SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).
MM. le président, Bernard Joly.

2. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 1 ).

3. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 2 ).

4. Contrats de services et de fournitures. - Adoption d'un projet de loi (p. 3 ).
Discussion générale : MM. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ; Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Félix Leyzour, Claude Estier.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 4 )

Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 2 (p. 5 )

Amendements n°s 2, 3, 4 rectifié, 5, 6, 7 rectifié et 8 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des sept amendements.
Amendements n°s 16, 17 et 15 de M. Grignon. - MM. Grignon, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait des amendements n°s 16 et 17 ; adoption de l'amendement n° 15.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 6 )

Amendement n° 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 7 )

Amendement n° 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 5 (p. 8 )

Amendement n° 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 (p. 9 )

Amendement n° 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 7 et 8. - Adoption (p. 10 )

Article 9 (p. 11 )

Amendement n° 12 rectifié bis de la commission et sous-amendement n° 19 de M. Grignon. - MM. le rapporteur, Grignon, le ministre délégué. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement rédigeant l'article.

Article 10 (p. 12 )

Amendement n° 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 11 (p. 13 )

Amendement n° 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 12 et 13. - Adoption (p. 14 )

Vote sur l'ensemble (p. 15 )

M. Edmond Lauret.
Adoption du projet de loi.

5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 16 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

6. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi (p. 18 ).

7. Professionnalisation des armées. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 19 ).
M. le président.
Discussion générale : MM. Charles Millon, ministre de la défense ; Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; André Rouvière, Jacques Bimbenet, Jean-Claude Carle, Daniel Goulet, Jacques Habert, Jean-Luc Bécart.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 20 )

Amendement n° 1 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 2. - Adoption (p. 21 )

Article 3 (supprimé) (p. 22 )

Articles 4 et 5. - Adoption (p. 23 )

Article additionnel avant l'article 6 (p. 24 )

Amendement n° 2 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 25 )

Amendements n°s 3 rectifié à 5 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles 7, 8, 8 bis et 9 à 12. - Adoption (p. 26 )

Article additionnel après l'article 12 (p. 27 )

Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Articles 13 et 14. - Adoption (p. 28 )

Vote sur l'ensemble (p. 29 )

MM. Emmanuel Hamel, Jacques Machet, Daniel Eckenspieller, Jean-Claude Carle, André Rouvière.
Adoption du projet de loi.
M. le ministre.

8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 30 ).

9. Dépôt de propositions de résolution (p. 31 ).

10. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 32 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 33 ).

12. Ordre du jour (p. 34 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, tel qu'il a été publié au Journal officiel, le résultat du scrutin n° 30 sur l'ensemble du projet de loi relatif au financement de la sécurité sociale pour 1997 fait apparaître que mon collègue M. Lesein s'est exprimé en faveur du texte, alors qu'il souhaitait voter contre ce dernier.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue.
Il n'y a pas d'autre observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2

CANDIDATURE À
UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un organisme extraparlementaire.
La commission des affaires économiques et du Plan a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jacques Braconnier pour siéger au sein du comité de liaison pour le transport des personnes handicapées.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes un rapport relatif aux interventions des collectivités territoriales en faveur des entreprises.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

