SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 1 ).

PRIVATISATION DE THOMSON (p. 2 )

Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.

RECYCLAGE DES HUILES USAGÉES (p. 3 )

M. Claude Huriet, Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement.

CONFLIT DANS LA ZONE DE PÊCHE DE GUERNESEY (p. 4 )

Mmes Anne Heinis, Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie.

INTERDICTION DES PRODUITS À BASE D'AMIANTE (p. 5 )

M. Guy Cabanel, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.

NOËL DES ENFANTS DÉFAVORISÉS (p. 6 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.

DROITS DE L'ENFANT (p. 7 )

MM. Alain Gérard, Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice.

NTM ET CRAZY GEORGE'S (p. 8 )

MM. Jacques Mahéas, Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice.

SIMPLIFICATION DU BULLETIN DE SALAIRE (p. 9 )

M. Jean Pourchet, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi.

RACHAT D'AOM PAR AIR FRANCE (p. 10 )

MM. Paul Blanc, Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

ACHAT D'AVIONS BOEING PAR AIR FRANCE (p. 11 )

MM. Serge Vinçon, Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

BAISSE DES DOTATIONS PUBLIQUES
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES (p. 12 )

MM. René Rouquet, Alain Lamassoure, ministre délégué au budget.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

3. Transmission du projet de loi de finances (p. 14 ).

4. Loi de finances pour 1997. - Discussion d'un projet de loi (p. 15 ).
Discussion générale : MM. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Poncelet, président de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

MM. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances ; Alain Lamassoure, ministre délégué au budget ; Paul Girod, Philippe Adnot, Roland du Luart, Xavier de Villepin, Josselin de Rohan, Jean-Pierre Masseret.

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Fourcade, Philippe Arnaud, Jacques Delong, Michel Sergent, Paul Loridant, Bernard Joly, Jean Puech.
Renvoi de la suite de la discussion.

5. Transmission d'un projet de loi (p. 17 ).

6. Dépôt de propositions de loi (p. 18 ).

7. Transmission d'une proposition de loi (p. 19 ).

8. Dépôt d'une proposition d'acte communautaire (p. 20 ).

9. Dépôt de rapports (p. 21 ).

10. Dépôt d'avis (p. 22 ).

11. Ordre du jour (p. 23 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCE`S-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

PRIVATISATION DE THOMSON

M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thomson, « cela vaut un franc symbolique après recapitalisation parce que, dans l'état actuel des choses, cela ne vaut rien ». Ces paroles que le Premier ministre a prononcées un soir sur France 3 sont allées, vous l'imaginez, droit au coeur des milliers de salariés de l'entreprise, des élus des villes où sont implantées des unités Thomson et de la communauté nationale tout entière.
Monsieur le ministre, Thomson, c'est le troisième groupe mondial et le premier groupe européen en électronique professionnelle et militaire.
Thomson, c'est 22 % de parts de marché aux Etats-Unis. C'est le quatrième groupe mondial après deux groupes japonais et Philips.
Thomson, c'est le premier groupe mondial en télévision numérique, la télévision de demain, avec 50 % de parts du marché mondial. C'est 50 milliards de francs d'investissement en recherche et développement, avec l'aide européenne et française.
Thomson, c'est l'un des leaders du multimédia de demain, qui fusionne la télévision, l'ordinateur et Internet sur un seul écran. C'est 2 milliards de francs de redevances sur brevets que doit récupérer Thomson Multimédia, conformément à l'accord conclu avec General Electric.
Thomson c'est, au total, une entreprise « mécaniquement rentable », selon son propre président-directeur général, et non la situation de sinistre économique que vous avez annoncée.
Or c'est cette entreprise nationale que vous décidez de privatiser dans les pires conditions.
D'abord, en recapitalisant avant de vendre pour un franc symbolique. Fait original : le vendeur paie pour l'acheteur.
Ensuite, en démantelant le groupe malgré les promesses du Président de la République de vendre Thomson « à un groupe français, en un seul bloc et sans démantèlement ».
Enfin, en menant le processus de privatisation dans l'opacité la plus totale, de gré à gré, à deux ou trois personnes, en dehors de la représentation parlementaire et, surtout, des salariés, à un point tel que le comité européen d'entreprise de Thomson Multimédia a déposé un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes sur les conséquences de la privatisation éventuelle de l'entreprise.
Monsieur le ministre, la privatisation de Thomson, cela ne passe pas, personne n'en veut...
Plusieurs sénateurs du RPR. La question !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. ... ni les salariés, qui ont manifesté massivement hier, ni l'opinion publique qui, à 72 %, se déclare choquée par les conditions financières de cette privatisation, ni les élus des communes, des régions...
Plusieurs sénateurs du RPR et de l'Union centriste. La question !
M. le président. Posez votre question, madame Bergé-Lavigne !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. ... où sont implantées des usines Thomson, et qui, à l'exemple du conseil régional de Haute-Normandie, votent des motions demandant l'arrêt immédiat du processus de privatisation du groupe.
Monsieur le ministre, ma question est précise. (Ah ! sur les travées du RPR et de l'Union centriste.) Comme cela a été fait pour le groupe CIC, et nous nous en réjouissons, êtes-vous prêt à suspendre la privatisation de Thomson ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Madame le sénateur, à la question que vous venez de poser, la réponse est « non ». (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour l'instant !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. La réponse est « non » parce que la voie de la privatisation est une nécessité pour sauver l'entreprise.
M. Gérard Roujas. La vôtre !
M. André Rouvière. Ce n'est pas acquis !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Vous avez parlé de Thomson Multimédia en pratiquant l'amalgame entre les entreprises qui constituaient un groupe, c'est-à-dire, en fait, SGS-Thomson, Thomson Multimédia et Thomson-CSF. Vous avez cité le président de Thomson Multimédia qui disait que cette entreprise était « mécaniquement rentable ». Je vous répondrai simplement que c'est mécaniquement rentable et économiquement déficitaire. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Sachez que je suis de ceux qui reconnaissent la valeur et le travail des personnels qui se trouvent à l'intérieur de l'ensemble des entreprises Thomson. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Je vais vous le prouver, en particulier en vous indiquant les raisons pour lesquelles, économiquement, il faut apporter une solution.
M. Gérard Roujas. Vous êtes content !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Je connais mieux les entreprises que vous ; j'y ai passé trente ans de ma vie et je les ai dirigées, ce qui n'est pas votre cas ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
Madame le sénateur, Thomson SA, c'est 27 milliards de francs de dettes à la fin de l'année ! C'est une entreprise qui a des fonds propres négatifs ! En 1995, elle affichait un résultat net consolidé de plusieurs milliards de francs de pertes et un résultat net parts de groupes de plusieurs milliards de francs de pertes.
M. Gérard Roujas. Vous le croyez ?
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Oui, car je connais ce dossier ! Vous ne savez pas lire les bilans ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
L'entreprise Thomson Multimédia affichera, quant à elle, à la fin de l'année, 17 milliards de francs de dettes.
M. Paul Raoult. Et le déficit !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Sur le premier semestre de 1996, elle a accumulé plusieurs milliards de francs de pertes. C'est une entreprise qui, elle aussi, a des fonds propres nuls.
J'ajoute qu'elle est présente sur un marché qui est très concurrencé et où les prix connaissent une baisse considérable.
En 1995, sur le marché des télévisions, l'entreprise a subi une baisse de 5 % en volume et de 6 % en prix aux Etats-Unis, contre 1 % en volume et 1 % en prix en Europe, ce qui a bien évidemment pour conséquence d'affaiblir l'entreprise face aux obligations qui sont les siennes de trouver les capitaux de son développement, d'entrer dans un marché en croissance où elle n'est pas présente - le marché asiatique - et de valoriser au mieux les atouts de nature technologique, qui sont importants. Je vous rappellerai simplement que le numérique représente 5 % du chiffre d'affaires de Thomson Multimédia. Il s'agit de permettre à cette entreprise de maîtriser ses coûts de revient pour rester compétitive sur ces marchés.
M. Paul Raoult. Et l'Europe industrielle !
M. Franck Borotra, ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications. Pour que l'entreprise ait les moyens de sa croissance, il faudra mettre en jeu des dizaines de milliards de francs. C'est la raison pour laquelle il faut s'engager dans la privatisation. En effet, ce que l'Etat n'a pas fait hier, alors que vous étiez au pouvoir, il n'est pas en état de le faire aujourd'hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. C'est scandaleux !

RECYCLAGE DES HUILES USAGÉES

M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'environnement et concerne le recyclage des huiles usagées.
Madame le ministre, vous savez sans doute que, en 1995, 900 000 tonnes de lubrifiants ont été consommées en France et que plus d'un tiers de ces lubrifiants auraient pu, conformément à la loi, être récupérés et traités dans des conditions satisfaisantes pour l'environnement et pour l'économie nationale.
Or un petit quart a été effectivement collecté, ce qui signifie qu'une bonne partie de ce lubrifiant a été brûlée dans des conditions non contrôlées ou s'est trouvée répandue dans la nature.
Les huiles usagées qui ont été récupérées ont été brûlées pour l'essentiel et recyclées pour un petit tiers seulement.
On peut s'étonner de ces constatations, madame le ministre. En effet, conformément à vos préoccupations en matière d'écologie et à l'intérêt de l'économie nationale, la loi de juillet 1980 a reconnu que le recyclage des huiles constituait une priorité. C'est l'intérêt de tous !
Or, quinze ans après, cette loi n'est toujours pas appliquée ! Malgré plus de douze questions posées à votre prédécesseur ou à vous-même, malgré une dizaine de lettres, je suis incapable, aujourd'hui, de savoir quelle est votre volonté politique quant au respect des dispositions de cette loi de 1980.
On me dit que certains lobbies s'y opposeraient. J'espère que vous êtes en mesure de démentir cette rumeur et d'affirmer la claire volonté du Gouvernement que la loi de 1980 soit enfin appliquée dans l'intérêt général du pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur le réaffinage des huiles usagées.
Comme vous le savez, la France a, depuis de nombreuses années, mis en place un système original pour la collecte et l'élimination des huiles usagées : ce système associe un encadrement réglementaire strict des activités des opérateurs qui assure une bonne performance environnementale, et une prise en charge financière par la taxe parafiscale sur les huiles de base permettant une prise en charge collective des surcoûts.
Cela a permis, depuis dix années, d'accroître la collecte de 89 000 tonnes à près de 225 000 tonnes d'huiles usagées aujourd'hui, soit un taux de collecte de 80 %, ce qui constitue une performance remarquable s'agissant d'un déchet dangereux détenu en petites quantités par une multitude de petits détenteurs.
Aujourd'hui, 90 000 des 225 000 tonnes d'huiles usagées collectées sont régénérées, le reste étant utilisé comme combustibles dans des installations agréées à cet effet.
Il est vrai que se fait régulièrement jour le débat sur la valorisation économique des huiles usagées entre les deux options : la régénération, c'est-à-dire la « valorisation matière » et l'utilisation comme combustible, c'est-à-dire la valorisation énergétique.
Afin de disposer d'éléments d'appréciation tenant compte des données les plus récentes, j'ai demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, de lancer une étude d'analyse du cycle de vie des huiles usagées selon les différentes filières d'élimination.
Cette étude permettra de répondre aux principales questions qui se posent.
Quelles sont les meilleures filières d'élimination pour minimiser l'impact des huiles usagées sur l'environnement ? En effet, tel est bien l'objectif recherché, monsieur le sénateur.
Quelles sont les filières d'élimination qui permettront la meilleure valorisation économique des huiles usagées ? C'est l'objectif économique auquel vous vous référiez.
Enfin, comment hiérarchiser les filières d'élimination en fonction de ces critères, afin d'obtenir les orientations les plus pertinentes ?
Cette étude est tout à fait indispensable, j'en conviens. Elle est en cours et je ne manquerai pas de vous tenir informé, monsieur le sénateur.
En tout état de cause, je puis vous assurer qu'il n'existe, à l'heure actuelle, aucun blocage d'ordre réglementaire, ou de tout autre nature, à l'encontre de l'installation dans notre pays d'usines de régénération. Bien au contraire, la priorité à la régénération reste inscrite dans notre législation comme dans nos objectifs. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

CONFLIT DANS LA ZONE DE PÊCHE DE GUERNESEY

M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Elle est relative au conflit qui oppose actuellement les pêcheurs français de la péninsule du Cotentin au bailliage de Guernesey.
En effet, le gouvernement britannique a signifié aux autorités françaises la remise en cause unilatérale du modus vivendi qui, de façon pragmatique, avait mis fin aux conflits ayant marqué les années 1993 et 1994 et avait permis de retrouver un équilibre entre les intérêts en présence.
Cet équilibre a été conforté grâce à des accords passés entre professionnels et aux efforts remarquables accomplis par la direction des pêches maritimes.
Cette remise en cause intervient alors que des discussions étaient en cours entre les gouvernements français et britannique.
Tout récemment, mon collègue de la Manche, M. Le Grand, est intervenu sur cette question qu'il connaît parfaitement et suit attentivement.
A sa demande, le ministre des affaires étrangères a adressé un courrier au Foreign Office , attirant l'attention de Londres sur les conséquences de la rupture du modus vivendi .
Cependant, la récente et lourde condamnation d'un patron - pêcheur granvillais par le tribunal de Guernesey provoque une vive émotion dans le monde de la pêche. Il suffit de lire les journaux locaux de ces derniers jours ! Le climat est extrêmement tendu, pour ne pas dire dangereux.
C'est de votre ministère que les professionnels attendent maintenant une très grande détermination, monsieur le ministre. Ils attendent de la France un soutien ferme, car elle a négligé, voire ignoré, les intérêts de nos pêcheurs entre 1987 et 1992.
Nos pêcheurs peuvent-ils espérer que l'Etat français sera en mesure de faire admettre par nos amis britanniques que la zone correspondant au régime spécifique de la baie de Granville a pour limite nord-ouest la ligne dite de l'Etac de Sark, ainsi que le stipulent expressément les accords de 1839 et 1843, la note verbale n° 194 de l'ambassade du Royaume-Uni à Paris du 24 février 1965, l'accord, sous forme d'un échange de notes, du 28 janvier 1994, enfin la note de M. Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, du 18 avril 1994.
Cette question est capitale. Si une réponse positive pouvait y être apportée, les autres problèmes se posant pour l'accès à d'autres zones comme Le Haricot, ou pour la clarification des espèces pêchables, pourraient être négociés et aboutir à une gestion concertée et équilibrée.
Dans cette optique, pouvez-vous me préciser, madame le secrétaire d'Etat, quelles sont, pour nos pêcheurs, les perspectives à brève échéance ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Madame le sénateur, le modus vivendi auquel il vient d'être mis fin à la demande des autorités de Guernesey fonctionnait depuis 1994, dans des conditions qui, malgré des heurts épisodiques, avaient globalement permis, ces deux dernières années, d'éviter les tensions qui avaient marqué nos relations de pêche avec Guernesey au cours de la période postérieure à l'accord de 1992.
Comme vous, le Gouvernement est tout à fait préoccupé par la situation qui risque de découler de l'initiative britannique. Aussi, dès qu'il en eu connaissance, le ministre des affaires étrangères a écrit à son homologue M. Malcolm Rifkind, pour lui faire part de ses très vives inquiétudes à ce sujet. M. de Charette a relevé, à cette occasion, que les dernières propositions que nous avions faites dès le 7 octobre, dans le cadre de la renégociation de cet accord demandée par les autorités de Guernesey, n'avaient toujours pas reçu de réponse de la part des Britanniques. Il a exprimé le souhait que la discussion puisse reprendre, et ce dans un délai très bref.
Pour ce qui est du cas particulier du statut juridique de la zone située au sud-est de la ligne dite de l'Etac de Sark, nos réserves sur l'interprétation britannique des dispositions de l'accord de 1992 tendant à en exclure les pêcheurs français ont été signifiées par note verbale aux autorités britanniques le jour même de la dénonciation du modus vivendi . Les autorités de Guernesey sont donc tout à fait informées de notre opposition sur ce sujet. Celle-ci repose sur des éléments juridiques et historiques.
Du point de vue juridique, rien ne permet de fixer la limite nord-ouest du régime spécifique de la baie de Granville sur la base de l'accord de 1992, car cet accord ne porte que sur des modalités de contrôle.
Du point de vue historique, il est établi que la France a une longue tradition de pêche dans la zone considérée.
Telle est, madame le sénateur, la position que la France défend et continuera à défendre. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

INTERDICTION DES PRODUITS À BASE D'AMIANTE

M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Madame le ministre, vous allez me répondre, au nom de M. le ministre du travail et des affaires sociales, sur un problème particulièrement difficile.
Au mois de juillet dernier, M. le Président de la République a rendu publique la décision du Gouvernement d'interdire l'utilisation, dans les matériaux de construction, de produits à base d'amiante.
Cette décision est tout à fait salutaire : elle était attendue par de nombreux scientifiques à travers la France ; elle était aussi attendue, je crois, par les professionnels du bâtiment eux-mêmes qui considéraient qu'il y avait là une aventure difficile à continuer à vivre, celle des années soixante où tant de bâtiments ont connu le flocage à l'amiante.
Toutefois, l'application de cette décision à la fabrication, au commerce de l'amiante-ciment et même à l'industrie de l'automobile va poser d'importants et difficiles problèmes.
Ma question est en quelque sorte à choix multiple.
Tout d'abord, le choix, par le Gouvernement, des laboratoires destinés à donner des résultats fiables en ce qui concerne la teneur en fibres d'amiante par litre d'atmosphère a-t-il pu être réalisé dans de bonnes conditions et, si possible, combien de laboratoires, tout en étant fiables, ont-ils reçu l'agrément pour conduire ces expertises ?
Ensuite, le Gouvernement, compte tenu du choix des techniques de désamiantage, c'est-à-dire soit le déflocage, soit l'encapsulage des foyers d'amiante, a-t-il, là aussi, arrêté des modalités d'agrément et commencé à accorder son agrément aux entreprises qui auront à conduire ces opérations à hauts risques ?
M. François Trucy. Très bien !
M. Guy Cabanel. Enfin, quelle sera l'attitude du Gouvernement vis-à-vis de ceux qui produisent des matériaux à l'amiante ? Ils ont appris que la production de ceux-ci allait être interdite à partir du 1er janvier 1997, ce qui n'est pas sans difficulté et sans incidence sur l'emploi dans certaines régions. De surcroît, les grossistes et les commerçants en matériaux de construction qui incluent de l'amiante devront cesser leurs ventes et détruire leurs stocks. Comment vont-ils les détruire et qui va prendre en compte les incidences sur les bilans financiers des entreprises ? (Très bien ! Sur les travées des Républicains et Indépendants.)
A ces quatre questions, je voudrais en ajouter une cinquième, relative à l'industrie automobile.
M. le président. Monsieur Cabanel, cela fait beaucoup de questions.
M. Guy Cabanel. J'en termine, monsieur le président, soyez rassuré, en posant une dernière question : a-t-on vraiment l'intention d'interdire la vente de véhicules qui comporteraient, comme c'est le cas jusqu'à présent, des composants riches en amiante, ou même tout simplement, à terme, la revente des véhicules d'occasion, qui en comptent de grandes quantités ?
Telles sont les questions que je souhaitais poser. Madame le ministre, ce dossier constitue pour le ministre que vous représentez aujourd'hui une lourde charge. Les commerçants, les responsables de la conduite de chantiers et tous les professionnels concernés nous posent de nombreuses questions. Nous voudrions pouvoir leur apporter des réponses claires, et leur indiquer des méthodes de raisonnement, ainsi que les moyens d'accéder à des informations pratiques. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'est attaqué très rapidement, dès le mois de juin 1995, à ce fléau de l'amiante. Il a tout de suite confié à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, une mission d'étude sur les dangers de l'amiante, et il a mis en place, en décembre 1995, un plan global d'action pour améliorer la prévention des risques et renforcer la sécurité des personnes.
Le lendemain de la publication, le 3 juillet 1996, du rapport de l'INSERM - vous faisiez état tout à l'heure de la déclaration de M. le Président de la République - le Gouvernement a décidé d'interdire, à compter du 1er janvier 1997, la fabrication et la mise sur le marché de tous les produits contenant de l'amiante.
M. Raymond Courrière. Et l'évacuation de Jussieu ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Le plan global d'action que j'ai évoqué doit évidemment prendre en compte l'ensemble des dangers que peut représenter l'amiante, mais son application concerne évidemment plusieurs ministères et différents organismes.
En ce qui concerne les conditions d'agrément des laboratoires d'expertise devant déterminer le nombre de fibres d'amiante par litre d'atmosphère et la certification des entreprises habilitées à intervenir, des procédures de contrôle, dès la publication des décrets, ont été mises en oeuvre. Donc, des procédures de contrôle seront certifiées par des organismes spécialisés. QUALIBAT est d'ores et déjà en mesure d'assurer cette certification ; d'autres organismes pourront être mis en place. J'ajoute qu'une garantie complémentaire sera offerte par une accréditation de ces organismes par la COFRAC.
Aujourd'hui, trente-trois entreprises ont déposé des dossiers : à titre d'information, deux sont déjà agréées et huit sont en cours d'agrément.
S'agissant des entreprises spécialisées, une liste de laboratoires agréés a été publiée, comme vous devez le savoir, par arrêté du 28 mai 1996. Je ne vous en donnerai pas la lecture, mais nous pourrons vous communiquer cette liste ou vous pourrez vous référer vous-même à cet arrêté pour en avoir le détail.
En ce qui concerne les déchets issus de l'amiante libre - ceux que vous évoquiez à l'instant, monsieur Cabanel - compte tenu des recommandations qui ont été faites à un certain nombre d'entreprises, nous disposons aujourd'hui de onze installations de stockage. A compter du 1er janvier 1997, tous les stocks d'amiante devront être retirés du marché et ne pourront être exportés. Ils seront orientés vers des filières de gestion des déchets.
Sur ce point, Mme le ministre de l'environnement précisera dans une circulaire qui devrait paraître avant la fin de l'année les mesures à prendre pour l'élimination des déchets d'amiante-ciment. Par ailleurs, une circulaire a déjà été publiée en août 1996 au sujet des déchets domestiques.
J'ajoute, pour répondre à votre préoccupation, monsieur Cabanel, que le ministère du travail a dûment mandaté les inspecteurs du travail pour qu'ils effectuent des opérations de contrôle sur le terrain. L'inspection du travail peut d'ailleurs prendre des mesures d'arrêt de chantier. Ainsi, vingt-six arrêts de chantier ont eu lieu en août et en septembre derniers.
Au fur et à mesure, nous essayons donc de prendre toutes les mesures nécessaires. Dès à présent, elles sont effectives et opérationnelles sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

NOËL DES ENFANTS DÉFAVORISÉS

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Arthuis, ministre de l'économie et des finances.
Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler que notre pays voit croître le nombre de pauvres, qu'ils soient sans emploi, salariés, retraités, allocataires du RMI ou adultes handicapés.
Un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, étaient présents avec Mme Geneviève Antonioz-de Gaulle pour en témoigner le 17 octobre au côté du Gouvernement.
Je ne vous ferai pas l'injure non plus de vous rappeler que la France est riche. Un simple examen des transactions boursières le démontre.
Je ne vous ferai pas non plus l'injure de vous rappeler que toute politique de progrès exige que les valeurs morales, spirituelles, religieuses ou simplement humaines entrent en harmonie avec les réalités de cette richesse, pour constituer ce que l'on appelle la solidarité.
En cette année, où nous fêtons, pour la première fois, la journée des droits de l'enfant, ne pouvons-nous pas exprimer le droit au Noël pour chaque enfant de famille à revenus modestes par le versement d'une allocation de 1 000 francs, en retenant le critère de ressources de l'allocution exceptionnelle de rentrée scolaire.
Je propose que ce soit la solidarité des plus riches qui finance ce geste.
Par quel moyen ? Je vous en suggère un.
Actuellement, pour payer l'impôt de solidarité sur la fortune, il faut que celle-ci atteigne 4 610 000 francs. Avouez-le, il y a de quoi faire rêver beaucoup de Français.
En dessous de ce montant, la taxation est de 0 %. Pour subir une taxe de 1,50 %, la fortune doit atteindre 44 730 000 francs.
Le groupe communiste républicain et citoyen proposera une autre grille de l'impôt de solidarité sur la fortune, lors du projet de budget pour 1997 dont l'examen commencera dans une demi-heure ici même.
D'ores et déjà, je propose de faire payer l'impôt à partir de 4 millions de francs, de supprimer l'abattement pour personne à charge pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune et d'imposer désormais une taxation de 2 % à partir de 8 millions de francs.
La France n'y perdra rien, les riches y perdront très peu. Mais chaque enfant de France y gagnera un beau Noël !
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est très simple : approuvez-vous cette proposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Masseret. M. Lamassoure ne croit pas au père Noël !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement. Votre proposition est évidemment sympathique, madame le sénateur, et chacun ici approuve son inspiration.
Mille francs, proposez-vous ; c'est peut-être beaucoup pour le cadeau de Noël d'un enfant, mais ce n'est pas assez pour faire vivre une famille. D'ailleurs, vous en êtes convenue vous-même, votre question anticipait un peu sur la discussion du projet de loi de finances pour 1997, qui va commencer dans une demi-heure ici-même.
Vous pourrez constater que, dans le projet de budget pour 1997, le Gouvernement tient à donner la priorité aux Français les plus défavorisés. Ainsi, nous proposerons d'augmenter de 17 % l'aide médicale aux personnes les plus démunies. Nous proposerons aussi d'accroître de 50 % l'aide aux associations qui s'efforcent de porter assistance aux mal-logés ; cette aide sera financée par les produits du surloyer payé par ceux qui occupent les logements HLM alors qu'ils disposent de revenus qui leur permettraient d'accéder à des logements ordinaires.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce ne sont pas les plus riches !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Nous proposerons également d'augmenter de moitié les crédits pour l'apprentissage, de manière à permettre à un maximum de jeunes, issus, notamment, de familles peu fortunées, d'accéder à l'emploi. Cela sera financé non par une aggravation supplémentaire de la pression fiscale, mais par des économies réalisées sur le train de vie de l'Etat et sur la bureaucratie.
Mme Hélène Luc. Et en diminuant la pression fiscale sur les grandes fortunes !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Compte tenu de l'inspiration de votre question, madame Beaudeau, je ne doute pas que vous-même et votre groupe voterez ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quelle politique !
M. Jean-Pierre Masseret. Il croit au père Noël !

DROITS DE L'ENFANT

M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
MM. Jean-Pierre Masseret et Paul Raoult. L'hélicoptère !
M. Alain Gérard. Hier, se déroulait la première journée nationale des droits de l'enfant. Elle a été l'occasion de riches débats entre les différents acteurs du système de lutte contre les infractions aux droits de l'enfant : les associations, les pouvoirs publics et les autres organismes concernés.
Le Gouvernement a voulu que cette journée se prolonge à travers l'annonce par M. le Premier ministre d'un certain nombre de mesures élaborées pour lutter contre les abus sexuels et la maltraitance commis sur les enfants. Un projet de loi doit notamment venir renforcer la législation pénale qui protège la jeunesse en danger.
Je me félicite de cette initiative, concernant un sujet difficile, qui recouvre des situations dramatiques et délicates.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez connaître avec précision l'ensemble de ces mesures qui semble viser à construire un nouveau rempart protecteur en faveur des enfants. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, votre question, au lendemain de la première journée nationale des droits de l'enfant, est très importante,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et spontanée !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... compte tenu de l'actualité dramatique la plus récente que nous vivons tous avec beaucoup de douleur et d'émotion.
Le Gouvernement a décidé, voilà déjà plusieurs mois, de mettre en place un plan d'ensemble, visant à protéger les enfants qui sont maltraités et qui peuvent faire l'objet de sévices sexuels, un plan tendant de manière générale à sauvegarder leur dignité, qui est essentielle pour une société comme la nôtre.
Le Gouvernement a confié la coordination de ce plan, qui concerne sept ou huit départements ministériels, au secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, M. Xavier Emmanuelli.
Ce plan comporte un ensemble de mesures telles que, par exemple, la formation des médecins et des enseignants, le lancement d'une campagne de sensibilisation des professionnels ou la mise en place à partir du 1er janvier 1997 d'un numéro vert unique pour signaler ce type de cas dramatiques. Ce plan contient également un ensemble de mesures tendant à donner aux victimes plus de droits et plus de moyens de les faire valoir.
Le ministère de la justice a préparé des dispositions pénales et de procédure pénale de nature à dissuader de commettre de tels délits ou de tels crimes et à en empêcher - c'est très important - la récidive.
Nous avons conçu, d'une part, des mesures visant à renforcer les dispositions actuelles qui sanctionnent, par exemple, la détention d'images pornographiques ou d'images comportant des éléments de pédophilie.
Nous allons aussi renforcer l'application de la loi de 1994 contre le tourisme sexuel. Nous allons faire en sorte que soient mieux pris en compte les témoignages des enfants et des familles, et que la justice y soit plus attentive. Mais, surtout - c'est la principale innovation - nous allons créer...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous allez proposer de créer !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... une peine complémentaire, à savoir un suivi médico-social, qui s'appliquera aux délinquants et aux criminels sexuels après la fin de leur condamnation pour emprisonnement. Cette obligation de soins et de suivi social contribuera, dans l'état actuel de la science, en particulier de la médecine psychiatrique, à éviter qu'un certain nombre de ces délinquants et criminels sexuels, qui sont souvent aussi des malades atteints de troubles de la personnalité, ne récidivent. On sait en effet que des soins prodigués régulièrement, et donc la possibilité pour ces délinquants et ces criminels d'assumer leur situation, peuvent contribuer à les empêcher de récidiver.
Par conséquent, si notre projet est centré sur la dignité de l'enfant, il a aussi pour objectif de protéger notre société. Je crois qu'il va parfaitement dans le sens de vos préoccupations, c'est-à-dire la sécurité de notre pays et de nos concitoyens, la dignité des enfants, mais aussi, tout simplement, l'avènement d'une société plus humaine. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

NTM ET CRAZY GEORGE'S

M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le Premier ministre, je me permets de rapprocher deux événements d'actualité : la condamnation de deux chanteurs de rap du groupe NTM...
M. Charles Descours. Oh !
M. Alain Gournac. Très bonne question !
M. Jacques Mahéas. ... et l'ouverture à Bobigny du Crazy George's, magasin pour les pauvres.
Le rap est le langage d'une partie des jeunes des banlieues défavorisées. Agressif, provocateur, il dénonce, condamne la société violente qui ghettoïse, développe la pauvreté. NTM, entre autres, s'en prend à la police.
Nous condamnons fermement toute agression physique contre les policiers. Nous savons tous que l'immense majorité des jeunes respectent une police respectable, tout comme l'immense majorité des policiers respectent notre jeunesse. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mais l'on constate parfois, d'un côté, les provocations et, de l'autre, les bavures.
Bavure : la création dans la police d'un syndicat d'extrême droite dont l'idéologie est en contradiction avec la déontologie de policier en est une.
M. Alain Gournac. La faute à qui ?
M. Jacques Mahéas. Qu'attendez-vous pour l'interdire ?
M. Jean Chérioux. Fascistes !
M. Jacques Mahéas. Provocation : sans doute le langage de NTM en est-il une ; mais la condamnation à six mois de prison, dont trois mois ferme, pour deux rapeurs est une incitation à la révolte. Pour ces jeunes issus de la Seine-Saint-Denis, juge unique va signifier juge inique. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais oui !
M. Jacques Mahéas. Après le délit de « sale gueule », voici durement condamné le délit de « grande gueule » ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Richert. C'est la justice !
M. Michel Caldaguès. C'est lamentable !
M. Jacques Mahéas. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ? La majorité va-t-elle parler d'une seule voix ? Cautionnez-vous cette tentative de retour à un certain ordre moral ?
M. Jean Chérioux. Absolument !
M. Emmanuel Hamel. Ordre républicain !
M. Jacques Mahéas. Pensez-vous que les Français sont immatures ?
Provocation : l'ouverture en Seine-Saint-Denis du Crazy George's , premier magasin pour pauvres.
Vous nous avez très injustement reproché en son temps l'apparition des nouveaux pauvres.
M. Alain Gournac. Oh oui !
M. Jacques Mahéas. Depuis quatre ans, la pauvreté s'accroît rapidement :...
M. Jean Chérioux. Quatorze ans !
M. Jacques Mahéas. ... augmentation du nombre des RMIstes, de la précarité, explosion des dépenses sociales dans les collectivités locales, embouteillage dans les commissions de surendettement.
Même aux Etats-Unis, ce type de location-vente à un taux usuraire a été condamné.
M. le président. Posez votre question, monsieur Mahéas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas que les socialistes qui dépassent leur temps de parole !
Un sénateur socialiste. Il y a du parti pris, monsieur le président.
M. Jacques Mahéas. Votre gouvernement s'est contenté de demander au Crazy George's de changer ses étiquettes. Ainsi, vous cautionnez l'exploitation éhontée de la pauvreté !
Dans nos quartiers les plus pauvres, s'installe l'hyperlibéralisme dans sa forme la plus immorale : l'exploitation des exclus.
M. Alain Gournac. Et la femme policier qui s'est fait violée ?
M. Jean Chérioux. Oui, dans le RER !
M. Jacques Mahéas. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre, contre ce racket des pauvres ? (Vifs applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Hélène Luc applaudit également.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je fais respecter le temps de parole à tout le monde. Or j'observe que, jusqu'à présent, seuls les socialistes ont dépassé le leur. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. C'est faux !
M. le président. Vous dites que ce n'est pas juste ; moi, je vous dis que c'est équitable.
La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, votre question, qui n'en n'était d'ailleurs pas une,...
M. Jacques Mahéas. Mais votre réponse en sera une, vraisemblablement !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... est vraiment le genre de provocation dont notre pays n'a pas besoin aujourd'hui. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière. Et l'hélicoptère ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je crois d'ailleurs que vous avez vous-même parfaitement senti que votre discours n'avait, en réalité, rien à voir avec le fond des problèmes que vous avez évoqués. Je crois simplement que c'est le jeu de la démocratie parlementaire.
M. Jacques Mahéas. Quel mépris !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je m'y conformerai car, pour ma part, je m'efforcerai de conserver dans cet hémicycle la dignité qui sied à la gravité des problèmes que nous y évoquons. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Tout d'abord, concernant le magasin que vous avez évoqué, l'administration, à la demande du ministre de l'économie et des finances, M. Arthuis, a fait ce qu'il convenait de faire : elle a vérifié que la réglementation était appliquée, s'agissant en particulier de l'exactitude de la publicité. A la suite des mesures prises par les services du ministère des finances, ce magasin est actuellement fermé, et il le restera jusqu'à ce que la réglementation soit appliquée par lui comme par tous les autres.
M. Jacques Mahéas. Jusqu'à vendredi prochain !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. J'ajoute, monsieur Mahéas, que, appartenant au groupe socialiste, vous être bien mal placé pour nous donner des leçons sur la pauvreté que votre politique a engendrée ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Bernard Piras. Allez le dire aux Français !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce n'est pas moi qui, lorsque M. Bérégovoy - paix à sa mémoire - était ministre des affaires sociales, ai inventé l'expression « nouveaux pauvres » ! (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. Vous gouvernez depuis quatre ans !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce n'est pas du temps où nous étions au pouvoir que l'abbé Pierre a été obligé de revenir lutter pour les pauvres en France, que je sache ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Il y a un million de chômeurs en plus depuis que vous êtes au pouvoir !
M. Jacques Mahéas. Lisez la presse !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Par conséquent, monsieur Mahéas, quand on fait de la politique, il faut aussi avoir un peu de culture ! (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne donnez pas de leçons ! Répondez à la question !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. MonsieurDreyfus-Schmidt, jamais, dans cet hémicycle, je ne serai capable de donner autant de leçons et de leçons aussi longues que celles que vous nous donnez d'habitude ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jaloux !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ah ! ça ! il est clair que, de ce point de vue, monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne serai jamais ni aussi long ni aussi pompeux que vous !
M. Paul Raoult. Et mentir sur l'hélicoptère comme vous l'avez fait ? Un peu de pudeur !
M. le président. Monsieur le ministre, répondez à la question !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis désolé de le dire, mais, à question inexistante, réponse difficile !
Je voudrais dire maintenant, sur le premier sujet, que la justice a pris une décision. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de donner sur ce point mon interprétation personnelle d'homme et de citoyen.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la première fois !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Par ailleurs, la cour d'appel d'Aix-en-Provence est désormais saisie de cette cause, et elle aura à la trancher le jour où l'affaire viendra en audience.
Mais ce qui est absolument certain, c'est que ce n'est pas par un langage tel que celui que vous avez tenu, monsieur Mahéas, que nous réussirons à faire en sorte que, dans ce pays, l'ensemble de la communauté nationale se rassemble et que les jeunes de notre pays, notamment ceux qui vivent dans les banlieues,...
M. Jacques Mahéas. Nous, nous les connaissons !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. ... aient confiance en notre société.
Or, c'est cela notre défi : faire en sorte que notre pays se rassemble de nouveau. Ce n'est pas par les questions que vous avez posées que nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière. Le pays se réunit non pas autour de vous, mais contre vous !

