SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Questions orales (p. 1 ).
M. le président.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION DES BOURSES D'ÉTUDES
AUX ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE
D'INSTITUT UNIVERSITAIRE PROFESSIONNALISÉ (p. 2 )

Question de Mme Janine Bardou. - M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Janine Bardou.

MOYENS ACCORDÉS AUX ASSOCIATIONS COMPLÉMENTAIRES
DE L'ÉCOLE (FRANCAS) (p. 3 )

Question de M. Alain Richard. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Alain Richard.

SITUATION DU GROUPE SCOLAIRE MARIE-CURIE
DE NOGENT-SUR-MARNE (p. 4 )

Question de M. René Rouquet. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; René Rouquet.

APPRENTISSAGE ET FORMATION (p. 5 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; René-Pierre Signé.

AIDE AU RETOUR ET À L'INSTALLATION DE JEUNES ÉTRANGERS
DANS LEUR PAYS D'ORIGINE (p. 6 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Christian Demuynck.

FORT 2000 (p. 7 )

Question de M. Christian Demuynck. - MM. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration ; Christian Demuynck.

INSÉCURITÉ DANS LES STADES EN ILE-DE-FRANCE (p. 8 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports ; Jean-Jacques Robert.

PROROGATION DES RÈGLEMENTS EN MATIÈRE D'ARRACHAGE DANS L'ATTENTE D'UNE RÉPONSE DE L'ORGANISATION COMMUNE DES MARCHÉS-(OCM) VITIVINICOLE (p. 9 )
Question de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports ; Jean-Marc Pastor.

CONSÉQUENCES POUR LES CAVES COOPÉRATIVES VITICOLES DU DYSFONCTIONNEMENT DES PROCÉDURES D'AIDES DE L'ÉTAT ET DU FONDS EUROPÉEN D'ORIENTATION ET DE GARANTIE AGRICOLE (p. 10 )
Question de M. André Vezinhet. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. André Vezinhet.

EXPORTATIONS FRANÇAISES D'ÉLECTRICITÉ (p. 11 )

Question de M. Philippe Richert. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. Philippe Richert.

RECONVERSION DU SITE DU PLATEAU D'ALBION (p. 12 )

Question de M. Alain Dufaut. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. Alain Dufaut.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Malte (p. 13 ).

4. Questions orales (p. 14 ).

EXCÈS DES TÂCHES NON JURIDICTIONNELLES
INCOMBANT AUX MAGISTRATS
DE L'ORDRE JUDICIAIRE (p. 15 )

Question de M. Jean-Pierre Vial. - Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie ; M. Jean-Pierre Vial.

INADAPTATION DE LA RN 504
À LA CROISSANCE DU TRAFIC ROUTIER
ET NOTAMMENT DE POIDS LOURDS (p. 16 )

Question de M. Jean-Pierre Vial. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Jean-Pierre Vial.

DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES
DU SECOND OEUVRE DU BÂTIMENT
ET PRATIQUES DE PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS (p. 17 )

Question de M. Yann Gaillard. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Yann Gaillard.

TRACÉ DU TGV EST : PRÉSERVATION DU SITE
DE BONNE-FONTAINE SITUÉ DANS LE PARC NATUREL
DES VOSGES DU NORD (p. 18 )

Question de M. Charles Metzinger. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Charles Metzinger.

POLITIQUE DU LOGEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS (p. 19 )

Question de M. Léon Fatous. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Léon Fatous.

MODALITÉS D'APPLICATION DE LA DOTATION GÉNÉRALE
DE DÉCENTRALISATION (p. 20 )

Question de M. René Marquès. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. René Marquès.

CONDITIONS D'OBTENTION
DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ (p. 21 )

Question de M. Philippe Madrelle. - Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Philippe Madrelle.

SITUATION DES AGENTS HOSPITALIERS DE L'HÔPITAL
DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE GEORGES-CLEMENCEAU
À CHAMPCUEIL (ESSONNE) (p. 22 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Jean-Jacques Robert.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION
ET MONTANT DE L'ALLOCATION DE VEUVAGE (p. 23 )

Question de M. Jacques Machet. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Jacques Machet.

SANCTION DES INCIDENTS SURVENUS
DANS UN CENTRE MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
DE VERSAILLES (p. 24 )

Question de M. Nicolas About. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Nicolas About.

RÉGIME SOCIAL
DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS (p. 25 )

Question de M. Philippe Richert. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Philippe Richert.

STATUT DES INFIRMIERS DU SECTEUR PSYCHIATRIQUE (p. 26 )

Question de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale ; Jean-Marc Pastor.

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 27 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 28 )

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

6. SNCF. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 29 ).
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports ; M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

MM. Jacques Habert, Hubert Haenel, Jean-Pierre Fourcade, Claude Belot, Félix Leyzour, Aubert Garcia, Georges Berchet, Paul Masson, Nicolas About, Louis Minetti, Léon Fatous.

7. Candidature à une commission (p. 30 ).

8. SNCF. - Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 31 ).
MM. Bernard Joly, François Gerbaud, Mme Janine Bardou, MM. Roland Courteau, Auguste Cazalet, Mme Anne Heinis, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Bernard, Alain Richard.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.
Clôture du débat.

9. Rappel au règlement (p. 32 ).
MM. Emmanuel Hamel, le président.

10. Modification de l'ordre du jour (p. 33 ).

11. Nomination d'un membre d'une commission (p. 34 ).

12. Transmission d'un projet de loi (p. 35 ).

13. Dépôt d'une résolution (p. 36 ).

14. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 37 ).

15. Dépôt d'un rapport (p. 38 ).

16. Ordre du jour (p. 39 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

CONDITIONS D'ATTRIBUTION DES BOURSES D'ÉTUDES
AUX ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE
D'INSTITUT UNIVERSITAIRE PROFESSIONNALISÉ

M. le président. Rappelant que le département de la Lozère accueille un institut universitaire professionnalisé, IUP, dispensant un enseignement supérieur en « ingénierie du transport, de l'hôtellerie et du tourisme », Mme Janine Bardou souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'attribution des bourses aux étudiants de première année d'IUP.
En effet, un étudiant titulaire d'un brevet de technicien supérieur qui s'inscrit en première année d'IUP ne peut bénéficier des bourses d'études accordées par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires CROUS, car il est considéré comme redoublant et non comme changeant d'orientation. Or, il s'agit bien pour lui d'une réorientation, puisqu'il passe d'une formation de technicien à une formation de cadre.
Il va sans dire que le refus du bénéfice des bourses écarte, ce qui est très regrettable, certains étudiants - bien évidemment, ceux qui sont issus de familles les plus modestes - de la possibilité d'accéder à une formation universitaire. Elle souhaiterait donc qu'il puisse lui indiquer quelle est l'interprétation du ministère à ce sujet. (N° 408.)
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Le département de la Lozère accueillant un institut universitaire professionnalisé, un IUP, qui dispense un enseignement supérieur en « ingénierie du transport, de l'hôtellerie et du tourisme », je souhaiterais aujourd'hui attirer votre attention, monsieur le ministre, sur l'attribution des bourses aux étudiants de première année d'IUP.
En effet, un étudiant titulaire d'un brevet de technicien supérieur qui s'inscrit en première année d'IUP ne peut bénéficier des bourses d'études accordées par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, le CROUS, car il est considéré comme redoublant et non comme changeant d'orientation. Or il s'agit bien pour lui d'une réorientation puisqu'il passe d'une formation de technicien à une formation de cadre.
Il va sans dire que le refus du bénéfice des bourses écarte, ce qui est très regrettable, certains étudiants, et bien évidemment ceux qui sont issus des familles les plus modestes, de la possibilité d'accéder à une formation universitaire.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez quelle est l'interprétation du ministère à ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame le sénateur, vous avez raison. Les instituts universitaires professionnalisés ont été conçus volontairement, dès leur origine, comme débutant par une « chicane ». Ils accueillent, en effet, soit les étudiants ayant fait une première année et s'inscrivant en deuxième année, soit des étudiants de niveau bac plus 2 qui redescendent au niveau bac plus 1 de sorte que, selon les règles générales qui régissent les bourses, ils sont considérés comme redoublants, ce qui est injuste.
Deux solutions s'offrent à eux. La première est l'obtention de ce que l'on appelle une AIE, une allocation individuelle exceptionnelle, qui est une sorte de bourse de redoublement attribuée par le recteur et qui est largement ouverte aux étudiants des IUP. La seconde est nouvelle, puisque je l'ai proposée à la Sorbonne mardi dernier aux étudiants, je veux parler du statut social de l'étudiant, qui permettrait d'éviter ce genre d'errement.
Nous allons nous atteler à la tâche dans les mois qui viennent, mais j'ai d'ores et déjà signalé aux recteurs que les étudiants d'IUP étaient, par définition, destinataires des aides individualisées exceptionnelles. En effet, ce n'est pas leur faute s'ils recommencent leur année de bac plus 2, cela tient à la conception même du système mis en place sous la responsabilité de M. Jospin, avant que je sois moi-même ministre.
Mme Janine Bardou. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Je remercie M. le ministre de ces éclaircissements. C'est évident, les étudiants en IUP ne se considèrent pas comme des redoublants et, de surcroît, les bourses qui pourraient leur être accordées sont d'un montant tout de même important. Je souhaite donc vivement qu'ils en bénéficient rapidement, comme les autres étudiants venant de l'université car, pour le moment, ils sont traités de manière un peu différente.

MOYENS ACCORDÉS AUX ASSOCIATIONS
COMPLÉMENTAIRES DE L'ÉCOLE (FRANCAS)

M. le président. M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la réduction des moyens accordés par l'Etat aux associations complémentaires de l'école et notamment aux Francs et Franches Camarades, « Francas ».
Inspirée par le programme du Conseil national de la Résistance, reconnue d'utilité publique, la fédération des Francas a été créée pour assurer à tous les enfants, quelle que soit leur condition sociale, l'égalité des chances à laquelle ils ont droit. Elle regroupe aujourd'hui quelque cinq mille centres d'accueil sur l'ensemble du territoire français dans lesquels sont accueillis plus d'un million d'enfants chaque année.
De l'aide aux devoirs à l'organisation de classes de découverte, les Francas ont développé au cours des années un savoir-faire de première importance, en servant des objectifs prioritaires de l'éducation nationale : l'aide à la scolarisation des enfants en difficulté, en particulier dans les banlieues, la formation des citoyens, l'ouverture des jeunes à leur environnement, l'intégration des handicapés.
Malgré ces efforts, le Gouvernement semble vouloir se désengager de cette action éducative. Au mois de février dernier, le ministère de l'éducation nationale se proposait de réduire de plus de 20 p. 100 pour les années 1996-1997 les moyens affectés aux Francas. Devant le tollé soulevé par cette initiative, de nouvelles propositions gouvernementales moins radicales ont été avancées : elles consistent tout de même à diminuer de 1,3 million de francs la subvention pour 1996 et à supprimer 2,5 postes de mise à disposition. Cette amputation de leurs moyens aux Francas n'est pas anecdotique, notamment parce que les mises à disposition sont fondamentales dans une organisation qui repose largement pour le reste sur le bénévolat.
En conséquence, il lui demande, d'une part, quelles sont les mesures qu'il compte prendre pour garantir aux Francas leur avenir, d'autre part les raisons qui justifient un tel désengagement de la part, de l'Etat. (N° 384).
La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les discussions relatives aux moyens de fonctionnement attribués par son ministère à l'Association nationale des Francs et Franches Camarades, que, dans le langage courant, nous appelons les « Francas ».
Cette organisation assure le fonctionnement d'environ 5 000 centres d'accueil d'enfants sur l'ensemble du territoire, centres qui accueillent un million d'enfants chaque année.
Je voudrais souligner, m'appuyant sur l'expérience que j'ai dans le Val-d'Oise, que les principales actions dont les Francas ont fait des priorités ces dernières années, qu'il s'agisse de l'accompagnement scolaire avec, en particulier, la lutte contre l'analphabétisme, relayée par de nombreux bénévoles, qu'il s'agisse des assises de la citoyenneté, qu'ils développent dans nombre d'établissements, qu'il s'agisse encore d'un certain apprentissage critique de l'audiovisuel ou des actions pour combattre la violence scolaire, toutes ces actions, donc, et ce n'est pas un hasard, recoupent les orientations qui font consensus parmi les partenaires de l'école publique dans le sens de l'intérêt public.
Le ministère a envisagé au début de l'année une réduction importante des moyens affectés à cette organisation nationale. Des discussions se sont poursuivies, les différents partenaires de l'école publique ne manquant pas d'exprimer leur mécontentement face à cette réduction. Or, dans l'état actuel de mon information, il est tout de même prévu de supprimer, à l'échelon national, deux postes et demi à cette association, qui n'en a déjà pas beaucoup, et de réduire de plus de 10 p. 100 sa subvention de fonctionnement.
Je souhaite, d'une part, que M. le ministre nous indique quelles sont les conclusions officielles qu'il tire de l'évaluation interne réalisée au sein du ministère, et qui n'a pas été diffusée ; d'autre part, qu'il nous indique s'il peut manifester l'esprit de partenariat, notamment en termes d'engagement sur la durée, qui correspondrait au langage tenu au niveau interministériel par le Gouvernement dans ses rapports avec le mouvement associatif.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, les Francs et Franches Camarades sont la quatrième association la plus subventionnée par le ministère de l'éducation nationale. Leur subvention atteint en effet 15 600 000 francs et le nombre de postes de mis à diposition par le même ministère est de trente-cinq. C'est dire l'importance de la contribution du ministère au fonctionnement des Francs et Franches Camarades.
La politique que nous avons arrêtée avec le Gouvernement dans son ensemble à l'égard des associations est d'abord une politique de soutien. Dans mon esprit, il s'agit d'un soutien sur plusieurs années, par la mise en place de conventionnements qui permettront aux associations d'avoir une idée claire de leur avenir. Comme vous le savez, d'autres associations bénéficient de subventions encore plus importantes que celle que reçoivent les Francs et Franches Camarades.
C'est la raison pour laquelle les discussions avec les responsables des Francs et Franches Camarades sont en voie d'aboutir ou ont déjà abouti, ce point est à vérifier. En tout état de cause, je souhaite que se mette en place, dans les semaines à venir, un conventionnement qui permette aux associations, je le répète, d'avoir une vision claire de leur avenir.
Permettez-moi également de souligner que, dans un climat de difficultés budgétaires générales, il est naturel que tout le monde participe à l'effort, mon intention étant seulement de ne pas faire peser sur les associations davantage de contraintes qu'elles ne doivent en supporter pour prendre leur juste part à l'effort national. En effet, le ministre de l'éducation nationale sait bien quelle est l'importance du rôle joué par les associations qui entourent l'école dans l'éducation des enfants.
M. Alain Richard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richard. M. Alain Richard. Je vous remercie, monsieur le ministre, des assurances que vous m'avez données. Faire peser l'effort de régulation et de freinage budgétaires sur les partenaires associatifs plutôt que sur ses propres services est une tentation que connaît tout gestionnaire, à tout échelon, d'une collectivité publique. Cela est vrai aussi en matière de gestion locale, et vous en avez comme moi l'expérience.
Par conséquent, sauf à remettre en cause des actions en vous fondant sur les résultats d'une évaluation publique, je souhaiterais que les partenaires associatifs de l'école soient traités, sur le plan budgétaire, quasiment sur la même ligne que les services du ministère, puisque, au fond, le public qu'il s'agit de servir - les enfants - évolue dans les mêmes proportions à l'égard des uns et des autres.
J'appuie tout à fait votre démarche de conventionnement, monsieur le ministre, pour que les partenaires aient la vision d'une situation stable pour l'avenir. Toutefois, je souhaite que l'opération d'évaluation que vous aviez commandée pour disposer d'une appréciation d'ensemble des résultats et des perspectives de ces partenaires associatifs - il y en a plusieurs, en effet ! - donne lieu à un débat public. C'est l'intérêt de tout le monde.

