le phénomène n'atteint pas l'ampleur annoncée.
Bien entendu, madame le ministre, comme nombre de nos collègues l'ont relevé - on a pu le constater dans d'autres pays d'Europe - les complications administratives de tout ordre, l'aggravation de la fiscalité amènent inévitablement une économie souterraine.
Aussi, tout ce qui va dans le sens de la simplification administrative pour les entreprises et de la diminution de la taxation du travail entraîne systématiquement une régression du travail clandestin ou souterrain.
Il est certain que le développement de formules telles que le chèque emploi-service, au moins pour les emplois familiaux, est tout à fait positif. Auparavant, la plupart de ces emplois étaient clandestins. Pour une personne de quatre-vingts ans, les déclarations à l'URSSAF représentaient une telle difficulté qu'elle y renonçait ou avait recours à des intermédiaires coûteux ; je pense, notamment, à certaines associations spécialisées dans ce domaine.
Partant de la constatation de l'inefficacité de certains dispositifs, le projet de loi vise à assurer une meilleure coordination des services chargés du contrôle. Chaque service en effet préfère travailler dans son domaine : l'URSSAF n'aime pas dialoguer avec la justice, la police n'aime pas forcément dialoguer avec l'inspecteur du travail. Chaque service est attaché à ses spécificités. C'est le problème général de la difficulté à faire agir ensemble la police générale et les polices spéciales, et l'inspection du travail est une police spéciale en termes de droit administratif.
Les objectifs de votre projet de loi, madame le ministre, sont tout à fait louables.
Il commence par une définition du travail clandestin. Sur ce point, j'aurais aimé dire ce qu'a excellemment dit M. le rapporteur pour avis de la commission des lois s'agissant du travail clandestin et de la dissimulation.
Je ne sais pas si, sur le plan de la sémantique, l'expression « travail dissimulé » est préférable à celle de « travail clandestin », mais, ce qui est sûr, c'est qu'avant c'était clair ! Pour cette définition, il est fait référence à l'article L. 324-10 du code du travail, qui est précisé.
Pour ma part, je pense qu'il serait bon de fusionner les articles 1er et 2 au lieu de proposer une définition générale qui n'a plus de sens puisqu'y est utilisé le même concept de dissimulation que dans l'article suivant.
Compte tenu des conditions d'examen un peu rapides de ce texte, nous n'avons pas eu le temps d'approfondir ce point, mais la rédaction qui nous est soumise risque de ne pas être bien comprise par l'opinion publique.
L'opinion publique comprenait très bien l'idée de travail clandestin ou, plus simplement, de travail « au noir » ; mais, bien évidemment, nous ne pouvons pas faire figurer cette expression dans un texte de loi.
Quoi qu'il en soit, je pense que tout ce qui nous a été proposé initialement doit rencontrer l'adhésion de nos collègues ; je pense à la suppression de la mention du caractère lucratif de l'activité dans la définition du travail clandestin par dissimulation d'emploi de salariés, à la possibilité donnée au salarié d'avoir accès à la déclaration de son employeur - c'est indispensable par ce que, quelquefois, les salariés ne savent pas que leur emploi n'a pas été déclaré - à l'extension de la mission des services de contrôle à la recherche des infractions de travail clandestin, à la levée du secret professionnel et à la possibilité de refuser l'attribution des aides à l'emploi, à la formation professionnelle en cas de verbalisation - j'aurais préféré « en cas de condamnation », parce que le fait de dresser un procès-verbal ne signifie pas qu'une sanction sera prononcée - enfin à l'obligation d'attester de la non-condamnation au titre du travail illégal faite aux candidats à un marché public. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.
Toutefois, et je reprends les propos de M. Paul Masson, ce projet de loi n'a pas d'autre objet que de lutter contre toute forme de travail clandestin. Nous savons bien que certains ont tendance à dire - ce n'est pas prouvé - que le travail clandestin est le fait d'étrangers en situation irrégulière. Certes, il existe des entreprises qui emploient ce type de travailleurs. Les services publics les pourchassent Le ministre de l'intérieur et celui des affaires sociales nous ont fait part de la découverte d'ateliers clandestins effectivement composés de véritables esclaves. Ceux-ci ne pouvaient se défendre n'étant pas en possession de papiers en règle. Ils étaient à la merci de leur employeur, qui était souvent d'ailleurs de leur propre nationalité, et les exploitait lamentablement. Nous aurons ultérieurement à examiner des dispositions tendant à améliorer la lutte contre l'immigration clandestine. Mais ne c'est pas notre propos aujourd'hui.
Quand on légifère, il faut veiller à préserver la cohérence du droit, notamment en matière pénale : ainsi, je pense que supprimer d'un trait de plume, sans réfléchir, la référence au caractère intentionnel de l'infraction détruirait totalement l'équilibre du droit pénal. Je rappelle que l'un des principes de base de notre droit pénal - sauf si la loi en dispose autrement - est le caractère intentionnel de l'infraction. Récemment, dans un certain nombre de textes, nous avons rétabli le mot « sciemment » pour bien affirmer ce caractère intentionnel. La suppression de ce mot serait donc tout à fait mal venue.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ajouté au texte quelques éléments curieux, comme l'intervention des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes. Je ne vois vraiment pas pourquoi - sauf très indirectement - la Cour des comptes interviendrait. Pourquoi pas le tribunal administratif, puisque des organes administratifs peuvent être concernés ? Bien entendu, si les magistrats de la Cour constatent des infractions, ils doivent renvoyer le cas devant les instances judiciaires de la même manière que le fonctionnaire est tenu de signaler toute infraction dont il a connaissance.
Voilà quelques points sur lesquels nous pourrons revenir pour redonner au texte toute sa cohérence.
Bien entendu, je ne reprendrai pas toutes les dispositions du texte, ce n'est pas le lieu dans la discussion générale ; ce n'est d'ailleurs pas nécessaire après votre intervention, madame le ministre, et les excellents rapports de MM. Souvet et Masson.
Il est vrai que le Parlement comme le Gouvernement, devant les difficultés qui se multiplient, ont tendance à multiplier les textes. Si la qualité d'un texte tient à sa longueur, on peut dire en l'occurrence que l'on a considérablement progressé puisque des douze articles que vous aviez proposés, madame le ministre, on est passé à trente-deux. Je ne suis pas sûr que cela contribue à la lisibilité et à l'efficacité du dispositif. En tout état de cause, à compliquer et à multiplier les procédures, on ne fait que multiplier les contentieux, nous le savons bien, alors que nous devons - c'est l'objectif qui nous a été assigné par le Président de la République - simplifier, rendre la loi plus lisible pour chacun, notamment pour ceux qui l'appliquent ; je pense aux magistrats. Chaque fois que l'on modifie les textes, on risque de rendre encore plus compliquées les procédures sans aboutir à une meilleure efficacité.
Au demeurant, le projet de loi - c'est un apport considérable - devrait aboutir à une meilleure coordination des services chargés des contrôles. Bien entendu, je déplore que les corps de contrôle du ministère du travail ne soient pas toujours en mesure, dans les grandes agglomérations, de faire face à l'ensemble de leurs missions.
Mais il s'agit là d'une réflexion générale sur le service public et ce n'est pas le moment de s'y engager.
En tout état de cause, je souhaite que ce projet de loi contribue à lutter efficacement contre le travail - j'accepte l'épithète - dissimulé en améliorant la prévention et la répression de ces comportements qui sont nuisibles sur les plans économique et social.
C'est dans cet espoir que le groupe de l'Union centriste votera ce texte, madame de ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail clandestin témoigne de la détermination du Gouvernement à réprimer des pratiques qui sont à l'origine de graves désordres à la fois sociaux et économiques : précarisation des salariés, encouragement à l'immigration clandestine, concurrence déloyale pour les entreprises.
Ce projet de loi, comme nous l'ont montré en détail nos collègues Louis Souvet et Paul Masson dans leurs excellents rapports, vise à donner des infractions en cause une définition juridique plus précise, à conférer aux corps de contrôle les moyens de leur efficacité et à développer la prévention et la sanction du travail illégal.
Après l'Assemblée nationale, la commission des affaires sociales de notre assemblée a proposé qu'à l'expression de « travail clandestin » soit préférée celle de « travail dissimulé ». Je souscris, moi aussi, à cette substitution. Même si les deux termes ont des sens très voisins, il n'en reste pas moins que l'expression « travail clandestin » prête à confusion.
Je le rappelle, ce texte est destiné à renforcer le contrôle de la légalité de l'emploi des salariés quelle que soit leur nationalité, non à lutter contre l'immigration irrégulière ou l'immigration clandestine. Or le pas est vite franchi entre travail clandestin et immigration clandestine, ce qui n'est pas normal. Voilà pourquoi je soutiens la proposition de l'Assemblée nationale, qui est reprise par la commission des affaires sociales.
Un projet de loi relatif à la question de l'immigration nous sera présenté prochainement. Il est bon que ces deux textes se suivent, mais il est bon également qu'ils soient distincts. En effet, ce que nous recherchons aussi, me semble-t-il, en renforçant la lutte contre le travail dissimulé et contre l'immigration clandestine,...
M. Guy Fischer. Et voilà l'amalgame !
M. Alain Gournac. ... c'est l'intégration, en lui donnant des chances de réussir.
La France est une terre d'accueil pour ceux qui, étrangers, ont compris qu'on ne peut vivre sur son territoire sans vivre sous ses lois.
M. Robert Pagès. Dans quel débat sommes-nous ?
M. René-Pierre Signé. Vous vous trempez de sujet !
M. Alain Gournac. Elle doit être une terre d'écueils pour les réseaux qui organisent l'immigration clandestine et pour ceux qui, profitant d'une main-d'oeuvre à bas prix, ont recours à l'emploi dissimulé.
On voit bien que ce qui est également en jeu dans cette lutte contre le travail clandestin, c'est la sauvegarde de la protection sociale du travailleur.
On est, en effet, insensiblement arrivé, dans ce domaine, à une banalisation, qu'il s'agit d'enrayer avant qu'elle ne débouche sur une normalisation.
Le travail clandestin représente entre 3 % et 5 % du produit intérieur brut, soit, pour l'année 1996, de 250 milliards à 400 milliards de francs.
Quant aux pertes de recettes fiscales et sociales liées à ce travail illégal, elles sont de l'ordre de 110 milliards à 180 milliards de francs, dont 50 milliards à 75 milliards de francs au titre des cotisations sociales. Rapportés aux 45 milliards de francs de déficit de la sécurité sociale, de tels chiffres, j'allais dire : « nous laissent rêveur », mais non : nous obligent à agir de toute urgence parce que ce détournement de la loi, ce manque à gagner très important pour les caisses d'assurance et cette exploitation de l'homme par l'homme, qui n'a rien à envier à celle qu'a décrite et dénoncée Zola, sont inadmissibles.
Défendre notre système de protection sociale, c'est, certes, prendre la mesure des manques à gagner et y porter remède par des contrôles accrus et plus efficaces, mais c'est aussi protéger nos emplois légaux, notamment dans les secteurs de l'industrie et de l'artisanat. Or cela ne sera possible que si nous avons la ferme volonté de mettre un terme à ces pratiques illégales.
Les sanctions contre cette délinquance existent, mais l'augmentation du nombre des infractions relevées montre que les capacités d'intervention des corps de contrôle doivent être renforcées et les sanctions à l'encontre des employeurs rendues plus dissuasives.
Il est également urgent, madame le ministre, que les entreprises qui dissimulent leurs activités en les exerçant dans un cadre associatif puissent être sanctionnées. Le statut associatif ne peut, en effet, en aucun cas les dispenser de s'acquitter de leurs obligations fiscales et sociales.
L'élargissement et le renforcement du contrôle suppose que les officiers de police judiciaire soient autorisés par la loi à pénétrer dans l'enceinte des entreprises afin de contrôler le caractère légal de l'emploi. Il est bon que cette disposition figure dans ce projet de loi, de manière qu'il soit mis en évidence que ce contrôle s'exerce quelle que soit la nationalité du salarié. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Robert Pagès. On y revient !
M. Alain Gournac. Si le renforcement du contrôle et l'aggravation des sanctions encourues constituent des mesures répressives donnant une réelle portée à la loi, il est en outre nécessaire de mettre en place un certain nombre de mesures incitatives. Nous devons en effet considérer le travail dissimulé non seulement comme un mal qui mine notre société, comme un fléau qui l'atteint dans ses principes et dans son économie, mais également comme le symptôme de réelles difficultés pour les employeurs dans certains secteurs.
L'extension de l'utilisation du chèque emploi-service, en apportant une solution administrative simplifiée,...
M. René-Pierre Signé. C'est trop compliqué et ça ne marche pas !
M. Alain Gournac. ... permettrait de lutter efficacement contre l'embauche clandestine de personnes dans des secteurs comme ceux de la restauration et de l'agriculture, par exemple. Mais il existe d'autres applications possibles : je pense notamment à tous les emplois qui relèvent des activités saisonnières liées aux vacances, aux sports d'hiver, en particulier.