CONTRATS DE SERVICES
ET DE FOURNITURES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 9, 1994-1995) complétant, en ce qui concerne certains contrats de services et de fournitures, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et de la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, et la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications. (Rapport n° 51 [1996-1997]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi qui constitue la dernière étape de l'adoption des textes législatifs nécessaires à la transposition dans notre droit des directives européennes relatives aux procédures de marchés publics.
Je remercie tout d'abord M. Revol et les membres de la commission des affaires économiques et du Plan du remarquable travail de présentation et d'analyse qu'ils ont effectué. En effet, ce travail éclaire le texte, très technique, du projet de loi déposé en octobre 1994 sur le bureau de la Haute Assemblée.
La tâche n'était pas aisée, dans la mesure où le projet se présente comme un texte d'amendement et de complément à deux lois de transposition existantes. L'effort de reformulation et de présentation qui a été opéré par le rapporteur et la commission des affaires économiques et du Plan au Sénat a été, à cet égard, tout à fait exceptionnel.
La transposition du volet « services » des directives « marchés publics » intervient dans un calendrier très contraint. En effet, la directive sur les marchés de services des opérateurs publics - Etat, collectivités locales, établissements publics - devait être transposée à compter du 1er juillet 1993.
Le volet « services » de la directive concernant les contrats des opérateurs de réseaux - gestionnaires de grands services publics dans le domaine de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - devait l'être au 1er juillet 1994.
De ce fait, la France a été condamnée, le 4 mai 1996, aux côtés de l'Allemagne et de la Grèce, par la Cour de justice des Communautés européennes pour manquement à son obligation de transposer la directive sur les marchés de services.
J'ajoute que, si la France tardait encore à transposer cette directive, la Commission pourrait engager une nouvelle procédure, cette fois en manquement, sur la base de l'article 171 du traité, pour non-exécution de la décision rendue par la Cour de justice. Cette dernière pourrait ainsi condamner la France à payer une astreinte.
Par ailleurs, au mois de juin dernier, la Commission a saisi la Cour de justice d'un nouveau recours en manquement, pour non-transposition du volet « services » relatif aux opérateurs de réseaux.
Si la plupart des Etats membres avaient, jusqu'à ce jour, pris du retard dans la transposition de ces directives, je constate aujourd'hui que tous nos partenaires devraient, à très court terme désormais, avoir achevé leur processus de transposition.
L'inscription à l'ordre du jour de votre assemblée de ce projet de loi était donc devenue tout à fait prioritaire. Toutefois, je puis vous indiquer que les entreprises - tant nationales que ressortissantes des autres Etats membres - n'ont pas eu à souffrir du défaut de transposition de ces directives, car la plupart des dispositions de celles-ci, notamment l'obligation de publicité communautaire, étaient suffisamment claires et inconditionnelles pour être directement applicables, en vertu d'une jurisprudence constante. La commission centrale des marchés, au ministère de l'économie et des finances, avait d'ailleurs donné toutes instructions en ce sens.
Je souhaiterais rappeler, en premier lieu, les grandes étapes du processus d'adoption et de transposition des directives européennes relatives aux marchés publics.
Il existe six directives communautaires sur l'ouverture des marchés publics. Quatre concernent l'harmonisation des procédures de passation des marchés publics portant sur les marchés de fournitures, travaux et services des opérateurs publics classiques - Etat, collectivités territoriales et certains organismes privés d'intérêt général - et, parmi ces quatre directives, une porte sur l'ensemble des contrats des opérateurs de réseaux, SNCF, EDF, France Télécom, organismes de distribution d'eau...
Les deux dernières directives harmonisent les procédures de recours administratifs et contentieux à la disposition des entreprises contre les procédures des opérateurs publics classiques et des opérateurs de réseaux.
Le processus législatif communautaire d'ouverture des marchés publics est donc, aujourd'hui, complètement achevé. La Commission s'est engagée, conformément aux dispositions qui sont prévues dans le texte même des directives, à les réviser en 1997-1998. A cet effet, la Commission va très prochainement déposer un Livre vert, qui fera l'objet d'un débat important.
A cette date, comme je l'ai indiqué, seules les dispositions relatives aux marchés de services des opérateurs publics et des opérateurs de réseaux ne sont pas transposées, ainsi que quelques corrections qui ont été apportées à la directive « fournitures » et qui figurent aux articles 1er et 10.
Je tiens, en second lieu, à vous apporter des précisions sur l'articulation des différents textes qui doivent assurer la transcription en droit interne des dispositions restant à transposer.
En ce qui concerne, tout d'abord, les pouvoirs adjudicateurs « publics » qui relèvent de la directive 92-50, il faut distinguer deux catégories.
La catégorie la plus traditionnnelle est celle des pouvoirs adjudicateurs « publics » : elle comprend l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements locaux publics ayant un caractère autre qu'industriel et commercial, comme les établissements publics de santé, les établissements publics d'enseignement, les offices d'HLM. Pour ces collectivités publiques, la transposition se fera dans le cadre d'un décret autonome modifiant le code des marchés publics. A cet égard, un projet de décret est en cours de mise au point au niveau interministériel. Ces dispositions auront une durée de vie brève puisqu'elles seront refondues dans le nouveau code des marchés publics, que j'aurai l'honneur de vous soumettre au début de l'année prochaine.
Une seconde catégorie comprend les pouvoirs adjudicateurs des organismes privés - mais sous contrôle public - chargés d'une mission d'intérêt général, dont les marchés sont soumis également à des procédures de publicité et de mise en concurrence. Sont ainsi concernées certaines associations sous contrôle public, les caisses de sécurité sociale, un certain nombre de sociétés d'économie mixte.
Ce sont précisément les contrats de ces organismes que vise le titre Ier du projet de loi, qui complète à cet effet la loi du 3 janvier 1991, soumettant la passation de certains contrats d'organismes privés d'intérêt général à des règles de publicité et de mise en concurrence : cette loi voit son champ d'application étendu aux contrats de services.
Je rappelle, à cet égard, que le projet de loi se borne à définir le champ d'application des procédures, à la fois à raison des organismes assujettis, du montant des contrats éligibles et, surtout, de la nature des prestations de services concernées. En revanche, la description des procédures de publicité et de mise en concurrence seront fixées par un décret d'application, comme ce fut le cas, d'ailleurs, pour le texte initial de 1991.
La définition des prestations de services visées - qui concerne l'essentiel de ce texte - apparaît complexe, dans la mesure où le monde des services est extrêmement divers et comprend aussi bien les services de nettoyage ou d'entretien que les services d'assurances ou le conseil juridique.
Si, dans le passé, il a été facile de donner une définition générique des fournitures et des travaux, cela n'a pas été possible pour les marchés de services et la Commission européenne a dû établir des listes de services.
Définir un champ d'application par référence à des listes n'est pas très conforme, je le reconnais, à nos traditions de présentation des textes de loi. Toutefois, le Gouvernement a dû se résigner à conserver cette présentation car il est apparu que cette façon de faire était finalement la plus claire pour les entreprises candidates aux marchés publics.
C'est ainsi que trois catégories de services sont décrites à l'article 2 du projet de loi.
En premier lieu, les contrats de services qui sont soumis à l'ensemble des mesures de publicité et de mise en concurrence européenne. Ce sont ceux qui représentent les enjeux économiques les plus importants dans le cadre de l'ouverture des marchés publics : les services d'entretien et de réparation, les services de transports, certains services financiers, les services informatiques, les services d'étude, les services d'architecture et d'ingénierie... Des prestations comme les contrats d'assurance, qui ne relevaient pas du code des marchés publics, devront à présent faire l'objet de publicité et de mise en concurrence, mais les modalités de passation de ces contrats seront adaptées à leur spécificité.
En deuxième lieu, les contrats de services dont l'enjeu est supposé moindre, et qui ne font l'objet que d'une simple information a posteriori à communiquer à la Commission de l'Union européenne lorsqu'ils ont été conclus : la directive donne pour exemple les services d'hôtellerie et de restauration, les services sociaux et sanitaires, les services culturels et sportifs...
En troisième lieu, enfin, les contrats de services qui ne sont soumis à aucune procédure de marché public : services liés à des transactions immobilières, contrats relatifs à l'achat de temps de diffusion audiovisuelle, contrats ayant pour objet des services d'arbitrage et de conciliation... Il s'agit en effet de types de contrats qui sont liés à des biens précis, ou qui sont si fortement marqués par l' intuitu personae qu'ils se prêtent mal à une mise en compétition de type classique.
Dans cette dernière catégorie, qui, je vous le rappelle, n'est soumise à aucune procédure particulière, entrent les prestations de services fournies par une collectivité publique à une autre collectivité publique dès lors que le prestataire public en cause intervient sur la base d'un droit exclusif, en application de dispositions législatives ou réglementaires. C'est le cas des prestations de maîtrise d'oeuvre qui sont apportées par certains services extérieurs de l'Etat à des collectivités locales.
Ces prestations font aujourd'hui l'objet d'amendements. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler. J'aurais d'ailleurs souhaité que ce débat se déroule à l'occasion de l'examen du projet de loi, plus général, portant réforme des marchés publics, qui aura lieu en début d'année prochaine.
L'extension du champ d'application de la publicité et de la mise en concurrence aux contrats de services des organismes d'intérêt général va s'accompagner de l'extension corrélative des procédures de recours spécifiques aux marchés publics, notamment de celles du référé précontractuel, qui s'est très largement développé au cours de ces dernières années. C'est l'objet des articles 3 et 4 du projet.
Le titre II du projet de loi a pour objet de modifier la loi du 11 décembre 1992, relative aux procédures de passation de certains contrats - les opérateurs de réseaux - dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.
Là encore, il s'agit d'étendre les procédures de publicité et de mise en concurrence communautaires aux contrats de services passés par les grands opérateurs de services publics - j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Seuls les contrats de fournitures et de travaux de ces opérateurs faisaient, jusqu'à présent, l'objet de telles procédures.
Le dispositif prévu aux articles 6, 9, 12 et 13 est le même que pour les contrats de services des organismes privés d'intérêt général, visés au titre Ier, puisque l'on retrouve la même classification en trois catégories : contrats de services soumis à un régime complet de publicité et de mise en concurrence ; contrats, au contraire, exclus de toute forme de procédure ; enfin, contrats soumis à un régime allégé.
Des dispositions particulières, prévues aux articles 7 et 11, existent pour les opérateurs du réseau et pour les opérateurs miniers, qui ont le plus souvent une gestion d'entreprise et sont de plus en plus largement ouverts à la concurrence interne et internationale ; les pratiques de prestations de services « intra-groupes », qui donnent lieu, par exemple, au sein de ces entreprises, à la constitution de filiales spécifiques - notamment pour les prestations de transports ou d'informatique pour les besoins du groupe - sont exclues du champ d'application des procédures communautaires.
Je rappelle, à cet égard, que les conditions de fonctionnement purement industrielles et commerciales des opérateurs de réseaux ont justifié que soit appliqué à leurs marchés un régime beaucoup plus souple que celui des organismes publics stricto sensu : le niveau de la publicité communautaire est nettement plus élevé et il y a toujours possibilité de recourir à des procédures négociées plutôt qu'à des procédures d'appel d'offres, ce qui, naturellement, est beaucoup plus conforme à une logique de gestion d'entreprise.
Je terminerai mon propos en donnant quelques indications sur l'économie des marchés publics de services, notamment en France.
Les marchés de services représentent environ 10 % du total des montants des marchés publics - dont environ 47 % pour les travaux et 43 % pour les fournitures - sur une somme totale - c'est énorme ! - de 700 milliards de francs par an pour les seules entités publiques. A ce chiffre, il conviendrait d'ajouter, pour avoir une mesure plus complète de l'enjeu économique constitué par les marchés de services, les marchés passés par les organismes privés d'intérêt général ainsi que ceux des opérateurs de réseaux.
J'ajoute que ce chiffre est en évolution à la fois en valeur relative et en valeur absolue. Il s'agit là d'une conséquence d'un phénomène plus global, celui de la progression de la part des prestations de services dans notre économie.
L'ouverture des marchés publics de services dans le cadre de l'Union européenne, aujourd'hui, et, progressivement, dans le champ de l'Organisation mondiale du commerce, à travers l'accord sur les marchés publics, constitue une évolution économique majeure. En effet, les services prennent une part, en valeur, de plus en plus importante dans les marchés publics, car les administrations sont par nature de très gros consommateurs de services. Ces marchés de services ont un contenu en valeur ajoutée de plus en plus important, notamment du fait du développement des prestations intellectuelles - j'ai évoqué tout à l'heure les services de conseils et les services d'ingénerie - et sont de plus en plus le complément indispensable de marchés de fournitures de haute technologie : informatique, électronique professionnelle, etc.
N'oublions pas que la France est le deuxième exportateur mondial de services, services qui représentent 25 % du commerce mondial des marchandises. Elle a donc tout à gagner à une plus grande ouverture des marchés des services au sein de l'Union européenne, mais aussi au-delà. Il s'agit, à chaque fois, de favoriser la pénétration de nos entreprises faisant preuve d'une excellence et d'un savoir-faire dans des marchés difficiles, notamment en Asie ou en Amérique, alors même que nos marchés européens sont très ouverts.
Lors des accords de Marrakech, qui ont clôturé le cycle de l'Uruguay, un accord-cadre général sur les services, qu'on appelle GATS, a été signé : il transpose aux services les règles générales du commerce des biens, préserve l'exception culturelle, qui nous est si chère, et ouvre des négociations sectorielles au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Je serai, à la mi-décembre, à Singapour, où j'aurai l'honneur de représenter la France. Vous pouvez être assurés que j'y défendrai au mieux les intérêts de la France, dans le prolongement de ce que nous faisons ici, en matière de services. Nos intérêts sont très clairs : obtenir des ouvertures de marchés d'autres pays, notamment dans les zones émergentes, afin que nos entreprises puissent gagner le plus de marchés possibles.
Dans le domaine des marchés publics, nous devons aller au-delà de ce que contient l'accord de l'Organisation mondiale du commerce, en couvrant un plus grand nombre de secteurs et de pays, notamment parmi ceux qui sont en voie de développement.
S'agissant des services financiers, qui étaient prévus dans le cycle de l'Uruguay, à Marrakech, et pour lesquels les négociations ont échoué en raison du retrait de l'offre américaine, nous devons, alors que la période de transition se termine à la fin de 1997, faire aboutir les négociations afin de favoriser l'internationalisation de nos banques et de nos assurances.
Il en va de même pour les services de télécommunication de base. Là encore, c'était prévu à Marrakech, mais il y a eu échec des négociations et retrait de l'offre américaine. A la suite des textes qui ont été présentés par mon collègue François Fillon, au printemps dernier, nous devons nous réjouir de l'ouverture d'autres marchés pour France Télécom, qui est le quatrième opérateur mondial.
Enfin, nous aurons à mener la négociation sur l'accord relatif aux technologies de l'information et une négociation capitale sur l'investissement. Actuellement, une telle négociation se déroule à l'OCDE, qui devrait se terminer au mois de juin. Mais, parallèlement, il faut entamer une négociation sur l'investissement au sein de l'Organisation mondiale du commerce, car nous ne pouvons pas imposer à des pays émergents, qui n'appartiennent pas à l'OCDE, une réflexion qui serait le seul fait des sept pays industrialisés. Ce serait une mauvaise manière et, de surcroît, ce serait inefficace. Voilà pourquoi nous souhaitons ouvrir, parallèlement, dans l'intérêt de nos services, cette négociation sur l'investissement, à Singapour, au début du mois prochain.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les bases sur lesquelles nous vous invitons à discuter et à voter cette transposition des directives, et ce dans l'intérêt de nos services publics.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est pour le moins aride, M. le ministre l'a souligné. Il tend, vous le savez, à transposer, quelque peu tardivement, des directives européennes dans le droit français.
De façon à situer les enjeux, je rappelle, d'abord, que les marchés publics représentent une part significative de l'activité économique en Europe.
Tant en droit communautaire qu'en droit français, on distingue, d'un côté, les marchés publics stricto sensu et, de l'autre, les contrats passés par les opérateurs de réseaux ; il s'agit des entreprises exerçant leurs activités dans les domaines de l'eau, des transports, de l'énergie et des télécommunications.
Pour fixer les idées, sans vous inonder de chiffres, mes chers collègues, sachez qu'en 1993, par exemple, on a dénombré en France plus de 180 000 marchés passés par l'Etat, les collectivités locales, leurs établissements publics et les entreprises publiques, pour un montant total de l'ordre de 300 milliards de francs. Cela représentait près de 11 % du produit intérieur brut, les branches économiques les plus concernées étant le bâtiment, le génie civil, la construction navale, l'aéronautique et l'armement.
On évalue, par ailleurs, le montant des marchés passés par les opérateurs publics de réseaux à plus de 90 milliards de francs, somme à laquelle il convient d'ajouter ceux qui sont passés par les opérateurs à statut privé dans le domaine de l'eau, également visés par les textes.
A titre d'exemple, les contrats passés par la Lyonnaise des Eaux s'élèvent à 116 millions de francs en matière de recherche et à 27 millions de francs en matière d'assurance, dans le domaine de l'eau principalement.
Les instances communautaires ont progressivement réglementé l'ensemble de ces marchés, dont on a vu qu'ils représentent un enjeu économique d'importance.
De 1988 à 1993, le Conseil a ainsi adopté plusieurs directives, dont l'objectif était d'harmoniser les procédures de passation de ces marchés, en imposant des mesures de transparence et de mise en concurrence.
Vous trouverez dans mon rapport écrit le détail de cette construction progressive du droit européen en la matière, qui a donné lieu, au Sénat, au dépôt de deux rapports, en particulier celui de notre ancien collègue Robert Laucournet.
Sans entrer dans les arcanes du droit communautaire, je rappelle simplement que les directives sont classables en trois grandes catégories : les directives « classiques », qui concernent les marchés de travaux, de fournitures et de services ; la directive « opérateurs de réseaux », relative aux secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, qu'on avait l'habitude d'appeler auparavant la directive « secteurs exclus », et qui concerne les marchés de travaux, de fournitures et de services passés par les entreprises opérant à titre principal dans ces domaines ; enfin, les directives « recours », qui instaurent des procédures de recours contre les manquements aux obligations communautaires définies par les directives.
Toutes ces directives se sont inscrites dans la perspective de la construction du marché unique - on l'a rappelé - et ont visé un même objectif : éviter la discrimination des candidats aux marchés publics en raison de leur nationalité.
Cette volonté d'assurer une égalité d'accès aux marchés publics des Etats membres a pour corollaire la mise en place d'un régime permettant une égalité de traitement sur la base de critères objectifs préalablement annoncés.
Les règles instituées imposent des obligations de procédure visant - ce sont là des mesures pratiques - à assurer la publicité des offres par le biais, par exemple, d'un avis de pré-information publié au Journal officiel des Communautés européennes, à coordonner les spécifications techniques des produits en instaurant une référence à des normes européennes, afin que le plus grand nombre possible d'entreprises concurrentes puissent soumissionner en toute connaissance de cause, à définir le mode même de passation des marchés, à définir les règles d'attribution du marché, à organiser la publication d'un avis d'attribution, afin de permettre un fonctionnement transparent du système, enfin, à ouvrir des procédures de recours en cas de manquement à ces obligations communautaires.
Le présent projet de loi a pour objet de parfaire la transposition de ces directives. Cependant, avant de vous en rappeler les grandes lignes, j'aimerais évoquer les négociations en cours au plan communautaire - M. le ministre en a fait état - dont l'objectif est, précisément, de modifier certaines de ces directives.
En effet, c'est la transposition d'un droit communautaire en quelque sorte déjà dépassé que nous sommes amenés à réaliser aujourd'hui. Le caractère évolutif des directives doit nous inciter à la vigilance tant en amont, au stade de leur révision, qu'en aval, au stade de leur transposition en droit national.
Je rappelle que, outre les clauses de révision prévues par certaines directives, ces dernières doivent prochainement faire l'objet de modifications, comme l'exige l'application de l'accord sur les marchés publics passé dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, accord dit AMP.
En particulier, s'agissant de la directive relative aux opérateurs de réseaux, la Commission européenne a dû tenir compte de la position exprimée par le Gouvernement français et par notre Haute Assemblée dans sa résolution du 12 octobre 1995.
Les modifications qu'elle propose visent, notamment, à ne pas soumettre les marchés des opérateurs de télécommunication aux règles issues de l'AMP, à maintenir l'égalité de traitement des opérateurs publics et privés d'un même secteur et à préserver la possibilité pour les opérateurs d'entretenir un dialogue technique précontractuel avec les fournisseurs d'équipements.
Je vous propose, mes chers collègues, de réaffirmer fermement la position du Sénat sur ces projets de révision, qui n'ont pas encore été adoptés définitivement par les instances communautaires.
En outre, je tiens à souligner les difficultés d'application ou d'interprétation rencontrées dans la mise en oeuvre des directives concernées. A défaut de pouvoir modifier le champ d'application et les procédures prévues par cette directive à l'occasion de sa transposition en droit français, je souhaite que nous profitions de ce débat pour souligner ces difficultés. Je prendrai deux exemples qui les illustrent.
Le premier exemple concerne les services financiers, qui recouvrent les services d'assurance, d'une part, les services bancaires et d'investissement, d'autre part. Pour ce qui concerne les contrats d'assurance, la directive impose un formalisme de passation des contrats ainsi que des délais qui ne sont pas toujours adaptés à ce type de marché. Je pense ici, notamment, au problème de la confidentialité des risques couverts et à la constitution de pools d'assureurs pour les risques importants.
Les mêmes critiques valent pour les services bancaires et d'investissement pour lesquels l' intuitu personae, la relation de long terme ou, au contraire, l'instantanéité sont importants.
Le second exemple a trait aux services de recherche et développement. Ces marchés sont couverts par les directives si l'entité adjudicatrice les finance à 100 % et est l'unique propriétaire des résultats. En pareil cas, les obligations d'information et de mise en concurrence qu'elles comportent posent des problèmes de confidentialité des actes de recherche. Elles entraînent également des difficultés d'application lorsque la recherche porte sur des systèmes complexes et intégrés.
Certes, les directives prévoient que, sous deux conditions, ces marchés peuvent bénéficier d'une procédure sans mise en concurrence. Le problème est que ces conditions sont délicates à justifier : il faut que l'entité adjudicatrice ne cherche pas à assurer une rentabilité ou à récupérer les coûts de la recherche et que la passation du marché ne porte pas préjudice à la mise en concurrence des marchés subséquents. Or, comment peut-on présumer les résultats de la recherche et donc prévoir les éventuels marchés subséquents ?
Dans ces conditions, cette disposition ne risque-t-elle pas de revenir purement et simplement à interdire toute exploitation commerciale des résultats ? Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement fasse valoir ces arguments pour obtenir leur prise en compte dans le cadre de la révision des directives. (M. le ministre acquiesce.)
J'en viens maintenant à la présentation du projet de loi proprement dit, qui avait fait l'objet d'une première version déposée au Sénat à la fin de 1993 et à laquelle le Gouvernement a substitué une nouvelle version en 1994. Ayant tardé à parfaire la transposition des directives précitées, la France a fait l'objet d'une condamnation en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes, le 2 mai 1996. L'urgence d'adopter ce projet de loi est donc aujourd'hui réelle. Je le précise, ce n'est que pour les pouvoirs adjudicateurs non soumis au code des marchés publics qu'une transposition législative est nécessaire.
Ce projet de loi devrait constituer le dernier texte de nature législative pris pour transposer les directives adoptées en 1992 et en 1993 sur les marchés publics.
Le texte qui nous est soumis tend à retranscrire très fidèlement les articles des directives précitées qui doivent être introduits en droit interne. Il procède, quand c'est possible, à une simplification, par rapport au texte de la directive, dans la présentation des obligations applicables.
La caractéristique majeure de ce texte est de procéder par modification et ajout aux précédentes lois de transposition déjà adoptées en 1991 et en 1992. Il s'agit, bien souvent, de soumettre des acteurs déjà identifiés à de nouvelles procédures. Le texte procède donc par renvoi aux dispositions déjà adoptées.
Le titre Ier du présent projet de loi modifie le titre II de la loi du 3 janvier 1991, qui soumet déjà à des obligations de publicité et de mise en concurrence la passation de certains contrats de travaux par des organismes privés sous influence publique, afin d'étendre aux contrats de fournitures et de services les obligations de publicité et de mise en concurrence.
Quels sont les acteurs concernés ? Le titre Ier s'applique aux personnes qui sont déjà mentionnées à l'article 9 de la loi du 3 janvier 1991. Il s'agit de personnes qui, tout en étant de forme juridique privée, ne sont cependant pas totalement affranchies d'une influence publique. Aussi bien les désigne-t-on comme personnes « sous influence publique ».
Cette catégorie recouvre les groupements de collectivités publiques qui auraient une forme juridique privée - on peut imaginer, par exemple, une association soumise à la loi de 1901, regroupant des collectivités publiques - et les organismes privés à financement public majoritaire. Il s'agit, entre autres, des caisses primaires de sécurité sociale, des comités de fêtes ou de l'Association pour la formation professionnelle des adultes.
Cette catégorie comprend également les organismes privés dont la gestion est contrôlée par un organisme public, c'est-à-dire par les juridictions financières. Il s'agit, par exemple, de l'ARC, dont on a beaucoup parlé, et d'associations faisant appel à la générosité publique, des fédérations sportives ou des sociétés anonymes d'HLM.
Enfin, elle compte aussi les organismes privés ayant une désignation publique de leurs dirigeants. C'est le cas de certaines sociétés d'économie mixte locales qui gèrent un service public administratif.
Parmi les principales dispositions du titre Ier, l'article 1er concerne les contrats de fournitures dont le montant dépasse 200 000 écus hors taxes, soit 1,3 million de francs. L'article 2 vise les contrats de services supérieurs à 200 000 écus hors taxes, qui sont assujettis suivant leur nature à trois régimes d'obligations différents - régimes dits « plein » ou « allégé » et « services exclus ».
Les articles 3 et 4 tendent à soumettre la passation des contrats de services à des possibilités de recours en cas de manquement aux obligations communautaires.
L'article 5 définit les contrats exclus des obligations de publicité et de mise en concurrence, par extension du champ d'application de l'article 12 de la loi du 3 janvier 1991.
S'agissant du titre II du projet de loi, quels sont les secteurs et les opérateurs concernés ?
Le titre II transpose les dispositions de la directive « opérateurs de réseaux » qui sont relatives à la passation des contrats de services.
Je rappelle que cette directive couvre les marchés d'un montant supérieur à certains seuils qui sont passés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, par les pouvoirs publics - les Etats ou les collectivités territoriales - et par les entreprises publiques et les entreprises privées lorsqu'elles bénéficient de droits exclusifs ou spéciaux accordés par les pouvoirs publics.
Les dispositions de cette directive sont transposées par le code des marchés publics, d'une part, pour ce qui concerne les pouvoirs publics, d'autre part, pour ce qui a trait aux entreprises publiques constituées sous la forme d'un établissement public industriel et commercial local.
Les mêmes dispositions ont été transposées par la loi du 11 décembre 1992 s'agissant des entreprises publiques constituées sous la forme d'un établissement public industriel et commercial national ou sous la forme d'une société et des entreprises privées bénéficiant de droits exclusifs ou spéciaux.
Je ne citerai pas tous les opérateurs de réseaux pour lesquels la transposition de la directive implique la modification de la loi du 11 décembre 1992. Il s'agit de ceux qui interviennent dans les secteurs de la production, du transport ou de la distribution d'eau potable - notamment la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux - de la production, du transport ou de la distribution d'électricité - EDF - et du transport ou de la distribution de gaz de chaleur, comme Gaz de France.
Il s'agit encore des opérateurs de réseaux intervenant dans les secteurs de la prospection et de l'extraction de pétrole ou de gaz, de la prospection et de l'extraction de charbon et d'autres combustibles solides, tels les Charbonnages de France et les Houillères de bassin.
Il s'agit enfin des opérateurs de réseaux intervenant dans les transports ferroviaires - SNCF, RATP, sociétés concessionnaires ou ferroviaires de réseaux de tramway - les transports non ferroviaires, les installations aéroportuaires, les sociétés concessionnaires d'un aéroport, les installations portuaires et maritimes et les télécommunications, notamment France Télécom.
Quelles sont les principales dispositions du titre II ?
Afin de transposer la directive précitée, le titre II du présent projet de loi tend à modifier la loi n° 92-1182 du 11 décembre 1992 relative à la passation des contrats de services passés par les opérateurs de réseaux dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications.
L'article 6 étend le champ d'application de la loi précitée aux contrats de services.
L'article 7 soumet les contrats passés dans le cadre du régime dérogatoire que peuvent obtenir les organismes opérant dans les secteurs des hydrocarbures et des mines aux mêmes possibilités de recours juridictionnels applicables en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
L'article 9 définit les trois régimes d'obligations applicables aux différentes catégories de services.
L'article 10 étend aux contrats de services le champ des exclusions - achats déclarés secrets ou passés en vertu d'un accord international - prévues à l'article 5 de la loi.
L'article 11 tend à tenir compte d'une exclusion spécifique aux contrats de services passés par les opérateurs de réseaux avec des filiales spécialisées dans les services, ce que l'on appelle les entreprises liées.
Les amendements présentés par votre commission répondent à trois séries de préoccupations.
Il s'agit, tout d'abord, de veiller aux attributions du Parlement. Le projet de loi qui nous est soumis pose tout à la fois le principe et le champ d'application d'obligations qu'il reviendra au pouvoir réglementaire de définir.
Il s'agit, ensuite, d'assurer une correspondance rigoureuse entre les règles posées dans le projet de loi et celles qu'édictent les directives transposées, afin d'éviter que nos entreprises ne puissent se voir soumises à des obligations qui ne s'imposeraient pas à leurs concurrents dans d'autres Etats de l'Union européenne.
Il s'agit, enfin, de rectifier, comme toujours, quelques imperfections de forme ou de fond des dispositions proposées. Nous devrons, au surplus, nous prononcer sur quelques autres amendements.
Voilà, mes chers collègues, rapidement présentée l'économie générale de ce texte tel qu'il a été étudié par la commission des affaires économiques et du Plan.
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté a connu un parcours pour le moins tumultueux. En effet, après une première présentation à la fin de 1993, il fut retiré, avant qu'une nouvelle mouture soit déposée en 1994 sur le bureau du Sénat. Puis ce fut l'enterrement du texte.
Aujourd'hui, le Gouvernement exhume ce projet de loi, qui a pour objet de modifier deux lois existantes et qui vise à transposer les directives européennes sur les marchés publics, la directive « fournitures », la directive « services », la directive « travaux » et la directive « opérateurs de réseaux ».
Le poids des marchés publics confère une grande importance à de tels textes. Selon M. le rapporteur, plus de 5 500 milliards de francs sont consacrés aux marchés publics par les quinze membres de l'Union européenne. Pour la France, les dernières données connues, celles de 1993, font apparaître que les marchés publics représentent 11 % du produit intérieur brut. Ces quelques chiffres illustrent la nécessité de ne pas se tromper quand on légifère dans de tels domaines.
Or toutes les décisions, tous les choix préconisés par la Communauté européenne, et acceptés par notre gouvernement, s'inscrivent dans une tendance à l'exacerbation de la concurrence entre opérateurs publics au sein de l'Union. Cette concurrence, érigée en dogme intangible, montre chaque jour son impuissance à satisfaire les besoins humains et sociaux. Le mythe de la « main invisible » qui permettrait de faire coïncider l'intérêt général et l'intérêt particulier dans un processus d'autorégulation du marché est mis à mal.
Pourtant, tous les actes gouvernementaux sont de plus en plus orientés vers une construction européenne répondant aux exigences des marchés financiers.
Ainsi, au cours de ces derniers mois, a-t-on vu et entendu des hommes politiques d'outre-Rhin préconiser un Maastricht II et un Maastricht III, avec des critères de convergence de plus en plus restrictifs. Mais, surtout, on a vu les ministres français leur emboîter le pas avec célérité.
Dès lors, il conviendrait, selon certains, de réduire encore le montant du déficit autorisé et d'instaurer de réels mécanismes de sanction pour ceux qui s'écarteraient de l'orthodoxie. C'est en fait un appel, dicté par le traité de Maastricht, à rogner plus encore sur les dépenses publiques et sociales.
Comment ne pas ressentir, avec ce projet de loi, cette prégnance des marchés financiers ?
En 1992, lors de l'examen du projet de loi visant à permettre la transposition de la directive « opérateurs de réseaux », il a été expressément indiqué que la mise en concurrence devait permettre une économie de près de 100 milliards de francs pour l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Nous n'avons pas la religion du déficit public, comme le pensent certains ! En revanche, nous n'avons pas les mêmes moyens et les mêmes objectifs pour parvenir à l'équilibre budgétaire.
A-t-on bien mesuré ce que veut dire une concurrence toujours plus forte pour des secteurs déjà en grande difficulté ? Je pense particulièrement au secteur du bâtiment et des travaux publics, dont les professionnels ont manifesté leur inquiétude et leur désarroi quant à l'avenir. Ce choix de l'exacerbation de la concurrence a également des conséquences sur l'emploi, la qualité des services, ainsi que sur la sécurité des usagers et des salariés.
L'obsession de la réduction des coûts est destructrice non seulement pour notre économie nationale, mais aussi pour la recherche de véritables coopérations fructueuses.
Mais, au-delà d'une volonté idéologique, ce sont tous les mécanismes institutionnels actuels de la Communauté européenne qui sont conçus pour favoriser la libéralisation, la déréglementation. Ainsi, la Commission peut décider seule des directives concernant l'introduction de la concurrence au sein du secteur public, en vertu de l'article 90 du traité de Rome. Par ailleurs, le Conseil des ministres européen peut accepter ces directives à la majorité.
Un pays peut donc se trouver embarqué dans l'aventure malgré son choix national. Voilà ce que permet la déréglementation, qui met en concurrence les opérateurs publics entre eux et avec les opérateurs privés, qui met en compétition les systèmes publics et sociaux et qui encourage le dumping entre Etats.
Pourquoi, dans un tel contexte, le Gouvernement a-t-il décidé de nous transmettre ce texte finalisant la transposition des directives précitées ?
Le premier motif, le seul point évoqué par M. le rapporteur, c'est la condamnation en manquement de la France par la Cour de justice des Communautés européennes, le 2 mai dernier, en application de l'article 169 du traité de Rome.
A ce sujet, notre rapporteur a expliqué qu'il était urgent de prendre des dispositions car « La France pourrait se voir condamnée à verser une amende ou des astreintes si elle persistait à ne pas transposer la directive "services" 92-50. »
Ainsi, jour après jour, les Françaises et les Français peuvent découvrir, dans leur vie quotidienne, jusqu'où peuvent aller les reculs de souveraineté.
On nous explique même que ces directives doivent être totalement transposées en droit interne, puisque l'article 55 de la Constitution assure la primauté du droit communautaire sur les lois. En clair, nous, les représentants du peuple français, nous avons le choix entre transposer les directives et les faire appliquer, ou ne pas les transposer et verser une amende.
Chacun conviendra qu'il s'agit d'une drôle d'alternative ! Quel que soit le chemin emprunté, nous serions obligés d'avoir un résultat similaire. La démocratie, la souveraineté du peuple français n'en sortent pas grandies, c'est le moins que l'on puisse dire.
Le second motif de ce projet de loi n'apparaît pas dans le rapport, mais plusieurs de nos collègues l'ont soulevé lors de la réunion de la commission des affaires économiques et du Plan.
Est-ce un hasard du calendrier si nous devons discuter d'un tel texte, alors même que le Gouvernement a préparé un projet de loi portant création de l'établissement public « réseau ferré national », le RFN, et organisant l'éclatement structurel de la SNCF ?
Est-ce un hasard du calendrier si nous devons discuter de ce projet de loi n° 9, alors même que, le 20 juin dernier, le Gouvernement acceptait un accord d'ouverture du marché de la distribution de l'énergie qui va affaiblir EDF et GDF ?
Il est des hasards qui sont plus que troublants ! Concernant les rapports entre la SNCF et le RFN, je crois qu'il est primordial de donner une réponse claire. Il ne suffit pas d'opposer les conditions techniques contenues dans un cahier des charges à la volonté d'ouverture et de déréglementation européenne. A l'article 11 du présent projet de loi relatif aux entreprises liées, nous pouvons opposer l'article 2 du projet portant création de l'établissement public RFN, prévoyant l'indépendance entre le RFN et la SNCF, puisque le RFN disposerait de son propre conseil d'administration et donc de la liberté de choix.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont consulté les syndicats et la direction sur cette question. La réponse est claire : tous estiment que le RFN aura le droit de faire appel à d'autres opérateurs pour la gestion et l'entretien du réseau, service directement concerné par le texte que nous examinons aujourd'hui. Or, la direction s'en remet aux conditions techniques pour écarter cette éventualité.
Vous comprendrez dans ces conditions, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous soyons inquiets et fortement opposés au texte qui nous est soumis.
Le second hasard que j'évoquais concerne EDF et GDF, et, là encore, je voudrais prendre un exemple concret. Hormis l'Etat en tant que collectivité publique, c'est la SNCF qui est le plus gros client d'EDF, et cela se comprend aisément.
L'application des directives « services » pour les opérateurs de réseaux, en liaison avec l'accord européen du 20 juin sur la distribution de l'énergie, va permettre à la SNCF de négocier avec d'autres opérateurs. Ainsi, c'est la guerre économique que nous instaurons au lieu de rechercher les conditions d'une réelle coopération entre la SNCF et EDF.
Enfin, je voudrais souligner ce que dit M. le rapporteur sur le problème de la réciprocité entre les pays de l'Union européenne et les pays tiers, principalement les Etats-Unis et le Japon. En effet, dans son rapport du 5 juillet 1995, notre rapporteur expliquait que ces directives « marchés publics » devraient être modifiées dans le cadre de l'OMC, l'accord sur les marchés publics, annexé à l'accord du GATT.
Chacun sait les ravages qui se produisent dans un secteur tel que les télécommunications, où la guerre économique a été largement lancée par les Etats-Unis. Il y a donc de quoi s'inquiéter en ce qui concerne d'autres secteurs.
Aujourd'hui, M. le rapporteur nous explique que, malgré les efforts de la France, « le compromis sur la modification des directives reste insatisfaisant sur certains points ».
Je crois sincèrement que l'aveu de tels problèmes, qui sont autant d'échecs pour le gouvernement de la France, devrait nous amener à réfléchir à une autre organisation des services et du secteur public en Europe. Cette exigence monte.
N'est-il pas significatif à cet égard que les cheminots européens manifestent aujourd'hui même à Bruxelles ? Il y aura là de 6 000 à 8 000 cheminots français, à l'appel de leurs syndicats CGT, CFDT, FO et FMC, ainsi que leurs collègues d'Allemagne, de Grande-Bretagne, d'Italie, de Belgique, des Pays-Bas, du Danemark, d'Autriche, du Luxembourg, d'Espagne et du Portugal.
L'objectif commun, à quelques jours du conseil des ministres des transports, les 12 et 13 décembre, c'est le retrait pur et simple du Livre blanc. Nous serons attentifs à ce que dira M. Pons, qui a dû manoeuvrer en recul ces derniers temps sur la création du réseau ferré national.
Les sacro-saints principes de libéralisation, de déréglementation, de concurrence ne font que renforcer les gâchis humains, sociaux et économiques au sein de l'Union européenne. Et c'est de plus en plus difficile à faire passer.
C'est pourquoi, comme en 1990 et en 1992, lors de la transposition de ces directives, les sénateurs du groupe communistre républicain et citoyen se prononceront résolument contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous occupe ce matin, et qui a effectivement connu un parcours tumultueux, complète les dispositions, d'une part, de la loi du 31 janvier 1991 pour les marchés relevant du droit commun et, d'autre part, de la loi du 11 décembre 1992 pour les secteurs dits « exclus » - à savoir l'énergie, les télécommunications, les transports et l'eau - tout en respectant leur esprit, à savoir assurer aux entreprises communautaires l'égalité d'accès aux marchés publics des Etats membres, tout en tenant compte de la spécificité des marchés concernés. C'est pourquoi le groupe socialiste ne fera pas obstacle à ce texte.
Néanmoins, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de nos inquiétudes quant aux évolutions possibles de la réglementation des marchés publics à l'occasion des négociations internationales, notamment de l'organisation mondiale du commerce et de sa transcription en droit communautaire.
Le cycle de l'Uruguay a considérablement modifié les règles relatives aux marchés publics en les étendant aux contrats de travaux et de services ainsi qu'aux entités des secteurs de l'eau, de l'électricité et des transports. Pour donner suite à ces négociations, la Commission a proposé des modifications des directives « marchés publics », notamment de celle qui traite des secteurs dits « exclus », qui allaient bien au-delà de ce qu'exigeait l'accord sur les marchés publics, l'AMP. Le Parlement européen a fort heureusement rejeté ce texte, le 16 juillet dernier.
Je profite donc de l'examen de ce projet de loi pour vous demander, monsieur le ministre, si le Gouvernement entend bien être très ferme sur les points suivants : tout d'abord, un respect strict de l'exigence de réciprocité, d'ailleurs prévu dans l'AMP ; ensuite, la non-application de cet accord au secteur des télécommunications, qui va devoir faire face à la déréglementation que vous avez voulue, ce qui n'est pas une mince affaire, et, enfin, pour l'avenir, la prise en compte, dans toutes les négociations internationales, notamment lorsqu'il s'agit d'industries de réseaux comme les télécommunications, l'eau, les transports et l'énergie des missions de services publics qui sont bien peu défendues ces derniers temps. En un mot, un peu plus de service public pour un développement plus solidaire des territoires !
M. Yves Galland, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Galland, ministre délégué. Je voudrais répondre brièvement à MM. Estier et Leyzour, qui m'ont interpellé.
Tout d'abord, je comprends les raisons pour lesquelles, dans la logique des textes de 1991 et 1992, M. Estier soutiendra ce projet de loi.
Je voudrais par ailleurs qu'il ne s'inquiète pas quant à la volonté du Gouvernement français d'être ferme vis-à-vis à la fois de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce.
A ce propos, je vous indique que je me rendrai à Singapour au début du mois de janvier et que, sur un certain nombre de sujets qui tiennent à l'investissement, à la concurrence, aux normes sociales, je m'en tiendrai au respect strict du calendrier de Marrakech : l'accord de Marrakech, tout l'accord de Marrakech, rien que l'accord de Marrakech.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est pas question d'anticiper une négociation tarifaire ou de revenir sur des engagements agricoles. La position de la France est tout à fait claire. Notre intervention dans la négociation sera extrêmement ferme à Singapour.
Concernant l'Union européenne, vous évoquez, monsieur Estier, la prise en compte des services publics. Je relève à ce propos que M. le Premier ministre a utilisé l'expression « service public à la française » ce qui montre bien l'intérêt du Gouvernement pour la notion de service public.
Vous avez également évoqué l'exigence de réciprocité.
Vous constaterez que nous veillons à son respect à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la réforme du code des marchés publics, qui sera présenté au Parlement au début de l'année prochaine. J'aurai en effet pris le soin, préalablement, d'écrire à la Commission européenne afin d'être bien certain que les orientations que nous prendrons feront l'objet d'engagements de réciprocité. En effet, nous savons très bien qu'un certain nombre d'anomalies peuvent persister sur le plan européen. Nous souhaitons donc obtenir des engagements préalables.
Monsieur Leyzour, vous vous êtes engagé dans des voies qui dépassaient largement les limites de ce texte. Puisque vous en avez parlé, je vais vous dire un mot de Maastricht, en prenant ma « casquette » de ministre du commerce extérieur.
Je n'ai pas visité un pays au monde qui n'ait rien à voir avec l'Union européenne, je n'ai pas rencontré un chef d'Etat ou un ministre des finances qui ne m'ait annoncé satisfaire à deux ou trois des critères de Maastricht. Ils n'ont qu'une seule raison de le faire : aujourd'hui, aucun Etat, dans quelque continent que ce soit, à quelque stade de développement qu'il se trouve - pays en voie de développement, pays émergeant, pays industrialisé - ne peut faire l'économie de la rigueur des marchés financiers. Ce n'est pas que cette rigueur soit un diktat, c'est qu'aucun pays aujourd'hui ne peut vivre sur la lancée des déficits et de leurs conséquences, qui se payent en terme d'emplois et de chômage.
Nous payons à l'heure actuelle le laxisme du passé et le redressement que nous sommes en train d'effectuer maintenant.
Vous avez parlé de la concurrence forte dans le secteur du BTP. C'est pour cela que, dans ce texte sur la réforme du code des marchés publics, dont vous aurez à débattre à l'échelon national, un certain nombre de mesures seront prises, qui font suite à une enquête menée auprès des collectivités locales et qui a donné lieu à 14 000 réponses des communes, des départements et des régions. Cela montre bien le souci qu'a eu le Gouvernement de collaborer, de coopérer, de prendre en compte les soucis des collectivités locales et l'importance que représente, pour ces dernières, le secteur des marchés publics. Un certain nombre de dispositions donneront de la souplesse au maître d'ouvrage en matière de prix anormalement bas, de sous-traitance, de prise en compte des critères de maintenance et feront en sorte que le moins-disant devra se transformer en meilleur achat.
Voilà un certain nombre des orientations prises par le Gouvernement. J'espère que vous aurez l'occasion de les soutenir avec d'autant plus de détermination que vous les appelez de vos voeux !
M. Félix Leyzour. On verra !
M. Yves Galland, ministre délégué. Monsieur Leyzour, absolument aucun hasard malicieux de calendrier n'est à l'origine du retrait du projet relatif au réseau ferré national ou de la discussion de ce projet concernant l'ouverture maîtrisée de la distribution de l'énergie. Le rapporteur et moi-même avons expliqué les raisons pour lesquelles nous examinons ce texte aujourd'hui.
Qu'il me soit simplement permis de vous dire que vous me paraissez bien peu confiant dans le savoir-faire et la technologie des entreprises françaises !
M. Félix Leyzour. Pas du tout !
M. Yves Galland, ministre délégué. Lorsque l'on s'attaque à l'ouverture des marchés, à l'ouverture maîtrisée des marchés, comme cela a été fait sur le plan de l'énergie - c'est le ministre de l'industrie que j'étais qui est à l'origine de ces négociations conclues par M. Borotra - lorsque l'on défend fermement, comme nous l'avons fait, la position française - celle de l'acheteur unique -, face à l'accès des tiers au réseau, quand on connaît les capacités formidables d'EDF, il faut savoir que cette société, qui est la première société d'électricité du monde occidental, va avoir à faire face à une ouverture maîtrisée du réseau, certes, mais aussi des réseaux de quatorze pays. C'est la société qui me paraît avoir le plus de compétitivité, de savoir-faire et de technologie, et devoir gagner dans cette ouverture maîtrisée de la concurrence.
Il en est de même, permettez-moi de vous le dire, pour nombre de nos autres sociétés. Partout où je me promène dans le monde, je m'aperçois que nous avons un savoir-faire mondial, par exemple en matière d'eau, avec nos grandes sociétés d'eau - c'est nous qui aujourd'hui sommes en train de privatiser, de prendre en concession ou en Built-Operate-Transfer les grands circuits d'eau dans le monde entier, que ce soit en Amérique latine, en Asie, ou dans les pays émergents - mais aussi dans d'autres domaines. J'étais récemment dans un pays où nous devons prendre en concession 800 000 lignes de téléphone.
Monsieur le sénateur, permettez-moi d'avoir cette différence avec vous et de penser que, pour nos entreprises françaises - à condition naturellement que nous soyons prudents et que nous assurions, ce dont parlait M. Estier tout à l'heure, une garantie de réciprocité - c'est une chance et non un handicap de s'engager dans cette direction !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier


DISPOSITIONS COMPLÉTANT, EN CE QUI CONCERNE CERTAINS CONTRATS DE SERVICES ET DE FOURNITURES, LA LOI N° 91-3 DU 3 JANVIER 1991 RELATIVE À LA TRANSPARENCE ET À LA RÉGULARITÉ DES PROCÉDURES DE MARCHÉS ET SOUMETTANT LA PASSATION DE CERTAINS CONTRATS À DES RÈGLES DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Il est inséré, dans la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, après l'article 9, un article 9-1 rédigé comme suit :
« Art. 9-1 . - Est soumise à des mesures de publicité ainsi qu'à des procédures de mise en concurrence définies par décret en Conseil d'Etat la passation des contrats ayant pour objet l'achat, le crédit-bail, la location-vente, ou la location, avec ou sans option d'achat, de fournitures que se proposent de conclure les personnes mentionnées à l'article 9, et dont le montant est égal ou supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
Par amendement n° 1, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour l'article 9-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer les mots : « que se proposent de conclure les personnes mentionnées à l'article 9, » par les mots : « que se propose de conclure avec un fournisseur l'une des personnes mentionnées à l'article 9 de la présente loi, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. « Art. 2. - Il est inséré dans la même loi, après l'article 10, un article 10-1 et un article 10-2 rédigés comme suit :
« Art. 10-1. - I. - Les dispositions du présent article s'appliquent, sauf les exceptions prévues à l'article 10-2 ci-après, à tout contrat qui a pour objet l'exécution, pour un montant égal ou supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, de services définis au II et au III ci-après, lorsqu'il s'agit :
« 1° Soit d'un contrat que se propose de conclure, avec un prestataire de services, l'une des personnes énumérées à l'article 9 de la présente loi ;
« 2° Soit d'un contrat que se proposent de conclure, avec un prestataire de services, des personnes de droit privé autres que celles qui sont mentionnées au 1° ci-dessus, lorsque ce contrat est, d'une part, en liaison avec un contrat de travaux tel que celui-ci est défini au 1° de l'article 10 de la présente loi et doit être, d'autre part, subventionné directement à plus de 50 % par l'Etat, des collectivités locales, des organismes de droit public n'ayant pas un caractère industriel ou commercial, ou les organismes de droit privé énumérés à l'article 3 de la présente loi.
« II. - Lorsqu'un contrat mentionné au I du présent article a pour objet l'exécution de services qui entrent dans l'une des catégories de services énumérées ci-après, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue de se conformer aux mesures de publicité et aux procédures de mise en concurrence qui sont définies par décret en Conseil d'Etat.
« Sont soumis aux dispositions de l'alinéa précédent :
« 1° Les services d'entretien et de réparation ;
2° Les services de transports terrestres, y compris les services de véhicules blindés et les services de courrier, à l'exclusion des transports ferroviaires ;
3° Les services de transports aériens : transports de voyageurs de marchandises et de courrier ;
4° Les services de télécommunications ;
5° Les services financiers :
a) Services d'assurances ;
b) Services bancaires et d'investissement ;
6° Les services informatiques et services connexes ;
7° Les services de recherche et de développement dont les résultats appartiennent exclusivement à la personne qui se propose de passer le contrat pour son usage, dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation soit entièrement rémunérée par cette personne ;
8° Les services comptables, d'audit et de tenue de livres ;
9° Les services d'études de marché et de sondages ;
10° Les services de conseil en gestion et les services connexes ;
11° Les services d'architecture ; les services d'ingénierie et services intégrés d'ingénierie ; les services d'aménagement urbain et d'architecture paysagère ; les services connexes de consultations scientifiques et techniques ; les services d'essais et d'analyses techniques ;
12° Les services de publicité ;
13° Les services de nettoyage de bâtiments et les services de gestion de propriété ;
14° Les services de publication et d'impression sur la base d'une redevance ou sur une base contractuelle ;
15° Les services de voirie et d'enlèvement des ordures : services d'assainissement et services analogues.
III. - Lorsqu'un contrat mentionné au I du présent article a pour objet l'exécution de services qui entrent dans des catégories de services autres que celles mentionnées au II du présent article ou à l'article 10-2, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat :
- d'inclure dans les documents généraux ou les cahiers des charges propres à chaque contrat les caractéristiques essentielles de la prestation attendue qu'elle doit définir par référence à des normes précisées par le même décret ;
- de faire connaître, une fois le contrat conclu, les résultats de la procédure d'attribution.
Art. 10-2. - Sont exclus du champ d'application de l'article 10-1 ci-dessus :
1° Les contrats qui ont pour objet l'acquisition ou la location d'immeubles ou qui concernent les droits sur ces biens ;
2° Les contrats ayant pour objet l'achat, le développement, la production, la coproduction ou le temps de diffusion de programmes par des organismes de communication audiovisuelle ;
3° Les contrats relatifs aux services de téléphonie vocale, de télex, de radiotéléphonie mobile, de radio-messagerie et de communication par satellite ;

4° Les contrats qui ont pour objet les services d'arbitrage ou de conciliation ;
5° Les contrats de services relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente, au transfert de titres et autres instruments financiers, ainsi que les contrats qui concernent des services rendus par la Banque de France ;
6° Les contrats de travail ;
7° Les contrats de services de recherche et de développement autres que les contrats mentionnés au 7° du II de l'article 10-1 ;
8° Les contrats de services dont le prestataire est l'une des personnes énumérées à l'article 9 ci-dessus ou une personne publique, désignée sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu ou sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires. »
Par amendement n° 2, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le 1° du I du texte présenté par cet article pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer le mot : « énumérées » par le mot : « mentionnées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 3, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le 2° du I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer les mots : « que se proposent de conclure, avec un prestataire de services, des personnes de droit privé autres que » par les mots : « que se propose de conclure, avec un prestataire de services, une personne de droit privé autre que ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit aussi d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4 rectifié, M. Revol, au nom de la commission, propose, à la fin du 2° du I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer les mots : « énumérés à l'article 3 de la présente loi » par les mots : « mentionnés à l'article 9 de la présente loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit toujours d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. Revol, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 par un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Les contrats qui ont pour objet à la fois des services mentionnés au II et des services mentionnés au III du présent article sont passés conformément aux dispositions applicables aux services constituant la majeure partie du marché. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. L'article 10 de la directive n° 92-50 prévoit que les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l'annexe I-A, le régime plein, et des services figurant à l'annexe I-B, des régimes dits allégés, sont soumis aux règles applicables aux services représentant la majeure partie du marché.
Notre amendement a pour objet de transposer cette disposition, ce que ne fait pas le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Il s'agit d'une correction très utile, compte tenu de l'omission signalée par M. le rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Revol, au nom de la commission, propose :
A. - Au début du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer la référence : « Art. 10-2 » par la référence : « V ».
B. - En conséquence, dans le premier alinéa de l'article 2, de remplacer les mots : « et un article 10-2 rédigés » par le mot : « rédigé ».
C. - En conséquence, dans le premier alinéa du I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer la référence : « à l'article 10-2 » par la référence : « au V ».
D. - En conséquence, dans le premier alinéa du III du texte présenté par ce même article pour l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer les mots : « au II du présent article ou à l'article 10-2, » par les mots : « au II ou au V du présent article, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel de clarification et de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Cette disposition sera en tout état de cause codifiée ultérieurement. Toutefois, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7 rectifié, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le 2° du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 :
« 2° Les contrats qui ont pour objet l'achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes par des organismes de radiodiffusion ou qui concernent les temps de diffusion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Pour les services audiovisuels, le texte du projet de loi propose une rédaction qui diffère de cette directive.
En effet, la terminologie « communication audiovisuelle » qui est employée semble plus extensive que celle de « radiodiffusion » qui est utilisée par la directive, ce qui accroîtrait le champ des services exclus de toute obligation.
En conséquence, la commission vous propose un amendement visant à harmoniser le texte du projet de loi avec la rédaction de la directive, en employant le terme de « radiodiffusion ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. La rigueur de la commission s'impose au Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le 7° du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, de remplacer les mots : « les contrats mentionnés au 7° du II de l'article 10-1 » par les mots : « ceux mentionnés au 7° du II du présent article ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 16, MM. Grignon, Lorrain, Ostermann, Richert, Hoeffel, Eckenspieller et Haenel proposent de remplacer le dernier alinéa (8°) du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 8° Les contrats de service dont le prestataire est l'une des personnes énumérées à l'article 9 ci-dessus ou une personne publique désignée sur la base :
« - soit d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives ou réglementaires,
« - soit d'un droit fondé sur des dispositions législatives ou réglementaires autorisant la fourniture de prestations rémunérées, à condition que ces contrats aient été préalablement autorisés au cas par cas, après vérification par le préfet qu'ils ne sont pas de nature à concurrencer, de façon abusive, l'activité normale du secteur privé. »
Par amendement n° 17, MM. Grignon, Hoeffel, Lorrain, Ostermann, Richert, Eckenspieller et Haenel proposent de remplacer le dernier alinéa (8°) du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 par trois alinéas ainsi rédigés :
« 8° Les contrats de service dont le prestataire est l'une des personnes énumérées à l'article 9 ci-dessus ou une personne publique, désignée sur la base :
« - soit d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives ou réglementaires,
« - soit d'un droit fondé sur des dispositions législatives ou réglementaires autorisant la fourniture de prestations rémunérées, à condition que ces contrats soient passés dans des conditions compatibles avec le traité, définies par décret. »
Par amendement n° 15, MM. Grignon, Hoeffel, Lorrain, Ostermann, Richert, Eckenspieller et Haenel proposent de rédiger comme suit la fin du dernier alinéa (8°) du texte présenté par l'article 2 pour l'article 10-2 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 :
« ... en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité. »
La parole est à M. Grignon pour présenter ces trois amendements.
M. Francis Grignon. L'amendement n° 16 est relatif à la transposition de l'article 6 de la directive 92-50 par le 8° de l'article 10-2 de la loi du 3 janvier 1991.
Dans la rédaction proposée par le présent projet de loi pour cet article, il est question d'un « droit exclusif » attribué « en vertu ou sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires ». Ces dispositions sont les lois de 1948, 1983 et 1992, qui autorisent les interventions des services techniques de l'Etat rémunérées par les collectivités territoriales sans leur conférer aucun droit exclusif.
L'association des termes « fondement » et « droit exclusif » risque donc, en fait, de donner une exclusivité aux ingénieries intégrées des pouvoirs publics.
C'est la raison pour laquelle je vous propose un amendement n° 16, qui a pour objet de mettre le dernier alinéa de l'article 2 en conformité avec l'article 6 de la directive marchés publics de service n° 92-50 qu'il transpose en droit français, tout en tenant compte des particularités françaises et en permettant aux services techniques de l'Etat de fournir des prestations rémunérées dans des conditions et limites précises. Il permet en effet les interventions des services techniques de l'Etat visées par les lois du 29 septembre 1948 et du 7 janvier 1983, et la loi n° 92-125 du 6 février 1992 dans le respect des règles de concurrence mentionnées dans la circulaire interministérielle n° 76-533 du 17 novembre 1976.
Il s'agit donc de rétablir un certain équilibre par rapport aux interventions des services intégrés de l'Etat, et surtout de se mettre en conformité avec la directive.
Les amendements n°s 17 et 15 sont relatifs au même problème, à des degrés différents. Alors que l'amendement n° 16 a pour objet de demander au préfet de traiter au cas par cas, l'amendement n° 17 vise à mettre en place un décret pour régler le problème et l'amendement n° 15, en supprimant les termes « sur le fondement », permet en fait de mettre en conformité la transcription du droit européen avec notre droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 16, qui va trop loin. Elle préfère, on le verra après, l'amendement n° 15. Je crains en effet que le texte du projet de loi ne soit fragile au regard du droit communautaire.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 17.
Enfin, elle est favorable à l'amendement n° 15, les arguments de ses auteurs l'ayant convaincue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. A mon grand regret, je vais être obligé d'être un peu long sur ces amendements, car il ne s'agit pas du tout, en la circonstance, d'un problème secondaire.
Je suis en désaccord avec les auteurs des amendements sur le fond et, peut-être, sur le moment. Mais c'est sans doute sur ce point-là que nous pourrons finalement trouver un terrain d'entente. Je parlerai d'abord du fond, puis du moment.
L'objet de ces trois amendements dépasse largement le cadre des contrats des opérateurs visés par le présent projet de loi. Ce qui est visé en réalité, ne nous le dissimulons pas, ce sont les concours de services, prestations d'ingénierie, et de maîtrise d'oeuvre, apportés par les services de l'Etat - DDA, DDE - aux collectivités territoriales, et tout particulièrement aux plus petites d'entre elles.
Ces dispositions ont été définies dans la loi du 29 septembre 1948 et par la loi du 7 janvier 1983. Elles ont été plus récemment réaffirmées dans une réponse parlementaire à une question écrite d'un de vos collègues de l'Assemblée nationale, M. Duboc, qui a été posée le 18 septembre 1995 à mon collègue Bernard Pons. Je vous rappelle ce qu'il écrivait :
« La capacité des services publics à produire ces prestations garantit à toutes les collectivités et autres organismes publics qui le souhaitent un accès à un service technique de proximité compétent, efficace et disponible. De plus, les collectivités peuvent ainsi compter sur un partenaire public neutre, capable de les épauler dans leurs actions de développement.
« L'ingénierie publique s'inscrit pleinement dans le rôle de l'Etat, garant de la solidarité et de la cohésion nationales. Elle constitue en effet un élément de solidarité au bénéfice d'un grand nombre de communes, notamment des plus petites, qui sont dépourvues de moyens techniques propres. Elle contribue à ce titre à l'aménagement du territoire. Tout en restant mesuré, le potentiel des services déconcentrés en matière d'ingénierie permet de maintenir les services de l'Etat dans les zones les plus défavorisées en contribuant au développement économique local, notamment dans le secteur rural, et en préservant l'emploi dans les régions les plus reculées. Il serait en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement en matière d'aménagement du territoire de projeter un désengagement de l'Etat dans le domaine de l'ingénierie publique tout en cherchant à maintenir des unités territoriales dans les secteurs les plus fragiles.
« Le rôle de l'Etat consiste aussi à assurer le libre choix des maîtres d'ouvrage dans un contexte de fonctionnement ouvert du marché. Le concours rendu par les services de l'Etat permet de maintenir une offre publique de référence dans les domaines où des situations de quasi-monopole sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence. Cette activité d'opérateurs des services déconcentrés de l'Etat enrichit également leur rôle régalien. Elle leur permet d'avoir une vision plus opérationnelle et plus globale des problèmes, mais aussi de pouvoir apporter aux collectivités locales qui le désirent un soutien technique rapide dans des situations exceptionnelles d'urgence, voire de crise ou de catastrophe. »
Vous connaissez parfaitement la situation, mais elle méritait d'être rappelée puisqu'elle est la raison d'être des amendements.
Je rappelle qu'il ne s'agit, à l'occasion de la transposition de la directive sur les services, ni de restreindre ni d'étendre les possibilités d'interventions actuelles de l'ingénierie publique.
Monsieur Grignon, je voudrais vous rendre attentif au fait qu'aujourd'hui nous traitons de la transposition de directives et qu'une réforme du code des marchés publics doit être opérée, dans le cadre national, sur la base de la loi de 1948. A l'occasion de cette réforme, bien entendu, je souhaite obtenir des engagements de réciprocité de la part de l'Union européenne.
Avant de nous engager, nous avons lancé une consultation à laquelle nous avons reçu 14 000 réponses de collectivités locales. Ce sujet me paraît devoir trouver sa solution dans le cadre de nos conceptions nationales de l'ingénierie publique.
Je préférerais donc, monsieur Grignon, que le sujet qui nous oppose soit débattu lors de cette réforme du code des marchés publics et non pas à propos de la transposition des directives. Si ce débat doit avoir lieu, autant que ce soit dans le cadre qui me paraît le plus approprié !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je lance un appel à M. Grignon pour qu'il retire ses amendements. Attendons d'avoir des informations plus précises sur ce que souhaitent les collectivités locales !
Ne sachant pas si M. Grignon est d'ores et déjà convaincu par mes arguments, je vais maintenant donner les raisons de mon opposition au fond.
Même si l'objet du titre Ier du projet de loi est limité aux organismes d'intérêt général à statut privé, le Gouvernement ne peut pas, en l'état, être favorable à l'amendement n° 15, qui tend à réduire le champ d'intervention des DDE et des DDA, et qui risquerait, à terme, de remettre en cause le concours ainsi apporté par l'État aux collectivités locales, notamment aux plus petites d'entre elles. Par ailleurs, contrairement à M. le rapporteur, je ne considère pas que cet amendement aille moins loin que les autres.
Le Gouvernement n'est pas plus favorable à l'amendement n° 16 qu'aux deux autres. En effet, il ne peut y avoir un régime d'autorisation préalable pour les organismes de droit privé, pas plus que pour les collectivités territoriales, compte tenu des lois de décentralisation.
En tout état de cause, la notion « d'activité normale du secteur privé » est, à notre avis, beaucoup trop vague pour fonder les limites d'un régime de contrôle de la concurrence. Au demeurant, le préfet n'a pas à se substituer au juge ou au Conseil de la concurrence pour apprécier la régularité d'un contrat au regard du droit de la concurrence.
Le rôle du préfet doit demeurer, de mon point de vue, celui de chef des services déconcentrés dans le département, appelé à ce titre à s'assurer de la légalité de l'intervention des services placés sous son autorité au regard des textes applicables.
C'est le sens des circulaires mentionnées à l'appui de l'amendement qui ne peuvent en aucun cas fonder un régime d'autorisation préalable des contrats.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 17, le Gouvernement ne peut accepter qu'une délégation de telle ampleur soit donnée au pouvoir réglémentaire pour encadrer la liberté contractuelle des personnes privées visées par le présent projet de loi, pas plus qu'il ne serait possible de l'envisager pour les collectivités territoriales qui en seraient, en fait, l'objet principal. Telles sont les raisons pour lesquelles je suis opposé à ces trois amendements.
M. le président. Monsieur Grignon, maintenez-vous vos amendements ?
M. Francis Grignon. J'ai été sensible à une certaine partie des arguments de M. le ministre, tant il est vrai qu'en qualité de maire j'ai souvent fait appel aux services techniques de l'Etat avec bonheur.
Néanmoins, j'estime qu'il n'est pas possible de toujours reporter les prises de décision à des débats futurs. Par ailleurs, les dispositions en cause sur les marchés risquent de se régler en grande partie par la voie réglementaire.
En fait, ce qui me gêne vraiment, c'est la non-conformité des textes de référence avec les textes européens et le risque de procédure que cela peut engendrer.
Enfin et surtout, le texte revient à instaurer une exclusivité pour les services intégrés de l'Etat.
Dans ces conditions, pour faire un pas en direction de M. le ministre, je retire les amendements n°s 16 et 17, mais je maintiens l'amendement n° 15.
M. le président. Les amendements n°s 16 et 17 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. « Art. 3. - Au début du premier alinéa de l'article 11-1 de la même loi, les mots : "des contrats définis aux articles 9, 10 et 11" sont remplacés par les mots : "des contrats définis aux articles 9, 9-1, 10, 10-1, 10-2 et 11". »
Par amendement n° 9, M. Revol, au nom de la commission, propose, à la fin de cet article, de remplacer les références : « 10-1, 10-2 et 11 » par les références : « aux I, II, III et IV de l'article 10-1 et à l'article 11 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement de coordination tend à rectifier une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. « Art. 4. - A l'article 11-2 de la même loi, les mots : "la passation des contrats définis aux articles 9, 10 et 11" sont remplacés par les mots : "la passation des contrats définis aux articles 9, 9-1, 10, 10-1, 10-2 et 11". »
Par amendement n° 10, M. Revol, au nom de la commission, propose, à la fin de cet article, de remplacer les références : « 10-1, 10-2 et 11 » par les références : « aux I, II, III et IV de l'article 10-1 et à l'article 11 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. « Art. 5. - L'article 12 de la même loi est modifié comme suit :
« I. - Au début de l'article, les mots : "Les dispositions du titre II de la présente loi ne sont pas applicables aux contrats définis aux articles 9, 10 et 11" sont remplacés par les mots : "Les dispositions du titre II ne sont pas applicables aux contrats définis aux articles 9, 9-1, 10, 10-1, 10-2 et 11".
« II. - Au début du 2°, les mots : "concernant des travaux" sont remplacés par les mots : "concernant des travaux, des fournitures ou des services".
« III. - Au 3°, les mots : "et portant sur des travaux destinés à la réalisation ou à l'exploitation en commun d'un ouvrage par des Etats signataires de l'accord" sont remplacés par les mots : "et portant sur des fournitures, services ou travaux destinés à la réalisation ou à l'exploitation en commun d'un ouvrage par des Etats signataires de l'accord". »
Par amendement n° 11, M. Revol, au nom de la commission, propose, au paragraphe I de cet article, de supprimer la référence : « , 10-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

TITRE II


DISPOSITIONS COMPLÉTANT, EN CE QUI CONCERNE CERTAINS CONTRATS DE SERVICES, LA LOI N° 92-1282 DU 11 DÉCEMBRE 1992 RELATIVE AUX PROCÉDURES DE PASSATION DE CERTAINS CONTRATS DANS LES SECTEURS DE L'EAU, DE L'ÉNERGIE, DES TRANSPORTS ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Article 6

M. le président. « Art. 6. - Le premier alinéa de l'article premier de la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992 relative aux procédures de passation de certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications est modifié ainsi qu'il suit :
« Est soumise à des mesures de publicité ainsi qu'à des procédures de mise en concurrence définies par décret en Conseil d'Etat la passation des contrats de fournitures, de travaux et, dans les conditions définies aux articles 4-1 et 4-2, des contrats de services, dont le montant est égal ou supérieur à des seuils fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie et que se proposent de conclure, avec un fournisseur, un entrepreneur ou un prestataire de services, lorsqu'ils exercent les activités mentionnées à l'article 2, les organismes suivants : ». (Le reste sans changement.)
Par amendement n° 18, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par cet article pour le début du premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 92-1282 du 11 décembre 1992, de remplacer les mots : « aux articles 4-1 et 4-2 » par les mots : « à l'article 4-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Articles 7 et 8

M. le président. « Art. 7. - L'article 3 de la même loi est modifié comme suit :
« I. - Les mots : "Sous réserve d'un accord de la Commission des communautés européennes, les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables" sont remplacés par les mots : "Les dispositions de la présente loi, à l'exception de ses articles 7-1 et 7-2, ne sont pas applicables".
« II. - Les mots : "de ses marchés de travaux et de fournitures" sont remplacés par les mots : "de ses marchés de travaux, de fournitures et de services". » - (Adopté.)
« Art. 8. - Le troisième alinéa de l'article 4 de la même loi est abrogé. » - (Adopté.)