SIMPLIFICATION DU BULLETIN DE SALAIRE

M. le président. La parole est à M. Pourchet.
M. Jean Pourchet. Madame le ministre, je voudrais attirer votre attention sur l'extrême complexité des bulletins de salaire. J'ai entre les mains un exemplaire particulièrement significatif de ce phénomène fort inquiétant.
Ce bulletin de salaire, qui m'a été communiqué par un artisan du bâtiment de mon département, ne comporte pas moins de dix-sept lignes : dix au titre des cotisations patronales et sept au titre des cotisations salariales.
Avec l'instauration d'un point de CSG supplémentaire déductible à compter du 1er janvier 1997, cette feuille de paye risque même de comporter une dix-huitième ligne.
Quant aux assiettes de cotisation, j'en ai dénombré six, dont trois au titre des cotisations patronales et trois au titre des cotisations salariales ; leur montant varie de 8 009 francs à 9 538 francs.
Le plan PME engagé par votre collègue M. Jean-Pierre Raffarin s'était fixé comme objectif, notamment, la simplification administrative. Une mission d'experts nommée par le ministère du travail et des affaires sociales doit prochainement rendre ses conclusions concernant, en particulier, la simplification du bulletin de salaire.
Deux grands objectifs doivent être recherchés : non seulement une diminution significative du nombre de lignes figurant sur les bulletins, mais aussi la simplification des assiettes et des calculs de cotisations : pourquoi ne pas avoir la même base pour l'ensemble des calculs et moduler le taux ?
Pouvez-vous, madame le ministre, nous donner des assurances sur ces deux points ? Cette réforme pourra-t-elle effectivement entrer en application comme prévu au 1er janvier 1997 ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, je vais vous répondre au lieu et place de mon collègue M. Jacques Barrot, mais M. Jean-Pierre Raffarin aurait tout aussi bien pu s'exprimer sur ce sujet.
Il est vrai que le bulletin de salaire français est très certainement l'un des plus compliqués au monde. Vous nous avez donné un exemple, monsieur le sénateur, et il est tout à fait juste qu'à vouloir trop en écrire on devient difficilement compréhensible.
Il est vrai aussi que l'un de nos défauts est de vouloir faire figurer sur le bulletin de salaire tous les prélèvements, que ce soient les parts patronales ou les parts salariales.
Dès lors, il est bien évident que, si nous voulons atteindre l'objectif de simplification, nous devons examiner comment nous pouvons alléger le bulletin de salaire.
Comme vous le savez, M. Jacques Barrot a confié un groupe de travail au savoir-faire de M. Turbot, qui a déjà eu l'occasion de réfléchir sur la complexité du bulletin de salaire. Sa mission est double : d'une part, il doit nous proposer une simplification concrète, c'est-à-dire la diminution du nombre de lignes de façon que l'élaboration du bulletin de salaire soit plus simple ; d'autre part, il s'agit d'aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur - en relation avec les partenaires sociaux, bien entendu - à savoir l'harmonisation des assiettes et autres modalités de calcul des prélèvements sociaux, qui sont bien évidemment source de grande complexité.
Pour répondre aussi à l'une de vos questions, monsieur le sénateur, la CSG non déductible figurera dans le futur bulletin de salaire sur la même ligne que le RDS en 1997.
M. Raymond Courrière. Il faut supprimer le RDS !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Cependant, je profite de votre question pour rappeler que, dans le cadre du plan PME que vous évoquiez tout à l'heure, nous avons déjà mis en oeuvre un certain nombre de mesures de simplification : ainsi, au 1er janvier 1996, nous avons mis en place la déclaration unique d'embauche, qui a déjà permis une économie de temps pour les petites entreprises, puisqu'il n'y a plus qu'un seul document à remplir au lieu de douze ; en juillet 1996, nous avons également mis en oeuvre le contrat d'apprentissage unique, qui ne représente plus qu'une seule liasse de trois feuillets, contre trois liasses de onze feuillets auparavant. Là aussi, il s'agit d'une économie de temps, d'une simplification et d'un gain en termes d'efficacité et de rapidité.
J'aimerais également vous signaler que nous nous attachons à simplifier l'une des formalités qui est certainement la plus pénalisante pour nos entreprises, à savoir la déclaration de cotisations sociales. Un certain nombre d'expérimentations sont en cours et nous pensons que, à compter du 1er janvier 1998 - l'année 1997 sera nécessaire pour bien examiner les conditions dans lesquelles nous pouvons mettre en oeuvre cette mesure - nous pourrons instaurer une déclaration de cotisations sociales unique.
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. J'en terminerai, monsieur le président, avec un sujet qui intéresse aussi beaucoup les petites et moyennes entreprises et les artisans : des expériences sont en cours à propos du chèque-emploi pour le premier salarié, et nous espérons bien que l'année 1997 verra la mise en oeuvre effective de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RACHAT D'AOM PAR AIR FRANCE

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
D'ici au 1er avril 1997, date qui marquera l'ouverture du ciel communautaire, la compagnie Air France doit impérativement réussir sa fusion avec l'ex-compagnie Air Inter et assainir ses finances.
Nous avons d'ores et déjà constaté les efforts entrepris en matière de productivité du personnel, de réduction des coûts unitaires et de compression des effectifs.
La nouvelle gestion a également entraîné la suppression de certaines liaisons internationales et de lignes intérieures. C'est le cas de la ligne Paris-Perpignan, que mon homonyme, M. Christian Blanc, a supprimée au motif qu'elle était déficitaire.
Je ne reviendrai pas sur la polémique qui a eu lieu à ce sujet en demandant à M. Blanc pourquoi d'autres liaisons, bien plus déficitaires, n'ont pas fait l'objet d'une mesure identique.
Je rappellerai, en revanche, monsieur le ministre, l'action décisive et efficace que vous avez menée pour maintenir la desserte de Perpignan grâce aux compagnies TAT et AOM. Elles prouvent aujourd'hui la rentabilité de cette liaison !
Reconnaissons que, généralement, ces mesures d'assainissement se sont révélées essentielles puisque, après tous ces efforts, Air France n'enregistre qu'une perte nette de 2,9 milliards de francs en 1995 et que l'équilibre semble tout juste assuré cette année.
Dans ce contexte, j'ai été personnellement choqué d'entendre M. Blanc émettre l'hypothèse du rachat d'AOM par Air France.
Certes, le rachat d'une compagnie est permis par la Commission européenne ; certes, la maîtrise du marché intérieur est essentielle. Mais à quel prix, en particulier pour le contribuable ?
Les Français savent que l'argent public, pour un montant représentant 20 milliards de francs, a servi à recapitaliser Air France. Ils sont en droit d'attendre que ces sommes soient employées au désendettement et au redressement de la compagnie.
Si, comme son président l'affirme, la situation financière de l'entreprise est assainie grâce à ces capitaux, qu'il ne la fragilise pas avec des rachats hasardeux ! Et, s'il a encore des doutes, qu'il se remémore la reprise malheureuse d'UTA, en 1990, par son prédecesseur, M. Attali !
Monsieur le ministre, je souhaite donc savoir si l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat a été consulté dans cette affaire et quelle sera sa position. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Paul Blanc est bien le meilleur !
M. le président. La parole et à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de vous remercier de votre appréciation en ce qui concerne le travail que Mme Idrac et moi-même avons effectué pour la desserte aérienne de Perpignan.
La compagnie AOM fait partie des actifs du Crédit lyonnais que le CDR est chargé de céder en veillant à la défense du patrimoine de l'entreprise. Cette cession s'effectuera dans des conditions normales pour ce genre d'opération, après l'avis éventuel de la commission de privatisation.
S'agissant d'une compagnie aérienne, il faudra veiller attentivement à ce que le repreneur soit en règle avec les directives de l'Union européenne, en particulier en ce qui concerne la nationalité du propriétaire.
Quant à la compagnie Air France, elle est tenue jusqu'au 1er janvier 1997 par la décision prise en juillet 1994 par la Commission européenne, qui lui interdit de prendre des participations dans d'autres compagnies aériennes en contrepartie de l'autorisation qui lui avait été donnée pour sa recapitalisation à concurrence de 20 milliards de francs.
Enfin, le président de la compagnie Air France n'a pas, à ce jour, informé sa tutelle de son désir de reprendre éventuellement la compagnie AOM.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je peux considérer aujourd'hui que la question que vous avez posée n'est pas d'actualité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

ACHAT D'AVIONS BOEING PAR AIR FRANCE

M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Monsieur le ministre, nous nous félicitons des résultats annoncés hier par Air France. Ils tendent à prouver que, semestre après semestre, nous nous acheminons vers l'équilibre. Nous saluons cet effort de la compagnie.
La meilleure preuve de ce redressement, déjà très largement entamé, est que la compagnie nationale reprend ses acquisitions d'appareils : 13 milliards de francs y sont consacrés.
Ce qui nous surprend cependant, monsieur le ministre, c'est le choix de panacher l'achat d'Airbus et de Boeing. Cette décision ne risque-t-elle pas, en effet, notamment par son coût de maintenance diversifiée, de compromettre l'effort d'économie qui est tant souhaité et qu'il faut poursuivre ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le sénateur, depuis trois ans, la compagnie Air France travaille à son redressement. Le conseil d'administration qui s'est tenue hier nous a apporté des informations extrêmement encourageantes puisque, pour la première fois, au cours du premier semestre aérien, qui va d'avril 1996 à septembre 1996, la compagnie est parvenue à un résultat net positif de 802 millions de francs, par rapport à un déficit de 335 millions de francs sur la période comparable de l'année précédente.
Il s'agit là d'un résultat extrêmement positif qu'il faut saluer et qui est à mettre au crédit des efforts faits par la direction de la compagnie et par le personnel.
Dans ces conditions, la compagnie Air France regarde vers l'avenir et veut réorganiser sa flotte.
Bien sûr, l'idée est que, normalement, elle devrait acheter des avions européens, mais le problème n'est pas aussi simple que cela. En 1989, sous un gouvernement socialiste, dirigé à l'époque par M. Michel Rocard, la compagnie s'était lancée dans des acquisitions absolument folles. (C'est vrai ! sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.) En effet, elle avait commandé ferme des Boeing pour 949 millions de dollars et pris des options pour plus de 2 milliards de dollars.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une raison pour continuer, monsieur le ministre !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Lorsque l'actuel président a été nommé, il a stoppé toutes ces commandes et, depuis cette période, il a renégocié avec la compagnie Boeing.
La négociation a été bien conduite : les 2 milliards de dollars d'options - plus de 10 milliards de francs - ont été abandonnés, mais il reste un reliquat de 874 millions de dollars, ce qui représente plus de 4 milliards de francs.
La compagnie avait deux solutions : soit ne pas acquitter l'engagement, et donc perdre les avances qui avaient été versées et se lancer dans un contentieux dont on ne connaissait pas l'issue, soit acquérir des Boeing. La question était cependant de savoir quel genre de Boeing. Nous avons pensé qu'il fallait suivre la direction de la compagnie, qui proposait d'acheter les avions qui pouvaient lui rendre les meilleurs services dans le cadre de son redressement ; c'est ce qui a été décidé.
Voilà pourquoi, hier matin, j'ai donné instruction aux trois commissaires qui représentent l'Etat au conseil d'administration d'Air France, d'une part, d'accepter l'acquisition de dix Boeing 777, plus dix options ; d'autre part, d'accepter l'acquisition de dix Airbus A 340-300, plus cinq options. J'ai demandé, en outre, que la compagnie Air France accepte d'être la compagnie de lancement du futur Airbus A 340-600, ce qui a été accepté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux. Vive Attali !

BAISSE DES DOTATIONS PUBLIQUES
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les maires de France achèvent aujourd'hui même leur congrès et viennent, une fois de plus, dans leur grande majorité, de dénoncer la baisse répétée des dotations publiques en faveur des collectivités et les conséquences désastreuses, en termes de fiscalité locale, de transferts de charges de l'Etat non compensées financièrement.
A la lumière de cette actualité, à laquelle vient s'ajouter l'accroissement des besoins sociaux liés à la crise, j'aimerais appeler votre attention sur la situation de milliers de contribuables à revenus moyens qui, ne pouvant plus prétendre au dégrèvement de la taxe d'habitation dont ils bénéficiaient l'an passé, ont subi une hausse soudaine et importante de leurs impôts locaux, atteignant pour certains plus de 50 %.
Cette augmentation, qui concerne tous les foyers dont l'impôt sur le revenu excède 13 300 francs, n'est pas imputable aux communes, mais résulte d'une disposition de la loi de finances pour 1996, proposée par le Gouvernement et votée par sa majorité.
Elle a plongé dans les difficultés financières de nombreux ménages, qui viennent d'en mesurer l'effet direct sur leur feuille d'impôt et l'ont vécue, en outre, comme une cruelle injustice à l'heure où M. le Président de la République envisage d'alléger l'impôt de solidarité sur la fortune.
Compte tenu de la situation économique actuelle, cette coïncidence fâcheuse est inacceptable. Elle est, de plus, d'une hypocrisie particulière, car, nous le savons tous, dans cette assemblée, en matière d'impôts locaux, ce sont toujours les maires qui sont en première ligne. Elle est, enfin, l'illustration des choix qui sont faits actuellement dans notre pays : alléger les charges des riches au détriment des classes plus modestes. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier. C'est vrai !
M. René Rouquet. Au nom du groupe socialiste, je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, de revenir au plus tôt sur cette disposition, qui aggrave les inégalités dans notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, il est seize heures et nous avons, malheureusement, épuisé le temps de parole qui nous était imparti. Je répondrai donc très brièvement à votre question. (Murmures sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La retransmission télévisée s'achève, mais vous avez tout le temps de répondre !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Mais, messieurs, nous allons avoir plusieurs jours pour débattre de ce sujet, parmi d'autres, puisque dans quelques minutes va s'ouvrir le débat sur le projet de budget pour 1997 !
Aux trois aspects de votre question, j'apporterai trois éléments de réponse, monsieur le sénateur.
Premièrement, le total des aides de l'Etat aux collectivités locales, hors fiscalité transférée, représentaient, l'année dernière, 240,5 milliards de francs ; cette année, elles représenteront 244 milliards de francs. C'est donc une augmentation substantielle,...
Mme Hélène Luc. Et les charges nouvelles ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. ... sans transfert de charges nouvelles. L'effort est d'autant plus remarquable que l'Etat, pour sa part, n'augmente pas ses dépenses.
Deuxièmement, il faut savoir qu'aujourd'hui c'est l'Etat, c'est-à-dire l'ensemble des contribuables français, qui paie entre le cinquième et le quart de la taxe d'habitation à la place des contribuables qui y sont assujettis. La part de son budget que l'Etat consacre à acquitter la taxe aux collectivités locales à la place des contribuables locaux représentera plus de 56 milliards de francs, cette année, en augmentation de 7 % par rapport à l'année précédente.
Enfin, monsieur le sénateur, puisque vous appelez de vos voeux la baisse des impôts, soyez heureux : vous allez avoir l'occasion, dans quelques jours, de voter la baisse que nous proposons de l'impôt sur le revenu... (Exclamations sur les travées socialistes), à hauteur de 9 % l'année prochaine et de 25 % sur cinq ans. Nous verrons lors de ces votes quels sont ceux qui défendent, en particulier, les Français défavorisés, les classes moyennes et les familles nombreuses ! (Protestations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la TVA ?
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

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TRANSMISSION
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 85, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques et du Plan, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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LOI DE FINANCES POUR 1997