Dans ces secteurs, les tracasseries et les exigences tant réglementaires qu'administratives sont indéniablement à l'origine des détournements de la loi ; les taxes et les charges patronales, en grevant la capacité d'embauche des employeurs, sont aussi des freins à l'embauche légale.
Certes, ces raisons ne peuvent être mises sur le même plan. Néanmoins, elles interpellent le politique et doivent le conduire à imaginer des solutions incitatives.
Le politique doit aussi savoir anticiper, prévoir l'évolution de notre société. Il est clair que les emplois de proximité sont appelés à se développer de façon importante. Ne conviendrait-il pas, dès lors, par exemple, de créer, à titre expérimental, un institut des métiers qui ont trait à l'action sociale : emplois familiaux, emplois d'assistante maternelle, emplois relatifs à la dépendance des personnes âgées ou à l'accompagnement des personnes handicapées.
Cet institut serait à la fois un observatoire, un centre de ressources, où l'offre serait mise en réseau, et surtout un centre de formation délivrant un diplôme correspondant à une qualification aujourd'hui nécessaire pour prétendre assumer des responsabilités dans ce secteur.
En conclusion, j'apporte mon entier soutien aux dispositions de ce projet de loi. Elles vont dans le bon sens et traduisent parfaitement la volonté gouvernementale de lutter contre le travail clandestin et, de façon plus générale, contre l'illégalité. Si celle-ci est parfois explicable, elle n'est jamais tolérable.
La discussion sur les termes « travail clandestin » ou « travail dissimulé » avait pour objet de dissiper une confusion. Mais celle-ci trouve pour une part son origine dans la perception d'un phénomène commun aux réalités que nous avons distinguées. Le travail clandestin et l'immigration clandestine ne se recouvrent pas mais se recoupent, a-t-on dit avec raison.
M. René-Pierre Signé. Nous y voilà !
M. Alain Gournac. Permettez-moi d'ajouter qu'ils s'apparentent parce qu'ils s'enracinent dans un même mépris de la loi et, à terme, insidieusement, de ce qui fait l'essence de notre République.
M. René-Pierre Signé. Triste république !
M. Alain Gournac. J'approuve totalement ce projet de loi, madame le ministre, parce qu'il ouvre la voie tant à la fermeté contre les abus qu'à la compréhension des situations et parce qu'il sera suivi d'un projet de loi relatif à l'immigration. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. C'est de l'amalgame !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
M. René-Pierre Signé. On va entendre autre chose ! (Sourires.)
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis ce soir, vidé de la substance du texte d'origine, ce qui explique peut-être sa pauvreté, prétend malgré tout régler un véritable problème de société, qu'on désigne habituellement, sans doute improprement, par l'expression de « travail clandestin ».
Ce débat aurait dû créer un consensus ; en tout cas, le groupe socialiste y était prêt. Il apparaît en effet que cette délinquance autour du travail dissimulé s'aggrave, avec les effets désastreux que l'INSEE et certains de nos collègues ont tenté d'évaluer : qu'il s'agisse des ressources fiscales et des comptes sociaux - là, les estimations sont nécessairement approximatives, mais on évoque un chiffre de 156 milliards de francs - qu'il s'agisse des ravages constatés chez les salariés victimes de ces pratiques illicites, qu'il s'agisse, enfin, des situations de concurrence déloyale auxquelles se trouvent ainsi confrontées les entreprises vertueuses, qui respectent la loi.
Nous étions prêts à compléter, accentuer, voire réorienter, avec la majorité actuelle, les mesures contenues dans les différents textes législatifs - il y en eut dix au cours de ces dernières années - que nous avions nous-mêmes fait adopter, en 1981, 1985 et surtout en 1991. Chacun s'accorde à reconnaître que ces textes ont fait la preuve de leur efficacité ; cependant, nous le reconnaissons volontiers, ils se révèlent aujourd'hui très largement insuffisants.
Nous sommes en effet conscients que l'évolution et la complexification de l'organisation du travail et des relations entre employeur et salariés expliquent, pour une large part, l'augmentation du travail illégal. Elles sont le résultat de la flexibilité, qui s'intensifie sans cesse, de la précarité des situations de travail, de la fragilisation de notre législation.
Vous escomptiez, de cette stratégie de flexibilité, madame le ministre, des retombées positives en termes de lutte contre le chômage et de création d'emplois. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les derniers chiffres enregistrés ni les prévisions du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, le CSERC.
Madame le ministre, que nous proposez-vous pour remédier aux graves dysfonctionnements soulignés par vous-même et par les différents orateurs qui m'ont précédée à cette tribune ? Un texte pauvre, sans véritable portée, voire dangereux pour les salariés puisqu'il fait sauter le verrou de sécurité que représente pour eux la prédominance, en termes de contrôle, de l'inspection du travail, dont l'une des deux missions est celle, extrêmement importante, de la protection du travailleur.
M. Robert Pagès. Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Madame le ministre, sur ce texte, nous devions ensemble faire preuve de courage pour lutter contre des gens malhonnêtes, fussent-ils des employeurs : courage dans la définition de sanctions suffisamment significatives pour être véritablement dissuasives ; courage et perspicacité dans un repérage et une mise à plat complets et exhaustifs de tous les modes de trafics d'activités et de personnels, non déclarés ou partiellement déclarés, tels que la sous-traitance en cascade, le télétravail et tout autre mode nouveau de travail dissimulé ; courage et détermination afin d'obtenir des budgets suffisants, nous permettant de mener à bien une telle action.
A qui fera-t-on croire, en effet, que des crédits revus à la baisse - ce qui va tout de même se traduire en 1997 par une diminution de soixante-douze fonctionnaires dans les effectifs du ministère du travail - démontrent une volonté d'efficacité et une détermination à mener une véritable action à l'encontre de profiteurs habiles ?
Il s'agit pourtant là d'une question d'une extrême importance, tant pour les milliers d'êtres humains qui sont privés de la plus élémentaire protection qu'au regard de la santé et de l'équilibre de notre économie.
J'en viens maintenant aux articles de ce projet de loi.
Il faut tout d'abord souligner que celui-ci a suscité bon nombre de commentaires et de discussions animées parmi nos collègues de l'Assemblée nationale, à cause d'une disposition qui, ironie du sort ! a été supprimée suite aux recommandations du Conseil d'Etat.
Mon propos n'est pas ici de relancer la discussion sur l'opportunité ou non d'autoriser les officiers de police judiciaire à pénétrer plus facilement dans les locaux professionnels afin d'y procéder à des vérifications d'identité sous couvert de lutte contre le travail clandestin, mais le Conseil d'Etat a parfaitement compris quel était l'objet premier de cette disposition : il a en effet estimé qu'un texte sur le travail clandestin ne pouvait fournir l'occasion de modifier le champ des compétences des agents du ministère de l'intérieur.
Je reste toutefois perplexe face à une contradiction tout aussi flagrante : que vient faire dans un texte sur l'immigration une disposition relative à l'habilitation de certains agents de l'Etat à rechercher, puis à constater une infraction qui constitue avant tout une violation de la législation du travail ?
Tout au long des débats, des parlementaires responsables ont souhaité éviter que ne se perpétue cet amalgame dangereux entre travail clandestin et travailleurs étrangers clandestins. Des discussions, peut-être un peu vaines, longues en tout cas, ont porté sur la recherche d'un vocable idéologiquement plus neutre et juridiquement mieux fondé, et c'est ainsi que nous avons abouti à l'expression hybride de « travail dissimulé ».
Mais en laissant à votre collègue, M. Debré, le soin de traiter cette question, vous entretenez, madame le ministre, cette confusion abusive.
Ce mélange des genres ne nous étonne d'ailleurs pas, car il correspond à une stratégie habilement orchestrée tendant à donner un « coup de projecteur » sur l'existence de réseaux d'immigration clandestine qui répondent à la demande d'employeurs, nouveaux négriers du xxe siècle - l'expression n'est pas de moi - et de donneurs d'ordre tout aussi coupables. Je parle ici de « coup de projecteur » au sens propre du terme, puisqu'il arrive que l'on convie la télévision à filmer ces opérations « coup de poing ».
En procédant ainsi, vous prenez le risque de conforter l'idée fausse selon laquelle la lutte contre l'immigration clandestine s'impose afin d'éradiquer le travail clandestin. Les chiffres, mêmes approximatifs, que vous avez évoqués tout à l'heure, madame le ministre, parlent pourtant d'eux-mêmes : entre 6 % et 10 % des infractions constatées concernent l'emploi d'étrangers sans titre de travail.
Ce n'est certainement pas une coïncidence si le dépôt de ce projet de loi fait suite à la création récente, au sein du ministère de l'intérieur, de l'OCRIIEEST...
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre - dont la définition de la mission est fondée sur l'existence supposée d'un lien entre immigration clandestine et travail clandestin.
Or la lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes ne se conçoit que par le biais d'une politique globale. Il y a consensus sur ce point, et nous souscrivons au souhait du Gouvernement d'en faire une priorité nationale.
Attardons-nous donc sur le texte finalement présenté aux parlementaires, qui repose, nous dit-on, sur trois grands axes : une définition mieux adaptée de l'infraction, une meilleure coordination de l'action des nombreux acteurs de la lutte contre le travail clandestin et un renforcement des sanctions.
Le travail clandestin se manifeste par la dissimulation d'activités ou de salariés, cette dissimulation se caractérisant par l'omission de formalités légales dont je ne reprendrai pas ici l'énumération.
La principale innovation du texte réside dans la possibilité d'atteindre - j'ai envie de dire « enfin » - les structures associatives qui peuvent - on sait bien que c'est fréquemment le cas - se rendre coupables de dissimulation de salariés. Je souligne toutefois que la question délicate des associations intermédiaires reste posée.
Face à cette priorité nationale, le Gouvernement tente de relever le défi suivant : mobiliser un maximum d'agents de l'Etat sans augmenter les effectifs, notamment ceux des services de l'inspection du travail, lesquels sont chargés de faire respecter la législation. Pour cela, il étend à la marge les compétences des agents des transports terrestres et de la douane. C'est une décision qui reste bien en deçà, nous semble-t-il, de l'ambition affichée dans les discours.
Plus fondamentalement, je me demande s'il ne faut pas déceler ici l'accélération d'un mouvement qui tendrait à gommer la spécificité des rôles des fonctionnaires de l'administration du travail,...
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... chargés de faire régner l'ordre public, mais aussi de garantir le respect des droits des salariés.
Par ailleurs, en ce qui concerne les moyens dont disposent les agents de contrôle, le projet de loi énumère les pièces que ceux-ci peuvent se faire communiquer au cours de leurs missions. Nous verrons que ne sont pas cités certains documents essentiels, tels que les pièces comptables qui permettraient d'identifier les donneurs d'ordre qui ont recours à des sociétés écrans ou d'établir, par exemple, des comparaisons entre le nombre de salariés déclarés et les rémunérations effectivement portées sur les bulletins de salaire.
S'agissant du volet relatif à la communication et à l'information, j'ai été choquée par les discussions qui se sont engagées, au sujet de ces articles, à propos de la nécessité de ne pas créer un climat inquisitorial autour des employeurs. J'ai également été choquée par les termes dans lesquels ont été évoquées les relations entre ceux-ci et les administrations de contrôle, mais aussi - et c'est sans doute plus grave - par les limites posées au droit à l'information des salariés.
Dans un souci apparemment louable de faciliter les recoupements d'informations entre les administrations, le texte qui nous est présenté tend à revenir sur une faculté importante laissée aux inspecteurs et aux contrôleurs du travail, à savoir le libre choix de communiquer ou non une information relative à une procédure en cours, souvent engagée à la suite du témoignage d'un employé. Certes, la convention n° 17 de l'Organisation internationale du travail prévoyait elle-même la possibilité, pour la législation nationale, de contourner cette règle déontologique. Toutefois, l'aménagement que vous suggérez, qui tend à rendre automatique cette communication, peut entraîner de graves conséquences pour les salariés.
A cet égard, il serait intéressant, madame le ministre, que vous nous indiquiez les raisons qui ont motivé une telle restriction apportée au libre arbitre des inspecteurs du travail pour ce qui concerne le travail clandestin, alors que l'expression « seront habilités » est conservée dans le texte de la disposition introduite par les députés socialistes et relative au marchandage et aux prêts de main-d'oeuvre illicites. Il s'agit pourtant là aussi d'infractions graves, voire plus fréquentes, mais plus difficiles à prouver, et il arrive même que les parquets renoncent à poursuivre, tant les procédures sont complexes et longues.
En ce qui concerne les sanctions, l'article 9 relatif à la suspension ou au refus des aides à l'emploi et à la formation professionnelle confirme une disposition de la loi de 1991, qui prévoyait déjà le remboursement des aides publiques en cas de condamnation pour recours au travail clandestin.