Article 9

M. le président. « Art. 9. - Il est inséré dans la même loi, entre les articles 4 et 5, un article 4-1, un article 4-2 et un article 4-3 rédigés comme suit :
« Art. 4-1. - I. - Lorsqu'un contrat de services mentionné à l'article 1er a pour objet l'exécution de services qui entrent dans l'une des catégories de services énumérées au II de l'article 10-1 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue de se conformer aux mesures de publicité et aux procédures de mise en concurrence prévues à l'article premier.
« II. - Lorsqu'un contrat de services mentionné à l'article 1er a pour objet l'exécution de services qui entrent dans l'une des catégories de services définis au III de l'article 10-1 de la loi du 3 janvier 1991 précitée, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat :
« - d'inclure dans les documents généraux ou les cahiers des charges propres à chaque contrat les caractéristiques essentielles de la prestation attendue qu'elle doit définir par référence à des règles précisées par le même décret ;
« - de faire connaître, une fois le contrat conclu, les résultats de la procédure d'attribution.
« Art. 4-2. - Sont exclus du champ d'application de l'article 1er ci-dessus les contrats de services entrant dans l'une des catégories de services énumérées à l'article 10-2 de la loi du 3 janvier 1991 précitée à l'exception de ceux définis au 2° de cet article.
« Art. 4-3. - Les contrats mentionnés aux articles 4 et 4-1 peuvent prendre la forme d'accords-cadres ayant pour objet de fixer le contenu des contrats particuliers à passer au cours d'une période donnée et notamment les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. Ces accords sont conclus pour les fournitures, les travaux ou chaque catégorie de services, dans les mêmes conditions que les contrats susvisés. Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les conditions auxquelles est subordonnée la conclusion de ces accords, de manière à éviter qu'il y soit recouru de façon abusive avec effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence. »
Par amendement n° 12 rectifié bis, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« Il est inséré dans la même loi, après l'article 4, un article 4-1 et un article 4-2 rédigés comme suit :
« Art. 4-1. - I. - Lorsqu'un contrat de services mentionné à l'article 1er a pour objet l'exécution de services qui entrent dans l'une des catégories de services énumérées ci-après, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue de se conformer aux mesures de publicité et aux procédures de mise en concurrence prévues à l'article 1er.
« Sont soumis aux dispositions de l'alinéa précédent :
« 1° Les services d'entretien et de réparation ;
« 2° Les services de transports terrestres, y compris les services de véhicules blindés et les services de courrier, à l'exclusion des transports ferroviaires ;
« 3° Les services de transports aériens : transports de voyageurs, de marchandises et de courrier ;
« 4° Les services de télécommunications ;
« 5° Les services financiers :
« a) services d'assurances ;
« b) services bancaires et d'investissement ;
« 6° Les services informatiques et services connexes ;
« 7° Les services de recherche et de développement dont les résultats appartiennent exclusivement à la personne qui se propose de passer le contrat pour son usage, dans l'exercice de sa propre activité, pour autant que la prestation soit entièrement rémunérée par cette personne ;
« 8° Les services comptables, d'audit et de tenue de livres ;
« 9° Les services d'études de marché et de sondages ;
« 10° Les services de conseil en gestion et les services connexes ;
« 11° Les services d'architecture ; les services d'ingénierie et services intégrés d'ingénierie ; les services d'aménagement urbain et d'architecture paysagère ; les services connexes de consultations scientifiques et techniques ; les services d'essais et d'analyses techniques ;
« 12° Les services de publicité ;
« 13° Les services de nettoyage de bâtiments et les services de gestion de propriété ;
« 14° Les services de publication et d'impression sur la base d'une redevance ou sur une base contractuelle ;
« 15° Les services de voirie et d'enlèvement des ordures : services d'assainissement et services analogues.
« II. - Lorsqu'un contrat de services mentionné à l'article 1er a pour objet l'exécution de services qui entrent dans l'une des catégories de services autres que celles mentionnées au I ou au IV du présent article ou a pour objet l'achat, le développement, la production ou la coproduction de programmes par des organismes de radiodiffusion ou concernant les temps de diffusion, la personne qui se propose de passer le contrat est tenue, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat :
« - d'inclure dans les documents généraux ou les cahiers des charges propres à chaque contrat les caractéristiques essentielles de la prestation attendue qu'elle doit définir par référence à des règles précisées par le même décret ;
« - de faire connaître, une fois le contrat conclu, les résultats de la procédure d'attribution.
« III. - Les contrats qui ont pour objet à la fois des services mentionnés au I et des services mentionnés au II du présent article sont passés conformément aux dispositions applicables aux services constituant la majeure partie du marché. »
« IV. - Sont exclus du champ d'application de l'article 1er de la présente loi :
« 1° Les contrats qui ont pour objet l'acquisition ou la location d'immeubles ou qui concernent les droits sur ces biens ;
« 2° Les contrats relatifs aux services de téléphonie vocale, de télex, de radiotéléphonie mobile, de radio-messagerie et de communications par satellite ;
« 3° Les contrats qui ont pour objet les services d'arbitrage ou de conciliation ;
« 4° Les contrats de services relatifs à l'émission, à l'achat, à la vente, au transfert de titres et autres instruments financiers, ainsi que les contrats qui concernent des services rendus par la Banque de France ;
« 5° Les contrats de travail ;
« 6° Les contrats de services de recherche et de développement autres que les contrats mentionnés au 7° du I de l'article 4-1 ;
« 7° Les contrats de services dont le prestataire est l'une des personnes énumérées à l'article 1er 1° et 2° ou une personne publique, désignée sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu ou sur le fondement de dispositions législatives ou réglementaires.
« Art. 4-2. - Les contrats mentionnés à l'article 4 et aux paragraphes I, II et III de l'article 4-1 peuvent prendre la forme d'accords-cadres ayant pour objet de fixer le contenu des contrats particuliers à passer au cours d'une période donnée et notamment les prix et, le cas échéant, les quantités envisagées. Ces accords sont conclus pour les fournitures, les travaux ou chaque catégorie de services, dans les mêmes conditions que les contrats susvisés. Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les conditions auxquelles est subordonnée la conclusion de ces accords, de manière à éviter qu'il y soit recouru de façon abusive avec effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser la concurrence. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 19, présenté par M. Francis Grignon, et tendant, au dernier alinéa (7°) du IV du texte proposé par cet amendement pour l'article 4-1 de la loi n° 92-1282 précitée, après les mots : « dont elle bénéficie en vertu », à supprimer les mots : « ou sur le fondement ».
La parole est à M. Revol, pour défendre l'amendement n° 12 rectifié bis.
M. Henri Revol, rapporteur. La passation de contrats concernant certains services est soumise à la totalité des mesures de publicité et de mise en concurrence décrites par la directive et qui seront définies par décret en Conseil d'Etat.
L'article 15 de la directive n° 93-38 renvoie à l'annexe XVI A, qui dresse la liste des services concernés.
Cette liste étant identique à celle qui est établie par l'annexe I A de la directive n° 92-50, le texte proposé pour le paragraphe I de l'article 4-1 de la loi du 11 décembre 1992 fait simplement référence aux catégories de services énumérées au paragraphe II de l'article 10-1 de la loi du 3 janvier 1991 inséré par l'article 2 dans le projet de loi.
Dès lors que le même projet de loi allait transposer les deux directives, le Gouvernement avait le choix entre deux solutions : soit mentionner intégralement les différentes catégories de services dans les deux titres de la loi, soit ne les mentionner que dans le titre Ier et insérer dans le titre II un renvoi au titre Ier.
Le Gouvernement a retenu cette dernière solution, qui présente l'avantage de ne mentionner qu'une seule fois chacune des listes de catégories de services. En revanche, elle présente deux inconvénients.
D'une part, se pose un problème de principe, lié au fait que tant le droit communautaire que le droit français ont toujours veillé à maintenir une stricte séparation, voire une étanchéité entre les textes applicables aux marchés publics stricto sensu et ceux qui concernent les contrats passés par les opérateurs de réseaux.
Ce choix se justifie pleinement par les spécificités de ces derniers, tenant notamment au caractère industriel et commercial de leurs activités.
Pour des raisons de clarté et de continuité, la commission ne souhaite pas qu'il soit fait ici exception à ce principe.
D'autre part, le système de renvoi proposé par le présent projet de loi pose des problèmes purement pratiques de lisibilité de la loi de 1992. Tant que l'on n'aura pas procédé à la codification des textes concernés, pensons à la PME subissant les arcanes de notre droit !
Pour ces différentes raisons, la commission vous propose d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 9, de façon, notamment, à faire figurer la liste des catégories de services soumises au régime « plein » dans le texte même de l'article 4-1 de la loi de 1992 plutôt qu'à procéder par renvoi à la loi de 1991.
Par coordination avec la position exposée précédemment, la commission vous propose de viser les services mentionnés au paragraphe I de l'article 4-1 de la loi de 1992 et de soumettre également au régime « allégé » certains services audiovisuels.
Elle vous suggère également d'insérer un paragraphe III concernant le cas des contrats de services visés à la fois par les deux listes régime « plein » et régime « allégé ».
Par ailleurs, s'agissant des services exclus des obligations communautaires, les listes d'exclusions figurant dans les deux directives concernées étant identiques à cette exception près, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées précédemment, la commission vous propose de faire figurer la liste de ces services dans le texte même de la loi de 1992.
Enfin et parallèlement à la présentation qu'elle vous a proposée à l'article 2 du présent projet de loi, elle vous demande d'intégrer les dispositions de l'article 4-2 à l'article 4-1.
M. le président. La parole est à M. Grignon, pour présenter le sous-amendement n° 19.
M. Francis Grignon. Il s'agit d'un sous-amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Henri Revol, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 12 rectifié bis et sur le sous-amendement n° 19 ?
M. Yves Galland, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 12 rectifié bis, j'ai bien noté que M. le rapporteur avait relevé l'avantage que présentait le texte du Gouvernement. J'ai bien noté également qu'il avait de son point de vue deux inconvénients.
Je suis favorable à cet amendement dans la mesure où, ces deux inconvénients une fois levés, le texte n'en aura que plus de clarté.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 19, je ne peux évidemment pas m'opposer à cette mesure de coordination avec l'amendement n° 15, dont je déplore le vote.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 19, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 12 rectifié bis, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 9 est ainsi rédigé.

Article 10

M. le président. « Art. 10. - L'article 5 de la même loi est modifié comme suit :
« I. - Au début de l'article, les mots : "aux contrats définis à l'article 4" sont remplacés par les mots : "aux contrats définis aux articles 4, 4-1 et 4-3 de la présente loi et au 2° de l'article 10-2 de la loi du 3 janvier 1991".
« II. - Au 4°, les mots : "Pour des fournitures ou des travaux" sont remplacés par les mots : "Pour des fournitures, des travaux ou des services".
« III. - Au 5°, les mots : "et portant sur des fournitures ou des travaux" sont remplacés par les mots : "et portant sur des fournitures, des travaux ou des services". »
Par amendement n° 13, M. Revol, au nom de la commission, propose, au paragraphe I de cet article, de remplacer les mots : « aux articles 4, 4-1 et 4-3 de la présente loi et au 2° de l'article 10-2 de la loi du 3 janvier 1991. » par les mots : « à l'article 4, aux paragraphes I, II et III de l'article 4-1 et à l'article 4-2. ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président. « Art. 11. - Il est inséré dans la même loi, entre les articles 5 et 6, un article 5-1 rédigé comme suit :
« Art. 5-1. - Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables :
« - aux contrats de services définis à l'article 4-1 passés par un groupement constitué de personnes visées à l'article 1er avec l'une des personnes membres du groupement ;
« - aux contrats passés par une des personnes ou un groupement constitué de personnes visées à l'article 1er avec une entreprise liée à cette personne ou à l'une des personnes membres du groupement, à condition qu'au moins 80 % du chiffre d'affaires moyen en matière de services réalisé par cette entreprise liée, au sein de la Communauté européenne, au cours des trois dernières années écoulées, proviennent de la prestation de ces services aux personnes auxquelles elle est liée.
« Si une des personnes mentionnées à l'article 1er acquiert des prestations de services identiques ou similaires auprès d'une ou plusieurs entreprises qui lui sont liées, il est tenu compte du chiffre d'affaires total ainsi réalisé au sein de la Communauté européenne pour ces services et par ces entreprises.
« Sont des entreprises liées :
« 1° Celles dont les comptes annuels sont consolidés avec ceux d'un des organismes visés à l'article 1er ;
« 2° Celles qui sont soumises directement ou indirectement à l'influence dominante d'un organisme visé à l'article 1er ;
« 3° Celles qui peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante sur un organisme visé à l'article 1er ;
« 4° Celles qui sont soumises à l'influence dominante d'une entreprise exerçant également une telle influence sur l'organisme visé à l'article 1er.
« L'influence dominante exercée sur une entreprise est celle qui résulte de la propriété, de la participation financière et des règles qui régissent ladite entreprise. Il en est ainsi notamment lorsqu'une personne ou un groupement de personnes détient la majorité du capital de cette entreprise ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par elle ou peut désigner plus de la moitié des membres de son organe d'administration, de direction ou de surveillance.
« Un décret précise les conditions dans lesquelles les organismes visés à l'article 1er notifient à la Commission des Communautés européennes, sur sa demande, des informations relatives à l'application des dispositions du présent article. »
Par amendement n° 14, M. Revol, au nom de la commission, propose, au troisième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 5-1 de la loi du 11 décembre 1992, après les mots : « dernières années écoulées, » d'insérer les mots : « ou depuis sa création si celle-ci remonte à moins de trois ans, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. L'article 11 tend à exclure du champ d'application de la loi, donc à ne pas soumettre aux obligations de publicité et de mise en concurrence, les contrats de services passés par un acheteur avec des entreprises qui lui sont directement ou indirectement liées. Sont ainsi exclus du champ d'application de la loi trois types de contrat.
Dans deux cas sur trois, l'exclusion est toutefois soumise à une condition tenant à la proportion du chiffre d'affaires réalisé entre ces entités.
Il s'agit, par exemple, du cas où un opérateur conclurait un contrat de services avec une société filiale ou une société dont il serait la filiale ou une société qui serait filiale de la même société que l'opérateur lui-même, à condition, toutefois, que 80 % au moins du chiffre d'affaires moyen réalisé par cette entreprise en matière de services dans la Communauté européenne provienne de la fourniture de ces services aux entreprises auxquelles elle est liée.
L'évaluation du pourcentage du chiffre d'affaires ainsi réalisé au sein de la Communauté européenne est effectuée sur les trois dernières années écoulées.
Nous pouvons cependant nous interroger sur la façon dont peut être apprécié le pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec des entités adjudicatrices par une entreprise liée créée depuis moins de trois ans.
La directive ne résout pas ce cas, qui a pourtant été soulevé par certains responsables d'entreprise que j'ai pu auditionner.
En l'absence de dispositions de la directive s'opposant à une telle démarche, la commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à compléter le troisième alinéa de l'article 5-1, de façon à préciser que le calcul du seuil de 80 % du chiffre d'affaires européen réalisé s'effectue, lorsque la filiale a moins de trois ans d'existence, sur la durée écoulée depuis sa création.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Galland, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cette précision.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Articles 12 et 13

M. le président. « Art. 12. - Au premier alinéa de l'article 7-1 de la même loi, après les mots : "la passation des contrats définis à l'article 1er", sont insérés les mots : "ainsi qu'à l'article 3". » - (Adopté.)
« Art. 13. - A l'article 7-2 de la même loi, après les mots : "la passation des contrats définis à l'article 1er", sont insérés les mots : "ainsi qu'à l'article 3". » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Lauret, pour explication de vote.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enjeu du présent projet de loi est important puisqu'il vise à permettre la transposition en droit interne d'une partie des dispositions des directives européennes sur les marchés publics, prises par le Conseil des ministres des Communautés européennes en 1992 et en 1993 dans la perspective de l'achèvement du marché intérieur.
Ces directives sont d'autant plus importantes qu'elles sont inscrites dans la perspective de la construction du marché unique. Elles poursuivent toutes le même objectif qui consiste à éviter la discrimination entre les candidats aux marchés publics en raison de leur nationalité.
Toutefois, ce projet de loi ne transpose pas les obligations communautaires s'appliquant aux établissements publics, ces mesures relevant du code des marchés publics, dont la réforme devrait être présentée très prochainement au Parlement.
Je tiens à saluer votre détermination, monsieur le ministre, dans le processus de réforme du code des marchés publics que vous avez entamé. Vous avez, en effet, la volonté de donner à la commande publique un cadre juridique cohérent et adapté à la réalité économique, et ce dans le strict respect des principes de transparence des choix et d'égalité dans la concurrence.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(Le projet de loi est adopté.)

5

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques et du Plan a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jacques Braconnier membre du comité de liaison pour le transport des personnes handicapées.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

6

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 19 novembre 1996.

« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à l'Union d'économie sociale du logement, déposé sur le bureau du Sénat le 30 octobre 1996.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Alain Juppé. »

Acte est donné de cette communication.