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 85 et 86 (1996-1997)]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, mes chers collègues, l'examen de la loi de finances pour 1997 s'engage dans un contexte de rénovation qui me conduit, comme il conduira tous les rapporteurs au cours de la discussion, à m'exprimer à la tribune de notre Haute Assemblée avant le Gouvernement.
Cette heureuse modification dans nos procédures parlementaires résulte de la volonté des plus hautes autorités de l'Etat. Je m'en réjouis, et je sais que nous devons à l'action déterminée du président de la commission des finances, M. Christian Poncelet, mais aussi à l'opiniâtreté du président du Sénat, M. René Monory, le fait que nos débats se déroulent désormais de cette manière.
Nous pouvons nous réjouir, mes chers collègues, de l'honneur ainsi rendu à notre assemblée - fût-ce à titre symbolique - par ce retour à sa vocation constitutionnelle première, à savoir le consentement à l'impôt. Gardons toujours à l'esprit l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme, qui confère aux représentants de la nation que nous sommes le droit de « constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement et d'en suivre l'emploi ».
Il est heureux que cette rénovation de la discussion budgétaire voie le jour avec ce projet de loi de finances pour 1997. Celui-ci présente en effet un caractère historique puisque du succès de son exécution dépendra ou non le passage à la monnaie unique en 1999.
Ce budget revêt une autre spécificité forte : il est la traduction fidèle des engagements pris au printemps dernier, lors du débat d'orientation budgétaire.
Ce budget, mes chers collègues, est aussi le nôtre, dès lors que nous en avons approuvé les principales lignes de force à l'occasion de ce débat.
Monsieur le ministre, vous nous aviez, à l'époque, posé une question claire : « Souscrivez-vous à l'objectif que nous nous sommes donné pour la loi de finances de 1997, c'est-à-dire reconduire en francs courants notre niveau de dépenses, à savoir 1 552 milliards de francs ? » Notre réponse fut « oui », et le projet de budget pour 1997 en tire les conséquences.
Avant d'examiner ce budget en recettes et en dépenses, je veux dire aussi qu'il est sincère et courageux. C'est tout à l'honneur du Gouvernement, et c'est aussi tout à votre honneur, monsieur le ministre.
Il est sincère dans la mesure où le cadrage macro-économique qui le fonde est très proche du consensus des instituts de prévision nationaux et internationaux. Ce n'est certes pas une garantie contre l'erreur, mais c'est, en tout cas, le meilleur gage de votre totale bonne foi.
Ce budget est sincère aussi, au sens où les dépenses inscrites répondent aux nécessités, à une ou deux exceptions près que je signalerai tout-à-l'heure.
Le budget est sincère, mais il est également courageux. En effet, la dérive des charges est enfin contenue. Après avoir connu une augmentation de 5,5 % par an entre 1988 et 1995, les dépenses sont stabilisées en francs courants, quel que soit l'indicateur retenu, après donc sept années ininterrompues de progression.
Certes, le courage engendre souvent l'impopularité, mais il faut savoir la braver lorsque la cause est juste, M. le président René Monory nous le rappelait récemment.
Mes chers collègues, peut-on laisser dire, peut-on laisser croire qu'il est possible d'augmenter les dépenses en réduisant le déficit et l'endettement ? L'atonie durable de la croissance de nos recettes nous condamne à réviser, et de façon drastique, nos habitudes de dépenses, qui sont devenues totalement incompatibles avec la faiblesse de nos ressources, sauf à choisir la fuite en avant, c'est-à-dire l'endettement.
Le rôle central des recettes publiques dans la politique budgétaire doit, aujourd'hui, être reconnu : elles sont non pas une variable d'ajustements, mais au contraire un élément déterminant. Or l'activité économique est encore insuffisante pour fournir les recettes nécessaires à l'Etat. La fiscalité doit donc se mettre au service de la croissance, et non pas seulement en récolter les fruits !
Tout serait tellement plus facile si la reprise était au rendez-vous ! Le partage de ce qu'il est convenu d'appeler « les fruits de la croissance » rendrait moins pénibles les rééquilibrages indispensables.
Hélas ! notre économie, si l'on écarte l'effet des variations de stocks, reste depuis 1991 sur une pente de croissance faible, entre 1,5 % et 1,9 %, ce qui est préoccupant dans la mesure où nous évoluons durablement au-dessous du niveau de notre croissance potentielle, qui est généralement estimée à 2,5 % l'an. Malgré une tendance à l'amélioration, le rythme de l'activité reste peu dynamique, et il est insuffisant pour contenir le chômage.
Nous disposons donc de potentialités en travail et en capital qui demeurent sous-employées. Tout doit être remis en oeuvre pour les mobiliser. La réforme fiscale, notamment la baisse de l'impôt sur le revenu, doivent y contribuer. Elles y contribueront, mais il importe, mes chers collègues, de convaincre nos compatriotes de consacrer les 25 milliards de francs de réduction d'impôt à la consommation et à l'investissement pour stimuler la reprise.
La baisse des prélèvements, plus précisément celle de l'impôt le plus symbolique, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, doit revivifier l'esprit d'entreprise et susciter la création d'emplois productifs. Mobilisons-nous pour que ces 25 milliards de francs n'accroissent pas davantage encore l'épargne de précaution, et pour qu'ils soient au contraire directement injectés dans l'économie, au service de l'emploi.
Cela m'amène, au passage, à regretter l'amalgame injuste qui est fait entre cette baisse et le prélèvement supplémentaire opéré l'année dernière. Le chiffre cité complaisamment de 120 milliards de francs supplémentaires est parfaitement fantaisiste ; le prélèvement supplémentaire réel s'est élevé à 63 milliards de francs. Il a été consacré à réduire les charges sur les bas salaires. Qui le regrette ? Il a été consacré à financer le déficit de la sécurité sociale. Qui le regrette ? On regrette le déficit, mais il a bien fallu le combler !
Mes chers collègues, il est indispensable, il est urgent même de créer dans notre pays un enchaînement vertueux de croissance, et ce en donnant aux Français non seulement les encouragements mais aussi les moyens d'un soutien à l'économie. C'est le meilleur gage du redressement de l'emploi et de nos finances.
La commission des finances, vous l'aurez compris, approuve pleinement le volet fiscal du projet de loi de finances soumis à notre examen. Elle suggère simplement pour l'avenir, monsieur le ministre, que les grands choix de politique fiscale soient, eux aussi, effectués dès le débat d'orientation budgétaire.
Pour terminer sur la réforme fiscale, j'ajouterai deux remarques.
Premièrement, la variante qui vise à substituer à l'allégement de l'impôt sur le revenu une diminution de la TVA n'offre pas, pour l'activité et pour l'emploi, un avantage très convaincant, surtout si l'on sait, d'une part, que la répercussion par les entreprises de la baisse de la TVA est toujours aléatoire et, d'autre part, que la TVA est le seul impôt qui frappe pareillement les produits importés et ceux qui sont fabriqués en France, sans affecter nos exportations.
Deuxièmement, je relève le « scepticisme fiscal » de nos concitoyens, qui considèrent toujours les hausses comme acquises, même lorsqu'elles ne sont qu'envisagées, et tiennent les baisses pour peu crédibles, même lorsqu'elles sont votées.
Nous avons donc une démarche pédagogique à mener pour convaincre nos compatriotes du bien-fondé de la réforme fiscale engagée pour les cinq années à venir.
Avant d'en terminer sur les recettes, le moment me semble bien choisi pour inviter le Sénat à une réflexion d'ensemble sur notre fiscalité et, plus généralement, sur les prélèvements obligatoires.
Pour adapter l'impôt aux réalités économiques du monde moderne - nous avons beaucoup de travail à faire en ce sens - la commission des finances a ouvert, avec le Gouvernement, trois pistes de réflexion, que j'énumère avant de les reprendre une à une plus en détail. Il s'agit de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus lisible, de revoir notre système de dépense fiscale et de rendre notre système de prélèvements obligatoires plus compétitif.
Il faut donc, première piste de réflexion, rendre notre système de prélèvements obligatoires plus lisible.
Il n'existe plus de limite claire entre les cotisations sociales et les impôts d'Etat, plus de lignes de partage tranchées entre ces impôts d'Etat et les impôts locaux. Pire encore, nul citoyen n'est plus en mesure de juger des prestations qui lui sont fournies en échange de ses contributions.
De cette double confusion naît un sentiment de malaise qui mine le consentement à l'impôt et l'esprit civique. Le sentiment général est de beaucoup payer et de recevoir peu, ce qui est un paradoxe dans un pays où la dépense publique représente plus de 55 % du PIB, ce qui est un paradoxe dans le pays qui redistribue le plus, comparativement à ses principaux compétiteurs. Mes chers collègues, disons-le ! Mes chers collègues, expliquons-le !
Le système fiscal, en effet, s'il ratisse large, redistribue aussi beaucoup.
Il convient également, et c'est la deuxième piste de réflexion, de remettre à plat notre système de dépense fiscale.
Un des aspects les plus méconnus de notre système de prélèvements obligatoires est le poids de la dépense fiscale. Comme vous le savez, la dépense fiscale représente le coût, pour le budget de l'Etat, des mesures fiscales dérogatoires. Elle n'est pas visée dans la réduction programmée des charges publiques, alors qu'elle influence très directement le déficit budgétaire.
Depuis longtemps, nous cédons - Parlement ou Gouvernement - à la tentation de créer de multiples incitations fiscales, qui n'augmentent pas statistiquement les dépenses, qui diminuent même les prélèvements obligatoires, mais qui accroissent les pertes de recettes, et donc le déficit. Nous avons ainsi dénombré 445 mesures tendant à créer une dépense fiscale, pour un montant qui se chiffre en centaines de milliards de francs.
Ces mesures sont coûteuses, sans qu'il soit toujours possible d'en apprécier l'efficacité économique. Le Gouvernement et le Parlement portent chacun une part importante de responsabilité. N'est-il pas en effet plus aisé de minorer l'assiette que de réduire les taux qui, eux, revêtent souvent une dimension symbolique forte ? La réforme de l'impôt sur le revenu est la première réponse courageuse à cette dérive ; elle en appelle d'autres.
La troisième piste de réflexion sur laquelle je voudrais plus encore retenir votre attention, mes chers collègues, concerne la compétitivité de notre système de prélèvements obligatoires en ce qu'elle détermine, selon la commission des finances, la compétitivité économique de notre pays.
Il s'agit, là encore, d'un sujet extrêmement important. Il est en cours d'expertise, tant à l'OCDE qu'à la Commission de Bruxelles. Le Parlement, en particulier le Sénat, ne saurait se soustraire à cette réflexion. La libre circulation des personnes et des capitaux conduit à des migrations fiscales qui n'en sont aujourd'hui, du moins peut-on le craindre, qu'à leur début. Nous avons, mes chers collègues, à anticiper sur les conséquences graves qui vont en résulter : les vedettes de spectacle - c'est bien connu ! - les sportifs de haut niveau, les traders, les détenteurs de patrimoines délocalisables ne sont-ils pas les premiers émigrants qui en annoncent d'autres ? Demain, si nous n'y prenons garde, ce sont les activités de services financiers, les sièges sociaux et les centres de décision des grandes entreprises internationales qui feront de même.
Il serait malhonnête - et je veillerai à ne pas l'être - de forcer le trait et de dramatiser la menace, mais restons vigilants pour apprendre à mieux mesurer et à mieux évaluer la compétitivité de notre système fiscal.
C'est en gardant à l'esprit ces forces et ces faiblesses de notre fiscalité que nous devons voter l'impôt, avant de consentir aux dépenses de l'Etat.
S'agissant donc maintenant des dépenses, j'insisterai tout d'abord, comme je l'ai dit en introduction, sur l'effort de réduction engagé par le Gouvernement. Pour la première fois dans l'histoire budgétaire de la Ve République, les dépenses de l'Etat se stabilisent.
Cet effort mérite d'être encouragé, car il est difficile et terriblement ingrat. Il est pourtant incontournable et, mes chers collègues, notre solidarité ne doit pas manquer au Gouvernement.
Si notre tâche, à ses côtés, est ingrate, il nous appartient, à nous, parlementaires, d'appeler la nation, d'appeler nos compatriotes à la plus urgente et à la plus vive prise de conscience des enjeux ; il y va de l'avenir de nos enfants.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils me semblent particulièrement éclairants.
Pour seulement stabiliser le poids de la dette de l'Etat dans le PIB en 1997, il aurait fallu réaliser 161 milliards de francs d'économies supplémentaires, soit davantage que l'ensemble des dépenses pour l'emploi ! Hors charges de la dette et dépenses de personnel, au sens strict, ce montant représente une baisse de 22 % de toutes les autres dépenses.
En 1997, le besoin de financement de l'Etat pourrait atteindre 690 milliards de francs. Si l'on neutralise l'effet exceptionnel de l'emprunt dit « Balladur », ce besoin s'établit à 590 milliards de francs.
Toutes les semaines - mes chers collègues, prévenez vos concitoyens - l'Etat empruntera 11 milliards de francs sur les marchés. A la fin de l'année, chaque Français se sera endetté d'un million de centimes supplémentaire. Comment remboursera-t-il ?
Ces seuls chiffres - je pourrais, hélas ! en citer bien d'autres, mais je n'ai pas voulu vous accabler - doivent renforcer encore notre conviction qu'il n'est pas de salut dans le déficit et dans la dette. Bien au contraire, il y a péril grave pour la nation. C'est la raison pour laquelle la commission des finances - je parle sous le contrôle de son président - ne ménagera pas son soutien au Gouvernement dans son action courageuse pour la maîtrise de la dépense publique.
Certes, les déficits obligent à des arbitrages difficiles, voire périlleux.
J'entends dire parfois que la marge de manoeuvre du Parlement serait trop faible et la discussion budgétaire presque inutile. Mes chers collègues, ce n'est pas seulement la marge de manoeuvre du Parlement qui est faible, c'est aussi celle du Gouvernement - je parle ici sous son contrôle - et plus encore celle du pays tout entier. Ainsi, nous sommes condamnés à des arbitrages difficiles, sur l'investissement, sur certaines priorités et sur certaines dotations.
S'agissant de l'investissement, tout d'abord, le projet de budget pour 1997 s'inscrit, hélas ! dans la lignée des précédents en ce qu'il prévoit une diminution des dépenses d'investissement. Deux exemples suffisent à illustrer ce déclin tendanciel : l'investissement global, d'une part, et le logement, d'autre part.
En ce qui concerne l'investissement global, entre 1986 et 1997, la part des dépenses civiles en capital dans l'ensemble des dépenses de l'Etat a pratiquement diminué de moitié ; pendant le même temps, les dépenses de fonctionnement ont crû de 60 %. Ces chiffres montrent bien le recul global préoccupant, qui, hélas ! persistera tant que nous ne maîtriserons pas mieux nos dépenses de fonctionnement.
En ce qui concerne le logement, entre 1990 et 1997, la part des aides à la personne est passée de 40 % à 57 % de toutes les aides budgétaires ; pendant le même temps, les aides à la pierre, donc à l'investissement, ont diminué, passant de 39 % à 31 %.
Cette nécessité de préserver l'investissement apparaît encore mieux à travers la présentation du budget dans les formes de la comptabilité des collectivités locales, qui constitue un réel progrès. Nous vous le devons, monsieur le ministre, et nous vous en remercions. Elle retient tout particulièrement notre attention d'élus locaux. En 1997, cela ne vous a pas échappé, mes chers collègues, le montant du déficit de fonctionnement financé par l'endettement augmentera encore de 6 milliards de francs, passant ainsi, par rapport à l'an dernier, de 109 milliards de francs à 115 milliards de francs, largement en raison, il est vrai, de la réforme de l'impôt sur le revenu.
J'en viens maintenant aux priorités.
Certaines priorités antérieures sont, par la force des choses, atténuées ou ajournées, qu'il s'agisse de l'étalement des contrats de plan Etat-région ou de certaines lois de programmation. Ces étalements ne seraient pas autrement préoccupants s'ils ne traduisaient notre difficulté collective à redéfinir le rôle de l'Etat. En reportant les crédits, nous nous contentons de différer les solutions au problème, alors qu'il convient, comme vous l'avez parfaitement rappelé en ces termes à la tribune de l'Assemblée nationale, monsieur le ministre de « lutter contre notre propre culture d'extension de la sphère publique au détriment de l'initiative et de la responsabilité privées ».
S'agissant, enfin, des dotations, une analyse approfondie des dépenses inscrites pour 1997 laisse apparaître quelques risques de tension. J'en retiens trois.
S'agissant des aides à la réduction du temps de travail, 800 millions de francs seront-ils suffisants pour un dispositif en plein essor ?
Pour ce qui est de la marge de manoeuvre pour financer les négociations salariales dans la fonction publique, 2 milliards de francs permetteront-ils de mener à bien une telle négociation ?
Enfin, quant à la recapitalisation des entreprises publiques alimentée par des recettes de privatisation, 27 milliards de francs pourront-ils permettre de faire face aux besoins qui, hélas ! s'accumulent ?
Sur ces trois points, la commission des finances vous entendra, avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, le budget soumis à votre examen n'est pas un budget de facilité, mais, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il est un budget de courage.
Le péril des déficits, le péril de la dette exigeaient des arbitrages ; ils ont été opérés non sans discernement. Par loyauté et par souci d'objectivité, j'ai exposé à l'instant les préoccupations qu'ils pouvaient susciter, aussi puis-je maintenant vous présenter la synthèse des résultats obtenus dans la maîtrise des dépenses.
La stabilisation des dépenses, la réduction des déficits et la baisse des prélèvements obligatoires qu'opère le budget est sans précédent. De surcroît, ce budget s'attache à des priorités clairement affichées, au service de la cohésion sociale et du progrès économique. Ainsi, les dépenses budgétaires pour l'emploi s'accroissent de 8 % et les dépenses en faveur du logement de 1,5 %. Par ailleurs, plusieurs budgets connaîtront des hausses, ceux du travail, de la justice, de l'éducation nationale, de la recherche, de l'action sociale et de la solidarité, notamment.
Malgré des contraintes fortes, près de 60 milliards de francs d'économies sont réalisées, la croissance inquiétante de la charge de la dette et des dépenses de personnel sont infléchies.
Les engagements pris lors du débat d'orientation budgétaire sont tenus.
Le ministre de l'économie et des finances et le ministre délégué au budget nous présenteront le détail de toutes ces mesures dans un instant.
Je souhaiterais, pour conclure, délivrer quatre messages.
Premier message : le Gouvernement, malgré ses difficultés, engage la réforme fiscale et la baisse de l'impôt sur le revenu ; son courage mérite d'être salué.
Deuxième message : prenons conscience que le système de prélèvements obligatoires français et très redistributif, mais aussi qu'il est miné par la dépense fiscale et qu'il doit au plus vite relever le défi de la compétitivité internationale.
Troisième message : inscrivons notre effort dans la durée. Des réformes de structure lourdes sont en cours, qu'il s'agisse de la réduction des effectifs de la fonction publique, qui annonce une vraie réforme de l'Etat, ou de la révision des interventions publiques, qui vise à redistribuer les responsabilités entre tous les acteurs de la vie économique. Il faut les poursuivre, quelles que soient les difficultés.
Quatrième et dernier message : nous n'avons pas le droit, à l'égard des générations futures, de céder au doute, à la tentation du renoncement.
La France traverse une période difficile, précisément parce qu'elle doute d'elle-même.
Une croissance ininterrompue et l'inflation pendant de longues périodes ont engourdi notre vigilance dans le passé, en corrigeant sans douleur nos erreurs.
Il en est aujourd'hui tout autrement : la nécessité d'une réduction brutale de nos dépenses publiques et sociales nous rappelle à la dure et incontournable réalité.
Les sacrifices pourtant indispensables nous paraissent parfois trop lourds à supporter.
Des voix imprudentes, quand ce n'est pas inopportunes, parfois même inciviques, laissent croire que l'effort n'est pas nécessaire.
Chaque groupe social est tenté de se figer sur ses positions et jalouse les autres ; l'unité de la nation se défait.
Mais la France, mes chers collègues, n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle reprend l'initiative, qu'elle se rassemble, qu'elle unit ses forces.
Elle dispose d'un potentiel considérable : ses hommes, son génie inventif, sa jeunesse, sa technologie. Il ne lui manque aujourd'hui que l'audace.
L'audace, qui appelle une nation à chasser sa peur de l'avenir, à dominer ses doutes pour reprendre confiance en elle, en son destin. C'est, mes chers collègues, le message que ce budget nous invite à délivrer tous ensemble à la France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie et des finances, monsieur le ministre délégué au budget, mes chers collègues, d'emblée, je veux vous dire, sans fioriture oratoire et au risque de mettre prématurément un terme à un suspense insoutenable, que je considère ce projet de loi de finances pour 1997 comme un budget particulièrement courageux.
Courageux, ce projet de budget l'est assurément car, à l'évidence, il relève deux défis, en apparence contradictoires, d'une part, engager une décrue de la dépense publique et, d'autre part, amorcer un reflux des prélèvements obligatoires.
La décrue de la dépense publique est au coeur du projet de loi de finances pour 1997 qui la déclenche, en amplifiant l'oeuvre d'assainissement de nos finances publiques entreprise depuis avril 1993 par une stabilisation, en francs courants, des dépenses de l'Etat.
Le respect de cet objectif vertueux a imposé au Gouvernement un effort sans précédent d'économies, qui représente plus de 60 milliards de francs.
Après l'excellente analyse à laquelle vient de procéder le rapporteur général, M. Alain Lambert, avec la compétence, la rigueur et le talent que nous lui reconnaissons tous, je me bornerai à rappeler que cet exceptionnel effort d'économies, qui n'a pas d'équivalent dans l'histoire budgétaire de la Ve République, s'inscrit dans le droit-fil du débat d'orientation budgétaire du printemps dernier, débat dont l'initiative revient à la Haute Assemblée. Nous avions été alors presque unanimes pour insister les uns et les autres sur l'ardente obligation et l'impérieuse nécessité de maîtriser la dépense publique.
La maîtrise de la dépense publique est, en effet, une oeuvre de salut public, car la France ne peut impunément continuer à vivre au-dessus de ses moyens avec une dépense publique qui représente 55 % de la richesse nationale.
A ce niveau, la dépense publique, loin de soutenir l'activité et de contenir le chômage, alimente les déficits budgétaires, gonfle la dette de l'Etat, nourrit la hausse des prélèvements obligatoires, asphyxie l'initiative privée et, en définitive, étouffe notre économie.
Par ailleurs, je voudrais insister sur le fait que cet effort d'économies ne s'est pas traduit par des abattements uniformes, arbitraires et aveugles. Il a procédé d'une réflexion sur les missions de l'Etat, comme en témoigne la sanctuarisation des crédits de la défense et la préservation des budgets de la justice, de l'éducation nationale et de la recherche, qui augmenteront en 1997 conformément aux priorités fixées par le Gouvernement.
Toutefois, permettez-moi, messieurs les ministres, d'insister sur la nécessité de faire porter la recherche d'économies sur les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, en épargnant, dans toute la mesure possible, les dépenses d'investissement.
A cet égard, je ne peux m'empêcher de laisser percer une pointe d'inquiétude lorsque je constate que les dépenses d'investissement, civiles et militaires, ne représentent plus que 10,2 % des dépenses de l'Etat contre 14 % en 1992.
Cette érosion des dépenses d'investissement - je pense surtout aux dépenses civiles - ne saurait se poursuivre sans risquer de sacrifier l'avenir. Ce danger est d'autant plus réel que les budgets des collectivités locales sont de plus en plus hypothéqués par les dépenses de fonctionnement, en particulier les dépenses sociales, au détriment de l'investissement local. Cette dérive est constatée par la plupart, pour ne pas dire l'unanimité, des responsables locaux.
En outre, il est à craindre, messieurs les ministres, que cet effort d'économies ne rencontre bien vite ses limites à structures étatiques inchangées. Dans ces conditions, le budget de 1998 risque d'être encore plus difficile à élaborer que celui de 1997, si l'effort d'économies réalisé pour le budget de 1997 n'est pas relayé, pour la construction du budget de 1998, par la recherche d'économies structurelles qui ne peuvent résulter que d'une réforme de l'Etat, tant sollicitée et tant attendue.
Au-delà de la nécessaire amélioration des relations entre les citoyens et leur administration, la réforme de l'Etat doit se traduire par une nouvelle délimitation de son périmètre d'intervention et par une nouvelle définition de ses modalités d'action.
Il s'agit de recentrer l'Etat sur ses missions régaliennes, ses fonctions de prescripteur et son rôle irremplaçable de garant de l'unité, de la cohésion et de la solidarité nationales.
Il s'agit également de dépouiller l'Etat des missions dont il s'acquitte bien mal, comme celle d'actionnaire. Il est donc indispensable de poursuivre jusqu'à son terme le processus de privatisation de toutes les entreprises publiques du secteur concurrentiel, même si ces privatisations s'avèrent de moins en moins « rentables » pour le budget de l'Etat, en raison des recapitalisations préalables à la vente de ces entreprises.
Il s'agit, enfin et surtout, de relancer la décentralisation, qui est en quelque sorte aujourd'hui au milieu du gué, en ouvrant aux collectivités locales de nouveaux territoires d'intervention.
L'objectif est d'étendre à de nouveaux domaines de compétences les bienfaits de la gestion de proximité qui découlent de la connaissance du terrain. Je pense à l'emploi des jeunes, qui fait l'objet d'initiatives locales nombreuses et bien souvent couronnées de succès, comme en témoignent notamment les expériences conduites par le conseil général de la Vienne - je parle sous le contrôle de son président, M. René Monory - et par le conseil général des Vosges, que j'ai l'honneur de présider.
Il va de soi que de nouvelles avancées dans le sens de la décentralisation ne pourront avoir lieu que si l'Etat respecte un code de bonne conduite financière avec les collectivités locales, comme cela est sans cesse réclamé.
A ce propos, je me félicite que ce projet de budget, une fois épuré de la disposition relative à l'amputation de la compensation de la réduction de la taxe professionnelle pour embauche et investissement, ne comporte plus de turpitudes pour les finances locales.
Le satisfecit que je vous délivre, messieurs les ministres, ne doit pas pour autant vous inciter à tenter de la rétablir, ici au Sénat même, sous une forme édulcorée. Le grand conseil des collectivités territoriales de France ne pourrait, me semble-t-il, vous suivre dans cette voie, qui serait sans issue...
Au-delà de cette péripétie, force est de constater que le pacte de stabilité est respecté. Ce pacte de stabilité, qui résulte d'une initiative du Sénat, l'Assemblée des maires de France a bien voulu le reconnaître et en prendre acte.
M. Paul Loridant. C'est un marché de dupes !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Certes, ce pacte ne constitue pas un pactole, puisque les concours de l'Etat rassemblés au sein de « l'enveloppe normée » ne progressent qu'au rythme de l'inflation.
M. René Régnault. Et encore !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais, si le pacte n'est pas un pactole, il représente cependant pour les collectivités locales un filet de sécurité et un instrument de lisibilité quant à l'évolution de leurs ressources, et cela a été ce matin publiquement reconnu par la plupart des maires.
Mme Hélène Luc. Pas par tous !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Par ailleurs, l'année 1997 apparaîtra, messieurs les ministres, comme un sursis sur le front de la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, hausse qui est, disons-le, différée d'un an grâce à la mobilisation des réserves du fonds des allocations temporaires d'invalidité.
En définitive, l'effort d'économies réalisé par le projet de budget n'aggrave pas les difficultés financières des collectivités locales.
Au-delà de cet exceptionnel effort de maîtrise de la dépense publique, le projet de loi de finances pour 1997 se caractérise également par l'amorce d'un reflux des prélèvements obligatoires, conformément à la demande exprimée ici, au printemps dernier, dans le cadre du débat d'orientation.
Le Gouvernement a choisi de commencer par l'impôt sur le revenu au motif, je vous cite, monsieur le ministre de l'économie et des finances, que cet impôt « tient la première place dans notre imaginaire collectif ».
Le Gouvernement a donc décidé d'engager une réforme quinquennale de l'impôt sur le revenu qui va se traduire, dès 1997, par un allégement de 25 milliards de francs du poids de cet impôt et, à l'horizon 2001, par une diminution totale de 75 milliards de francs, qui représente près de 1 % du PIB et plus du quart du produit de cet impôt. C'est une somme qui, à l'évidence, n'est pas négligeable.
Ce résultat sera obtenu par une baisse progressive de tous les taux du barème, par la suppression de la décote et par un relèvement du seuil d'imposition.
En outre, le coût de cet allégement sera partiellement financé par la suppression ou l'aménagement de certains avantages ou « niches fiscales » qui furent, dans le passé, tant et tant dénoncés.
Cette réforme de l'impôt sur le revenu n'a pas manqué de soulever deux séries de questions qui tiennent, l'une, à la pertinence du choix de l'impôt sur le revenu et, l'autre, à l'impact de la mesure.
Selon certains, il aurait été préférable d'utiliser les 25 milliards de francs disponibles pour réduire le taux normal de la TVA, après la hausse de deux points intervenue en août 1995.
A cet égard, force est de répondre que la hausse de la TVA n'a pas été intégralement répercutée sur les prix de vente des biens et des services. Par ailleurs, la relative modicité des sommes susceptibles d'être consacrées à cette baisse n'aurait permis, en raison de la rigueur budgétaire, qu'une diminution homéopathique du taux de la TVA, dont personne, hélas ! ne se serait rendu compte.
D'autres voix se sont élevées pour contester l'impact de la réforme en faisant valoir que l'allégement de 25 milliards de francs en 1997 serait insuffisant pour provoquer un choc psychologique propice à une reprise de la consommation.
En réponse, il convient de rappeler que cette somme de 25 milliards de francs est considérable au regard de la situation de nos finances publiques, fortement dégradée par l'héritage des « années cigale » de la gestion socialiste.
M. Philippe de Bourgoing. Très bien !
M. Paul Loridant. Et l'emprunt Balladur, vous l'oubliez ?
M. Josselin de Rohan. Tiens, M. Loridant est redevenu socialiste !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. De plus, l'augmentation des revenus induite par la baisse de l'impôt sera perceptible dès le versement du premier tiers provisionnel, en février 1997.
Par ailleurs, certains opposants ont déclaré que le Gouvernement, après avoir prélevé 120 milliards de francs sur l'ensemble des Françaises et des Français...
M. René Régnault. Eh oui !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... à l'été 1995, se bornait à en rendre 25 milliards de francs aux plus riches.
Ce procès d'intention, qui relève de la pure polémique politicienne,...
M. Paul Loridant. Non !
M. Claude Estier. Pas vous !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... est injuste pour deux raisons principales.
En premier lieu, le chiffrage de 120 milliards de francs est erroné. En réalité, les prélèvements supplémentaires supportés par les ménages ont atteint un peu plus de 60 milliards de francs, dont 20 milliards de francs au titre de l'institution de la contribution au remboursement de la dette sociale.
En second lieu, l'allégement du poids de l'impôt sur le revenu bénéficiera principalement aux contribuables modestes et aux familles, en raison de la suppression de la décote et de l'élargissement substantiel de la tranche à taux zéro.
A cet égard, on peut regretter, messieurs les ministres, que cette réforme se traduise par la sortie de l'impôt de plusieurs centaines de milliers de contribuables. Il m'aurait semblé préférable de « responsabiliser » le plus grand nombre de nos concitoyens en procédant - c'est une idée que j'ai déjà développée - à une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG élargie, afin d'aboutir à l'institution d'une première tranche équivalant à un « impôt civique de solidarité » que tout citoyen devrait verser et sur lequel se serait greffée une surtaxe progressive en fonction des revenus.
M. Jacques Delong. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Mais je n'insiste pas.
Enfin, il convient de faire litière de l'assertion selon laquelle le Gouvernement reprendrait d'une main ce qu'il donne de l'autre puisque l'allégement de l'impôt sur le revenu serait annulé par l'alourdissement de la fiscalité locale.
M. René Régnault. De combien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des fianances. Le chiffrage est là encore excessif puisque, selon les dernières statistiques disponibles, la hausse des impôts locaux en 1996 s'est élevée à 18 milliards de francs, et non pas à 25 milliards de francs comme cela a été dit et écrit.
Compte tenu de l'incidence de la hausse des prix, de la place occupée par la taxe professionnelle au sein des impôts locaux et de l'impact des dégrèvements, le surcroît de fiscalité ne s'élève plus, pour les ménages, qu'à 5 milliards de francs. On est loin du montant de l'allégement de l'impôt sur le revenu qui, pour 1997, est de 25 milliards de francs.
De plus, il n'est pas convenable, c'est un euphémisme, de rendre, par un amalgame spécieux, le Gouvernement responsable de la pression fiscale locale qui dépend de 40 000 décideurs locaux et de la qualité de leur gestion.
En définitive, mes chers collègues, nous n'avons pas à rougir de cette réforme qui devrait contribuer à soutenir l'activité. Mais surtout, ce desserrement de l'étau fiscal constitue un signal fort de la volonté du Gouvernement de réduire les prélèvements obligatoires dont le montant « quasi confiscatoire » entrave l'initiative privée, hypothèque la compétitivité de notre économie et bride la croissance.
Il me semble même que le Gouvernement devrait s'engager encore plus résolument dans la voie de la réduction des prélèvements obligatoires et accélérer le pas : il s'agirait d'accroître, par exemple, la réduction de l'impôt sur le revenu, prévue pour 1998, en finançant cet allégement supplémentaire par la suppression de nouvelles « niches fiscales ».
Au total, ce projet de budget met en oeuvre la seule politique possible, celle de l'assainissement de nos finances publiques par une maîtrise de la dépense, tout en commençant à concrétiser la finalité de l'effort consenti, à savoir la réduction des prélèvements obligatoires.
Mes chers collègues, Maastricht ou pas Maastricht, monnaie européenne ou pas, il n'y a pas d'autre politique possible, n'en déplaise aux tenants d'une politique alternative et aux partisans d'un programme d'alternance.
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est ainsi que « l'autre politique », conçue comme une alternative à la politique conduite par le Gouvernement, semble relever davantage de l'incantation que de la réalité. Tout se passe comme si le vocable même d'« autre politique », qui s'apparente à un slogan, résumait son objet et épuisait son contenu.
A défaut de recueillir des indications précises de la bouche même des hommes politiques qui incarnent, disent-ils, « l'autre politique », nous sommes contraints de nous référer aux indiscrétions de la presse qui se fait l'écho des travaux des experts qui ont mis leur savoir au service de ce mythe.
La première des priorités résiderait, nous dit-on, dans un changement de cap de la politique monétaire, par une « ouverture du verrou monétaire ». Très bien ! Mais ces experts oublient - la nostalgie n'est plus ce qu'elle était - que la Banque de France, dont dépend la fixation des taux directeurs, est désormais indépendante.
M. Paul Loridant. Hélas !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Veulent-ils revenir sur cette avancée qui a conféré à notre pays un surcroît de crédibilité ?
M. Xavier de Villepin. Il ne le faut sûrement pas !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je leur pose la question.
En admettant qu'ils s'accommodent de l'indépendance de la Banque de France, les champions de l'autre politique doivent savoir que, dans une économie « libéralisée » et mondialisée, les taux d'intérêt sont déterminés, qu'on le veuille ou non, par les marchés financiers. Qu'on le veuille ou non, j'y insiste, car c'est un fait, qu'on l'accepte ou qu'on le regrette.
Ils doivent également savoir que c'est précisément la politique d'assainissement de nos finances publiques, conduite courageusement par le Gouvernement actuel et amplifiée sans cesse, qui a permis, grâce à la disparition de la prime de risque, cette baisse historique des taux d'intérêt.
C'était même le pari du Gouvernement : durcir la politique budgétaire pour pouvoir assouplir la politique monétaire, afin de promouvoir une décrue des taux d'intérêt qui serait le prélude à une relance de l'activité.
Aujourd'hui, le résultat est à la hauteur de nos espérences, puisque les taux longs sont inférieurs à 6 %. Il y a un an et demi, qui en aurait fait le pari ? Je pose la question. Mais encore faut-il que cette baisse se diffuse à l'ensemble de l'économie et que les banques, nonobstant leur état de santé vacillant - vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le rapporteur général - en fassent bénéficier les petites et moyennes entreprises.
Un autre point fort de cette autre politique, souvent invoquée, mais jamais revendiquée ni explicitée, consisterait, nous dit-on, à « faire un peu d'inflation », comme si, en l'occurrence, un tel dosage était possible !
Préconiser une telle lubie, c'est accepter de « gruger » le salarié, le retraité et surtout l'épargnant, en préconisant le retour d'une monnaie qualifiée en d'autres temps de « monnaie de singe ». Veut-on vraiment renouveler l'expérience du passé ? Je me pose, je vous pose et je leur pose la question !
Un autre « avatar » de l'autre politique résiderait dans un décrochage du franc par rapport au mark (Exclamations sur les travées socialistes) afin d'offrir à notre devise un espace de respiration, au-delà des marges de fluctuation du système monétaire européen.
Il s'agirait là, ni plus ni moins, de nous mettre en quelque sorte en congé de l'Europe, de rompre les amarres de l'Union européenne et de renoncer à la monnaie européenne. (Bravo ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Paul Loridant. Pourquoi pas ?
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Claude Estier. Des noms !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Les conséquences d'un tel scénario seraient particulièrement néfastes pour notre pays avec une flambée de l'inflation alimentée par le renchérissement des produits importés, une hausse des salaires qui handicaperait la compétitivité de nos entreprises, une forte hausse des taux d'intérêt et, à terme, un ralentissement de l'activité et une progression du chômage.
En définitive, préconiser « l'autre politique », c'est céder à la tentation d'un « lâche soulagement » - l'expression a été utilisée par Léon Blum, à propos de l'accord de Munich (Murmures sur les travées socialistes)... -
M. Claude Estier. Cela n'a rien à voir !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... et préférer une bouffée d'oxygène éphémère et illusoire à une oeuvre courageuse, persévérante,...
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... oeuvre d'assainissement de notre économie qui constitue le préalable à l'instauration d'une croissance durable.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Quant au projet de programme préparé par le parti socialiste en vue de l'alternance,...
M. René Régnault. Une étape vers autre chose !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. ... il m'apparaît, lui aussi, comme empreint de nostalgie et prisonnier du passé.
Certes, nous devons nous réjouir du retour du débat politique, car la banalisation du « politiquement correct » nourrit le extrêmes. Il faut, là, être vigilant.
Mais, pour autant, le débat ne saurait se résumer à « un retour des vieilles lunes ».
A cet égard, soyons sincères, la proposition d'une réduction de la durée du travail à trente-cinq heures par semaine, sans diminution de salaire, me semble constituer l'archétype de la mauvaise mesure.
M. Claude Estier. Mais non !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je ne suis pas le seul à le dire ; même dans les rangs des intéressés, cela est dit !
En effet, le précédent de 1981 nous a appris que procéder par voie légale et uniforme, sans tenir compte de la réalité des branches et des entreprises, constituait le meilleur moyen de priver la réduction de la durée du travail de tout effet positif sur l'emploi. Cela a été vérifié ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Claude Estier. Vous n'avez pas lu nos propositions !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. En définitive, nous partageons tous, mes chers collègues, au-delà de nos différences de sensibilité politique, la même interrogation qui est au coeur de nos préoccupations : comment faire pour renouer avec une croissance soutenue, durable et riche en emplois ?
M. René Régnault. Il faut la confiance !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pour ma part, je suis convaincu que la politique conduite par le Gouvernement est la seule possible, car le retour de la croissance passe par une réduction de la dépense publique, qui permet un allégement des prélèvements obligatoires.
Des exemples étrangers nous enseignent qu'une politique de réduction de la dépense publique, loin de contrarier la croissance, lui donne un élan nouveau. Tout se passe comme si les acteurs économiques anticipaient les incidences sur leurs revenus de la baisse des prélèvements obligatoires, rendue possible par la maîtrise de la dépense publique.
Il serait donc particulièrement inopportun de changer aujourd'hui de cap, après avoir accompli la majeure partie d'un chemin difficile et semé d'embûches.
Renoncer aujourd'hui à l'oeuvre d'assainissement conduite courageusement par le Premier ministre serait d'autant plus condamnable que notre vertu économique sera récompensée, dans 770 jours, par notre participation à la monnaie européenne.
Avec l'euro, nous avons rendez-vous avec l'histoire. Ne laissons pas s'enfuir cette chance, car un échec de l'euro - je pèse mes mots - assurerait inéluctablement le triomphe d'une zone mark élargie et la consécration d'une monnaie unique de fait : le deutschemark. (M. de Villepin applaudit.)
En revanche, l'avènement de la monnaie européenne renforcera notre souveraineté monétaire : nous participerons à la gestion de la devise européenne au lieu de subir, plus ou moins passivement comme aujourd'hui, les décisions de la Bundesbank.
Par ailleurs, la création de la monnaie européenne devrait se traduire par une plus grande stabilité monétaire en raison de la diminution des possibilités de dévaluations, dites compétitives, entre les monnaies des pays membres de l'Union européenne.
En outre, dans un monde caractérisé par la puissance, sans contrepoids, des Etats-Unis et par l'irrésistible ascension de l'Asie, la monnaie européenne, si elle n'est pas surappréciée par rapport au dollar, deviendra l'instrument d'une politique commerciale plus dynamique.
De plus, la monnaie européenne est le gage d'un espace économique caractérisé par de faibles taux d'intérêt propices à une croissance soutenue.
Mes chers collègues, en définitive, la monnaie européenne n'est certes pas l'avatar moderne du veau d'or ; mais elle constitue aujourd'hui un moyen au service de la prospérité économique de notre pays, de son poids politique et de son rayonnement culturel.
Elle représente pour nous un formidable espoir ; ne le laissons pas échapper. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
Faisons taire nos querelles et mobilisons-nous pour lui donner vie.
N'oublions pas que le général de Gaulle comparait la construction européenne à une cathédrale et qu'il estimait qu'« en marchant vers l'unité de l'Europe on marche dans le sens de l'Histoire ». (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
(M. Jean Faure remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ouverture de la discussion budgétaire au Sénat revêt pour moi, vous le comprendrez bien, une particulière importance, et je tiens à vous dire combien je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
Tout d'abord, je remercierai M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances de l'analyse qu'ils viennent de présenter du projet de loi de finances pour 1997.
Ils ont mis en perspective ce projet de budget, et les appréciations extrêmement positives qu'ils ont formulées à son sujet nous vont droit au coeur.
Naturellement, l'assainissement des finances publiques n'est pas en soi un projet politique. Mais il n'est pas de projet politique qui fasse l'économie d'un assainissement des finances publiques.
Notre projet politique, c'est de contribuer à la croissance, à l'emploi et ainsi à lutter efficacement contre le chômage et pour la cohésion sociale.
Pour le mener à bien, nous devons, avec détermination, tenir les dépenses publiques, dont le niveau faisait courir un risque d'asphyxie à notre économie.
En fait, nous devons répondre à trois impératifs : maîtriser la dépense publique, réduire le déficit public et alléger le poids de l'impôt.
Si nous sommes confrontés à des contraintes budgétaires, nous sommes également liés par des contraintes monétaires et, à cet égard, j'ai entendu avec intérêt les observations de M. le président de la commission des finances.
Quelles sont les bonnes parités ? Comme je l'exprimais voilà tout juste une semaine devant la commission des finances, la commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères et la délégation du Sénat pour l'Union européenne réunies, pour moi, la bonne parité est celle qui nous apporte les taux d'intérêt les plus faibles. C'est la condition du développement économique et, donc, de la création d'emplois.
Comme l'a rappelé M. Poncelet, les taux d'intérêt à dix ans sont inférieurs à 6 %, puisqu'ils s'établissent aujourd'hui à 5,82 % en France et à 5,83 % en Allemagne. Qui peut dire, dans ces conditions, qu'il serait nécessaire de décrocher le franc par rapport au mark ?
Nous sommes dans une communauté et toute modification des parités ne peut donc être désormais qu'une décision collective.
Depuis un an, le dispositif de passage à la monnaie unique s'est considérablement accéléré : il ne saurait donc être question de prendre une décision unilatérale.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. M. le Premier ministre et M. le chancelier Kohl ont réaffirmé cet après-midi qu'il n'y avait pas matière à modifier la parité actuelle du franc et du mark.
La question de la parité peut se poser par rapport au dollar.
Il est vrai qu'aujourd'hui le dollar dispose de marges d'appréciation. Pour ma part, je n'ai cessé de le dire depuis un an. Mais, si l'économie française peut, en effet, souffrir de ces marges d'appréciation du dollar, c'est parce que les entreprises françaises qui exportent sont, la plupart du temps, obligées de libeller leurs factures dans cette monnaie. Et voilà pourquoi il nous faut nous doter le plus rapidement possible d'une monnaie unique reconnue sur le plan mondial : l'euro. Les entreprises françaises pourront alors libeller leurs factures dans la même unité monétaire que celle qui rémunère le coût du travail et l'ensemble des facteurs de production.
En outre, avec l'euro, nous neutraliserons l'aléa monétaire pour les deux tiers de nos échanges extérieurs, puisque nos échanges avec les pays de l'Union économique et monétaire représentent les deux tiers de notre commerce extérieur.
Ainsi, avec l'euro, nous nous donnons les moyens de la stabilité monétaire, nous pouvons mettre en perspective les investissements. Les bonnes conditions sont alors réunies pour l'investissement, la croissance et l'emploi.
Voilà donc les raisons qui, me semble-t-il, nous font obligation de tenir le cap. Nous sommes dans la bonne direction parce que nos taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas.
Sans doute le temps de l'argent cher est-il révolu. Ainsi, les Français, tous les Français, pourront accéder au crédit...
M. Paul Loridant. Avec les bas salaires ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... dans des conditions qui leur permettront de réaliser des acquisitions, d'investir et d'aller de l'avant.
M. Paul Loridant. Quand on s'endette, il faut pouvoir rembourser !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Oui, je le répète : le cap choisi est le bon, nos taux d'intérêts n'ont jamais été aussi bas.
M. Josselin de Rohan. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la bonne parité est celle qui nous donne les taux les plus faibles.
M. Paul Loridant. Ce ne sont pas les taux réels !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. J'ai constaté, à chaque fois que le franc se dépréciait, qu'immédiatement les taux d'intérêt augmentaient.
Est-ce cela que nous voulons pour l'avenir ? Certainement pas. Il fut un temps où, certes, l'inflation accompagnait notre progression économique. Mais nous sommes définitivement sortis de l'inflation et nous avons besoin des taux d'intérêt les plus faibles qui soient.
Le débat monétaire ne saurait dissimuler l'exigence de réformes structurelles. Notre préoccupation première, dans une économie qui s'est aujourd'hui largement globalisée, mondialisée, c'est la compétitivité. Or, peut-on douter de la compétitivité des entreprises françaises ? Non, si l'on en juge par l'excédent commercial dégagé.
En 1996, selon toute vraisemblance, notre excédent atteindra un niveau record, de l'ordre de 120 milliards de francs. En fait, nos problèmes de compétitivité découlent de la difficulté que nous avons à procéder à des réformes. Nous devons accepter de réformer nos structures économiques pour devenir plus compétitifs et être en mesure d'utiliser au mieux toutes nos chances. Nous devons ensuite engager résolument la décrue fiscale pour libérer les initiatives et créer des emplois.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme économique serait inopérante sans une profonde réforme de l'Etat. Nous devons recentrer l'Etat sur ses missions essentielles, sur ses missions régaliennes. C'est une dérive fâcheuse qui a conduit, ces dernières années, à élargir la sphère publique, et il faudra en conséquence conduire les privatisations à leur terme. L'Etat n'a pas vocation à être l'actionnaire d'entreprises du secteur marchand. Certes, les privatisations que nous devons réaliser deviennent difficiles parce que les entreprises en cause ont souffert d'un actionnaire qui ne participait pas au financement de leur développement, qui a laissé s'accumuler les pertes et qui n'a pas toujours procédé aux restructurations destinées à améliorer la compétitivité. Il faut lucidement, courageusement procéder à ces privatisations en expliquant bien ces démarches, afin que nos compatriotes les comprennent et les assument.
Nous devons être en mesure de répondre à une question toute simple : combien coûte tel service public, combien coûte le fonctionnement de telle administration, de tel département ministériel ? Nous avons à lutter contre toutes les formes d'opacité et à privilégier la transparence.
J'ai ouvert le chantier de la gestion patrimoniale pour qu'enfin la représentation nationale puisse mieux appréhender la réaliter de ce patrimoine et que le budget ne laisse pas prise à telle ou telle suspicion d'utilisation d'éléments du patrimoine pour contribuer à l'équilibre. Nous devons tous avoir une vision sincère du patrimoine collectif.
M. Philippe Marini. Vaste chantier !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous devons en outre oeuvrer pour la simplification, pour la déconcentration la plus large possible car c'est sur le terrain que la transparence est totale, alors que la remontée systématique d'un trop grand nombre de dossiers dans les administrations centrales est facteur d'inertie, d'incompréhension et, parfois, de perte d'énergie et de gâchis.
Nous avons engagé des réformes dans les établissements publics ; je pense à la SNCF, à France Télécom, aux industries d'armement. Nous voulons également assurer la pérennité de nos grandes institutions ; je pense à la sécurité sociale et aux armées.
Si la réforme des structures est une priorité absolue, nous devons aussi veiller à libérer les énergies.
Le premier grand chantier qu'a ouvert à cette fin le Premier ministre, et auquel participent tous les membres du Gouvernement, c'est celui qui consiste à offrir les conditions de la réussite aux petites et moyennes entreprises : par l'allégement des charges, par la simplification des formalités, par une plus grande sécurité juridique et fiscale - je pense aux procédures de rescrit que vous avez proposées au printemps dernier, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions économiques et financières - par l'allégement du coût de transmission des entreprises - c'était l'objet d'amendements présentés par le rapporteur général à l'occasion de l'examen du même projet de loi - par la constitution d'une banque de développement pour les PME, afin de favoriser leur essor et de faciliter le financement des entreprises nouvelles.
Deuxième grand chantier pour libérer les énergies : la réforme de l'impôt sur le revenu, afin que ceux qui travaillent ne subissent pas une sorte de confiscation du fait du poids de cet impôt.
Au cours des dernières années, on avait, d'une certaine façon, déplacé le curseur en allégeant l'impôt frappant les revenus de la rente, les revenus des placements, au détriment du travail. Eh bien, il s'agit aujourd'hui d'alléger l'impôt qui pèse sur les revenus du travail, les revenus des salariés, des travailleurs indépendants, de ceux qui entreprennent, qui investissent, qui vont de l'avant, qui contribuent à la croissance et à la création d'emplois.
Le troisième chantier, c'est l'institution de fonds d'épargne retraite. Dans presque tous les grands pays modernes, de tels fonds permettent de drainer une masse d'épargne considérable.
Le débat parlementaire sur cette question s'est ouvert à l'Assemblée nationale le 30 mai dernier, avec l'examen d'une proposition de loi. Il aurait pu, au demeurant, s'ouvrir au Sénat, puisque M. Marini et quelques-uns d'entre vous avaient déposé un texte pratiquement identique. Quoi qu'il en soit, il n'a pas été possible de mener cette discussion à son terme lors de la précédente session. Elle a repris voilà tout juste deux heures.
J'ai bon espoir que, dès ce soir, l'Assemblée nationale aura achevé la première lecture de cette proposition de loi et que nous disposerons ainsi bientôt d'un texte mettant bien en évidence la profonde convergence qui existe entre le Gouvernement et le Parlement, ainsi que l'exemplarité de leur travail de concertation.
Grâce à ce texte, nous pourrons apporter un surcroît de sécurité aux salariés, dans la perspective de leur retraite, et, en même temps, nous permettrons à des fonds d'épargne de contribuer au financement des entreprises, c'est-à-dire de l'économie productive.
Il s'agit bien là d'une innovation majeure, qui a précisément pour objet de libérer les énergies.
M. Philippe Marini. Excellente réforme !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. L'assainissement des finances publiques a suscité quelques incompréhensions en 1995. Mais il a fallu, si j'ose dire, mettre les pendules à l'heure... (M. le président de la commission et M. le rapporteur général sourient.) Tant M. Lambert que M. Poncelet ont rappelé les données de cette problématique, faisant justice de mauvais procès : il s'agissait de ramener le niveau des prélèvements à sa juste mesure.
Il convenait tout d'abord d'alléger les charges sociales pesant sur les salaires les plus modestes, pour contribuer au développement de l'emploi et à l'amélioration de la compétitivité dans les secteurs économiques où les salariés sont nombreux et donc menacés par des opérations de délocalisation.
Il fallait également remettre à niveau les comptes sociaux ; c'était une nécessité vitale pour la pérennité de notre système de protection sociale.
Il était non moins impératif de réduire le déficit de l'Etat. Puis-je rappeler que celui-ci a atteint, en 1994, 5,6 % de la richesse nationale ? En 1995, grâce aux mesures qui ont été prises au cours de l'été, cette proportion a été ramenée à un peu moins de 5 %, ce qui nous permet d'espérer qu'elle se situera à 3 % en 1997.
Bien sûr, cela fait planer le risque d'une altération de la croissance et d'une restriction de la consommation. C'est pourquoi différentes dispositions ont été prises au cours de l'année 1996 pour alléger l'impôt en faveur de ceux qui investissent, de ceux qui consomment, de ceux qui contribuent à la création d'un parc de logements locatifs. Il s'agit de mesures de soutien à l'activité.