Il devrait également permettre de rectifier les orientations surprenantes proposées au début de l'année 1996, selon lesquelles il semblerait que l'on ne trouve pas opportun de lier aide publique et respect du code du travail.
Enfin, il est prévu une mesure spécifique concernant les marchés publics, afin que les collectivités s'assurent que leurs partenaires directs ou indirects n'ont pas été condamnés pour cette infraction. Nous ne pouvons que nous féliciter de ce souci de moralisation, mais on peut toutefois s'étonner qu'il soit nécessaire de légiférer sur un point aussi élémentaire, a fortiori en matière de marchés publics, bien que quelques affaires récentes, notamment dans la région parisienne, nous démontrent que le manque de vigilance du maître d'ouvrage, voire sa complaisance, est tout aussi grave...
Madame le ministre, la mise en évidence des apports du Gouvernement à la législation actuelle souligne malheureusement la modestie de ceux-ci.
Il est certes de bon ton, dans certaines sphères, de se lamenter sur le nombre impressionnant des dispositions introduites progressivement dans le code du travail et sur la difficulté de les mettre en application. Nul doute que ce projet de loi ne pourra susciter un tel grief !
Compte tenu de la disparition des mesures clés relatives aux opérations de police judiciaire, le projet de loi apparaît squelettique. Il procède par légères retouches et ne s'attaque pas aux nouvelles modalités de travail dissimulé induites par les nouvelles formes d'aménagement du temps de travail, le télétravail et l'activité des artisans de fait, et la frontière de plus en plus floue entre travail intérimaire et marchandage complique encore les choses. Il s'agit pourtant de phénomènes qui se développent corrélativement à l'aggravation du chômage et de la précarité, et qu'il est très difficile d'identifier, donc de réprimer.
Certains aménagements proposés à l'Assemblée nationale ont toutefois permis d'améliorer le texte du Gouvernement dans trois directions, à partir de la définition des éléments constitutifs du travail clandestin, de la responsabilité des différents protagonistes dans la chaîne du travail clandestin et des droits des salariés victimes de cette infraction.
Remarquons avec regret que les recommandations émises par la commission des affaires sociales du Sénat constituent assez souvent une régression par rapport à ces quelques améliorations apportées par l'Assemblée nationale.
Ainsi, est présumé se livrer à un travail clandestin celui qui n'a pas accompli certaines formalités obligatoires. Je note avec satisfaction que nos deux assemblées ont souhaité faciliter la constitution de l'infraction dans l'hypotèse de la dissimulation d'emplois salariés : il est en effet proposé que l'absence de l'accomplissement d'une seule formalité suffise désormais à constater le travail clandestin, alors que le texte gouvernemental exigeait l'absence cumulée d'accomplissement de deux formalités. Malheureusement, cette apparente « bonne volonté » du législateur est à atténuer fortement, puisqu'en maintenant la notion d'intentionnalité dans cette disposition il permet aux employeurs d'invoquer un oubli ou un simple retard dans l'accomplissement des formalités, que les aller-retour entre le lieu de travail où interviennent les différents agents habilités à contrôler et le siège où se trouvent les différents registres permettent très souvent aux employeurs de « rattraper ».
Par ailleurs, la réécriture de l'article L. 324-10 du code du travail aboutit à une nouvelle définition du travail dissimulé, qui inclut désormais, sur proposition du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, la dissimulation des heures travaillées sur le bulletin de paie.
Mais le Sénat propose d'introduire une dérogation de taille à cette reconnaissance législative d'une jurisprudence de la Cour de cassation : il s'agit des conventions d'annualisation du temps de travail qui, selon notre rapporteur, peuvent donner lieu à des inscriptions fictives, dans la mesure où les bulletins de salaires ne transcrivent plus obligatoirement un nombre d'heures effectivement travaillées correspondant à un salaire dû. Nous reviendrons certainement sur ce point au cours du débat.
Par ailleurs, le projet de loi tend à compléter les mesures visant l'ensemble des protagonistes de la chaîne du travail clandestin.
Afin de faciliter la mise en cause et l'engagement de la responsabilité des donneurs d'ordre, qui sont en fait les véritables bénéficiaires du travail clandestin, les députés socialistes ont proposé de supprimer la mention « sciemment » dans l'article L. 349-9 du code du travail.
En effet, si la démonstration de l'intentionnalité des actes de celui qui recourt au travail clandestin ne soulève pas de difficultés insurmontables, en revanche les agents de contrôle rencontrent beaucoup plus d'obstacles pour apporter les preuves de cette intentionnalité pour ce qui concerne les donneurs d'ordre.
Or notre rapporteur nous suggère de revenir à la version initiale du texte, sous prétexte que le caractère intentionnel est constitutif du délit. Mais ne croyez-vous pas, mes chers collègues, que, dans ce cas, l'intention du donneur d'ordre se déduit inéluctablement du fait d'avoir, par exemple, passé des commandes à un fournisseur à des prix anormalement bas ?
Cette hypothèse existe d'ailleurs juridiquement : on parle en effet de délit à dol implicite. Il est notamment invoqué en matière de sécurité du travail, où le fait de ne pas avoir protégé une machine, par exemple, peut entraîner une inculpation.
Il ne suffit pas d'affirmer notre détermination à poursuivre les véritables responsables ; donnons les moyens aux agents de l'Etat qui remplissent cette mission dans des conditions difficiles de sanctionner ceux qui s'entendent parfaitement à utiliser les lacunes ou les imprécisions de la loi pour parvenir à leurs fins.
On peut également saluer la volonté d'impliquer « à titre préventif » les maîtres d'ouvrage, publics ou privés, dans la moralisation de la sous-traitance, leur absence de vigilance constituant en effet une présomption de responsabilité. On retrouve cette préoccupation à l'article 1er bis, visant l'agrément des sous-traitants dans le BTP, et à l'article 10 modifé pour les contrats passés par les collectivités publiques.
J'estime que ces dispositions préservent l'intérêt général, qui doit être au centre de toute lutte contre le travail clandestin, mais aussi l'intérêt du maître d'ouvrage qui, notamment dans le BTP, a beaucoup à perdre en recourant à des personnels peu ou pas qualifiés.
C'est pourquoi, une fois encore, je ne comprends pas les positions de notre rapporteur, qui sont devenues celles de la commission des affaires sociales, sur ces deux articles. La pratique démontre que l'agrément des sous-traitants est de plus en plus fréquent, qu'il offre des graranties réciproques. Quant à vos inquiétudes exprimées sur l'article 10, monsieur le rapporteur, votre argumentation n'est pas convaincante et j'y reviendrai ultérieurement.
Une amélioration a été également apportée sur le volet de la solidarité financière des maîtres d'ouvrage et donneurs d'ordre puisque, désormais, ils seront conjointement tenus de contribuer au paiement des pénalités et des majorations de cotisation obligatoires, et au paiement des indemnités dues aux salariés dissimulés en cas de rupture de la relation de travail.
Le projet de loi amendé par l'Assemblée nationale apporte quelques améliorations au point de vue des droits des employés, qui sont les véritables victimes du travail clandestin. L'indemnité versée en cas de ruptre de la relation de travail est portée à six mois de salaire, grâce à un amendement voté à l'unanimité par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, dans des termes qui, selon moi, demeurent encore beaucoup trop limités, le salarié peut obtenir les informations relatives à l'accomplissement ou non par son employeur des formalités requises au moment de son embauche. Pourquoi avoir limité le droit d'information à la seule déclaration préalable à l'embauche ou au registre unique du personnel ?
A l'Assemblée nationale, M. Salle a évoqué dans son rapport le risque de voir des salariés « trop curieux » ! Madame le ministre, vous semblez partager cet avis car, selon vous, certaines formalités, comme celles qui sont relatives à la fiscalité, ne regardent pas l'employé. Vous avez raison, mais ce n'est pas tant le contenu de ces formalités qui regarde l'employé que leur existence ou leur absence.
Nous déposerons des amendements afin de faire accéder l'ensemble des salariés à ce droit légitime de l'information sur la situation et l'identification de l'employeur direct, mais aussi sur l'identité des donneurs d'ordres. Cela me paraît être un droit élémentaire, indispensable, si ces derniers doivent faire valoir des droits.
Les autres amendements que nous soumettrons à l'approbation du Sénat doivent permettre de compléter les dispositions relatives à d'autres formes de travail illégal.
Ils visent les infractions de marchandage et de prêt de main-d'oeuvre illicite. Nous souhaitons que soient requalifiées les relations de travail où, sous couvert d'artisanat, de professions indépendantes, les personnes employées sont en fait subordonnées à celui qui leur fournit le travail ; les exemples fourmillent, qu'il s'agisse des routiers, des coursiers ou d'autres professions. Tous les jours, nous découvrons de nouveaux cas dramatiques d'absence de couverture sociale.
Nous avons également déposé des amendements tendant à améliorer les conditions dans lesquelles le corps d'inspecteurs et de contrôleurs du travail exécute sa mission. Ils concernent essentiellement les documents qu'ils peuvent se faire communiquer.
La proposition visant à interdire les aides publiques aux employeurs se rendant coupables de travail clandestin nous paraît fort judicieuse. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons, mes chers collègues, de conditionner l'octroi de ces aides à l'absence de condamnation pour des délits commis dans le cadre de la réglementation du travail. Je ne doute pas que vous partagerez notre souci de défendre le droit des salariés et notre préoccupation d'assurer une bonne utilisation des fonds publics.
Votre accord sur ces amendements conditionnera notre vote final. Pour nous, socialistes, il ne peut être question, je le réaffirme solennellement, de cautionner en quoi que ce soit le travail illégal, sous aucune de ses formes. Mais nous ne voulons pas nous en tenir à des discours ou à des déclarations d'intention. Nos propositions d'amendements sont de nature, me semble-t-il, à donner du corps au présent projet de loi, qui doit être mieux charpenté si nous voulons qu'il soit efficace. Le groupe socialiste se déterminera donc en fonction du débat qui va s'instaurer et des avancées qui en découleront. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre société est malade, malade d'une économie libérale qui n'en finit plus de produire ses effets dévastateurs. Le développement du travail illégal en est un exemple alarmant, qui révèle les profonds dysfonctionnements de notre système économique.
Les causes et les mécanismes qui alimentent le travail illégal sont connus. C'est d'abord la misère. La France compte plus de trois millions de chômeurs et plus de un million de RMIstes. Autant de personnes qui sont prêtes à travailler, même dans les pires conditions, pour survivre. C'est aussi, du côté patronal, la course au profit, la recherche de la rentabilité coûte que coûte, même si cela doit passer par le non-respect des obligations légales.
Le travail illégal cause de graves désordres économiques et sociaux. Il représente pour l'Etat et les organismes de protection sociale une perte de recettes qui s'élèverait à plus de 150 milliards de francs selon les estimations du rapport parlementaire sur les fraudes et les pratiques abusives. Il est une concurrence déloyale faite aux entreprises respectueuses de leurs obligations. Enfin, et surtout, il place les salariés, premières victimes de ces pratiques, dans une situation d'extrême précarité, ceux-ci échappant à toute législation sociale protectrice : ils n'ont droit à aucune couverture sociale, qu'il s'agisse de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse ; ils travaillent dans des conditions déplorables, les normes de sécurité et d'hygiène n'étant que très rarement respectées, et cela pour un salaire généralement dérisoire. Pour le plus grand profit de l'employeur, ou plutôt des donneurs d'ordres, ils sont taillables et corvéables à merci.
Ce fléau social et économique, cette forme moderne d'esclavage qui ne cesse de se développer, ne saurait être tolérée et doit être efficacement combattue.
Face à cette situation, le Gouvernement déclare vouloir faire de la lutte contre le travail illégal une « priorité nationale ». Nous ne devrions que pouvoir acquiescer. Mais, hélas ! à examiner de près la politique préconisée, il semble que le Gouvernement fasse fausse route. Pour montrer sa détermination, il nous présente en effet une « stratégie globale » associant traitement économique en amont et traitement pénal en aval, c'est-à-dire le présent projet de loi.
Je dirai tout d'abord quelques mots de la situation économique dans laquelle celui-ci vient s'inscrire.
De quoi s'agit-il ? D'une politique qui vise à réduire le coût du travail par un système d'exonération des charges et de réduction des cotisations sociales, d'une politique de zones franches et de défiscalisation, d'une flexibilité accrue à travers l'augmentation du travail précaire, de la flexibilité, des projets d'annualisation du temps de travail. Nous en discuterons certainement de nouveau dans quelques semaines.