7

PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 26, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées. [Rapport n° 67 (1996-1997).]
J'informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 23 octobre dernier, lors du débat d'orientation budgétaire, j'ai fait le point de l'état d'avancement de la réforme de notre défense annoncée et engagée par le Président de la République, depuis le vote de la loi de programmation militaire.
Aujourd'hui, j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.
Ce texte tend, tout comme le projet de loi de finances pour 1997, à accorder au Gouvernement les moyens nécessaires pour réussir cette réforme.
L'objectif est double.
Il s'agit, d'abord, d'assurer le passage le plus harmonieux possible de l'armée de conscription à l'armée professionnelle. Il faudra donc programmer la diminution des effectifs, organiser le doublement du nombre des engagés et inciter à la diminution du nombre d'officiers et de sous-officiers.
Il s'agit, ensuite, de garantir le caractère attractif du métier militaire.
La nouvelle politique qui est conduite se traduit, en premier lieu, par la révolution du nombre, puisque la professionnalisation va de pair avec la réduction du format des forces.
Comme vous le savez, le nouveau modèle d'armée se caractérise par une diminution de l'effectif global et par le resserrement général des formats, à l'exception de celui de la gendarmerie. D'ici à 2002, les effectifs du ministère de la défense seront réduits de près du quart. Ce n'est ni le jour ni l'heure de rappeler les raisons stratégiques de cette réforme, que vous avez approuvée en adoptant la loi de programmation ; je n'y reviendrai donc pas.
Cette réduction du format s'accompagne de deux mouvements contraires : l'augmentation du nombre des engagés, d'une part, la diminution du nombre total des officiers et des sous-officiers, d'autre part.
Le premier mouvement, à savoir le doublement du nombre des engagés sur six ans, répond à la décrue des effectifs d'appelés. Pour atteindre un nombre total de 92 000 engagés en 2002, 48 000 postes nouveaux devront être créés en six ans, avec un rythme d'accroissement annuel d'environ 7 500. Ce mouvement commencera dès l'année prochaine avec 7 700 postes ouverts par le projet de loi de finances pour 1997.
Le second mouvement concerne la diminution du nombre total des officiers et des sous-officiers : ainsi, l'armée de terre connaîtra une diminution de 1 400 officiers et de 6 300 sous-officiers, l'armée de l'air une réduction de 300 officiers et de 4 400 sous-officiers et la marine une diminution de 2 400 sous-officiers.
Soucieux de ne pas ajouter aux difficultés auxquelles les armées pourraient être confrontées, le Président de la République a pris l'engagement de recourir non pas à des mesures de départ autoritaires, mais, au contraire, à une méthode fondée sur l'incitation : les dispositions facilitant les départs seront mises en oeuvre sur la seule base du volontariat.
Toutefois, la nouvelle armée ne se résume pas à un simple ajustement des effectifs, fût-il de cette importance. C'est véritablement un modèle militaire nouveau qui se construit autour de l'ambition de cohérence, de disponibilité et d'interopérabilité. La révolution du nombre s'accompagne donc d'un profond changement qualitatif qui s'exprime, en particulier, par le renforcement du taux d'encadrement des forces et par le rajeunissement des cadres.
Première évolution : le renforcement du taux d'encadrement des unités des forces en fonction de l'évolution propre à chacune des armées ; ce point a été parfaitement décrit par M. le rapporteur. Comme vous le savez, le besoin de renforcer le taux d'encadrement a été vérifié à l'occasion des opérations extérieures dans lesquelles la France s'est engagée ces dernières années.
Du fait de la réduction du format des armées et de la disparition des appelés, le rapport du nombre d'officiers et de sous-officiers avec l'effectif global s'accroît de façon arithmétique, ce malgré la baisse du nombre total d'officiers et de sous-officiers.
Cependant - et je remercie M. le rapporteur de l'avoir souligné - un effort particulier sera accompli en matière d'encadrement pour la marine et la gendarmerie ; c'est ce qui justifie une augmentation de plus de 100 officiers dans la marine et de près de 1 400 officiers dans la gendarmerie.
Seconde évolution : le rajeunissement des cadres. Il s'agit là d'une évolution indispensable dans une armée qui sera consacrée, plus encore que par le passé, à des activités opérationnelles. Ces dernières années, les armées ont, en effet, connu un relatif vieillissement qui est dû, d'une part, au ralentissement du nombre des départs et, d'autre part, aux dispositions statutaires ou financières qui ont plutôt encouragé les militaires à différer leur décision de quitter l'uniforme, voire, tout simplement, à y renoncer.
De ce fait, les recrutements et les renouvellements de contrats ont été sensiblement réduits, en particulier dans les armées de terre et de l'air. Pour restaurer l'équilibre de la pyramide des âges et maintenir une armée jeune, nous devons parvenir à un volume annuel suffisant de départs.
Naturellement, pour réussir le grand pari humain que représente l'armée professionnelle, il est indispensable d'accentuer et de développer le caractère attractif du métier militaire.
Cela implique, d'abord, l'amélioration des conditions matérielles. C'est dans cette perspective que le projet de loi de finances pour 1997 prévoit de porter la rémunération initiale des engagés au niveau du SMIC à partir du 1er juin 1997. Cette mesure sera tout à fait décisive. J'espère, bien évidemment, qu'elle sera votée par votre Haute Assemblée.
Renforcer le caractère attractif du métier militaire, c'est, ensuite, restaurer, pour les officiers, les sous-officiers ou les engagés, une vision plus claire des perspectives d'avancement et de carrière.
Il est en effet nécessaire que, lors de son engagement et en cours de carrière, chaque militaire puisse être informé des perspectives qui sont les siennes : la motivation individuelle, l'anticipation de la reconversion et, par voie de conséquence, sa réussite dépendent de cette vision claire de l'avenir.
Là encore, l'augmentation du nombre des départs permettra le rééquilibrage de la pyramide des âges et de la pyramide des grades, ainsi que le rétablissement d'une meilleure gestion des parcours individuels au sein de chaque corps, de chaque spécialité.
Enfin, si l'on veut participer à l'amélioration de l'attractivité du métier militaire, il convient d'instaurer un véritable droit à la reconversion. Sur ce sujet, M. About, rapporteur, a parfaitement recensé la palette des dispositions en vigueur et a analysé la portée du projet de loi ; je n'y reviendrai donc pas.
Chacun devra pouvoir bénéficier, à la fin d'un séjour passé sous l'uniforme, de conditions favorables pour commencer une deuxième carrière civile. Cela suppose un effort important de formation et de reconversion.
C'est une mesure tout à fait centrale, qui encouragera sans aucun doute les jeunes à s'engager. Quoi de plus naturel, si l'armée leur offre une certitude sur les conditions de leur future insertion professionnelle et si elle devient la meilleure des formations et des recommandations pour une nouvelle carrière civile ?
Tout cela correspondra à la multiplication des carrières militaires courtes, dont le principal avantage est un échange beaucoup plus intense qu'aujourd'hui entre la vie militaire et la vie civile. C'est là un atout pour le renforcement du lien entre l'armée et la nation, et la diffusion de l'esprit et de la culture de défense dans la société.
Pour mettre en oeuvre cette révolution du nombre que je viens d'analyser, pour construire ce nouveau modèle militaire que je viens d'esquisser, il importe de décider de mesures transitoires et de mesures définitives.
Les mesures d'adaptation à caractère transitoire s'appliqueront durant toute la durée de la loi de programmation.
Elles doivent faciliter le déroulement de la phase de transition qui s'ouvre devant nous et permettre ainsi la réussite de la professionnalisation des armées.
Il s'agit tout d'abord du pécule, dont le montant sera d'autant plus attractif qu'il sera sollicité longtemps avant la limite d'âge du grade détenu et en début de période de transition.
Il s'agit également de la programmation jusqu'en 2002 des dispositifs législatifs favorisant le départ des militaires : d'une part, la loi dite « 70-2 » permettant l'accès aux corps de la fonction publique et, d'autre part, les articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 autorisant le départ avec le bénéfice de la pension du grade supérieur.
La seconde catégorie de dispositions est liée à l'armée professionnelle. Dotées d'un caractère permanent, ces mesures contribueront à renouveler et à améliorer l'image et les conditions d'exercice du métier militaire.
Tel est la cas du congé de reconversion, qui deviendra un élément à part entière du statut militaire.
Tel est le cas également des mesures visant à enrichir le statut général des militaires : l'assurance d'une meilleure égalité de traitement entre les différentes catégories de personnel, grâce à l'extension au personnel sous contrat des dispositions applicables au personnel d'active, l'amélioration de la protection pénale des militaires, qui pourront jouir de garanties équivalentes à celles dont bénéficient les autres fonctionnaires de l'Etat, et, enfin, l'ouverture des possibilités d'option en matière de solde de réforme.
Ces dispositions sont le fruit du dialogue permanent qui a été entretenu depuis plusieurs mois avec la communauté militaire, plus particulièrement grâce à la concertation au sein des organismes consultatifs, tel le Conseil supérieur de la fonction militaire. Elles répondent largement aux attentes qui s'étaient exprimées et que j'avais pu moi-même noter lors des visites que j'avais entreprises au printemps dernier au sein des unités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en engageant une réforme de cette ampleur, le Président de la République a demandé beaucoup à la communauté militaire. En s'adressant à elle, le 22 février dernier, il soulignait qu'« il y a du courage et de l'abnégation à renoncer à des habitudes, à des modes de pensée et des traditions et à s'attacher sans parti pris, sinon sans regret, à la mise en place d'un modèle d'armée conforme aux exigences actuelles de la défense nationale. »
Si le Chef de l'Etat a pu demander autant à la communauté militaire, c'est qu'il a fait la preuve, de Verbanja à Mururoa, qu'il sait faire prévaloir, en toutes circonstances et au milieu des pressions les plus fortes, des principes intangibles : priorité à la défense et à la sécurité du pays, détermination à faire respecter l'honneur des soldats français, souci constant de mettre notre outil de défense au service d'une volonté politique claire.
Si le Président de la République a pu lui demander autant, c'est que « l'armée de la République est au service de la nation ». « L'état militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme et esprit de sacrifice. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la nation. » J'ai cité là les premiers mots de la loi de 1972 portant statut général des militaires.
Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien compris que vous pourrez témoigner de ce respect des citoyens et de cette considération de la nation en votant le projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le choix de l'armée professionnelle, proposé par le Président de la République, a été accepté par le Parlement, lors du vote de la dernière loi de programmation militaire. Je ne reviendrai pas ici sur les raisons qui ont justifié l'engagement de cette réforme fondamentale de notre outil de défense. A mes yeux, si la transition est menée à bien, cet outil sera à même de relever les défis que l'évolution géostratégique ne manquera pas de lancer à nos ambitions et à nos capacités tant nationales qu'européennes.
« Si la transition est menée à bien », ai-je dit. C'est bien de cela, en effet, qu'il s'agit aujourd'hui : le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de mettre en oeuvre un dispositif d'accompagnement qui permettra de réussir sans heurts la transition qui s'ouvre et de gérer de la meilleure façon possible ce que de nombreux militaires perçoivent à juste titre comme un bouleversement.
Avec la réduction drastique du nombre de jeunes du service national, l'armée professionnelle sera moins nombreuse qu'aujourd'hui. Toutes armées confondues, y compris les civils, ses effectifs passeront en six ans de 573 000 à 440 000, soit une réduction de 133 000 emplois. Entre 1996 et 2002, le poids des militaires professionnels sera passé de 52 % à 75 %, notamment par le recrutement de 48 000 engagés supplémentaires, celui des jeunes du service national de 35 % à 6 %, et celui des civils de 13 % à près de 19 %.
Plus précisément, il s'agit d'organiser dès maintenant, pour les six ans à venir, le départ volontaire de 267 officiers et de 15 532 sous-officiers. Tel est l'objet du présent projet de loi.
Ce texte contient donc trois mesures principales à caractère provisoire, destinées à soutenir financièrement ceux qui quitteront les armées avant le terme normal de leur carrière et à faciliter leur reclassement dans la fonction publique civile. Le projet de loi comporte également un volet important relatif à la reconversion des militaires dans la vie active, qu'ils soient de carrière ou sous contrat. Les mesures qu'il propose à cet égard relèvent, pour partie, de l'incitation au départ. Elles vont aussi bien au-delà. Je les traiterai dans un second temps.
M. le ministre a rappelé dans le détail l'économie générale des mesures provisoires d'incitation au départ anticipé, et je ne m'y attarderai donc pas. Elles sont au surplus décrites dans mon rapport écrit.
Venons-en au pécule.
Les officiers et les sous-officiers de carrière réunissant respectivement vingt-cinq ans et quinze ans de service militaire effectifs et se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de leur grade recevront, au moment de leur départ des armées, outre le bénéfice d'une pension militaire, une somme d'argent dénommée « pécule », destinée à faciliter leur retour dans la vie civile. En effet, les limites d'âge dans les armées sont plus précoces qu'ailleurs et justifient que les intéressés soient en mesure de rechercher une nouvelle activité civile.
Le dispositif proposé rendra ce pécule d'autant plus attractif que le départ se fera au début de la période, soit en 1997-1998, et que le militaire sera éloigné de la limite d'âge de son grade.
Le bénéfice du pécule intéressera prioritairement les militaires appartenant à des armées dont les effectifs de cadres contribueront le plus à la déflation programmée. Dans les faits également, il s'agira de se tourner en premier vers les officiers et les sous-officiers se situant entre sept ans et trois ans de la limite d'âge, là où les sureffectifs paraissent les plus importants.
Cette mesure n'a, enfin, qu'un caractère provisoire : elle cessera de s'appliquer au 31 décembre 2002.
La seconde disposition d'incitation à caractère financier est la prorogation des mesures dites de retraite au grade supérieur et de congé spécial, instituées par la loi de 1975. Elles permettent à des officiers, sous certaines conditions, de prendre notamment une retraite anticipée avec le bénéfice d'une pension de retraite calculée sur la base du grade supérieur ou de l'échelon supérieur de leur grade. Là encore, il s'agit d'un dispositif provisoire, le projet de loi prorogeant cette mesure jusqu'au 31 décembre 2002 et lui associant le bénéfice d'un pécule réduit des quatre cinquièmes.
Lors de la discussion des articles, je vous proposerai, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un amendement visant à étendre, avec quelques nuances, cette faculté de retraite au grade supérieur aux sous-officiers. Ceux-ci devraient en effet légitimement bénéficier de cette disposition d'incitation au départ, par souci d'équité tout d'abord, mais aussi parce que c'est dans leur rang que l'on constate les poches de sureffectifs les plus importantes.
J'aborderai à présent la troisième mesure, qui tend à faciliter le reclassement des militaires dans la fonction publique civile et qui a été instituée par la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970. Cette loi, qui ouvre la possibilité pour certains officiers et sous-officiers d'intégrer directement certains emplois publics civils, sera prorogée jusqu'au 31 décembre 2002. Parallèlement, le nombre de postes offerts sera élargi jusqu'à 450 environ.
Après les mesures d'incitation, j'aborderai le volet reconversion, qui, lui, revêtira un caractère permanent. En effet, par-delà les facilités de retour à la vie civile qu'il permettra pour ceux qui quittent les armées dans le cadre de la déflation d'effectifs, le dispositif de reconversion constituera, bien après 2002, un élément essentiel de la nouvelle carrière militaire.
A l'avenir, en effet, la nouvelle armée professionnelle privilégiera les carrières courtes, et les futurs engagés militaires du rang devront savoir que leur séjour sous l'uniforme ne pourra, sauf exception, dépasser huit années, voire onze pour l'armée de terre.
Ces perspectives de carrières courtes entraîneront un état d'esprit nouveau. La carrière militaire devra être conçue comme un tout : une tâche militaire intéressante, une capacité de formation de qualité et une préparation de longue main pour la reconversion dans la vie civile. Le binôme carrière militaire - reconversion sera désormais indissociable dans la nouvelle conception du métier - temporaire - des armes.
Le projet de loi prévoit donc, sous la forme d'un premier congé de six mois éventuellement prorogeable par un congé complémentaire de six mois également, un délai global de reconversion d'un an maximum au cours duquel le militaire de carrière ou sous contrat recevra la formation adaptée à son projet professionnel, comprenant notamment des stages AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, et des stages en entreprise.
L'un des amendements que je proposerai tout à l'heure à votre approbation, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, aura pour objet d'inscrire clairement ce droit à la reconversion dans le titre Ier du statut général des militaires, consacrant ainsi la place éminente qu'il convient de lui donner dans le texte de base de la vie militaire. De même, et dans un souci de cohérence, la commission proposera un amendement visant à étendre de deux à six mois le délai de préavis avant dénonciation du contrat d'engagement, afin précisément de prendre en compte cette phase de reconversion de six mois.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur les dispositions diverses que contient le projet de loi et qui ne sont pas liées, à proprement parler, au dispositif d'accompagnement. La première mesure a pour objet d'étendre aux militaires la même garantie juridique qu'aux élus locaux et aux fonctionnaires civils, lorsque leur responsabilité pénale se trouve engagée dans le cadre de délits d'imprudence ou de négligence ; nous connaissons parfaitement bien ce texte. La seconde disposition tend à ouvrir à certains engagés ayant servi moins de cinq ans dans les armées et les ayant quittées pour cause d'infirmité ou de maladie liée au service la possibilité de choisir entre le bénéfice de la solde de réforme, d'une part, et la validation de leur période militaire au titre du système de retraite du régime général, d'autre part.
Avant de conclure, je voudrais rappeler, parmi les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, une disposition que je considère comme particulièrement importante : les députés ont ajouté au texte initial les articles 8 bis et 13 tendant à rappeler une nouvelle fois le droit des militaires retraités ayant repris une activité civile et se retrouvant ensuite privés de cet emploi à bénéficier des allocations de chômage.
Ces deux articles 8 bis et 13 signifient clairement, à nos yeux, que les militaires retraités privés d'emploi ont droit, jusqu'à l'âge fixé par la loi pour bénéficier de la pension de retraite du régime général, à l'intégralité des allocations de chômage auxquelles ils peuvent prétendre, et ce, il faut le répéter, sans condition de ressources. La pension militaire de retraite est une contrepartie spécifique des carrières courtes - et elles le seront, rappelons-le, de plus en plus - et elle ne saurait justifier les réductions d'allocations de chômage qui sont aujourd'hui décidées dans de nombreux cas par l'organisme gestionnaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte constitue, à mes yeux, une réponse adaptée à l'enjeu des conséquences humaines de la professionnalisation. Il faut être conscient de l'effort financier considérable qu'il implique de la part de la nation, mais cet effort est aussi la juste conséquence d'un bouleversement sans précédent dans l'organisation des armées.
Ce texte présente l'intérêt de ne pas se limiter aux seules dispositions financières - et au demeurant temporaires - que constituent le pécule ou la retraite au grade supérieur. La reconversion y tient en effet une place importante. Certes, nos armées ne découvrent pas en 1996 l'importance de cette mission, et mon rapport écrit rappelle les efforts qu'elles y consacrent déjà ainsi que les initiatives qu'elles ont prises. Cependant, ce texte en formalise l'importance nouvelle et en consacre le rôle essentiel pour la qualité des recrutements à venir et la perception nouvelle du métier militaire. Loin d'enfermer ceux qui le choisissent dans une société coupée du monde civil, le métier militaire, nouvelle manière, par les flux d'engagements courts d'un côté, par ses efforts de reconversion de l'autre, crée autant de passerelles entre l'armée et la société civile. C'est aussi une façon opportune de renforcer et de renouveler le lien entre la nation et son armée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, ma réflexion portera sur votre méthode et sur quelques-unes des mesures que vous nous avez présentées et que M. le rapporteur a rappelées. Celles-ci me paraissant parfois insuffisantes, je vous en suggérerai d'autres, qui sont, me semble-t-il, absentes de votre projet de loi.
En ce qui concerne la méthode, j'avoue, monsieur le ministre, que la démarche que vous avez adoptée heurte un peu tout esprit un tant soit peu cartésien, car la logique me paraît un peu bousculée. En effet, hier - je veux dire au moins de juin dernier - vous nous avez présenté un projet de loi de programmation qui a défini les objectifs et les moyens. Par rapport à la précédente loi de programmation, les économies réalisées étaient d'ailleurs importantes : environ 20 %. Aujourd'hui, nous discutons des moyens susceptibles de conduire à l'armée de métier. Demain - c'est-à-dire dans les premiers jours de 1997 - nous parlerons, si l'on en croit ce qui nous est annoncé, du devenir du service national.
J'avoue que cette façon de procéder me paraît assez paradoxale sur le plan de la cohérence et de la logique. Elle me paraît, en outre, aller à l'encontre du respect des prérogatives du Parlement. A chacune de ces étapes, monsieur le ministre, vous avez en effet anticipé la décision des parlementaires. Je dirai même que vous avez placé le Parlement devant le fait accompli : vous décidez, il doit s'aligner. Dans la forme, donc, votre méthode me paraît constituer une gifle à la démocratie et au Parlement.
Je ne comprends d'ailleurs pas, monsieur le ministre, pourquoi vous avez adopté cette logique inversée. Quels avantages présente-t-elle ? La cohérence aurait voulu que vous demandiez d'abord au Parlement de se prononcer sur le service national, puis sur l'armée de métier, et enfin sur la loi de programmation. Ainsi, me semble-t-il, le bon sens et la démocratie auraient été respectés.
La logique inversée que vous avez retenue - qu'on ne peut d'ailleurs qualifier de logique - rabaisse le Parlement à une simple chambre d'enregistrement. J'invite donc tous les démocrates à condamner ce procéder antidémocratique.
Mais, au-delà de la méthode, je m'interroge sur vos moyens : avez-vous, monsieur le ministre, les moyens de votre réforme ? Dans la même démarche, vous voulez économiser, ce qui est bien ; réformer, ce qui n'est pas facile ; améliorer, ce qui est ambitieux ; moderniser, ce qui demande également un effort financier.
Vous mettez, certes, l'accent sur les économies entraînées par la baisse importante des effectifs, soit 132 275 emplois en moins de 1996 à 2002, ce qui est considérable. Mais dois-je insister sur le fait que cette mesure ne va pas dans le sens de la diminution du nombre des chômeurs ? Même s'il n'y a pas de licenciement, les emplois vont incontestablement être moins nombreux. Et il en est de même des recrutements, en raison de la mise en oeuvre de deux démarches contraires : une incitation au départ et une incitation au recrutement, afin de rajeunir et de moderniser.
A cet égard, je souhaite souligner quelques imprécisions qui me semblent importantes, et relever quelques lacunes.
En ce qui concerne les imprécisions, si le pécule constitue une incitation au départ, il peut représenter des sommes importantes : 580 000 francs, par exemple, pour un lieutenant-colonel ayant six ans d'ancienneté dans le grade et étant à sept ans de la limite d'âge. Des critères objectifs d'attribution me paraissent donc nécessaires. En effet, si j'ai bien compris, toutes les demandes ne seront pas forcément retenues, puisque l'intérêt du service l'emportera sur l'intérêt du militaire. Cela, je peux le comprendre, mais ne va-t-on pas se heurter à des injustices ? Certains militaires qui auraient pu prétendre à un pécule important ne pourront en effet plus le faire en raison des besoins de l'armée. Dès lors, n'y-a-t-il pas là, monsieur le ministre, une réflexion à mener pour faire en sorte que le militaire qui aura le plus servi la nation ne soit pas le plus pénalisé ? En effet, le pécule est évolutif : il diminue chaque année pour, finalement, disparaître au terme de 2002.
Dans ces conditions, des contentieux pourront sans doute surgir. Alors que la société et la justice exigent beaucoup de rigueur et de transparence dans l'utilisation des fonds publics, le militaire qui se verra refuser le pécule pourra-t-il avoir connaissance des raisons qui ont entraîné ce refus et les contester ? Il y a là un véritable problème étant donné l'importance des sommes en jeu.
Si le pécule est limité dans le temps, il l'est aussi dans son champ d'application : seuls les militaires pourront en bénéficier, les civils au service des armées en sont écartés. Dès lors, comment allez-vous réaliser le rajeunissement et la modernisation des effectifs concernés ? Le personnel civil aura-t-il un statut différent du statut actuel ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions à ce sujet ?
Par ailleurs, la formation à la reconversion est sans doute une bonne chose. Mais qui va la financer ? Les régions ont-elles été sollicitées ? Si oui, en supporteront-elles seules le coût, ou bien avez-vous prévu - mais je n'en ai pas trouvé trace dans vos propositions - un crédit qui permettra d'accomplir une mission qui, financièrement, n'est pas neutre ?
Vous ne semblez pas non plus avoir pris en compte une donnée importante : en effet, en période de raréfaction de l'emploi, seuls les meilleurs éléments vont pouvoir se reconvertir. La sélection que vous souhaitez, monsieur le ministre, ne risque-t-elle pas alors de se faire à l'envers, les meilleurs partant et les autres étant obligés de rester, les reconversions n'étant pas forcément aisées au moment ou la recherche d'un emploi devient de plus en plus aléatoire ?
Par ailleurs, un militaire pourra-t-il se reconvertir dans le personnel civil affecté aux armées ? Si oui, bénéficiera-t-il d'une priorité ?
Le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, comporte d'autres lacunes. Il n'y est pas fait état, notamment, du difficile problème des services de santé, services où, actuellement, les appelés jouent un rôle important. Comment allez-vous les remplacer ? Quel va être le coût de ce remplacement ?
D'autres faits me portent à penser que vous avez sous-évalué le coût de votre réforme et que, pour la mener à bien, pour la mener à son terme, vous serez peut-être tenté d'utiliser d'autres crédits que ceux que vous nous annoncez.
Il est aujourd'hui inquiétant d'entendre la quasi-totalité des industriels de l'armement, notamment dans l'aéronautique, dire que vous ne commandez plus, que vous n'achetez plus, que vous n'utilisez même pas les crédits que le Parlement a votés. Pouvez-vous nous éclairer sur cet inquiétant attentisme qui compromet l'avenir de nos industries de matériels et d'armements militaires ? Si vous n'utilisez pas cet argent à ce pour quoi il a été voté, c'est-à-dire pour les équipements, que comptez-vous en faire, et quand en ferez-vous usage ? Nos industriels ont un besoin urgent de le savoir !
En conclusion, monsieur le ministre, votre réforme me paraît difficilement compatible avec une réduction importante de crédits ; elle me semble fragilisée par le contexte économique, et plus encore par la raréfaction de l'emploi, raréfaction à laquelle, hélas ! vous contribuez à plusieurs niveaux.
Je crains que vous ne laissiez à vos successeurs une situation très délicate à gérer.
M. Nicolas About, rapporteur. M. Millon se succédera à lui-même ! (Sourires.)
M. André Rouvière. Le plus difficile, en effet, n'est pas de commencer votre réforme, mais de la poursuivre. Quant à la terminer, ce ne sera pas une mince affaire ! Pour la France, je souhaite qu'elle réussisse, mais j'en doute.
En conclusion, monsieur le ministre, la méthode que vous avez utilisée et le manque de moyens de votre réforme obligent le groupe socialiste à ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'observe que notre débat d'aujourd'hui s'inscrit dans une logique engagée en juin 1995 par la relance de la campagne sur les essais nucléaires.
Cette première étape fut suivie des déclarations du Président de la République sur sa vision du nouveau cadre dans lequel devrait s'inscrire la politique de défense de la France, une fois celle-ci adaptée aux récentes évolutions géopolitiques européennes et mondiales.
Depuis lors, le Parlement a déjà débattu à trois occasions de la défense de la France et des nécessaires mutations à opérer en matière de programmation militaire.
Le Gouvernement nous propose aujourd'hui un quatrième débat sur les conditions dans lesquelles il serait possible de passer de l'armée mixte, fondée sur la conscription, qui est encore la nôtre, à une armée de métier, souhaitée par le Président de la République.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'ouvrirai une parenthèse, en marge de notre débat, pour souligner combien l'exercice auquel nous soumet le Gouvernement, est difficile.
Rappelons, à cet égard, qu'il nous est demandé aujourd'hui de voter un texte portant sur une armée française de métier, alors même qu'aucune réflexion du Parlement sur la suppression du service national de conscription, actuellement en vigueur, n'a encore été sollicitée.
Je comprends bien que le Gouvernement estime que cette suppression est acquise, dès lors que la loi de programmation militaire a été votée. Cependant, il aurait sans doute été plus juste et plus respectueux des règles démocratiques de donner au Parlement l'occasion de se prononcer au préalable.
Partant de l'hypothèse de la disparition de la conscription, il nous faut ainsi envisager le départ de nombreux officiers et sous-officiers d'ici à 2002, sans avoir recours à une loi de dégagement des cadres. Cette mesure rencontre mon plein accord, car elle est indispensable à la paix sociale, en particulier dans la période difficile qui est la nôtre.
J'émettrai cependant quelques inquiétudes. Je crains, en effet, que nous n'assistions au départ des éléments militaires les meilleurs parmi les officiers et sous-officiers incités à partir chaque année. Il semble logique de voir les personnes les plus qualifées profiter de l'aubaine que constituent les mesures que vous proposez, et sur lesquelles je reviendrai en détail, pour utiliser les compétences acquises dans leur carrière militaire au profit d'une carrière civile. Et j'ai bien peur que nous n'assistions, en revanche, au maintien dans l'armée des personnes disposant de moindres aptitudes et qualifications.
Ce phénomène de déperdition de ses éléments moteurs représenterait pour la future armée de métier un grave préjudice, puisqu'il lui faudrait alors démultiplier ses coûts de formation pour élever le niveau de performance des personnes subsistant de l'ancien système et des nouveaux entrants.
Je souhaite que vous nous expliquiez, monsieur le ministre, comment vous pensez pouvoir éviter un tel écueil, c'est-à-dire convaincre les personnes dont les aptitudes sont les moins utiles de quitter l'armée pour, au contraire, persuader les plus performants de rester.
De même, s'agissant des 48 000 soldats de 2e classe qui devraient être recrutés pour une future armée professionnelle plus performante, comment envisagez-vous d'attirer les éléments les plus capables ? Leur proposerez-vous des rémunérations plus attractives que dans le civil ou des compensations suffisamment importantes dont ils disposeraient à la fin de leur contrat ? J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez, à ce sujet, toutes informations utiles.
Un autre point relatif au congé de reconversion pourrait faire l'objet d'amélioration. En effet, les dispositions de l'article 3 prévoient, pour les soldats ne disposant pas de qualifications professionnelles transposables dans le civil, une prise en charge pour une formation de reconversion d'une durée de six mois, assujettie à la réduction de leur pécule de base d'un montant égal à trois mois de solde. Etant donné le délai relativement bref accordé à la formation, il serait certainement plus juste et plus incitatif de supprimer la réduction du pécule.
Mon dernier point concernera la protection juridique des militaires, que vous souhaitez aligner sur celle des fonctionnaires civils. J'approuve entièrement cette mesure d'équité, qui, en permettant l'application aux militaires du principe de l'appréciation des imprudences ou des négligences en fonction des circonstances de fait, rétablit la justice entre personnels militaires et fonctionnaires civils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui est essentiel. Par son côté technique, il fait percevoir toute la difficulté d'opérer une mutation à la fois globale et individuelle de notre armée.
Votre projet, monsieur le ministre, tente de concilier ces deux niveaux dans la paix sociale et dans le respect de nos valeurs républicaines et démocratiques. La tâche est immense et difficile. Votre travail et votre ténacité pour la mener à bien ne peuvent que susciter le respect.
Pour toutes ces raisons, malgré les quelques réserves que j'ai pu émettre, je voterai, avec la majorité des sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, le projet de loi sur les mesures en faveur des personnels militaires que vous nous présentez aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, d'abord, de saluer l'excellent travail qu'a effectué notre collègue Nicolas About.
Monsieur le ministre, voilà près d'un mois, vous étiez devant notre assemblée pour la déclaration du Gouvernement sur la défense. Bientôt, nous aurons l'occasion de débattre de la réforme du service national autour du rendez-vous citoyen et du volontariat. Plus tard, ce sera le tour des personnels de réserve.
Cette réforme de notre système de défense se fait donc par étapes successives, et il nous reste encore d'autres étapes à franchir et à négocier au mieux.
Il est en effet évident que cette réforme sans précédent s'impose. Chacun de nous en a pris acte depuis le Livre blanc, qui nous rappelle les grandes missions désormais dévolues à notre défense nationale, dans un environnement géopolitique profondément renouvelé et incertain. Ces grandes missions sont la dissuasion, la prévention, la projection et la protection.
Seront donc concernés, au premier chef, le format de notre armée et sa nature.
Le passage à l'armée professionnellle, dont notre pays a décidé de se doter, implique une réduction des effectifs civils et militaires. La loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002, votée par notre assemblée en juin dernier, en a précisé le rythme.
D'ici à l'an 2002, une évolution globale tendant à réduire de près d'un quart les effectifs de votre ministère doit s'opérer par un mouvement comprenant des départs et des recrutements.
Il est à noter que, plutôt que de recourir aux mesures coercitives d'une loi de dégagement des cadres, vous avez souhaité, comme le chef de l'Etat l'avait demandé dans son discours du 22 février dernier, que ce changement de format soit le résultat de départs volontaires encouragés par des dispositions attractives.
Je me félicite, monsieur le ministre, que le texte en discussion aujourd'hui, qui vient compléter l'ensemble des mesures réglementaires prévues par la loi de programmation, s'inspire directement du dialogue que vous avez su nouer avec de nombreuses unités lors de vos déplacements.
Le dialogue, la concertation et les échanges ont eu lieu à tous les niveaux. J'insiste sur ce point, car ils permettent à ce texte de mieux refléter encore les besoins et les attentes exprimés.
Le dialogue a montré et doit continuer de témoigner du soutien sans réserve de chacun de nous envers l'ensemble des hommes et des femmes du personnel de défense. Je veux, ici, signaler l'important travail fait par le Conseil supérieur de la fonction militaire.
Je sais également qu'un tel effort de dialogue et d'échange est mené avec les personnels des industries d'armement, puisque la réforme de notre défense a aussi pour conséquence des restructurations industrielles qui inquiètent les populations concernées et les élus locaux.
Cette réforme, unique dans l'histoire de notre pays, doit s'appuyer sur un dispositif lui aussi d'exception. En effet, que s'agit-il de faire ?
Le processus de professionnalisation des armées, qui s'engagera dès l'année prochaine, doit nous permettre de recruter près de 10 000 engagés par an, alors que nous n'en recrutions précédemment que 3 000 environ.
Il est donc nécessaire et vital d'instaurer un ensemble de mesures d'incitation à l'engagement. Ces incitations portent sur un niveau de rémunération convenable pour les jeunes volontaires à l'engagement et l'assurance d'une reconversion professionnelle au terme de leur activité militaire.
En effet, cette réforme permettra à l'armée de recruter des jeunes gens de qualité si la qualification professionnelle que l'armée leur accordera est au niveau de celle que la vie civile leur réclamera par la suite.
Nous nous félicitons, sur ce premier point, que la solde des nouveaux engagés et de ceux qui servent actuellement sous contrat soit portée au niveau du SMIC à compter du 1er juin prochain et que le droit à la reconversion soit inscrit dans le statut des militaires.
Si nous voulons des engagés à carrière courte, d'une durée moyenne de huit ans, il faut des mesures venant renforcer le lien entre l'armée et la nation. Ce texte les instaure.
Le présent projet de loi met, lui aussi, en oeuvre, à l'instar de la loi de programmation elle-même, des mesures permettant d'encadrer sans heurts la période de transition au cours de laquelle une importante réduction des personnels de défense doit s'opérer. Les effectifs totaux de votre ministère devraient passer, entre 1996 et 2002, de 573 000 à 440 000.
Ces départs auront trois conséquences : la possibilité de procéder au recrutement de près de 48 000 engagés volontaires supplémentaires sur six ans ; le rajeunissement de l'encadrement, atout essentiel d'une armée orientée vers la mission de projection et les opérations extérieures ; le retour de perspectives de carrière attrayantes pour les cadres qui choisiront de rester dans les armées.