De la même façon, en 1997, si vous le voulez bien, nous allons débloquer 15 milliards de francs, correspondant à des primes accumulées sur des plans d'épargne populaire ouverts en 1990. Ce sont donc 15 milliards de francs qui seront mis à la disposition de foyers modestes. Je rappelle que 1,7 million de foyers sont exonérés d'impôt sur le revenu. Ces 15 milliards de francs ne dégraderont pas le déficit budgétaire puisqu'il s'agit de sommes provisionnées au fil des exercices budgétaires.
Tout cela nous place dans de bonnes perspectives de croissance.
Certes, le premier semestre a été décevant, mais le second fait apparaître des signes très encourageants et les statisticiens tablent sur une tendance de croissance moyenne de 2 %, ce qui conforte la prévision que j'ai retenue pour 1997, à savoir 2,3 %.
La réforme de l'impôt, ce sont 75 milliards de francs d'allégements sur cinq ans - et je rappelle que l'impôt sur le revenu « rapporte » 300 milliards de francs par an -, dont 25 milliards de francs dès 1997.
Le choix qui a été opéré est socialement juste et économiquement efficace. Il doit nous permettre de convaincre les contribuables français que notre système n'est pas une « centrifugeuse » qui risquerait de conduire à une délocalisation des assiettes fiscales et, quelquefois, des activités.
Ce dispositif est favorable au travail, aux familles, en particulier aux familles nombreuses. C'est donc une mesure qui va dans la bonne direction, et j'ai été particulièrement sensible aux appréciations qu'ont portées MM. Poncelet et Lambert à ce sujet.
Pouvions-nous aller plus vite ? Certes, nous voudrions alléger l'impôt plus massivement encore, mais nous devons respecter l'objectif de réduction du déficit. Si les années qui viennent font apparaître des marges d'allégement des impôts, nous aurons ensemble à en débattre. M. Lambert a souhaité que, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, puisse s'engager une discussion sur les grandes orientations fiscales ; ce sera le cas dès le printemps prochain.
MM. Christian Poncelet, président de la commission des finances, et Alain Lambert, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous pourrons alors évoquer d'autres impôts qu'il conviendrait d'alléger, des impôts sur la consommation, notamment.
Dans le projet de loi de finances tel qu'il vous est soumis, le solde budgétaire s'élève à 284,8 milliards de francs. La discussion à l'Assemblée nationale s'était ouverte avec un solde de 283,7 milliards de francs. Je compte sur le Sénat pour nous aider à revenir à l'objectif initial. Je ne doute pas que les discussions qui vont s'ouvrir permettront de tendre vers cet objectif. Le Gouvernement se prêtera de bonne grâce à toutes les actions qui pourront contribuer à l'atteindre.
A ce stade de mon intervention, je souhaite rendre hommage à une initiative de M. le rapporteur général : il est bon, en effet, que chacun ait constamment à l'esprit ce que représente la dépense fiscale, de manière à se montrer éventuellement plus prompt à faire disparaître tel ou tel élément de dépense fiscale qui aurait perdu de son utilité. C'est parce que nous réduirons la dépense fiscale que nous pourrons faire baisser les barèmes d'impôt ; c'est dans ces conditions que nous aurons des impôts plus simples, plus compréhensibles et que, sans doute, nous obtiendrons une meilleure adhésion civique à l'impôt.
M. le rapporteur général s'est interrogé sur le niveau des crédits de rémunérations et il s'est demandé s'ils seraient suffisants.
Les crédits de rémunérations et de pensions ont été évalués, dans le projet de budget pour 1997, en fonction de la valeur du point en vigueur, soit 322,44 francs.
Ils permettront une progression de la rémunération moyenne des personnels en place, avant toute mesure générale de revalorisation des traitements dans la fonction publique, de 2,8 % en 1997, soit un gain de pouvoir d'achat de 1,5 %, compte tenu de l'incidence des protocoles catégoriels pluriannuels, qui représentent 0,6 point, et de l'effet des avancements et des promotions, qui représentent 2,2 points.
Il faut souligner que ce gain de pouvoir d'achat est d'ores et déjà supérieur à celui qui a été enregistré au cours de la majorité des années quatre-vingt. L'extraordinaire ralentissement de l'inflation ne doit pas nous faire perdre de vue que l'avancement automatique et les promotions prennent désormais une part prépondérante des gains de pouvoir d'achat des agents publics.
Le financement de l'augmentation des rémunérations dans la fonction publique en 1997 pourra également être assuré par des provisions inscrites au budget général et au budget de la défense.
Je peux rassurer le Sénat : les moyens de financer à leur juste niveau les rémunérations des fonctionnaires figurent bien dans le projet de budget pour 1997.
Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur général, les incertitudes qui planent sur le coût budgétaire de la mesure d'allégement des charges sociales tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction du temps de travail, en application de la loi de Robien. Huit cents millions de francs sont inscrits à ce titre dans le projet de budget pour 1997.
Il est exact que de nombreuses entreprises semblent intéressées par le dispositif qu'a institué la loi du 11 juin 1996. Des accords ont d'ores et déjà été signés avec les responsables syndicaux. Néanmoins, les négociations continuent au sein des entreprises et il est difficile de vous indiquer aujourd'hui le nombre exact d'accords qui seront signés en 1997.
La dotation inscrite permet de financer un nombre substantiel d'accords. Les engagements de l'Etat seront tenus et il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif.
S'agissant des recettes de privatisation, le projet de loi de finances pour 1997 prévoit l'inscription de 27 milliards de francs de produits de cession, au titre, notamment, de l'ouverture du capital de France Télécom, qui devrait constituer, et de loin, la principale source des recettes de cession de titres de l'Etat. Il ne s'agit là, je le souligne, que d'une prévision : les produits attendus de cette opération dépendront de la quotité des titres vendus et de la valorisation de l'entreprise, qui, bien entendu, ne sont pas définies ni même clairement évaluées aujourd'hui.
Je confirme que ces opérations de mise sur le marché devraient intervenir au printemps prochain.
La situation difficile des entreprises du secteur public justifie que l'ensemble des recettes de cession attendues en 1997 soit affecté à leur profit ; elles en ont, croyez-moi, bien besoin ! A ce titre devraient notamment être bénéficiaires de dotations et avances d'actionnaires de l'Etat l'établissement public Réseau ferré national, RFN, lorsqu'il aura été créé par la loi,...
M. Jean-Pierre Masseret. Ce n'est pas encore fait !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... Charbonnages de France, GIAT-Industries et les structures de défaisance du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.
Il n'est pas possible d'être aujourd'hui plus précis sur la répartition de ces sommes, mais naturellement, dès que je disposerai d'éléments d'information, je ne manquerai pas de les tenir à votre disposition.
Certains peuvent s'interroger sur le point de savoir si ces dotations seront suffisantes pour faire face aux besoins en fonds propres auxquels sont aujourd'hui confrontés les entreprises publiques. Je voudrais souligner que jamais l'effort consenti pour les entreprises publiques n'aura été aussi important : en incluant les dotations envisagées pour 1997, au total, près de 120 milliards de francs y auront été consacrés sur la période 1993-1997, dont plus de la moitié en 1996 et 1997.
Si l'Etat est prêt à faire cet effort, c'est soit pour assurer dans de bonnes conditions le transfert de certaines entreprises publiques du secteur public au secteur privé, soit pour accompagner d'autres entreprises publiques dans leurs efforts de redressement.
Enfin, si l'Etat remplit ainsi son devoir d'actionnaire, il ne faut pas oublier que, en cette période de ressources budgétaires rares, les entreprises qu'il aide ainsi doivent également être bien gérées et qu'elles sont tenues à la compétitivité pour contribuer au développement de l'économie de notre pays.
Vous avez également souhaité des détails, monsieur le rapporteur général, sur les 60 milliards de francs d'économies réalisées par le Gouvernement. Le ministre délégué au budget, Alain Lamassoure, développera tout à l'heure les mesures que nous avons prises pour parvenir à ce résultat.
Je dirai simplement que le Premier ministre a dû faire preuve, comme chacun des membres du Gouvernement, - aucun secteur n'a été écarté - d'un grand volontarisme politique, tout en dégageant quelques priorités telles que l'emploi.
S'agissant des réformes structurelles, le nombre d'agents civils de l'Etat sera réduit l'an prochain de 5 600, tous les départs d'agents de l'Etat à la retraite n'étant pas compensés.
En ce qui concerne la défense, le plan de professionnalisation des armées nous conduit à des créations de postes en contrepartie de la réduction du nombre d'appelés.
J'entends dire que nous n'avons pas fait assez, mais souvenez-vous que c'est la première fois depuis dix ans qu'un gouvernement procède à des réductions d'effectifs dans la fonction publique.
En fait, si nous voulons maîtriser les dépenses d'administration générale, nous devons maîtriser les dépenses liées à la fonction publique qui représentent plus de 600 milliards de francs, soit 40 % du budget.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement propose un effort étalé sur plusieurs années en faveur d'une amélioration de la productivité de l'administration par une réduction des effectifs dans les secteurs où une telle réduction est possible. Ainsi, 5 600 suppressions d'emplois civils sont prévues en 1997. A ce sujet, permettez-moi d'apporter quelques précisions complémentaires.
Tout d'abord, le ministre de la fonction publique a négocié avec les syndicats de fonctionnaires un accord qui permettra des embauches en contrepartie du départ anticipé à la retraite de certains fonctionnaires. Ainsi, 15 000 emplois seront concernés. Dans ces conditions, le nombre des recrutements de jeunes pourra, en 1997, être maintenu au niveau de 1996, en dépit de la réduction des effectifs.
Enfin, je souhaite répondre aux interrogations de M. le président de la commission des finances à propos des collectivités locales. Depuis près de vingt ans, la taxe professionnelle est, comme on dit, un sujet qui fâche et qui altère les relations entre les élus et les entreprises. Nous devons donc nous mettre au travail et constituer un groupe de réflexion pour discerner ce qu'il est possible de faire et ce qui ne l'est pas.
Au fil des années, nous avons imaginé des abattements, des écrêtements et des réductions. Ces mesures ont eu des effets limités et souvent pervers. Certes, rien ne vaut une croissance plus élevée et une maîtrise des dépenses publiques locales par la réforme afin de faire baisser le montant des impôts que nous devons mettre en recouvrement pour équilibrer les budgets.
Nous devrons mettre à profit l'année prochaine pour présenter des propositions et, surtout, mettre un terme à certains débats qui ouvrent de fausses fenêtres ou créent de vaines espérances. Permettez-moi de rappeler l'importance des compensations qui sont versées par l'Etat et qui instituent en quelque sorte une confusion des genres.
Les règles du jeu - il faut insister sur ce point - doivent être transparentes. Tel est l'esprit dans lequel nous avons conclu le pacte de stabilité budgétaire, et je vous remercie d'avoir bien voulu confirmer que nous tiendrons, en 1997, l'engagement que nous avions pris.
Nous avons dû diminuer la dépense publique, tout en maintenant la progression des crédits transférés aux collectivités territoriales.
L'inclusion dans le projet de loi de finances initial pour 1997 d'une mesure tendant à limiter le versement de l'Etat aux collectivités locales au titre de la réduction pour embauche et investissement traduisait assez clairement les difficultés auxquelles M. Lamassoure et moi-même avons été confrontés pour équilibrer le projet de budget.
Notre initiative n'ayant pas été accueillie favorablement à l'Assemblée nationale, nous aurions pu être tentés de la reprendre dans une configuration allégée.
M. René Régnault. Vous n'auriez pas été mieux traités !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Mais, après avoir écouté M. le président de la commission des finances, je crois que le Sénat, en sa qualité de grand conseil des communes de France, n'aurait pas accepté une telle proposition. Je vous confirme donc que le Gouvernement n'a pas l'intention de reprendre l'initiative en la matière.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Tant mieux !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous voulons respecter intégralement le pacte de stabilité financière conclu entre l'Etat et les collectivités territoriales.
M. René Régnault. Elles ne l'ont pas signé !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. L'Assemblée nationale a proposé une revalorisation de 1,1 % des bases foncières des impôts locaux. Si les élus veulent bien maintenir les taux de 1996 en 1997, le produit fiscal progressera de 1 %.
Je confirme, par ailleurs, que le Gouvernement a bien l'intention de poursuivre la concertation avec le Comité des finances locales afin de proposer une révision des valeurs cadastrales.
Compte tenu du temps nécessaire pour mener à son terme ce travail législatif et maîtriser les difficultés techniques, notamment informatiques, l'échéance la plus probable se situera au 1er janvier 1999. Si tout se réalise dans les meilleures conditions, nous serons donc en mesure de mettre en oeuvre cette réforme le 1er janvier 1999.
M. Philippe Labeyrie. Vous ne serez plus là ! (Sourires.) M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Enfin, la baisse des taux d'intérêt permettra d'alléger de 6 500 millions de francs la charge de la dette qui pèse sur l'ensemble des collectivités territoriales. Il s'agit d'une première étape. En effet, au fil des années, les emprunts seront renégociés ; ceux qui ont été conclus à des taux élevés disparaîtront progressivement et nous tirerons les pleins effets de cette réduction des taux d'intérêt.
Dans un souci de transparence, j'ai souhaité que le budget de l'Etat soit dorénavant présenté en distinguant les sections de fonctionnement et d'investissement.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. On pourrait croire qu'il s'agit là d'une simple question de forme. Mais il est des questions de forme qui permettent de traiter des questions de fond. C'est en identifiant clairement la nature de nos déficits que nous pourrons le plus efficacement les conjurer.
A cet égard, nous devons être attentifs au niveau du déficit de fonctionnement. Il est plus facile de renoncer à une dépense d'investissement que de remettre en cause les dépenses de fonctionnement. Or, prenons garde ! Si nous ne sommes pas capables de conduire efficacement cette réforme structurelle, nous risquons d'altérer le niveau de nos investissements.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et l'avenir !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Certes ! Il est donc urgent de faire disparaître le déficit de fonctionnement et de prélever sur les sections de fonctionnement les ressources nécessaires au remboursement des emprunts contractés antérieurement et venant à échéance. En agissant ainsi, nous mettons un terme à ce que Jacques Rueff aurait appelé nos « péchés budgétaires ».
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui sur ce projet de budget pour 1997, que j'ai qualifié de tournant, et ce n'est pas un exercice de style. Je tiens à saluer les initiatives prises par le Sénat en matière de réforme, qu'il s'agisse de la procédure budgétaire, entamée dès le printemps devant le Parlement, ou de la discussion générale du projet de loi de finances puisque le rapporteur général et le président de la commission des finances sont intervenus avant le Gouvernement, permettant ainsi à celui-ci de répondre à leurs observations.
On pourra toujours nous objecter qu'il était possible de faire mieux en matière budgétaire. Je pense, quant à moi, que nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions sans perdre de vue le développement économique et la cohésion sociale.
Ce budget vient à l'appui d'un projet : nous voulons remettre l'économie française sur les bons rails. A cette fin, nous n'avons pas d'autres moyens que de ramener nos déficits à de plus justes proportions et d'organiser pour nos concitoyens la décrue fiscale qu'ils attendent avec tant d'impatience.
Ainsi, nous créons les conditions d'une confiance véritable et nous nous mettons en bonne position pour la monnaie unique qui est une chance immense pour notre économie car elle écartera les risques de fluctuations monétaires que nous subissons aujourd'hui.
Je voudrais, pour conclure, insister de nouveau sur la solidité des engagements que nous venons de prendre.
En 1995, notre objectif était de contenir le besoin de financement des administrations en deçà de 5 % du produit intérieur brut. Cet objectif a été tenu. Cette année, notre objectif est de 4 %. La loi de finances rectificative qui vous sera soumise dans quelques semaines confirmera cet objectif, qui sera tenu.
En 1997, nous souhaitons passer sous la barre des 3 % de déficit. Le cap est fixé ; nous ferons tout pour le tenir car c'est le cap de la confiance, de la croissance et de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le ministre de l'économie et des finances vous a présenté le cadre macro-économique de ce projet de loi de finances pour 1997, ainsi que les principales orientations de la réforme fiscale et les grands choix budgétaires que reflète ce texte.
Pour ma part, comme l'ont souhaité M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, je passerai rapidement en revue les principaux choix politiques en matière de dépenses.
Lors du débat d'orientation budgétaire qui s'est instauré au printemps, vous nous aviez invités à chercher des gisements d'économies susceptibles d'équilibrer le budget de l'Etat. Nous en avons identifié une demi-douzaine et nous avons essayé, suivant vos conseils, de dépenser moins et de dépenser mieux.
Le premier gisement d'économies réside dans la dette. Grâce à la baisse des taux d'intérêt, mais aussi à une gestion plus dynamique de la dette de l'Etat, qui avait été souhaitée par plusieurs d'entre vous, notamment par M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et M. Fourcade, nous allons pouvoir économiser 12 milliards de francs par rapport aux prévisions que nous avions faites au printemps dernier.
Ainsi, nous avons inscrit dans le projet de budget pour 1997, au titre de la dette, 232 milliards de francs. Cette somme est élevée mais, je le répète, elle est moins importante que nous ne l'avions prévu.
Le deuxième gisement d'économies réside dans la contribution de la France au budget européen. Grâce à une relative sous-exécution de ce budget en 1996, et, surtout, au vote, en deuxième lecture, par le Conseil des ministres européen et, en première lecture, par le Parlement européen d'un projet de budget pour 1997, qui tend à reconduire purement et simplement les dépenses de 1996, nous pourrons réduire de 9 milliards de francs notre contribution au budget européen. Celle-ci s'élèvera donc, l'année prochaine, à 87 milliards de francs.
Le troisième gisement d'économies réside dans la politique de défense. Plusieurs années après nos principaux partenaires, en particulier nos principaux alliés de l'OTAN, nous avons tiré les enseignements de la fin de la guerre froide. Nous avons donc modifié notre politique de défense, y compris notre service national, et réduit de quelque vingt milliards de francs nos dépenses militaires annuelles par rapport à la période précédente.
Cela dit, et je tiens à insister sur ce point, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, la France n'abaisse pas sa garde. En effet, si nous nous référons aux chiffres de l'OTAN et si nous comparons le budget de 1987 avec le projet de budget pour 1997, nous constatons que la part des dépenses militaires par rapport au produit intérieur brut passera, en France, de 3,9 % à 3 %. Dans le même temps, elle est passée de 4,5 % à 3 % en Grande-Bretagne, de 3 % à 1,7 % en Allemagne - les dépenses militaires de cet Etat sont deux fois moins élevées que les nôtres - et de 6,5 % à 3,7 % aux Etats-Unis.
Ainsi, d'une manière peut-être paradoxale, la France consacre aujourd'hui à la défense relativement plus de moyens que ses alliés.
Les économies que nous réalisons ne nous empêchent toutefois pas de maintenir nos dépenses d'équipement à un haut niveau, puisqu'elles atteignent 89 milliards de francs dans le projet de budget pour 1997.
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas assez !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. S'agissant de la force nucléaire stratégique, nous pourrons, après la mise en service cet automne du Triomphant, financer, l'année prochaine, deux autres sous-marins nucléaires lance-engins de nouvelle génération, le Téméraire et le Vigilant, le développement du futur missile M 51 et du futur ASMP. Nous pourrons également livrer trente-trois chars Leclerc et assurer quarante-quatre commandes de ce char. Nous pourrons, enfin, affecter 3,6 milliards de francs au programme Rafale tout en poursuivant l'industrialisation de l'hélicoptère Tigre et le développement de l'hélicoptère de transport NH 90.
Dans le même temps, nous mettrons en place le fonds de professionnalisation de la défense auquel sera affecté 9 milliards de francs.
Comme l'indiquait M. le ministre de l'économie et des finances, la réforme de notre système militaire se traduira, l'année prochaine, par la suppression de 32 000 emplois d'appelé, de 1 500 emplois de sous-officier et de 850 emplois civils. En contrepartie, 7 500 emplois d'engagé seront créés, ainsi que 67 emplois d'officier. (MM. Genton et de Villepin applaudissent.)
En même temps sont mis en oeuvre les moyens financiers pour contribuer à la réindustrialisation des bassins d'emploi touchés par ces économies : une vingtaine de régiments seront dissous l'année prochaine et huit bâtiments de surface seront désarmés, mais, en contrepartie, des dispositifs permettront d'aider à la création d'emplois ; je veux parler du fonds de restructuration des entreprises de défense, le FRED, à hauteur de 950 millions de francs, ainsi que des crédits européens, à savoir les 100 millions de francs du programme CONVER et les 100 millions d'écus versés au titre de l'objectif II européen qui pourront être spécialement affectés aux régions touchées par la restructuration et la reconversion de nos activités de défense.
Les aides à la création d'emplois constituent un autre gisement d'économies. C'est un sujet dont nous avions longuement discuté lors du débat sur les orientation budgétaires et à propos duquel il y avait et il y a toujours unanimité chez les partenaires sociaux, depuis la CGT jusqu'au CNPF, pour considérer que les systèmes d'aides à l'embauche et à l'emploi sont trop nombreux - on en compte quarante-quatre au total - trop coûteux et insuffisamment efficaces.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Nous avons pris un certain nombre de mesures, soit de suppression - je pense à l'aide au premier emploi des jeunes - soit de concentration des aides sur les personnes qui en ont le plus besoin - je pense à l'aide à la création d'entreprises par les chômeurs, au contrat initiative-emploi, à l'allocation formation-reclassement et à l'allocation de soutien spécifique pour les chômeurs en fin de droits, de manière à réaliser 20 milliards de francs d'économies par rapport à la tendance spontanée du budget.
Enfin, le dernier grand gisement d'économies concerne les dépenses d'administration générale.
Bien entendu, parmi ces dépenses figurent d'abord les frais de fonctionnement et ce que l'on appelle familièrement le train de vie de l'Etat. Rien n'est plus populaire, dans un débat public, que de s'en prendre au train de vie de l'Etat ! Dans ce domaine, nous réduisons de 5 % en francs courants les moyens de fonctionnement ordinaires, qui ne représentent cependant que 40 milliards de francs sur un budget de 1 550 milliards de francs. Comme les gouvernements précédents s'étaient également engagés dans un effort de réduction, en réalité, cela n'apporte pas grand-chose.
La clé de la maîtrise du budget de l'Etat, c'est la maîtrise des dépenses de personnels, qui représentent 600 milliards de francs, soit 40 %.
Dans un premier temps - l'année dernière - nous avons eu recours à une méthode qui a consisté à geler le point de la fonction publique. Pour autant, les dépenses de la fonction publique ont augmenté de plus de 3 %.
Aujourd'hui, nous nous proposons d'entrer dans une logique différente : l'Etat doit participer aux efforts de productivité qui ont été accomplis par les collectivités locales et, depuis longtemps, par les services administratifs des entreprises.
En contrepartie de la réduction des effectifs, non pas aveugle et forfaitaire dans l'ensemble des administrations et des ministères, mais étudiée au cas par cas dans chacune de ces administrations, nous proposons d'intéresser, en quelque sorte, les agents aux dividendes des progrès de productivité en augmentant leur rémunération au fur et à mesure que ces progrès se manifestent.
Tandis que 5 600 emplois civils seront supprimés l'année prochaine, M. Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, engagera des négociations avec les organisations syndicales sur le niveau des rémunérations en 1997. Ces différents gisements d'économies nous ont permis d'économiser, au total, 60 milliards de francs par rapport à ce qu'aurait été la tendance spontanée des dépenses. C'est l'objectif que nous nous étions fixé, vous vous en souvenez, le 22 mai dernier, lors du débat d'orientation budgétaire. En effet, si nous voulons maintenir nos dépenses en francs courants - ce que nous parvenons à faire dans ce projet de budget compte tenu des augmentations automatiques de certaines masses budgétaires - nous sommes obligés de trouver ailleurs 60 milliards de francs d'économies. Voilà qui est fait !
Il faut dépenser moins, mais, en même temps, comme l'a souhaité le Sénat, le 22 mai dernier, il faut s'efforcer de dépenser mieux. A cet égard, je citerai quelques exemples pris dans les principaux secteurs d'intervention de l'Etat montrant que nous avons essayé de dépenser mieux avec un budget qui n'augmente pas globalement.
En premier lieu, la priorité doit être donnée, naturellement, à la politique de l'emploi et à la politique de cohésion sociale.
S'agissant tout d'abord de la politique de l'emploi, 150 milliards de francs y sont consacrés dans le projet de budget pour 1997, dont 47 milliards de francs pour le traitement économique du chômage, notamment pour la réduction des charges sociales sur les bas salaires, c'est-à-dire sur le travail peu qualifié.
Je souhaite insister quelque peu sur ce point : 47 milliards de francs, cela représente l'équivalent du budget de l'enseignement supérieur. Voilà quatre ans, aucun crédit ne figurait sous cette rubrique ! Autrement dit, en quatre ans, nous avons inscrit dans le budget, malgré tous les efforts d'économies que j'ai décrits, un nouveau poste budgétaire équivalent à celui de l'enseignement supérieur, afin de faire prendre en charge par l'Etat une partie des charges sociales afférente aux salaires : elle est comprise entre 1 et 1,33 SMIC, ce qui repésente pour l'entreprise un allègement de 1 160 francs au niveau du SMIC, soit 13 % du coût du travail pour un travail à temps plein et de près de 20 % pour un travail à temps partiel.
Tous les économistes estiment que c'est l'action la plus efficace que l'on peut entreprendre pour un traitement économique du chômage. On évalue à environ 200 000 le nombre d'emplois qui ont été, soit créés, soit sauvés par cette politique, à laquelle nous consacrons donc des moyens très importants.
Sous la rubrique traitement économique du chômage figurent également l'application de la loi de Robien, dont a parlé M. Arthuis, ainsi que l'augmentation importante des moyens consacrés à la formation de jeunes : les crédits affectés à l'apprentissage s'élèvent à 9,5 milliards de francs, ce qui repésente une augmentation de 50 %, et notre objectif est de signer en 1997 220 000 contrats d'apprentissage et 130 000 contrats de qualification.
Dans le même temps, les aides lourdes seront recentrées sur les publics qui ne pourraient pas trouver d'emploi sans des aides exceptionnellement élevées ; je veux parler des contrats initiative-emploi, des contrats emploi-solidarité, des contrats consolidés et des emplois de ville, qui sont des emplois non marchands, financés par l'impôt.
S'agissant, ensuite, de la politique de cohésion sociale, grâce aux efforts d'économies qui ont été consentis, les dotations d'actions importantes ont pu croître de façon substantielle. A titre d'exemple, je citerai les moyens affectés à l'allocation aux adultes handicapés : 22 milliards de francs y seront consacrés, soit une augmention de 7 % en 1997. Par ailleurs - je le disais tout à l'heure en réponse à une question d'actualité posée par Mme Beaudeau - l'aide médicale aux plus démunis croîtra de 17 %. Au total, les crédits consacrés à l'aide sociale augmenteront de 10,5 milliards de francs, soit 5 % de plus par rapport à 1996.
Toujours au titre de la politique de cohésion sociale, les moyens financiers affectés aux nouveaux développements de la politique de la ville croîtront de 30 % : ils représenteront un peu plus de treize milliards de francs l'année prochaine.
Cette politique comporte la mise en oeuvre de moyens différenciés sur l'ensemble du territoire : vous êtes maintenant familiarisés avec les 744 zones urbaines sensibles, les 350 zones de redynamisation urbaine et les 43 zones franches.
Elle comporte également la création de 100 000 emplois de ville, financés essentiellement par l'Etat à raison de 25 000 emplois dès 1996, 25 000 emplois en 1997 et 25 000 emplois pour les deux années suivantes.
Le second objectif du Gouvernement est de dépenser mieux pour soutenir l'activité économique.
M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances ont, à juste titre, critiqué le fait que nos choix budgétaires ont malheureusement amputé l'investissement. C'est la raison pour laquelle M. Arthuis a expliqué qu'il souhaitait que, désormais, à l'image de ce que nous faisons depuis longtemps pour les collectivités locales, le budget de l'Etat distingue une section de fonctionnement et une section d'investissement.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Néanmoins, nous avons consenti des efforts importants pour soutenir l'investissement. A cet égard, je tiens à rappeler les principaux efforts accomplis en matière d'investissement civil.
Tout d'abord, 53 milliards de francs seront consacrés au logement en 1997, avec une réforme du financement de l'accession à la propriété : le prêt à taux zéro. Après un an d'application de cette réforme, 131 000 prêts à taux zéro ont été distribués, contre 55 000 prêts d'accession à la propriété, distribués en 1995, dernière année d'application du système précédent.
Nous proposons également d'engager une réforme très profonde - il s'agira en même temps d'une simplification - des prêts locatifs aidés, les PLA : en 1997, leur nombre restera inchangé par rapport à 1996, soit 80 000, mais la prime sera supprimée et, en contrepartie, le taux de TVA applicable diminuera ; désormais, la construction de logements locatifs sociaux bénéficiera du taux réduit de TVA.
Dans le même temps, nous augmentons les aides personnelles au logement, tout en les réformant pour les rendre plus équitables : 30 milliards de francs y seront consacrés, soit 8 % de plus que l'année précédente.
Nous veillons également à soutenir l'emploi dans l'artisanat du bâtiment, en particulier au travers de l'une des dispositions importantes de la réforme de l'impôt sur le revenu : celle-ci permettra aux contribuables de déduire une partie des sommes qu'ils consacrent à l'amélioration ou aux grosses réparations de leur habitation principale.
Les dotations de 120 000 PALULOS de l'Agence nationale d'amélioration pour l'habitat permettront aussi de soutenir l'activité de l'artisanat du bâtiment.
Sous la même rubrique investissement, je citerai également l'aménagement du territoire, un sujet que vous avez évoqué, monsieur le président de la commission. Sur ce point, le « bleu » de M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, ne paraît pas particulièrement bien fourni.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Il n'est pas satisfaisant !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. C'est peut-être l'un des points dont nous pourrons discuter et sur lequel des améliorations sont possibles. Le Premier ministre vous a donné quelques indications à cet égard, me semble-t-il.
Je vous rappelle que, à côté du « bleu » du ministère de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, l'ensemble des ministères consacrent 63 milliards de francs à la politique d'aménagement du territoire, auxquels s'ajoutent les crédits européens. Je rappelle, en particulier, que pour ce que l'on appelle les zones d'objectif II, c'est-à-dire les zones urbaines touchées par la reconversion industrielle, nous bénéficierons, entre 1997 et 1999, d'un montant de crédits de 13 milliards de francs, soit une augmentation de 17 % par rapport à ce qui était prévu jusqu'à l'année dernière.
Au titre de l'investissement et des activités de soutien à l'économie, je voudrais évoquer aussi, bien entendu, l'agriculture. Le projet de budget de l'agriculture s'élève à 35 milliards de francs. Le Sénat sait que, en matière agricole, c'est le budget européen, par l'intermédiaire du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, qui est le plus important. A cet égard, 56 milliards de francs provenant du FEOGA bénéficieront aux agriculteurs français l'année prochaine.
Naturellement, c'est le secteur de la viande bovine qui est la première priorité, compte tenu de la crise que nous connaissons. Au total, ce sont 7,5 milliards de francs sur financement communautaire ou national qui auront été consacrés en 1996 et 1997 à soutenir le revenu des éleveurs bovins.
M. le ministre de l'agriculture a eu d'autres priorités. D'abord, l'enseignement agricole - auquel, je le sais, le Sénat est très attaché - bénéficiera de crédits qui progresseront deux fois plus que la hausse des prix. En effet, à la différence de ce qui se passe dans l'enseignement général, les effectifs croissent dans l'enseignement agricole, qui donne une formation de qualité et qui débouche sur de véritables emplois. Quatre-vingt-sept créations d'emplois d'enseignant dans l'enseignement public agricole sont prévues l'année prochaine.
L'installation des jeunes constitue également une autre priorité pour M. le ministre de l'agriculture, conformément aux conclusions de la charte nationale d'installation des jeunes que M. le Premier ministre avait signée en novembre 1995. Les crédits des stages préparatoires à l'installation augmentent d'un tiers.
Une autre priorité est la mise aux normes des installations agricoles pour protéger l'environnement et des bâtiments d'élevage, ce que l'on appelle la PMPOA. Les aides aux investissements concernant les bâtiments d'élevage augmenteront de 27 % l'année prochaine.
Enfin, un effort de 300 millions de francs est fait pour les retraites dans l'agriculture. De même, un effort de 170 millions de francs est effectué au profit de l'Office national des forêts, pour l'aider dans la gestion des forêts des collectivités locales.
Il faut dépenser mieux aussi pour les fonctions traditionnelles de l'Etat, c'est-à-dire ses fonctions régaliennes.
J'ai évoqué précédemment la défense, je n'y reviens pas. Je saluerai l'effort d'économies réalisé par le ministère de l'intérieur. Ces économies concernent le personnel, notamment administratif. Elles permettent non seulement d'améliorer l'informatisation, mais également de moderniser la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile. (Exclamations et sourires sur les travées socialistes.)
M. René Régnault. Intra-hexagonale !
Plusieurs sénateurs socialistes. En France !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. J'ai parlé en effet de la sécurité civile.
De plus, a été prévue une augmentation des moyens du ministère de la justice : 24 milliards de francs y seront consacrés et le ministère va économiser 88 millions de francs sur ses moyens de fonctionnement ordinaires. En contrepartie, il pourra ainsi financer des créations d'emplois dont nous avons besoin : 46 emplois de magistrats, 108 emplois dans les greffes, 35 emplois en ce qui concerne l'éducation surveillée et 170 emplois dans l'administration pénitentiaire, notamment 130 emplois pour la mise en service du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly en Guyane.
Je n'évoquerai pas le budget des collectivités locales, que M. le ministre de l'économie et des finances a traité de manière précise.
Il s'agit aussi de dépenser mieux pour la préparation de l'avenir. Je voudrais naturellement citer, je terminerai par là, les montants importants que nous consacrons à l'éducation nationale, à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. René Régnault. Vous supprimez des postes !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le budget de l'éducation nationale, de l'énseignement supérieur et de la recherche s'élèvera à 342 milliards de francs. Il comporte des choix budgétaires, des choix politiques qui n'ont pas été faciles. Priorité est donnée à l'enseignement supérieur puisque, dans ce secteur, les effectifs continuent d'augmenter. Ainsi, on prévoit 13 500 étudiants supplémentaires à la rentrée 1997. Dans l'enseignement supérieur, seront créés 2 700 postes : 1 500 postes d'enseignant, 1 000 postes d'IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers de service - et 200 postes de bibliothécaires.
Pour commencer la mise en place de la réforme de l'enseignement supérieur, nous proposons d'affecter 250 millions de francs à l'expérimentation du tutorat, et une somme identique pour améliorer le statut social des étudiants, notamment pour faire évoluer le régime des bourses. Enfin, 5,5 milliards de francs seront consacrés aux investissements dans l'enseignement supérieur.
En contrepartie, des économies sont réalisées sur l'enseignement primaire et secondaire. En effet, compte tenu de la baisse de la natalité, le nombre d'enfants inscrits dans le primaire et le secondaire diminue de 50 000 chaque année. Aussi, nous réduirons corrélativement de 5 000 le nombre des enseignants du primaire et du secondaire à la rentrée prochaine. Cette mesure n'empêchera ni de maintenir l'ensemble des écoles en milieu rural, conformément aux engagements qui ont été pris, ni d'accroître le taux d'encadrement en zone urbaine, en particulier dans les zones d'éducation prioritaire. Dans le même temps, seront créés 150 emplois de maître d'internat dans les zones urbaines.
Enfin, le budget de la recherche augmente également et 50 milliards de francs sont prévus. Là aussi, un effort de redéploiement important a été réalisé, avec la suppression de 500 postes administratifs dans les grands organismes de recherche. Cela a permis de créer quatre-vingts postes de chercheur et d'augmenter de plus de 4 % les moyens de fonctionnement des bibliothèques universitaires.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques exemples des efforts que nous vous proposons de faire pour dépenser moins et pour dépenser mieux. Ce n'est pas un exercice politiquement facile et, à partir de jeudi prochain, vous examinerez chacun des « bleus », chacun des budgets ministériels. Vous pourrez constater que, sur les trente-huit budgets qui seront soumis à votre vote, vingt-six sont en baisse et douze seulement en augmentation.
Il s'agit d'une politique que notre pays a besoin et qui avait été depuis trop longtemps différée. Si nous voulons soulager l'activité économique, lui redonner du dynamisme, permettre à nos entreprises de créer des emplois, si nous voulons à la fois réduire l'endettement - donc les déficits - et, surtout, la pression fiscale, tout commence par la maîtrise de la dépense. Cela exige du courage. C'est de courage que notre pays a le plus besoin, et c'est ce qui fait le moins défaut à la majorité sénatoriale. C'est pourquoi le Gouvernement se réjouit à l'avance du vote qu'elle émettra. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel. Belle prestation, mais funestes choix ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Très belle prestation, en effet !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 103 minutes ;
Groupe socialiste, 85 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 70 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 54 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 33 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 25 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 15 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. L'attention soutenue, et par instant un peu passionnée, avec laquelle vous avez été écoutés, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, ainsi que vous-mêmes, messieurs les ministres, est une illustration de ce que nous ressentons tous. Ce budget, qui se situe à mi-chemin entre l'élection présidentielle et la prochaine grande consultation des Français, laquelle coïncidera pratiquement avec l'arrivée de la monnaie unique, se doit de clore une époque en en ouvrant une autre.
Il s'agit de clore l'époque du glissement inconscient des Français et de la France, d'ailleurs insuffisamment assumé par ses dirigeants, vers le gouffre d'un surendettement créé sur des dépenses courantes. Je vous remercie, messieurs les ministres d'avoir les premiers exposés, en termes simples et par conséquent compréhensibles pour l'ensemble des Français, la réalité de ce phénomène.
M. Xavier de Villepin. C'est vrai !
M. Paul Girod. Cependant, époque à clore pour époque à clore, pourquoi continuons-nous à penser ou à faire comme si existait des réponses administratives à des problèmes économiques ? J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque nous examinerons le budget du commerce extérieur, mais tous ceux qui tentent désespérément d'entreprendre ou même simplement d'aubaucher pourraient en parler encore mieux que moi s'ils n'étaient trop souvent découragés et parfois écoeurés par la paperasse et la suspicion a priori.
M. Roland du Luart. Effectivement !
M. Paul Girod. Mais époque à clore pour époque à clore, comment être certain de la prise de conscience au plus haut niveau de la nécessité d'arrêter la spirale lorsqu'on continue, de texte en texte, à ajouter des contraintes chaque jour plus dispendieuses en matière de normes ou d'organisation à des collectivités locales dont on laisse trop de responsables fustiger l'évolution fiscale sans se rendre compte qu'on tarit ainsi la dernière et majeure source d'investissement public civil dans notre pays ?
La même réflexion vaut d'ailleurs pour bien des entreprises dont les ambitions positives se trouvent de ce fait trop souvent tronquées, voire découragées.
Il reste, selon moi, bien des réflexions à mener sur le choix des priorités. Le feu financier est à la maison France. C'est tristement vrai, et vous n'en portez pas la responsabilité. Mais quand la maison brûle, pense-t-on à l'embellir ? Ne faut-il pas d'abord songer à la sauver ?
Pour ce faire, messieurs les ministres, ouvrant une nouvelle époque, vous cherchez, dans la clarté, avec honnêteté et courage, à amener les Français à reprendre l'initiative, en commençant à alléger les charges obligatoires qui pèsent sur eux. Vous avez raison. C'est le seul moyen de faire revenir la confiance chez ceux qui peuvent relancer la machine ou cesser de la détériorer, et je pense ici à l'« émigration » fiscale.
Mais au-delà des querelles de chiffres, avec 25 milliards de francs en moins ici et quelques milliards supplémentaires là, ce qui alimentent les conversations et les discours éminents des experts, me vient cette réflexion : pourquoi n'y croyez-vous pas plus ou, ce qui en politique est la même chose, pourquoi donnez-vous le sentiment de ne pas y croire davantage ?
Pourquoi ne pas accélérer les choses et les rendre plus irréversibles encore ? En effet, partant de votre conviction, que vous avez encore réaffirmée voilà quelques instants, messieurs les ministres, de l'efficacité de cette orientation, vous ne semblez pas en escompter d'effets bénéfiques à moyen terme sur l'activité puisqu'une bonne part des hypothèses sur lesquelles vous avez construit votre budget n'intègrent pas, semble-t-il, les conséquences éventuellement positives des décisions que nous allons prendre ensemble.
Ou alors, n'y a-t-il pas ailleurs un autre obstacle, psychologique ou monétaire, dont vous n'admettez pas qu'il est plus difficile à lever et qui est peut-être l'une des véritables raisons de nos blocages et de nos difficultés ?
Un éminent chef d'entreprise qui, de surcroît, se pique non sans raison d'économie me disait un jour que la lutte contre l'inflation en France était d'autant plus nécessaire et difficile que les Français, peuple intelligent et pas toujours pour son bien, assimilaient si bien le phénomène par leurs réflexes d'anticipation qu'ils le rendaient incontrôlable. Malheureusement, la même constatation vaut en sens inverse : dans le doute, dans la peur du lendemain, ce même peuple, transformé en peuple de fourmis, bloque, sans s'en rendre compte, sa propre économie.
Monsieur le ministre du budget, je voudrais vous livrer en toute franchise une réflexion qui ne fera peut-être pas plaisir à M. le ministre de l'économie et des finances : l'argument des taux bas n'a pas de sens ou, à tout le moins, a une importance extraordinairement relative si l'investisseur hésite ou a peur. Je crains que nous ne soyons, pour une bonne part, dans cette situation.
Si vous voulez que l'obstacle psychologique, qui, pour l'instant, freine trop de choses dans ce pays, s'allège, si vous voulez que la machine reparte, que les Français, qui sont les seuls à décider de la réalité de notre avenir économique, consomment ou investissent, libérez davantage leurs initiatives, croyez à ce que vous mettez en place, n'écoutez pas ceux qui, à Bercy ou ailleurs, vous inspirent plus de prudence que d'audace, tout en pensant d'ailleurs, comme sur l'affaire de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, que l'on résout un problème en le retardant !
Un sénateur socialiste. Très juste !
M. Paul Girod. Si gouverner, c'est prévoir, c'est aussi oser. Qui aurait cru, en avril 1958, que l'économie était à la veille de l'expansion qu'on a connue dans les années qui ont immédiatement suivi ? Qui n'a pas eu le souffle coupé devant l'audace de la République fédérale d'Allemagne légitimant d'un seul coup et contre tout raisonnement monétaire classique la valeur du mark oriental ?
Monsieur le ministre, très honnêtement, si je reconnais - et je ne suis pas le seul dans le groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir - la bonne direction générale dans laquelle va votre projet de budget, je regrette néanmoins beaucoup qu'elle ne vous ait pas inspiré plus d'audace optimiste. Ce projet de budget ouvre à mon avis trop timidement les bonnes portes. Je constate que ses priorités à l'éducation, à la solidarité, à la sécurité, à la justice, que vous venez d'ailleurs de rappeler, sont une bonne appréciation des relativités de l'heure.
J'aborderai donc avec mes collègues la discussion dans un esprit constructif, en gardant bien entendu l'espoir d'en améliorer ici ou là le contenu,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Vous l'espérez !
M. Paul Girod. ... même si cet espoir est un peu bridé par la Constitution de la Ve République et l'ordonnance relative aux lois de finances.
Mais, messieurs les ministres, je ne voudrais pas quitter cette tribune sans vous redire ce que je pense profondément : si vous avez raison dans vos orientations, vous n'y croyez cependant pas assez, vous manquez un peu d'audace. Je souhaite donc que vous en ayez davantage et que les mesures que vous prendrez se révèlent efficaces pour notre pays afin que, dans le courant de l'année, nous soyons amenés à constater ensemble qu'on peut aller un peu plus vite que vous ne le croyez, un peu plus loin que vous ne l'espérez et que, la machine étant repartie, nous ayons devant nous des années d'intégration européenne qui dépasseront ce que l'on peut en attendre.
Voilà, je crois, le grand service que l'on peut rendre à notre pays ; mais, encore une fois, pour l'amour du ciel, osez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, je dirai que, comme la majorité de mes collègues non inscrits, je voterai en faveur du projet de budget qui nous est soumis.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Adnot. Je le ferai, car je pense qu'il va dans la bonne direction, qu'il s'inspire de bons principes, et, surtout, qu'il essaie de faire au mieux dans un contexte difficile. Est-ce pour autant qu'il nous donne entière satisfaction ? Non, et j'aurai l'occasion d'y revenir.
Ce projet de budget s'inspire de bons principes, car, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les dépenses y sont contenues pour la première fois, ce qui permet de stopper la dérive des déficits publics. Mais, s'il arrête la dérive, il ne la réduit pas, ce qui veut dire que, l'an prochain, l'endettement sera non plus de 3 500 milliards de francs, mais de 3 800 milliards de francs.
Il va dans la bonne direction : en effet, monsieur le ministre, en amorçant la réforme fiscale, vous indiquez très nettement votre volonté de diminuer le montant des prélèvements, handicaps à notre compétitivité, témoins criants des rigidités d'un pays suradministré.
Il essaie de faire au mieux dans un contexte difficile : je trouve extraordinaire l'absence de mémoire ou l'aveuglement de tous ceux qui ne voient pas que vous êtes obligé de régler les problèmes que vos prédécesseurs, par négligence, par calcul ou par manque de courage politique, n'ont pas réglés, repoussant toujours à plus tard le moment fatidique où il faudrait affronter la réalité et « faire le ménage ».
Alors, me direz-vous, compte tenu de ces attendus positifs et de ces jugements favorables, pourquoi émettre quelques réserves ?
D'emblée, je tiens à vous dire que ces réserves et les réflexions qui les sous-tendent se veulent constructives et s'adressent tout autant au Gouvernement qu'aux parlementaires que nous sommes et à tous les Français.
Les bons principes auraient voulu, monsieur le ministre, que le déficit soit encore réduit d'une centaine de milliards de francs, même s'il avait fallu, pour cela, « tailler dans le vif » et diminuer les aides en tous genres que tout le monde critique, mais que chacun s'ingénie, ensuite, à vouloir maintenir en faveur de son secteur.
M. Charles Descours. Bien sûr !
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous vous devons d'avoir rendu la lecture du budget de l'Etat plus facile et plus claire ; mais cela ne rend que plus cruel le constat : chaque année, l'Etat emprunte pour couvrir des déficits de fonctionnement : 109 milliards en 1996, 115 milliards en 1997, soit près de 40 % du déficit total de 284 milliards de francs. Il n'y a donc aucun autofinancement des investissements ! Tel est le défi que l'Etat doit relever. Il serait intéressant, à cet égard, de calculer, dans le stock de 3 500 milliards de francs, quelle somme est due à la couverture de ce déficit cumulé de la section de fonctionnement.
Le niveau d'endettement n'est pas, pour moi, le critère majeur. A quoi a servi cet endettement ? Telle est la vraie question. Un jeune ménage qui a construit sa maison est plus endetté qu'un couple locataire de son appartement. Ce n'est pas grave. Le drame de la France est qu'elle est endettée, mais que la maison est loin d'être terminée.
Compte tenu de ce qui précède, je m'interroge, monsieur le ministre, sur l'opportunité qu'il y avait de baisser les impôts dès cette année, d'autant que je ne suis pas certain que tous les ministères aient compris que la baisse des prélèvements n'a de sens que si elle est globale.
Ce qui nuit à la compétitivité de la France, au pouvoir d'achat des Français, à la capacité de nos entreprises à gagner des parts de marché, donc des emplois, ce sont les charges de structure de la « Maison France ». Cela suppose que, si vous faites un effort louable pour maîtriser votre budget et vos prélèvements, cela n'a de sens que s'il n'y a pas transfert de charges vers les collectivités locales, les entreprises ou les particuliers.
Or, force est de constater que, sur le terrain, la chasse est ouverte : les administrations essaient de récupérer leur relative diminution de moyens. Les exemples sont légion, et je les tiens à votre disposition.
Les crédits du patrimoine sont insuffisants ? Qu'à cela ne tienne ! Les échafaudages des bâtiments classés, jusqu'ici à la charge du ministère de la culture, seront intégralement à la charge des communes. Le service des mines manque d'emplois ? Qu'à cela ne tienne ! On fera remplir l'ensemble des formulaires administratifs par les entreprises.
Nous avons pu constater un étalement du rythme des investissements dans de nombreux secteurs. Mais, plus que l'étalement, ce sont les choix qui comptent. Or, nombre d'entre eux, par le passé, se sont révélés terriblement coûteux en fonctionnement. Il faut impérativement rompre avec cette fâcheuse tradition contre-productive.
Le combat pour la baisse des coûts de fonctionnement doit tous nous mobiliser. J'ai été très heureux de constater, monsieur le ministre, que, pour la première fois, presque tous les ministères avaient compris qu'un bon budget est non pas nécessairement celui qui augmente, mais celui qui utilise mieux l'argent public.
Cet effort, nous devons tous y participer : les Français, en ne demandant pas toujours plus ; nous-mêmes, parlementaires, en ne proposant aucune dépense nouvelle qui ne soit gagée, non pas par une hausse de prélèvements, mais par un redéploiement de crédits.
Si nous savons nous imposer cette discipline, nous pourrons alors consacrer nos efforts à l'investissement : non pas à n'importe quel investissement, mais à celui qui provoque la création de richesses, condition indispensable à la relance de notre pays.
L'équilibre du budget est non pas une fin en soi, mais la condition indispensable à la transformation de notre société. Aux inconditionnels de la suradministration, aux nostalgiques des temps perdus, à ceux qui ne rêvent qu'à la répartition de la pénurie, nous devons opposer une société de projets, de progrès et de mouvement.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Très bien !
M. Philippe Adnot. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que telle est votre volonté. Je ne méconnais pas l'ampleur de la tâche dans la situation actuelle de la France. Mais je suis certain que, si vous vous appuyez sur tous, ce sera possible. Je vous le souhaite. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Habert applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, analyser un projet de budget, c'est porter un jugement sur la gestion de l'Etat et lui affecter les ressources nécessaires à son bon fonctionnement.
Ce jugement, pour être convaincant, se doit d'être nuancé. Aussi avons-nous pris pour habitude de commenter des inflexions minimes, de discuter gravement « de chiffres après la virgule », de considérer comme un bouleversement ce qui n'apparaîtrait dans un autre pays que comme un ajustement à la marge.
Pendant que nous sacrifions, avec convenances et politesse, au « politiquement correct », le monde autour de nous évolue à vitesse accélérée. Je prendrai donc la liberté de citer dans notre débat d'aujourd'hui quelques expériences étrangères, pour tenter de mettre en lumière certains défis de l'« économie-monde ».
L'ensemble des concours publics de toutes natures à la SNCF représentera 50 milliards de francs en 1997, soit 10 milliards de plus que le total des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Vous nous avez d'ailleurs indiqué les chiffres, monsieur le ministre du budget. C'est un montant considérable, qui représente deux fois le budget de la justice.
La réforme indispensable de la SNCF, pourtant déjà modeste, est repoussée. Dans le même temps, la Bundesbahn accomplit une véritable révolution : l'Etat, qui lui a repris l'intégralité de ses dettes, met à sa disposition l'ensemble des 220 000 fonctionnaires au prix du marché du travail privé et s'engage sur 173 milliards de francs d'investissements en cinq ans. Au terme de la réforme, la Bundesbahn n'aura plus besoin des concours de l'Etat. Qu'en sera-t-il dans cinq ans de notre SNCF ? Luttera-t-elle à armes égales ? Faudra-t-il lui consacrer alors trois fois le budget de la justice ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Eh oui !
M. Roland du Luart. En matière de fonction publique, je constate - pour m'en réjouir - qu'une politique plus moderne de gestion des effectifs semble se dessiner. J'ai trop regretté les créations nettes d'effectifs en 1996 pour ne pas saluer aujourd'hui l'amorce d'une déflation de ceux-ci en 1997.
Dans ce domaine également, si nous tournons un instant nos regards vers l'étranger, nous mesurons mieux la timidité de nos réformes : en Grande-Bretagne, le nombre des fonctionnaires est passé de 732 000 en 1979 à 493 000 en 1996 ; 125 agences publiques y emploient 70 % de ces fonctionnaires et sont gérées comme des entreprises, auxquelles des objectifs de performance et des enveloppes financières adéquates sont affectées. A population égale, c'est moitié moins que nous, hors éducation nationale.
La gestion publique connaît, dans toutes les démocraties industrialisées, des mutations considérables. La Nouvelle-Zélande vend ses forêts domaniales à des opérateurs japonais, le Canada privatise les services du contrôle aérien, l'Allemagne et les Etats-Unis remettent en cause les éléments fondamentaux de l'Etat providence et certains systèmes de protection sociale y sont ouverts à la concurrence.
Je ne sais pas si ces expériences, dont nous mesurons mal l'ampleur et l'accélération, constituent des modèles que nous devons copier.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Oh non !