SITUATION DU GROUPE SCOLAIRE MARIE-CURIE
DE NOGENT-SUR-MARNE

M. le président. M. René Rouquet attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation hautement préoccupante du groupe scolaire Marie-Curie de Nogent-sur-Marne, construit sur le site contaminé d'une ancienne usine de radium et dont l'existence d'un taux anormalement élevé de radioactivité dans le sol, supérieur aux recommandations européennes, pose un grave problème de santé publique pour de nombreux riverains et écoliers.
Il lui demande, en conséquence, quelle mesure il compte prendre pour que toute la lumière soit faite sur cette question et qu'une solution véritablement satisfaisante puisse enfin répondre aux légitimes inquiétudes de nombreux concitoyens. (N° 405.)
La parole est à M. Rouquet. M. René Rouquet. A l'heure où l'examen du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie vient d'éclairer le Parlement sur les conséquences avérées de la pollution sur la santé publique, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la sitaution hautement préoccupante de l'école Marie-Curie de Nogent-sur-Marne, érigée en 1969 sur le site d'une ancienne usine d'extraction de radium.
La construction de ce groupe scolaire s'est faite sans tenir compte des recommandations du service central de protection contre les rayonnements ionisants qui avait préconisé, à l'époque, l'enlèvement des déchets radioactifs et la décontamination en profondeur du terrain.
Or des analyses effectuées dans le sol et dans les locaux de l'école par l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants ont révélé l'existence d'un taux anormalement élevé de radioactivité, due au radon, gaz cancérigène.
Ces études ont provoqué les plus vives inquiétudes de nombreux parents d'élèves, qui ont obtenu la fermeture immédiate de l'école, durant laquelle la municipalité a consenti à y effectuer des travaux afin d'abaisser la radioactivité due au radon.
Mais le radon n'est pas le seul foyer de radioactivité. Des « particules chaudes », extrêmement actives et dangereuses, subsistent sur le site, comme l'ont d'ailleurs révélé les prélèvements effectués par la commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité et comme l'a confirmé un rapport de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, réclamant « une surveillance continue des niveaux de radon dans les classes ».
Face au statu quo observé durant de trop nombreuses années, les parents d'élèves et leurs organisations représentatives, soutenus par des élus du conseil municipal de Nogent-sur-Marne, ne cessent d'alerter l'opinion, par voie de presse, sur les risques qui continuent de peser sur la santé publique, révélant, par exemple, qu'un enfant ayant suivi un cycle complet en maternelle et en primaire subirait l'équivalent de cent soixante-dix radios des poumons, soit une radio toutes les deux semaines et demie !
Alors que cette école, qui n'aurait sans doute jamais dû exister, vient pourtant de réouvrir en mai dernier, de tels chiffres semblent prouver, quel que soit le niveau du risque évalué scientifiquement, qu'un danger existe, marquant désormais de manière inéluctable cet établissement du sceau de la radioactivité.
Dans ces conditions, il est particulièrement tragique d'obliger un père ou une mère à maintenir son enfant sur ce site et à vivre en permanence dans le doute.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que toute la lumière soit faite sur ce dossier, qui n'a sans doute pas bénéficié, jusqu'à présent, du sérieux et de la transparence dont il aurait dû faire l'objet, et dont l'ampleur dépasse, à l'évidence, les seules responsabilités communales.
L'Etat restant le garant de la santé des populations, il me paraît être du devoir des plus hautes instances nationales de répondre aux légitimes inquiétudes de la population, dont je me fais aujourd'hui le porte-parole, en garantissant désormais la santé des enfants et en statuant, sans plus tarder, sur l'avenir de cet établissement.
En l'occurrence, monsieur le ministre, l'Etat s'honorerait de désaffecter au plus tôt l'école Marie-Curie de tout usage scolaire ou public, et de dégager les moyens qui permettent sa reconstruction sur un autre site.
M. le président. Je demande aux intervenants d'être le plus brefs possible. Vingt-trois questions sont inscrites à l'ordre du jour et vous avez largement dépassé votre temps de parole, monsieur Rouquet.
La parole et à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, les écoles primaires relèvent de la responsabilité des communes et la sécurité de la responsabilité du préfet. Le sujet que vous évoquez ne relève donc pas de la responsabilité directe du ministre de l'éducation nationale. Cependant, il est clair que tout problème de sécurité nécessite une intervention des responsables, quel que soit leur degré de responsabilité ou leur compétence.
La situation de cette école est connue dans ses grandes lignes. Elle fut construite sur le site d'une ancienne usine qui traitait de l'uranium pour en extraire notamment du radium, du polonium et de l'actinium, soit différentes substances radioactives. A la fin des années quatre-vingt, fut mise en place une dalle de béton censée empêcher les rayonnements. Puis furent découvertes des émanations probables de gaz radioactif à cet endroit. Ensuite, selon des prescriptions de contamination et après consultation des familles, un certain nombre d'opérations de traitement furent menées durant la fermeture de l'école. Sa réouverture n'est intervenue qu'après que des mesures eurent démontré que les rayonnements n'étaient, semble-t-il, plus dangereux : ils étaient inférieurs de deux fois et demie aux maxima européens, donc très en deçà.
Cela dit, monsieur le sénateur, je suis complètement d'accord avec vous, et j'ai précisément mis en place l'instrument qui permet de traiter de manière totalement objective ce genre de problème.
Je suis donc tout à fait favorable à un examen du dossier de l'école Marie-Curie par l'Observatoire de la sécurité des établissements scolaires, présidé par M. Schléret, avec le concours de toutes les instances, des acteurs de l'école et des organisations syndicales, de manière à lever toutes inquiétudes.
Je suis également favorable à la conduite d'une enquête objective avec les garanties nécessaires, afin de rassurer les familles ou de prendre toutes les dispositions utiles.
Par conséquent, c'est très volontiers que je transmettrai ce dossier, pour que puissent être rassemblés tous les éléments susceptibles de tranquilliser ceux qui sont scolarisés dans cette école.
M. René Rouquet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les parents d'élèves, les enseignants et les gens du quartier attendent une décision de fermeture dès maintenant. Il n'est pas possible de laisser subsister un climat de suspicion et d'angoisse chez les enfants, les familles, les riverains du site !
S'agissant de la protection en matière de radioactivité, la règle d'or consiste à ne jamais exposer inutilement quiconque à des rayonnements ionisants susceptibles de conduire à certaines déformations congénitales mais aussi à l'apparition de cancers de la thyroïde ou de formes de leucémie.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, je m'adressais non pas au ministre de l'éducation nationale mais au représentant du Gouvernement. Ce dernier doit trouver des solutions, de façon que les parents puissent conduire leurs enfants à l'école sans éprouver aucun doute quant à la sécurité.
Ce dossier n'a pas fait l'objet de la transparence nécessaire, qui aurait permis de rassurer les parents. Voilà vingt-sept ans que l'école a été construite ! Aujourd'hui, il faut prendre une décision ! Hier encore, une réunion du conseil municipal a eu lieu. Aucune explication n'est donnée aux parents !
Vous venez de me dire, monsieur le ministre, que vous alliez transmettre ce dossier.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Rouquet.
M. René Rouquet. Je conclus, monsieur le président.
Il s'agit d'une information importante. Même le maire de Nogent-sur-Marne n'est pas au courant ! Le flou qui entoure aujourd'hui ce dossier ne permet pas de rassurer les parents.
Evidemment, ceux qui en ont les moyens mettront leurs enfants dans des écoles privées ou essayeront de trouver des solutions dans les villes voisines. Mais les autres seront obligés de conduire leurs enfants dès l'année prochaine dans une école qu'ils jugent dangereuse, parce qu'ils n'ont pas les éléments pour discuter. J'ajoute que la concertation que vous demandez n'a pas eu lieu.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je ne veux pas être cruel ou polémique avec vous. Vous venez de dire que la situation que vous dénoncez durait depuis vingt-sept ans. Que ne vous en êtes-vous inquiété plus tôt ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les écoles primaires relèvent, je le répète, non pas de la responsabilité du ministère mais de celle des autorités locales.
M. René Rouquet. M. Nungesser, qui est maire depuis des années, aurait pu s'en inquiéter !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il me paraît très important d'avoir un regard indépendant, afin d'éviter toute utilisation polémique d'un côté ou de l'autre, et tout emploi d'éléments biaisés. Il faut que tout le monde puisse être tranquillisé. J'imagine que le préfet du département n'aurait pas accepté la réouverture de l'école s'il n'avait pas été complètement rassuré. Je vous rappelle que l'école a été fermée pendant plusieurs mois pour travaux.
En tout état de cause, je saisirai l'Observatoire de la sécurité des établissements scolaires, présidé par M. Schléret, dans les heures à venir, afin qu'il puisse rassembler tous les éléments objectifs et que les décisions nécessaires soient prises par les autorités compétentes, c'est-à-dire le maire ou le préfet, le plus rapidement possible.