N'est-il pas paradoxal, pour le Gouvernement, de prétendre s'attaquer aux causes profondes du travail illégal, alors même que toute sa politique économique consiste, au contraire, à organiser une harmonisation vers le bas, à donner son aval à une précarisation accrue des conditions de travail ?
Non, je ne pense pas que ce soit cela s'attaquer aux causes profondes du travail illégal qui, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, sont, d'une part, le chômage et la précarité et, d'autre part, la concurrence généralisée et la course effrénée aux gains de productivité.
Après ce rappel, j'en viens au projet de loi proprement dit.
La lutte contre le travail illégal a fait l'objet de nombreuses réformes au cours des dernières années, avec la présentation de dix textes. Des adaptations utiles ont été apportées : élargissement du champ de l'infraction, peines plus sévères, création de certaines peines complémentaires, ou encore début d'une mise en cause des donneurs d'ordres. Cependant, force est de constater que le phénomène n'a pas été enrayé, bien au contraire.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose de nouvelles mesures afin de donner une impulsion décisive à cette lutte. Nous ne sommes pas opposés, bien au contraire, au principe d'une nouvelle réforme. Le dispositif existant, qui doit être appliqué, est loin d'être négligeable, mais certains points peuvent être améliorés, notamment en ce qui concerne les donneurs d'ordres et les maîtres d'ouvrage, principaux responsables et bénéficiaires de cette économie parallèle, qui restent encore trop souvent impunis.
Il faut reconnaître que certaines dispositions du projet de loi clarifient et améliorent la définition de travail dissimulé.
Ainsi en est-il de la distinction entre dissimulation d'activité et dissimulation de salarié. Ainsi en est-il aussi de l'élargissement du champ d'application du délit, qui fait de l'absence de déclaration préalable à l'embauche un élément constitutif du délit de travail dissimulé.
S'agissant, enfin, du dernier volet du texte, relatif aux sanctions, nous approuvons la peine complémentaire de privation des droits civiques et civils, la suppression des aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle, ainsi que la disposition obligeant un candidat à un marché public et ses éventuels sous-traitants à apporter la preuve qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation définitive pour infraction à la législation sur le travail illégal.
Mais cela suffit-il à justifier un nouveau projet de loi ? Notre réponse est : non, d'autant que ce texte se limite à une forme de travail illégal : le travail dissimulé, c'est-à-dire la dissimulation d'activité et d'emploi.
Pourquoi une telle restriction ? Certes, le travail dissimulé semble, selon les statistiques, être la forme la plus importante de travail illégal, puisqu'il représente 67 % des infractions relevées par les services de contrôle. Cependant, sur un tel sujet qui, par définition, ne peut être connu avec exactitude, la prudence est de rigueur. Les statistiques se fondent sur les infractions relevées, qui ne représentent qu'une petite partie de l'iceberg, et rien ne permet de dire que ce chiffre soit représentatif. Quand bien même il serait exact, faudrait-il pour autant négliger les 33 % restants ?
La fausse sous-traitance et les fraudes concernant l'ASSEDIC participent également au déséquilibre des comptes de la nation, au commerce déloyal et à la précarisation des salariés. Il est donc impératif de lutter aussi contre ces formes de travail illégal.
Comment pouvez-vous, madame le ministre, prétendre faire du travail illégal une priorité en omettant ces infractions ? Je souhaite obtenir une réponse de votre part.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la compétence et à la procédure, le projet de loi tend à harmoniser les pouvoirs des différents agents de contrôle en les alignant sur ceux de l'inspection du travail, portant ainsi atteinte au respect de la spécificité de ses compétences, à son indépendance par rapport à la police et à la gendarmerie, à sa mission de contrôle de l'ensemble de la législation sociale, à sa mission protectrice des droits des travailleurs, à ses moyens et à ses prérogatives.
Par ailleurs, le texte élargit la mission légale des corps de contrôle compétents en leur donnant, au-delà de leur mission traditionnelle, la mission de « rechercher ». Cette notion est pour le moins floue et elle permet toutes les interrogations sur l'utilisation qui pourra en être faite.
Nous touchons là à un paradoxe d'importance : avant de modifier la législation, ne conviendrait-il pas de se donner les moyens d'appliquer pleinement les dispositions en vigueur ?
M. Robert Pagès. Très bien !
M. Guy Fischer. Comment se fait-il que la majorité des procès-verbaux de constat d'irrégularité soient, pour la plupart, classés sans suite ? Comment expliquer qu'on ne remonte que très rarement jusqu'aux commanditaires lors du démantèlement d'un atelier clandestin ? Les sanctions existantes sont déjà rarement appliquées. Qu'est-ce qui garantit que les nouvelles sanctions le seront ?
Le problème semble donc bien dépasser la seule adéquation des règles juridiques.
Si l'efficacité de la lutte contre le travail illégal est insuffisante, c'est d'abord par manque de moyens humains, ce qui est largement confirmé par les inspecteurs et contrôleurs du travail que nous avons pu rencontrer.
Alors que le présent projet de loi comporte de nouvelles missions, il ne prévoit aucun renforcement des effectifs de l'inspection du travail, dont les agents ont pourtant vocation à être les principaux acteurs de la lutte contre le travail illégal. La loi de finances pour 1997 supprime même un certain nombre de postes.
Enfin, les voies choisies par le Gouvernement pour renforcer la lutte contre le travail illégal, loin d'être à la hauteur d'une priorité nationale, sous-tendent de plus des dérives inquiétantes.
L'esprit qui anime le Gouvernement et la majorité me fait sérieusement m'interroger. Permettez-moi, en effet, de vous faire part de mes vives inquiétudes quant aux dangereuses dérives que portent en germe certaines dispositions du texte, qui tendent à orienter le contrôle plus vers les salariés que vers les entreprises - bien que l'on s'en défende - plus vers la chasse aux travailleurs étrangers en situation irrégulière que vers la défense des droits des victimes du travail illégal.
Prenons l'exemple le plus révélateur et le plus intolérable : je parle, bien sûr, de la disposition sur les pouvoirs des officiers de police judiciaire.
A la suite de l'avis du Conseil d'Etat, cette mesure a été retirée de ce texte et introduite dans le projet de loi portant diverses mesures relatives à l'immigration, qui fera l'objet d'un prochain débat. N'est-ce pas implicitement reconnaître que ce sont les immigrés qui sont les cibles privilégiées de cette mesure ? Bien sûr, vous vous en défendez !
Pour faire « bonne mesure », nombre de parlementaires de la majorité aujourd'hui silencieux souhaiteraient la voir réintroduite dans le projet de loi relatif au travail illégal.
Pour la première fois, hors les grèves et certaines périodes noires de l'histoire, la police et la gendarmerie seront peut-être autorisées à entrer à l'intérieur des entreprises. Elles pourraient contrôler l'identité des salariés, vérifier leur inscription sur le registre du personnel et leur déclaration préalable à l'embauche. Cette intrusion des forces de l'ordre dans les lieux professionnels, en dehors des contrôles judiciaires normaux et alors même qu'aucun délit n'a été commis et qu'il s'agit d'une propriété privée, est extrêmement choquante.
Ce champ n'est pas le leur. Il y a là une grave confusion des rôles et une véritable atteinte aux libertés.
Ce droit revient et doit continuer à revenir aux seuls inspecteurs et contrôleurs du travail, sauf si une commission rogatoire a été délivrée par le juge ou en cas de flagrant délit. Les salariés ont toujours été considérés comme des victimes qu'il fallait protéger et non sanctionner. La recherche des infractions au droit du travail relève principalement du corps de l'inspection du travail. Remettre en cause ce point serait une erreur impardonnable.
M. Robert Pagès. Très juste !
M. Guy Fischer. Dès lors, il est permis de penser que l'irruption des forces de l'ordre dans les entreprises servirait essentiellement à renforcer la traque aux immigrés irréguliers. Je ne pense pas qu'on en soit là, mais il faut le dire aujourd'hui ! Les immigrés irréguliers sont, certes, en infraction avec les lois sur l'entrée et le séjour, mais ils ne sont en aucun cas auteurs du délit de travail dissimulé, dont ils sont des victimes au même titre que les autres salariés.
Une telle disposition, qui contribuerait à l'instauration d'un Etat policier, est aussi scandaleuse dans ce projet de loi que dans le projet de loi sur l'immigration. De plus, il confirme l'amalgame selon lequel l'immigration clandestine et le travail illégal sont une seule et même chose ; il alimente la xénophobie, en faisant croire que les immigrés sont responsables de la situation de l'emploi.
Tel est d'ailleurs l'esprit, à mon sens édifiant, madame le ministre, d'un tract récemment publié par l'une des composantes de la majorité gouvernementale, qui assimile clairement l'immigration clandestine et le travail illégal :
« Halte à l'immigration clandestine !
« Poursuivons sur la voie de la fermeté ! C'est en ce sens que le Gouvernement va présenter deux projets de loi, l'un contre l'immigration clandestine, l'autre afin de mieux lutter contre le travail clandestin. »
M. Robert Pagès. Amalgame !
M. Guy Fischer. La boucle est bouclée ! L'amalgame est dénoncé !
Cette confusion est, au demeurant, dénuée de tout fondement. En effet, les statistiques montrent que, en 1994, l'emploi d'étrangers sans titre de travail représentait 6 % des verbalisations pour travail dissimulé. Même si ces chiffres sont à considérer avec circonspection, il semble incontestable que le travail au noir touche majoritairement des Français.
Le texte se trompe donc de cible. Cela paraît d'autant plus flagrant que les dispositions visant à remonter jusqu'aux entrepreneurs donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage restent bien timides. Or l'efficacité de la lutte dépend de cette possibilité. Le constat se trouve d'ailleurs dans l'exposé des motifs du projet de loi, selon lequel « la mise en oeuvre des dispositions existantes sur ce point reste encore limitée ».
Mais que proposez-vous pour y remédier, pour permettre aux agents de contrôle de remonter l'écheveau souvent complexe des relations de sous-traitance ?
La communication des documents aux corps de contrôle est un élément essentiel, car c'est par ce droit qu'ils peuvent démêler les filières de sous-traitance. A cet égard, les propositions gouvernementales sont notoirement insuffisantes.
Ce droit a été à juste titre élargi aux documents commerciaux par un amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Rudy Salles, rapporteur. Cependant, il n'a pas été étendu aux documents comptables, qui sont pourtant des pièces essentielles pour remonter les filières financières souvent fort sophistiquées. Le Gouvernement préfère limiter ce droit à la communication, afin qu'il ne soit pas vécu comme un droit d'inquisition par les employeurs.
Les éléments positifs de ce projet de loi sont donc bien faibles, comparés aux effets néfastes de certaines mesures. La volonté du Gouvernement de lutter contre le travail illégal n'est guère convaincante.
Vous avez choisi de légiférer, soit ! Mais faites en sorte que ce texte soit non pas une énième réforme, un texte en trompe-l'oeil, mais un dispositif complet et adapté. Ce projet de loi est trop timide dès lors qu'il s'agit de s'attaquer aux donneurs d'ordre, aux intérêts économiques et à la partie du patronat qui couvre ces pratiques.
Par ailleurs, plusieurs amendements allant dans le bon sens ont été adoptés par l'Assemblée nationale : amende administrative en cas de non-respect de l'obligation de déclaration préalable à l'embauche, renversement de la charge de la preuve, élargissement du délit au cas où la rémunération figurant sur le bulletin de paie ne correspond qu'à une partie des heures travaillées, suppression du caractère intentionnel du recours d'un donneur d'ordre aux services d'une personne pratiquant le travail illégal. Hélas ! les amendements les plus intéressants risquent d'être supprimés, ceux-ci ayant été adoptés contre l'avis du Gouvernement et rejetés par la commission du Sénat.
Dans ces conditions, ce projet de loi ne peut nous satisfaire. Le véritable défi à relever nous semble être de maîtriser une dérive mondiale dans le domaine des lois régissant l'organisation du travail, et non d'y céder une fois de plus, ainsi que la majorité du Sénat l'a fait lors de l'adoption du projet de loi relatif à la consultation des salariés et à la négociation collective.
Si la lutte contre le travail illégal doit certes s'insérer dans un cadre plus large que la simple répression, ce n'est certainement pas dans celui qui est choisi par le Gouvernement.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de satisfaction que j'interviens aujourd'hui à cette tribune, le dépôt, par le Gouvernement, du projet de loi soumis à notre examen répondant entièrement à une demande que j'avais formulée voilà presque un an.
En effet, en mars 1996, au cours d'une séance de questions orales sans débat, j'avais souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences particulièrement néfastes du travail illégal, tant sur le plan économique ou social qu'en matière d'immigration clandestine.
J'avais, à cette époque, essentiellement axé mon propos sur la trop grande importance de l'emploi d'étrangers sans titre, signalant à cet effet qu'aucune politique de lutte contre l'immigration clandestine ne saurait aboutir tant qu'il ne serait pas mis fin aux agissements d'employeurs dénués de tout scrupule.