M. Roland du Luart. En revanche, je suis persuadé, d'une part, qu'elles renforceront la compétitivité des pays qui les pratiquent, d'autre part, que nous ne devons pas nous bercer de trop d'illusions sur la durabilité de ce qu'il est convenu d'appeler l'« exception française ». Créer un commissariat à la réforme de l'Etat, fort bien ! mais pour quels résultats ?
Après cette brève incursion hors de nos frontières, je souhaiterais maintenant présenter quelques observations techniques sur le projet de budget soumis à notre appréciation.
Comme l'a fort bien dit notre rapporteur général, c'est un budget « réaliste, sincère et courageux ». Le groupe des Républicains et Indépendants ne peut donc que lui apporter son soutien.
Mais, comme l'a dit aussi, je crois, notre rapporteur général, les efforts qu'il traduit doivent s'inscrire dans la durée. Pour ma part, j'ajouterai qu'ils doivent être mieux expliqués aux Français.
Expliquer mieux, c'est d'abord prendre la mesure de la psychologie collective de nos compatriotes. A cet égard, je regrette que le message sur la réduction de l'impôt sur le revenu ait été troublé par la hausse, assurément minime, des taxes sur l'essence. Il eût mieux valu baisser l'impôt sur le revenu de 22 milliards de francs plutôt que de 25 et ne pas augmenter la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.
Présenter une stabilité des taxes sur l'essence et de la redevance audiovisuelle aurait sans doute permis de mieux convaincre les Français de la réalité de la baisse de l'impôt.
Rééquilibrer la taxation relative du gazole et du super est un autre défi, que nous devrons bien relever un jour. Notre incapacité à le faire aujourd'hui témoigne des blocages structurels de notre société.
Expliquer mieux, c'est aussi répondre de manière plus incisive à la critique malvenue sur les 120 milliards de francs de prélèvements nouveaux. C'est, enfin, ne pas céder à certaines pressions visant à revenir sur les points essentiels de la réforme entreprise.
Cette réforme est bonne dans son principe, et le groupe des Républicains et Indépendants l'approuve.
Il s'interroge toutefois sur les conséquences de la mondialisation accélérée de l'économie : pouvons-nous prendre la mesure des pressions fiscales qui vont peut-être s'amplifier ?
Avec un taux maximum d'impôt sur le revenu de 47 % dans cinq ans, la France sera toujours significativement au-dessus du taux maximum de ses principaux concurrents.
En étant bientôt le seul pays de l'Union européenne à être doté d'une imposition directe sur le patrimoine, la France doit-elle se féliciter de sa spécificité ?
En augmentant régulièrement les prélèvements libératoires sur l'épargne, ne risquons-nous pas de provoquer des délocalisations d'assiette ?
Je sais bien que la compétitivité globale d'un pays ne se résume pas à sa compétitivité fiscale. Mais je sais aussi que l'harmonisation européenne nous a déjà conduits - les chiffres que je vais citer datent de 1993 - à consentir 250 milliards de francs de désarmement fiscal en neuf ans. Je sais enfin que, dans une économie où circulent librement et rapidement les hommes, les entreprises et les capitaux, il faut cesser impérativement de porter des jugements moraux sur la fiscalité et les remplacer par des réflexions économiques.
C'est une sorte de révolution culturelle à laquelle nous ne pourrons pas échapper. La retarder, je le crains, ne fera que la rendre plus brutale.
Par la force des choses, la contrainte sur les recettes nous conduit à une réflexion sans concession sur le niveau des dépenses, et donc sur les missions de l'Etat.
L'Etat doit-il « faire les fins de mois » des entreprises en multipliant les aides à l'emploi et les dépenses fiscales ? L'Etat doit-il continuer à porter le fardeau d'entreprises publiques du secteur concurrentiel en les recapitalisant sans cesse ? L'Etat doit-il continuer à être le financier majoritaire de la politique culturelle ?
Je formule à dessein ces questions de manière abrupte, car j'ai la conviction que les réponses que nous y apporterons conditionnent la compétitivité future de notre économie.
Si l'Etat n'arbitre pas entre ses missions, il n'en exercera aucune de manière pleinement efficace. Il me semble donc qu'une réflexion s'impose sur l'exercice de ses missions régaliennes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Roland du Luart. Comme le dit avec sa fougue coutumière notre collègue M. Christian Bonnet, « un Etat omnipotent est un Etat impotent ». Ses missions régaliennes doivent être financées sans défaillance, qu'il s'agisse du ministère de la justice, du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense. Ce n'est qu'après avoir convenablement doté ces départements ministériels que nous pouvons répartir l'enveloppe restante.
Si l'Etat impécunieux, poussé par la contrainte des déficits et de l'endettement, continue à arbitrer à la baisse la dépense d'investissement, alors il ne prépare pas l'avenir dans les meilleures conditions.
A cet égard, le projet de budget qui nous est soumis se situe dans la ligne des budgets précédents. Si des économies plus substantielles étaient réalisées dans les dépenses de fonctionnement, nous pourrions être plus dynamiques, tant sur le logement que sur les grands travaux.
Comme mon collègue M. Cléach, je regrette qu'il ait été mis fin aux prêts à taux zéro avec faible quotité de travaux. Cette mesure, excellente pour relancer le secteur du logement ancien, a été stoppée pour des raisons d'économie budgétaire, alors qu'elle me paraît a priori au moins aussi efficace que d'autres mécanismes d'incitation fiscale.
Comme mon collègue M. Fourcade, qui s'exprimera sur ce sujet avec l'autorité que nous lui connaissons, je considère que des économies sur le fonctionnement nous auraient permis plus d'audace pour les contrats de plan et pour certains grands travaux d'infrastructure.
Je ne doute pas que cette analyse soit partagée par le Gouvernement, mais je sais aussi que la majorité a hérité d'une situation budgétaire gravement compromise, comme l'ont indiqué à la fois notre rapporteur général et le président de la commission des finances. Tout n'est donc pas possible tout de suite, et nous devons impérativement reconquérir des marges de manoeuvre.
C'est tout le sens de la stratégie qui nous a été exposée lors du débat d'orientation budgétaire, stratégie que le groupe des Républicains et Indépendants estime judicieuse.
Mais, si le Gouvernement a besoin de nos félicitations pour ce qu'il a déjà accompli - 60 milliards de francs d'économie, c'est un chiffre remarquable, que certains d'entre nous pouvaient même juger trop ambitieux il y a quelques mois - il a besoin tout autant de nos encouragements pour inscrire son action dans la durée.
Il doit poursuivre son action pour rendre plus performante notre fonction publique en récompensant mieux les mérites, en modernisant les procédures, en supprimant les activités qui seraient mieux gérées par l'initiative privée.
Pour 1997, je constate, avant transformation et transferts, que les créations nettes d'effectifs militaires - en raison de la professionnalisation des armées - compensent, à quelques unités près, les suppressions nettes d'effectifs civils. Hors appelés du contingent, il n'y a donc qu'une diminution modeste, mais symbolique, du total des emplois budgétaires.
Dans cette perspective, je ne puis qu'être profondément choqué par certains programmes politiques qui envisagent de recréer des postes dans la fonction publique afin de lutter contre le chômage. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
C'est une politique de Gribouille qui supprimera à terme plus d'emplois dans les entreprises qu'elle n'en créera dans les ministères.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Roland du Luart. Cette illusion ne serait pas autre chose que ce qu'elle est si elle ne réussissait à convaincre les jeunes de sa pertinence.
M. Charles Descours. De sa perversion !
M. Roland du Luart. Faire croire à notre jeunesse que son avenir réside dans la création d'emplois publics est une attitude que, pour ma part, je ne puis que désapprouver fermement.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Josselin de Rohan. S'il n'y avait que cela !
M. Roland du Luart. Aller plus loin dans la modernisation de la fonction publique est une première attente du groupe des Républicains et Indépendants. Aller plus loin dans le recalibrage des politiques d'aide à la création d'emplois, dans le recentrage de la politique d'aide au logement sur l'aide à la pierre et dans la redynamisation d'une politique réaliste d'aménagement du territoire en constituent trois autres.
Je salue les progrès qui ont déjà été réalisés par le Gouvernement. Il a opéré des arbitrages courageux, ce dont témoignent de manière éloquente les regrets et les récriminations dont notre courrier parlementaire abonde. Ce courage et cette imagination nous laissent espérer qu'ils ne constituent pas un point d'arrivée, mais un point de départ.
En conclusion, je dirai que nous mesurons tous ici l'étroitesse de la marge de manoeuvre d'un gouvernement responsable. Nous sommes sur la bonne voie en ce qui concerne la réduction de nos déficits publics. Il s'agit d'une tâche ambitieuse et, si nous y parvenons, ce sera grâce à la ténacité du ministre délégué au budget et du ministre de l'économie et des finances, ce dernier faisant preuve, à ce poste, des mêmes compétences que lorsqu'il était rapporteur général de la commission des finances de la Haute Assemblée.
Messieurs les ministres, nous vous apporterons notre soutien tout au long de l'examen de ce projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un an exactement, nous examinions le premier budget de ce septennat.
A cette même tribune, je vous exprimais alors, monsieur le ministre de l'économie et des finances, le soutien de mes collègues du groupe de l'Union centriste, soutien franc et massif face à la montée des déficits financiers et sociaux.
Qu'en est-il un an après ?
Je tiens au préalable à rendre hommage à ce gouvernement, qui parvient, dans un contexte économique international délicat, à réaliser, en quelque sorte, la « quadrature du cercle », c'est-à-dire la stabilisation des dépenses de l'Etat, la réduction du déficit budgétaire, l'allégement de l'impôt, sans oublier, bien sûr, un effort sans précédent en faveur du redressement des comptes sociaux : tel était l'objet du débat qui s'est déroulé la semaine dernière au Sénat, sous les auspices de notre ami Jacques Barrot.
Le projet de budget qui nous est présenté pour 1997 vise à mettre fin à un véritable cercle vicieux : toujours plus de dépenses pubiques, donc plus de prélèvements obligatoires, donc, finalement, plus de déficit et de chômage. Cette spirale absorbe depuis plusieurs années le dynamisme de notre économie, réduisant d'autant la croissance et, par là même, la possibilité de créer des emplois.
Notre pays est donc résolument engagé dans la voie de la raison. Tel était le sens de la déclaration du Président de la République, le 26 octobre 1995.
Je débuterai mon propos par un rapide descriptif des principaux maux dont souffre ce pays depuis de trop nombreuses années.
La France est le pays où le taux de dépenses publiques rapportées au produit intérieur brut est le plus élevé des nations du G 7, dépassant désormais l'Italie, loin derrière l'Allemagne et les Etats-Unis.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Xavier de Villepin. Or on peut aujourd'hui constater que la croissance constante des dépenses et de l'emploi publics n'est pas, ou n'est plus, un soutien efficace à la croissance et une solution au problème du chômage.
En outre, cette progression constante des dépenses est une des causes de l'augmentation des prélèvements obligatoires, qu'ils ont servi à financer.
En effet, ces derniers ont atteint un taux record de 45,6 %, en 1996, ce qui correspond à un taux supérieur tant à la moyenne de l'OCDE qu'à celle de l'Union européenne.
Une telle pression fiscale a incontestablement un effet négatif sur l'activité, sur le dynamisme des acteurs susceptibles d'investir et de créer des emplois : son augmentation va de pair avec l'augmentation dramatique du chômage.
Par ailleurs, avec l'effort particulier demandé, en 1996, en matière d'imposition, nos concitoyens sont nombreux à aspirer à une baisse de la pression fiscale.
Nous devons également accentuer notre effort de réduction du déficit public, réduction engagée dès 1993, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, il nous faut assainir et moderniser notre économie face aux mutations que connaît l'environnement international ; pour les marchés financiers, toute politique laxiste est interprétée comme un signe de faiblesse de l'économie.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. Xavier de Villepin. On me rétorquera que cette mondialisation de l'économie est une menace pour l'indépendance de notre pays. Or, il est clair qu'il n'y a pas de souveraineté nationale dans le déficit et l'endettement, vous l'avez dit tout à l'heure monsieur le ministre de l'économie et des finances.
Au contraire, loin d'être un signe de « renoncement national » et de soumission à un quelconque diktat étranger, une politique d'assainissement financier est seule à même de consolider le franc par rapport au mark et de faire baisser les taux d'intérêt.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. Xavier de Villepin. La baisse des taux est aujourd'hui essentielle pour notre économie - vous l'avez également rappelé, monsieur le ministre - dans la mesure où c'est un moyen à la fois de favoriser l'investissement privé et de réduire la charge de la dette.
La réduction du déficit est nécessaire, en second lieu, pour respecter les critères qui nous permettront de réaliser la monnaie unique. Il faut affirmer que cette dernière constitue une chance pour l'Europe et pour notre pays, et ce pour plusieurs raisons ; vous l'avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, et je partage complètement votre point de vue.
L'euro est un gage de stabilité monétaire, aujourd'hui si nécessaire à la croissance et à la lutte contre le chômage. Il constituera, en effet, une protection contre les dévaluations qui créent des inégalités de concurrence, comme lors de la dévaluation de la lire, de la peseta ou de la livre sterling. Il conférera à l'Europe un statut international réellement en rapport avec son poids économique. Il permettra de réaliser des économies importantes en termes, notamment, de coûts de transaction, à hauteur de 150 milliards de francs environ.
Enfin, l'Union économique et monétaire est une étape essentielle de la construction européenne, à laquelle l'Union centriste est très attachée.
Certains esprits chagrins tablaient, ces derniers mois, sur l'échec de la réalisation de l'Union économique et monétaire.
M. Emmanuel Hamel. Pas chagrins, lucides !
M. Xavier de Villepin. Or, il semble bien que le cercle des pays répondant aux critères de convergence sera plus large que prévu au 1er janvier 1999. Ainsi, les projets de budget de douze de nos partenaires européens annoncent un déficit public inférieur ou égal à 3 % en 1997.
Au-delà des tendances politiques des uns et des autres, l'ensemble des pays de l'Union sont en effet d'accord pour mener une politique d'assainissement des finances. Il en va ainsi pour l'Allemagne, notre principal partenaire, pour l'Espagne, dirigée par un gouvernement de centre droit, ou l'Italie, dont la plupart des ministres appartiennent actuellement à l'ex-parti communiste.
Pour caractériser cette loi de finances, je dirai qu'elle allie rigueur et équité, autant de vertus auxquelles mes collègues et moi sommes particulièrement attachés.
La rigueur, en premier lieu. L'aspect majeur de ce budget est, bien entendu, la maîtrise des dépenses.
Grâce aux économies, qui ont limité la progression dite « naturelle » des dépenses d'une année sur l'autre, celles-ci devraient, cette année, reculer en francs constants. Cet exercice n'était pas évident compte tenu, notamment, du montant du service de la dette et de la masse salariale de la fonction publique. Ce budget met ainsi fin à une véritable explosion des dépenses depuis quinze ans, et nous pouvons nous réjouir, messieurs les ministres, que vous soyez parvenus à atteindre cet objectif.
Certains secteurs primordiaux pour l'avenir voient cependant leurs crédits augmenter. C'est le cas de l'éducation nationale, de la justice ou encore du travail et des affaires sociales.
Je me réjouis également, monsieur le ministre du budget, du strict respect de la loi de programmation militaire dans ce projet de budget, et je tiens à vous exprimer beaucoup de reconnaissance pour ce que vous avez dit sur notre défense nationale.
Dépenses réorientées, préservées ; ce sont des points positifs.
Il y a cependant des aspects inquiétants dans la partie dépenses de ce budget. Ainsi, les dépenses d'équipement connaissent, cette année encore, des réductions importantes, à hauteur de 7,75 %, alors que les dépenses de fonctionnement continuent d'augmenter d'environ 2,5 %. Si l'on peut comprendre qu'en période de maîtrise des dépenses il est plus aisé pour le Gouvernement de diminuer les dépenses en capital que les dépenses de fonctionnement, nous pensons néanmoins que tous les efforts doivent être entrepris pour améliorer les coûts de gestion de l'administration.
Selon les calculs de l'OCDE, le poids de la dépense publique en France est essentiellement lié à deux postes : la rémunération des agents publics et les transferts sociaux. La part de l'emploi des administrations publiques françaises dans l'emploi total est l'une des plus élevées dans la zone de l'OCDE : environ 23 %, contre 15 % en Allemagne et aux Etats-Unis.
Le Gouvernement a décidé une courageuse baisse des effectifs, puisque le projet de budget comporte une réduction nette de près de 6 000 postes, principalement grâce au non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.
De façon plus générale, c'est l'ensemble du secteur « abrité », le secteur public et parapublic, qui a besoin d'une remise en ordre dans notre pays. On doit avoir le courage de s'attaquer aux corporatismes et aux conservatismes. Faut-il rappeler, par ailleurs, que, sur la période 1989-1995, le pouvoir d'achat des salariés du secteur public a augmenté de 11,1 % en moyenne, alors que, pendant la même période, cette augmentation était de 6,3 % dans le secteur privé ?
L'autre caractéristique de ce budget est le souci de l'équité.
Alors que les sacrifices consentis par les Français vont, comme nous l'espérons, bientôt porter leurs fruits, le Gouvernement doit orienter son effort, en priorité, en faveur des plus défavorisés. C'est le sens du recentrage d'aides à l'emploi comme le contrat initiative-emploi. Il en est de même pour la remise en cause de la progressivité trop rapide de l'impôt sur le revenu, s'agissant des revenus les plus modestes. Cette progressivité est, jusqu'à présent, un obstacle à la réinsertion dans le monde du travail pour les bénéficiaires du RMI ou les chômeurs de longue durée. Ces derniers hésitent, en effet, à occuper un emploi peu rémunéré, qui leur fait perdre les avantages d'aides diverses.
Je souhaite aborder, à ce propos, la réforme fiscale, l'une des clés de voûte du projet, réforme qui constitue une réponse essentielle aux problèmes de notre pays, en particulier le très haut niveau de la pression fiscale.
Le Gouvernement a décidé de réformer et de baisser l'impôt sur le revenu. Nous approuvons une telle décision, que nous avions appelée de nos voeux lors des précédents débats budgétaires, compte tenu du caractère relativement archaïque et injuste de cet impôt. L'impôt sur le revenu n'a rapporté, en 1996, que 312 milliards de francs, contre 730 milliards de francs pour la TVA. De plus, le nombre de contribuables soumis à l'impôt sur le revenu a progressivement diminué, pour ne plus représenter aujourd'hui que la moitié des contribuables français. Cette situation est due, en particulier, à l'accumulation des avantages fiscaux, pour un montant de plus de 60 milliards de francs.
Le début de remise à plat des déductions et exonérations, ainsi que la diminution sensible des tranches du barème constituent indéniablement un progrès. Plus que jamais, l'équité la plus élémentaire doit nous amener à remettre en cause, de préférence, toutes les « niches fiscales », réellement inacceptables dans la conjoncture que nous connaissons.
La réforme fiscale incluse dans ce budget est un premier pas dans le sens de la refonte et de l'allégement de notre système d'imposition. Il faut poursuivre dans cette direction.
L'emploi, la lutte contre le chômage sont donc vos priorités, monsieur le ministre, et je m'en félicite.
Ainsi, 42,8 milliards de francs vont être consacrés à l'allègement du coût du travail, notamment pour les bas salaires. Nous soutenons ce choix, car le coût du travail en France est plus élevé que dans la plupart des pays industrialisés, mis à part l'Italie. C'est, en particulier, un obstacle pour le développement des PME, dont on sait qu'elles sont aujourd'hui les plus susceptibles de créer des emplois.
A ce propos, un grand quotidien du soir s'est ému, à juste titre, d'un phénomène inquiétant de délocalisations d'entreprises françaises vers la Grande-Bretagne, où les charges patronales sont beaucoup moins élevées. Il est donc grand temps de réagir.
Concernant tout particulièrement les PME, une autre mesure positive de ce projet de budget consiste en une réduction de 33,33 % à 19 % du taux de l'impôt sur les sociétés pour la fraction des bénéfices qu'une société inccorpore à son capital. C'est un premier pas important vers un impôt sur les sociétés progressif, à taux réduit.
Un autre chantier mériterait probablement d'être poursuivi : la réforme de la taxe professionnelle. Une disposition du projet a d'ores et déjà une portée significative, celle qui institue un plafonnement des taux votés par les départements et les régions. Mais je crois qu'il faut aller plus loin, en abaissant le coût global de la taxe pour les industries de main-d'oeuvre et en atténuant la dispersion des taux.
Par ailleurs, les choix de ce projet de budget nous paraissent être confortés par les éléments encourageants de la conjoncture. Le projet de loi de finances repose, en effet, sur des hypothèses économiques prudentes et justes. Le contexte économique est déjà relativement sain pour ce qui est de l'inflation et du commerce extérieur. L'année 1997 devrait être, en outre, celle de la reprise de l'investissement, le niveau de la consommation se maintenant. Les prévisions de croissance, entre 2,1 % et 2,3 %, semblent raisonnables - cela n'a pas toujours été le cas - et, surtout, une amélioration de l'environnement international, conjuguée avec la maîtrise des dépenses publiques contenue dans ce budget, devrait entraîner une baisse des taux d'intérêt, si nécessaire pour l'activité.
Monsieur le ministre, les réformes que vous nous proposez sont de grande ampleur, qu'il s'agisse de la réforme fiscale ou de la lutte contre les déficits, et il était grand temps de les entreprendre.
Ces efforts sont nécessaires afin d'adapter notre pays aux mutations que connaît aujourd'hui notre époque. La mondialisation des échanges, les changements dans la façon de produire les richesses, l'émergence de nouveaux pays industrialisés comportent à la fois d'immenses opportunités et des difficultés certaines.
Il est donc essentiel de réformer nos structures économiques et sociales, issues d'un autre temps, pour permettre à notre pays de disposer d'un maximum d'atouts dans ce nouveau contexte. Le projet de loi de finances que vous nous présentez vous en offrait l'opportunité ; vous l'avez saisie, et nous vous en félicitons.
La réduction des déficits publics et sociaux, l'instauration de la monnaie unique européenne sont assurément les étapes essentielles de ces changements, qui permettront à la France de maintenir sa position dans le monde et de manifester sa cohésion.
Sous le bénéfice de ces observations, et après avoir rendu hommage à l'excellent travail réalisé par notre commission des finances, son président et son rapporteur général, notre ami Alain Lambert, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi de finances pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes tous conscients, dans cette assemblée, du contexte difficile dans lequel se déroule la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Une croissance faible, une augmentation du chômage qui mine le moral des Français, la crispation d'un grand nombre de catégories sociales ou professionnelles devant les efforts qui leur sont demandés, l'ampleur des réformes nécessitées par des structures « budgétivores » et sclérosées, la difficulté de rétablir les comptes de l'Etat, de la sécurité sociale et des entreprises publiques, tous ces facteurs expliquent le scepticisme ou la morosité auxquels se heurte le Gouvernement.
Il est vrai qu'être pessimiste n'engage à rien. Quand l'avenir contredit leurs sombres prédictions, l'euphorie fait oublier les Cassandre. Au contraire, lorsque ceux qui ont annoncé les malheurs voient leur accomplissement, ils en retirent la satisfaction de passer pour des prophètes.
Pourtant, un certain nombre de signes donnent à penser que l'année 1997 sera plus porteuse que l'année 1996.
La croissance aux Etats-Unis, au Japon et dans les pays du Sud-Est asiatique demeure soutenue.
En Europe, la baisse des prix industriels constatée depuis plusieurs mois est maintenant enrayée. Le déstockage va donc s'arrêter et les carnets de commande des entreprises vont se gonfler à nouveau. Dans le secteur des biens intermédiaires, où la stabilisation des prix et le renversement du cycle des stocks jouent un rôle majeur, les perpectives de production se redressent.
Nos partenaires allemands ont affiné à 2,5 % de taux de croissance de leur économie leurs prévisions pour 1997.
Le taux de croissance de 2,3 % que vous avez retenu, messieurs les ministres, pour établir le projet de loi de finances, et qui est corroboré par l'OCDE et divers institut, de conjoncture, semble réaliste.
L'économie de la France présente tous les signes de la compétitivité, avec une inflation toujours modérée en 1996 et en 1997, des échanges extérieurs fortement excédentaires et des taux d'intérêt dont le niveau est historiquement bas.
Comment ne pas se féliciter que les taux d'intérêt à court terme, qui s'élevaient à 7,5 % en mai 1995, soient descendus au-dessous de 3,5 % aujourd'hui, atteignant ainsi le niveau le plus bas depuis les années soixante-dix ?
Comment ne pas se réjouir pour notre économie que les taux à long terme, qui servent de base aux emprunts immobiliers contractés par nos compatriotes désirant devenir propriétaires et par les chefs d'entreprise, soient aujourd'hui inférieurs à 6 % ?
Nous sommes au même niveau que nos voisins allemands. Le temps de l'argent cher est révolu dans notre pays. La baisse des taux d'intérêt a également des effets très positifs - ne l'oublions pas - sur l'évolution de la charge de la dette de l'Etat et sur les politiques d'investissement des collectivités locales.
Cependant, si nous voulons bénéficier de la reprise qui s'esquisse, il nous faut moins que jamais relâcher notre effort, en dépit des sirènes de la démagogie ou de la facilité qui se conjuguent pour nous appeler à la renonciation.
Dépenser moins, dépenser mieux, alléger les charges qui frappent les particuliers, tels sont les objectifs de projet de loi de finances, telles sont les priorités qui recueillent notre assentiment.
En 1997, les dépenses de l'Etat reculeront de 1,5 % en francs constants par rapport à 1996. Pour la première fois, la France n'est plus condamnée à une progression inexorable de ses dépenses, année après année.
Notre pays honore ses engagements puisque, après avoir limité le déficit budgétaire à 5 % du PIB en 1995 et à 4 % en 1996, il le fixe à 3 % pour 1997.
Les marchés financiers ont vu dans cette politique un signe évident de notre volonté de rompre avec les erreurs du passé. La bonne tenue du franc et la détente des taux d'intérêt témoignent du crédit dont nous disposons auprès des investisseurs internationaux.
En réduisant de 6,5 % ses dépenses de fonctionnement, l'Etat peut sembler n'accomplir qu'un effort modeste, mais il faut saluer l'innovation capitale que représente la suppression de près de 6 000 emplois civils qui est, nous voulons le croire, l'amorce d'une nouvelle gestion de notre fonction publique.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Nous nous réjouissons également de l'allégement de 9 milliards de francs de notre contribution au budget de l'Union européenne, permis par la bonne exécution du budget de 1996 et par l'action très ferme du Gouvernement auprès des instances communautaires.
Dépenser moins, c'est désendetter l'Etat. Désendetter l'Etat, c'est diminuer la ponction fiscale, car c'est l'impôt qui assure le service de la dette. C'est ensuite permettre aux entreprises de trouver sur le marché financier les ressources nécessaires à leurs investissements qui, jusqu'à présent, étaient presque intégralement mobilisés par l'Etat pour ses propres besoins.
C'est enfin éviter que les prêteurs ne se couvrent contre les risques d'une mauvaise gestion des finances publiques en recourant à des taux élevés.
Dépenser mieux, c'est recentrer l'Etat sur ses fonctions régaliennes ; c'est évaluer l'efficacité de la dépense avant de l'engager ; c'est remettre en cause les actions et les interventions qui n'ont pas produit les résultats espérés.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l'initiative du ministre de la fonction publique, qui propose aux agents publics de lier un surcroît de rémunération à l'amélioration de la productivité des administrations. En effet, nous avons tous en mémoire l'augmentation qui, accordée par M. Jospin aux enseignants sans aucune contrepartie, a alourdi durablement les charges de l'Etat depuis six ans.
M. Christian de La Malène. Très juste !
M. René Régnault. Ce n'est pas raisonnable ! C'est du sectarisme primaire !
M. Josselin de Rohan. Les 150 milliards de francs consacrés à l'emploi dans le projet de loi de finances pour 1997 représentent une progression de 8 % par rapport à 1996.
Ainsi, 47 milliards de francs seront consacrés à la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales pesant sur les bas salaires, ce qui devrait concerner cinq millions d'actifs, singulièrement dans les PME.
Les contrats initiative-emploi ont été revus, et le nombre des contrats emploi-solidarité sera également réduit, afin de marquer la priorité en faveur des emplois marchands.
Le logement - on l'a souligné - a fait l'objet d'un effort méritoire dans un contexte de rigueur.
Pour 1997, ce sont 120 000 prêts à taux zéro qui sont programmés. Ce chiffre souffre sans contestation possible la comparaison avec le nombre d'anciens PAP, qui n'était que de 50 000 en 1995.
Sur la période 1993-1996, ce sont 350 000 logements sociaux qui ont été construits avec l'aide de l'Etat. Pour 1997, les chiffres clés qui illustrent le mieux la priorité que donne le Gouvernement au secteur du logement sont les suivants : 25 000 prêts locatifs aidés, ou PLA ; 30 000 prêts locatifs aidés très sociaux, ou PLATS ; 120 000 primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, ou PALULOS.
En 1997, les crédits de l'éducation nationale progresseront de 2 %, en dépit du recul des effectifs scolarisés dans le primaire et dans le secondaire, et malgré une progression ralentie dans l'enseignement supérieur.
Il convient de reconnaître à M. le ministre de l'éducation nationale le mérite d'avoir résisté aux sollicitations des groupes de pression qui ne connaissent que la logique du « toujours plus ».
Les économies réalisées grâce aux diminutions intervenues dans l'enseignement primaire et secondaire ont permis des créations de postes dans l'enseignement supérieur, la réforme du régime des bourses et la mise en place du tutorat.
Je considère que c'est un progrès dans la manière d'administrer ce département ministériel.
M. Xavier de Villepin. Bravo !
M. Christian de La Malène. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Alléger les charges constitue un impératif pressant pour notre économie. La France figure désormais parmi les pays où les taux des prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
Comme l'a souligné très légitimement et avec beaucoup de force M. le rapporteur général, trop d'impôt démotive les particuliers, décourage les initiatives, fait fuir les capitaux et conduit à la délocalisation des entreprises.
M. Xavier de Villepin. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. L'allégement d'impôt de 25 milliards de francs pour ce qui est de l'impôt sur le revenu et de 41 milliards de francs pour ce qui est des charges représente un signal politique fort et constitue la première étape d'une réforme en profondeur de notre fiscalité qui devra être réalisée en cinq ans.
Il importera, à terme, de diminuer les tranches et de distinguer, dans l'imposition des personnes physiques, comme le demande M. le président de la commission des finances avec une vigueur que nous saluons, un impôt progressif et un impôt proportionnel qui simplifieront le dispositif actuel et diminueront le nombre d'impositions existantes dont la complexité est aussi décourageante que rebutante.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Exactement !
M. Josselin de Rohan. Sur les cinq années qui nous séparent de l'an 2001, l'allégement global de l'impôt sur le revenu atteindra 75 milliards de francs ; la première tranche de 37,5 milliards de francs sera d'ores et déjà perceptible par nos compatriotes dès l'imposition acquittée en 1998.
La réforme de notre fiscalité passe aussi par la suppression ou la limitation de certains avantages spécifiques pour renforcer l'équité du système d'imposition.
Chacun doit comprendre que, dans la situation difficile de notre économie, il n'est pas possible que chaque catégorie sociale ou professionnelle se barricade derrière ses droits acquis sans considération pour la collectivité.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Josselin de Rohan. La suppression ou la limitation de certains des avantages spécifiques octroyés aux personnes assujetties à l'impôt sur le revenu a pour effet l'élargissement de l'assiette et la simplification de l'impôt. De plus, elles contribuent au financement de l'allégement du barème de l'impôt sur le revenu et limitent son impact sur les ressources budgétaires.
Je tiens à souligner également la cohérence du projet soumis à notre examen avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale que la Haute Assemblée examinait il y a quelques jours.
Le basculement de 1,3 point des cotisations de maladie des salariés sur 1 point de cotisation sociale généralisée élargie allège le poids des prélèvements sociaux sur l'ensemble des revenus d'activité, quelle que soit la situation du contribuable au regard de l'impôt sur le revenu.
Tels les quêteurs du Graal, de bons esprits appellent de tous leurs voeux une autre politique. Leurs souhaits ont été exaucés, car voici qu'après bien des mois de gestation douloureuse le parti socialiste a donné le jour à un programme.
Je qualifierai d'écologique cet ahurissant catalogue, car il prévoit le recyclage des déchets et le rechapage des rebus du programme commun ou des fameuses 110 propositions.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. C'est élégant !
M. Josselin de Rohan. Soyons reconnaissants aux socialistes de sortir le grand jeu et de se révéler tels qu'en eux-mêmes ; l'éternité les change !
Rien ne manque à la panoplie !
Le retour au dirigisme le plus authentique avec l'obligation pour les entreprises d'embaucher 350 000 jeunes.
M. Jean-Pierre Masseret. Cela plaît !
M. Josselin de Rohan. ... avec l'obligation pour l'Etat de recruter de nouveaux agents « en liaison » avec les collectivités locales, dit-on de manière euphémique, ce qui est une manière déguisée de leur forcer la main, et ce au moment même où nos collègues dénoncent, et avec quelle force, des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales !
M. René Régnault. Hélas ! Vous n'avez rien compris.
M. Josselin de Rohan. Aux contraintes pour l'Etat et les collectivités locales s'ajouteront celles qui pèsent sur les entreprises. L'abaissement généralisé de la durée légale du travail sans perte de salaire leur sera imposé, sans aucun souci des conséquences sur la productivité, les coûts de production et la compétitivité des entreprises.
L'Etat - tenez-vous bien ! - orchestrera les hausses de salaires, qui seront « négociées », mais après coup ! (M. Charmant s'exclame) .
Cette fois, la dépense publique n'est plus réhabilitée, elle est débridée. Pour le logement, l'éducation nationale, l'aménagement du territoire, il n'y aura plus de limitation.
Dans le domaine social, ce sera l'âge d'or, grâce à la couverture maladie universelle, à l'organisation - par l'Etat bien sûr - des emplois de service.
L'industrie et l'artisanat ne seront pas oubliés, puisque l'Etat subventionnera les entreprises et même - comble de sollicitude - créera des petites entreprises à capital public. (M. de Raincourt sourit.)
Gardons-nous d'omettre les nationalisations, qui ont si bien réussi à notre pays. On nous en promet de nouvelles, telles les entreprises de distribution de l'eau.
Il fallait s'y attendre ! Ces largesses seront financées par un accroissement sensible de la fiscalité sur les sociétés et par la CSG et l'ISF. La TVA sera abaissée. Quant aux déficits possibles, on ne les mentionnera pas. Cette notion même est réactionnaire. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
L'endettement ? Point d'affaire, on trouvera toujours des prêteurs !
M. René Régnault. Vous vous y connaissez !
M. Josselin de Rohan. L'évasion des capitaux, les délocalisations d'entreprise, la fuite des cerveaux ? Chimères !...
Quant à nos engagements européens, on n'en parlera pas.
Comme le note M. Alain Minc (Exclamations sur les travées socialistes), un observateur qui voyait autrefois l'opposition actuelle avec les yeux de Chimène : « François Mitterrand avait sacrifié maints dogmes socialistes à la construction européenne ; ses héritiers, eux, préfèrent sacrifier l'Europe à la résurrection des dogmes. »
Certes, mais ils n'ont pas le courage d'avouer que, sauf à faire preuve de la plus totale incohérence, leur conception de l'Etat providence suppose un retour au protectionnisme, au contrôle des changes et des prix et une renonciation aux perspectives de l'union monétaire.
Il paraît que ces effarantes propositions seraient plébiscitées par le peuple français !
M. Michel Sergent. C'est exact !
M. Josselin de Rohan. Tant qu'il s'agit de demander moins au contribuable et plus à l'impôt, de diminuer sans contrepartie la durée du travail, de faire luire la perspective de la sécurité de l'emploi garantie, de faire payer les « gros » en épargnant les « petits » et de promettre l'âge d'or, on se rend populaire à peu de frais.
M. Marcel Charmant. Et Chirac, qu'a-t-il fait ?
M. Josselin de Rohan. Gageons que nos compatriotes, qui sont plus avisés que ne le croient les démagogues ou les vendeurs d'orviétan, sauront mesurer ce que ces promesses ont de fallacieux et, plus encore, de dispendieux.
En tout cas, nous aurons été avertis. Nous avions cru les socialistes guéris, ou tout au moins assagis, ils ont au contraire fait une grave rechute. (Protestations sur les travées socialistes.)
Il est vrai qu'ils ne sont pas tous satisfaits de leur enfant, puisque M. Emmanuelli, en votant contre un projet dont il est l'auteur, ne veut pas le reconnaître, que M. Mélenchon se refuse à entendre parler du monstre et que notre excellent collègue M. Michel Charasse, pour qui deux et deux font encore quatre, souffre en silence. (Exclamations sur les travées socialistes.)
On peut compter sur nous pour dessiller les yeux de nos compatriotes et leur montrer à quelles dérives et à quelles pénitences ils s'exposent, si par malheur ils cédaient aux mirages de cet extravagant programme.
Nous leur faisons confiance pour éviter le « grand bon en arrière », pour reprendre l'expression heureuse de M. Balladur, qui, cette fois, porterait un coup mortel à notre économie.
M. Jacques Delong. Vous allez choquer Jospin !
M. Josselin de Rohan. Le projet de loi de finances est sérieux, sincère et rigoureux. Il témoigne de la volonté du Gouvernement d'assainir nos finances publiques et d'attaquer le mal à la racine en réformant des structures inadaptées ou périmées.
La voie que nous empruntons est d'autant plus dure que nous avons trop différé les remises en ordre nécessaires. Mais ce que nous avons entrepris, d'autres l'ont réalisé avant nous et parfois de manière plus brutale.
Je pense aux Pays-Bas, à la Suède ou à l'Allemagne, pour ne pas parler du Royaume-Uni, qui a conduit, il y a plusieurs années, une véritable révolution, sans commune mesure avec les efforts que nous poursuivons. Et pourtant, en Grande-Bretagne, l'opposition travailliste n'entend pas remettre en cause fondamentalement l'héritage conservateur si elle accède au pouvoir.
M. René Régnault. Parlez-nous de la France !
M. Josselin de Rohan. Vérité au-delà de la Manche, erreur en deçà.
En dépit des turbulences, des critiques acerbes et, parfois, des faux pas, la France a changé.
Le déficit des finances publiques en 1996 a été contenu. Le commerce extérieur a enregistré des excédents sans précédent. La France a résisté à tous les remous. Les taux d'intérêt ont baissé. Les télécommunications ont changé de statut sans drame. La réforme de notre système de sécurité sociale, de nos industries de l'armement a été engagée, celle de la SNCF est en préparation.
Ces mutations sont indispensables si nous voulons que la France aborde avec des atouts sérieux l'inévitable compétition entraînée par la mondialisation de l'économie.
Chaque fois que notre économie a affronté le grand large, elle a résisté ; chaque fois qu'elle s'est repliée sur elle-même, à l'abri de protections souvent illusoires, elle a régressé.
Au coeur de la politique économique, il y a l'emploi.
M. René Régnault. Il est temps d'en parler !
M. Josselin de Rohan. Ne nous le dissimulons pas, nous avons dans ce domaine enregistré des mécomptes et des échecs, comme nos prédécesseurs d'ailleurs. Nous devons revoir les procédures inopérantes, rechercher sans nous lasser les formules les plus adaptées pour relancer l'embauche en n'excluant aucune initiative, aucune expérimentation.
Mais nous devons résister à la tentation des recettes démagogiques et dirigistes qui ont fait preuve de leur nocivité et échoué partout où elles ont été utilisées.
Il n'y aura pas de reprise de la croissance exploitable, pas de relance de l'emploi durable, si nos finances publiques et notre système de sécurité sociale ne sont pas gérés avec sérieux et rigueur, si la France s'isole de par ses comportements de l'Europe et du monde.
Ce choix suppose du courage et de la volonté, il nous expose parfois à l'incompréhension et à l'impopularité, mais il est le seul possible.
Soyez assurés, messieurs les ministres, de notre entier soutien dans la tâche difficile qui est la vôtre et de notre volonté inébranlable de concourir au succès de votre politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je monte à la tribune les jambes molles, après l'intervention de M. de Rohan !
M. Christian de La Malène. L'excellente intervention !
M. Jean-Pierre Masseret. Mais je suis ragaillardi, à l'idée que 63 % des Français sont d'accord avec le projet socialiste.
M. Josselin de Rohan. Attendez un peu !
M. Henri de Raincourt. Ne vous réjouissez pas trop tôt !
M. Jean-Pierre Masseret. Dès lors, si je vous dis, messieurs les ministres, que votre politique, comparée aux engagements et aux réalités, est un échec, vous ne serez pas surpris.
Je ne fais pas ce constat de gaîté de coeur, parce que votre échec met en difficulté des millions de Françaises et de Français, qui sont en situation de précarité !
Votre échec, c'est aussi l'échec de la France, qui est aujourd'hui soumise à la pensée unique.
Au moment précis où nous sommes confrontés à une nouvelle civilisation, qui s'organise autour des nouvelles technologies de communication et de l'information, la France devrait être à la pointe de cette réflexion pour passer d'une société de massification à une société de démassification.
Croyez bien que ce n'est pas en fondant cette société sur l'argent roi ou sur la soumission à Hans Tietmeyer que l'on trouvera les bonnes réponses ! C'est d'un projet construit sur des valeurs que nous avons besoin aujourd'hui.
Votre échec aboutit au discrédit de la politique et de la fonction politique. Nous le savons, la démocratie ne peut fonctionner que sur la confiance bâtie entre les citoyens et les élus.
Si la confiance manque, comme aujourd'hui, c'est la démocratie qui est en péril. Toutes les aventures sont alors possibles et nous approchons de la zone dangereuse.
Dès lors, monsieur le ministre, quand je vous entends dire que ce budget est historique, je mesure le fossé qui sépare cette expression de la réalité quotidienne, et je sais que les Français pensent comme moi.
Quand je vous entends dire qu'il n'y a pas d'autre politique possible, je sais, et le pays sait, que ce propos impose une politique qui exalte les intérêts privés au détriment du sens et de l'intérêt collectifs.
Quand j'entends M. le Président de la République dire que le seul problème du Gouvernement est un problème de communication pour expliquer sa politique, je sais, et le pays sait, que cette expression consacre l'échec de sa politique au regard des engagements pris.
Pour M. Juppé, cela doit tinter comme un avertissement, parce que c'est le premier étage d'une série de critiques, qui en appellent sûrement d'autres et dont on connaît le point d'arrivée.
Echec donc, non pas par rapport aux objectifs réels mais cachés de votre politique, mais par rapport aux engagements, par rapport à la réalité.
S'agissant des promesses non tenues, permettez-moi de faire deux rappels.
M. Chirac a été élu pour réduire la fracture sociale, monsieur de Rohan. Mais le pays sait que la fracture sociale s'est élargie depuis mai 1995 et continue à s'élargir.
Par ailleurs, quand M. le Président de la République était candidat, la feuille de paie n'était pas l'ennemi de l'emploi. On connaît la suite ! Le pays sait que la politique du Gouvernement consiste à faire pression sur les salaires, à remettre en cause la protection sociale, à peser sur le pouvoir d'achat.
L'échec par rapport à la réalité, maintenant.
Si l'inflation est maîtrisée, les gouvernements socialistes n'y sont pas pour rien. En 1981, monsieur le président de la commission des finances, le taux d'inflation était élevé - 13 % à 14 % - et ce sont les gouvernements socialistes qui, les premiers, se sont efforcés de le réduire.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et d'augmenter le chômage !
M. Jean-Pierre Masseret. Nous pourrons en parler, n'ayez crainte, monsieur le président. Ce sujet fait partie de mon propos.
Si la balance commerciale et la balance des paiements présentent l'une et l'autre des soldes positifs, notre économie perd des parts de marché, ce qui n'est pas très bon.
La bourse, elle, se porte bien. C'est normal, compte tenu de la politique fiscale et financière qui est menée.
En revanche, malgré la masse d'impôts prélevés sur les catégories moyennes, malgré les cotisations sociales majorées régulièrement, malgré les pressions exercées sur les rémunérations et les prestations sociales, les déficits sociaux continuent d'augmenter, la dette s'est envolée et le déficit budgétaire est artificiellement contenu.
L'autre réalité, c'est précisément le chômage, monsieur Poncelet. Ce sont 3,5 millions de demandeurs d'emploi, ce sont nombre de nos concitoyens au RMI, ce sont nos concitoyens acceptant les « petits boulots », ce sont des millions de Français en situation de précarité, de désespérance, de doute et d'inquiétude.
Telle est la réalité. C'est le déclin social, mais, peut-être aussi et, c'est plus grave encore, le déclin de la France tout court.
Pourquoi en est-on là ? J'ai entendu notre collègue M. de Rohan dire que c'était la faute des Français, qui étaient manifestement trop exigeants, la faute des salariés, qui étaient manifestement trop protégés, la faute des syndicats, qui étaient sans doute trop revendicatifs, la faute de la gauche aussi, naturellement.
Permettez-moi de rappeler qu'au cours des dix dernières années, très exactement du 1er janvier 1986 au 30 novembre 1996, votre majorité aura gouverné ce pays pendant 71 mois et l'opposition pendant 60 mois, ce qui limite singulièrement la question de l'héritage ! En fait, si la gauche est coupable, mes chers collègues, c'est de croire aux valeurs de la République,... (M. Régnault applaudit.)
M. Jacques Delong. Moi, je crois aux valeurs tout court !
M. Jean-Pierre Masseret. ... c'est de croire que la société se construit non pas sur l'argent roi, mais sur la liberté, l'égalité, la fraternité et la laïcité. Et ce n'est pas au moment où les cendres d'André Malraux vont être transportées au Panthéon qu'on doit oublier ces principes ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il ne faut pas chercher ailleurs que dans vos convictions idéologiques les raisons de l'échec de notre pays aujourd'hui.
Le choix dont tout découle est un choix dont les conséquences sont tragiques, mais un choix voulu : c'est le choix de la thèse libérale de l'offre, thèse qui, dans une économie mondialisée, privilégie le niveau des coûts de production et dont le seul objectif est de produire moins cher que ses concurrents sans se soucier du reste, sans se soucier de la redistribution, sans se soucier du pouvoir d'achat et de la demande intérieure. En fait, elle repose sur une erreur de principe car, dans le cadre d'une production de masse mondialisée, la demande intérieure des pays riches est non seulement source de croissance pour ces pays, mais également source de croissance à l'échelon mondial et source de justice sociale.
M. Marcel Charmant. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret. L'atonie de la demande intérieure explique la faiblesse de nos investissements, qui ne peuvent pas être uniquement tirés par les exportations. On ne peut donc que constater l'échec d'une politique engagée par M. Balladur, poursuivie aujourd'hui par M. Juppé. Les ponctions sociales et fiscales que le pays supporte depuis trois ans ont cassé la croissance, brisé la consommation et aggravé les inégalités.
M. René Régnault. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret. Ainsi, la baisse des salaires, la réduction des emplois, la remise en cause de la protection sociale, l'indifférence au pouvoir d'achat de la masse, la multiplication des exonérations de charges sociales, la flexibilité de l'emploi, la réduction de la fiscalité sur les placements financiers, la privatisation à n'importe quel prix sont autant d'instruments de votre politique.
Au nom de quoi peut-on prétendre que le rôle de l'Etat n'est pas de mettre parfois son grain de sel dans des entreprises d'intérêt général à caractère de service public ? En vertu de quel principe, de quel texte l'Etat devrait-il s'interdire de s'engager dans l'organisation de notre vie économique, de prendre sa part de responsabilité.
Cette conception, qui est la vôtre, pourrait même être considérée comme contraire à la Constitution, en tout cas contraire au préambule de la Constitution de 1946, auquel la Constitution de 1958 fait référence.
M. Jean-Jacques Hyest. Et le Crédit Lyonnais !
M. Jean-Pierre Masseret. Oh, s'agissant du Crédit Lyonnais, on pourrait rapprocher les 130 milliards dont on parle beaucoup au haut de bilan qui atteignait 2 000 milliards de francs. Cela relativiserait un certain nombre de propos ! (Murmures sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Voilà, disais-je, les instruments de votre politique, les instruments de la pensée libérale qui, pour nous, sont inadaptés aux besoins de notre société.
Ce n'est pas seulement ma voix qui condamne votre politique : le pays, me semble-t-il, a forgé son opinion ou est en train de le faire. Le pays sait que le moment est décisif. De lourdes responsabilités attendent vos successeurs car, quand une politique échoue, il faut en changer, et je crois que les Français ont tranché. Ils attendent une autre politique dont le socle sera constitué par la volonté d'apporter des réponses à l'emploi.
J'ai entendu, cet après-midi, parler à plusieurs reprises du projet socialiste...
M. Jean-Jacques Hyest. Parce qu'il y en a un ?
M. Jean-Pierre Masseret. ... et j'ai eu parfois le sentiment qu'il était singulièrement caricaturé, comme cela vient d'être le cas, à l'instant, par M. de Rohan.
Son objectif est l'emploi, l'amélioration du pouvoir d'achat pour engendrer la croissance. Des mesures en faveur de l'emploi sont nécessaires, monsieur le ministre, parce que, même avec un taux de croissance de 2 % l'an, le nombre de chômeurs ne diminuera pas.
M. Jean Chérioux. Il fallait les mettre en oeuvre quand vous étiez au pouvoir !
M. Jean-Pierre Masseret. Même avec une croissance de 3 % ou 4 %, il faudrait vingt ans pour arriver à un résultat. Or le pays ne peut pas attendre vingt ans pour obtenir les réponses qu'il attend à la question centrale de l'emploi dont tout découle dans notre société.
M. René Régnault. Très bien !
M. Jean Chérioux. Quelle réponse y avez-vous donné, vous ? Aucune.
M. Jean-Pierre Masseret. En 1981, l'inflation était de 14 % ; aujourd'hui, elle est de 2 % et les conditions sont différentes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Et le chômage !
M. Jean-Pierre Masseret. Tout à l'heure, vous avez cité en exemple la Grande-Bretagne. Mais ce pays appartient-il encore au système monétaire européen ? (Ah ! sur les travées de l'Union centriste.)
Croissance et augmentation du pouvoir d'achat, plus de justice sociale et de justice fiscale sont nécessaires à notre pays ; des mesures pour l'emploi doivent être prises d'urgence.
Quant à l'Europe, ce n'est qu'un instrument dont on peut faire un bon ou un mauvais usage. Aujourd'hui, les libéraux veulent se saisir de l'Europe pour peser sur les salaires, sur la protection sociale, remettre en cause un certain nombre d'acquis qui constituent la civilisation européenne et notamment le modèle social français.
Mais l'Europe, ce n'est pas que cela : il faut en faire un autre usage et avoir comme priorité l'emploi, la cohésion sociale, le développement, les grands travaux, c'est-à-dire faire participer l'Europe à la croissance économique,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Pourquoi ne l'avez-vous pas inscrit dans le traité de Maastricht que vous avez rédigé ?
M. Jean-Pierre Masseret. ... au développement du pouvoir d'achat et de l'emploi.
Personne ne nous oblige aujourd'hui à accepter le diktat de M. Tietmeyer en matière de monnaie unique.
Le débat qui s'engage sur ce point, y compris, me semble-t-il, dans votre propre camp, est intéressant. En effet, un certain nombre de voix se font entendre, et non des moindres : je ne crois pas en effet qu'un ancien Président de la République française soit un personnage anodin sur l'échiquier politique de notre pays.
Le débat existe ; il est bon qu'il soit posé, parce que l'on ne peut pas s'engager dans la parité euro-dollar dans n'importe quelles conditions. En effet, si on le faisait sur une base libérale qui accepterait une surévaluation du dollar, je vous garantis que les vingt prochaines années seraient redoutables pour l'Europe occidentale et pour ses travailleurs.
C'est une erreur à ne pas commettre : une responsabilité extraordinaire pèse aujourd'hui sur nous en ce qui concerne la construction de cette Europe. Elle ne peut pas être réalisée dans n'importe quelles conditions.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Elles ont été posées par vous, les conditions !
M. Jean-Pierre Masseret. Nous en avons posé quatre, monsieur Poncelet.
Monsieur le ministre, votre politique est un véritable échec pour la France et pour les Français. J'ai le sentiment que nos compatriotes sont déterminés à résister. Ils le montrent ; ils l'ont déjà montré, il y a un an notamment, par une série de grèves. Cela continue. Ce n'est pas que les Français soient incapables de comprendre la modernité, mais ce qu'ils veulent, c'est trouver une juste place dans la construction de la société : cela veut dire de la dignité, cela veut dire du travail, cela veut dire des salaires, cela veut dire des logements, cela veut dire aussi un avenir pour leurs enfants ; cela veut dire tout simplement une meilleure répartition de la richesse. Il est anormal que notre pays, qui est plus riche au 31 décembre qu'au 1er janvier, compte toujours plus d'exclus.
Les Françaises et les Français veulent travailler ; ils veulent une meilleure répartition de la richesse, à la création de laquelle ils participent grandement. C'est tout leur message, et je crois que vous devriez le transmettre à M. le Premier ministre.
Je conclurai par un mot un peu dur : cher Jean Arthuis, dites à M. Juppé que sa politique ne « vaut pas un clou » et que les Français n'en peuvent plus ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 1997.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'emblée faire part de notre inquiétude de voir le Parlement subir assauts et contraintes le privant du pouvoir souverain de décider librement du budget de la nation.
En effet, la mondialisation devient un élément de votre politique, monsieur le ministre, avec ce qu'elle entraîne en termes de dérégulations et d'inégalités, en lieu et place de réponses à la crise.
La France supporte les conséquences d'une telle évolution.
De 1981 à 1991, il est sorti de France 106 milliards de dollars de capitaux, quand les Etats-Unis en exportaient 184 milliards. Les capitaux français sont de moins en moins investis en France : sur les cent cinquante premières multinationales, treize sont américaines mais neuf sont françaises. Beaucoup de leurs capitaux manquent à l'économie française.
Cette évolution marchande de l'économie de notre pays joue contre la production de richesses nationales. Or M. le Président de la République vient de confirmer la volonté d'encourager cette évolution lors de son voyage au Japon.
Les entreprises, la politique sociale mais aussi les ressources budgétaires souffrent de cette situation.
La mise en place de la monnaie unique nous prive de notre pouvoir de décision en même temps qu'elle nous prive de ressources.