APPRENTISSAGE ET FORMATION

M. le président. M. René-Pierre Signé indique à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche que le désir d'adapter notre système éducatif à la crise économique pose le problème de l'apprentissage et de la formation. On a retrouvé, par le biais des centres de formation d'apprentis, les CFA, la vieille notion d'école du patronat et mis, qu'on le veuille ou non, dans les régions à faible démographie scolaire, en concurrence les CFA et les lycées professionnels.
Les CFA sont des établissements privés qui reçoivent des fonds publics, y compris des taxes d'apprentissage importantes de services de l'Etat, ce qui pose tout de même une interrogation et entraîne une concurrence malsaine. Le secteur public est ainsi menacé par la priorité que l'on donne à l'apprentissage et à l'alternance.
On peut s'inquiéter, dans une société où l'emploi précaire est de règle, où seuls des emplois éphémères sont créés, de cette formation étroite et spécifique pour un métier bien déterminé, que dispensent les CFA.
On peut s'interroger sur cet enseignement très orienté, assez éloigné du socle technique et polyvalent nécessaire pour demain quand l'apprenti devenu ouvrier sera peut-être confronté à une nouvelle formation pour exercer un autre métier.
Outre la concurrence exercée, il y a aussi une formation tronquée qui risque de freiner les chances de reconversion. Le lycée offre d'autres possibilités.
Il lui demande quelles sont les perspectives de son action dans ce domaine. (N° 423.)
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. J'avais déjà indiqué à M. Bayrou que je lui poserai une question au sujet des CFA et des lycées. Ce point avait été évoqué en commission des affaires culturelles et M. le ministre m'avait dit de lui poser cette question en séance publique, car la commission n'était pas le lieu de ce débat.
Monsieur le ministre, le désir d'adapter notre système éducatif à la crise économique pose le problème de l'apprentissage et de la formation. On a retrouvé, par le biais des CFA, la vieille notion d'école du patronat et mis en concurrence, qu'on le veuille ou non, dans les régions à faible démographie scolaire, les CFA et les lycées professionnels.
Les CFA sont des établissements privés qui reçoivent des fonds publics, y compris des taxes d'apprentissage importantes, de services de l'Etat, ce qui soulève tout de même une interrogation et entraîne une concurrence malsaine. Le secteur public est ainsi menacé par la priorité que l'on donne à l'apprentissage et à l'alternance.
On peut s'inquiéter, dans une société où l'emploi précaire est de règle, où seuls des emplois éphémères sont créés, de cette formation étroite et spécifique pour un métier bien déterminé que dispensent les CFA.
On peut s'interroger sur cet enseignement très orienté, assez éloigné du socle technique et polyvalent, nécessaire pour demain quand l'apprenti devenu ouvrier sera peut être confronté à une nouvelle formation pour exercer un autre métier.
Outre la concurrence exercée, il y a aussi une formation tronquée qui, je le crains, risque de freiner les chances de reconversion. Le lycée offre d'autres possibilités.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministe de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous dire que je partage votre volonté de défendre et de promouvoir les lycées d'enseignement professionnel.
Je crois que vous avez raison de dire que cette voie d'enseignement aboutit à des résultats exceptionnels et qu'elle offre des formations particulièrement adaptées aux jeunes qu'elle prend en charge.
Par ailleurs, loin de faire un procès aux CFA, je considère au contraire que toute notre action doit aller dans le sens de la réconciliation entre l'éducation nationale et l'apprentissage. A quoi bon persister à avoir deux systèmes de formation concurrents qui se regardent en chiens de faïence ? Il convient, me semble-t-il, que les deux systèmes comprennent l'intérêt qu'ils ont à travailler ensemble, notamment parce que je crois que l'apprentissage sera une voie de professionnalisation dans le siècle à venir.
Même si, pour l'instant, l'idée n'a pas été généralement reprise, je milite depuis longtemps pour qu'il soit mis un terme à cette situation de méfiance réciproque. Je suis persuadé qu'il faut au moins entreprendre une réflexion sur l'unification des voies d'alternance afin que l'apprentissage et l'alternance sous statut scolaire ne soient plus deux voies concurrentes l'une de l'autre.
Pourquoi ne pas imaginer que la période de formation d'un jeune comprenne à la fois un temps pour l'alternance sous statut scolaire et un temps pour l'apprentissage, ce dernier étant, comme vous le savez, un contrat de travail qui permet de très remarquables insertions puisque la grande majorité des jeunes en apprentissage trouvent un emploi à la sortie de leur formation ?
Je suis persuadé que, si nous allons dans ce sens, nous améliorerons considérablement l'offre de professionnalisation à l'égard des jeunes, ce qui est notre but commun.
En conclusion, je considère que vous avez raison de défendre les lycées professionnels, mais je ne partage pas votre critique de l'apprentisssage.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma critique portait non pas sur les CFA, mais sur leur concurrence avec les lycées dans les régions à faible densité démographique scolaire, ce qui est le cas de la Nièvre, même si la situation est sans doute différente ailleurs.
Le Gouvernement incite les lycées professionnels à créer des CFA à l'intérieur des établissements. C'est peut-être, en effet, la solution, et cela pourrait être positif si les mêmes règles de recrutement, de suivi pédagogique et d'ouverture de sections étaient appliquées, ce qui ne semble pas tout à fait le cas.
Au-delà des éléments que j'ai rappelés tout à l'heure sur le non-respect des critères de formation diversifiée pour les jeunes dans les CFA, je suis obligé de constater que la taxe d'apprentissage versée par les entreprises privées, les entreprises artisanales et les organismes parapublics tels qu'EDF-GDF ou La Poste est répartie de façon inégale.
Dans la Nièvre, par exemple, EDF-GDF réserve sa taxe d'apprentissage à l'enseignement privé, et La Poste ne consacre que 10 p. 100 de la sienne à l'enseignement public.
Par ailleurs, les CFA sont soumis à des règles différentes, et les lycées professionnels s'en plaignent.
Au niveau des financements, les dotations aux lycées professionnels sont affectées à des chapitres budgétaires prédéterminés, dont l'utilisation est strictement contrôlée par les services rectoraux ; celles des CFA sont globales, et les chefs d'établissements peuvent consommer les crédits en fonction de leurs besoins.
Au niveau des personnels, les enseignants des lycées professionnels sont des professeurs ayant réussi les concours de l'éducation nationale. Les CFA, eux, peuvent librement recruter, notamment par des contrats à durée déterminée ; leurs personnels n'ont pas de statut, et cette précarité de l'emploi peut nuire à la qualité de l'enseignement.
Au niveau des stages, les élèves des lycées effectuant leurs stages en entreprises au mois de juin, l'ensemble du programme a pu être abordé, alors que les jeunes scolarisés en CFA les effectuent en mars, sans avoir vu toutes les questions au programme.
Au niveau des ouvertures de sections...
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé. Je conclus, monsieur le président.
Pour qu'un lycée professionnel soit autorisé à ouvrir une section, il lui faut répondre à trois conditions : l'existence localement de débouchés susceptibles de favoriser l'insertion, des enseignants compétents, des équipements adéquats.
En ce qui concerne les centres de formation d'apprentis, une décision politique du conseil régional suffit pour la création d'une section, qui n'est pas toujours en cohérence avec les besoins locaux.
Or les lycées professionnels jouent, dans les zones rurales, un rôle pour freiner l'exode, car vous savez que l'exode rural commence par l'exode scolaire. Les lycées devraient donc être plus favorisés qu'ils ne le sont, et en tout cas ne pas être mis en concurrence avec les CFA qui, dans la Nièvre en tout cas, ont des compétences voisines et sont situés à proximité immédiate des lycées.
M. le président. Mes chers collègues, je suis obligé de faire respecter le règlement, d'autant que les auteurs de question qui dépassent leur temps de parole - et qui, quelquefois, aussitôt leur question posée, quittent l'hémicycle - portent préjudice à ceux de leurs collègues qui sont inscrits après eux.
Voilà pourquoi j'entends rester très vigilant sur les temps de parole.

AIDE AU RETOUR ET À L'INSTALLATION
DE JEUNES ÉTRANGERS DANS LEUR PAYS D'ORIGINE

M. le président. M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville et à l'intégration concernant un projet d'aide au retour et à l'installation de jeunes étrangers dans leur pays d'origine. En effet, de nombreux jeunes étrangers ou Français d'origine étrangère sans emploi ou n'ayant que de petits boulots rencontrent des difficultés dans nos banlieues et ont souvent le mal du pays. Certains ont un projet défini pour retourner dans leur patrie, s'y installer et développer une activité économique. Il ne leur manque souvent qu'un appoint financier ou une aide logistique pour y parvenir, ce qui serait possible en leur maintenant, par exemple, le RMI s'ils le touchent, et en débloquant une aide financière dont le montant serait à définir suivant les dossiers.
Il lui demande s'il serait possible de monter une opération pilote sur quelques cas précis de jeunes de Seine-Saint-Denis dont les projets sont bien avancés, avec un financement du ministère. (N° 409.)
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, ma question concerne une proposition que j'ai déjà eu l'occasion de développer devant vous dans cet hémicycle, ainsi qu'auprès de certains de vos collègues. Elle concerne la mise en oeuvre d'une aide au retour et à l'installation de jeunes étrangers ou de Français d'origine étrangère dans leur pays.
En effet, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de m'entretenir avec des jeunes étrangers ou des Français d'origine étrangère qui sont sans emploi, qui n'ont exercé que des petits boulots, qui rencontrent les pires difficultés et qui ont parfois aussi le mal de leur pays d'origine. En discutant avec eux, j'ai compris que certains d'entre eux avaient un projet bien défini pour s'en sortir : ils voulaient retourner dans leur pays pour s'y installer et pour développer une activité qui leur permettrait, d'une part, de trouver un emploi et, d'autre part, de participer ainsi à l'essor économique de leur nation.
Mais il leur manque souvent un appui financier et une aide logistique pour y parvenir, ce qui serait possible à moindre frais en leur maintenant une allocation de type RMI durant les premiers mois de leur installation et en étudiant avec eux la possibilité d'une prime d'installation, dont le montant serait à définir en fonction des dossiers.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir s'il serait possible de monter une opération pilote sur quelques cas précis concernant des jeunes de Seine-Saint-Denis dont nous connaissons les projets déjà bien avancés, et si votre ministère pourrait participer au financement de ces expériences.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Monsieur le sénateur, je connais votre attachement aux problèmes de la jeunesse et de l'intégration.
La question que vous posez concernant un projet d'aide au retour et à l'installation de jeunes étrangers ou de jeunes Français d'origine étrangère dans leur pays d'origine appelle les éléments de réponse suivants.
Ce projet passerelle, qui pourrait être appelé le projet pilote « Demuynck », soulève deux difficultés.
Il existe actuellement deux dispositifs d'aide au retour volontaire pour les étrangers qui veulent se réinstaller dans leur pays. Le premier existe depuis 1984 et s'adresse aux étrangers en situation régulière menacés de licenciement économique ; le second a été mis en place en 1987 et concerne des chômeurs indemnisés par le régime des ASSEDIC, privilégiant la réinsertion économique au moyen d'un projet personnalisé. Il s'agit donc d'un dispositif visant les travailleurs de tous âges et non pas d'un projet spécifiquement adapté aux jeunes.
S'agissant des jeunes Français d'origine étrangère dont vous parlez et qui ne peuvent bénéficier des dispositions réglementaires de 1984 et de 1987, une expatriation peut être envisagée. En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, il existe à l'étranger des capacités de création d'emplois par le biais de sociétés françaises et de leurs filiales.
Par ailleurs, l'Office des migrations internationales intervient dans ce domaine et pourrait donc procéder à l'évaluation des possibilités d'emploi à l'étranger de cette population, plus particulièrement s'agissant des jeunes.
Les opérations pilotes que vous souhaiteriez monter en direction de jeunes de Seine-Saint-Denis, département qui vous est cher, pourraient tout à fait être envisagées en Afrique subsaharienne, d'une part, et au Maghreb, d'autre part.
Sachez d'ores et déjà que le programme « Développement Migration », lancé et co-animé par le ministère de la coopération et par le ministère de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration en direction du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, offre un cadre dans lequel votre proposition pourrait être prise en considération.
En ce qui concerne le Maghreb, les dispositifs pour l'aide aux projets de développement et de réinsertion mis en place par des associations, en direction du Maroc principalement - et de la Tunisie depuis peu - pourraient constituer également un cadre répondant à vos préoccupations.
C'est dire que votre projet peut d'ores et déjà être mis en place de manière expérimentale dans le cadre des dispositifs existants.
Enfin, votre proposition consistant à conserver le bénéfice du revenu minimum d'insertion à ceux qui auront choisi de retourner dans leur pays d'origine implique qu'une des règles de base du RMI soit modifiée. En effet, vous le savez, monsieur le sénateur, cette prestation ne peut être versée que sur le territoire français et, actuellement, la condition de territorialité est très strictement respectée.
Cela étant, monsieur le sénateur, votre question pose plus globalement le problème de notre politique de développement, que nous cherchons à orienter vers les pays les plus sensibles en terme d'immigration pour rendre ainsi plus efficace notre dispositif d'aide au retour.
Quoi qu'il en soit, je considère que vos réflexions sont tout à fait intéressantes et j'ai donc demandé au président de l'OMI, qui vient d'être nommé, de vous recevoir prochainement. Je suis tout à fait prêt à créer, sous votre impulsion, un groupe de travail spécialisé sur cette question. Nous pourrions y associer le secteur privé, notamment dans le domaine des transports et du tourisme, pour que la proposition Demuynck d'aide au retour des jeunes étrangers puisse être concrétisée dans le département de la Seine-Saint-Denis, mais aussi dans un certain nombre d'autres sites, dans le cadre de la politique de la ville.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et je suis, bien entendu, tout à fait prêt à participer au groupe de travail que vous souhaitez mettre en place.
La difficulté que les jeunes rencontrent tient, comme vous l'avez dit, au fait que les moyens actuellement mis à leur disposition ne concernent que ceux d'entre eux qui ont déjà un emploi. Or les jeunes qui sortent du système éducatif sont complètement perdus, et rien ne permet de les aider.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de la proposition que vous m'avez faite, et je participerai à ce groupe de travail.

FORT 2000

M. le président. M. Demuynck attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le projet « Fort 2000 », qui visait à regrouper l'ensemble des services centraux de la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE - en particulier ceux du boulevard Mortier - en un seul site : le fort de Noisy, complexe militaire situé sur les communes de Noisy-le-Sec et Romainville.
Ce projet remonte à 1992 et avait été confirmé par les gouvernements successifs depuis cette date. Il avait fait l'objet d'études approfondies par les services techniques des armées, de réunions de concertation avec les différents services de l'Etat concernés et avec les collectivités territoriales : conseil régional, conseil général, communes. Un permis de construire avait été élaboré.
Stoppé en février-mars 1996 pour des raisons budgétaires, alors qu'il avait été programmé sur cinq ans - 1996-2001 - et que les premiers crédits étaient prévus dans la loi de finances de 1996 ainsi que dans la loi de programmation militaire adoptée en 1994, ce projet prévoyait notamment la construction de bureaux modernes pour la DGSE à la place des casernes existantes, la préservation d'un site actuellement classé par arrêté de biotope, et la réalisation d'une promenade de 3,5 hectares appelée « coulée verte », aménagée en parcours pédestres.
Les élus de l'opposition municipale de Noisy-le-Sec et l'association « Noisy pour tous » souhaiteraient par conséquent savoir si l'arrêt de ce projet préfigure son annulation définitive ou son report, et surtout si les engagements du ministère de la défense figurant sur les comptes rendus officiels des réunions multipartites réalisées par la préfecture, et qui conditionnent l'ouverture de la coulée verte au printemps 1997, sont maintenus. Il s'agit en effet du financement d'une double rangée de clôtures séparant cette coulée verte de la zone protégée et des environs du fort, et des travaux de confortement du terrain. Les habitants de Noisy-le-Sec et Romainville sont en effet sensibles à l'aménagement de cet espace de détente qui contrasterait avec la forte urbanisation de la Seine-Saint-Denis (N° 407).
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je souhaite aborder un sujet sensible, car il concerne le devenir d'un site classé par arrêté de biotope en Seine-Saint-Denis sur lequel est prévue la réalisation d'une coulée verte, véritable ballon d'oxygène dans un département fortement urbanisé.
Il s'agit du complexe militaire situé sur les communes de Noisy-le-Sec et de Romainville, qui fait l'objet depuis 1992 d'un projet de déménagement de l'ensemble des services de la DGSE.
En 1993, ce projet a refait surface sur l'initiative de la DGSE, sous l'appellation de « Fort 2000 » et sous une forme beaucoup plus élaborée qui résulte d'une négociation entre le ministère de la défense, le ministère de l'environnement, les collectivités locales et les associations noiséennes « Un parc à Noisy » et « Les amis naturalistes des coteaux d'Avron ».
Ce projet comporte trois parties.
La partie haute du fort, dotée d'un héliport, est actuellement occupée par la DGSE et par une caserne de la gendarmerie mobile. Ce bâtiment serait détruit et remplacé par des bureaux modernes, tandis que l'héliport bénéficierait d'un agrandissement.
La partie intermédiaire qui est actuellement zone militaire, est classée par arrêté de biotope et interdite à la circulation. Cet arrêté couvre six hectares.
La partie basse des Glacis, formée en demi-cercle d'une largeur moyenne de trois mètres sur trois hectares et demi, doit être aménagée en parcours pédestre dans le respect de la flore actuelle et sera interdite à tous véhicules.
Le coût de ce projet est de 2 milliards de francs sur cinq ans, de 1996 à 2001. Les premiers crédits ont été prévus dans la loi de finances de 1996 et l'opération a été inscrite dans la programmation militaire adoptée en 1994.
Toutefois, en février et mars 1996, le projet a été stoppé, pour des raisons budgétaires.
Ce projet, bien qu'il n'emporte pas de conséquences directes pour la ville de Noisy-le-Sec, est suivi avec attention par les élus de l'opposition municipale et l'association « Noisy pour tous » qui y sont favorables, car il favoriserait le prolongement de la ligne de métro numéro 11 Châtelet-Mairie des Lilas, avec l'inscription possible d'une première tranche dans le prochain contrat de plan.
Pour l'heure, deux questions subsistent : l'annulation de ce projet est-elle définitive ou s'agit-il d'un report ? Plus important encore, les engagements annexes mais très précis pris par le ministère de la défense figurant sur les comptes rendus officiels de réunions multipartites réalisés par la préfecture, et qui conditionnent l'ouverture de la coulée verte au printemps de 1997, seront-ils maintenus ?
Il s'agit, en effet, du financement par l'Etat, d'ici à la fin de l'année, de la double rangée de clôtures séparant cette coulée verte de la zone protégée et des environs du fort, ainsi que des travaux de confortement du terrain nécessaires en plusieurs endroits.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration. Monsieur Demuynck, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui présente actuellement aux élus concernés les orientations retenues par le Gouvernement pour l'avenir de la direction des constructions navales.
Il m'a chargé de vous confirmer que l'opération de transfert du siège central de la direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, vers le Fort de Noisy ne se fera pas. Les bâtiments projetés ne seront pas construits. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le ministre de la défense a pris cette décision pour des raisons budgétaires.
Toutefois, il convient d'indiquer que le ministère de la défense respectera les prescriptions de l'arrêté préfectoral de protection du biotope, pris par le préfet de Seine-Saint-Denis le 11 mai 1995. Le ministère de la défense, pour la part qui lui revient, mettra en place des dispositifs matériels d'interdiction d'accès à la zone de protection du biotope.
Je ne peux pas vous répondre précisément sur les clôtures, mais vous conviendrez qu'il ne s'agit peut-être pas d'un sujet à examiner devant la Haute Assemblée.
Enfin, les perspectives d'ouverture au public de la partie périphérique des glacis demeurent. Elles sont subordonnées à la mise en place d'une association appelée à prendre les responsabilités de concessionnaire cocontractant.
Le Gouvernement connaît, monsieur le sénateur, votre intérêt pour les problèmes d'environnement qui se posent en Seine-Saint-Denis, ainsi que le foisonnement du secteur associatif à Noisy-le-Sec qu'anime notamment M. Olivier Deleu, conseiller municipal.
Noisy et son fort sont au coeur des préoccupations vertes du Gouvernement. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement entend répondre aux soucis écologiques de la population de Noisy-le-Sec.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse - l'opposition municipale en prendra connaissance avec un grand plaisir - et je remercie également le Gouvernement de mettre en oeuvre ce projet qui avait été élaboré au cours de réunions multipartites.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Raoult, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je veux ajouter que je veillerai à ce que les actions de défense du Fort de Noisy et l'arrêté de biotope que vous avez évoqué aujourd'hui puissent également concerner le bois de Bernouille sur la commune de Coubron, qui est mon ancienne circonscription, où un problème similaire se pose. Je suis persuadé que vous pourrez adresser à ma collègue ministre de l'environnement une question sur ce même sujet ! (Sourires.)
M. Christian Demuynck. Avec plaisir !