En effet, si je suis favorable à l'adoption de mesures permettant le retour dans leur pays d'étrangers séjournant en France en violation des dispositions législatives - nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en débattre prochainement - je souhaite en premier lieu qu'il soit mis fin aux agissements d'individus qui, en toute impunité, attirent dans les filets des policiers et magistrats français ceux qui, confrontés à la misère quotidienne que leur pays connaît, cherchent meilleure fortune dans le nôtre.
En réponse à ma question orale du 19 mars dernier, vous m'aviez indiqué, madame le ministre, qu'un projet de loi était en cours d'élaboration. Aussi, je me félicite de constater que les travaux de votre ministère ont abouti, en permettant l'adoption d'un texte que j'espère plus approprié à la lutte contre le travail clandestin. En écho à plusieurs observations qui ont été formulées cet après-midi à cette tribune, je me permettrai de dire que ce projet de loi aurait pu s'intituler simplement : « Renforcement de la lutte contre l'emploi illégal ».
En dehors du caractère purement immoral que constitue l'emploi illégal de travailleurs, il faut insister, comme vous le faites, sur le fait que le travail clandestin a des conséquences désastreuses sur le plan économique.
Ces chiffres, que l'on trouve dans le rapport remis au Premier ministre par nos collègues de l'Assemblée nationale, MM. Charles de Courson et Gérard Léonard, m'ont stupéfié : les travailleurs clandestins, dont le nombre est estimé à 1,5 million, sont responsables d'une perte annuelle de 156 milliards de francs, soit 10 % du budget de l'Etat !
Alors que nous devons faire face à des difficultés financières au niveau national et qu'il est demandé à chacun d'apporter sa contribution à la réforme, une telle situation est inacceptable !
Madame le ministre, grâce au projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, les agents concernés par la lutte contre le travail illégal devraient être en mesure d'assurer au mieux les missions qui leur sont dévolues.
Ce projet de loi regroupe trois orientations majeures, que je m'efforcerai de développer dans l'ordre dans lequel elles ont été présentées lors de la réunion de la commission des affaires sociales.
Je ne reviendrai pas sur les problèmes purement juridiques liés à la définition du délit de travail dissimulé. Le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale a permis à la commission des affaires sociales et à son rapporteur de tirer toutes les conséquences des différentes rédactions proposées ; c'est dans ces conditions qu'elle a présenté plusieurs amendements visant à ce qu'une formulation juridique adéquate soit adoptée.
Ainsi que M. le rapporteur le proposait, j'ai approuvé les amendements visant à la suppression du principe d'une présomption de travail clandestin en cas de non-agrément du sous-traitant par le maître d'ouvrage, dans la mesure où, pour combattre cette présomption, il conviendrait pour le maître d'ouvrage de bonne foi d'apporter des preuves négatives afin d'établir son honnêteté. Un tel système semble difficilement acceptable, d'autant plus que le texte concerné a des répercussions sur le plan pénal.
Toutefois, je souhaiterais que le cas de la sous-traitance ne soit pas complètement écarté de nos débats dans la mesure où ce mode de recrutement semble constituer un vecteur important du travail clandestin.
En effet, les entreprises opérant dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui regroupait à lui seul 27 % des infractions de travail illégal relevées en 1994, recourent de façon quasi systématique à la sous-traitance.
Au vu de ce chiffre, il n'est pas déraisonnable de penser que la sous-traitance favorise le travail illégal. Dès lors, s'il nous est imposible de faire peser une lourde présomption de culpabilité sur l'ensemble des maîtres d'ouvrage, il semble cependant nécessaire de trouver un système intermédiaire qui permettrait d'atteindre l'objectif que s'étaient fixé nos collègues de l'Assemblée nationale.
Madame le ministre, lors du débat intervenu au Palais-Bourbon, vous vous êtes prononcée, ainsi que la commission des affaires sociales, en faveur de l'amendement de M. Le Déaut, ce qui a conduit à l'adoption d'un article 1er bis. Pour les raisons que je vous ai exposées, je partage l'avis de la commission des affaires sociales quant à la nécessité de supprimer cet article, mais je souhaiterais vivement que le Gouvernement, en accord avec le Parlement, réfléchisse à d'éventuelles dispositions en ce sens.
Le système de l'obligation de déclaration préalable à l'embauche a permis, pour une grande part, de jeter les bases d'une lutte efficace contre le travail illégal. C'est la raison pour laquelle il faut poursuivre dans la voie de la répression en cas de non-respect de cette obligation.
La commission a émis quelques réserves quant aux modifications adoptées par l'Assemblée nationale et aurait préféré, en conséquence, une nouvelle rédaction. Quoi qu'il en soit, l'économie de la mesure n'en est pas fondamentalement modifiée, et c'est pourquoi j'y adhère pleinement.
Le deuxième volet du projet de loi soumis à notre examen a pour objectif de renforcer les pouvoirs des agents de contrôle et d'améliorer la coordination de leurs actions.
Je ne peux que me féliciter de ces mesures, car elles permettront de mettre fin à un système qui, en raison de la faiblesse des moyens qui lui étaient consacrés, assurait malgré lui une certaine impunité à des employeurs peu scrupuleux.
Comment prétendre, en effet, relever des infractions à la législation sur le travail en vue de les réprimer lorsque ni le nombre d'agents nécessaires ni leurs pouvoirs d'investigation ne sont suffisants ?
Aujourd'hui, en effet, seuls les inspecteurs et les contrôleurs du travail disposent du pouvoir de rechercher les infractions, sans qu'ils soient pour autant spécialisés dans ce type d'action.
De leur côté, douaniers ou officiers de police judiciaire ont des pouvoirs étendus de recherche des infractions ainsi que d'importants moyens pour y parvenir, mais ils ne peuvent en faire usage sans qu'une décision de justice ait été prononcée.
Dès lors, il est évident qu'il convient de donner à tous ces acteurs les mêmes prérogatives, en les étendant, d'ailleurs, pour certains. C'est la raison pour laquelle je me félicite de la présence, dans ce projet de loi, de l'article 4, qui semble pleinement répondre à cet objectif.
Je constate aussi avec satisfaction que nous ne nous cantonnons pas à cet accroissement des prérogatives des agents de contrôle, que le cadre dans lequel elles devront s'exercer a également fait l'objet d'une restructuration approfondie. Je veux parler ici de la coordination des différents services.
En effet, il est inconcevable que, dans un Etat moderne comme le nôtre - mon propos concerne la lutte contre le travail clandestin, mais il pourrait viser bien d'autres domaines - l'action des pouvoirs publics puisse être amoindrie par les pouvoirs publics eux-mêmes.
Je n'admets pas l'idée que, jusqu'alors, des poursuites aient pu être abandonnées ou sérieusement mises en cause du fait de l'absence d'échange d'informations entre les différents services concernés par la lutte contre le travail illégal.
En conséquence, l'article 6 du projet de loi, qui autorise la levée du secret professionnel entre les différents corps de contrôle et les organismes de protection sociale, me semble être l'indispensable accessoire des modifications qu'apporte l'article 4, que j'évoquais précédemment.
Pour en terminer avec le rôle des agents de contrôle, j'exprimerai toutefois une crainte quant aux effectifs. Je souhaite en effet, madame le ministre, avoir l'assurance que le nombre d'agents affectés à la recherche des infractions de travail illégal soit suffisant pour qu'il soit permis de mener à bien les nouvelles missions que ce texte leur confie. Si tel n'était pas le cas, je craindrais, en effet, que nos efforts de ce jour ne soient vains.
La troisième orientation du projet de loi dont nous débattons concerne la dissuasion.
Les mesures qui nous sont proposées à cette fin ont des incidences que je qualifierai d'« économiques ». En effet, il s'agit le plus souvent de prendre à l'encontre des employeurs sans scrupule des dispositions visant à les priver des aides à l'emploi ou à la formation professionnelle, ou à rejeter leur candidature dans le cas de marchés publics.
Parmi elles, l'une des plus efficaces est l'extension de la solidarité financière des donneurs d'ouvrage ou des maîtres d'ouvrage, prévue aux articles 6 quater et 6 quinquies. En effet, une telle disposition encouragera immanquablement ces derniers à faire preuve d'une certaine vigilance, permettant ainsi d'assurer une meilleure prévention du travail illégal.
Pour indispensables que soient ces mesures, elles ne doivent pourtant pas être considérées comme étant les seuls outils d'une répression efficace.
En effet, je souhaiterais, pour ma part, qu'il soit fait plus souvent application de l'article L. 362-3 du code du travail, aux termes duquel les personnes ayant recours au travail clandestin peuvent faire l'objet d'une peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende.
Dans le même esprit, vous me permettez de trouver quelque peu timide la portée de l'article 8 du projet de loi, relatif au prononcé de certaines peines complémentaires. Je me contenterai de rappeler les termes du rapport déposé à l'Assemblée nationale par notre collègue Gérard Léonard, au nom de la commission des lois : « Cette mesure a une portée davantage symbolique que pratique ou dissuasive. »
Malgré cela, je partage l'opinion selon laquelle cette disposition permettra de mettre l'accent sur le caractère incivique du travail illégal.
En effet, je conclurai l'ensemble de mon propos en rappelant, hélas ! que le travail clandestin, s'il concerne, il est vrai, bon nombre d'entreprises, ainsi que le texte proposé le souligne, concerne également nombre de nos concitoyens, qui, sans pour autant être des délinquants, participent activement à l'accentuation de ce phénomène.
Qui n'a pas rencontré autour de lui - on l'a dit cet après-midi - des personnes ayant recours aux services d'une femme de ménage que l'on paye « en liquide » ?
A travers ce seul exemple, nous sommes à même de prendre la mesure des difficultés qui nous attendent pour mettre fin à ces agissements qui, pris indépendamment les uns des autres, ne sont pas d'une nature exceptionnellement grave, mais qui, cumulés à l'échelon national, handicapent sérieusement notre économie ainsi que notre système de protection sociale.
Des efforts ont été déployés en ce domaine avec, par exemple, le développement des chèques emploi-service. Il faut poursuivre dans la voie de la responsabilisation des citoyens, car cette orientation constitue, à défaut d'une impossible répression, le seul chemin praticable.
Madame le ministre, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et moi-même, convaincus que ce projet permettra d'enrayer le phénomène du travail illégal, vous apporterons notre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de pouvoir débattre aujourd'hui d'un sujet aussi sensible et primordial que le travail illégal, et ce d'autant plus que j'ai déposé, voilà quelques mois, une proposition de loi sur ce même sujet.
Le travail illégal constitue une pratique dangereuse tant économiquement que socialement : d'abord, parce qu'elle contribue à créer une société parallèle définissant ses propres règles de fonctionnement ; ensuite, parce qu'elle accroît le coût de la redistribution sociale et augmente indirectement la pression fiscale qui s'exerce sur les entreprises et les salariés qui respectent la légalité, et, plus largement, sur la collectivité nationale tout entière.
Elle est aussi politiquement insupportable ; elle tend à priver le salarié de la reconnaissance de sa qualité et des droits qui y sont attachés - droit au salaire, à la formation, aux allocations chômage, etc.
Elle porte atteinte à la libre concurrence entre les entreprises, dans le domaine de l'artisanat notamment.
Elle contrarie, enfin, les prérogatives de l'Etat en matière de politique d'immigration et de soutien à l'emploi.
La lutte contre le travail clandestin se situe donc aujourd'hui à la conjonction de quatre priorités de notre pays : premièrement, la lutte pour l'emploi ; deuxièmement, la défense des entreprises contre toutes les formes de concurrence déloyale ; troisièmement, le rétablissement des équilibres financiers des organismes de protection sociale ; quatrièmement, enfin, une meilleure maîtrise des flux migratoires.
En outre, l'excellent rapport de MM. de Courson et Léonard procède à une estimation alarmante du coût du travail illégal pour la collectivité nationale.
Ainsi, il évalue à 156 milliards de francs au moins le coût fiscal et social du travail irrégulier, qui est la première cause de fraude sur les prélèvements obligatoires.
Face à un tel enjeu, il est primordial de renforcer et d'améliorer sans cesse notre arsenal législatif.
Le présent projet de loi constitue, de ce point de vue, une avancée significative.
Il s'inscrit dans le cadre d'une politique globale, alliant prévention et répression, menée depuis un an et demi par le Gouvernement.
Permettez-moi d'ailleurs, madame le ministre, de saluer dans son ensemble la politique économique et de l'emploi menée par le Gouvernement. Elle vise à favoriser l'activité et l'emploi déclarés grâce non seulement à une réduction du coût du travail et à un allégement de la fiscalité, mais aussi et surtout à une simplification des formalités administratives tant pour les entreprises, avec le plan PME, que pour les particuliers, avec le chèque emploi-service.
Il conviendrait également d'étendre la formule du chèque emploi-service au secteur de l'hôtellerie et de la restauration, très touché par l'emploi illégal de travailleurs occasionnels.
Le présent projet de loi, madame le ministre, vient renforcer significativement notre arsenal législatif grâce à trois séries de dispositions.