Sous prétexte de réduire le montant des déficits, l'Europe de Maastricht nous contraint à réduire de près de deux points le taux du déficit. L'obsession de la réduction des déficits en vue d'obtenir une place dans la sphère de la monnaie unique conduit le Gouvernement à encadrer le débat budgétaire dans d'étroites limites et à le soumettre à toutes sortes de contraintes.
Notre inquiétude se nourrit de certaines déclarations de M. Arthuis, telles que celle-ci : « Les dépenses de l'Etat vont baisser. Le reflux de la dépense publique et des impôts est destiné à être profond et durable. » Ou encore celle-ci : « L'an prochain, nous serons en phase avec l'Allemagne, qui envisage une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %. »
Où est l'intérêt national ? D'autres que nous s'interrogent sur cette évolution et certains de nos collègues expriment une grande inquiétude. La réunion de la commission du 14 novembre, organisée sous l'égide de M. Arthuis, sur les procédures de passage à l'euro l'a montré avec éclat.
Un certain nombre d'élus pensent, comme nous, qu'une politique nationale forte passe par la maîtrise de sa monnaie, de sa défense, de sa diplomatie, donc de son budget. La France frappe l'euro et notre administration des monnaies et médailles se demande où elle va pouvoir stocker tous ces euros.
La France s'efface. Battra-t-elle encore longtemps monnaie française ? C'est une question grave qui est posée. N'envisagez-vous pas d'arrêter de battre des francs en 1998 ?
Quant à la politique de défense nationale, elle ne suscite pas moins d'interrogations quand est remise en cause la production de ses Rafale, quand est réduit de 32 000 unités le nombre de jeunes Français appelés à remplir leur rôle de citoyens-soldats.
Vous avez bâti votre projet de loi de finances autour d'une idée maîtresse, voire exclusive, celle de la réduction du déficit public, et donc des dépenses publiques, en vous alignant sur la politique maastrichienne.
Vous n'avez pas hésité, monsieur le ministre, pour vous soumettre, à réduire de 60 milliards de francs les dépenses publiques, sans aucun souci des besoins de la nation en matière d'emploi, de logement, d'école, de santé, d'équipement, de sécurité. Vingt-cinq des vingt-huit budgets civils sont en baisse. L'ensemble des départements ministériels est touché par cette orientation. Le nombre des fonctionnaires diminue de plusieurs milliers et cela concerne tous les secteurs de la fonction publique.
Les seuls budgets épargnés sont celui des charges communes, du fait de la nouvelle progression du service de la dette, estimé de 235 milliards à 245 milliards de francs, celui de la poste et des télécommunications, avec une montée en charge des frais de paiement des pensions des agents de France Télécom, et celui du travail et des affaires sociales.
C'est l'alourdissement des charges d'exonération des cotisations patronales et des charges liées au RMI qui explique cette évolution.
Pour procéder à l'évaluation politique de la démarche gouvernementale, il est intéressant d'analyser notamment les crédits inscrits au titre IV, d'une part, et aux titres V et VI, d'autre part. En loi de finances initiale, ces deux ensembles constituaient une masse de 532 milliards de francs. Si le Parlement vote le présent projet de budget, ils ne représenteront plus en 1997 que 527 milliards de francs, ce qui correspond à une réduction de près de 3 % en francs constants.
Vous menez une politique de réduction drastique de la dépense publique et, parallèlement, de développement de la recette fiscale.
Vous agissez sous les menaces de l'article 104-C du traité de Maastricht, qui prévoit des sanctions progressives : rapport au Conseil sur l'évaluation globale du déficit, puis établissement de recommandations, secrètes ou publiques, puis mise en demeure avec calendrier précis. En cas de refus d'obtempérer, cela va jusqu'à inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'Etat-membre concerné ou encore à obliger ledit Etat de faire un dépôt de pénalité, lequel peut se transformer en amende.
Vous faites juger le budget de la France par des Etats étrangers !
Je doute fort que le Sénat accepte toutes les sanctions prévues. Nous sommes responsables de notre politique devant les citoyens français et non devant des instances extra-nationales ou para-nationales.
Monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, vous affirmiez faire de la réduction des déficits une priorité de votre politique. Vous avez réussi, mais au prix de l'affaiblissement de la croissance et du progrès social.
Vous aviez également considéré l'emploi comme une priorité. Sans progression du pouvoir d'achat, de la consommation, des productions, comment l'affichage de cette priorité pourrait-il être fécond ?
En deux ans, cette politique a coûté 1,2 point de croissance ; ce sont près de 100 milliards de francs de richesses nouvelles et 100 000 à 150 000 emplois qui sont ainsi perdus.
Avec le budget que vous nous présentez, c'est encore un point de croissance qui est abandonné pour s'aligner sur le déficit allemand de 2,5 % en 1997, et même tenter de faire mieux.
Vos chiffres prouvent que vous souhaitez poursuivre dans la même voie. Le taux de croissance retenu devrait être de 2,3 %, mais l'augmentation de la part des ménages serait de 1,4 %. La différence entre ces deux taux est synonyme d'austérité accrue, dans un pays qui compte déjà 3,5 millions de chômeurs. Et une telle perspective inquiète de plus en plus les Français.
Pour la première fois depuis la Libération, le secteur public ne créera pas d'emplois.
Vos mesures budgétaires, prétendez-vous, s'accompagnent de réductions de l'impôt. Il s'agit d'une contre-vérité puisque l'article 33, article d'équilibre, prévoit la perception de 1 269,2 milliards de francs de recettes nettes pour une stabilisation des dépenses à 1 553 milliards de francs, mais avec une hausse de 15,7 milliards des recettes fiscales.
Les recettes augmentent, et je voudrais rappeler comment elles se répartissent. La TVA, impôt injuste par essence, représente 45,6 % du total. La taxe intérieure sur les produits pétroliers, tout aussi injuste, en représente 10,9 %. La part de l'impôt sur le revenu passerait de 22,7 % à 20,9 % et celle de l'impôt sur les sociétés resterait stable à 10,4 %.
Non, monsieur le ministre, vous ne nous proposez nullement une réforme démocratique de notre fiscalité. Les grandes caractéristiques de notre fiscalité sont maintenues : poids excessif et déterminant des droits indirects, rôle accessoire des impôts progressifs, au demeurant insuffisamment progressifs.
Votre réforme de l'impôt sur le revenu, dont traitent les articles 2 à 8, n'en modifie que très peu l'assiette, celle-ci restant constituée, pour l'essentiel, par les salaires et les pensions de retraite. Les modifications proposées ne portent que sur les taux du barème.
Si l'on fait la somme des mesures annoncées, on constate que salariés et retraités vont être mis nettement à contribution, alors que les non-salariés obtiendront une nouvelle disposition favorable, s'ajoutant aux avantages déjà accordés en matière de revenus fonciers, de quirats, tandis qu'est maintenu, voire renforcé, le traitement dérogatoire des revenus du capital.
Vous ne pouvez contester le fait que 80 % des revenus financiers des ménages échappent à l'application du barème progressif et que les seules extensions d'assiette de l'impôt concernent les indemnités de maternité et d'accident du travail. Cela montre à l'évidence que la réforme démocratique de la fiscalité reste à entreprendre.
Je compléterai cette analyse par quatre autres remarques.
Premièrement, la participation de 87 milliards de francs au budget européen reste bien inférieure à ce qui revient de l'Europe à la France. Pour la France, l'Europe est non une aide, mais un boulet financier.
Deuxièmement, l'équilibre n'est assuré que par l'article 28, qui prévoit un versement de 37,5 milliards de francs de provisions pour les retraites de France Télécom, au profit d'un nouvel établissement public. Vous n'hésitez pas à démanteler le service public !
Troisièmement, l'article 29 prive le logement social de 7 milliards de francs et le budget de la santé organise fermetures de lits, voire de services ou d'hôpitaux, et suppressions d'emplois.
Ma quatrième observation concerne les collectivités territoriales. Paul Loridant analysera, au nom de notre groupe, vos propositions à ce sujet mais je tiens à dire dès à présent que votre intérêt soudain pour la hausse des impôts locaux ne s'exprime que dans le cadre de votre obsession de la réduction des dépenses publiques.
Vous voulez que les collectivités locales constituent le relais de votre politique. Vous savez bien, monsieur le ministre, que les élus de la quasi-totalité des départements, villes et villages doivent faire face à des besoins croissants, devant le chômage et la précarité vécue par les habitants.
Il est indéniable que si vous imposez aux collectivités territoriales de nouvelles réductions des dépenses, vous aggraverez les conditions de vie des citoyens.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les élus ont déjà réalisé des économies importantes ces dernières années pour boucler leur budget.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est contraire aux intérêts de la France, de ses citoyens, de l'emploi, de son économie. Nous le maltraiterons tout au long du débat budgétaire.
Nous défendrons cent seize amendements. A l'évidence, ce qui compte, c'est non pas leur nombre, mais leur orientation, qui correspond à une autre conception des choix et des équilibres budgétaires.
Ces amendements répondent à six objectifs.
Premièrement, la relance de la consommation repose sur l'amélioration du pouvoir d'achat, qui est porteur de recettes pour l'Etat.
Deuxièmement, des mesures de progrès social peuvent accompagner les recettes.
Troisièmement, des rentrées fiscales nouvelles peuvent surgir d'une plus grande justice fiscale.
Quatrièmement, les privatisations sont porteuses d'austérité, d'érosion fiscale et de réduction de l'emploi. Elles doivent être revues pour assurer une prospérité nouvelle.
Cinquièmement, les finances des collectivités territoriales peuvent être sources de réponses aux besoins de la population et représenter des compléments d'une gestion démocratique de l'Etat.
Enfin, sixièmement, des mesures de réduction de l'impôt en faveur du contribuable moyen s'imposent. Ce dernier est accablé de prélèvements, monsieur le ministre !
Par conséquent, nous n'adoptons pas une attitude de repliement critique et frileux pour cette discussion budgétaire. Au contraire, nous avons une confiance forte dans les possibilités de la France. Ecoutez notre voix et nos propositions : elles sont animées de la certitude que la France est encore riche et productive, qu'elle peut devenir une nation libre d'établir un bon budget, équilibré, démocratique, empreint de justice sociale et de progrès.
Les amendements que nous avons déposés seront l'expression de cette confiance.
Vous rencontrerez de notre part une attitude défavorable, indignée face à votre budget de renoncement et d'inégalité, monsieur le ministre. Désormais, il ne tient qu'à vous que nous adoptions une autre attitude. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis ce soir pour l'exercice rituel de l'examen du budget de l'Etat, qui, au-delà de l'aspect purement comptable, retient particulièrement notre attention parce qu'il détermine, bien sûr, les orientations économiques et politiques du pays.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour 1997 ? Vos objectifs sont clairs, puisque ce sont les mêmes depuis bientôt quatre ans : la réduction du déficit public, accompagnée de deux grandes priorités, l'emploi et la cohésion sociale.
Si je peux vous féliciter pour votre constance dans l'affichage de vos priorités, je n'en ferai pas autant pour votre persévérance dans l'échec. En effet, les résultats sont malheureusement, eux aussi, à peu près les mêmes depuis quelques années.
Par ailleurs, la présentation générale de la loi de finances pour 1997 me semble assez étonnante. Elle s'inscrit dans un cadre économique qui, nous dit-on, est prometteur : l'hypothèse de croissance retenue pour 1997 est de 2,3 %.
Puis-je vous rappeler, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, lors de l'examen du projet de budget pour 1996, la croissance avait été évaluée à 2,8 %. Finalement, elle n'a été - et je le regrette - que de 1,3 %.
Les mathématiques nous apprennent qu'une mauvaise hypothèse conduit à de faux résulats. Or la surestimation de la croissance engendre fatalement une défaillance des recettes fiscales. Et la prétendue maîtrise des finances publiques est rétablie en cours d'année par des gels ou des annulations de crédits.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous continuer à bâtir votre budget sur un tel excès d'optimisme ? La réponse est simple : c'est parce que vous croyez à l'efficacité de votre politique. Malheureusement, en dehors de vous, presque plus personne n'y croit et il y a en France un vrai problème de défiance collective à l'égard de vos actions. Et pour cause !
Si la déflation, les excédents du commerce extérieur et le taux d'autofinancement des entreprises vous autorisent à penser que la France est sur la voie du redressement, tant mieux ! Mais l'indicateur qui révèle le mieux la vitalité d'un pays est bien celui de l'emploi. Si le rétablissement des marges financières et l'augmentation des exportations ne profitent pas à l'emploi, on ne peut guère crier victoire.
Le nombre de demandeurs d'emploi est passé de 11,6 % en août 1995 à 12,6 % à ce jour. Alors que la priorité est, d'après vos dires, justement celle-là, le marché du travail se dégrade : le chômage de longue durée s'installe, les licenciements économiques augmentent et les offres d'emploi stagnent.
La cohésion sociale, seconde priorité affichée dans le présent texte, comme dans les précédentes lois de finances, risque aussi d'être contrariée, me semble-t-il - je le dis de la manière la plus modérée possible - par le problème du chômage, que je viens d'évoquer, ainsi que par vos choix budgétaires.
Comment maintenir la cohésion sociale lorsqu'on réforme la fiscalité dans un sens inégalitaire et que l'on supprime des emplois et des crédits publics, à un moment où la situation exigerait que soient menées des actions vigoureuses dans les domaines du logement, de l'éducation ou de l'aménagement du territoire ?
Le projet de budget soumis à partir d'aujourd'hui à notre examen représenterait l'amorce d'une réforme fiscale. Si le transfert du poids de la fiscalité des plus favorisés vers ceux qui le sont moins constitue une réforme fiscale, c'est que nous ne partageons pas, me semble-t-il, la même notion des changements.
Vous annoncez - avec, pour une fois, de grands efforts de pédagogie et de communication - une réduction des impôts sur le revenu de l'ordre de 25 milliards de francs. Toutefois, vous omettez de préciser que la hausse de certains prélèvements, ainsi que l'augmentation du taux de la TVA et des taxes sur les carburants, les alcools et le tabac ont entraîné une ponction sur le pouvoir d'achat des ménages de plus de 100 milliards de francs cette année.
La hausse de la fiscalité indirecte a permis de récupérer un produit quatre fois supérieur au montant de celui qui sera rendu aux contribuables par la fiscalité directe. En outre, vous le savez - nous sommes nombreux à le répéter - la TVA est l'impôt qui frappe le plus durement les bas revenus, ce dès le premier franc de consommation.
Une véritable réforme consisterait donc à s'attaquer à cette perversion. Certes, je ne dis pas que l'impôt sur le revenu est un modèle d'équité. Néanmoins, monsieur le président de la commission, il a ma préférence. Outre le fait qu'il a été instauré au début du siècle par Joseph Caillaux, un radical...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Au taux de 1,1 % !
M. Jean-Michel Baylet. ... il a également le mérite d'introduire une progressivité et d'être facilement perfectible.
A mon sens, réviser la fiscalité consiste non pas à jouer sur les taux, mais plutôt à revoir les fondements de l'impôt.
S'agissant précisement de l'impôt sur le revenu, un élargissement des assiettes taxables, un rapprochement des conditions de taxation des différentes sources de revenu, la mise en place d'une retenue à la source sur les salaires et la prise en compte de la situation patrimoniale dans l'appréciation de la capacité contributive conduiraient, me semble-t-il, à une meilleure répartition de ce que nous pouvons appeler « le fardeau fiscal ».
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est juste !
M. Jean-Michel Baylet. En ce qui concerne les dépenses, sans entrer dans le détail - nous aurons l'occasion de le faire fascicule par fascicule - permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que, là aussi, certains choix budgétaires me laissent perplexe.
Le respect des critères de convergence vous invite à réduire le déficit public. Soit ! Je ne suis pas de ceux qui s'inscrivent dans une orientation farouchement anti-européenne, voire anti-maastrichtienne. Les radicaux socialistes ont, s'agissant de la construction européenne, une tradition sociale, et ils l'assument !
Mais s'agit-il de le faire aveuglément ? S'agit-il de le faire au risque de creuser davantage les inégalités sociales et de favoriser la marginalisation d'une partie de la population ?
Vous croyez réformer la fiscalité ; en réalité, vous ne le faites pas. Vous pensez réduire le déficit public tout en oeuvrant pour le maintien de la cohésion sociale ; en fait, vous vous attaquez aux budgets les plus impliqués dans la lutte contre l'exclusion.
L'emploi, le logement, l'aménagement du territoire, l'industrie, les collectivités locales, la jeunesse, les structures d'éducation populaire, et bien d'autres secteurs encore, feront les frais de ces orientations.
En ce qui concerne, par exemple, les crédits consacrés à l'emploi, ils augmenteraient de 3,5 %, tandis que plus de 47 milliards de francs seraient inscrits au budget des charges communes pour financer, entre autres, l'allégement du coût du travail. Vous persistez, en effet, à privilégier les incitations à l'embauche, alors que - nous le savons bien ! - les entreprises ne recrutent pas au-delà de leurs stricts besoins. Et quand elles le font, elles utilisent parfois - pour ne pas dire souvent - ces aides en précarisant des emplois qui ne devraient pas l'être.
Dans ces conditions, en renforçant le cap sur les allégements de charges, vous contribuez à faire du travail une sorte de variable d'ajustement
La diminution de 15,5 % des crédits consacrés à l'aménagement du territoire, ainsi que la quasi-stabilisation des concours aux collectivités locales et à la décentralisation ne me semblent pas non plus aller dans le sens d'une réduction de la fracture sociale.
Afin de répondre à une demande d'aide sociale de plus en plus forte, les collectivités territoriales sont contraintes d'augmenter leur propre fiscalité pour répondre au désengagement de l'Etat dans certains secteurs. En l'occurrence, elles devront subir les répercussions de la suppression de 5 600 emplois que vous programmez dans la fonction publique.
Je constate que les promesses faites au moment de l'adoption de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire sont contredites - c'est le moins qu'on puisse dire - par ces évolutions. Cela aura pour résultat la multiplication des zones fragiles ainsi que l'aggravation des difficultés pour ceux qui y vivent.
Enfin - c'est le dernier exemple - le secteur du logement, qui contribue pourtant très fortement à la cohésion sociale, voit ses moyens diminuer de plus de 4 %.
Parmi les nouvelles dispositions, le remplacement de la subvention budgétaire par une réduction de la taxe sur la valeur ajoutée de 20,6 % à 5,5 % pour la construction de logements locatifs sociaux me semble une remise en cause des aides à la personne que rien ne justifie. En outre, est-on certain de la neutralité financière d'une telle mesure ? J'espère que M. le ministre délégué au logement apportera des garanties sur ce sujet - elles sont attendues - en ce qui concerne plus particulièrement les organismes d'HLM, qui sont aujourd'hui légitimement très inquiets.
D'une façon générale, je vous l'ai dit, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances ne me paraît pas de nature à contribuer à l'amélioration de la situation économique de notre pays.
Une fiscalité désavantageuse pour les plus démunis, une diminution des moyens attribués aux principaux secteurs susceptibles de maintenir la cohésion sociale : toutes ces orientations tournent le dos à un possible redressement.
Seule une politique volontaire de relance, animée par les principes de solidarité et de justice sociale, permettra de retrouver les chemins du progrès. Hélas ! ce n'est pas le cas ! C'est la raison pour laquelle mes amis radicaux socialistes et moi-même ne pouvons approuver un tel budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premières paroles seront pour féliciter le Gouvernement, à la différence de l'orateur précédent (M. Baylet sourit), d'avoir eu le courage de stabiliser la dépense publique, d'entamer dès 1997 la nécessaire décrue des prélèvements obligatoires et d'avoir, dans l'ensemble des domaines concernés par le budget, soumis à un examen approfondi un certain nombre d'actions de l'Etat.
Comme mon collègue et ami M. Roland du Luart, j'approuve les objectifs de réduction des déficits budgétaires et sociaux, de remise en ordre de la fonction publique de l'Etat et de réorganisation des interventions en matière économique et sociale que s'est fixés le Gouvernement.
Mais, tout en approuvant le cadrage d'ensemble, je me pose quelques questions que je vais rendre publiques. Si ces questions ne remettent pas en cause la ligne politique que défend le Gouvernement et qu'a soutenue la commission des finances à travers les excellentes interventions de son président et de son rapporteur général,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Merci, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... elles pourraient déboucher, monsieur le ministre, sur quelques variantes.
J'aborderai trois domaines : la réforme fiscale, la protection sociale et les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
S'agissant de la réforme fiscale, je poserai deux questions.
En premier lieu, fallait-il commencer, en 1997, par la réforme de l'impôt sur le revenu et y consacrer 25 milliards de francs ?
M. Michel Sergent. Sûrement pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Quand on examine les indicateurs économiques, on s'aperçoit, quoi qu'on dise, que la consommation des ménages correspond à peu près aux prévisions qui avaient été faites l'année dernière, que nos résultats en matière de commerce extérieur sont satisfaisants, que l'inflation est maîtrisée et que le véritable moteur qui ne fonctionne pas dans notre économie, c'est l'investissement.
Aussi, je ne vous interrogerai pas sur le choix entre réforme de l'impôt sur le revenu et baisse de la TVA, car une diminution de 25 milliards de francs en matière de TVA représenterait une réduction infinitésimale du taux de cette taxe et n'aurait aucun effet,...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... ni sur les consommateurs ni sur les entreprises. Je me demande s'il n'aurait pas fallu que l'effort portât en priorité sur l'incitation à l'investissement productif. En effet, nous prenons du retard dans ce domaine : nos entreprises ne s'équipent pas.
En matière d'investissement productif, l'« électroencéphalogramme » est plat depuis plusieurs années et si jamais nous assistons, ce que je souhaite comme vous, à une reprise de la croissance dès la fin de cette année et l'an prochain, nous risquons de rencontrer de nouveau quelques goulets d'étranglement.
Un aménagement temporaire, par exemple entre le vote du projet de budget et la fin de l'année 1997, des coefficients d'amortissement, une accélération de l'amortissement dégressif sur un certain nombre de machines et de matériels auraient permis d'accélérer la reprise et de donner un meilleur profil à l'année 1997. En effet, nous ne risquons rien en matière de commerce extérieur puisque, avec un excédent qui sera de l'ordre de 100 milliards de francs, un déséquilibre n'est pas à redouter et, s'agissant de l'inflation, les conséquences ne seraient pas très graves.
La seconde question est plus difficile, monsieur le ministre, et, je l'avoue, sur ce point, je n'ai pas de certitude, ni vous non plus d'ailleurs, ni la commission des finances : faudra-t-il conserver longtemps un système hybride de déduction partielle de la CSG dans le cadre d'un impôt sur le revenu réduit en volume et en nombre d'assujettis ?
M. Jacques Delong. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, deux thèses sont concevables.
La première consisterait à revenir au vieux système de la taxe proportionnelle et de la surtaxe progressive. J'ai été rapporteur, dans ma jeunesse, de la commission qui, en 1959, a mis fin à ce système de taxe proportionnelle et de surtaxe progressive, pour créer l'impôt unique sur le revenu.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Hélas !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cependant, comme en matière fiscale il n'y a jamais d'innovation, on peut parfaitement revenir au système d'avant 1959. A ce moment-là, il n'y a pas de déduction de la CSG, laquelle est transformée en impôt proportionnel et notre impôt sur le revenu a deux étages : un impôt proportionnel avec un taux faible frappant tous les revenus et une surtaxe progressive ne frappant que les revenus élevés.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. L'autre thèse consisterait à conserver à la CSG sa vocation sociale, de lui garder son caractère de cotisation. A ce moment-là, il faut aller jusqu'au bout et accepter que cette cotisation soit entièrement déductible de l'impôt sur le revenu, qui serait un véritable impôt sur le revenu, mais alors quel danger représente la réduction du nombre d'assujettis à cet impôt. En effet, plus le nombre d'assujettis est réduit et plus les déductions créeront des inégalités envers ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.
Je préfère, pour ma part, la deuxième formule, à la condition que l'on ne réduise pas trop le nombre d'assujettis à l'impôt sur le revenu.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Ce n'est pas la démarche qui est suivie !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite qu'il soit procédé à un examen approfondi au cours des prochains mois et que la commission des finances du Sénat entreprenne une réflexion sérieuse, comme elle a l'habitude de le faire, avant qu'une décision définitive ne soit trop rapidement arrêtée. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, la déduction de la nouvelle tranche de CSG que l'on crée cette année est un système - j'allais dire radical-socialiste, mais cela ne serait pas très gentil pour notre collègue M. Baylet ! (Sourires sur les travées socialistes.) - parfaitement hybride qui, selon moi, ne pourra pas être appliqué très longtemps.
En ce qui concerne la protection sociale, j'exprimerai deux inquiétudes.
Le vote récent de la loi de financement de la sécurité sociale montre clairement, pour tous ceux qui ont étudié en profondeur l'ensemble de ce texte, que le retour à l'équilibre sera difficile à obtenir si nous différons sans cesse les nécessaires réformes de structures.
La France dispose aujourd'hui de 144 régimes de sécurité sociale si nous additionnons les régimes de base, les régimes spéciaux et les régimes complémentaires. Cette prolifération de régimes entraîne, à l'évidence, des problèmes de relations financières complexes et opaques entre les uns et les autres, avec des systèmes de prélèvements dans lesquels vos collaborateurs de la direction du budget découvrent, chaque année, comme par hasard, un fonds excédentaire dont le « pompage » sert à financer un régime qui ne fonctionne plus.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. La CNRACL !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est plus la théorie du sapeur Camember qu'une politique budgétaire rationnelle.
Le moment est venu d'une remise à plat de l'ensemble de ces systèmes. Elle nous permettra de dégager beaucoup d'économies de gestion, de simplifier les transferts et nous obligera à mettre en parallèle les avantages réciproques des différentes prestations ; cela permettra, sans doute mieux que des décisions autoritaires prises sans concertation, de faciliter sinon l'harmonisation tout au moins le rapprochement des différents régimes. Je ne veux pas la mort du pécheur ni une nouvelle grêve à la SNCF, mais je souhaite que l'on commence à examiner la situation de près et que l'on évite de « pomper » les excédents de ressources d'un régime qui donne un certain type de retraite pour financer un régime accordant un autre type de retraite avec des méthodes de calcul, un âge de départ et des conditions spécifiques différents.
Il s'agit d'une réforme tout à fait importante. Si le Gouvernement et le Parlement n'ont pas le courage de conduire cette réforme en profondeur, en distinguant bien ce qui relève du domaine de l'assurance et qui doit être couvert par des cotisations de ce qui est du ressort de la solidarité et qui doit être couvert par le budget de la nation, je crains que nous ne risquions de continuer à prélever les excédents des uns pour résorber les déficits des autres, et finalement de porter atteinte à l'essence même de notre système de sécurité sociale. Croyez-moi, cette inquiétude est partagée par nombre de nos collègues qui sont spécialistes de ces questions. Ces réformes ne pourront pas être différées très longtemps.
J'ai une autre inquiétude en matière de prélèvements sociaux, qui m'est apparue lorsque j'ai examiné un certain nombre de statistiques et vu les réactions offensées d'un certain nombre de catégories sociales dès lors que sont abordées des sujets quelque peu tabous.
Je suis, en effet, un peu inquiet de constater que le Gouvernement et le Parlement, tout au moins sa majorité, se sont engagés depuis quelques années dans un effort continu de réduction des taux des cotisations et des prélèvements correspondant à notre politique sociale. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que figuraient au budget des charges communes 43 milliards de francs au titre des allégements de cotisations patronales sur les salaires des personnes qui perçoivent entre 1 et 1,33 SMIC, c'est-à-dire des travailleurs en principe peu qualifiés. Ces 43 milliards de francs représentent une charge budgétaire tout à fait importante.
Nous nous sommes donc lancés depuis quelques années dans une réduction du poids des cotisations sociales. Or, dans le même temps, depuis sept ou huit ans, nous constatons une contraction continue de l'assiette des cotisations sociales versées par les entreprises.
Ainsi, des salaires sont versés à l'étranger, et la mondialisation de l'économie ne fait que favoriser ce processus. Nous assistons aussi à la multiplication des avantages en nature. Des indemnités de licenciement sont transformées en capital de départ, en dehors de toute législation. Nous assistons - et c'est plus grave - à la mise en oeuvre d'un dispositif inventé par des cabinets de conseils fiscaux spécialement astucieux. Il s'agit de la suppression de la rémunération salariale pour les gérants minoritaires de SARL. Ceux-ci sont rémunérés par des honoraires et ils transforment en dividendes le produit de leur activité, et tout cela échappe donc à toute cotisation sociale. Il y a, enfin, les fameux stock-options dont nous avons parlé assez longuement dans cette enceinte. Présentés au départ comme un avantage que l'on octroyait à quelques cadres dirigeants très sélectionnés, ils concerneraient aujourd'hui plus de 150 000 cadres et dirigeants de notre pays, qui ont trouvé là un moyen de bénéficier de rémunérations accessoires échappant à toute cotisation sociale.
Aussi, lorsque l'on examine les comptes des régimes sociaux, la conjoncture a bon dos ! En effet, on dit : « Comme la conjoncture n'est pas très bonne et que le taux de croissance est faible, les recettes attendues de l'évolution de la masse salariale ne correspondent pas à la réalité. » Non ! Il y a, certes, un ralentissement conjoncturel au terme duquel l'assiette des cotisations sociales ne progresse pas autant que les dépenses, mais il y a aussi un phénomène d'évasion et de restriction de l'assiette qui me paraît tout à fait dangereux.
On a beaucoup parlé, voilà quelques mois ou quelques années, des entreprises citoyennes. Face à cette diminution de l'assiette, nous devrions avoir deux attitudes. D'abord, ne pourrions-nous pas demander à ces entreprises qui se veulent citoyennes de le démontrer en cessant ces petits jeux ? Ensuite, pour revaloriser un peu le pouvoir d'achat et pour montrer que notre objectif est de diminuer globalement les charges sociales, ne pourrions-nous pas aussi réduire un certain nombre de cotisations acquittées par les salariés ? En effet, nous sommes sûrs que cela se traduirait immédiatement en gain de pouvoir d'achat et que nous aurions un effet économique certain dans le cadre de la conjoncture actuelle.. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Delong. Pour une fois, la gauche applaudit la droite !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous le voyez, ce sont des variantes, monsieur le ministre.
M. Michel Charasse. Des variations sur un thème !
M. Jean-Pierre Fourcade. Des variantes !
M. Michel Charasse. Belle partition !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le troisième point que je voudrais évoquer concerne les rapports entre l'Etat et les collectivités locales.
Le congrès de l'Association des maires de France qui se tient en ce moment à la porte de Versailles l'a bien montré, il faut que cesse cette tension permanente entre les gouvernements - car, hélas ! ce n'est pas le gouvernement auquel vous appartenez qui a créé la tension ; c'est une longue histoire - et les collectivités locales.
Nous sommes tous confrontés à un problème de pénibilité de l'effort fiscal et de pénurie de la ressource, tant l'Etat que les collectivités territoriales. Il faudrait que ensemble nous analysions la réalité des transferts de charges et des compensations. Nous sommes tous favorables, à quelques exceptions près, à la construction européenne, nous subissons tous la mondialisation de l'économie et il est clair que doit cesser le fameux petit jeu qui consiste à dire que lorsqu'il y a problème au niveau des collectivités locales, l'Etat n'a qu'à donner quelques ressources supplémentaires, ou, pour l'Etat, que lorsque les collectivités locales dépensent trop, elles n'ont qu'à réduire leurs dépenses. Tout cela doit cesser et les querelles relatives aux dépenses et aux recettes doivent être laissées au vestiaire.
L'Observatoire des finances locales, créé l'an dernier, a été mis en place pour donner une base objective à ce constat. Il doit proposer des perspectives à moyen terme de collaboration fructueuse. En dépit du petit incident concernant la REI, la réduction de taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, que nos collègues de l'Assemblée nationale ont rapidement...
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Réglé !
M. Michel Charasse. Passé à la trappe !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... résolu et renvoyé aux calendes grecques, nous pouvons dire que 1997 est une année où l'Etat tiendra ses engagements.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il n'y a pas - et c'est important de le dire aujourd'hui - de nouvelles offensives vis-à-vis des collectivités locales. Il faut donc mettre à profit l'année 1997 pour entamer la réflexion, pour tenter de mettre un terme à ces querelles, pour étudier sereinement les objectifs que nous nous fixons et les modalités de partage de la recette - rare - que nous pouvons mettre en oeuvre.
Mais, bien entendu, monsieur le ministre, cette amélioration des relations suppose un certain nombre de choses.
D'abord, il faut que le pouvoir normatif des administrations centrales soit contenu. Or, nous constatons, à l'heure actuelle, que, s'agissant des règles de sécurité, de la construction des crèches, des problèmes d'environnement ou de dépollution, il ne l'est pas. Aussi, nous souhaitons que vous soyez de notre côté pour éviter que ceux qui n'ont plus de subventions à distribuer ne cessent de nous envoyer des directives ou de nous fixer des obligations en matière de normes.
M. Michel Sergent. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut également que les chambres régionales des comptes s'occupent moins de l'opportunité de la dépense que de l'effet de cette dépense sur l'ensemble des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Paul Loridant. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut enfin - car chacun doit balayer devant sa porte - que la mise en place de l'intercommunalité soit non pas un prétexte pour additionner plusieurs niveaux de fiscalité, mais simplement l'adaptation aux besoins de nos concitoyens dans les structures territoriales. Il s'agit de rechercher à chaque fois, par l'effet de dimension, à réduire le coût et, par conséquent, à pouvoir, avec une fiscalité égale, agir dans de meilleures conditions grâce à la mise en commun des énergies que permet l'intercommunalité.
Chacun doit faire des efforts pour réduire les dépenses, contenir les masses salariales, baisser le coût des services. Si nous nous engageons ensemble dans cette réforme de nos structures - vous avez d'ailleurs commencé, monsieur le ministre, à dégager quelques lignes directrices - et si nous essayons en même temps d'améliorer la productivité du dernier franc, du franc marginal de nos dépenses, nous pouvons obtenir un certain nombre de résultats pour répondre aux difficultés de la période actuelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai conscience que ces quelques questions que je pose, ces quelques suggestions que je lance, un peu comme on lance une bouteille à la mer - mais l'histoire montre que, parfois, cette bouteille arrive à destination - dépassent très rapidement la cadre du débat budgétaire actuel et que je suis très loin d'un certain nombre de préoccupations plus immédiates concernant un certain type de fiscalité.
C'est pourquoi, tout en confirmant le soutien que mon groupe apporte à la politique du Gouvernement...
M. Paul Loridant. La chute est moins bonne !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... - et, encore une fois, je n'en mets pas en cause la ligne directrice, mais je suggère seulement quelques variantes - je forme le voeu que l'ouverture de ce dialogue approfondi entre le Gouvernement et sa majorité fera revenir la confiance. Et le retour de la confiance, mes chers collègues, ce sera le point de départ de la croissance, et donc de l'amélioration de l'emploi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - MM. Rouvière et Loridant applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur l'ensemble des raisons qui motivent notre soutien au projet de budget pour 1997 : mon collègue et ami Xavier de Villepin l'a très bien exprimé au nom du groupe de l'Union centriste.
Cependant, monsieur le ministre, le congrès des maires de France, qui s'est achevé ce jour, nous a permis de noter un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes chez nos collègues élus locaux. J'essaierai de m'en faire l'écho dans mon intervention, qui portera donc sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Les concours de l'Etat aux collectivités locales atteindront 243 milliards de francs environ en 1997, soit une progression de 1,32 % par rapport à 1996.
Les parlementaires et élus locaux que nous sommes apprécions à sa juste valeur l'effort financier de l'Etat en direction des collectivités locales, dans un contexte économique difficile sur le plan national et international.
Il convient cependant de rappeler que les lois de décentralisation ont entraîné d'importants transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales, sans que les moyens financiers, matériels et techniques correspondants aient pu être transférés. Les collectivités, grâce non seulement à la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et de personnel, mais également à la rationalisation de la gestion des services sociaux et malgré un effort sans précédent d'équipement scolaire, ont réussi, jusqu'à une période récente, à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement.
Depuis lors, cependant, cette maîtrise des dépenses a été compromise, du fait, d'une part, de la situation économique et sociale et, d'autre part, de la diminution des concours financiers de l'Etat.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les dépenses d'aide sociale des départements augmentent de manière très inquiétante et, par voie de conséquence, il en est de même des contingents mis à la charge des communes.
Dans le même temps, les dépenses de personnel suivent une tendance ascendante, non point du fait d'embauches supplémentaires ou massives, mais à cause de la revalorisation des traitements résultant d'accords signés entre l'Etat et les organisations syndicales, auxquels les collectivités locales ne sont d'ailleurs pas associées. A titre d'indication, la hausse des dépenses de personnel votées en 1996 est de 6,4 %.
Par ailleurs, de nouvelles charges viennent peser sur les budgets des communes et pèseront de plus en plus dans les années qui viennent : il s'agit, notamment, des dépenses résultant de normes d'origine européenne en matière de sécurité et d'environnement. A titre d'exemple, plus de 10 milliards de francs par an seront consacrés à l'eau. Eau, assainissement, traitement des déchets, peut-on payer ?
Je pense également aux dépenses qui résultent de la départementalisation des services d'incendie et de secours, avec son incidence sur la DGF.
A cet égard, je souhaiterais vous faire part de l'inquiétude de nombreux élus locaux du fait de l'écart croissant entre l'évolution des recettes et celle des charges des collectivités, ce qui crée, on le sait bien, un « effet de ciseau » difficilement supportable. C'est ce que met en lumière très clairement un récent rapport de l'observatoire des finances locales, présenté par notre collègue Paul Girod.
Nous risquons donc d'assister, en 1997, à une hausse sensible des impôts locaux et, dans les collectivités qui en ont la capacité, à un recours à l'emprunt. D'autre part, du fait des restrictions budgétaires, les élus locaux sont obligés de limiter au maximum les dépenses d'investissement, ce qui n'est pas sans conséquence pour les carnets de commandes des entreprises et la situation de l'emploi.
Dans ce contexte plutôt difficile, comment évoluent les dotations de l'Etat en 1996 ?
Je dirai tout d'abord un mot du pacte de stabilité financière institué l'année dernière et visant à lier pour trois ans l'Etat et les collectivités locales.
Il s'agit, en fait, d'assurer à l'enveloppe constituée par les concours de l'Etat et par la dotation de compensation de la taxe professionnelle une progression indexée sur l'évolution des prix à la consommation hors tabac, le Gouvernement s'engageant à ne pas modifier cette indexation pendant la durée du pacte.
Le pacte de stabilité sera respecté en 1997.
M. Paul Loridant. En apparence !
M. Philippe Arnaud. C'est incontestablement un fait positif, qui ne peut que renforcer les relations de confiance entre l'Etat et les élus locaux.
En revanche, certaines des modalités d'application de ce pacte de stabilité appellent quelques réserves.
Ainsi, la dotation globale de fonctionnement sera calculée, en 1997, par rapport au montant de 1996 révisé à la baisse sur la base des derniers indices connus ce qui entraînera 700 millions de francs de manque à gagner pour les collectivités locales. La DGF ne devrait donc augmenter que de 1,26 % seulement si l'on prend pour référence la dotation initiale pour 1996. Et je signale que cette hausse n'est que de 0,65 % pour les communes bénéficiant de la seule dotation forfaitaire.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, augmentera de 2 % hors compensation de la réduction pour embauche et investissement. Mais cette augmentation doit être relativisée du fait des différentes ponctions opérées par l'Etat sur la DCTP depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cependant, la majoration de 300 millions de francs après application des règles de stabilité, obtenue par le Sénat, sera respectée en 1997.
S'agissant des compensations d'exonérations et dégrèvements, il faut se féliciter de la disparition, dans ce projet de loi, d'une mesure qui risquait de ponctionner les finances locales à hauteur de 1,6 milliard de francs : il s'agit de la réduction de la compensation de la taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, la fameuse REI. Le Gouvernement n'entend pas, nous le savons, rétablir cette disposition lors des débats au Sénat, M. le Premier ministre nous l'a confirmé lors d'une réunion avec les sénateurs de la majorité sénatoriale, mardi dernier.
M. Paul Loridant. Ah bon ? Mais nous, nous n'y étions pas !
M. Philippe Arnaud. Je crois que c'est une décision pleine de sagesse et mon groupe vous en remercie, monsieur le ministre.
En revanche, une autre mesure touche directement les ressources des collectivités locales : il s'agit des modalités de paiement du solde des 2 milliards de francs que l'Etat leur doit encore au titre de la compensation des pertes de ressources du fait de la baisse des droits de mutation. D'après le projet de budget, ce paiement serait étalé sur trois ans, et donc divisé en trois enveloppes d'un peu plus de 660 millions de francs. A cet égard, je ne vous cache pas notre préférence pour le dispositif proposé par M. le rapporteur général, à savoir un étalement sur deux exercices et non pas sur trois. Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet amendement.
Quant au fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, il est évalué à 21,7 milliards de francs. Il sera attribué à règle constante, en tenant compte de la hausse des taux intervenue en 1995.
A propos du FCTVA, notre rapporteur général et la commission des finances sont à l'origine d'un amendement qui me semble aller dans le sens de la simplification et de la justice : en application de la loi de finances rectificative pour 1988, une communauté de communes ne peut pas bénéficier d'un reversement de TVA concernant des travaux de voirie entrant dans son champ de compétence lorsqu'elle n'est pas propriétaire de ladite voirie. Il s'agit là d'une disposition inadaptée, qui ne tient pas compte du rôle croissant joué par les regroupements de communes dans la réalisation des infrastructures et de celui que nous-mêmes souhaitons leur voir jouer.
C'est pourquoi nous soutiendrons également l'amendement de M. le rapporteur général qui tend à modifier les conditions d'accès au FCTVA concernant les communautés de communes et les travaux de voirie.
De façon plus générale, il arrive aussi de plus en plus souvent que l'Etat passe une convention avec une collectivité ou une communauté lorsqu'il n'est pas en mesure de réaliser lui-même tel ou tel équipement d'intérêt public. Je crois qu'il serait logique que, dans ce cas, même si les travaux ne sont pas de la compétence propre du regroupement de communes, le mécanisme du FCTVA puisse jouer. Cela participerait à l'effort d'aménagement du territoire, notamment du territoire rural.
Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, le FNPTP, consacré à la compensation générale des pertes de base et à la péréquation de l'écrètement sera à peu près stable en francs courants en 1997.
Concernant le pacte de relance de la ville, si les compensations de taxe professionnelle prévues par ce texte excèdent les ressources supplémentaires du fonds - c'est-à-dire le retour de fiscalité de France Télécom et de La Poste - l'Etat s'est engagé à compenser la différence.
J'évoquerai rapidement deux articles à caractère fiscal qui concernent directement les collectivités locales.
Le Gouvernement propose, en premier lieu, de ne pas revaloriser les valeurs locatives pour l'ensemble des biens immeubles entrant dans l'assiette des impôts directs locaux, y compris pour les propriétés bâties, ce qui est une innovation. De leur côté, nos collègues de l'Assemblée nationale viennent d'adopter un amendement instituant un coefficient de revalorisation des bases de 1,01 - au lieu de 1 - à compter de 1998 pour l'ensemble des propriétés bâties, à l'exception des immeubles industriels.
Je rappelle qu'il est question de déposer sur le bureau des assemblées le projet de loi portant incorporation dans les rôles d'imposition des nouvelles évaluations cadastrales issues de la loi du 30 juillet 1990. L'examen de ce texte a été annoncé par le Gouvernement pour le début de l'année 1997, après concertation avec le comité des finances locales, notamment. Pouvez-vous nous confirmer cette information, monsieur le ministre ?
En second lieu, le Gouvernement propose de plafonner les taux départementaux et régionaux de la taxe professionnelle à une hauteur égale à deux fois le taux moyen national constaté l'année précédente. Une telle disposition est déjà applicable aux communes.
Il faudra bien, un jour, parvenir à plus d'équité dans les taux de taxe professionnelle, car les écarts demeurent trop importants.
Le dernier sujet que je souhaite évoquer est le statut des maires sur les plans financier et fiscal.
En 1992, le Parlement a adopté un projet de loi relatif à l'exercice des mandats locaux, qui n'a que partiellement répondu à l'attente des élus.
La charge de travail et le poids de plus en plus lourd des responsabilités civiles et pénales liées à la gestion d'une commune, même petite, sont trop souvent mal compensés. Les indemnités, même revalorisées, sont encore faibles ; au-delà d'un certain niveau, elles sont fiscalisées ; le système de crédit d'heures mis en place est difficilement praticable, notamment dans les entreprises privées. Il est extrêmement difficile d'être maire lorsque l'on relève du secteur privé !
On ne trouvera bientôt, parmi les maires, que des fonctionnaires ou des retraités ! Cette situation n'est pas saine, car les forces vives de ce pays peuvent difficilement s'engager dans la vie locale.
Nonobstant les améliorations apportées au statut des élus en 1992, il convient donc d'aller au-delà dès que possible, dans l'intérêt même de la démocratie locale.
En conclusion, monsieur le ministre, la mise en oeuvre d'une décentralisation efficace suppose le respect par l'Etat de trois principes fondamentaux ; d'abord, le maintien des règles d'indexation des dotations allouées aux collectivités, afin de favoriser la planification budgétaire de celles-ci ; ensuite, le principe d'automaticité dans la répartition de ces dotations ; enfin, l'efficience dans cette répartition, c'est-à-dire la réalisation effective des objectifs de péréquation.
La mise en oeuvre du pacte de stabilité financière est un pas important dans cette direction. Néanmoins, les transferts de charge, l'instauration de charges nouvelles et l'augmentation constante des dépenses sociales et de personnel au niveau local rendent probablement nécessaire une réforme plus profonde des dispositifs existants.
L'une des pistes à explorer est sans doute le développement de l'intercommunalité, qui permettrait de très importantes économies d'échelles. Un projet de loi devrait nous être présenté dans ce sens au début de l'année 1997 ; certainement nous nous en réjouissons.
Veillons, monsieur le ministre, à ce que l'assainissement du budget de l'Etat ne vienne point pourrir les budgets tendus, mais encore sains, des collectivités locales !
Sous le bénéfice de ces observations, après avoir salué l'excellent travail réalisé par notre commission des finances, son rapporteur général et son président, je voterai, comme mes collègues de l'Union centriste - M. de Villepin l'a dit - ce projet de loi de finances pour 1997 (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certainses travées de RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques Delong. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos vont quelque peu changer par rapport à ceux de mes prédécesseurs puisque, outre mes fonctions de sénateur, je représente un peu ici l'ensemble des organismes qui fournissent l'oxygène à la nation.
M. Paul Loridant. L'homme des forêts !
M. Michel Charasse. L'hommme des bois ! (Sourires.)
M. Jacques Delong. Voilà quelques années déjà que je viens à cette tribune, au moment où s'engage la discussion de la loi de finances, vous entretenir de la forêt française et de ses problèmes ... du moment, allais-je dire, mais le terme « constants » conviendrait mieux.
A cet égard, je ne pense pas que le président de la commission des finances, qui connaît bien les problèmes de la forêt, pourrait tenir un langage différent de celui que je tiens.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je vais vous écouter !
M. Jacques Delong. Merci, monsieur le président. Si j'interviens ainsi, c'est parce que la forêt tient dans notre cadre de vie, dans notre économie, dans l'aménagement de notre territoire une place importante. La forêt, c'est 26 % de la superficie du sol français, et cela n'est pas suffisamment pris en considération.
Hélas ! les arbres ne votent pas, les arbres n'appartiennent pas à un parti politique, quel qu'il soit. De ce fait, ils n'ont comme interprètes que quelques représentants - assez nombreux, à la vérité ! - qui se passionnent pour la forêt, la chlorophylle, les carotènes alpha et béta ; je n'entrerai pas davantage dans les formules chimiques qui composent la vie de notre pays, et celle des hommes, d'ailleurs !
C'est de la politique forestière de la France, c'est-à-dire de la politique qui concerne la forêt et la filière bois que je veux vous entretenir, le temps qui m'est imparti ne me permettant, cependant, de braquer le projecteur que sur quelques-uns de ses aspects - les plus importants, je l'espère !
La France est l'héritière d'une longue tradition forestière, dont les premiers actes connus remontent à plus de six siècles. Cette politique a fait de la France, au cours des siècles - en matière forestière, on compte en siècles ! - la première puissance forestière en valeur de l'Union européenne actuelle. La forêt française n'est plus la première en surface ; de ce point de vue, elle est surclassée par les forêts suédoise et finlandaise. Mais, en valeur, elle surclasse très largement les forêts de ces deux pays.
Nous sommes donc, sur le plan économique, mais pratiquement aussi sur tous les autres plans, la première puissance forestière de l'Union européenne.
Les résultats remarquables obtenus grâce à l'implication de l'Etat dans la politique forestière, comparés aux déconvenues et aux insuffisances constatées dans des pays voisins où l'Etat s'est désengagé, plaident en faveur du maintien, mieux affirmé qu'aujourd'hui, de la compétence de l'Etat pour la définition et la conduite de la politique forestière, avec des adaptations régionales, comme c'est actuellement le cas.
Les activités liées à la forêt et à l'utilisation du bois jouent un rôle de premier plan dans l'aménagement du territoire, en assurant, au total, plus de 550 000 emplois répartis dans tout le pays, et plus particulièrement dans les zones rurales.
Il faut savoir que 300 mètres cubes de bois d'oeuvre produits, exploités et sciés correspondent à un emploi, que la collecte, la préparation et le transport de 1 000 mètres cubes de bois de feu fournissent un emploi et qu'un million de francs d'aides à l'investissement permettent le maintien ou la création de quinze emplois sylvicoles à temps plein et de vingt-cinq à temps partiel.
Appliquer une politique forestière ambitieuse, c'est agir en faveur de l'emploi, du développement rural et de l'aménagement du territoire. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'il existe une autre politique pour favoriser le développement rural et l'aménagement du territoire.
Je souhaite parler, tout d'abord, du fonds forestier national, le FFN. C'est un sujet que je suis dans l'obligation d'aborder année après année.
Ce fonds, pratiquement ruiné par la désastreuse réforme de 1991, a été partiellement restauré au prix d'efforts qui n'ont pu être que parcellaires, jamais globaux. On peut dire que le fonds forestier national a été sauvé grâce à des aumônes budgétaires diverses, alors que son maintien dépend, comme l'a souligné très justement à plusieurs reprises M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, de la création d'une ressource pérenne qui ne serait pas fondamentalement remise en question à chaque budget.
Et nous avons la solution ! La taxe dite « taxe forestière », qui alimente, pour l'essentiel - à hauteur de 75 % - le budget du FFN, fait actuellement l'objet d'une remise en cause permanente, quand on ne tolère pas, voire on n'encourage pas, son non-paiement !.
Fixée à 1,2 % pour les sciages, la taxe n'est que partiellement encaissée à ce taux et, pour de nombreux assujettis, elle n'est pas encaissée du tout. Ce phénomène, joint à la morosité générale du secteur du sciage, dont l'activité est très liée à celle du bâtiment, fait que, au 30 septembre dernier, la recette annuelle encaissée n'était que de 213 millions de francs, soit 55 % seulement de la recette prévue, à savoir 390 millions de francs.
Vous trouverez d'ailleurs, monsieur le ministre, dans le rapport fait par M. Yann Gaillard, au nom de la commission des finances, sur les comptes spéciaux du Trésor, un rapport spécial sur le fonds forestier national. J'allais dire qu'il vous ouvrira des horizons. Mais, en fait, il les ferme !
On sait d'ores et déjà que les recettes globales du fonds forestier national, estimées à 514 millions de francs pour 1996, n'atteindront au mieux que 400 millions de francs, soit un déficit de 114 millions de francs.
La création d'une taxe spéciale portant sur l'artificialisation des sols, dont la justesse n'est sérieusement contestée par personne, est une des réponses les mieux adaptées au problèmes qui nous est posé. En effet, cette taxe, qui fut déjà proposée l'an dernier, avec l'accord officieux, faute d'être officiel, de l'ensemble des parties prenantes de la filière bois, toucherait économiquement quelques grands groupes industriels ou financiers. Il n'y aurait ainsi qu'un nombre relativement réduit de redevables et la taxe ne poserait donc pas les problèmes rencontrés aujourd'hui du fait du nombre extrêmement élevé des assujettis.