INSÉCURITÉ DANS LES STADES EN ILE-DE-FRANCE

M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre délégué à la jeunesse et aux sports sur l'insécurité croissante à l'occasion des compétitions du samedi et du dimanche dans les stades de l'Ile-de-France, et plus particulièrement de l'Essonne.
Cette insécurité se caractérise au niveau des compétitions amateurs et des réunions de fin de saison puisque, dans ces championnats et coupes des classements inférieurs, il n'y a pas souvent d'arbitre officiel.
Il lui demande quelles mesures immédiates il entend prendre pour faire cesser cette situation dangereuse et nuisible au plaisir de jouer pour ces jeunes sportifs. (N° 420.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, vous avez en d'autre temps répondu à la violence sur les stades où évoluent des équipes professionnelles. Aujourd'hui, le président du club de football que j'étais voilà encore quelques années s'émeut de la violence qui règne, en particulier en Ile-de-France, sur les stades où s'affrontent des équipes amateurs de tous âges, qui jouent pour le plaisir. Tous les dimanches, des coups sont échangés.
Comment résoudre ce problème ?
Les arbitres dits « officiels », quand il y en a, hésitent à sanctionner sur le champ pour arrêter les bagarres. Quant au comité de district ou à la ligue - et je sais de quoi je parle pour avoir longtemps siégé à la ligue de Paris - ils prennent des décisions peu sévères pour éviter de nouveaux conflits consécutifs aux sanctions prises.
Les dirigeants de formations d'amateurs sont désabusés et on ne trouve plus d'arbitre volontaire : les matchs, hélas, sont livrés au bon gré de ceux qui s'expriment par la force. Vous savez tout cela, monsieur le ministre, car vous connaissez la vie de nos clubs.
Les bénévoles ont besoin que la confiance soit restaurée, et de se sentir protégés. Or les responsables hésitent à appliquer le règlement.
Les arbitres ont peur de sanctionner les fautes sur le terrain, sans doute par crainte de représailles, et les joueurs et les dirigeants redoutent les matchs retour.
Votre rôle, monsieur le ministre, est de restaurer la confiance, de diligenter les enquêtes nécessaires pour redonner à nos joueurs, dès le plus jeune âge, le plaisir de pratiquer le football en toute sécurité sur nos stades ce qui, hélas ! n'est plus le cas.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports. Monsieur le sénateur, chacun connaît, apprécie votre compétence, votre action dans le domaine sportif et vous en remercie.
La violence est un problème préoccupant, qui nécessite toute notre vigilance où qu'elle s'exerce, dans la vie de tous les jours, autour des lycées ou dans les enceintes sportives. Je crois que c'est la préoccupation de chacun d'entre nous.
Il faut souligner l'action des bénévoles, des supporteurs et, à ce titre, celle de la fédération des associations de supporteurs de football qui participe activement à l'effort d'éducation que l'Etat appelle de ses voeux. Mais on ne peut demander aux associations de résoudre à elles seules un problème qui est aussi policier et pénal.
La loi répond en fait à un triple objectif, vous le savez : tout d'abord, rehausser le montant des sanctions pénales pour permettre que la procédure de la comparution immédiate soit mise en oeuvre conformément à l'article 395 du code de procédure pénale ; ensuite, compléter la panoplie des infractions pénales d'une série de délits spécifiquement destinés à permettre que la répression s'exerce avant que les plus gros incidents se soient déroulés ; enfin, créer une possibilité d'interdiction d'accès au stade à l'endroit des fauteurs de troubles.
C'est peut-être aujourd'hui le problème de l'application de cet arsenal législatif qui semble se poser dans certains cas, ainsi qu'un problème d'information.
Actuellement, et ce depuis la fin de l'année 1995, a été instauré un observatoire de la violence qui réunit divers ministères et qui permet de répertorier les violences constatées par les préfets ainsi que les rencontres qui en ont été le prétexte. Lorsque des circonstances analogues à celles qui ont entraîné ces phénomènes de violence sont à nouveau réunies, sont organisées alors des opérations dites « coup de poing » qui font intervenir les représentants concernés de la justice, de la jeunesse et des sports et de l'intérieur.
Depuis le début de l'année 1996, de semblables opérations ont été organisées à Lens, Strasbourg et Montpellier. Elles ont donné lieu à soixante condamnations après interpellation en flagrant délit et procédure de comparution immédiate.
J'ajoute que, s'agissant de la violence à l'extérieur du terrain, c'est certainement aussi à un devoir plus important d'information qu'il faut se plier parce que trop de clubs de moindre importance ne sont pas en fait au courant de ce qu'ils peuvent ou doivent faire. En effet, vous savez que ce sont les organisateurs qui sont responsables du maintien de l'ordre dans l'enceinte sportive.
Se pose, par ailleurs, le problème de la violence sur le terrain de jeu, sur pelouse.
Ce domaine précis relève non du législateur, mais plutôt de l'éducateur et de toutes celles et de tous ceux - Etat, mouvement sportif ou médias - peuvent exercer une influence sur les esprits et ainsi avoir un rôle à jouer pour écarter cette menace sur l'éthique du sport.
Les fédérations font le maximum, compte tenu des moyens dont elles disposent, pour faire respecter ces règles d'éthique qui sont le fondement même de la pratique sportive. Vous savez bien sûr que le Gouvernement leur apporte tous les soutiens nécessaires, mais je crois que c'est une prise de conscience générale qu'il faut avoir à ce sujet, car il faut absolument garder au phénomène sportif et à ses pratiquants sa valeur d'exemplarité, surtout auprès des jeunes.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la règlementation et les actions conduites en ce domaine. Mais je vise non pas les villes que vous avez citées, comme Strasbourg et Lens, mais les communes de 2 000, 5 000 ou 10 000 habitants où les dirigeants, malgré la fédération, la ligue et le district, se trouvent isolés et souvent abandonnés.
Je pense - tel était l'objet de ma question - que votre ministère doit se préoccuper de cette situation qui est en train de se développer. Je crains cependant de n'avoir prêché dans le désert...

Prorogation des règlements en matière d'arrachage dans l'attente d'une réponse de l'Organisation commune des marchés - OCM-vitivinicole

M. le président. M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur les conséquences désastreuses qu'entraînerait, comme il en est question, la prorogation d'un an des règlements actuels - arrivant normalement à échéance le 31 août 1996 - en matière d'arrachage, dans l'attente d'une réforme globale de l'OCM vitivinicole.
Il lui rappelle que ces règlements relatifs à l'arrachage avec abandon définitif des droits de plantation et l'interdiction de plantations nouvelles avaient à l'origine vocation à résoudre des problèmes d'ordre structurel. En effet, il s'agissait de résorber une production de vin excédentaire dans l'Union européenne. Or, aujourd'hui, cette vocation première semble être détournée de sa mission ; le système d'arrachage primé avec abandon définitif des droits tend à s'apparenter à une mesure sociale, la prime devenant un complément de revenus pour les personnes cessant leur activité. Mais ce qui paraît plus problématique est que le système ayant parfaitement rempli sa mission de résorption des excédents, le prolonger représenterait une catastrophe économique dans la mesure où la production de vin en France deviendrait déficitaire ; sur le territoire communautaire, quelque 200 000 hectares seraient voués à disparaître.
Il souhaite que, à l'occasion de la réforme de l'OCM et avec l'arrivée à échéance des règlements précités, de nouvelles mesures en matière de politique sociostructurelle soient débattues et que soient prises en compte les propositions d'organismes professionnels, par exemple l'instauration d'une prime à la « transmission d'activité ».
En conséquence, il lui demande quelle position le Gouvernement entend adopter concernant la prorogation des règlements, quelles mesures il compte proposer dans le cadre de la réforme de l'OCM vitivinicole.
Il lui demande de bien vouloir lui donner une réponse. (N° 411.)
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. La prorogation d'un an au-delà du 31 août 1996 - dans l'attente d'une réforme globale de l'OCM vitivinicole - des règlements actuels en matière d'arrachage aurait des conséquences désastreuses.
Ces règlements, qui prévoient l'arrachage avec abandon définitif des droits de plantation et l'interdiction de plantations nouvelles, avaient à l'origine vocation à résoudre des problèmes structurels et visaient à résorber une production de vin excédentaire dans l'Union européenne.
Aujourd'hui, cette vocation première semble être dénaturée et l'arrachage primé avec abandon définitif des droits s'apparente à une mesure sociale, la prime devenant un complément de revenus pour les personnes cessant leur activité. Surtout, le système ayant rempli sa mission de résorption des excédents, le prolonger serait une catastrophe économique : la production de vin en France deviendrait déficitaire ; sur le territoire communautaire, quelque 200 000 hectares seraient voués à disparaître.
Ne serait-il pas possible, à l'occasion de la réforme de l'OCM et avec l'arrivée à échéance des règlements précités, de débattre de nouvelles mesures sociostructurelles et de prendre en compte les propositions des organismes professionnels, par exemple la création d'une prime à la « transmission d'activité ».
Quelle position le Gouvernement entend-il adopter sur la prorogation des règlements ? Quelles mesures propose-t-il dans le cadre de la réforme de l'OCM vitivinicole ?
M. le président. La parole est à M. le ministre. M. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports. M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, retenu actuellement au Luxembourg pour un important Conseil des ministres de l'agriculture, m'a demandé de vous fournir la réponse suivante.
Il rejoint tout à fait l'analyse que vous faites de la genèse et des conséquences des dispositifs structurels dans le secteur de la viticulture. C'est pourquoi la France ne peut envisager la reconduction en l'état, pour un an, des dispositions communautaires relatives à l'arrachage et à l'interdiction de plantations nouvelles. Des plantations nouvelles doivent pouvoir être autorisées, et le dispositif d'arrachage doit évoluer vers un système plus raisonné.
S'agissant de la réforme de l'OCM, le déroulement des dernières campagnes viticoles sur les plans communautaire et national ne diminue en rien la nécessité de mener à terme une réforme en profondeur de l'actuelle OCM.
La France continuera donc de défendre à Bruxelles une nouvelle OCM du vin, en rupture avec l'actuelle. Celle-ci sera fondée sur trois principes : responsabilisation de chacun des pays producteurs à l'égard de leurs excédents, subsidiarité dans les mécanismes de gestion et adaptation régionale des mesures structurelles.
Il convient, en effet, dans la future OCM, non seulement de prévoir un mécanisme dissuasif de distillation des excédents, mais surtout d'offrir à chaque région viticole, en tenant compte de ses spécificités, les moyens de s'adapter en quantité et en qualité à la demande, tout en améliorant la compétitivité des exploitations et des structures de vinification.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Tout d'abord, je salue la capacité d'adaptation de M. le ministre : chargé des sports, il traite aujourd'hui d'affaires agricoles. Cela méritait d'être souligné.
Je relève par ailleurs que, au nom de M. Vasseur, il n'a pas parlé des possibilités, des facilités que souhaiterait obtenir la profession quant à la transmission d'activité.
Or, la vigne constituant un véritable capital, si l'on ne soutient pas la transmission de ce patrimoine, à très court terme, nous serons confrontés à de vrais problèmes dans nos régions viticoles.