Les dispositions permettant d'inciter les militaires aux départs anticipés, trop ou pas assez attractives selon les craintes des uns ou des autres, sont tout d'abord une série de mesures à caractère financier.
La première, celle du pécule, concerne les officiers comptant plus de vingt-cinq ans de services actifs, soit un total de 6 200, et les sous-officiers comptant plus de quinze ans de services actifs, au nombre d'environ 55 800.
Ce pécule sera d'autant plus attractif qu'il sera attribué au début de la période couverte par la loi de programmation militaire. Cela explique et motive le fait que son montant soit affecté d'un coefficient réducteur de 10 % à partir de 1999 et de 20 % à partir de 2001.
La transition de notre armée actuelle à une armée professionnalisée en sera facilitée, d'autant que ce mouvement de départs se déroulera rapidement. Ce mouvement devrait concerner environ 1 000 officiers et 10 500 sous-officiers sur la période considérée, soit environ un sur six.
C'est pourquoi différents critères devront s'appliquer aux demandes de pécule, afin de contenir leur nombre dans le cadre de l'enveloppe budgétaire disponible, soit 657 millions de francs pour 1997.
C'est pourquoi également il convient, à côté de cette mesure majeure, de reconduire jusqu'en 2002 la loi du 2 janvier 1970, qui facilite le reclassement des militaires concernés et leur intégration dans les corps des catégories A et B de la fonction publique.
La prolongation de la loi du 30 octobre 1975 sur les modalités du bénéfice d'une pension de retraite au grade supérieur participe de la même volonté de respect de l'enveloppe budgétaire.
De même, l'important travail qu'a fourni la commission concernant l'amélioration du dispositif actuel de reconversion traduit notre souci d'assurer aux militaires du rang sous contrat les conditions d'un retour réussi à la vie civile, et ce dans le contexte de carrière courte qui sera celui de l'armée de demain. Il faut, en effet, donner toute sa place, dans le projet de loi, aux actions d'évaluation et d'orientation professionnelle des militaires.
Cet ensemble, monsieur le ministre, me paraît être en mesure de relever le défi du passage harmonieux d'une armée mixte à une autre, entièrement professionnalisée, en 2002.
Permettez-moi, enfin, d'aborder un dernier point, qui relève davantage de l'environnement que de l'application même des mesures.
L'initiative que vous avez prise, monsieur le ministre, conduit à prévoir la dissolution de quarante-quatre régiments de combat et, dans le même temps, à restructurer d'autres formations afin de créer progressivement ce que l'on peut appeler le « noyau dur » et stable des cadres d'active.
L'armée de terre sera la plus concernée par ces mesures. Le Président de la République a souhaité qu'à terme elle soit capable d'intervenir sur des théâtres d'opérations extérieures où les intérêts de la France seraient en jeu, c'est-à-dire qu'elle puisse disposer de quelque 50 000 hommes dans un engagement au titre de l'Alliance atlantique et qu'elle puisse réunir quelque 30 000 hommes pour une durée d'un an sur un théâtre principal et 5 000 autres, relevables eux aussi, sur un théâtre secondaire.
Aujourd'hui, c'est de 20 000 hommes mobilisables dans les forces de projection de longue durée que nous disposons.
Pour atteindre l'objectif fixé, auquel nous adhérons, tous les régiments de combat seront partiellement professionnalisés de manière simultanée. Cette opération doit commencer dès 1997.
Ainsi, durant l'année prochaine, vingt régiments de l'armée de terre, comprenant entre 900 et 1 200 hommes au total, seront concernés. A côté de cet élément, existera, dans chaque régiment, un élément fixe, qui deviendra la base arrière destinée à faire fonctionner l'unité pendant l'absence des cadres et des engagés déployés hors de nos frontières.
Enfin, l'armée de terre a aussi prévu de répartir trente à cinquante personnels civils dans chacun de ces mêmes régiments pour assurer la gestion quotidienne.
Cela explique en partie que la loi de programmation militaire fasse passer le nombre des personnels civils de 32 000, en 1996, à 34 000 en 2002.
Cette réforme délicate et courageuse que vous engagez aujourd'hui, monsieur le ministre, doit permettre à notre armée d'exercer sa fonction majeure, qui est, qu'on le veuille ou non, d'être prête à faire la guerre, le cas échéant de la faire et, si possible, de la gagner.
Des périodes récentes de notre histoire ont montré que le manque de courage, de décision et de volonté du pouvoir politique ont conduit notre pays à affronter des situations difficiles.
Or, courage, volonté, décision caractérisent votre action, monsieur le ministre. C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants vous apporte son total soutien et votera le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis de nouveau dans cet hémicycle pour parler de la défense de la France.
En effet, depuis le 22 février dernier, date de l'annonce par le Président de la République de la réforme majeure qu'il souhaite voir achevée à la fin de son septennat, nous avons déjà eu l'occasion de débattre de cette réforme et de nous prononcer sur certains de ses aspects.
Je pense notamment à la loi de programmation qu'il nous a été donné de discuter ainsi qu'aux moyens de mettre en pratique cette nouvelle politique de défense. Je pense aussi au débat sur l'avenir du service national et à ses conclusions parlementaires, dont les orientations devraient être prochainement concrétisées dans un projet de loi.
La loi de programmation a permis de préciser les caractéristiques de l'armée française de demain : un format réduit, une armée constituée principalement de militaires professionnels avec un doublement du nombre d'engagés, la division par dix du nombre de jeunes provenant du service national, l'augmentation du nombre des civils afin de concentrer les militaires sur les tâches opérationnelles et l'appui de réserves plus qualifiées et plus entraînées.
La réduction du format des armées exige, en conséquence, une diminution des effectifs de cadres militaires. On estime nécessaire le départ d'environ 16 000 officiers et sous-officiers. Le Président de la République s'était solennellement engagé, dès le 22 février dernier, à faire en sorte que le Gouvernement ne présente pas de loi de dégagement de cadres et de mesures impératives. Je me réjouis donc de constater que la promesse est pleinement tenue et que ce texte traduit bien la volonté du chef de l'Etat.
En effet, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui répond de manière cohérente à la nécessité d'une remodélisation de l'armée française par des mesures incitant au départ qui doivent marquer, en même temps, la reconnaissance de la nation à l'égard de ceux qui la servent avec tant d'efficacité et de dévouement. Nous savons tous les contraintes et mêmes les risques qui sont attachés à la profession militaire. Chaque année, des soldats français perdent la vie en défendant les principes et le rôle de la France dans le monde.
Nous devons donc, mes chers collègues, garder cela à l'esprit en discutant de ce texte, qui comporte plusieurs dispositions tendant principalement à faire en sorte que les militaires qui souhaitent revenir à la vie civile puissent accomplir cette reconversion dans les meilleures conditions. C'est d'ailleurs pour mieux souligner l'importance de la reconversion que la commission a souhaité qu'un nouveau chapitre du statut général des militaires y soit consacré, ce dont je remercie vivement M. le rapporteur.
L'instauration d'un pécule de départ non négligeable et de congés de reconversion, qui pourront atteindre une année si cela est nécessaire, ainsi que d'autres dispositions tendant à améliorer le statut des militaires devraient permettre de réaliser l'objectif fixé par la loi de programmation. Sans trop entrer dans les détails, je souhaiterais évoquer cependant les différentes mesures proposées et ce que l'on peut attendre de leur application.
Premier point de la réforme : le pécule. A la différence du dispositif existant, le pécule proposé ici ne sera pas soumis à l'impôt. Il s'agit d'une mesure temporaire, puisqu'elle ne devrait pas excéder la durée de la programmation après avoir rempli sa fonction.
La somme attribuée variera en fonction de plusieurs critères propres au demandeur, comme la durée le séparant de la limite d'âge de son grade, mais aussi en fonction de considérations extérieures, puisque le pécule attribué sera plus faible au fur et à mesure de l'achèvement de la programmation.
Ce dispositif intéressant est le fruit d'un important effort financier de l'Etat. Il est en effet prévu de consacrer près de 4,4 milliards de francs au financement du pécule entre 1997 et 2002, dont 653 millions de francs l'année prochaine. Cette somme proviendra du fonds d'accompagnement de la professionnalisation, auquel la loi de programmation a d'ores et déjà alloué 9,1 milliards de francs.
Mais l'attribution du pécule n'est que juste contrepartie pour des hommes et des femmes qui auront consacré leur jeunesse à servir le pays et qui choisiront de retourner à la vie civile. Il est d'ailleurs bon de préciser que cette incitation au départ anticipé n'a rien de commun avec une prime de licenciement.
Le projet de loi prévoit un autre dispositif qui facilitera le passage à la vie civile, en modifiant le système du congé de reconversion.
Les militaires qui ont effectué au moins quatre ans de service ont actuellement la possibilité de préparer leur reconversion pendant une durée maximale de neuf mois. Cette période étant, dans certains cas, trop courte, le présent texte prévoit la création d'un congé de reconversion de six mois, complété si nécessaire par un nouveau congé de la même durée. Pendant les six premiers mois, le militaire continuera d'être pleinement rémunéré, mais il sera dégagé de ses obligations de service. Pendant la seconde période, il sera toujours rémunéré, mais ne percevra plus l'indemnité pour charges militaires.
Le congé permettra aux personnels qui le souhaitent de diversifier leur formation et d'effectuer des stages ou des périodes d'essai. C'est donc un dispositif tout à fait indispensable à la reconversion de ceux qui décideront d'entamer une deuxième carrière dans le civil.
Au-delà du pécule et du congé de reconversion, le projet de loi prévoit la prorogation tout à la fois des mesures d'intégration des anciens cadres militaires dans la fonction publique ainsi que d'un article de la loi du 31 octobre 1975 permettant à des officiers de quitter le service avec une retraite correspondant à celle du grade supérieur à celui qu'ils détenaient.
Il serait logique de faire bénéficier les sous-officiers de cette dernière mesure, dans le cadre d'un dispositif d'incitations au départ qui les concernera tout particulièrement. Même si les conséquences financières en sont importantes, la décision serait juste et méritée pour les militaires de carrière. Pourriez-vous faire un geste, monsieur le ministre ?
Je viens d'évoquer les principales mesures d'incitation au départ. Mais ce projet de loi contient aussi des dispositions qui devraient permettre une augmentation du recrutement, en ce qu'elles précisent et améliorent certains aspects du statut des militaires.
L'Assemblée nationale a notamment ajouté au projet de loi des dispositions qui permettront de préciser la définition des pensions militaires de retraite, en posant dans un texte de valeur législative que ce type de pension n'est pas assimilable à un avantage vieillesse avant l'âge de soixante ans. Elle a aussi souhaité préciser que les anciens militaires pouvaient bénéficier des allocations chômage et qu'elles seraient pleinement cumulables avec le congé de reconversion.
Ces dispositions me paraissent aller dans le bon sens, puisqu'elles rendent plus attractive la carrière militaire, ce qui correspond à l'un des objectifs du projet de loi, puisqu'il faudra, dans les prochaines années, doubler le nombre des engagés.
Le Sénat, quant à lui, a souhaité clarifier certaines dispositions pour améliorer la lisibilité et la transparence du statut des militaires. La politique de recrutement de la défense française devra en effet reposer dorénavant sur des incitations à l'engagement. Les mesures permanentes de reconversion des militaires en font aussi partie, car les jeunes s'engageront d'autant plus volontiers dans l'armée qu'ils sauront qu'il est désormais plus facile de changer de carrière et de retourner dans le civil. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
En conclusion, je voudrais revenir à l'essentiel, c'est-à-dire au défi que ce passage au nouveau modèle d'armée représente pour la nation ainsi que pour les hommes et les femmes qui composent notre défense. Pour relever le défi, il faudra, en effet, mobiliser l'effort de la nation tout entière. Le groupe du Rassemblement pour la République s'est investi pleinement en ce sens, et ce depuis longtemps. C'est pourquoi il votera ce projet de loi.
Cela étant, il appartiendra surtout aux militaires professionnels de faire preuve de cet esprit militaire de haute qualité par lequel le lieutenant-colonel Charles de Gaulle caractérisait déjà en 1935 l'armée de métier : une armée de métier digne de ce nom et, surtout, digne de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant l'étude de ce projet de loi, j'ai pensé au premier des tableaux célèbres du grand peintre David, une oeuvre de jeunesse qu'il peignit à son retour du prix de Rome et qui s'intitule « Bélisaire ».
Bélisaire était un général byzantin au service de l'empereur Justinien. Il s'était couvert de gloire contre les Vandales, les Ostrogoths et dans d'autres campagnes ; tant et si bien que l'empereur en devint jaloux, le révoqua, se fâcha avec lui et le congédia sans pension ni compensation d'aucune sorte qui puisse l'aider à finir dignement sa vie.
Sur le tableau de David, on voit un vieillard accroupi au pied d'une colonne, pauvre mendiant plongé dans la misère, mais pourtant encore vêtu de la pourpre gagnée sur les champs de bataille.
Rassurez-vous, mes chers collègues, après avoir lu le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, après vous avoir entendu, monsieur le ministre, tant en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que dans cet hémicycle, et après avoir étudié l'excellent rapport de M. Nicolas About, nous sommes tout à fait persuadés qu'aucun officier, aucun sous-officier, aucun soldat de nos armées ne risque de connaître un jour le sort de Bélisaire ! (Sourires.)
Il est heureux, très heureux qu'il en soit ainsi. Car il serait vain de nier que tous ceux de nos compatriotes qui portent aujourd'hui l'uniforme et servent dans la marine, l'aviation ou les forces terrestres traversent actuellement une période difficile et, à beaucoup d'égards, pour eux, démoralisante.
La réforme du service national et le passage de l'armée de conscription à une armée professionnelle se concrétisent d'abord - on l'a dit, je le rappelle - sur une période de six ans, de 1996 à 2002, par des réductions des effectifs, qui passent de 573 000 à 440 000, soit une diminution de 132 000 postes. Et donc, pour 132 000 de nos compatriotes, cette réforme se traduit par l'obligation de quitter l'armée, de renoncer à la carrière qu'ils aimaient et qu'ils avaient choisie, de prendre leur retraite prématurément ou de chercher un emploi actuellement très difficile à trouver, bref, de changer de vie et de se retrouver, eux et leur famille, dans une situation bien moins bonne.
M. René-Pierre Signé. Ils se retrouvent au chômage !
M. Jacques Habert. Le Gouvernement et nous-mêmes, législateurs, avons le devoir de veiller à ce que cette mutation se déroule dans les meilleures conditions possibles, et de prendre toutes les mesures utiles pour en atténuer la rigueur.
Tel est l'objet du présent projet de loi. Prenant la parole dans les derniers, je ne vais pas répéter et énumérer les dispositions prises pour faciliter cette transition.
Envers le personnel, avez-vous dit, monsieur le ministre, ce sera non pas la coercition qui sera employée, mais l'incitation avec, notamment, l'encouragement aux départs anticipés, l'instauration et le paiement d'un pécule ainsi que l'octroi de congés de reconversion. Tout cela a été analysé par les orateurs qui m'ont précédé, et, pour ma part, je les approuve entièrement.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Merci !
M. Jacques Habert. Permettez-moi d'évoquer un souvenir personnel. Voilà cinquante ans exactement, nous avons été confrontés à une situation en certains points analogue au contexte actuel. Nous étions en 1946, l'armée française venait de participer à la victoire, aux côtés des armées alliées, ses effectifs - j'en étais - étaient considérables, mais il n'était plus utile de les maintenir au niveau qu'ils avaient atteint.
Ce fut alors, quelques semaines après le départ - un peu soudain, il est vrai - du général de Gaulle, en janvier 1946, la loi de dégagement des cadres promulguée par le gouvernement tripartite, communiste, socialiste et MRP, de Félix Gouin. Souvenez-vous : cette loi était beaucoup plus brutale que le texte qui nous est proposé aujourd'hui. O combien ! Nombre d'officiers et de sous-officiers dont les décorations montraient les services rendus au combat, mais qui n'étaient pas d'active, ne pouvaient être gardés dans les troupes.
M. René-Pierre Signé. La situation n'était pas comparable !
M. Jacques Habert. La situation était comparable au moins sur deux points précis : il fallait réduire les effectifs et dégager des cadres pour une organisation nouvelle de l'armée.
De nombreux officiers et sous-officiers qui pensaient, après plusieurs années passées sous l'uniforme, faire peut-être leur carrière dans l'armée furent démobilisés du jour au lendemain et rendus à la vie civile sans indemnité, sans pécule, sans préparation, sans emploi. Ceux qui, aujourd'hui, vont devoir quitter nos forces armées sont heureusement beaucoup mieux traités. Nous nous en félicitons, car ce n'est que justice.
Avant de conclure, je signalerai que, dans le dispositif d'ensemble qui nous est proposé, un point me paraît susciter quelques interrogations. Mais peut-être ce point sera-t-il traité bientôt, lors de l'examen du projet de loi de finances ?
Pour permettre à l'armée de faire face à ses obligations pendant les six années de déflation, il sera fait appel au volontariat. Il nous est indiqué que 48 000 engagés volontaires seront nécessaires, soit 8 000 par an. Etes-vous sûr, monsieur le ministre, que nous les trouverons ? Comment ? Par quelles mesures d'incitation ? A quel prix ? Que prévoit-on à ce sujet ? Comment pourrons-nous maintenir à la fois la quantité et la qualité de ces volontaires ?
Pour les Français de l'étranger que j'ai l'honneur, avec le président de notre commission et quelques autres collègues, de représenter dans cette enceinte, cette question est particulièrement importante.
Vous connaissez en effet, monsieur le ministre, la place primordiale que tiennent les volontaires du service national hors de nos frontières. On les trouve surtout dans les écoles françaises de l'étranger, mais aussi dans les hôpitaux, les oeuvres publiques, les chambres de commerce, les organismes humanitaires, bref, en tous lieux où ils participent au rayonnement de la France dans le monde. Nous tenons naturellement à ce que cette action puisse se poursuivre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous sommes amenés à modifier profondément la structure même de notre armée et à demander des sacrifices à ceux qui l'ont si bien servie, nous devons lui rendre hommage. L'armée a joué dans toutes les nations et dans l'histoire un rôle essentiel.
L'orateur qui m'a précédé a cité l'auteur de La France et son armée . Pour ma part, je rappellerai une phrase de cet ouvrage : « Car enfin, pourrait-on comprendre la Grèce sans Salamine, Rome sans les légions, la Chrétienté sans l'épée, l'Islam sans le cimeterre, la Révolution sans Valmy... L'esprit militaire, l'art des soldats, leurs vertus sont une partie intégrante du capital des humains. »
Dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, tout ce qui concerne l'humain a été pris en compte ; et donc ce précieux capital sera préservé.
Telle est la raison pour laquelle le groupe au nom duquel je m'exprime votera le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation de l'armée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, le Gouvernement présente le premier texte d'application de la loi de programmation militaire votée au mois de juin dernier, et qui, entre autres dispositions, institue l'armée de métier et vise à réduire le format de nos armées.
Une fois de plus, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous étonner du fait que ce projet de loi, qui incite des milliers de cadres militaires à quitter les armées, vienne en discussion devant le Parlement avant même que celui-ci n'ait examiné et voté la suppression du service militaire.
Déjà, lors de la discussion de la récente loi de programmation militaire, le Gouvernement avait introduit à l'Assemblée nationale, par voie d'amendement, la fixation du nouveau format des armées, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial. Aujourd'hui, ce même Gouvernement nous demande d'entériner des mesures visant à encourager 17 000 officiers et sous-officiers à quitter notre outil de défense, comme si, là encore, la suppression du service militaire - que le Parlement n'a pas encore décidée ! - était un fait acquis, pour ne pas dire un fait accompli.
On peut se demander, en conséquence, à quoi rimera l'examen du projet de réforme du service national, au début de l'année prochaine.
Nous l'avions dit en juin dernier, nous le réaffirmons aujourd'hui, cette méthode n'est pas acceptable. Que se passerait-il, en effet, si, d'aventure, le Parlement adoptait, en janvier ou en février prochain, ne serait-ce qu'un amendement entrant en contradiction la loi de programmation militaire ou avec certaines dispositions du présent projet de loi ? Mais peut-être la discipline et l'abnégation sont-elles tellement fortes au sein de la majorité parlementaire que l'on puisse écarter, dès le départ, toute probabilité de réflexe républicain sur un des aspects fondamentaux de notre défense, donc de notre société...
Nous pensons plus que jamais que la suppression du service militaire est une erreur considérable. C'est inefficace, et c'est dangereux.
C'est inefficace, car bon nombre d'unités ne pourront se passer des jeunes appelés. La perte de qualification et de formation technique qu'apportent aujourd'hui les jeunes du contingent sera sensible et, par endroits, difficilement surmontable. Personne ne peut nier que les armées modernes ont besoin de plus en plus de jeunes hautement qualifiés en mécanique, en électricité, en électronique, sans parler des médecins, dentistes, infirmiers, sapeurs-pompiers, etc.
La suppression du service militaire est également dangereuse, car elle va induire dans ce pays une évolution négative du niveau de conscience civique et de l'esprit de défense. Elle est dangereuse, car elle va réduire nos armées à un corps professionnel dont la mission prioritaire sera la projection extérieure.
Nous ne sommes toujours pas rassurés sur les dérives potentielles d'une telle conception.
Le Livre blanc de 1994 soulignait à juste titre que « le service national demeure le meilleur gage de l'attachement de la nation et des citoyens à leur défense ». Certes, l'actuel service militaire est malade : l'instruction civique et militaire y est assez souvent médiocre et sommaire. De plus, les jeunes y perdent beaucoup de temps car il est trop long. Par ailleurs, il constitue pour nombre de jeunes un obstacle à la recherche du premier emploi ou un handicap dans le cursus des études et de la formation, car il y a trop de passe-droits.
Faute d'avoir été réformé à temps, il a perdu l'essentiel de sa crédibilité et une partie de son efficacité.
Au lieu de le supprimer, avec toutes les conséquences que l'on redoute, il fallait engager sa réforme pour le mettre à l'heure de cette fin de siècle et de l'évolution de notre société, pour réduire ses inconvénients et renforcer sa raison d'être, le lien principal entre le pays et ses forces armées.
Selon nous, je le rappelle encore une fois, il est possible et souhaitable d'organiser la complémentarité entre appelés du contingent et unités professionnalisées constituées en nombre plus important, ce que nous comprenons parfaitement.
La majorité de ceux qui s'intéressent à ces questions s'opposent à la suppression du service national : la plupart des organisations de jeunesse, la plupart des syndicats, les partis politiques de gauche, la commission « armées-jeunesse ». Par ailleurs, nous savons qu'un nombre non négligeable de cadres militaires et même certains de nos collègues de la majorité parlementaire ne sont pas persuadés, au fond d'eux-mêmes, de la justesse de la réforme en cours.
Allez-vous enfin tenir compte de ces avis, tout comme de l'avis d'une bonne partie de nos compatriotes qui, ne cédant pas à la facilité consistant à « caresser les jeunes dans le sens du poil », affirment leur attachement aux valeurs républicaines qui fondent l'esprit de défense ? C'est là, monsieur le ministre, mes chers collègues, la raison principale qui incite les sénateurs de mon groupe et moi-même à nous opposer au présent projet de loi.
Toutefois, nous ne sous-estimons pas le bien-fondé de certaines dispositions de ce texte, notamment celles qui renforcent la protection juridique des militaires, celles qui donnent de meilleures garanties dans le domaine des soldes de réforme pour blessures, infirmité ou maladies imputables au service.
Nous approuvons également certains amendements proposés par M. le rapporteur et adoptés par la commission, qui confortent certaines dispositions sociales positives.
De telles dispositions ne peuvent que rencontrer notre assentiment, bien sûr. Cependant, concernant le pécule, nous avons relevé certaines contradictions.
Tout d'abord, alors qu'on affirme vouloir un certain rajeunissement de l'armée, ce système du pécule ne va-t-il pas entraîner le départ des cadres les plus jeunes et les plus techniquement formés, les plus diplômés qui, soyons clairs, trouveront le plus aisément une reconversion dans les entreprises ?
Ce risque, ajouté à la fin de la conscription des jeunes diplômés et à l'arrivée d'engagés payés au SMIC et à contrats de courte durée, ne va-t-il pas « tirer nos armées vers le bas » ?
De plus, comment ne pas déplorer la différence de traitement entre les différents acteurs de la défense ? Un projet de loi pour les personnels militaires, c'est fort bien, mais pourquoi le droit commun pour les autres personnels ?
Comment ne pas penser à ces milliers de salariés des entreprises de la sous-traitance qui, pour la plupart, auront travaillé des décennies pour la défense sans bénéficier de mesures particulières lors de leur licenciement ? N'y a-t-il pas sur ce point des dispositions à prendre ?
En outre, le pécule n'étant pas automatiquement attribué au demandeur, ne court-on pas le risque qu'il soit distribué à la tête du client ? En effet, il ne peut pas y avoir de représentation paritaire au sein de l'autorité chargée de décider de cette attribution. Ne court-on pas également le risque de voir se ternir le climat des armées si de nombreuses demandes sont refusées ?
Enfin, comment peut-on préparer aussi activement le départ de 17 000 officiers et sous-officiers sans savoir comment seront recrutés les 48 000 soldats engagés de la future armée de métier ?
Au-delà de ces interrogations, ce présent projet de loi est d'abord la conséquence directe du choix de l'armée de métier que Gouvernement et Président de la République ont voulue, ont quasiment imposé au Parlement, non sans contorsions.
Vous comprendrez qu'en cohérence avec les valeurs républicaines qui animent leurs convictions en matière de défense du pays les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne puissent approuver ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat pour le travail qu'elle a accompli sur ce texte sous la présidence de M. de Villepin et qui a abouti, je l'ai déjà dit, au rapport de grande qualité de M. About.
Je voudrais également exprimer ma reconnaissance à MM. Carle, Goulet, Habert et Bimbenet pour le soutien qu'ils ont apporté, dans leurs interventions, non seulement au Gouvernement, mais surtout à la communauté militaire, qui se prépare à vivre une évolution profonde, et remercier l'ensemble des sénateurs qui ont bien voulu prendre part à ce débat, car leur participation témoigne de l'intérêt qu'ils portent à l'avenir de la communauté militaire.
Comme l'ont rappelé à l'instant MM. Daniel Goulet et Jean-Claude Carle, le Gouvernement s'est attaché à associer étroitement le Sénat à toutes les étapes de la mise en place de la réforme ambitieuse voulue par le Président de la République, et il n'est pas une semaine où je ne m'entretienne avec le président de la commission, M. de Villepin, pour étudier comment il est possible d'associer le Sénat à la préparation des textes qui vous ont été ou qui vous seront soumis.
Cette association du Parlement se poursuivra dans les semaines à venir avec le vote du projet de loi de finances, avec le débat sur le projet de loi portant réforme du service national et, enfin, avec la discussion du projet de loi relatif aux réserves.
Permettez-moi de répondre à MM. Rouvière et Bécart qui ont contesté la méthode utilisée. Je ne sais pas jusqu'à quand il faudra que je redémontre, réexpose, réexplique la méthode du Gouvernement, laquelle est pourtant claire et simple !
Si je retenais la méthode suggérée par M. Rouvière, c'est-à-dire de faire voter d'abord sur le service national ou plutôt sur le service militaire, lequel vous intéresse plus que le service national, en réalité, ce choix déterminerait la politique de la défense, le format et la nature des armées.
Ce serait marcher sur la tête ! Il est bien évident que le choix opéré pour la politique de la défense et le format des armées est subordonné aux analyses des conditions géostratégiques et de la nature des menaces. Il est en effet demandé au ministère de la défense de mettre en oeuvre les moyens pour défendre le pays et le Président de la République lui-même a fait un choix, annonçant qu'il optait pour l'armée professionnelle.
Le service militaire, tel qu'il existe, ne se justifie plus, puisque toute la ressource apportée par le service militaire à l'armée n'est plus nécessaire. En conséquence, le premier choix, opéré en fonction des conditions géostratégiques et de l'analyse de la défense, et décidé par un vote du Parlement, le vote de la loi de programmation militaire, a consisté à renoncer à l'armée de conscription pour l'armée professionnelle.
En conséquence encore, le format des armées est remis en cause et la deuxième étape consiste donc à examiner les moyens d'inciter un certain nombre d'officiers et de sous-officiers à quitter les armées, et cela dans les meilleures conditions.
Quant à la troisième étape, elle consistera effectivement à se déterminer entre le maintien du service national obligatoire - dont la vocation ne pourra qu'être civile, puisque la vocation militaire ne correspondrait pas à la situation future - sa suppression totale ou, enfin, la troisième solution que j'aurai l'honneur de vous présenter dans quelques semaines.
De grâce, monsieur Rouvière, de grâce, monsieur Bécart, ne dites pas que le Parlement est une chambre d'enregistrement ! Il a été consulté et la commission de Villepin a débattu durant plusieurs semaines, au cours de séances très passionnantes, de l'avenir du service national, sur lequel vous aurez l'occasion de nous exprimer à nouveau lors de l'examen du projet de loi que j'aurai l'honneur de vous présenter.
Voila la première observation que je voulais faire à la suite des propos que vous avez tenus.
Ma deuxième réflexion concerne votre analyse sur le fait que nous allons faire primer l'intérêt général sur l'intérêt particulier. Je dois reconnaître que j'ai été étonné d'une telle analyse. Il est évident que nous allons faire primer l'intérêt de la défense nationale sur l'intérêt individuel et que toute notre démarche consiste à mettre en oeuvre une défense nationale ! Toutefois, comme nous ne voulons pas que les officiers, les sous-officiers et les soldats qui ont dévoué leur vie à la cause de la France en supportent les conséquences dans leur famille, dans leur vie personnelle, nous vous présentons aujourd'hui ce projet de loi que nous vous demandons d'adopter.
J'ai entendu M. Bécart dire que s'il n'était pas d'accord sur le service militaire, il estimait que certaines mesures n'étaient pas trop mauvaises et que, dans un certain nombre de cas, elles étaient même tout à fait adaptées.
Je relève que vous, monsieur Rouvière, n'avez pas parlé de ces mesures. Qui ne dit mot consent ! (Sourires.)
M. André Rouvière. Cette déduction n'engage que vous, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Millon, ministre de la défense. C'est la raison pour laquelle je compte bien sur votre soutien tout à l'heure quand j'aurai donné les explications que vous attendez sur le pécule.
Je ne reviendrai pas en détail sur ce projet de loi, qui a été décrit et commenté avec talent et précision par votre rapporteur.
Le premier point que je voudrais évoquer, et qui a été souligné par un certain nombre de sénateurs, c'est que ce texte est la traduction solennelle de l'engagement pris par le Président de la République quant aux conditions de la mise en oeuvre de la professionnalisation. Chose promise, chose due !
Le Président de la République avait, lors de la mise en place de cette réforme, annoncé un certain nombre de mesures ; elles vous sont aujourd'hui soumises. M. Nicolas About l'a rappelé dans son rapport, ce projet de loi a pour objectif de garantir la capacité opérationnelle de nos forces pendant la période de professionnalisation.
Ainsi, en rendant le métier de militaire attractif, en rajeunissant l'encadrement, en recrutant les engagés dont les armées ont besoin, il s'agit bien de contribuer à la disponibilité et à la capacité opérationnelle des unités.
A cet égard, je voudrais rassurer M. Jean-Claude Carle en rappelant que l'armée de terre a, depuis cinq ans, procédé à des réorganisations qui lui ont déjà permis de tirer les conséquences du conflit du Golfe, par exemple en affectant des engagés dans les unités équipées de matériels lourds, ce qui n'était pas le cas en 1990.
Les postes d'engagés créés année après année tout au long de la période couverte par la loi de programmation viendront renforcer encore l'aptitude opérationnelle des unités.
Pour apaiser les inquiétudes manifestées par Jacques Habert sur le recrutement des engagés, je voudrais préciser que le maintien du service militaire pendant toute la durée de la phase de transition va permettre aux armées de continuer à recruter, pendant de nombreux mois, un nombre significatif d'engagés parmi les volontaires service long - VSL. Au-delà, il sera évidemment nécessaire de recourir à des méthodes originales de recrutement pour lesquelles les armées ont déjà formulé des propositions, telles que la décentralisation au niveau des unités.
Vous avez tous insisté sur l'importance de l'enjeu de la reconversion, certains ont parlé de défi, ce qui n'est pas excessif. Comme vous l'avez constaté, le ministère de la défense possède déjà une certaine expérience dans ce domaine. Cependant - je le dis à l'attention des sénateurs qui douteraient de notre volonté en la matière - l'affirmation plus claire d'un droit statutaire à la reconversion, d'une part, l'amélioration sensible des moyens de le mettre en oeuvre, d'autre part, constituent toute l'originalité et toute la portée du projet de loi. Je sais que votre commission a souhaité, par voie d'amendements, aller encore plus loin dans ce sens. Nous y reviendrons à l'occasion de la discussion des articles.
S'agissant du pécule, sur lequel MM. Rouvière et Bécart m'ont interpellé, la procédure d'agrément existe, comme dans bien d'autres domaines. Elle est toujours fondée sur des candidatures qui sont examinées par l'administration selon des critères connus. Le pécule donnera donc lieu à une procédure garantissant la transparence et le droit de recours. Ce sont des obligations qui s'imposent à toutes les administrations. Sont décrits dans le rapport les critères qui donneront lieu à directives.
Je précise encore, pour ce qui est de la reconversion dont on débattra parallèlement aux dispositions sur le pécule, que les propos tenus par certains comportent une contradiction.
Selon eux, du fait de ce droit statutaire à la reconversion, de cette offre de possibilité de reconversion, ce seront les meilleurs qui partiront et on se retrouvera avec une armée que les cadres les plus brillants auront quittée. Mais, parallèlement, les mêmes expliquent, à cette tribune, qu'il faut laisser la possibilité à chacun de décider s'il veut rester ou non dans l'armée et qu'aucun critère ne doit en réalité s'appliquer.
On ne peut pas avoir le tout et l'inverse de tout ! Il y aura des critères, des acceptations et des refus seront prononcés en fonction des nécessités du service et de la défense nationale. Ces critères seront objectifs ; ils seront expliqués. Je rassure donc MM. Rouvière et Bécart : notre approche n'est pas totalement obscure. Elle est transparente et permettra, j'en suis sûr, à chacun des officiers et des sous-officiers qui voudront opter pour la reconversion de le faire en toute clarté.
Je crois maintenant indispensable de réaffirmer, comme certains orateurs l'ont fait, que les conditions de la professionnalisation des armées garantiront le maintien du lien entre l'armée et la nation. Que ce soit grâce à l'affirmation du rôle et de la place des réserves ou grâce à la présence de jeunes Français volontaires pour le nouveau service national, que j'aurai l'honneur de vous présenter au cours des semaines à venir, le Gouvernement est en effet attentif au maintien de ce lien auquel nos armées sont elles-mêmes profondément attachées.
Ce lien sera également entretenu par les échanges permanents entre société civile et société militaire, par les échanges permanents que multipliera le développement des carrières courtes suivies d'une reconversion dans le civil.
Ce projet de loi, comme vous avez pu le constater, traduit l'attention très soutenue que porte le Gouvernement aux personnels de la défense et à la façon dont ils vont vivre cette transformation sans équivalent.
Je tiens maintenant à apporter à la Haute Assemblée des informations relatives aux conditions faites au personnel civil suite à la concertation qui a abouti à un accord avec les organisations syndicales.
Hier, la séance solennelle de l'instance de concertation sur les restructurations a été l'occasion de conclure avec six organisations syndicales sur sept un accord qui, après plusieurs mois de négociations, traduit le respect des engagements pris par le Gouvernement à l'égard des personnels civils : garantie de non-licenciement - je m'adresse là en particulier à M. Rouvière - garantie du respect du statut, du maintien de la rémunération et des perspectives de carrière ; garantie quant aux conditions de recours au dégagement des cadres ou à la cessation anticipée d'activité ; amélioration substantielle des indemnités de mobilité géographique, laquelle sera fondée sur le volontariat.
A l'évidence, c'est un même esprit de responsabilité, un même sens de l'intérêt national qui s'expriment aujourd'hui chez les personnels militaires comme chez les personnels civils de la défense. C'est ce que le ministère a voulu acter en prenant ces mesures - j'allais dire parallèlement.
En votant ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous donnerez au Gouvernement les moyens de mener à bien la professionnalisation des armées, mais vous permettrez aussi à la communauté de la défense tout entière, civile et militaire, de prendre pleinement sa part dans cette réforme essentielle pour l'avenir du pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