J'entends surtout que soit taxé justement le grignotage incessant des espaces boisés ou couverts par des promoteurs qui construisent sans vergogne leur fortune sur la destruction du milieu naturel, encore que le mot « fortune » ne convienne pas pour certaines futures lignes de TGV !
L'étude de cette taxe d'artificialisation des sols a été faite par les services ministériels. Elle a même été discutée très vaguement l'an dernier, mais elle n'a pas été retenue puisque le Sénat, s'il a, certes, la possibilité de voter cette taxe, ne peut pas décider de son affectation. Vous seul, monsieur le ministre, en avez le pouvoir.
Le produit de cette taxe, tel que nous l'avons estimé avec les services intéressés, après trois années d'études - nous ne faisons pas les choses au hasard ! - permettrait non seulement d'abonder le fonds forestier national, mais aussi de régler partiellement les problèmes liés au versement compensateur de l'Office national des forêts, problèmes que vous devez résoudre, plus ou moins bien, tous les ans, ainsi que le problème des crédits du fonds de gestion de l'espace rural.
En tout cas, la création de cette taxe conditionne la puissance forestière de la France et la puissance économique qui en découle pour les décennies à venir. Elle est, dans l'état actuel des choses, le seul moyen qui nous permette de parler véritablement de politique forestière dans la nation la plus forestière d'Europe. Je pense, monsieur le ministre, avoir posé ce problème clairement, mais je suis à votre entière disposition pour approfondir davantage le sujet.
Dans un louable souci - tous les partenaires de la filière bois y ont été sensibles - le Gouvernement, plus précisément le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mis en chantier une nouvelle loi d'orientation agricole et forestière.
Ce n'est pas la première, et certaines des lois précédentes furent un ensemble de voeux, pas forcément pieux, d'ailleurs, puisque, pour la plupart, Dieu ne les a pas exaucés ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Existe-t-il ?
M. Jacques Delong. Aussi souhaitons-nous tous que la loi Vasseur, car elle portera ce nom, celui du ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la forêt - soit une vraie loi, et pas un nouveau catalogue de bonnes intentions, comme nous en avons connu depuis vingt-cinq ans.
J'aurai, bien entendu, l'occasion de m'exprimer au moment de la discussion de cette loi d'orientation, mais, dès à présent, je souhaite insister sur quelques points.
Face à l'importance de la forêt en matière d'environnement, la tentation peut exister d'abandonner la fonction de production pour une partie des forêts et de ne plus voir dans celles-ci qu'un cadre de nature laissé à sa seule évolution. Ce serait, en quelque sorte, créer une « forêt à deux vitesses », celle précisément que souhaitent les pays d'Europe du Nord pour la forêt française, comme pour la forêt allemande, pour le nord de la forêt espagnole, le nord de la forêt italienne ou le nord de la forêt autrichienne. Forêt écologique, d'un côté, forêt économique, de l'autre, telle serait l'option.
Cette alternative ne saurait être acceptée. Ce serait la fin de l'ensemble de l'économie forestière et de l'activité industrielle qui en découle, c'est-à-dire la disparition de 500 000 des 550 000 emplois qui, actuellement, dépendent de la forêt.
S'il est vrai que certains biotopes exceptionnels requièrent une protection spéciale, renforcée par la création de réserves naturelles, par exemple, ces mesures doivent rester très limitées. M. le Premier ministre, comme M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche - mais pas de la forêt - l'ont bien compris, qui ont pu mettre un terme à certaines exagérations du ministère de l'environnement ; elles reposaient sur des concepts qui ont peut-être cours boulevard Saint-Germain, mais qui sont sans rapport avec la nature elle-même.
Monsieur le ministre, l'environnement n'est pas à Paris ! Il est dans des régions qui sont généralement inconnues des services ministériels, voire des ministres eux-mêmes, mais je ne vous vise pas du tout en disant cela.
S'il est vrai, disais-je, que certains biotopes requièrent une protection spéciale, les forêts doivent, dans leur généralité, continuer à être gérées et mises en valeur en considération de leur trois fonctions, l'écologie, l'économie et l'accueil du public, ainsi que la tradition sylvicole de la France en démontre la possibilité depuis longtemps.
Je pense qu'il serait convenable de créer dans notre pays, et plus précisément dans l'Est de la France, qui est la région la plus forestière, un centre d'observation de la faune et de la flore sauvages ; j'oeuvre personnellement depuis déjà un an pour cette création.
Une « forêt à deux vitesses » est contraire au concept d'aménagement du territoire ; elle est contraire aux intérêts de notre pays, tant sur le plan économique que sur le plan écologique. En effet, c'est la valorisation économique de la forêt qui lui permet d'assurer tant son rôle écologique de producteur d'oxygène que son rôle social sans faire appel à l'argent public.
Les propriétaires forestiers - je rappelle que les collectivités locales représentent 2,5 millions d'hectares et les propriétaires privés, 10 millions d'hectares - par la gestion de leur forêt et par l'approvisionnement régulier de la filière bois, assurent l'emploi de 550 000 personnes. Leur rôle doit être réaffirmé et leur action doit être soutenue lorsque cela est nécessaire, notamment en les associant étroitement à l'élaboration de la politique forestière qui, je le répète, doit rester de la compétence de l'Etat. A cet égard, je dois souligner l'importance de la concertation que M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation - mais pas de la forêt - a mise en oeuvre, depuis le mois de mai, pour mener une réflexion approfondie sur la future loi d'orientation, organisant notamment de nombreuses réunions avec l'ensemble des acteurs de la forêt et de l'industrie du bois.
Le fort décrochage du prix du bois par rapport au coût de la vie au cours des vingt dernières années et une demande sociale accrue vis-à-vis de la forêt rendent les investissements forestiers, qui se font sur le long terme, de plus en plus difficiles à envisager si des aides publiques, de surcroît justifiées par le rôle d'utilité générale de la forêt, ne viennent pas en alléger la charge. Ces aides doivent s'appliquer aux équipements d'infrastructure, à la poursuite des boisements et à la mobilisation des bois.
L'Etat a besoin d'un instrument financier adapté, le Fonds forestier national, dont je vous ai déjà longuement parlé.
La politique forestière, si elle doit viser à améliorer la qualité de la production de la forêt et les performances de la filière bois, ne saurait cependant se limiter à ces seuls objectifs. Indissociable de la politique d'aménagement du territoire, elle doit être une politique de compensation des handicaps. Deux domaines forestiers doivent bénéficier particulièrement de cette politique, je veux parler de la montagne et de la région méditerranéenne, que je ne peux pas ne pas citer ici.
Quant aux nouvelles contraintes de gestion, j'évoquerai simplement le réseau européen Natura 2000, dont la constitution a soulevé de très nombreux problèmes. Nous avons réussi à les résoudre, grâce au Gouvernement, monsieur le ministre, en particulier grâce à l'action conjointe du ministre de l'agriculture - je vous ferai grâce de la litanie - et du Premier ministre, qui a pris une sage résolution, mettant les choses au point d'une façon catégorique.
Nous souhaitons que l'idée du réseau Natura 2000 se développe, mais à partir des propriétaires forestiers, et non pas depuis les boulevards parisiens.
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Jacques Delong. Quant à la politique forestière de l'Europe, je ne voudrais pas en dire du mal, mais elle est particulièrement vaporeuse, au point que, de quelque façon que l'on s'y prenne, toute analyse est difficile.
En dernier lieu, il me reste à évoquer un volet essentiel de la politique forestière, l'utilisation de la production de la forêt, c'est-à-dire la commercialisation, la transformation et l'industrialisation du bois.
Le bois et son commerce ne font pas partie du traité de Rome ni des traités qui ont suivi, non plus que des accords du GATT. Le commerce du bois est libre et se trouve donc confronté, dans notre pays, à la concurrence mondiale. Cela pose de graves problèmes, non pas à la forêt elle-même, mais à notre industrie de transformation, qu'il s'agisse du sciage ou de l'industrie lourde, la pâte à papier et les panneaux en particulier.
L'agressivité commerciale des pays scandinaves, à la suite de dévaluations compétitives et de baisses des cours des sciages décidées par les pays nordiques exportateurs, a provoqué une crise grave dans la scierie française, entraînant de nombreux dépôts de bilan et de fermetures d'entreprises françaises. Dans le même temps, les dévaluations monétaires de pays traditionnellement clients de la France - l'Italie, le Portugal, l'Espagne - ont freiné nos exportations.
Un troisième phénomène est venu aggraver la crise, les pays de l'Europe de l'Est, à la suite des changements politiques survenus là-bas, ayant augmenté leurs exportations de grumes et de sciages.
C'est ainsi, par exemple, que tous les bois norvégiens transitent par la Suède pour venir dans l'Union européenne, alors que la Norvège ne fait pas partie de cette dernière, non plus que la Russie, la Pologne et les pays Baltes, dont la production forestière passe pourtant par la Finlande pour être exportée... vers l'Union européenne. Autrement dit, si certains pays ont fait une excellente affaire en adhérant à l'Union européenne, ce sont bien les pays nordiques. Leur souhait, hautement affirmé, leur rêve, même, c'est de persuader les écologistes, y compris ceux de notre propre pays, que nos forêts ont pour unique vocation la promenade et qu'ils peuvent, eux, se charger de nous fournir tout le bois dont nous aurons besoin. Ainsi le chêne, le hêtre, l'alisier, le merisier, les bois précieux et semi-précieux, bref les bois français n'auraient plus d'intérêt ; nous serions entièrement équipés en sapin et en pin, ne venant même pas des Landes ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sur le projet de budget pour 1997 concernera, d'une part, la réforme fiscale qu'a souhaité entreprendre le Gouvernement en matière d'impôt sur le revenu, d'autre part, les orientations que nous aurions souhaité mettre en oeuvre et qui - vous le verrez - ne s'articulent aucunement sur la même logique.
Si je me réfère à la définition de la réforme du Petit Robert, je lis : « amélioration apportée dans le domaine moral ou social » et, plus loin, « changement qu'on apporte dans la forme d'une institution, afin de l'améliorer, d'en obtenir les meilleurs résultats. »
Qu'en est-il exactement, au vu de ces principes, de la réforme fiscale qui nous est présentée ?
Elle repose principalement sur le barème de l'impôt sur le revenu. Sur le choix de l'impôt, je n'ai rien à dire. Il est clair, et nous l'avons déjà dit, que cet impôt mérite d'être réformé. Le problème vient naturellement de ce qu'il y a diverses manières de le faire. Le Gouvernement a choisi d'opérer une baisse de 25 milliards de francs. Je ne parlerai pas de ses projets concernant les années suivantes qui me paraissent, étant donné la situation politique et sociale, procéder du discours d'intention plus que du discours de la méthode.
Revenons donc à ces 25 milliards de francs que l'on compte obtenir par le biais d'une réduction des taux du barème. Etait-ce une bonne mesure ? Sur le fond comme sur la forme du dispositif, je ne le crois pas.
D'une part, vous avez choisi de diminuer le seul impôt sur les ménages qui est progressif et qui croît donc avec les revenus, alors que notre structure de prélèvements obligatoires a à pâtir essentiellement d'une mauvaise répartition entre impôts directs et impôts indirects. Vous êtes responsable du niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé que nous ayons connu. Je le rappelle, il est prévu que ces prélèvements atteignent 45,5 % de notre PIB en 1997, contre 43,6 % en 1992, quand nous étions au gouvernement. Il était effectivement important d'inverser la tendance, mais cette inversion ne pouvait se réaliser sur un impôt qui ne compte que pour 18 % des recettes du budget de l'Etat, et bien moins encore - de l'ordre de 14 % - si l'on se réfère au montant total des prélèvements globaux de notre pays.
Ce choix me semble parfaitement injuste d'autant qu'un Français sur deux échappe à l'impôt sur le revenu. De nombreux contribuables « n'y verront donc que du feu », alors même que, par le biais des majorations gigantesques qui ont été opérées depuis 1993 sur les impôts indirects, comme la TVA et la TIPP, ou sur la CSG et le RDS, ces contribuables ont été fortement ponctionnés depuis votre arrivée au pouvoir, en 1993.
Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions qu'une large majorité des Français n'ait pas cru à votre baisse d'impôt. En effet, je le répète, la moitié « n'en verront même pas la couleur ».
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : d'un côté, en deux ans, les ménages ont supporté plus de 110 milliards de francs de majorations en tout genre ; de l'autre, vous annoncez une baisse d'impôt de 25 milliards de francs. Ces chiffres montrent que nous sommes loin du compte.
Je veux également insister sur un détail du dispositif qui, à mon avis, ne peut qu'accentuer les inégalités et renforcer le mécontentement des Français à l'égard de votre politique.
Vous opérez des réductions sur les taux.
En pourcentage, il n'y a pas d'équité puisque, les taux portant sur les tranches les moins élevées sont diminués de 1 % à 1,5 %, alors que les taux s'appliquant aux tranches les plus hautes sont abaissés de 2 %, voire 2,8 % pour la dernière tranche.
Lorsque l'on raisonne en valeur et non plus en pourcentage, les écarts d'avantage fiscal sont encore plus importants. Pour un contribuable célibataire dont le revenu mensuel est de 10 000 francs, le gain d'impôt en 1997 sera de 1 040 francs. Mais, pour un contribuable dont le revenu mensuel est de 50 000 francs, le gain d'impôt sera de 9 078 francs.
Je traiterai maintenant du taux marginal maximal de l'impôt sur le revenu, dont on nous dit qu'il est insupportable pour les hauts revenus. En 1994, il a concerné, si je m'en réfère au rapport Ducamin, 217 000 foyers fiscaux. Mais je rappelle qu'après imputation des différentes réductions, l'imposition fiscale moyenne de ces derniers est de 40,87 %.
Qui plus est, la majorité de ces contribuables n'ont qu'une faible part de leurs revenus taxées à 56,8 %. Ainsi, 82 000 d'entre eux supportent une pression fiscale supérieure à 40 %, et 11 000 seulement subissent une pression fiscale dépassant 50 %.
Sur un total de 13 millions de foyers imposables, est-il normal que cette réforme porte principalement sur les 11 000 contribuables les plus fortunés de notre pays ?
Je citerai une nouvelle fois le rapport Ducamin : « L'impôt sur le revenu doit rester un impôt de rendement, à caractère progressif, soulignant l'appartenance à la collectivité nationale. » Le Gouvernement a choisi une tout autre logique, je le déplore.
Je veux aussi revenir sur les mesures accompagnant la réforme du barème et qui figurent tant dans la première que dans la deuxième partie du projet de loi de finances.
Comme nous, vous avez dénoncé les fameuses « niches fiscales » qui dénaturent la progressivité de l'impôt et qui impliquent une réforme de l'assiette de celui-ci. Pourtant, dans ce projet de budget, vous faites une chasse, que je qualifierai de sélective, à ces « niches fiscales ».
Pourquoi vous en prenez-vous systématiquement à celles qui concernent tout le monde, y compris les contribuables les plus modestes, et qui sont plafonnées ? Pourquoi ne pas faire la chasse aux « niches fiscales » dont on sait qu'elles sont utilisées de manière privilégiée par les titulaires de hauts revenus ?
Je traiterai maintenant de la diminution du plafond pour la demi-part supplémentaire de quotient familial en faveur des personnes célibataires ou divorcées ayant élevé un enfant. Cette mesure, dont je me demande si elle n'est pas anticonstitutionnelle, est scandaleuse. Pourquoi introduire une disparité de traitement entre les célibataires ou les divorcés et les veuves ? Rien ne le justifie.
J'ajoute que supprimer la réduction d'impôt pour l'assurance-vie pour les titulaires de faibles revenus montre votre souci de faire des économies aux dépens des plus modestes. De même, abaisser le plafond pour l'abattement de 10 % sur les retraites et imposer des indemnités maternité reviennent à prendre d'une main ce vous donnez de l'autre. Comment pourrais-je oublier par ailleurs la suppression des déductions forfaitaires pour frais professionnels, la suppression de la réduction d'impôt pour enfants scolarisés, ou la suppression de l'avantage pour pension familiale ?
Dès lors, comment voulez-vous que les Français croient le Gouvernement quand il annonce une baisse de l'impôt sur le revenu ? Pour les plus modestes, cette baisse risque d'être tout simplement annulée par les mesures prises par ailleurs, et au titre de ce même impôt.
Je pense même que certains, qui auraient le désavantage de se trouver dans plusieurs des situations visées par les mesures que je viens de rappeler, risqueront in fine de payer plus d'impôt sur le revenu. Est-ce équitable ?
Au total, vous diminuez la progressivité de cet l'impôt et vous ne prenez pas les mesures qui auraient pu contribuer à rendre son assiette plus conforme à l'idée d'équité fiscale et au principe de progressivité de l'impôt par rapport au revenu.
Pourquoi avoir maintenu les « niches fiscales » quant aux employées de maison et aux quirats, aux dispositions de la loi Pons et à l'investissement locatif, entre autres ? Elles ont un impact économique, me direz-vous. Cela m'étonne ! En effet, la situation du secteur du bâtiment, par exemple, n'a jamais été aussi catastrophique ; pourtant il n'a jamais profité d'autant d'avantages fiscaux.
Quand bien même ces mesures auraient un impact, comment expliquer que les chantres du libéralisme qui prônent la non-intervention de l'Etat, souhaitent son intervention quand il s'agit de pallier les insuffisances constatées par le marché.
La vérité, c'est que les élus de la majorité n'aiment pas l'impôt sur le revenu, dont leurs électeurs devraient payer effectivement une lourde part. Par conséquent, ils s'ingénient à aménager des régimes dérogatoires dont seuls profitent les contribuables qui sont suffisamment riches pour bénéficier de ces niches fiscales.
Monsieur le ministre, n'est-il pas raisonnable de payer beaucoup d'impôt quand on gagne beaucoup d'argent ? Pour ma part, cela ne me choque pas, surtout quand je vois la formidable disparité entre les niveaux de revenus.
Notre logique est tout autre !
La France est en train suivre la voie de pays comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, de pays où deux mondes se côtoient : d'un côté, des personnes dans un état de précarité gravissime, ou sans aller jusque-là, de personnes qui, comme on dit, « tirent le diable par la queue », et, de l'autre, des personnes dont les revenus s'accroissent sans cesse.
Connaissez-vous, monsieur le ministre, les résultats du tourisme et des produits de luxe en France ? Ils se portent très bien aujourd'hui ; c'est un exemple bien ponctuel, mais qui est significatif. Ces résultats, ne sont pas dus à la seule présence des étrangers.
Pour revenir à la définition que je rappelais du Petit Robert, je ne pense pas que votre réforme fiscale réponde à la moindre idée d'amélioration dans le domaine moral ou social, ni qu'elle permette d'apporter de meilleurs résultats. Je reviendrai sur le terme « moral », ce qui me permettra de montrer ce que nous souhaiterions.
La baisse de l'impôt sur le revenu, comme la tonalité de votre discours, ne peuvent que renforcer chez les Français l'idée que l'impôt est une mauvaise chose. Ce sentiment est détestable, car il est source, au pire, d'incivisme, ou, au mieux, d'irresponsabilité.
Pour nous, si l'impôt repose sur des bases justes, il n'en est rien. En effet, l'impôt n'est que la contrepartie de ce qu'une société offre en matière de services publics et de redistribution.
Refuser l'impôt, c'est, en corollaire, refuser tout ce qu'il permet. Cela peut cependant constituer une orientation politique, que l'on trouve dans certains pays que j'ai déjà cités, et que, pour ma part, je refuse.
Là où, selon moi, une telle orientation se double d'une monstrueuse supercherie, c'est que l'on pousse nos concitoyens à revendiquer ces baisses d'impôts tout en leur cachant ce qu'ils perdront en échange, mais que retrouveront les contribuables disposant de hauts revenus par le biais de circuits financiers privés.
Nous ne voulons pas, tant au niveau des services publics de l'Etat que de la sécurité sociale, d'une France à deux vitesses et nous dénonçons, en conséquence, tant votre discours que vos mesures. A chacun ses préoccupations. Certains, sur les bancs de la majorité s'intéressent « au mal-vivre » des assujettis à l'ISF. Nous, nous préférons nous intéresser à l'immense fraction des gens modestes et, plus encore, à ceux qui vivent, pour reprendre l'expression contenue dans un livre à succès, « une vie dans laquelle la honte n'est plus que le seul emblème qui la caractérise ».
Pour revenir sur l'idée de réforme, je préciserai que nous souhaitons, en matière d'impôt sur le revenu, remettre tous les dispositifs à plat, en plafonnant la portée des avantages qu'ils procurent. Nous préconisons, par différents moyens, d'imposer davantage les patrimoines, que ce soit les revenus des valeurs mobilières et les plus-values dégagées, les transmissions à titre gratuit, notamment pour l'assurance-vie et les donations partages, ou l'impôt de solidarité sur la fortune.
En contrepartie, nous souhaitons diminuer la TVA, qui pèse sur tous les ménages - y compris sur les plus pauvres - et que vous avez majorée, peut-être parce que cela se voit moins.
Voilà, ainsi résumées, les options qui nous séparent, pour ne parler que de celles qui concernent les ménages. L'examen des articles et des différents amendements que nous défendrons nous donnera l'occation d'expliquer davantage nos choix.
Je conclurai en m'insurgeant contre les critiques de nos opposants politiques, qui qualifient nos projets économiques et fiscaux d' « archaïques ». Est-il archaïque de vouloir redonner à ceux qui les ont perdues des conditions de vie décentes, ou bien de proposer des projets de démantèlement de notre société qui feraient reculer considérablement notre pays ?
Monsieur le ministre, cette réforme fiscale s'inscrit dans cette grande orientation qui a toutes vos faveurs. Elle arrive après de multiples et coûteux plans incitatifs en faveur des entreprises et en direction des marchés financiers.
Malgré cela, le chômage poursuit son oeuvre destructrice et, évidemment, les Français ne supportent plus d'être, pour le plus grand nombre d'entre eux, unilatéralement sacrifiés.
C'est pour toutes ces raisons que nous rejetons cette réforme fiscale qui s'inscrit dans un projet politique de souffrance sociale ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loridant. M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le congrès des maires de France vient de prendre fin, je souhaite à mon tour, au cours de cette discussion générale sur le projet de loi de finances pour 1997, aborder le sujet des collectivités locales, au nom du groupe communiste républicain et, bien sûr, citoyen.
Comme tous mes collègues maires, qui en ont fait le constat ces trois derniers jours, je suis confronté à une misère grandissante au sein de la population de ma commune. Je suis inquiet de voir le décalage qui existe entre les mesures préconisées par le Gouvernement et la réalité.
En effet, quand on voit les différents ministres décliner sur tous les tons le credo du « dépenser moins, dépenser mieux » et exhorter les collectivités locales à modérer leurs prélèvements obligatoires, il y a de quoi être inquiet.
La hausse des prélèvement obligatoires des collectivités locales n'est pas due à une quelconque dérive de gestion, en fait, c'est fort rare. Non, elle est la résultante, en vérité, d'une volonté gouvernementale de désengagement de l'Etat en vue d'un objectif : réduire les déficits et la dette publique pour que la France soit éligible dans un délai très court - trop court - aux critères de la monnaie unique.
Il faut le dire, tout ce qui est fait pour réduire les investissements des collectivités locales, et donc réduire le recours au crédit, pour freiner les dépenses de fonctionnement sont autant de pressions pour adhérer au club, je veux parler du club de l'euro.
Ainsi, après l'abdication du pouvoir monétaire, par le biais d'une banque centrale rendue indépendante du Gouvernement - mais pas des marchés financiers ! - après l'abdication du pouvoir budgétaire avec le pacte de stabilité budgétaire - je parle de celui de Dublin - c'est, en définitive, à la libre administration des collectivités territoriales que vous touchez par un encadrement sans précédent des budgets locaux.
Le Gouvernement à beau s'insurger, et dire, la main sur le coeur, que son pacte de stabilité financière entre l'Etat et les collectivités territoriales vise uniquement à assurer une enveloppe décente à celles-ci, les maires, les conseillers généraux et régionaux ont désormais compris qu'il s'agit d'un marché de dupes !
C'est si vrai que le rapporteur spécial des crédits de décentralisation a rappelé, en commission des finances, que ce pacte avait été « octroyé » par le Gouvernement, et n'avait reçu l'aval d'aucune des associations représentatives des élus locaux.
D'ailleurs, toutes les associations et organismes d'élus locaux ont, durant cette année 1996, fait connaître les résultats d'études sur les finances locales, particulièrement sur les rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales. Deux de nos collègues, MM. Girod et Bourdin, chargés de deux rapports à l'observatoire des finances locales, ont conclu à la dégradation des dotations de l'Etat au regard des besoins sociaux et humains grandissants. A titre d'exemple, les départements subissent un effet de ciseau, car ils supportent des charges dynamiques, alors qu'ils encaissent des ressources stagnantes. Une telle situation est, bien entendu, le fait de la montée de la crise et d'un accroissement des besoins sociaux qui en découlent.
Le poids des collectivités locales dans l'économie nationale - plus de 11 % du produit intérieur brut - mérite pourtant que l'on fasse un effort particulier.
Rappelons que les collectivités locales assurent les trois quarts de l'investissement public de notre pays, hors investissement militaire ; c'est considérable.
Or, après la lecture du projet de loi de finances pour 1997, c'est à une aggravation du désengagement de l'Etat que l'on peut s'attendre.
Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités locales ne devraient progresser que de 1,3 p. 100, soit le taux d'inflation attendu.
A l'intérieur de ces dotations, la dotation globale de fonctionnement, nous dit-on, va progresser de 1,95 % par rapport à la dotation de 1996 elle-même révisée. De ce fait, la progression est moindre en réalité, de 1,26 % seulement.
Si l'on reste, l'an prochain, dans le strict cadre du pacte dit de stabilité, les collectivités locales auront à souffrir encore plus.
Monsieur le ministre, l'année 1997 sera ainsi la quatrième année consécutive de diminution de la dotation forfaitaire en francs constants ! C'est beaucoup, beaucoup trop !
La dotation globale d'équipement diminuera, elle, de près de 25 % en conséquence des choix effectués à travers la loi de finances de l'année dernière. Le fonds de compensation pour la TVA stagnera, le taux étant réduit de 15,68 % à 15,36 %.
Au total, les dotations pour les collectivités locales sont en recul, un recul d'autant plus affirmé que certaines dispositions législatives prises cette année vont, une fois de plus, charger la barque. Je pense particulièrement aux emplois de ville qui placent les maires en première ligne sur le front de l'emploi, sans vraiment leur donner les moyens correspondants. L'Etat s'en tire, de ce fait, à bon compte, puisqu'il n'assure plus une de ses prérogatives essentielles à nos yeux, à savoir la conduite de la politique de l'emploi.
Comment ne pas citer, à cette occasion, le candidat Jacques Chirac, qui, dans sa lettre adressée aux maires de France pendant la campagne présidentielle, écrivait : « Il faut donner aux collectivités locales les moyens d'agir efficacement au service de nos compatriotes. Cette exigence impose de mettre fin aux transferts d'attribution qui se résument à des transferts de charges. Le principe de la compensation intégrale et actualisable par l'Etat de toute dévolution de compétences doit être strictement respecté. »
Cette promesse faite aux maires de France a connu le même sort que beaucoup d'autres. Le congrès des maires, monsieur le ministre, a confirmé la grande colère des élus locaux face à l'attitude du Gouvernement. Cette colère dépasse largement les rangs de l'opposition, puisque l'association des maires de France qui, comme vous le savez, est présidée par notre collègue Delevoye, membre de la majorité, a précisé, dans un communiqué en date du 11 octobre dernier, « qu'il ne peut y avoir stabilisation des concours aux collectivités locales sans stabilisation de leur charges ». En outre, l'AMF « déplore que l'Etat ait de nouveau modifié les règles relatives aux compensations fiscales, allant à l'encontre du principe affirmé par elle de prise en charge par l'Etat des politiques fiscales qu'il met en oeuvre ».
On peut aussi énumérer tous les abandons de crédits frappant le logement social, la réduction des APL, les aides personnalisées au logement, la baisse des crédits permettant de financer les PALULOS, les primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, qui sont pourtant absolument nécessaires pour assurer la rénovation des HLM dans nos villes de banlieue, la diminution de l'enveloppe « transports urbains », le recul des subventions d'équipement pour la culture, autant de sujets d'inquiétude et de choix cornéliens pour les maires dans la préparation de leur budget.
En clair, cela veut dire qu'il y aura transfert de fiscalité de l'Etat vers les collectivités locales. Et ce n'est pas le report de la publication du bulletin d'information statistique de la direction générale des collectivités locales qui suffira à cacher le jeu trouble du Gouvernement. Les ménages ont compris tout ce qu'ils allaient endurer avec votre loi de finances pour 1997, puisque ce sont d'abord les non-assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques qui subiront de plein fouet la confirmation du taux normal de TVA à 20,6 % et la hausse de l'imposition locale.
La mise en oeuvre du texte prévoyant que les allégements et plafonnements de taxe d'habitation seront désormais calculés par référence aux revenus imposables et non plus aux cotisations d'impôt effectivement acquittés ira dans le même sens : ce sont les ménages modestes qui seront mis à contribution ! Cette mesure engendrera des injustices qui placent une nouvelle fois les maires en première ligne. J'ai relevé avec intérêt les propos de M. le rapporteur général, qui, en commission des finances, a regretté « la brutalité de l'impact de la disposition de la loi de finances pour 1996 abaissant de 16 937 francs à 13 300 francs le plafond de cotisations sur le revenu permettant de bénéficier du dégrèvement ».
Lors de la discussion des articles, nous irons au-delà de l'expression de simples regrets ; en effet, notre groupe formulera des propositions permettant de traduire ces regrets en actes et, j'espère, mes chers collègues, que la majorité du Sénat saura profiter de cette occasion.
Certes, la mise en oeuvre de la révision des bases d'imposition sur le plan local devrait permettre un peu plus d'équité entre les contribuables. Toutefois, je souhaite, monsieur le ministre, que l'on prenne en compte la diversité des situations, notamment les difficultés particulières que pourraient rencontrer les communes ayant un taux élevé de logements sociaux.
Il ne faut pas se cacher derrière cette réforme pour négliger la ressource majeure des collectivités locales, à savoir la taxe professionnelle.
On sait que, régulièrement, le CNPF et ses relais tentent de remettre en cause cette taxe. D'année en année, si le produit de la taxe professionnelle progresse, la part de la compensation augmente également, au point d'exploser.
Finalement, comme c'est l'Etat qui compense, cela revient, pour une part, à faire payer les ménages par le biais des impôts directs et indirects. Il s'agit véritablement d'un détournement de payeurs.
Si l'Etat souhaite vraiment mettre en oeuvre des abattements, des exonérations, c'est son droit ; mais il doit les compenser intégralement à l'égard des collectivités territoriales et les faire peser non pas sur les ménages mais sur la collectivité des entreprises.
Le produit de la taxe professionnelle dépasse aujourd'hui 156 milliards de francs et représente 50 % du produit fiscal des collectivités locales. Dans le même temps, cette taxe absorbe les trois quarts des exonérations prévues par l'Etat.
C'est pourquoi toute volonté d'amoindrir le produit de cette taxe aurait des conséquences désastreuses sur les budgets locaux.
Pour notre part, nous sommes persuadés qu'une réforme est indispensable. Elle doit être une incitation à la création d'emplois et de richesses et ne pas pénaliser les entreprises à forte valeur ajoutée. Il nous paraît important, quant à nous, d'intégrer les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle, ce qui en ferait un outil anti-spéculatif, favorable à l'investissement productif.
Je voudrais également faire part de notre opposition résolue au hold-up que constitue la confirmation du taux de surcompensation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL. Certes, devant les protestations des maires, vous n'avez pas osé, monsieur le ministre, augmenter ce taux cette année, mais le recours à un prélèvement sur l'allocation temporaire d'invalidité ne fait que reculer une réelle prise en compte de cette question. Nous nous attendons au pire dans les années à venir.
Enfin, pour conclure sur les dotations d'Etat, je dirai qu'il est inadmissible d'étaler la compensation de l'exonération des droits de mutation à titre onéreux sur trois ans. Cela revient à faire supporter des nouvelles charges aux collectivités.
Mes chers collègues, l'expérience d'une année du pacte de stabilité démontre la nocivité de ces orientations. Il est indispensable que les relations entre l'Etat et les collectivités locales soient rénovées dans l'esprit de la décentralisation, c'est-à-dire dans une volonté d'impulsion et de soutien aux activités locales.
La volonté gouvernementale est tout autre : elle consiste, par le biais de la réduction des dotations, à déprimer l'activité des collectivités locales, à les cantonner dans un rôle d'accompagnement social.
Les choix nationaux et européens du Gouvernement poussent le pays dans une guerre économique destructrice. La déflation salariale s'accompagne de l'inflation boursière. De tels choix sont dangereux pour l'emploi, pour les familles, pour les collectivités locales. Le tissu social se délite chaque jour un peu plus. Dans tout le pays, les maires s'en font l'écho. De grâce, écoutez-nous ! Alors, peut-être, notre groupe votera-t-il votre budget. Ce ne sera pas encore le cas cette année, une fois de plus. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances, dont nous entamons l'examen, constitue un élément essentiel dans les échanges entre l'exécutif et le législatif. Elle est l'un des outils majeurs des choix économiques qui conditionnent l'avenir des Français, le rôle de notre pays au sein de l'Europe et la place de celle-ci dans les courants internationaux.
Ainsi, par exemple, l'implication Amérique-Asie est de plus en plus forte au point d'intervenir directement dans le débat intérieur de l'élection américaine. M. Bill Clinton a initié une zone de coopération autour du Pacifique qui complète le traité de libre-échange mis en place par M. George Bush avec le Mexique et le Canada. Une extension au Chili et à l'Argentine est attendue. Ainsi sera constitué le noyau dur du système commercial panaméricain.
Les échanges entre les Etats-Unis et l'Asie sont devenus plus importants que les échanges entre les Etats-Unis et l'Europe, qui s'est peu à peu décentrée par rapport aux grands courants. La constitution de l'entité européenne sur ce plan est une nécessité urgente.
Le succès de l'organisation de ce pôle s'accompagne de la mise en place de la monnaie unique, qui sera un rempart contre les chocs monétaires et la concurrence extérieure qui malmène nos emplois. Le Président de la République a eu raison d'affirmer que c'était la priorité des priorités. La garantie de la dynamique continentale passe par la convergence de l'économie française et de l'économie allemande, dont les composantes devront s'harmoniser.
L'Europe et la France doivent bénéficier de la reprise annoncée de la croissance dans le monde. Le taux moyen s'établit autour de quatre, mais celui qu'escompte l'Asie accuse trois points de plus.
Tout retard dans la consolidation de la compétitivité est irréversible dans ce contexte.
L'assainissement des bases de l'économie engagé avec l'inflation jugulée, l'excédent commercial conforté et les taux d'intérêt maintenus à des niveaux bas représentent autant d'efforts qui doivent être poursuivis.
La politique de réformes et les mesures inscrites dans le projet de loi de finances qui nous est proposé répondent à l'exigence des règles comptables communautaires régissant le calcul du besoin de financement de l'Etat, mais, surtout, elles satisfont, pour l'essentiel, au recentrage du rôle de l'Etat, à la relance de l'économie productive et au redressement de l'emploi.
En économie ouverte, il convient de réduire l'importance de l'Etat dans la part qu'il y prend. Les privatisations y contribuent. Les plus aisées à réaliser ont été faites, mais les temps ont changé. Aussi, chaque opération ne va pas sans levées de bouclier.
Le temps de convaincre, d'amener à l'adhésion s'insère dans les mesures d'accompagnement à toute mutation. Comparé au retard dû au blocage des situations - rappelons-nous l'an dernier à la même époque quelle était cette situation - l'investissement du dialogue n'est jamais perdu.
La résistance aux changements prend sa source, le plus souvent, dans la crainte de la nouveauté, dans les limites de capacité à l'adaptation. On ne rassure pas en imposant coûte que coûte !
La réorganisation de la gestion des entreprises nationales et des transferts - financement que les règles communautaires ne comptabilisent pas - s'avance dans la perspective de la rigueur du contrôle budgétaire. Saluons l'effort de stabilisation des dépenses publiques entreprise l'année dernière, inscrit dans le projet de budget pour 1997, et qui sera poursuivi. Après des années de dérive, et sans repli dans le soutien à l'emploi et les interventions à caractère social, l'attitude est courageuse.
Notre excellent rapporteur général ayant commenté les propositions retenues, que vous nous avez vous-même présentées, monsieur le ministre, permettez-moi maintenant, mes chers collègues, de formuler deux réflexions à propos de l'emploi.
L'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises, l'ACCRE a, dans son application, découragée des candidats sérieux. L'instruction débouchant sur la validité ou non du dossier n'est pas à remettre en cause. Il s'agit de l'observation trop stricte du dispositif périphérique.
Dans sa nouvelle version, cette aide mériterait d'être accordée avec une plus grande marge d'application pour les services déconcentrés de l'Etat. La démarche volontaire soutenue que requiert la création d'une entreprise dissuade les chasseurs de primes. C'est dans l'année de démarrage d'une activité que se joue son avenir ; le risque de l'octroi de l'aide est le prix de la confiance accordée au candidat entrepreneur. On sait maintenant que les PME engendrent plus d'emplois que les grosses sociétés.
Au-delà des mesures concourant à favoriser l'emploi, un réel partenariat entre l'Etat et les entreprises en matière de formation mérite l'attention. Certaines recherches ne sont pas satisfaites faute de trouver la personne qualifiée.
Nos filières de formation sont-elles adaptées aux besoins du marché du travail ?
La démarche conjointe évoquée, si elle ne conduit pas à une adéquation parfaite, resserrera l'ajustement sans avoir à réellement anticiper la demande, ce qui permettra d'éviter l'écueil des hypothèses qui ne sont pas toujours vérifiées. Certes, monsieur le ministre, l'Etat ne serait pas seul dans cette action, mais j'aimerais avoir votre sentiment sur celle-ci, sachant que l'engagement financier est inexistant.
La réforme de l'impôt participe à la nouvelle attitude de l'Etat au regard de sa gestion. La pression des prélèvements français, largement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE et des partenaires du G7, justifie à elle seule cette refonte. Certes, selon les pays, les formes d'intervention du pouvoir central sont fort différentes et rendent la comparaison malaisée, mais on ne peut nier que, en France, l'évasion fiscale existe et que la consommation souffre d'un excès d'imposition.
Il fallait engager le processus. Cela a été fait avec détermination, il convient de le dire.
Le souci de rééquilibrage en faveur des plus modestes et des familles n'entâche pas le devoir contributif de chaque citoyen, l'IRPP n'étant d'ailleurs pas la seule forme d'imposition directe sur le revenu.
Pour les associations familiales, c'est là que le bât blesse.
La TVA est supportée aux deux tiers par les ménages et ignore le quotient familial. Un choix s'imposait. Un point de TVA, au taux normal, représente 30 milliards de francs, soit 5 milliards de francs de plus que la baisse de l'IRPP proposée. L'incidence sur les rentrées fiscales est inversement proportionnelle à celle de la baisse du taux. Toutefois, il faudra se soumettre, bientôt, à son harmonisation avec ceux de nos partenaires européens et poursuivre le calendrier de la réforme.
Si l'augmentation des diverses taxes sur les alcools, le tabac et les produits pétroliers améliore les recettes fiscales, elle me laisse dubitatif quant aux autres objectifs invoqués. La constante progression du prix des alcools et du tabac ne constitue pas un élément de prophylaxie, d'autant que les structures de prévention ne voient pas leurs moyens accrus en conséquence. Pourtant, on ne peut ignorer le poids de la consommation d'alcool et de tabac dans les comptes de la santé publique.
S'agissant de la TIPP, le traitement spécifique des carburants professionnels doit être élargi, non dans une prise en compte d'un simple intérêt catégoriel, mais dans un souci d'équité ainsi qu'au regard de l'incidence sur les entreprises du secteur et, par là, de l'emploi.
Ma dernière remarque sur le champ des prélèvements relevant de la solidarité nationale concerne ceux qui frappent les retraités. Ce qui me gêne, c'est que la constitution de la pension repose sur des cotisations perçues sur le revenu du travail exécuté pendant la vie active. Ainsi, actuellement, on taxe le produit de taxes.
Le nouveau regard porté sur l'implication de l'Etat dans la vie économique du pays accompagne l'évolution de notre société. Néanmoins, ces exigences doivent, mutatis mutandis , être expliquées. Que considèrent les Français quand on leur présente un train de mesures ? Ce qui changera dans leur vie quotidienne.
La suppression d'un avantage ne sera pas acceptée si, à côté, subsiste un abus ou ce qui est perçu comme un abus. Un effort, fût-il différent dans sa nature selon les catégories auxquelles il est demandé, ne sera consenti que s'il est légimité.
Les mutations sont moins douloureuses lorsqu'elles sont accompagées de beaucoup de pédagogie, dénuées de régidité et fondées en justice. C'est à cela qu'il faut, aussi, se consacrer, avec la même énergie que celle qui est déployée pour la conception des avancées.
La Gouvernement conduit la politique de la France, mais c'est le rôle du Parlement de l'infléchir.
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mal qui ronge notre pays, c'est bien le chômage, c'est cette peur de l'avenir, c'est cette crise profonde d'identité de la société française. C'est encore, plus simplement, ce que les élus territoriaux, que la plupart d'entre nous sommes, vivent tous les jours : une perte de confiance de nos concitoyens dans la capacité même qu'aurait la France à conduire son redressement, à réduire les inégalités, à améliorer leur vie quotidienne.
Ce manque de confiance rejaillit immanquablement sur l'ensemble des dirigeants de ce pays, qu'ils appartiennent au monde politique, au monde économique ou au monde social. Si je dis cela, c'est pour rendre hommage, monsieur le ministre, à l'action courageuse du Gouvernement, qui est aussi la vôtre, car il faut du courage pour mener toute action à son terme, et le courage n'est jamais reconnu sur le moment, surtout dans notre société.
Cependant, dans de tels moments, tout homme politique a sans cesse besoin de se confronter au principe de réalité, de se demander s'il n'y a pas de contradiction entre les objectifs ou les priorités affichés et les méthodes ou les moyens envisagés. La préparation et la discussion du budget de la nation doivent être, pour nous tous, l'occasion privilégiée de se poser cette question.
Vous avez précisé une direction et vous avez dégagé des priorités. Qui pourrait les contester ?
Considérant que le chômage et la fracture sociale sont les fléaux de notre pays, vous avez estimé que votre premier devoir était de procéder à de profondes réformes de structures. Le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale en sont la traduction : c'est la réduction des déficits publics ; c'est la maîtrise des dépenses de santé, la remise en ordre et la modernisation de la gestion des régimes de protection sociale ; c'est le frein à l'inflation de la fonction publique ; c'est l'engagement de la lutte contre certains privilèges par une meilleure équité fiscale ; c'est le coup d'arrêt donné à la dérive financière de certaines grandes entreprises publiques ou du système bancaire. Je ne cite là que les réformes les plus marquantes.
La situation politique d'aujourd'hui offre les conditions d'une parfaite cohésion entre la plus haute autorité de l'Etat et l'exécutif gouvernemental, à la différence de ce qui prévalait durant la période précédente, lors de la cohabitation. Cette situation permettait non seulement d'augurer une conduite plus facile de ces réformes fondamentales, mais également d'espérer un accueil plus favorable. Hélas, la situation du pays telle que nous l'avons trouvée en 1993, la formidable montée des corporatismes et le sacro-saint principe des avantages acquis ont brutalement contrarié cette volonté de réforme, que nous partageons tous avec vous, monsieur le ministre.
Mais si le cap politique est clairement affiché, il me semble que les Français se posent quelques questions.
Ainsi l'ampleur et le nombre des chantiers engagés les a manifestement laissés perplexes et, s'ils y adhèrent globalement, ils doutent que ces chantiers puissent être menés à terme en même temps et constatent bien souvent que ce doute est justifié.
A cela s'ajoute l'interrogation, non exprimée ou non formulée, sur le coût pour la France de la construction européenne et de l'ouverture future de l'Union à d'autres pays.
A côté de ces interrogations ressenties plus que perçues par les Français, il en est d'autres plus immédiates, plus quotidiennes, qui ne manquent pas, qu'on le veuille ou non, d'être alimentées par certains aspects des dispositions budgétaires.
J'aurais préféré, c'est certain, une baisse de la TVA ou de la TIPP, plus significative vis-à-vis des ménages. Tout le monde s'accorde, certes, sur la nécessité de mettre de l'ordre dans les aides à l'emploi ou au logement, mais tout le monde s'interroge aussi sur la diminution ou le réaménagement des crédits dans ces domaines, qui affectent directement les familles. La limitation des aides à la scolarisation a jeté l'émoi dans les populations et la déductibilité partielle de la CSG ne convainc pas encore.
Les moyens, toujours considérables, alloués à l'éducation nationale apparaissent souvent avant tout comme un moyen de rassurer les personnels, ce qui laisse d'ailleurs dubitatif, alors que l'amélioration des performances de notre système d'enseignement ne sont pas encore, pour l'instant, évidentes tant l'inertie dudit système est grande.
Enfin, et vous vous étonneriez que je n'aborde pas ce sujet, la politique d'aménagement du territoire continue, à mon sens, à être sacrifiée, au point d'ailleurs que les deux commissions compétentes, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ont commencé par réserver les crédits. Cela a plusieurs conséquences.
La crédibilité des travaux importants déjà réalisés ou engagés à la suite de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire risque d'en être affectée. Certes, le plan de relance pour la ville et l'institution des zones franches constituent à l'évidence des avancées, mais l'étalement des contrats de plan et la diminution des fonds divers concourant à l'aménagement du territoire sont des éléments d'inquiétude.
Dans tous les secteurs, urbains, périurbains ou ruraux, l'organisation des services inquiète aussi le citoyen. Celui-ci a l'impression, à tort ou à raison, qu'ils ne cessent de se dégrader, en qualité comme en quantité. L'hyperconcentration urbaine de la région parisienne renchérit à outrance les coûts d'investissement, sans améliorer pour autant de façon significative la vie quotidienne des Franciliens, qui sont d'ailleurs trop souvent otages de ces mêmes services publics.
Tous les mécanismes régulateurs au sein de l'Etat paraissent voués à une certaine inefficacité tant les réflexes centralisateurs sont encore forts, malgré la volonté affichée de déconcentration de l'Etat.
Comment, par ailleurs, faire en sorte de maintenir notre capacité d'investissement ?
Devant la réduction de nos marges de manoeuvre, du fait de l'urgence sociale à tous les niveaux, la politique d'aménagement du territoire devrait compter parmi les instruments permettant de procéder aux bons choix au meilleur coût, notamment par l'effet de levier que devrait constituer son budget, tous ministères confondus. Or qui peut nier que les crédits affectés aujourd'hui à cette politique concourent à une oeuvre plus curative que préventive ?
Je lis parfois que la politique des investissements publics ne doit plus être considérée comme l'instrument privilégié de la politique de l'emploi. Je suis profondément choqué par de telles affirmations quand je considère les effets que peut avoir dans nos départements une baisse de nos capacités de financement.
Monsieur le ministre, un appel général a été lancé par le Gouvernement à l'ensemble de ses partenaires pour contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Les collectivités territoriales, principaux partenaires de l'Etat, en charge de véritables missions de service public, sont directement et explicitement concernées par cette très forte sollicitation. On pourrait même dire qu'elles sont aujourd'hui dans l'oeil du cyclone puisque pas un jour ne passe sans que soit dénoncée la dérive des finances locales et, plus particulièrement, de la fiscalité locale. Il y a là un mauvais procès.
La réalité doit être connue en ce qui concerne l'évolution des charges et des recettes des collectivités territoriales. Cela a déjà été dit par les orateurs précédents, mais il me paraît important de le souligner à nouveau.
Tous les rapports d'évaluation, celui de l'Observatoire des finances locales présenté par notre collègue M. Paul Girod, comme celui de la commission consultative sur l'évaluation des charges démontrent, en ce qui concerne les seuls domaines des compétences transférées, qu'un décrochage certain s'est produit entre la compensation due et la compensation réellement versée depuis les années 1990-1991 et suivantes.
Tous conviennent que la multiplication des dégrèvements ou exonérations de charges fiscales décidées par l'Etat, notamment en faveur des entreprises, a abouti à une explosion des masses financières théoriquement dues en compensation - entre 40 milliards et 50 milliards de francs - et qui ne sont que partiellement reversées.
M. René Régnault. Tout à fait !
M. Jean Puech. Cela engendre des situations un peu pénibles car, chaque année, les collectivités territoriales ont le sentiment d'être prises en otage.
Sur ce thème, s'agissant des dispositions du projet de loi de finances relatives aux collectivités locales, je suis, comme beaucoup ici, très satisfait, bien évidemment, de la suppression par l'Assemblée nationale du paragraphe V de l'article 20, qui aboutissait à réduire de plus de la moitié le montant de la compensation versée au titre de la réduction de taxe professionnelle pour l'embauche et l'investissement, la REI.
De même, en ce qui concerne l'étalement du paiement du solde de la compensation des pertes de ressources résultant de la réduction de 35 % des droits de mutation, je regrette que l'Etat ne soit pas en mesure de respecter ses engagements initiaux, à savoir le versement de la totalité de la compensation due aux départements qui enregistreraient une perte de recettes en début d'année 1997.
Le dossier relatif aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle n'est toujours pas réglé, malgré quelques récentes améliorations.
Cela pose le problème du pacte de stabilité financière : nous ne sommes jamais allés jusqu'au bout de sa logique, reconnaissons-le, notamment dans le domaine de la création et de l'évaluation des charges non compensées.
Certes, les fractures sociales et territoriales sont bien des réalités. Il faut donc s'efforcer de répondre à ce profond sentiment d'angoisse, ce à quoi vous vous employez, comme tous les élus.
Mais nous ne pouvons continuer d'y répondre selon les procédures actuelles, car celles-ci entraînent la création de charges pour les collectivités territoriales, selon des mécanismes que je qualifierai d'insidieux et que tous ici connaissent. Ils sont simples : l'Etat, par la voie tant législative que réglementaire, décide seul d'un programme d'action, dans quelque domaine que ce soit, arrête unilatéralement sa participation financière et affirme, ou fait dire publiquement, qu'il faudra bien trouver les compléments de financement ailleurs.
Bien sûr, il n'ajoute que très rarement que sa participation procède tout simplement de redéploiement. En revanche, il précise toujours que les collectivités sont libres ou non de participer ! En quelque sorte, si nous, élus locaux, ne répondons pas à l'urgence sociale, c'est notre responsabilité qui est mise en cause ! C'est ce que l'on appelle du « volontariat obligatoire ».
Les exemples foisonnent : les multiples plans en faveur de l'emploi, de la prévention sanitaire, du logement ; le plan de relance pour la ville ; celui qui est en projet pour l'avenir du monde rural ; ou encore l'épisode récent relatif à la prise en charge de l'équarrissage.
M. René Régnault. Eh oui !
M. Jean Puech. Je salue l'initiative qui a été prise - je la trouve excellente - de soumettre tout projet de loi à une étude d'impact technique et financière.
M. René Régnault. Très bien !
M. Jean Puech. J'ai une demande insistante à formuler, c'est que cette instruction soit respectée à la lettre. A ma connaissance, de nombreux textes ne sont pas accompagnés de cette étude d'impact ; je pense notamment à l'avant-projet de loi sur la cohésion sociale.
Au risque de m'éloigner du débat budgétaire, au sens strict, qui nous occupe - mais je ne le crois pas - je tiens à souligner que l'on ne peut demander aux collectivités territoriales d'accomplir un effort significatif de maîtrise de leurs dépenses dans ces conditions. On porte atteinte non seulement à leurs forces vives d'initiatives locales, mais également aux principes mêmes de la décentralisation. Même si les collectivités territoriales n'augmentent pas leur pression fiscale, ce qui constitue déjà un effort considérable, elles ont alors de nouveau recours à l'emprunt.
Telle est la raison pour laquelle nous ne pouvons admettre que, de projet de loi en projet de loi, on acte, de fait, de nouvelles répartitions de compétences, des créations de charges. On multiplie à nouveau les financements croisés et c'est à une relative reconcentration des vrais pouvoirs de décision à laquelle nous assistons sous l'égide de l'administration d'Etat.
Désormais, l'exercice de clarification des compétences doit constituer un préalable absolu à tout engagement nouveau et conjoint de mission de service public entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cela représente également un facteur d'économie. C'est ce qui nous importe aujourd'hui. C'est d'ailleurs, me semble-t-il, ce qui est vivement souhaité au travers de tous les rapports sectoriels établis par la Cour des comptes ces dernières années.
En conclusion, ce projet de budget pour 1997 m'inspire plusieurs réflexions : des directions et des objectifs clairs et que nous partageons tous dans votre majorité ; des orientations politiques particulières, notamment en matière fiscale, que nous aurions pu discuter en termes de priorités et de mesures nouvelles ; des inquiétudes parfois grandes sur quelques chapitres, notamment en matière d'aménagement du territoire, qui intéressent directement la vie quotidienne de nos concitoyens ; enfin, une insuffisante appréciation du choix de l'Etat sur l'évolution des dépenses publiques des principaux partenaires que sont les collectivités territoriales.
Les discussions qui auront lieu dans les jours à venir nous permettront de progresser encore sur ces questions, complétant ainsi heureusement l'oeuvre courageuse que vous nous proposez et pour laquelle, vous le savez, vous avez toute notre confiance et tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la détention provisoire.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 99, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