Conséquences pour les caves coopératives viticoles du dysfonctionnement des procédures d'aides de l'Etat et du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole

M. le président. M. André Vezinhet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation sur le grave dysfonctionnement des procédures d'aides de l'Etat et du FEOGA et les conséquences pour les investissements matériels des caves coopératives viticoles et de leurs unions.
Il lui rappelle un problème bien connu de ses services, mais qui devient de plus en plus insupportable aux coopérateurs vignerons. En effet, depuis deux ans, le « plan sectoriel » n'est toujours pas approuvé par l'Union européenne et continue de faire l'objet de discussions parce qu'il contient des critères d'éligibilité excessivement difficiles à satisfaire, notamment présenter pour une coopérative plus de 70 p. 100 de vins à appellations d'origine contrôlées et vins de pays pour pouvoir accéder aux aides du FEOGA. Cette situation entraîne des répercussions à un double niveau.
Premier niveau : le blocage des dossiers FEOGA 1994 et 1995, qui, bien qu'approuvés au niveau régional, n'ont pu, faute du plan sectoriel, être transmis à la Communauté européenne.
Ainsi pour le département de l'Hérault, le bilan est le suivant :
- état des projets 1994 et 1995 bloqués au ministère, en attente du plan sectoriel : neuf coopératives concernées ; montant hors taxes du concours sollicité : 3 994 490 francs ;
- état des demandes de paiement FEOGA non traitées par le ministère de l'agriculture : quatorze coopératives concernées ; montant total de l'aide : 4 024 825 francs.
Deuxième niveau de blocage : pas de programmation régionale des crédits en 1996. La commission de programmation des crédits POA, qui devait se réunir en 1996, n'a pas eu lieu faute de critères d'éligibilité. Plusieurs dizaines de coopératives sont ainsi privées des aides de l'Etat et du FEOGA :
- état des projets Hérault 1996 non examinés, en attente du plan sectoriel : vingt-quatre coopératives ou unions concernées pour un montant de travaux de 64,9 millions de francs.
En conséquence, il lui demande comment il compte régler rapidement ce problème qui se pose, avec en corollaire une autre inquiétude, celle que les dossiers FEOGA stockés au ministère depuis 1994 ne soient finalement examinés à travers les nouveaux critères, avec le risque de ne pas satisfaire à ces derniers. Cela aurait pour conséquence que des entreprises qui s'étaient vu annoncer une aide de l'Etat et du FEOGA pourraient se voir finalement, après deux années d'attente, annoncer une suppression de leurs crédits.
Enfin et pour conclure, il lui fait part d'une préoccupation croissante des professionnels de la viticulture liée au retard de liquidation des paiements pouvant aller jusqu'à deux ans à partir du dépôt de dossier complet au ministère de l'agriculture.
Ce ne sont pas les mesures de réduction drastique du nombre des fonctionnaires annoncées par le Premier ministre, là où il faudrait au contraire une augmentation des moyens en personnel, qui sont de nature à apaiser le mécontentement des viticulteurs héraultais. (N° 414.)
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Ma question s'inscrit parfaitement dans la ligne des propos tenus par mon collègue M. Pastor, puisqu'elle traite des difficultés structurelles que rencontre à l'heure actuelle l'agriculture, particulièrement l'agriculture coopérative.
Je tiens, en effet, à évoquer le grave dysfonctionnement des procédures d'aide de l'Etat et du FEOGA, avec ses conséquences sur les investissements matériels des caves coopératives viticoles et de leurs unions.
Je relève un problème bien connu des services du ministère de l'agriculture, mais qui devient de plus en plus insupportable aux coopérateurs vignerons. Depuis deux ans, le plan sectoriel « vins et alcools » n'est toujours pas approuvé par l'Union européenne, et il continue de faire l'objet de discussions parce qu'il contient des critères d'exclusivité et des critères d'éligibilité excessivement difficiles à satisfaire. Ainsi une coopérative doit-elle présenter plus de 70 p. 100 de vins AOC et de vins de pays, ce qui élimine les vins de table, pour pouvoir accéder aux aides du FEOGA.
Cette situation entraîne des répercussions à un double niveau.
Premier niveau : le blocage des dossiers FEOGA de 1994 et de 1995. Bien qu'approuvés au niveau régional, ces dossiers n'ont pu, faute de plan sectoriel, être transmis à la CEE.
Voici le bilan pour le département de l'Hérault.
Etat des projets pour 1994 et 1995 bloqués au ministère en attente du plan sectoriel : neuf coopératives sont concernées, pour un montant hors taxes de concours sollicité de 3 994 490 francs.
Etat des demandes de paiement FEOGA non traitées par le ministère de l'agriculture : quatorze coopératives sont concernées, pour un montant total d'aide de 4 024 825 francs.
Deuxième niveau de blocage : pas de programmation régionale des crédits en 1996.
La commission de programmation des crédits POA, qui devait se réunir en 1996, n'a pas eu lieu faute de critères d'éligibilité. Plusieurs dizaines de coopératives sont ainsi privées des aides de l'Etat et du FEOGA.
Voici l'état des projets pour Hérault en 1996. Projets non examinés en attente du plan sectoriel : vingt-quatre coopératives ou unions sont concernées, pour un montant de travaux de 64,9 millions de francs.
En conséquence, je demande à M. le ministre comment il compte régler rapidement ce problème qui se pose avec, en corollaire, une autre inquiétude, celle que les dossiers FEOGA stockés au ministère depuis 1994 ne soient finalement examinés à travers les nouveaux critères, avec le risque de ne pas satisfaire à ces derniers. Cela aurait pour conséquence que des entreprises qui s'étaient vu annoncer une aide de l'Etat et du FEOGA et qui avaient fondé leur stratégie sur l'octroi de cette aide pourraient se voir finalement, après deux années d'attente, privées de ces crédits.
Enfin, je tiens à faire part de la préoccupation croissante des professionnels de la viticulture quant au retard de liquidation des paiements. Ces derniers pouvant aller jusqu'à deux ans à partir du dépôt du dossier complet au ministère de l'agriculture.
Et les agriculteurs ne trouveront sûrement pas d'apaisement dans la réduction drastique du nombre des fonctionnaires qui a été annoncée par M. le Premier ministre. C'est au contraire une augmentation des moyens en personnels qui serait de nature à apaiser le mécontentement des viticulteurs de l'Hérault et au-delà, vous l'avez bien compris.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, retenu actuellement au Luxembourg pour les raisons que vous a indiquées M. Guy Drut, m'a demandé de vous fournir la réponse suivante.
La filière vitivinicole française a accompli, au cours des vingt dernières années, un effort sans précédent aussi bien au plan qualitatif qu'en termes de maîtrise de la production. C'est pourquoi M. Philippe Vasseur a fixé comme priorité la réforme de l'actuelle Organisation commune des marchés pour la réorienter vers des dispositifs plus structurels et laissant place, quand les débouchés sont là, à un développement commercial.
S'agissant du plan sectoriel auquel vous faites allusion, monsieur Vezinhet, il est un des éléments de cette politique. Il faut rappeler qu'il a fait l'objet de discussions et de négociations au cours des années 1993 et 1994, période où n'avait pas été perçu l'ensemble de ces mutations.
Deux points empêchent à l'heure actuelle le traitement de bon nombre de dossiers présentés au FEOGA-orientation.
Le premier concerne l'obligation de réduction de 20 p. 100 des capacités de traitement des caves en cas de regroupement d'entreprises. Après de nombreuses discussions, la proposition présentée par la France vient de recueillir un accord de principe de la part de la commission, ce qui va permettre le déblocage des dossiers bloqués à ce titre.
Le second point porte sur l'application même des critères de qualité. Se fondant sur des pratiques antérieures acceptées par la Commission, la France a proposé de retenir les projets des caves dès l'instant où la part des vins de qualité serait d'au moins 70 p. 100 ou lorsque leurs parts se seraient accrues de 20 p. 100 au cours des cinq dernières années.
A ce jour, nous n'avons pas encore obtenu de réponse sur ce volet, et ce malgré l'intervention d'un parlementaire européen et une réponse de principe favorable du commissaire européen à l'agriculture.
Quoiqu'il en soit, monsieur le sénateur, soyez assuré que le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation est déterminé à obtenir une évolution favorable là aussi. En effet, la région Languedoc-Roussillon a divisé par quatre sa production de vins de table alors même qu'il existe toujours un marché pour cette catégorie de vin dont la qualité s'est d'ailleurs sensiblement améliorée.
Si des dossiers sont encore bloqués, notamment ceux de l'Hérault, c'est précisément sur ce critère. En revanche, le paiement des dossiers FEOGA de la période antérieure a pu être avancé, puisqu'il ne reste plus que six dossiers, déposés récemment, en instance, pour un montant de 1 498 000 francs. Les paiements interviendront donc très rapidement.
M. André Vezinhet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vézinhet.
M. André Vezinhet. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, pour cette réponse faite au nom de M. le ministre de l'agriculture.
Je me dois cependant de dire que, sur ce sujet, l'accumulation des faits devient inquiétante. En effet, après l'assujettissement à la contribution de solidarité des sociétés, votée à l'occasion de la loi de finances, les coopératives sont maintenant confrontées à une nouvelle difficulté.
Si j'ai bien compris que M. Vasseur a le souci de régler le problème, je n'ai entendu que de vagues promesses. Or cette opération dure depuis bientôt cinq ans, et nos coopératives ne peuvent plus supporter ce manque à gagner sur les investissements, avec les conséquences que cela implique sur l'évolution de leurs structures de production.
Ce problème est d'une extrême gravité, vous pouvez le comprendre.
Je voudrais quand même rappeler - ce sera une surprise non pas pour vous, madame le secrétaire d'Etat, mais peut-être pour mes collègues - que 21 000 coopérateurs produisent 77 p. 100 des 6,5 millions d'hectolitres de vin héraultais et 430 000 hectolitres de vins d'appellation d'origine contrôlée sur les 650 000 hectolitres qui sont élevés dans le département.
Ils font donc un effort.
Ils emploient 500 salariés et regroupent de jeunes viticulteurs qui ont l'audace, aujourd'hui, de tenter l'aventure de la création d'entreprise. Mais les confronter à de telles difficultés en matière d'investissement, c'est déjà réunir les conditions de l'échec, alors que la volonté humaine existe et que nous voudrions l'accompagner et l'encourager.
Je vous remercie donc de votre réponse, madame le sécrétaire d'Etat. Mais, malgré le respect que je vous porte, je suis obligé de dire qu'elle est loin de m'avoir satisfait.