La première vise à clarifier et à apporter des adaptations nécessaires et attendues à la définition du travail clandestin ou dissimulé. J'avoue d'ailleurs préférer l'adjectif « clandestin » à celui de « dissimulé ». L'extension du délit de travail clandestin me semble être, sur ce point, une excellente mesure.
La deuxième tend à développer la prévention et la sanction du travail illégal grâce, entre autres, à l'introduction d'une peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille. Cette disposition témoigne de la volonté du Gouvernement de faire du travail illégal une priorité nationale.
Toutefois, pour aller plus loin dans cette voie, ne conviendrait-il pas, madame le ministre, de rendre plus dissuasives les peines et amendes existantes ? Je vous soumettrai un amendement allant dans ce sens.
Enfin, pour en terminer avec le problème de la sanction, je souhaite attirer votre attention sur la question de la culpabilité. En effet, le code du travail, tel qu'il est conçu, considère que seul l'employeur peut être reconnu coupable d'un délit de travail clandestin, alors que le travailleur n'en est que la victime.
Or, aujourd'hui, cette conception est dépassée, car certaines personnes - le fait est connu - ne souhaitent pas se faire déclarer, entre autres parce qu'elles ne possèdent pas de permis de travail ou parce qu'elles souhaitent continuer à percevoir les ASSEDIC. Ne conviendrait-il donc pas d'adapter notre législation pour tenir compte de ce type de situation ?
Le troisième axe du projet de loi vise à renforcer la mobilisation de l'ensemble des corps de contrôle grâce à une série de mesures appropriées.
Je citerai, au nombre de ces mesures, l'association des contrôleurs des transports terrestres aux actions de recherche et de constatation des infractions de travail clandestin.
Je citerai encore l'harmonisation des dispositions relatives à la force probante qui s'attache aux procès-verbaux dressés par les agents des différents corps de contrôle.
Je citerai, enfin, l'incitation à la transmission d'informations entre les différentes administrations et la levée du secret professionnel.
Une telle communication entre administrations est certes nécessaire, mais elle est actuellement très difficile, chaque administration fonctionnant de façon très verticale, très cloisonnée.
Cette inertie est regrettable, car certains services constituent de véritables mines de renseignements.
Enfin, en ce qui concerne la coordination des différents agents de contrôle, il me semble que la mesure proposée par l'article 10 du projet de loi sur l'immigration, qui prévoit que policiers et gendarmes pourront entrer librement dans les locaux professionnels ou les chantiers pour constater des faits de travail clandestin sous le contrôle de l'autorité judiciaire, constitue certes une avancée, mais qu'elle est perfectible.
Je soumettrai, à cet effet, un amendement qui reprend la proposition de loi que j'ai récemment déposée. Il vise à permettre la création, dans chaque département, sous la responsabilité directe du préfet, d'une structure spécialement chargée de lutter contre le travail clandestin.
Cette brigade de lutte contre le travail clandestin serait composée d'inspecteurs du travail, d'une part, de gendarmes et de policiers, d'autre part, qui appliqueraient conjointement les dispositions du code du travail, du code pénal et du code de procédure pénale.
Elle interviendrait sur simple demande afin de constater immédiatement l'infraction de travail clandestin ou dissimulé et d'engager les poursuites à l'encontre des contrevenants.
Cette formule alternative à celle que propose le Gouvernement permettrait, j'en suis convaincu, de parvenir à un certain consensus, et ce pour plusieurs raisons.
J'en évoque quelques-unes. Tout d'abord, la création d'une telle structure aurait l'immense avantage d'allier les compétences des inspecteurs du travail et des policiers et permettrait ainsi aux premiers de ne pas avoir le sentiment d'être privés d'une partie de leurs prérogatives, sentiment qu'ils ont exprimé à l'égard de la mesure introduite par le Gouvernement.
Ensuite, la disposition proposée s'inscrit dans le cadre du code du travail et non dans celui du code de procédure pénale, levant ainsi toute ambiguïté quant à l'opportunité d'une telle mesure dans un texte modifiant essentiellement le code du travail.
En outre, l'argument invoqué lors du débat à l'Assemblée nationale, selon lequel il ne faut pas faire d'amalgame entre travail clandestin et immigration clandestine, est peu convaincant.
Gardons-nous de toute hypocrisie : lutte contre le travail illégal et lutte contre l'immigration clandestine sont liées même si, comme chacun le sait, les immigrés en situation irrégulière ne représentent que 10 % des infractions.
En effet, il serait illusoire de penser pouvoir résoudre le problème de l'immigration clandestine sans agir sur l'effet d'appel produit par le travail clandestin. De plus, un chapitre entier du code du travail lui-même est consacré à la main-d'oeuvre étrangère.
Enfin, précisons que les contrôles d'identité qu'effectueraient les policiers s'adresseraient à tous les travailleurs et non exclusivement aux immigrés en situation irrégulière ; ni plus de droit aux uns, ni moins de droit aux autres. C'est précisément la raison pour laquelle introduire une telle disposition dans un texte sur l'immigration en réduit considérablement la portée et pourrait conduire à un amalgame, contrairement à l'effet souhaité.
Le troisième argument militant en faveur de mon amendement, c'est la souplesse et l'efficacité.
Une telle structure éviterait d'attendre la réquisition du procureur, réquisition qui ferait perdre un temps précieux aux policiers et aux gendarmes pour constater les infractions notamment pour démanteler les ateliers clandestins, qui sont, comme chacun le sait, très mobiles.
Enfin, dernier argument, la constitution de telles structures permettrait de compléter, à l'échelon local, le travail de coordination de la future commission nationale de lutte contre le travail clandestin.
Je conclurai mon intervention en attirant l'attention sur les dérives qu'entraîneraient certaines mesures proposées lors du débat à l'Assemblée nationale.
En effet, certains de nos collègues députés ont tenté de substituer au caractère intentionnel le critère matériel de recours au travail clandestin.
De telles dispositions seraient difficilement acceptables ; elles généreraient un sentiment généralisé de suspicion à l'égard des entreprises, qui auraient ainsi constamment à prouver leur bonne foi.
La lutte contre le travail clandestin ne doit pas se faire contre les entreprises mais avec elles et, surtout, pour elles. Ce n'est pas en les accablant qu'on les incitera à créer des emplois. C'est pourquoi je vous inviterai, lors de l'examen des articles, à supprimer un amendement adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement.
Convaincu comme vous, madame le ministre, que la lutte contre le travail clansdestin doit être considérée comme une priorité nationale, je reste, avec mes collègues du groupe du RPR, favorable à ce projet de loi, en souhaitant que l'examen des articles nous permette encore d'en améliorer le contenu. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, étant le dernier orateur inscrit, je vous prie par avance de m'excuser pour certaines redites.
En dépit des nombreuses dispositions prises depuis un certain nombre d'années, il semblerait que le travail clandestin ne soit pas en régression. Il continue à représenter une part importante du marché du travail, avec tous les effets négatifs que cela entraîne : absence de couverture sociale, concurrence déloyale, cotisations sociales et rentrées fiscales inexistantes. Tout cela a déjà été dit.
Pour en réduire les conséquences désastreuses, vous nous proposez, madame le ministre, un nouveau texte aussi important que complexe.
Important, il l'est par l'objet qui lui est fixé : renforcer la lutte contre ce travail que l'Assemblée nationale a appelé, à juste raison, « dissimulé ». Il s'agit bien, en effet, de dissimulation, par exemple, lorsqu'une personne se présente comme artisan et qu'elle ne l'est pas, ou bien lorsqu'une entreprise ne déclare pas certains de ses employés.
Dans ces cas précis, les choses sont claires : lors de contrôles, elles sont facilement indentifiables donc sanctionnables. Elles le seront encore davantage avec la coordination de tous les intervenants en matière de recherche du travail dissimulé que prévoit votre projet de loi. C'est d'ailleurs certainement l'une des mesures les plus importantes qu'il contient avec l'extension aux associations du travail dissimulé.
Cependant, ce texte demeure, sur certains points, complexe, voire ambigu. En effet, comment partager les responsabilités entre celui qui commande et celui qui exécute en matière de dissimulation ? Celui qui commande et qui sait « sciemment » que celui qui exécute pratique du travail dissimulé n'est-il pas aussi coupable que lui ? C'est ce que prévoit d'ailleurs l'article L. 324-9 du code du travail. Mais cette disposition vise-t-elle également le particulier donneur d'ordres ?
Celui qui accepte, soit à l'intérieur d'une entreprise, soit pour un particulier, d'effectuer « sciemment » un travail dissimulé n'est-il pas, lui aussi, coupable ? Il ne faudrait donc surtout pas, par exemple, lui donner une prime sous forme d'indemnisation, comme le prévoit l'article 3 modifié par l'Assemblée nationale, s'il a accepté sciemment, voire demandé, à travailler sans être déclaré par l'employeur. Il faudrait, au contraire, pouvoir le sanctionner. Mais comment ? M. le rapporteur pour avis a évoqué tout à l'heure quelques pistes en ce domaine.
Si nous avançons dans la définition du travail dissimulé, grâce à M. Souvet, les choses sont moins claires en ce qui concerne la part de responsabilité de ceux qui pratiquent cette dissimulation. Est-ce une volonté de votre part, madame le ministre ? Avez-vous écarté délibérément le travail clandestin qui peut être pratiqué par des particuliers ? Certes, si chacun est très satisfait par l'article 10 du projet de loi initial qui permettra d'interdire aux fraudeurs l'accès aux marchés publics, on peut cependant s'interroger sur le deuxième alinéa introduit par l'Assemblée nationale. En effet, cet alinéa octroie un pouvoir de contrôle qui, à mon avis, outrepasse la mission des collectivités publiques et, surtout, qui risque de rendre responsables celles-ci dans le cas d'un contrôle défaillant. Quel est votre sentiment à cet égard ?
Par ailleurs, tout en admettant ce renforcement dans les moyens de lutte contre le travail dissimulé, je voudrais m'assurer, madame le ministre, qu'on ne tombe pas dans l'inquisition à l'égard des entreprises.
On répète sans cesse qu'il faut éviter les tracasseries à leur égard. Ne va-t-on pas ouvrir par ce texte des possibilités nouvelles de contrôles tatillons qui iraient à l'encontre de cette volonté ? Les contrôles envisagés seront-ils systématiques et envers n'importe quelle entreprise, ou seront-ils diligentés suivant des présomptions de délits ? Et à partir de quelle situation peut-il y avoir présomption ? Qui ne connaît des exemples d'artisans, de petites entreprises ou de petits restaurateurs qui, au moment d'un coup de « bourre » - cela arrive heureusement - font appel, parfois seulement pour quelques heures, à une personne pour assurer ce surcroît très momentané de travail ? Il y a bien alors « travail au noir ». Mais est-ce comparable au travail clandestin que nous voulons justement sanctionner ? Le coupable, dans ce cas, sera-t-il pénalisé de la même façon que celui qui en fait un usage courant ? Une procédure d'avertissement n'est-elle pas envisageable ?
Certes, il y a eu « sciemment » une dissimulation, mais est-ce une véritable volonté de tricher ? Je ne le crois pas.
Ne peut-on remédier à cet état de fait en envisageant - cela a d'ailleurs été demandé - pour des petites entreprises, la possibilité d'utiliser des chèques emploi-service comme pour les particuliers ? On en parle mais on ne voit rien venir. L'illégalité et ses conséquences demeurent. Avez-vous, madame le ministre, un projet de ce type en préparation ?
En conclusion, ce texte va certainement dans le bon sens. Cependant, j'espère que le débat permettra d'obtenir des précisions sur les personnes publiques ou privées visées par ce projet. Les entreprises sont-elles visées ? C'est évident. Les associations - c'est nouveau - le sont également. Concerne-t-il les particuliers qui veulent donner ou effectuer volontairement du travail dissimulé ? Cela est moins clair. Intéresse-t-il, indirectement, les collectivités publiques, dans le cadre de l'article 10 ?
Des précisions me paraissent également nécessaires sur le risque d'un alourdissement des tracasseries administratives à l'égard des entreprises, pour ne pas parler d'inquisition, sur la possibilité d'avertissement avant sanction, sur la recherche d'autres actions à engager, plus positives, plus actives, pour réduire le travail dissimulé. Je pense par exemple aux chèques emploi-service utilisables par de petites entreprises, à la simplification des formalités à l'embauche, sans parler de la baisse de la TVA dans certains secteurs d'activité.
Madame le ministre, vous avez par avance répondu à un certain nombre de ces questions. Grâce à vos réponses, le projet de loi que je jugeais essentiellement répressif laisse entrevoir des perspectives de solutions qui vont dans le sens que je souhaite. J'aimerais cependant qu'on aille au-delà dans cette recherche de solutions.
Dans l'attente de telles mesures, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'intention fondamentale de ce texte étant bonne mais encore perfectible avec l'adoption de quelques amendements, en particulier ceux qui seront proposés par la commission des affaires sociales, avec les membres de mon groupe, je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