6

dépôt de propositions de loi

M. le président. J'ai reçu de M. Serge Mathieu une proposition de loi tendant à reconnaître officiellement le caractère de journée nationale du souvenir et du recueillement à la date du 16 octobre, anniversaire du transfert du soldat inconnu d'Algérie à Notre-Dame-de-Lorette.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 95, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt, Jacques Dominati, Jean-Paul Emin, James Bordas, François Gerbaud, Marcel-Pierre Cléach, Ambroise Dupont, Mme Nelly Ollin, MM. Serge Franchis, Michel Doublet, Roger Besse, Rémi Herment, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean Clouet, Jean-Pierre Schosteck, André Egu, Nicolas About, Alain Gournac, Michel Pelchat, Bernard Barbier Jacques Delong, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de Cossé-Brissac, François Trucy, Michel Caldaguès, Emmanuel Hamel, François Mathieu, Edmond Lauret, Roger Husson, Martial Taugourdeau, Jean Bernard, Charles Ginésy, Jean Pourchet, Alain Gérard, Robert Calmejane, Philippe de Gaulle, Christian Demuynck et Alain Vasselle une proposition de loi tendant à renforcer les moyens de contrôle des certificats d'hébergement.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 96, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Bernard Plasait, Henri de Raincourt, Jacques Dminati, Jean-Paul Emin, James Bordas, François Gerbaud, Marcel-Pierre Cléach, Ambroise Dupont, Mme Nelly Ollin, MM. Serge Franchis, Michel Doublet, Roger Besse, Rémi Herment, Louis-Ferdinant de Rocca Serra, Jean Clouet, Jean-Pierre Schosteck, André Egu, Nicolas About, Alain Gournac, Michel Pelchat, Bernard Barbier, Jacques Delong, Jean-Claude Carle, Charles-Henri de Cossé-Brissac, François Trucy, Michel Caldaguès, Emmanuel Hamel, François Mathieu, Edmond Lauret, Roger Husson, Martial Taugourdeau, Jean Bernard, Charles Ginésy, Jean Pourchet, Alain Gérard, Robert Calmejane, Philippe de Gaulle, Christian Demuynck et Alain Vasselle une proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs des agents de contrôle des organismes mentionnés aux articles L. 243-7 et L. 216-6 du code de la sécurité sociale dans la lutte contre le travail clandestin.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 97, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au maintien des liens entre frères et soeurs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 98, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- projet de proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume de Norvège concernant la coopération douanière.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-736 et distribuée.

9

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Lambert, rapporteur général, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 86 et distribué.
J'ai reçu de M. Charles Descours, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 92 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de résolution de Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mme Danielle Bidart-Reydet, M. Claude Billard, Mmes Nicole Borvo, Michelle Demessine, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar tendant à créer une commission d'enquête sur la situation du crédit foncier de France (n° 508, 1995-1996).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 93 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Lambert un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de résolution de Mme Hélène Luc, MM. Claude Billard, Paul Loridant, Mmes Jacqueline Fraysse-Cazalis, Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, Michelle Demessine, MM. Guy Fischer, Félix Leyzour, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar tendant à créer une commission d'enquête sur la situation du groupe Thomson et les conditions de sa privatisation (n° 47, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 94 et distribué.

10

DÉPÔT D'AVIS

M. le président. J'ai reçu de MM. Philippe Nachbar, Marcel Vidal, Ambroise Dupont, Jean Bernadaux, Albert Vecten, Jean-Pierre Camoin, Jean-Louis Carrère, Pierre Laffitte, François Lesein, Jean-Paul Hugot, Alain Gérard, James Bordas et Jacques Legendre un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 87 et distribué.
J'ai reçu de MM. Alain Pluchet, Josselin de Rohan, Henri Revol, Aubert Garcia, francis Grignon, Jean Besson, Jean-Marie Rausch, Jean-Jacques Robert, Louis Minetti, Michel Souplet, Jean Pépin, Jean Boyer, Jacques Braconnier, William Chervy, Mme Josette Durrieu, MM. Charles Ginésy, Bernard Hugo, Georges Berchet, Jean-François Le Grand, Jacques Rocca Serra, Pierre Hérisson, Rodolphe Désiré et Gérard Larcher un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 88 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Dulait, Guy Penne, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean Faure, Michel Alloncle, Serge Vinçon, Hubert Falco et André Boyer un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 89 et distribué.
J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Louis Boyer, Paul Blanc, Louis Souvet, Jean Madelain, Bernard Seillier, Marcel Lesbros, Pierre Lagourgue et Jacques Bimbenet un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 90 et distribué.
J'ai reçu de MM. André Bohl, Paul Masson, René-Georges Laurin, Germain Authié, Georges Othily, Michel Rufin, François Blaizot et Jean-Marie Girault un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n° 85, 1996-1997).
L'avis sera imprimé sous le numéro 91 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 22 novembre 1996, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 85 et 86, 1996-1997).
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Discussion générale (suite).
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.
Personne ne demande plus la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 22 novembre 1996, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON











DATE


DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

DURÉE PRÉVUE

Jeudi 21 novembre 1996
A 16 heures et le soir. Discussion générale 6 h 30

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie, à 16 heures.

Vendredi 22 novembre 1996

A 9 h 30. Nota. - La commission des finances se réunira l'après-midi pour l'examen des amendements à la première partie.

Discussion générale (suite et fin) 2 h 30

Lundi 25 novembre 1996

A 10 heures, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie 10 h 30

Mardi 26 novembre 1996
A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Examen des articles de la première partie (suite) 11 heures

Mercredi 27 novembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Nota. - La discussion relative aux affaires européennes interviendra à l'occasion de l'examen de l'article 32.


Examen de l'article 32 : évaluation du prélèvement européen opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes Examen des articles de la première partie (suite et fin)


3 heures
. Eventuellement seconde délibération sur la première partie 8 heures
. Explications de vote sur l'ensemble de la première partie. Scrutin public ordinaire de droit .

Jeudi 28 novembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Intérieur et décentralisation :

. Décentralisation 3 heures
. Fonction publique et réforme de l'Etat 1 h 30
.
Travail et affaires sociales :
. I. - Travail (+ articles 94 à 97) 3 heures
.
II. - Santé publique et services communs III. - Action sociale et solidarité (+ article 98)
3 heures
.
En outre, dans l'après-midi : discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.

Vendredi 29 novembre 1996

A 9 h 30 et à 15 heures. Anciens combattants et victimes de guerre (+ articles 85 et 86) 2 heures
.

Services du Premier ministre :

. I. - Services généraux 1 heure
. II. - Secrétariat général de la défense nationale 0 h 20
. III. - Conseil économique et social 0 h 10
. IV. - Plan 0 h 30
. Budget annexe des Journaux officiels 0 h 10
. Environnement 2 heures
.
Intérieur et décentralisation :
. Sécurité 2 heures

Lundi 2 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir. Outre-mer (+ article 93) 4 heures
. Culture 3 heures
.

Industrie, poste et télécommunications :

. II. - Poste, télécommunications et espace 1 h 30
. Charges communes (+ articles 88 et 89) .
. Comptes spéciaux du Trésor (articles 42 à 45, 45 bis, 46 à 53) 1 h 15
. Services financiers (et consommation) 1 heure
. Budget annexe des Monnaies et médailles 0 h 10

Mardi 3 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Education nationale, enseignement supérieur et recherche :

. I. - Enseignement scolaire 3 h 30
. II. - Enseignement supérieur 3 heures
. III. - Recherche 2 heures
. Jeunesse et sports 2 h 30
.
A 15 heures : hommage solennel rendu à André Malraux.

Mercredi 4 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Défense :

.
Exposé d'ensemble et dépenses en capital (article 38).
. Dépenses ordinaires (article 37) 3 h 30
.
Affaires étrangères et coopération :
. I. - Affaires étrangères (et francophonie) 4 heures
.
Industrie, poste et télécommunications :
. I. - Industrie 2 heures
. Commerce extérieur 1 h 30

Jeudi 5 décembre 1996

A 9 h 30, à 16 heures et le soir. Budget annexe des prestations sociales agricoles 1 h 30
Nota. - La commission des finances se réunira à 14 h 30 pour examiner les articles non rattachés de la deuxième partie.

Agriculture, pêche et alimentation (+ articles 83, 83 bis, 83 ter et 84)
Aménagement du territoire, ville et intégration :
I. - Aménagement du territoire II. - Ville et intégration


4 heures

2 h 30 2 heures
.
A 15 heures : questions d'actualité au Gouvernement.

Vendredi 6 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Equipement, logement, transports et tourisme :

Nota. - Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie à 17 heures. I. - Urbanisme et services communs

1 heure

.

II. - Transports :
1. Transports terrestres
2. Routes
3. Sécurité routière
4. Transport aérien
5. Météorologie Budget annexe de l'aviation civile




2 h 30

1 h 30
. III. - Logement (+ article 92) 2 h 30
.
IV. - Mer :
.
Marine marchande Ports maritimes
2 heures
. V. - Tourisme 1 h 30

Samedi 7 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir.

Affaires étrangères et coopération : II. - Coopération


2 h 30
. Commerce et artisanat (+ articles 90, 91 et 91 bis ) 2 heures
. Communication (crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ; crédits d'aide à la presse inscrits au budget de la poste, des télécommunications et de l'espace ; article 58 et lignes 47 et 48 de l'état E annexé à l'article 54)



2 heures
.
Eventuellement discussions reportées.

Lundi 9 décembre 1996

A 9 h 30, à 16 heures et le soir.
Nota. - La commission se réunira à 14 heures pour examiner les amendements aux articles non rattachés de la deuxième partie.


Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération
Justice Articles de la deuxième partie non joints aux crédits


0 h 20
3 heures 6 h 30

Mardi 10 décembre 1996

A 9 h 30, à 15 heures et le soir.

Suite et fin de la discussion des articles de la deuxième partie non joints aux crédits.
Eventuellement, seconde délibération :
- explications de vote ;
- scrutin public à la tribune de droit.



RAPPEL DES DÉCISIONS DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS DU 5 NOVEMBRE 1996 CONCERNANT LES MODALITÉS DE DISCUSSION ET DE RÉPARTITION DES TEMPS DE PAROLE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997
La conférence des présidents a fixé les délais limites suivants pour le dépôt des amendements :
Le jeudi 21 novembre 1996, à 16 heures, pour les amendements aux articles de la première partie du projet de loi ;
La veille du jour prévu pour la discussion, à 17 heures, pour les amendements aux divers crédits budgétaires et aux articles rattachés ;
Le vendredi 6 décembre 1996, à 17 heures, pour les amendements aux articles de la deuxième partie non rattachés à l'examen des crédits.
2° La répartition des temps de parole, pour chacune des discussions prévues, est fixée comme suit :
a) Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposeront de :
15 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures ;
10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
5 minutes pour certains fascicules budgétaires ou budgets annexes ;
b) Les rapporteurs pour avis disposeront de :
10 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion dépasse deux heures, ce temps étant réduit à 5 minutes pour les budgets sur lesquels trois avis ou plus sont présentés ;
5 minutes pour les budgets dont la durée prévue pour la discussion est inférieure ou égale à deux heures ;
c) Les groupes :
Le temps de parole des groupes a été réparti conformément aux règles suivantes :
- pour chaque discussion, il a été attribué un temps forfaitaire de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe lorsque le temps global disponible est au moins égal à 1 h 30, le reliquat étant réparti entre eux proportionnellement à leurs effectifs ;

- lorsque le temps global disponible est inférieur à 1 h 30, la répartition s'effectue uniquement en proportion des effectifs. Toutefois, aucune attribution n'est inférieure à cinq minutes.

Les résultats des calculs, effectués conformément à ces règles, ont été communiqués aux présidents des groupes et des commissions.
Les interventions éventuelles des présidents des commissions saisies pour avis s'imputeront sur le temps de parole de leur groupe.
Par ailleurs, pour les explications de vote sur la première partie, il a été attribué un temps de 10 minutes à chaque groupe et un temps de 5 minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe ; pour les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, le temps attribué à chaque groupe est de 15 minutes et celui attribué à la réunion administrative est de 5 minutes.
Dans le cadre d'une journée de discussion, chaque groupe ou la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe pourra demander le report du temps ou d'une partie du temps de parole qui lui est imparti pour un budget à la discussion d'un autre budget inscrit le même jour, en prévenant le service de la séance la veille avant 17 heures. Toutefois, cette faculté ne pourra pas être utilisée pour les attributions de temps de parole forfaitaires de cinq minutes affectées à la discussion de certains budgets et pour les attributions minimales de cinq minutes.
3° Les inscriptions de parole devront être communiquées au service de la séance pour les discussions portant sur les crédits de chaque ministère, la veille du jour prévu pour la discussion, avant 17 heures.
En outre, la durée d'intervention de chacun des orateurs devra être communiquée au service de la séance lors des inscriptions de parole.
En application de l'article 29 bis du règlement, l'ordre des interventions dans la discussion générale du projet de loi de finances et dans les principales discussions portant sur les crédits des différents ministères sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session.



Rapporteurs spéciaux :


BUDGETS


RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. - BUDGETS CIVILS

A. - Budget général

Affaires étrangères et coopération :

Affaires étrangères M. Jacques Chaumont.
Coopération M. Michel Charasse.
Agriculture, pêche et alimentation M. Joël Bourdin.

Aménagement du territoire, ville et intégration : I. - Aménagement du territoire
M. Roger Besse
II. - Ville et intégration M. Philippe Marini.
Anciens combattants et victimes de guerre M. Jacques Baudot.
Commerce et artisanat M. René Ballayer.
Communication audiovisuelle M. Jean Cluzel.
Culture M. Maurice Schumann.

Economie et finances :
Charges communes M. Claude Belot.
Services financiers M. Alain Richard.
Commerce extérieur Mme Maryse Bergé-Lavigne.

Education nationale, enseignement supérieur et recherche :
I. - Enseignement scolaire M. Jacques-Richard Delong.
II. - Enseignement supérieur M. Jean-Philippe Lachenaud.
III. - Recherche M. René Trégouët.
Environnement M. Philippe Adnot.

Equipement, logement, transports et tourisme :
I. - Urbanisme et services communs M. Henri Collard.

II. - Transports :
Transports terrestres M. Auguste Cazalet.
Routes et sécurité routière M. Gérard Miquel.
Transport aérien et météorologie M. Yvon Collin.
III. - Logement M. Henri Collard.

IV. - Mer :
Marine marchande M. René Régnault.
Ports maritimes M. Marc Massion.
V. - Tourisme M. Paul Loridant.
Fonction publique et réforme de l'Etat M. Philippe Marini.

Industrie, poste et télécommunications :
I. - Industrie M. Bernard Barbier.
II. - Poste, télécommunications et espace M. René Trégouët.

Intérieur et décentralisation :
Sécurité M. Guy Cabanel.
Décentralisation M. Michel Mercier.
Jeunesse et sports M. Jean-Pierre Masseret.
Justice M. Hubert Haenel.
Outre-mer M. Roland du Luart.
Presse M. Jean Cluzel.

Services du Premier ministre :
I. - Services généraux M. Henri Torre.
II. - Secrétariat général de la défense nationale M. Michel Sergent.
III. - Conseil économique et social M. Claude Lise.
IV. - Plan M. Michel Moreigne.

Travail et affaires sociales :
Travail M. Emmanuel Hamel.
Santé publique, action sociale et solidarité M. Jacques Oudin.

B. - Budgets annexes

Aviation civile M. Yvon Collin.
Journaux officiels Mme Marie-Claude Beaudeau.
Légion d'honneur. - Ordre de la Libération M. René Régnault.
Monnaies et médailles M. Alain Richard.
Prestations sociales agricoles M. Joël Bourdin.

II. - DÉFENSE
Exposé d'ensemble et dépenses en capital M. Maurice Blin.
Dépenses ordinaires M. François Trucy.

III. - AUTRES DISPOSITIONS
Comptes spéciaux du Trésor M. Yann Gaillard.

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES






BUDGETS


RAPPORTEURS
Culture M. Philippe Nachbar.
Cinéma. - Théâtre dramatique M. Marcel Vidal.
Environnement M. Ambroise Dupont.
Enseignement scolaire M. Jean Bernadaux.
Enseignement agricole M. Albert Vecten.
Enseignement supérieur M. Jean-Pierre Camoin.
Enseignement technique M. Jean-Louis Carrère.
Recherche scientifique et technique M. Pierre Laffitte.
Jeunesse et sports M. François Lesein.
Communication audiovisuelle M. Jean-Paul Hugot.
Presse écrite M. Alain Gérard.
Relations culturelles, scientifiques et techniques M. James Bordas.
Francophonie M. Jacques Legendre.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU PLAN






BUDGETS


RAPPORTEURS
Agriculture M. Alain Pluchet.
Pêche M. Josselin de Rohan.
Aménagement rural M. Henri Revol.
Industries agricoles et alimentaires M. Aubert Garcia.
Industrie M. Francis Grignon.
Energie M. Jean Besson.
Recherche M. Jean-Marie Rausch.
P.M.E. - Commerce et artisanat M. Jean-Jacques Robert.
Consommation et concurrence M. Louis Minetti.
Commerce extérieur M. Michel Souplet.
Aménagement du territoire M. Jean Pépin.
Plan M. Jean Boyer.
Routes et voies navigables M. Jacques Braconnier.
Logement M. William Chervy.
Urbanisme Mme Josette Durrieu.
Tourisme M. Charles Ginésy.
Environnement M. Bernard Hugo.
Transports terrestres M. Georges Berchet.
Aviation civile et transport aérien M. Jean-François Le Grand.
Mer M. Jacques Rocca Serra.
Technologies de l'information et poste M. Pierre Hérisson.
Outre-mer M. Rodolphe Désiré.
Ville M. Gérard Larcher.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES






BUDGETS


RAPPORTEURS
Affaires étrangères M. André Dulait.
Affaires étrangères, relations culturelles extérieures et francophonie M. Guy Penne.
Coopération Mme Paulette Brisepierre.
Défense. - Nucléaire, espace et services communs M. Jean Faure.
Défense. - Gendarmerie M. Michel Alloncle.
Défense. - Forces terrestres M. Serge Vinçon.
Défense. - Air M. Hubert Falco.
Défense. - Marine M. André Boyer.

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES






BUDGETS


RAPPORTEURS
Affaires sociales M. Jean Chérioux.
Santé M. Louis Boyer.
Ville et intégration M. Paul Blanc.
Travail, emploi et formation professionnelle MM. Louis Souvet et Jean Madelain.
Budget annexe des prestations sociales agricoles M. Bernard Seillier.
Anciens combattants M. Marcel Lesbros.
Départements et territoires d'outre-mer (aspects sociaux) M. Pierre Lagourgue.
Logement social M. Jacques Bimbenet.


COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RE`GLEMENT ETD'ADMINISTRATION GÉNÉRALE





BUDGETS


RAPPORTEURS
Intérieur et décentralisation. - Décentralisation M. André Bohl.
Intérieur et décentralisation.- Police et sécurité M. Paul Masson.
Intérieur et décentralisation. - Sécurité civile M. René-Georges Laurin.
Justice. - Services généraux M. Germain Authié.
Justice. - Administration pénitentiaire M. Georges Othily.
Justice. - Protection judiciaire de la jeunesse M. Michel Rufin.
Départements d'outre-mer M. François Blaizot.
Territoires d'outre-mer M. Jean-Marie Girault.


COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES

42 (1996-1997) de M. Joseph Ostermann relative à l'actualisation de certaines dispositions de l'article L.O. 133 du code électoral.