EXPORTATIONS FRANÇAISES D'ÉLECTRICITÉ

M. le président. M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'environnement sur la polémique soulevée par le récent rapport de l'INESTENE - Institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe - quant aux exportations françaises d'électricité. Ce rapport émet un doute sérieux sur l'intérêt financier que pourrait avoir l'Etat à ces exportations. Or la création de nouveaux sites de production et de nouvelles infrastructures de transport d'énergie électrique, décidée le plus souvent sans réelle concertation des parties intéressées, engendre des conséquences sur notre patrimoine paysager que nous ne pouvons ignorer. Par conséquent, il souhaiterait savoir si elle envisage d'instituer par un texte de loi l'obligation d'une concertation large et d'études contradictoires d'opportunité pour la mise en place de telles infrastructures.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question aurait pu en fait être adressée aussi à M. le ministre de l'industrie.
En effet, elle concerne la polémique soulevée par la parution du récent rapport de l'INESTENE, l'Institut d'évaluation des stratégies sur l'énergie et l'environnement en Europe, sur les exportations françaises d'électricité.
Ce rapport émet un doute sérieux quant à l'intérêt financier que pourrait avoir l'Etat à ces exportations. Or la création de nouveaux sites de production et de nouvelles infrastructures de transport d'énergie électrique, décidée le plus souvent sans réelle concertation avec les parties intéressées, entraîne des conséquences pour notre patrimoine paysager que nous ne pouvons ignorer.
Par conséquent, je souhaiterais savoir si Mme le ministre de l'environnement envisage d'instituer par un texte de loi l'obligation de mener une concertation large et des études contradictoires d'opportunité avant de décider de la mise en place de telles infrastructures.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur Richert, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Corinne Lepage, qui est retenue aujourd'hui à Luxembourg pour le conseil sur l'environnement et qui m'a demandé de vous faire part de sa réponse.
Monsieur le sénateur, vous évoquez une étude sur les exportations françaises d'électricité réalisée récemment par un institut de recherche privé, l'INESTENE, pour le compte de l'organisation écologiste Greenpeace. Cette étude, qui met en doute la rentabilité de nos exportations, mérite d'être sérieusement relativisée.
A titre d'exemple, l'INESTENE souligne qu'à l'étranger EDF vend son électricité environ 24 centimes du kilowatt-heure, soit nettement en-dessous du tarif accordé en moyenne aux clients français. Cette comparaison n'est, bien entendu, pas significative, puisque l'électricité exportée est livrée directement sur le réseau d'interconnexion à 400 kilovolts, alors que la fourniture d'électricité à un consommateur final entraîne des coûts de transport et de distribution qui représentent une bonne moitié du prix de revient de l'électricité livrée. Autrement dit, on compare ici des prix de vente « en gros » et des prix de vente « au détail », ce qui n'a aucun sens.
Par ailleurs, l'INESTENE estime le prix de revient de l'électricité exportée à 30 centimes du kilowatt-heure, alors que le coût moyen de production de EDF est aujourd'hui de 22 centimes du kilowatt-heure, tous moyens de production confondus, qu'il s'agisse du nucléaire, du thermique classique qu'il ou de l'hydraulique. Le coût de production correspondant aux exportations d'électricité est, en fait, inférieur à ce chiffre de 22 centimes du kilowatt-heure, car le caractère quasi permanent des fournitures à l'exportation permet une utilisation optimale de l'outil nucléaire.
A cet avantage s'ajoute, dans certains cas, l'existence de clauses d'interruptibilité en période de pointe, qui permettent au système électrique français d'économiser des moyens de pointe.
L'interconnexion internationale représente indéniablement un fort inrérêt économique pour EDF et, par conséquent, pour la collectivité nationale. Elle constitue également un élément important de sécurité mutuelle des réseaux éléctriques européens.
En ce qui concerne la construction de lignes de transport d'énergie électrique, il convient de rappeler que tout projet fait aujourd'hui l'objet d'une large concertation locale préalablement à la procédure d'instruction, qui comprend en particulier une enquête publique.
Par ailleurs, des avancées récentes dans les domaines législatif et réglementaire sont venues compléter ces phases de concertation instaurées par le protocole relatif aux lignes électriques et signé entre l'Etat et EDF le 25 août 1992.
Il s'agit de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement et du décret du 10 mai 1996 pris en application de la loi susmentionnée et instaurant la Commission nationale du débat public.
Cette commission a pour vocation d'intervenir en amont des décisions déterminantes dans la mise en route des projets et d'organiser un véritable débat public portant tant sur les objectifs que sur les conséquences au regard des préoccupations environnementales.
Telles sont, monsieur le sénateur, les dispositions qui semblent répondre parfaitement aux légitimes préoccupations que vous avez exprimées.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse en trois points, à savoir, d'abord l'étude de l'INESTENE, qui doit être relativisée en raison du prix de vente à l'étranger, lequel tient compte de l'ensemble des éléments à intégrer dans le prix de revient, ensuite l'intérêt qu'il y a à faire des interconnexions internationales permettant d'évacuer les excédents et les surplus d'électricité, et, enfin, la large concertation qui est déjà engagée.
Permettez-moi de revenir sur ces trois points.
Sur le premier, je dirai qu'EDF gagne bien de l'argent grâce à ses exportations. Madame le secrétaire d'Etat, le prix moyen des ventes à l'étranger d'EDF était, l'an passé, légèrement inférieur à 24 centimes le kilowatt-heure et il est inférieur au prix de référence pour l'énergie nucléaire tel qu'il est évalué par le service des ministères, à savoir 24,1 centimes dans le cas le plus bas de la fourchette la plus basse des coûts de référence de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon, direction générale de l'énergie et des matières premières, la DIGEC/DGEMP du ministère de l'industrie. Pour les cas réels observés de fonctionnement du parc nucléaire, ce prix DIGEC passe à 28,5 centimes en 1995. C'est le coût qui avait été retenu par l'INESTENE. Dans ce cas de figure, on ne peut pas parler de bénéfices réels réalisés par notre entreprise, qui fabrique et transporte l'énergie nucléaire.
Le chiffre moyen de l'approvisionnement d'EDF en électricité était déjà, en 1993, de 24,7 centimes par kilowatt-heure. Ce chiffre est très bas, car il intègre les grands barrages hydrauliques du Rhin et du Rhône, qui fournissent une rente qu'il n'est pas question de brader à l'exportation.
En effet, nous savons bien qu'aujourd'hui le surplus d'électricité qui est produit l'est à partir de l'électricité nucléaire. Il ne s'agit donc plus d'intégrer dans le coût à l'exportation la rente de situation que ces barrages hydrauliques nous ont permis d'obtenir.
C'est la raison pour laquelle je continue de penser qu'il faut absolument relativiser les coûts que vous venez d'annoncer. Il serait d'ailleurs utile que nous puissions avoir accès à toutes les données chiffrées dont vous avez fait part au Sénat et à toutes celles qu'EDF possède encore.
M. le président. Monsieur Richert, vous avez très largement dépassé votre temps de parole.
M. Philippe Richert. J'ai été très court lors de mon intervention initiale, monsieur le président, reconnaissez-le !
M. le président. Il n'est pas possible de cumuler, mais je vous laisse cependant poursuivre.
M. Philippe Richert. Je serai très rapide.
En ce qui concerne l'intérêt des interconnexions, nous sommes en train de prévoir de nouvelles constructions de centrales nucléaires. Est-il vraiment nécessaire aujourd'hui, alors que nous faisons des exportations, de continuer à augmenter notre parc nucléaire ? Dans ce cadre, est-il indispensable de faire traverser notre paysage par l'ensemble de ces lignes à haute tension qui, malheureusement, ne sont pas très agréables à la vue ?

RECONVERSION DU SITE DU PLATEAU D'ALBION

M. le président. M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'avenir de la région du plateau de Sault et de la ville d'Apt dans le Vaucluse, suite à l'annonce officielle du démantèlement des missiles sol-sol du premier groupement de missiles stratégiques (GMS) installés sur la base aérienne d'Albion.
La fermeture de ce site de défense nucléaire, qui s'inscrit dans le cadre plus général de la réforme de notre défense nationale, vaste chantier que le président de la République a eu le courage de mettre en oeuvre, pose néanmoins le problème de sa reconversion.
Les études entreprises depuis plusieurs mois, et notamment celle qui a été commanditée par le Comité de liaison des élus d'Albion, mettent en évidence l'impact économique et social considérable d'une telle décision.
C'est ainsi que 1 200 emplois directs, environ 3 300 personnes, une quarantaine de classes et près de 170 entreprises seront touchés. Les incidences en termes de démographie et de maintien des services publics sont également très importantes.
L'ampleur des conséquences ainsi cernées permet de confirmer la nécessité de mettre en oeuvre un projet de développement de longue durée particulièrement complet, tenant compte des propositions formulées par les acteurs locaux.
Le rapport annexe de présentation du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002, projet dont la discussion aura lieu dans les jours prochains au sein de la Haute Assemblée, précise justement que l'« importance des mesures de restructuration militaire et industrielle, et la durée de la phase de transition d'un modèle d'armée à l'autre nécessitent un effort d'accompagnement économique et social exceptionnel ».
A cet égard, il sollicite de M. le ministre de la défense une audience des parlementaires vauclusiens et des élus directement concernés par la fermeture du site d'Albion, afin de définir une procédure de travail devant déboucher sur la mise en oeuvre de mesures de reconversion adaptées.
La récente nomination d'un délégué interministériel aux restructurations de défense, qui s'est engagé à organiser très rapidement une première réunion dans le Vaucluse, permet d'envisager une réelle concertation sur le terrain, en liaison avec les autorités administratives concernées et les représentants de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.
Il n'en demeure pas moins vrai que l'efficacité de cette phase dépend en grande partie des propositions de l'Etat, lesquelles devront absolument s'appuyer et répondre aux engagements du président de la République, visant à ce que la « reconversion du site et l'implantation de nouvelles activités militaires ou civiles soient étudiées, en concertation avec les parlementaires et élus locaux, avec le souci prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des activités économiques de la région ».
Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser ses intentions à ce sujet. (N° 417.)
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur l'avenir de la région du plateau de Sault et de la ville d'Apt dans le Vaucluse, suite à l'annonce officielle du démantèlement des missiles sol-sol du premier groupement de missiles stratégiques, GMS, installés sur la base aérienne d'Albion.
La fermeture de ce site de défense nucléaire, qui s'inscrit dans le cadre plus général de la réforme de notre défense nationale, vaste chantier que le président de la République a eu le courage de mettre en oeuvre, pose néanmoins le problème de sa reconversion.
Les études entreprises depuis plusieurs mois, notamment celle qui a été commanditée par le comité de liaison des élus d'Albion, mettent en évidence l'impact économique et social considérable d'une telle décision.
C'est ainsi que 1 200 emplois directs, environ 3 300 personnes, une quarantaine de classes dans les écoles et près de 170 entreprises seront directement touchés. Les incidences en termes de démographie et de maintien des services publics sont également très importantes.
Le rapport annexe de présentation du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002, projet qui est actuellement soumis au Parlement et qui a fait l'objet de discussions au sein de la Haute Assemblée la semaine dernière en première lecture, précise justement que « l'importance des mesures de restructurations militaire et industrielle, et la durée de la phase de transition d'un modèle d'armée à l'autre nécessitent un effort d'accompagnement économique et social exceptionnel ».
Madame le secrétaire d'Etat, l'attente des élus et des responsables locaux est à la hauteur de cet effort.
A cet égard, je sollicite du ministre de la défense une audience en présence de mes collègues les députés Jean-Michel Ferrand et Yves Rousset-Rouard ainsi que le sénateur Claude Haut, au nom des parlementaires vauclusiens et des élus directement concernés par la fermeture du site d'Albion, cela afin de définir une procédure de travail devant déboucher sur la mise en oeuvre de mesures de reconversion adaptées.
La récente nomination d'un délégué interministériel aux restructurations de défense, M. Thierry Klinguer, qui a organisé le mardi 11 juin dernier une première réunion à la préfecture de Vaucluse, permet, il est vrai, d'envisager une réelle concertation sur le terrain, en liaison avec les autorités administratives concernées et les représentants de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il n'en demeure pas moins vrai que l'efficacité de cette phase dépend en grande partie des propositions de l'Etat, lesquelles devront absolument répondre et s'appuyer sur les engagements du président de la République visant à ce que la « reconversion du site et l'implantation de nouvelles activités militaires ou civiles soient étudiées, en concertation avec les parlementaires et élus locaux, avec le souci prioritaire du maintien du niveau d'emploi et des activités économiques de la région. »
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me préciser les intentions du Gouvernement sur cet important dossier.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargée de la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui présente actuellement, aux élus concernés, les orientations gouvernementales relatives à l'avenir de la direction des constructions navales.
Depuis l'annonce publique de la dissolution du premier groupement de missiles stratégiques, le ministère de la défense examine les possibilités d'implantations militaires sur le site d'Apt.
Cette démarche répond à une logique d'anticipation, de proximité et de concertation qui définit l'approche du Gouvernement dans la conduite des mesures de restructuration.
Anticipation : en effet, si cette décision est connue depuis plusieurs mois, ses premiers effets économiques n'apparaîtront qu'en 1998.
Proximité : dans ce délai, c'est au plus près des réalités locales que seront identifiées les mesures d'accompagnement destinées à pallier la disparition du 1er GMS.
Concertation, enfin : depuis plusieurs mois, les rencontres avec les acteurs locaux les plus concernés par cette opération se sont multipliées, et, tout récemment encore, lors de la visite sur place du délégué interministériel aux restructurations de défense.
En tout état de cause, le ministre de la défense tient à souligner l'efficacité des actions d'accompagnement qui bénéficient au niveau national, depuis le vote du projet de loi de programmation militaire, d'un volume significatif de crédits ; près d'un milliard de francs sont en effet affectés au fonds de restructuration pour la défense et dédiés à l'aide aux reconversions d'entreprises militaires.
Cette dynamique paraît entièrement partagée par les acteurs locaux, notamment par l'exécutif de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, qui conclura, dans les tout prochains jours, avec l'Etat une convention d'accompagnement des restructurations de la défense.
Je veux enfin vous assurer que le ministre de la défense veillera à ce que le site d'Albion fasse, dans cette perspective, l'objet d'une attention toute particulière, et que je lui transmettrai votre demande de réunion.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Je tiens à remercier Mme le secrétaire d'Etat pour sa réponse. Je souhaite néanmoins apporter deux petites précisions.
Nous sommes tout à fait conscients de la volonté de l'Etat, qui est, comme vient de nous l'indiquer Mme le secrétaire d'Etat, à la fois d'anticiper sur l'événement et d'instaurer une concertation sur le terrain. Mais je tiens à insister sur la participation prépondérante des parlementaires locaux dans cette concertation.
En outre, s'agissant de la solution mixte de reconversion vers laquelle nous nous dirigeons, à savoir l'implantation de nouvelles activités militaires et civiles, tous les élus locaux sont unanimes pour dire que la composante militaire doit être importante. Il est évident que sur les sites concernées du plateau d'Albion et du plateau de Sault, toute autre activité économique est difficilement envisageable.

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE MALTE

M. le président. J'ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de la Chambre des représentants de la République de Malte conduite par son président, M. Lawrence Gonzi.
Au nom de la Haute Assemblée, je lui souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à fortifier les liens d'amitié entre nos deux pays.
Je salue également la présence du président du groupe d'amitié France-Malte. (Mmes les secrétaires d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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QUESTIONS ORALES

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales sans débat.

EXCÈS DES TA^CHES
NON JURIDICTIONNELLES INCOMBANT
AUX MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE

M. le président. M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de disponibilité des magistrats de l'ordre judiciaire en raison des trop nombreuses tâches non juridictionnelles qui leur incombent.