15

COMMUNICATION DE L'ADOPTION
DE PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre des communications l'informant de l'adoption définitive de propositions d'actes communautaires :

Communication du 20 décembre 1996

E 357. - Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la certification des animaux et des produits (décision du Conseil du 17 décembre 1996).
E 511. - Communication de la Commission sur la promotion de l'efficacité énergétique dans l'Union européenne. Proposition de décision du Conseil concernant un programme pluriannuel pour la promotion de l'efficacité énergétique dans l'Union européenne - Save II (décision du Conseil du 16 décembre 1996).
E 576. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts en faveur de projets d'intérêt commun dans les pays d'Amérique latine et d'Asie avec lesquels la Communauté a conclu des accords de coopération (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, El Salvador, Uruguay et Venezuela, Bangladesh, Brunei, Chine, Inde, Indonésie, Macao, Malaisie, Pakistan, Philippines, Singapour, Sri Lanka, Thaïlande et Vietnam (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 625. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant, pour la période du 18 janvier 1996 au 17 janvier 1999, les possibilités de pêche et la contribution financière prévues par l'accord entre la Communauté européenne et la République des Seychelles concernant la pêche au large des Seychelles (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 664. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun pour certains produits agricoles transformés relevant du règlement (CE) n° 3448/93 (décision du Conseil du 17 décembre 1996).
E 672. - Projet de règlement du Conseil concernant l'interruption des relations financières et économiques entre la Communauté européenne et l'Irak. Projet de décision des représentants des gouvernements des Etats membres de la CECA, réunis au sein du Conseil abrogeant la décision 90/41/CECA empêchant les échanges concernant l'Irak et le Koweït (décision du Conseil du 17 décembre 1996).
E 718. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire de viande de dinde originaire et en provenance d'Israël prévu par l'accord d'association et l'accord intérimaire entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 732. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 740. - Communication de la Commission. Demande d'avis conforme du Conseil et consultation du comité CECA, au titre de l'article 95 du traité CECA, concernant un projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Ukraine prorogeant l'accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et l'Ukraine sur le commerce de certains produits sidérurgiques pour la période du 1er janvier au 30 juin 1997 (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 741. - Demande d'avis conforme du Conseil au titre de l'article 95 du traité CECA concernant un projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Fédération de Russie prorogeant l'accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Fédération de Russie sur le commerce de certains produits sidérurgiques pour la période du 1er janvier au 30 juin 1997 (décision du Conseil du 13 décembre 1996).
E 747. - Proposition de décision du Conseil concernant l'accord entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux (décision du Conseil du 17 décembre 1996).

Communication du 2 janvier 1997

E 411. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant adoption d'un programme d'action de la douane communautaire (Douane 2000) (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 450. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 86/378/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 454. - Proposition de directive du Conseil relative aux équipements marins (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 457. - Projet de règlement du Conseil (Euratom, CE) relatif aux statistiques structurelles sur les entreprises (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 595. - Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (niveau du taux normal) (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 726. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension temporaire totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits de la pêche (1997) (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 727. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant l'annexe du règlement (CE) n° 1255/96 du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 729. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1823/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (harengs) (deuxième série 1996) (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 715. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (anguilles, oxydes, ferrochrome, cerises (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 721. - Proposition de règlement (CE) du Conseil abrogeant les règlements (CEE) n° 990/93 et (CE) n° 2471/94 concernant l'interruption des relations économiques et financières avec la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), les parties du territoire de la République de Croatie protégées par les Nations unies et les parties du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine. Projet de décision des représentants des gouvernements des Etats membres de la CECA, réunis au sein du Conseil abrogeant la décision 93/225/CECA concernant les échanges entre la CECA et la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). Projet de position commune arrêtée par le Conseil sur la base de l'article J.2 du traité de l'Union européenne concernant la levée de l'embargo économique et financier décrété à l'encontre de l'ex-Yougoslavie (décision du Conseil du 9 décembre 1996).
E 754. - Proposition de règlement (CE) du Conseil prorogeant le règlement (CE) n° 3066/95 établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant une adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues par les accords européens afin de tenir compte de l'accord sur l'agriculture conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay (décision du Conseil du 20 décembre 1996).

Communication du 7 janvier 1997

E 753. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime applicable aux importations dans la Communauté, de produits originaires des Républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et aux importations de vins originaires de la République de Slovénie (décision du Conseil du 20 décembre 1996).

Communication du 8 janvier 1997

E 738. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CE) portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels et modifiant le règlement (CE) n° 3059/95 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels et le règlement (CE) n° 789/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche (1996) (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 2 janvier 1997, l'informant de l'adoption partielle de propositions d'actes communautaires :
E 211. - Partie concernant la proposition de décision du Conseil concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
E 690. - Adoption, à l'exception de la proposition de décision du Conseil abrogeant la décision 77/186/CEE relative aux exportations de pétrole brut et de produits pétroliers d'un Etat membre vers un autre en cas de difficultés d'approvisionnement (décision du Conseil du 20 décembre 1996).
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 20 décembre 1996, l'informant du retrait d'une proposition d'acte communautaire :
E 618. - Proposition de règlement (Euratom, CE) du Conseil portant modification du règlement (Euratom, CEE) n° 2053/93 du 19 juillet 1993 relatif à la fourniture d'une assistance technique aux Etats indépendants de l'ex-Union soviétique et à la Mongolie dans l'effort d'assainissement et de redressement de leur économie (décision du Conseil du 21 novembre 1996).

16

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil retirant temporairement le bénéfice des préférences tarifaires généralisées dans le secteur industriel à l'Union de Myanmar.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 766 et distribuée.

17

DÉPÔT
D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Genton un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur les activités de la délégation : suivi de la Conférence intergouvernementale, questions économiques, examen des propositions d'actes communautaires (novembre-décembre 1996).
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 175 et distribué.

18

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Paul Masson un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal (n° 152, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 174 et distribué.