DU PÉCULE

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. _ A compter du 1er janvier 1997 et jusqu'au 31 décembre 2002, les militaires de carrière servant en position d'activité, se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de leur grade et faisant valoir leurs droits à pension militaire de retraite et qui justifient d'au moins vingt-cinq années de services militaires effectifs pour les officiers et d'au moins quinze années de tels services pour les sous-officiers, peuvent bénéficier d'un pécule sur demande agréée par le ministre chargé des armées.
« Le pécule, incitation au départ anticipé, est accordé en fonction des besoins de la gestion des effectifs au regard des objectifs de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002. »
Par amendement n° 1 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Un pécule d'incitation au départ anticipé est institué à compter du 1er janvier 1997 jusqu'au 31 décembre 2002. Il peut être accordé, sur demande agréée par le ministre chargé des armées, au militaire de carrière en position d'activité, se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son grade et qui fait valoir ses droits à une pension militaire de retraite. La durée minimum de services militaires effectifs pour prétendre au bénéfice du pécule est de vingt-cinq années pour les officiers et de quinze années pour les sous-officiers et officiers mariniers.
« Ce pécule est accordé en fonction des besoins de la gestion des effectifs au regard des objectifs de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'un amendement essentiellement rédactionnel.
La nouvelle formulation proposée permet notamment d'inscrire, dès le début de l'article 1er, l'objet du dispositif, à savoir la création, à titre provisoire, d'un pécule. Elle intègre par ailleurs la précision, opportunément apportée par l'Assemblée nationale, quant à la qualification et à la finalité du pécule, c'est-à-dire l'incitation au départ anticipé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. L'objet du pécule est bien une incitation au départ anticipé. La rédaction proposée est mieux équilibrée et plus précise que celle du Gouvernement. Je ne peux donc qu'être favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Article 2

M. le président. « Art. 2. _ Le montant du pécule institué à l'article 1er de la présente loi est fixé, pour le militaire qui se trouve à plus de dix ans de la limite d'âge de son grade, à quarante-cinq mois de la solde indiciaire brute dont il bénéficie à la date d'attribution du pécule ; ce montant est réduit de cinq mois de solde par année de service effectuée de dix ans à moins de sept ans de la limite d'âge du grade, puis de quatre mois par année de service supplémentaire.
« Les pécules accordés en 1999 et 2000 sont réduits d'un dixième ; ceux accordés en 2001 et 2002 le sont de deux dixièmes.
« Le pécule est exonéré de l'impôt sur le revenu. » - (Adopté.)

Article 3

M. le président. L'article 3 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Articles 4 et 5

M. le président. « Art. 4. _ Un pécule réduit des quatre cinquièmes est attribué aux militaires de carrière admis au bénéfice des dispositions des articles 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat. » - (Adopté.)
« Art. 5. _ Le militaire de carrière admis dans un des emplois des collectivités énumérées à l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut pas bénéficier de l'attribution du pécule prévu par les présentes dispositions.
« Toute admission ou réintégration dans un de ces emplois entraîne, pour le militaire bénéficiaire des dispositions des articles premier et 2, l'obligation de reverser le pécule perçu, dans un délai d'un an. » - (Adopté.)

TITRE II

DE LA RECONVERSION

Article additionnel avant l'article 6

M. le président. Par amendement n° 2, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 30 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972, portant statut général des militaires, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Reconversion

« Art. 30 bis . - Le militaire de carrière ou sous contrat peut bénéficier, au cours de son service dans les armées, de dispositifs d'évaluation et d'orientation professionnelles destinés à préparer, le moment venu, son retour à la vie civile active.
« Art. 30 ter. - Le militaire de carrière ou sous contrat, quittant définitivement les armées, peut bénéficier, pendant une durée maximum de douze mois, de congés de reconversion lui permettant de suivre les actions de formation adaptées à son projet professionnel.
« Les articles 53, 57 et 65-2 de la présente loi précisent les conditions d'application des congés de reconversion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement tend à insérer au titre Ier du statut général des militaires, portant dispositions générales, un chapitre V nouveau intitulé « Reconversion ».
Il importe, en effet, de traduire clairement et de façon visible, dans le texte de base concernant la vie militaire, l'importance de la reconversion dans le déroulement du métier militaire, que celui-ci relève de la carrière ou du contrat.
En l'insérant, dans le cadre du titre Ier du statut, au sein du chapitre, la notion de reconversion est placée, en quelque sorte, à égalité avec les autres dispositions que sont, notamment, les droits civils et politiques - chapitre Ier - ou les obligations et responsabilités du militaire - chapitre II.
Ce chapitre nouveau comporte deux articles : le premier tend à consacrer, dans le projet de loi, les actions d'évaluation et d'orientations professionnelles dont les militaires peuvent bénéficier pendant leur service dans les armées. Ces actions sont nombreuses, diversifiées, et ne relèvent jusqu'à présent que de dispositifs réglementaires ou conventionnels. L'amendement permet d'en consacrer l'existence et la pérennité dans la loi.
Le second article vise la période de reconversion qui, à la fin du métier militaire, sous la forme de deux types de congés - reconversion et complémentaire de reconversion - peut atteindre un maximum de douze mois. Il importe de mentionner explicitement cette durée globale à laquelle le militaire peut prétendre, qui correspond d'ailleurs à la durée du congé de formation prévu par le code du travail. L'article nouveau précise par ailleurs le contenu de ces congés. La formation retenue est la plus large possible afin de n'exclure aucun outil de nature à répondre au projet professionnel du militaire qui souhaite se reconvertir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. En effet, dans le texte qu'il a présenté, le droit à la reconversion gagera l'attractivité de l'engagement : les jeunes s'engageront d'autant plus dans les armées - et je réponds là à des questions qui ont été posées - qu'ils sauront que, au terme de leur engagement, ils pourront bénéficier d'une vraie reconversion. Pour reprendre une expression habituelle, le « ticket de sortie » conditionnera le « ticket d'entrée ». C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit reconnu ce droit à la reconversion.
La rédaction proposée par la commission permet de souligner de manière plus forte encore l'importance de la reconversion, conçue comme un élément à part entière du statut général des militaires.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 6.