Il s'interroge notamment sur la nécessité de faire participer des juges de l'ordre judiciaire à de multiples commissions administratives purement consultatives, ou même sur la présidence de certaines d'entre elles dans des matières, certes importantes et intéressantes, mais qui relèveront ensuite du contentieux du juge administratif.
C'est le cas notamment de la commission donnant avis sur le séjour ou l'explusion des étrangers, de celle qui statue sur les appels d'aide sociale ou encore des commissions de discipline des fonctionnaires territoriaux.
A cet égard, il est significatif de noter que la loin° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 a transféré au juge administratif la charge de la présidence de ces commissions de discipline mais que, faute de publication d'un décret en Conseil d'Etat en fixant les modalités, c'est toujours un juge de l'ordre judiciaire qui assure cette fonction.
Il lui demande de préciser les mesures que son ministère compte prendre pour décharger les magistrats de l'ordre judiciaire de matières relevant du juge administratif ou de tâches non juridictionnelles. (N° 412.)
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je souhaitais attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de disponibilité des magistrats de l'ordre judiciaire en raison des trop nombreuses tâches non juridictionnelles qui leur incombent. Nous ne pouvons que nous interroger sur la nécessité de faire participer des juges de l'ordre judiciaire à de multiples commissions administratives purement consultatives, ou même sur la présidence de certaines d'entre elles dans des matières, certes importantes, mais qui relèveront ensuite du contentieux du juge administratif.
C'est le cas notamment de la commission donnant avis sur le séjour ou l'expulsion des étrangers, de celle qui statue sur les appels d'aide sociale ou encore des commissions de discipline des fonctionnaires territoriaux.
A cet égard, il est significatif de noter que la loi du 27 décembre 1994 modifiant la loi du 26 janvier 1984 a transféré au juge administratif la charge de la présidence de ces commissions de discipline mais que, faute de publication d'un décret en Conseil d'Etat en fixant les modalités, c'est toujours un juge de l'ordre judiciaire qui doit assurer cette fonction.
Quelles sont donc les mesures que M. le garde des sceaux compte prendre pour décharger les magistrats de l'ordre judiciaire de matières relevant du juge administratif ou de tâches non juridictionnelles ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Margie Sudre, secrétaire d'Etat chargé de la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Jacques Toubon, qui n'a pu être présent ce matin. Il a tenu à ce que je porte à votre attention les éléments suivants.
Les orientations figurant dans le rapport annexé à la loi de programme n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice rappellent la nécessité de recentrer l'activité du juge sur sa mission essentielle qui est de dire le droit et de le décharger des tâches qui ne lui incombent pas nécessairement.
A cette fin, la Chancellerie veille avec un soin tout particulier à ce que la participation des magistrats de l'ordre judiciaire à la composition d'organismes ou de commissions extrajudiciaires soit réservée à des domaines d'activité correspondant à leur vocation naturelle et propres à prévenir le développement de certains contentieux.
En effet, si le souhait de voir des magistrats entrer dans la composition de tels organismes répond au souci, sans doute légitime, de leur conférer une certaine autorité, il importe toutefois de ne pas multiplier les cas dans lesquels leur participation serait souhaitée.
C'est notamment à cette fin que l'article 12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 septembre 1958, modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, a prévu que toute disposition réglementaire nouvelle prescrivant la participation de magistrats aux travaux d'organismes ou de commissions extrajudiciaires doit être soumise au contreseing du garde des sceaux.
Cette disposition, qui constitue une formalité substantielle, a ainsi pour objet de permettre de vérifier, dans chaque cas particulier, que les fonctions qui seraient conférées à un magistrat ne sont pas de nature à compromettre son indépendance. Elles permettent aussi d'apprécier la compatibilité de cette participation éventuelle avec les dispositions d'organisation judiciaire et d'évaluer ses impacts sur les plans tant de la charge de travail des magistrats que du fonctionnement des juridictions.
En outre, dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre du plan de réforme de l'Etat et des services publics annoncé par le Premier ministre, la Chancellerie sera amenée à recenser l'ensemble des missions extrajudiciaires qui incombent aujourd'hui aux magistrats, et pour lesquelles leur participation pourrait être supprimée dès lors qu'elle ne paraîtrait pas indispensable.
En raison de la multiplicité des textes qui les instituent, il n'est toutefois pas envisageable de réduire brutalement la participation des magistrats à des commissions extrajudiciaires. Ce retrait ne pourra être effectué que progressivement pour ne pas désorganiser les instances qui bénéficiaient de la participation des magistrats.
En ce qui concerne plus particulièrement les conseils de discipline de la fonction publique territoriale, je vous dirai que l'attention du ministre de l'intérieur a été récemment appelée sur la particulière urgence que revêt l'intervention du décret d'application de la loi n° 94-1134 du 24 décembre 1994, que vous mentionniez tout à l'heure. Il incombe maintenant à ce département ministériel de l'élaborer, afin de garantir sans délai un fonctionnement normal de ces instances disciplinaires.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Jacques Toubon souhaitait porter à votre connaissance.
M. Jean-Pierre Vial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Je tiens à remercier M. le ministre des informations qu'il nous a données. On ne peut que se féliciter du fait que M. le garde des sceaux réaffirme les orientations tendant à soulager les magistrats, qui sont trop peu nombreux et surchargés de tâches ne relevant pas de la mission judiciaire.
J'ai bien noté la préoccupation de M. le garde des sceaux quant à l'application de la loi du 24 décembre 1994 et le désir qu'il a de voir prendre les décrets d'application correspondants par M. le ministre de l'intérieur.

Inadaptation de la RN 504 à la croissance du trafic routier et notamment de poids lourds

M. le président. M. Jean-Pierre Vial attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur le problème de la RN 504, et plus particulièrement sur la croissance très rapide du trafic poids lourds qui emprunte le tunnel routier de Fréjus et qui, pour sa très grande majorité, utilise la RN 504, qui est totalement inadaptée. En dix ans, ce type de trafic a augmenté de plus de 50 p. 100 sur cet itinéraire, entraînant insécurité et exaspération des populations riveraines, outre le danger particulier que représente la traversée de certaines communes et la sortie du tunnel du Chat.
Par ailleurs, le risque d'une pollution accidentelle du lac du Bourget, dans la mesure où cette route nationale surplombe sur plusieurs kilomètres le premier lac naturel de France, est très inquiétant.
Une solution à ces problèmes peut être le barreau autoroutier Ambérieu-Grenoble, à la condition que le choix de son tracé prenne en compte le délestage de cet itinéraire. Un tel projet pourrait également chercher à mieux drainer le trafic qui, venant d'Allemagne et de Suisse, traverse nos départements alpins pour se rendre dans le sud de la France.
Cette question devient d'autant plus préoccupante que le futur tronçon autoroutier, entre Saint-Julien-en-Genevois et Cruseilles, devrait favoriser cet axe. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui apporter des informations et des précisions sur l'avancement de ce dossier qui intéresse non seulement les Savoyards et les départements voisins mais également la région Rhône-Alpes. (N° 415.)
La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenais à attirer l'attention du ministre de l'équipement sur le problème de la RN 504, et plus particulièrement sur la croissance très rapide du trafic poids lourds qui emprunte le tunnel routier du Fréjus et, pour sa très grande majorité, utilise la route nationale 504, qui est totalement inadaptée.
En dix ans, ce type de trafic a augmenté de plus de 50 p. 100 sur cet itinéraire, entraînant insécurité et exaspération des populations riveraines, outre le danger particulier que représente la traversée de certaines communes et la sortie du tunnel du Chat.
Par ailleurs, le risque d'une pollution accidentelle du lac du Bourget, dans la mesure où cette route nationale surplombe sur plusieurs kilomètres le premier lac naturel de France, est très inquiétante.
Je rappelle que cette situation ne devrait que s'aggraver avec la mise en circulation progressive de l'autoroute de Maurienne.
Or, le barreau autoroutier Ambérieu-Grenoble pourrait constituer une solution à ce problème, à la condition que son tracé prenne en compte le délestage de cet itinéraire.
Un tel projet pourrait aussi permettre de mieux drainer le trafic qui, venant d'Allemagne et de Suisse, traverse nos départements alpins pour continuer vers le sud de la France. Cette question devient d'autant plus préoccupante que le futur tronçon autoroutier entre Saint-Julien-en-Genevois et Cruseilles devrait favoriser cet axe.
Telles sont, madame le secrétaire d'Etat, les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir nous apporter des informations et des précisions sur l'avancement de ce dossier qui intéresse, non seulement les Savoyards et les départements voisins, mais aussi la région Rhône-Alpes.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Bernard Pons, qui m'a chargée de vous apporter des éléments de réponse sur un sujet auquel il est, comme moi-même, extrêmement sensible et que vous avez fort bien exposé.
Le projet de barreau autoroutier A 48, entre les autoroutes A 42 à Ambérieu et A 43 à Bourgoin-Jallieu, a été inscrit au schéma directeur routier national approuvé par décret en date du 1er avril 1992.
Cet aménagement a pour objectif prioritaire d'améliorer l'écoulement des trafics nord-sud tout en délestant les axes routiers empruntant le couloir Saône-Rhône.
Après concertation avec les différents élus, une décision de principe a été prise sur la base d'un fuseau Centre.
Toutefois, après cette décision, la poursuite des études a montré que de grandes difficultés de raccordement de la future liaison à l'A 43 existent dans le secteur de Bourgoin-Jallieu.
C'est la raison pour laquelle M. Bernard Pons a demandé que des études complémentaires soient conduites pour éviter notamment que le trafic de transit nord-sud ne traverse Bourgoin-Jallieu. Des solutions alternatives présenteraient en outre l'avantage de préserver les zones les plus sensibles au regard de l'urbanisme et des paysages. Ces études complémentaires, dont l'objectif est la protection de l'environnement, sont en voie d'achèvement.
Dans ces conditions, nos services vont organiser, dès la première quinzaine de juillet, une réunion avec tous les ministères concernés, ceux de l'environnement et de l'agriculture, ainsi qu'avec les préfets.
Bien entendu, le problème central que vous avez évoqué du délestage de la RN 504 sera examiné au cours de cette réunion ; soyez assuré que nos services ont reçu, et recevront encore davantage après votre intervention, toutes instructions pour que cette question soit examinée avec la plus grande attention.
L'objectif est, bien entendu, d'aboutir à une décision sur le fuseau de 1 000 mètres dans les meilleurs délais.
M. Jean-Pierre Vial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie des explications que vous venez de nous donner. J'ai bien compris que l'examen auquel vous avez fait allusion concerne la remise en cause éventuelle du fuseau central. Or, la solution à laquelle je pensais et à laquelle pensent de nombreux élus de Savoie, de l'Ain et même de Haute-Isère est, bien évidemment, le rattachement à un fuseau situé plus au sud.
Je me permets d'insister pour attirer de nouveau l'attention de M. le ministre de l'équipement sur l'augmentation de la circulation sur la RN 504 du fait, notamment, de la mise en circulation de l'autoroute de Maurienne, comme je l'ai rappelé, mais surtout - ce qui me paraît plus préoccupant - sur la quasi-impossibilité d'aménager de façon satisfaisante cet itinéraire et sur le coût que cela impliquerait.
En revanche, le choix d'un barreau aboutissant sur un fuseau plus au sud permettrait, sans coût pour l'Etat, puisque la RN 504 ne serait plus à aménager, d'apporter une solution satisfaisante au niveau non seulement du trafic mais aussi de la sécurité.

Difficultés des entreprises
du second oeuvre du bâtiment

et pratiques de passation des marchés publics

M. le président. M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la situation très difficile dans laquelle se trouvent les entreprises du BTP à ce jour et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Les difficultés de ces dernières se trouvent amplifiées par les pratiques effectives de passation des marchés de travaux.
En effet, que le marché soit passé par adjudication ou par appel d'offres, le recours excessif au marché à entreprise générale fait de la plupart des entreprises du second oeuvre des sous-traitants à des niveaux de prix et à des conditions de paiement incompatibles avec leur pérennisation.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables aux choix des candidats, et notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent posséder par elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître d'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que s'il existe, compte tenu des caractéristiques de l'ouvrage, un nombre important d'entreprises possédant la capacité technique et les moyens de réaliser par elles-mêmes l'ensemble de l'ouvrage ; dans tous les autres cas, il devrait, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur pour la réalisation de l'ouvrage, choisir de recourir à la formule du groupement conjoint ou en marchés séparés. (N° 413.)
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme mais, à vrai dire, elle concerne aussi M. le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, en tant que tuteur du code des marchés publics. Toutefois je ne doute pas que Mme le secrétaire d'Etat aux transports est parfaitement à même de faire la synthèse des réponses qu'ils auraient pu m'apporter.
Ma question porte sur la situation difficile dans laquelle se trouvent à ce jour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Ces difficultés sont, bien entendu, de nature économique et conjoncturelle, mais elles sont amplifiées par des ambiguïtés juridiques et par les pratiques effectives de passation des marchés de travaux.
En effet, quel que soit le mode de passation des marchés, on constate un recours de plus en plus important à l'entreprise générale. Les entreprises du second oeuvre se voient ainsi réduites au rôle de sous-traitant, sans lien juridique avec le maître d'ouvrage, à des niveaux de prix et à des conditions de paiement qui les menacent quelquefois dans leur survie.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables aux choix des candidats et notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent présenter par elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître de l'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que pour les marchés comptant un nombre restreint de lots, pour lesquels il existe des entreprises capables de les réaliser par leurs propres moyens. Dans les autres cas - comme l'avait déjà prévu la circulaire du 9 mars 1982 - il devrait recourir à la formule des marchés séparés ou, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur, du groupement conjoint.
La réforme en préparation du code des marchés publics sera peut-être l'occasion de donner de « l'entreprise générale » une définition juridique, qui manque, semble-t-il, et de préciser les références qui doivent êre prises en considération, références acquises soit par une exécution directe des travaux, soit par le recours à la sous-traitance.
Autrement dit, ne jugez-vous pas utile, madame le secrétaire d'Etat, de clarifier l'ensemble de cette question et de lever les ambiguïtés qui inquiètent aujourd'hui une bonne partie des industriels du bâtiment et des travaux publics ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, vous demandez à M. Bernard Pons, ainsi qu'à M. Yves Galland, comment les procédures de passation des marchés publics de travaux peuvent contribuer à maintenir un tissu dynamique de petites et moyennes entreprises, facteur important de qualité et d'innovation, ainsi que de création d'emplois, dans le secteur de la construction.
M. Pons me charge de vous apporter les éléments d'information suivants.
En l'état actuel du droit, comme vous le savez, tout maître d'ouvrage public est libre de choisir le mode de dévolution des travaux qu'il estime être le plus adapté à l'opération qu'il envisage. Il peut ainsi recourir à l'entreprise générale, à un regroupement d'entreprises ou faire appel à plusieurs entreprises dans le cadre de marchés séparés.
De même, la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance consacre le droit des entreprises à sous-traiter leur activité, qu'il s'agisse d'une sous-traitance de capacité ou de spécialité.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, prévoit que, dans le bâtiment, le maître de l'ouvrage ne peut consulter les entreprises que lorsqu'il dispose d'études de conception suffisamment poussées pour lui permettre d'exercer pleinement son choix quant au mode de dévolution des travaux, et donc pour opter éventuellement pour les marchés séparés.
Nous sommes très attachés au développement d'une concurrence saine et loyale, et extrêmement sensibles, monsieur Gaillard - je puis vous l'assurer - aux préoccupations que vous avez évoquées, spécialement dans le contexte économique actuel.
Nous entendons pour cela veiller à ce que l'attribution des marchés de travaux le soit aux entreprises « mieux-disantes ». Nos services travaillent ainsi dans ce sens, en particulier en élaborant un guide à l'attention des maîtres d'ouvrage publics sur ce sujet.
Nous souhaitons également que, dans le cadre de la réforme du code des marchés publics, qui sera engagée par le Gouvernement sur la base des conclusions remises par M. Trassy-Paillogues, un débat soit instauré en particulier sur la sous-traitance.
Nous sommes convaincus que le titulaire du marché doit exécuter une part significative du marché qui lui est attribué et qu'il doit en être de même pour les sous-traitants proposés. Il faut également que le choix au « mieux-disant » s'applique à l'entreprise sous-traitante. Enfin, il est indispensable d'instaurer davantage de transparence et de partenariat entre donneurs d'ordre et sous-traitants dans le cadre de la passation des marchés publics.
Voilà quelques-unes des orientations, lesquelles sont, me semble-t-il, monsieur Gaillard, tout à fait en conformité avec votre propre préoccupation de clarification, que nous souhaiterions mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme du code des marchés publics.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse très documentée que vous avez bien voulu m'adresser. Il est vrai qu'il s'agit d'une question très délicate.
Alors que le code, dans sa rédaction initiale, contient des dispositions contraignantes pour les candidats, les obligeant à ne présenter une offre qu'accompagnée de références et de garanties professionnelles et financières propres, la pratique de l'entreprise générale s'est développée, ce qui est inévitable.
Elle présente toutefois l'inconvénient de rompre, en quelque sorte, le lien entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant, puisque ce dernier peut très bien être exclu, aussi bien au moment de la passation du marché qu'ensuite, et que le maître d'ouvrage n'a d'autre possibilité que de l'agréer.
Vous avez fait allusion à une étude menée par M. Trassy-Paillogues. Je crois qu'elle ne répond qu'en partie à la question, ne traitant pas du problème des deux catégories de références dont vous avez parlé : celles qui sont transmises directement et celles qui le sont indirectement à travers la sous-traitance.