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dépôts rattachés pour ordre
au procès-verbal de la séance

du 20 décembre 1996

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 4 janvier 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de l'Escaut.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 168, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 4 janvier 1997, de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord concernant la protection de la Meuse.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 169, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 4 janvier 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux.
Ce projet de loi a été imprimé sous le numéro 170, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 171, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 172, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 1997 de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières.
Ce projet de loi sera imprimé sous le numéro 173, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT
DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1996 de MM. Georges Gruillot, Michel Alloncle, Louis Althapé, Jean Bizet, Jacques Braconnier, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Désiré Debavelaere, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Jacques Legendre, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jean-Jacques Robert, Maurice Schumann, Louis Souvet, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial et Serge Vinçon une proposition de loi complétant la loin° 90-1129 du 19 décembre 1990 relative au contrat de construction d'une maison individuelle.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le numéro 166, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 26 décembre 1996 de MM. Bernard Barbier, Maurice Lombard et Henri Revol une proposition de loi tendant à appliquer progressivement sur cinq ans le taux réduit de TVA à l'ensemble des produits de chocolaterie.
Cette proposition de loi a été imprimée sous le numéro 167, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 1996 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant l'admission en exonération des droits pour certains principes actifs portant une « dénomination commune internationale » (DCI) de l'Organisation mondiale de la santé et certains produits utilisés pour la fabrication de produits pharmaceutiques finis ainsi que la suppression de l'exonération des droits réservés aux produits pharmaceutiques pour certains DCI dont l'utilisation prédominante n'est pas pharmaceutique.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 756 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 1996 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action pour l'amélioration de la sensibilisation des professions juridiques au droit communautaire. Action Robert Schuman.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 157 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 31 décembre 1996 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres portant prorogation intérimaire du protocole annexé à l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la côte sénégalaise pour la période allant du 2 octobre 1996 au 1er novembre 1996.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 758 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 31 décembre 1996 de M. le premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la Communauté européenne de l'accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, la CECA et l'Euratom, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part. Projet de décision de la Commission relative à la conclusion au nom de la CECA et d'Euratom de l'accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement entre la Communauté européenne, la CECA et l'Euratom, d'une part, et la République d'Azerbaïdjan, d'autre part.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 759 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 31 décembre 1996 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures concernant l'importation de produits agricoles transformés de Suisse pour tenir compte des résultats des négociations de l'Uruguay Round dans le secteur agricole.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 760 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 31 décembre 1996 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil portant adaptation des mesures autonomes et transitoires pour les accords d'échanges préférentiels conclus avec la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque, la Roumanie et la Bulgarie en ce qui concerne certains produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 761 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 1997 de M. le premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil portant ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'orge de brasserie relevant du code NC 1003 00.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 762 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 8 janvier 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil adoptant des mesures autonomes et transitoires aux accords de libéralisation des échanges avec la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie pour certains produits agricoles transformés.
Cette proposition d'acte communautaire a été imprimée sous le numéro E 763 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre n° SG (96) D/11346 du 18 décembre 1996 de la Commission européenne. Demande d'extension de la dérogation présentée par le Royaume-Uni en vertu des articles 17, paragraphe 1, et 22, paragraphes 4 et 5, de la sixième directive (77/388/CEE).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 764 et distribuée.
M. le président du Sénat a reçu le 9 janvier 1997 de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre n° SG (96) D/11549 du 20 décembre 1996 de la Commission européenne. Demande de dérogation sur la base de l'article 27 visant à simplifier la perception de la taxe et à éviter l'évasion fiscale en ce qui concerne les prestations des services de télécommunications.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E 765 et distribuée.

20

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 janvier 1996, à quinze heures :
1. - Election d'un vice-président du Sénat. Ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences.
2. - Désignation d'un membre de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
3. - Suite de la discussion du projet de loi (n° 152, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal.
Rapport (n° 157, 1996-1997) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 174, 1996-1997) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délais limites

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 11, 1996-1997) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 janvier 1997, à dix-sept heures.
- Projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré national » (n° 35, 1996-1997) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 20 janvier 1997, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 janvier 1997, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATA
au compte rendu intégral de la séance du 18 décembre 1996
LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1996

Lire : « relèvement ».
Page 7581, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 20 pour un article additionnel après l'article 14, au 2e alinéa du 1 du I, 4e ligne :
Au lieu de : « ordre ».
Lire : « offre ».
Page 7588, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 56 rectifié pour un article additionnel après l'article 14 bis, au I, avant-dernière ligne :
Au lieu de : « articles L. 140-1 à 140-5 et les articles L. 141-1 ».
Lire : « articles L. 140-1 à L. 140-5 et les articles L. 441-1 ».
Page 7593, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 60 pour un article additionnel après l'article 19 ter, au IV bis, 1re ligne :
Au lieu de : « celles ».
Lire : « celle ».
Page 7603, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 46 rectifié bis pour un article additionnel après l'article 22 quinquies, au II, 11°, 1re ligne :
Au lieu de : « Les sociétés ».
Lire : « Des sociétés ».
Page 7605, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 44 pour un article additionnel après l'article 30, au 2e alinéa, 8e ligne :
Au lieu de : « des conditions ».
Lire : « les conditions ».

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Le 7 janvier 1997, le président du Sénat a nommé, en application de l'arrêté du 24 décembre 1996 portant création d'un Comité national de l'Euro, pour siéger au sein du Comité national de l'Euro :
MM. Christian Poncelet et Alain Lambert.

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT

établi par le Sénat dans sa séance du mardi 14 janvier 1997 à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 15 janvier 1997, à 15 heures :
1° Election d'un vice-président du Sénat (ce scrutin se déroulera dans la salle des conférences) ;
2° Désignation d'un membre à la délégation du Sénat pour l'Union européenne ;

Ordre du jour prioritaire

(Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.)
Jeudi 16 janvier 1997 :

Ordre du jour prioritaire

A 9 h 30 :
1° Eventuellement, suite du projet de loi relatif au renforcement de la lutte contre le travail illégal ;
A 15 heures :
2° Cinq projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre, d'une part, les Communautés européennes et leurs Etats membres et, d'autre part :
- la République de Moldova (n° 137, 1996-1997) ;

- la République kirghize (n° 138, 1996-1997) ;

- la République du Kazakhstan (n° 139, 1996-1997) ;

- la République de Russie (n° 140, 1996-1997) ;

- l'Ukraine (n° 141, 1996-1997).

(La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion générale commune de ces cinq projets de loi.)
3° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation (n° 11, 1996-1997) ;
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 15 janvier 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
Mardi 21 janvier 1997, à 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 20 janvier 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;

- l'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 20 janvier 1997.)

Mercredi 22 janvier 1997, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Jeudi 23 janvier 1997 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

Mardi 28 janvier 1997
A 9 h 30 :
1° Proposition de loi de M. Alain Joyandet et plusieurs de ses collègues visant à modifier le code général des collectivités territoriales de façon à élargir les compétences des districts (n° 34, 1996-1997) (rapport n° 117, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 27 janvier 1997, à 17 heures, le délai-limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
A 16 heures :
2° Proposition de loi de M. Jean-Marc Pastor et plusieurs de ses collègues (n° 23, 1996-1997) et proposition de loi de M. Jean-Pierre Camoin et plusieurs de ses collègues (n° 142, 1996-1997) tendant à organiser la lutte contre les termites.
(La conférence des présidents a fixé au lundi 27 janvier 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements.)
Mercredi 29 janvier 1997, à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, deuxième lecture du projet de loi complétant, en ce qui concerne certains contrats de services et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence et la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications ;
2° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 54, 62 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (n° 163, 1996-1997).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 28 janvier 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes.)
Jeudi 30 janvier 1997, à 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

(La conférence des présidents a fixé au mercredi 29 janvier 1997, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)

Cessation de mandat d'un sénateur

Vu l'article 57 de la Constitution ;
Vu l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la décision du 3 janvier 1997, publiée au Journal officiel du 4 janvier 1997, portant nomination d'un membre du Conseil constitutionnel,
M. le président du Sénat a pris acte de la cessation, à la date du 12 janvier 1997, à minuit, du mandat de sénateur de M. Yves Guéna, qui a été nommé membre du Conseil constitutionnel le 3 janvier 1997.

Remplacement d'un sénateur

le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral, M. Gérard Fayolle est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de la Dordogne, M. Yves Guéna, nommé membre du Conseil constitutionnel le 3 janvier 1997.

Modification aux listes des membres des groupes
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(87 membres)

Yves Guéna.
Ajouter le nom de M. Gérard Fayolle.

Communication relative à la consultation
des assemblées territoriales

le Premier ministre une communication, en date du 7 janvier 1997, relative à la consultation des Assemblées territoriales de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontaliers et des lacs internationaux.
Ce document a été transmis à la commission compétente.

Organismes extraparlementaires

Le 7 janvier 1997, le président du Sénat a nommé, en application de l'arrêté du 24 décembre 1996 portant création d'un comité national de l'euro, pour siéger au sein du Comité national de l'euro, MM. Christian Poncelet et Alain Lambert.

Communication du Conseil constitutionnel

janvier 1997 l'informant que le Premier ministre avait demandé au Conseil constitutionnel, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution de se prononcer sur la nature juridique des dispositions de forme législative, dont l'objet est de fixer la répartition des missions entre les administrations centrales et les services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat, contenues dans l'article 2 de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.

Nomination d'un rapporteur

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
163 (1996-1997) de M. Marcel Porcher modifiant l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Mise en place des médicaments génériques
dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé

531. - 26 décembre 1996. - M. Gérard Delfau demande à M. le ministre du travail et des affaires sociales quelles dispositions ont été prises pour la mise en place des médicaments génériques, dans le cadre de la maîtrise des dépenses de santé. D'autre part, il lui demande dans quelle mesure les pouvoirs publics se sont appuyés sur les expériences et les actions menées par le secteur associatif et mutualiste dans ce domaine. Enfin, il voudrait savoir s'il a l'intention de développer fortement cette politique avant le lancement de l'Agence du médicament.

Modalités de prélèvement de la contribution
au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France

532. - 13 janvier 1997. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre délégué au budget sur les modalités de prélèvement de la contribution de quinze communes de l'Essonne au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France. La notification de cette contribution leur est parvenue au moment où ces communes ont déjà voté leur budget primitif. Dès 1995, afin de compléter l'imprimé fiscal 1259, ces communes se sont renseignées auprès de leur centre départemental d'assiette, et ont eu confirmation d'un prélèvement devant intervenir à la source, c'est-à-dire en amont du calcul du produit fiscal attendu pour l'équilibre de leur budget. Les communes ont eu la désagréable surprise de constater un déficit sur leur compte 777 (produits des impôts) d'un montant correspondant à la somme annoncée au bénéfice du fonds de solidarité. Ainsi, il s'avère que, contrairement aux instructions reçues, ce prélèvement a été effectué sur le produit attendu, ce qui a eu pour effet de mettre leur compte administratif en déséquilibre. De plus, les notifications pour 1996 ont donné lieu à une première information en février, avec une prévision de répartition des bénéficiaires dont les communes ont tenu compte lors de l'élaboration de leur budget primitif, et à une seconde en avril, qui a majoré le premier montant, alors même que les recettes des impôts étaient déjà votées. Il semble donc que cette contribution, déduite des recettes des communes, soit considérée comme une dépense obligatoire. En tant que telle, elle ne devrait pas figurer sur l'état 1259, mais faire l'objet d'une inscription budgétaire, à une ligne à définir dans le cadre comptable, le produit fiscal communal attendu incluant cette dépense. C'est pourquoi il lui demande s'il ne pourrait être envisagé une présentation comptable différente de cette contribution, libellée en tant que dépense obligatoire dans le compte administratif ; cela faciliterait une meilleure compréhension du budget par les habitants de ces communes et éviterait tout risque de déséquilibre financier du budget communal.

Situation des juridictions d'Arras

533. - 13 janvier 1997. - M. Léon Fatous interpelle M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des juridictions d'Arras. Celles-ci (tribunal de grande instance d'Arras, tribunaux d'instance d'Arras et Saint-Pol-sur-Ternoise) ont 19 postes budgétaires de magistrats (15 magistrats du siège et 4 magistrats du parquet). 20 % des postes sont vacants et aucune nomination n'a été envisagée dans les dernières propositions de nominations faites par le ministère en 1996. Or, le nombre des affaires nouvelles pour le contentieux civil du tribunal de grande instance est passé de 1 856 en 1992 à 2 663 en 1996. Les magistrats du siège rencontrent de plus en plus de difficultés pour répondre aux demandes légitimes des justiciables. Quelles mesures compte prendre le ministère ?

Application de l'article 13
de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996

534. - 14 janvier 1997. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat et lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour faire respecter l'article 13 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat prévoyant des mesures dérogatoires dans les centres urbains dotés d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), dans les communes de plus de 40 000 habitants, dans le dossier de la ZAC du centre d'Argenteuil (Val-d'Oise) ainsi que dans toutes les villes concernées par l'application de l'article 13.