Article 6

M. le président. « Art. 6. _ La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est ainsi modifiée :
« I. _ L'article 53 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un congé de reconversion avec solde accordé dans l'intérêt du service, d'une durée maximum de six mois. Toutefois, la solde est suspendue ou réduite dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsque le militaire exerce une activité publique ou privée rémunérée. A l'expiration du congé de reconversion, le militaire est rayé d'office des cadres ou placé en congé complémentaire de reconversion prévu au 8° de l'article 57 ci-après. »
« II. _ L'article 57 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° En congé complémentaire de reconversion. »
« III. _ Après l'article 65-1, il est inséré un article 65-2 ainsi rédigé :
« Art. 65-2 . _ Le congé complémentaire de reconversion est la situation du militaire de carrière qui, ayant bénéficié du congé de reconversion prévu au 5° de l'article 53 ci-dessus, est admis sur sa demande à cesser de servir dans les armées aux fins de poursuivre sa préparation à l'exercice d'une profession dès le retour dans la vie civile.
« Ce congé est accordé pour une période d'une durée maximale de six mois, pendant laquelle le militaire perçoit la solde indiciaire nette, la prime de qualification, l'indemnité de résidence et les suppléments pour charges de famille. Ces émoluments sont suspendus ou réduits dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération publique ou privée.
« Le temps passé en congé complémentaire de reconversion compte pour l'avancement et pour les droits à pension de retraite.
« Les articles 20, 21 et 22 de la présente loi sont applicables aux militaires en congé complémentaire de reconversion.
« Le militaire en congé complémentaire de reconversion ayant acquis des droits à pension de retraite peut être mis à la retraite, sur sa demande, en cours de congé. Il est mis d'office dans cette position à l'expiration de son congé. Celui qui n'a pas acquis de droits à pension de retraite est tenu de démissionner de son état de militaire de carrière. »
« IV. _ La seconde phrase du second alinéa de l'article 82 est ainsi rédigée :
« Néanmoins, les dispositions des articles 32, 35, 43, 51, 53 à 56, 57 (1°, 2°, 7° et 8°), 60, 65-1 et 65-2 lui sont applicables. »
« V. _ L'article 94 est ainsi rédigé :
« Art. 94 . _ Le premier alinéa de l'article 33 et les articles 35, 53 à 56, 57 (1°, 5°, 7° et 8°), 63, 65-1 et 65-2 de la présente loi sont applicables aux engagés. »
Par amendement n° 3 rectifié, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du texte présenté par le paragraphe I de cet article pour le 5° de l'article 53 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : « A l'expiration du congé de reconversion, le militaire qui n'est pas placé en congé du personnel navigant prévu au 5o de l'article 57 ci-après ou en congé complémentaire de reconversion prévu au 8° de ce même article est soit mis d'office à la retraite, soit tenu de démissionner de son état de militaire de carrière s'il n'a pas acquis de droits à pension de retraite. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser la situation du militaire au moment où se termine son congé de reconversion.
A ce moment, le militaire cessera de se trouver en situation d'activité et, s'il ne choisit pas les deux situations d'inactivité précédant la retraite que sont, d'une part, le congé du personnel navigant et, d'autre part, le congé complémentaire de reconversion, il sera soit mis d'office à la retraite, soit tenu de démissionner de son état de militaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. About, au nom de la commission, propose de remplacer les deux dernières phrases du dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe III de l'article 6 pour l'article 65-2 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires par une phrase ainsi rédigée : « A l'expiration de son congé, il est soit mis d'office à la retraite, soit tenu de démissionner de son état de militaire de carrière s'il n'a pas acquis de droits à pension de retraite. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel qui procède du même esprit que le précédent. Il précise la situation du militaire à l'issue du congé complémentaire de reconversion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 5, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer, après le paragraphe IV de l'article 6, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« IV bis. - Au dernier alinéa de l'article 93, les mots : "deux mois" sont remplacés par les mots : "six mois". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement vise à prolonger le délai de préavis avant la dénonciation du contrat d'engagement de deux à six mois, et ce par souci de cohérence avec la durée du congé de reconversion auquel peut prétendre l'engagé avant son départ des armées, qui est de six mois maximum.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Cet amendement est très logique puisqu'il vise à faire correspondre le temps du préavis et la durée du congé de reconversion. Il est tout à fait conforme à l'exigence de clarté des perspectives individuelles dont j'ai fait état il y a quelques instants. C'est pourquoi le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
M. André Rouvière. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
M. André Rouvière. Le groupe socialiste s'abstient également.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. « Art. 7. _ Dans les premier et dernier alinéas de l'article 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois civils, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2002". » - (Adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Articles 8, 8 bis et 9 à 12

M. le président. « Art. 8. _ Après l'article 16 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 précitée, il est inséré un article 16-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-1 . _ Les militaires ne peuvent être condamnés sur le fondement du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de leurs fonctions que s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie. » - (Adopté.)
« Art. 8 bis _ L'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La pension des militaires n'est pas assimilée à un avantage vieillesse avant l'âge de soixante ans. » - (Adopté.)
« Art. 9. _ Le 1° de l'article L. 7 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, ils ont la faculté de renoncer à la solde de réforme afin de bénéficier des dispositions de l'article L. 65 du présent code. L'option formulée par ces militaires le jour de la radiation des cadres est définitive. » - (Adopté.)
« Art. 10. _ I. _ Dans le premier alinéa de l'article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après les mots : "pension ou une solde de réforme", sont insérés les mots : ", ou qui a renoncé à cette dernière dans les conditions prévues au 1° de l'article L. 7,". »
« II. _ Le troisième alinéa de l'article L. 65 du même code est complété par les mots : ", ou qui a renoncé à cette dernière dans les conditions prévues au 1° de l'article L. 7". » - (Adopté.)
« Art. 11. _ La faculté de renoncer à la solde de réforme et d'opter pour une affiliation rétroactive au régime général des assurances sociales prévue aux articles L. 7 et L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'applique aux militaires dont la radiation des cadres est postérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi. » - (Adopté.)
« Art. 12. _ Dans chacun des derniers alinéas des articles 5 et 6, et dans le premier alinéa de l'article 7 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975 précitée, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2002". » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 12

M. le président. Par amendement n° 6, M. About, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le sous-officier ou assimilé de carrière du grade de major, d'adjudant-chef ou du grade correspondant, du grade de gendarme, réunissant au moins vingt-cinq ans de services et qui se trouve à plus de quatre ans de la limite d'âge de son grade, peut, sur demande agréée par le ministre chargé des armées, être admis au bénéfice d'une pension de retraite calculée sur les émoluments de base afférents à l'échelon le plus élévé de son grade.
« Le sous-officier ou assimilé de carrière d'un grade au plus égal à celui d'adjudant ou du grade correspondant et qui réunit les conditions fixées à l'alinéa précédent peut, sur demande agréée par le ministre chargé des armées, être admis au bénéfice d'une pension de retraite calculée sur les émoluments de base afférents à l'échelon de solde du grade supérieur déterminé par l'ancienneté de services qu'il détient au moment de sa radiation des cadres.
« Le nombre de sous-officiers ou assimilés de carrière appelés à bénéficier des dispositions des deux premiers alinéas du présent article sera fixé, chaque année, par grade et par corps. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement est destiné à ouvrir, sous certaines conditions, le bénéfice de la pension de retraite au grade supérieur à certains sous-officiers.
Certes, l'amendement proposé ne permet pas, dans la situation budgétaire actuelle, qui est extrêmement contraignante, d'associer au bénéfice de cette retraite au grade supérieur celui du cinquième du pécule que l'article 4 du présent projet accorde aux officiers. Egalement pour la même raison, il n'aurait pas été réaliste de poser comme ancienneté minimale requise pour prétendre à cette mesure la durée nécessaire au bénéfice de la pension de retraite à jouissance immédiate pour les sous-officiers, à savoir quinze ans de service : la population éligible aurait dépassé dans cette hypothèse les 100 000 personnes.
C'est pourquoi le dispositif proposé s'articule de la façon suivante. Les sous-officiers ou assimilés de carrière, de grade de major, d'adjudant-chef ou de gendarme peuvent prétendre à une pension de retraite calculée sur la base de l'échelon le plus élevé de leur grade s'ils ont vingt-cinq ans de service et s'ils sont à plus de quatre ans de la limite d'âge de leur grade.
De même, les sous-officiers d'un grade au plus égal à celui d'adjudant ou assimilé, sous réserve qu'ils réunissent la double condition ci-dessus, pourront bénéficier d'une pension de retraite calculée sur la base de l'échelon du grade supérieur.
Dans tous les cas, le bénéfice de ces mesures résultera d'une demande agréée par le ministre de la défense, sur la base d'un quota fixé annuellement par grade et par corps.
Cette disposition s'inscrit donc dans une démarche d'équité pour les sous-officiers et permettra aux armées, au-delà même de la période couverte par la programmation, de bénéficier d'un bon outil de gestion.
Peut-être l'article 40 de la Constitution pourrait-il être opposé à cette proposition. Mais, au fond, je ne le crois pas puisque la fixation d'un quota permet d'encadrer les dispositions proposées. J'espère donc qu'il sera possible d'insérer cet article additionnel dans le projet de loi pour servir les intérêts des sous-officiers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Millon, ministre de la défense. Monsieur le rapporteur, je sais que l'amendement dont vous proposez l'adoption a été rédigé dans le seul souci d'améliorer le dispositif que prévoit le projet gouvernemental au profit des militaires. C'est pourquoi je souhaiterais vous indiquer que les informations que m'ont communiquées les états-majors confirment que les dispositions prévues dans le texte qui a été soumis à votre assemblée permettront d'atteindre les objectifs fixés par la loi de programmation.
Cela me conduit, à considérer que, si attractive soit-elle, la mesure que vous souhaitez voir mettre en oeuvre au profit des sous-officiers n'est pas indispensable.
Je voudrais aussi et surtout appeler votre attention sur le fait que l'adoption de cet amendement introduirait une mesure nouvelle, laquelle engendrerait deux types de dépenses qui n'ont été prévues ni dans la loi de programmation militaire, ni dans le projet de loi de finances pour 1997 qui vous sera bientôt soumis : il s'agit, d'une part, d'une dépense liée à l'attribution de la retraite au grade ou à l'échelon supérieur et, d'autre part, d'une dépense induite, en termes de pension, par le départ anticipé à la retraite des bénéficiaires.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le rapporteur, sans soulever la question de la recevabilité de l'amendement ni celle de sa compatibilité budgétaire avec la loi de programmation, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 6 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Nicolas About, rapporteur. Monsieur le ministre, je crois entendre, à travers vos propos, les échos de la classique guerre de la raison et du coeur.
J'ai l'impression, pour vous connaître, que vous approuveriez plutôt la proposition qui vous est faite, mais qu'un impératif vous retient de céder à cet élan de générosité. Pour ne pas me voir opposer l'article 40, et en espérant toutefois que vous reviendrez un jour - peut-être en 2002 - sur cette mesure afin d'offrir un véritable outil de gestion à votre ministère, je retire aujourd'hui l'amendement.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Merci !
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

Articles 13 et 14

M. le président. « Art. 13. _ Les militaires pensionnés visés à l'article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite bénéficient du revenu de remplacement prévu à l'article L. 351-1 du code du travail. » - (Adopté.)
« Art. 14. _ Le Gouvernement présentera chaque année dans le rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire, prévu à l'article 4 de la loi n° 96-589 du 2 juillet 1996, un état de l'exécution de la présente loi. » - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. Si fidèle soit l'amitié que l'on voue à un homme, si grande soit l'affection qu'on lui porte, si ses mérites lui ont valu un jour d'accéder à une fonction importante dans la République et qu'il propose au vote du Parlement une politique que, en conscience, on croit devoir refuser, le devoir, sans méconnaître l'amitié et même en l'invoquant, est de dire non.
J'ai voté, pour des raisons que je n'ai pas développées de nouveau, contre la loi de programmation militaire. Je suis d'une génération qui sait de quel prix une nation paie l'insuffisance de son effort de défense. Mon âge me permet d'évoquer les risques que même un pays comme la France peut courir un jour, en état de décadence ou d'explosion sociale, avec une armée totalement professionnalisée.
De même que je m'inscris contre la loi de programmation parce qu'elle dénature ce que devrait être notre armée dans la nation, parce qu'elle ne lui donne pas les moyens à la mesure des périls qui pèsent sur la France et que notre pays aura à affronter au cours du deuxième millénaire, de même je vote aujourd'hui, - hélas ! avec infiniment de tristesse - contre ce projet de loi qui s'inscrit dans ce dispositif et je voterai contre le texte que vous nous soumettrez dans quelques semaines. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Le Grand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.
Ce projet de loi constitue la première traduction pratique des dispositions de la loi de programmation militaire. Le groupe de l'Union centriste ayant voté, dans sa majorité, cette dernière, il lui a paru cohérent de vous apporter son soutien concernant ce premier volet législatif, dont nous n'ignorons pas qu'il sera suivi de deux autres, l'un portant sur les réserves, l'autre sur la refonte du service national. Vous connaissant, monsieur le ministre, nous savons que c'est avec le souci des personnels civils et militaires de la défense que les dispositifs prévus par ces textes de loi seront appliqués.
La réforme des armées était rendue nécessaire par l'évolution du contexte géostratégique en Europe. Malgré les lourdes restrictions budgétaires qui pèsent sur votre budget comme sur tous les budgets de l'Etat, nous considérons qu'une saine professionnalisation, respectant à la fois les contraintes de diminution d'effectifs et de remodelage en profondeur de nos armées, et essentiellement de l'armée de terre, que je connais bien, je l'ai déjà dit, qui est la principale concernée par ces dispositions, s'imposait.
Nous ne doutons pas une seule seconde que la mise en application par l'autorité gouvernementale, au travers des décrets d'application, des principales dispositions contenues dans ce projet de loi sera effectuée dans le respect de ces centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont choisi de servir leur partie dans l'armée.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions car elles me paraissent découler logiquement et naturellement des grandes options définies par le Président de la République et actées par le Parlement de la nation.
Le groupe de l'Union centriste souhaite que les autres dispositions législatives soient rapidement soumises à la représentation nationale afin que, sans délai, la France puisse procéder d'une façon optimale et profondément humaine à une redéfinition de sa défense au service non seulement de la République mais aussi de la construction européenne.
Fort de ces considérations, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi en espérant qu'il permette le maintien de l'armée française au plus haut niveau des armées du monde occidental. Cette réforme est nécessaire ; votre Gouvernement, monsieur le ministre, a eu le courage de l'engager, et nous aurons, quant à nous, le courage de l'approuver et de vous suivre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui est l'un des aboutissements de la démarche volontaire et cohérente du Président de la République, Jacques Chirac, qui n'a cessé, avant même le début de son mandat, d'insister sur la nécessité de repenser l'ensemble de la politique de défense française.
Les deux mots clés de la réforme sont modernisation et professionnalisation. Ces principes donneront à la France « un instrument militaire capable de frapper, au besoin sans délai », une armée réduite et mobile telle que la projetait le général de Gaulle dès les années trente.
Le présent projet de loi est donc l'un des aspects de cette réforme globale, et non des moindres, puisqu'il s'agit d'un véritable défi humain qui consiste à assurer la recomposition des armées en six ans par une nette diminution du nombre des cadres militaires, tout en préparant un doublement du recrutement des engagés.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l'effort financier qui est consenti pour le départ et la reconversion des cadres militaires, et qui permet de récompenser ceux qui assurent la défense de la nation, parfois au péril de leur vie.
Le Sénat, conscient de ce que la nation doit à ses soldats, a souhaité mettre l'accent sur la clarification du statut des militaires et renforcer les dispositions qui leur permettront de prendre un nouveau départ après une carrière dans l'armée.
La réforme est ambitieuse et va dans le bon sens. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera, dans sa très grande majorité, ce projet de loi, avec la conviction de servir ainsi la nation et son armée. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur celles de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je confirme le bien-fondé de cette réforme née dans la concertation et le dialogue afin d'assurer la sécurité et la défense de notre pays.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants votera ce projet de loi, enrichi par les amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, vous avez remercié ceux qui ont soutenu ce projet de loi d'avoir ainsi apporté leur appui à l'armée.
A cet égard, je tiens à ce qu'il n'y ait aucune confusion ni d'interprétation erronée. Le fait de ne pas soutenir votre projet de loi ne signifie pas que le groupe socialiste ne soutient pas l'armée. C'est justement parce que nous soutenons celle-ci que nous sommes hostiles à votre texte. Il faut être très clair.
Vous nous avez expliqué votre logique. Nous sommes, quant à nous, sensibles à une autre logique. Nous aurions souhaité, comme d'autres, que la question du service militaire soit un élément déterminant de la loi de programmation militaire. Vous avez opéré un autre choix ; c'est votre droit. Nous nous fondons sur un raisonnement différent, et c'est également notre droit.
Je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez omis de répondre à une question importante que j'ai formulée à plusieurs reprises : pourquoi n'utilisez-vous pas les crédits votés par le Parlement pour l'équipement de nos armées ? La réponse est vitale pour l'industrie aéronautique. Allez-vous passer des commandes ? Quand le ferez-vous ? Quel en sera le nombre ? Il s'agit d'une question de survie pour nos industries de l'armement et, en particulier, de l'aéronautique et non d'une question bassement politicienne.
Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous ayez retiré l'amendement n° 6 après que M. le ministre vous eut répondu que cette mesure n'était pas indispensable pour les sous-officiers.
Sur ce point aussi, monsieur le ministre, nous nous situons dans une logique très différente. Il s'agit, pour nous, d'une question de justice et d'égalité. Comme vous pouvez le constater, notre vision des choses est tout autre.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je répondrai brièvement à certaines interrogations qui viennent d'être exprimées.
Je précise, en particulier, à M. Rouvière que nous avons proposé non pas des mesures catégorielles, mais des moyens de gestion. Dès lors, et c'est vrai, son approche ne correspond pas à la nôtre. Toutefois, il ne s'agit pas de justice ou d'injustice. En effet, la situation sera inchangée pour ceux qui resteront au sein de l'armée. En revanche, ceux qui pourront ou voudront quitter celle-ci et qui répondront aux critères requis bénéficieront des dispositions que vous venez de voter.
Vous m'avez également interrogé à propos de certaines commandes qui n'auraient pas été passées par le ministère de la défense. Si je ne vous ai pas répondu au cours de ce débat, c'est parce que tel n'en était pas l'objet. Dans quelques jours, je viendrai défendre le budget du ministère de la défense pour 1997. Je répondrai alors à toutes vos questions, mais, d'ores et déjà, je peux vous affirmer que la réforme que nous avons engagée concerne non seulement les armées et la délégation générale pour l'armement, mais aussi nos relations avec les industries de l'armement.
C'est la raison pour laquelle des négociations sont actuellement engagées entre mon ministère et les industriels de l'armement pour mettre au point les commandes pluriannuelles et de nouveaux types de relations avec ces derniers, comme je m'y étais engagé. Voilà ce qui explique peut-être les retards auxquels vous avez fait allusion.
Enfin, je tiens à dire à M. Hamel que je lui ai déjà répondu lors de l'examen de la loi de programmation. Celle-ci est devenue la loi de la République puisqu'elle a été votée par le Parlement et il convient maintenant de définir, dans le cadre de cette loi de programmation, un certain nombre de mesures.
C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré que M. Hamel vote ce texte. En effet, même s'il était hostile à la loi de programmation, il convient de mettre en place les mesures qui permettront la professionnalisation des armées, puisqu'elle a été adoptée par le Parlement français et est devenue une référence.
Je vous remercie d'avoir souligné l'enjeu humain de ce projet de loi. Vous connaissez le souci du ministère de la défense à l'égard des personnels militaires - vous venez de le constater - et des personnels civils. Nous l'avons démontré hier en concluant un accord avec les organisations syndicales. Je remercie donc le Sénat qui, dans sa majorité, m'a apporté son soutien.
La communauté militaire, monsieur Rouvière, sera reconnaissante, non seulement à celles et à ceux qui ont voté ce texte, mais aussi à celles et à ceux qui ont bien voulu participer à son examen et s'intéresser à l'avenir de la communauté militaire. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Xavier de Villepin, Nicolas About, Michel Caldaguès, Serge Vinçon, Guy Robert, André Rouvière et Jean-Luc Bécart.
Suppléants : MM. Didier Borotra, André Boyer, Jean Clouet, Claude Estier, Jean Faure, Daniel Goulet et Maurice Lombard.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Paul Loridant, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Michelle Demessine, MM. Jean-Luc Bécart, Claude Billard, Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de la Commission en vue d'un règlement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil visant à accélerer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (n° E-719).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 83, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, M. Paul Loridant, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Michelle Demessine, MM. Jean-Luc Bécart, Claude Billard, Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Félix Leyzour, Louis Minetti, Robert Pagès, Jack Ralite et Ivan Renar une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur les propositions de règlement du Conseil sur l'introduction de l'Euro (article 109 1 (4) CE) et sur certaines dispositions y afférentes (article 235 CE) (n° E-720).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 84, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique sur la coopération douanière et l'assistance mutuelle en matière douanière.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-732 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement CE du Conseil modifiant les règlements CE n° 3355/94, CE n° 3356/94 et CE n° 3357/94 relatifs au régime applicable aux importations dans la Communauté de produits originaires des Républiques de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Slovénie et de l'ancienne République yougoslave de Macédoine.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-733 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil sur les modifications à apporter à l'arrangement de l'OCDE relatif à des lignes directrices pour les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-734 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts en faveur de projets réalisés à l'extérieur de la Communauté (Europe centrale et orientale, pays méditerranéens, Amérique latine et Asie, Afrique du Sud).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-735 et distribuée.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Genton un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur les activités de la délégation : suivi de la Conférence intergouvernementale, questions économiques, examen des propositions d'acte communautaire (juillet-octobre 1996).
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 82 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 21 novembre 1996, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. - Discussion du projet de loi (n° 57, 1996-1997) d'habilitation relatif à l'extension et à l'adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte des dispositions législatives du titre premier du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de l'établissement public de santé territorial de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale.
Rapport (n° 72, 1996-1997) de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
2. - Discussion du projet de loi (n° 493, 1995-1996) portant ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 96-1 du 2 janvier 1996 d'habilitation relative à l'extension et à l'adaptation de la législation en matière pénale applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte et abrogeant certaines dispositions concernant les îles éparses et l'île de Clipperton.
Rapport (n° 65, 1996-1997) de M. Jean-Marie Girault, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
3. - Discussion du projet de loi (n° 56, 1996-1997) portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 prise en application de la loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation relative au statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte.
Rapport (n° 77, 1996-1997) de M. François Blaizot, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
4. - Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 58, 1996-1997) relatif à l'Union d'économie sociale du logement.
Rapport (n° 78, 1996-1997) de M. Marcel-Pierre Cleach, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans la discussion générale
du projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 1997 est fixé au mercredi 20 novembre 1996, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 1997

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1997 est fixé au jeudi 21 novembre 1996, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

Jacques Braconnier pour siéger au sein du comité de liaison pour le transport des personnes handicapées en remplacement de M. Maurice Lombard.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Utilisation des crédits accordés à l'office franco-allemand
pour la jeunesse au titre de l'année 1996

507. - 15 novembre 1996. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de M. le ministre délégué à la jeunesse et aux sports sur l'utilisation des crédits accordés à l'office franco-allemand pour la jeunesse au titre de l'année 1996. A la suite de l'annonce, il y a un an, de la diminution de 5 % du budget de cet organisme, la commission des finances de l'Assemblée nationale lui avait accordé une subvention d'un million de francs au titre de la réserve parlementaire, aussitôt suivie par le Bundestag allemand qui avait accordé une somme équivalente. Or il semble que cette subvention ait été finalement utilisée à d'autres fins par le ministre de la jeunesse et des sports. Cette situation appelle dès lors plusieurs questions : comment est-il possible que cette subvention parlementaire ait pu être réaffectée sur décision du Gouvernement, et quelle en a été l'utilisation ? Comment le ministre compte-t-il compenser le manque à gagner d'une valeur de 2 millions de francs qui en résulte pour l'office franco-allemand pour la jeunesse, dont le rôle essentiel dans la concrétisation de la construction européenne et dans la coopération franco-allemande ne sont plus à démontrer et devraient au contraire être soutenus ?

Financement des travaux de prévention
des risques naturels prévisibles

508. - 15 novembre 1996. - Mme Janine Bardou attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur les conditions de l'application de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement et ce à la suite d'un éboulement survenu fin 1995, sur une commune de son canton, Barjac en Lozère, qui a causé la mort d'une personne et des dégâts à plusieurs habitations. Ce village, d'environ six cents habitants, est en effet surplombé par une falaise pour laquelle une mission d'expertise technique a été diligentée par les services de l'Etat. Cette étude, récemment menée sur ce site, évaluant précisément le risque et définissant les mesures de sécurité adaptées, a conclu à l'instabilité de cette falaise et à la possibilité de prévenir les risques d'éboulement par la réalisation d'ouvrages de protection. L'article 11 de la loi suscitée prévoit, en cas de risques naturels majeurs, une procédure d'expropriation diligentée par l'Etat à la condition que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation. Or, dans le cas de Barjac, le coût des ouvrages de protection envisagés, bien que très important, demeure toutefois inférieur à la valeur vénale des habitations susceptibles d'être atteintes par des blocs, mais reste hors de proportion avec les moyens financiers de cette petite commune. Dans une telle situation, il semble qu'aucun financement spécifique ne soit prévu par la loi, car il n'est pas possible d'émarger au fonds de prévention des risques naturels majeurs. C'est pourquoi elle lui demande quels moyens sont à la disposition de la commune, et notamment s'il n'est pas possible d'envisager de réserver une part de ce fonds aux communes se trouvant dans cette situation ? Enfin, elle souhaiterait également connaître les recours financiers qui existent pour assurer les travaux de prévention des risques naturels prévisibles.

Suppression d'une brigade de gendarmerie
dans le département du Val-de-Marne

509. - 19 novembre 1996. - M. Lucien Lanier attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le problème que rencontrent certains maires face à la disparition de brigades de gendarmerie. En effet, dans bien des cantons, les effectifs de gendarmerie demeurent des forces de l'ordre permanentes indispensables. C'est notamment le cas pour le canton comprenant les communes d'Ablon-sur-Seine et de Villeneuve-le-Roi, dont la brigade de gendarmerie est menacée de suppression. Or, il s'agit dans le sud du département du Val-de-Marne de communes où l'insécurité s'accroît, soit du fait de bandes incontrôlées, soit par le nomadisme sauvage. Il souhaiterait savoir quelles solutions pourraient être envisagées pour remédier à ce problème, qui nuit à la sécurité des biens et des personnes.