Tracé du TGV Est : préservation du site
de Bonne-Fontaine situé dans le parc naturel

des Vosges du Nord

M. le président. M. Charles Metzinger signale à Mme le secrétaire d'Etat aux transports que le tracé du TGV Est, tel qu'il est envisagé actuellement, ne manquera pas d'avoir des conséquences économiques et environnementales préjudiciables pour la commune mosellane de Danne-et-Quatre-Vents, limitrophe du Bas-Rhin, en particulier pour son annexe, Bonne-Fontaine, enclavée dans le parc naturel des Vosges du Nord. Celle-ci bénéficie d'un environnement paysager et d'un patrimoine culturel qui en font un ensemble remarquable composé d'un couvent, d'un établissement hôtelier et d'une maison forestière.
La combinaison nature-culture-tourisme draine quelque 30 000 visiteurs par an, ce qui constitue, pour une petite commune de 517 habitants, un intérêt économique indéniable.
Dans la procédure administrative, la commission d'enquête a émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique pour la construction d'une ligne ferroviaire nouvelle sur l'ensemble du tracé. L'aménagement définitif n'est cependant pas encore arrêté.
Les élus de la commune n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire valoir leurs arguments et demander une traversée couverte du site de Bonne-Fontaine.
N'est-il pas envisageable de consentir un effort particulier pour la préservation de ce site ?
Par ailleurs, on entend dire que l'utilisation de l'ancienne ligne pourrait être envisagée sur quelques dizaines de kilomètres à proximité de Danne-et-Quatre-Vents. Est-ce vrai, et peut-elle en dire plus sur cet aspect de la question ? (N° 416.)
La parole est à M. Metzinger.
M. Charles Metzinger. Ma question concerne le tracé du TGV Est, tel qu'il est envisagé actuellement, qui ne manquera pas d'avoir des conséquences économiques et environnementales préjudiciables pour la commune mosellane de Danne-et-Quatre-Vents, limitrophe du Bas-Rhin, en particulier pour son annexe, Bonne-Fontaine, enclavée dans le parc naturel des Vosges du Nord.
Celle-ci bénéficie d'un environnement paysager et d'un patrimoine culturel qui en font un ensemble remarquable. La combinaison nature-culture-tourisme draine quelque 30 000 visiteurs par an, ce qui constitue, pour une petite commune de 517 habitants, un intérêt économique indéniable.
Dans la procédure administrative, la commission d'enquête a émis un avis favorable sur la déclaration d'utilité publique pour la construction d'une ligne ferroviaire nouvelle sur l'ensemble du tracé. L'aménagement définitif n'est cependant pas encore arrêté.
Les élus de la commune n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire valoir leurs arguments et demander une traversée couverte du site de Bonne-Fontaine. N'est-il pas envisageable de consentir un effort particulier pour la préservation de ce site ?
Par ailleurs, on entend dire que l'utilisation de l'ancienne ligne pourrait être envisagée sur quelques dizaines de kilomètres à proximité de Danne-et-Quatre-Vents. Est-ce vrai, madame le secrétaire d'Etat ? Pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect de la question ? M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Le projet de TGV Est européen, qui consiste à réaliser une ligne nouvelle à grande vitesse de 406 kilomètres entre la région d'Ile-de-France et l'est de la France, vient, après des années d'études et de travaux préliminaires, d'être déclaré d'utilité publique par un décret en Conseil d'Etat publié au Journal officiel du 15 mai 1996.
Pour la traversée de la commune de Danne-et-Quatre-Vents, le projet prévoit le jumelage de la ligne nouvelle avec l'autoroute A 4, ce qui permet d'éviter tout nouvel effet de coupure. Le passage est prévu en déblai, l'altitude de la plate-forme ferroviaire étant inférieure de huit à treize mètres à celle de l'autoroute.
La réalisation d'un ouvrage souterrain par le prolongement du tunnel des Vosges serait, du fait de la présence d'un talweg, d'un coût extrêmement important. La commission d'enquête, dans son avis rendu à l'issue de l'enquête publique, a conclu que, dans ce secteur, le prolongement n'était pas réalisable.
Les dispositions de protection acoustique nécessaires pour limiter la contribution sonore de la ligne nouvelle au droit des zones habitées à soixante-deux décibels seront prises en concertation avec les communes concernées.
La SNCF a réalisé une étude d'aménagement paysager de la traversée du site de Bonne-Fontaine, auquel, monsieur le sénateur, vous êtes particulièrement attaché. Cet aménagement permettra non seulement de limiter le niveau de contribution sonore de l'infrastructure ferroviaire en dessous de la norme retenue pour le TGV Est européen, mais également d'abaisser le niveau des nuisances acoustiques actuelles, dues à la présence de l'autoroute A 4.
En tout état de cause, la SNCF est tenue à l'obligation de résultat que j'ai mentionnée et les mesures nécessaires seront mises en oeuvre afin d'y parvenir.
Plus généralement, un protocole relatif aux études d'avant-projet détaillé est en cours de signature entre l'Etat, la SNCF et les collectivités locales. Ces études permettront, dans le respect des engagements de l'Etat, de procéder aux ajustements de détail sur l'ensemble du tracé, et ce dans la plus large concertation avec l'ensemble des parties concernées.
M. Charles Metzinger. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Metzinger.
M. Charles Metzinger. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez fournies.
La signature d'un protocole devrait apporter des apaisements supplémentaires aux inquiétudes, somme toute justifiées, des élus locaux des communes concernées dont je soutiens la démarche.
Si l'autoroute A 4 et le tracé de la ligne nouvelle du TGV Est, que nous réclamons tous, ne coïncidaient pas, les nuisances seraient plus importantes. Nous serons donc attentifs au contenu de ce protocole qui devra notamment définir en détail les opérations à réaliser.

POLITIQUE DU LOGEMENT
DANS LE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS

M. le président. M. Léon Fatous attire l'attention de M. le ministre délégué au logement sur la politique du logement dans le département du Pas-de-Calais, en particulier dans le district urbain d'Arras. Il lui demande de lui préciser le montant des crédits PLA, prêts locatifs aidés, et PALULOS, prime à l'aménagement des logements à usage locatif et d'occupation sociale. (N° 422.)
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Le 14 juin dernier, défilaient dans les rues des grandes villes de France les professionnels du bâtiment, qui manifestaient pour attirer notre attention sur la situation dramatique que connaît ce secteur d'activités. De nombreuses entreprises du bâtiment ont fermé leurs portes en 1995, entraînant ainsi la mise au chômage de 30 000 personnes. Pour la région Nord-Pas-de-Calais, 2 000 emplois ont été perdus en un an. Cette situation est liée en grande partie à la politique menée en matière de logement.
Au cours d'une réunion dans le cadre des rencontres « construction, aménagement du territoire » qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le 13 juin dernier, sous la présidence de M. Tiberi, un rapport très pessimiste a été présenté sur les perspectives du secteur et du financement du logement à l'horizon de 1997. Un représentant du ministère du logement assistait d'ailleurs à cette réunion.
Or, on constate que l'une des priorités nationales défendue par M. le Président de la République lui-même se traduit par une baisse des crédits affectés à ce domaine d'activités. En effet, pour le département du Pas-de-Calais, il faut noter, en 1995, une baisse sensible des crédits PLA. Bien entendu, le nombre de logements produits n'a que faiblement diminué, parce que les prêts locatifs aidés très sociaux, les PLATS, ont été nombreux, représentant près de 40 p. 100 de la production totale des logements sociaux nouveaux.
La baisse sensible des PALULOS a ralenti fortement la réalisation des opérations liées à la politique de la ville, ce qui a abouti à un doublement des délais de réalisation.
L'année 1996 marque encore un effondrement des PLA, puisqu'on réalisera, au maximum, 900 PLA avec les catégories I, dans les arrondissements d'Arras - Saint-Pol - Saint-Omer.
Je tiens à vous signaler, madame le secrétaire d'Etat, que les PLA de catégorie III pour le district urbain d'Arras s'effondrent littéralement puisque, de 116 en 1992, ils sont passés à 26 en 1996. On ne peut que constater une poursuite de la baisse des PALULOS.
Enfin, je voudrais savoir, madame le secrétaire d'Etat, si votre collègue des finances a l'intention de geler des crédits ou, pis, d'en annuler, comme en novembre 1995, car, actuellement, de nombreux dossiers déposés depuis six mois ne sont toujours pas financés.
Par ailleurs, les délais d'attente augmentent. Au premier trimestre de 1996, ils se sont accrus de un à deux mois par rapport à 1995. Il est regrettable que l'une des priorités affichées du Président de la République ne soit pas suivie des effets escomptés, car cela plonge nos entreprises du bâtiment dans une situation particulièrement critique et, surtout, cela ne permet pas de répondre aux attentes de milliers de demandeurs. Ils sont plus de 1 500, rien que dans le district urbain d'Arras.
Ma question est alors la suivante : face à cet état désastreux, combien de PLA et de PALULOS avez-vous l'intention de financer dans le Pas-de-Calais, plus particulièrement dans le district urbain d'Arras ? Les crédits affectés à mon département seront-ils en adéquation avec les difficultés qui sont plus importantes chez nous que dans les autres départements ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, se trouvant en ce moment même à l'Assemblée nationale, M. Pierre-André Périssol m'a demandé de vous apporter des éléments de réponse à votre question concernant le montant des dotations et des crédits affectés au logement dans le département du Pas-de-Calais.
Pour 1996, la dotation de prêts locatifs aidés et de primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PLA-PALULOS, qui est fongible depuis plusieurs années, vous le savez, s'élève à 222,8 millions de francs pour la région Nord-Pas-de-Calais.
Ces crédits sont déconcentrés. Il revient au préfet de région de les répartir entre les départements de sa région en fonction des besoins. Puis, le préfet de département retient les opérations à financer selon les priorités locales et selon, notamment, l'avis du comité départemental de l'habitat.
A ce titre, le département du Pas-de-Calais a obtenu cette année une dotation PLA-PALULOS de 66,43 millions de francs en catégorie III, une réserve de catégorie II ayant été effectuée à l'échelon régional par le préfet de région.
Sur ces 66,43 millions de francs de dotation fongible, 44 p. 100, soit 29,23 millions de francs, sont réservés aux opérations PALULOS et 56 p. 100, soit 37,20 millions de francs, aux opérations PLA.
En ce qui concerne plus particulièrement le district d'Arras, il est difficile, monsieur le sénateur, de donner avec précision le montant des crédits qui seront affectés en 1996 en PLA et en PALULOS dans ce secteur.
Néanmoins, M. Périssol m'a demandé de vous indiquer que, au stade des projets recensés dans le cadre de la programmation pour 1996, on peut estimer que 25 p. 100 des crédits réservés à la dotation PALULOS et quelque 10 p. 100 des crédits réservés au PLA pourraient être affectés au district d'Arras, et ce en fonction des dossiers. Ces chiffres peuvent varier selon la date de dépôt effectif des dossiers auprès de la direction départementale de l'équipement du Pas-de-Calais.
M. Léon Fatous. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées. Nous verrons au mois de novembre si les chiffres que vous avez annoncés ont bien été respectés.

MODALITÉS D'APPLICATION
DE LA DOTATION GÉNÉRALE DE DÉCENTRALISATION

M. le président. M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des modalités d'application de la dotation générale de décentralisation.
Il lui rappelle que les départements, pour lesquels le calcul de cette dotation laisse apparaître un solde négatif, sont soumis à un prélèvement de la somme correspondante sur le produit de leur taxe différentielle sur les véhicules à moteur.
Il lui indique, en effet, que le principe de ce prélèvement présente, outre son esprit contraire aux règles de la comptabilité publique qui interdit toute contraction entre dépenses et recettes, de nombreux inconvénients : d'une part, il complique l'élaboration des prévisions budgétaires en faisant peser une incertitude sur le montant des recettes attendues et, d'autre part, il introduit une opacité dans la lecture des comptes ainsi que des distorsions dans les ratios de gestion des collectivités concernées, faussant en conséquence les comparaisons interdépartementales.
Il lui demande, en conséquence, s'il ne serait pas possible de revoir les modalités d'application de la DGD en cas de solde négatif, en particulier par l'inscription d'une ligne budgétaire spécifique. (N° 427.)
La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès. Je tiens à attirer l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les conséquences des modalités d'application de la dotation générale de décentralisation.
Les départements, pour lesquels le calcul de cette dotation laisse apparaître un solde négatif, sont soumis à un prélèvement de la somme correspondante sur le produit de leur taxe différentielle sur les véhicules à moteur, c'est-à-dire la vignette.
Le principe de ce prélèvement présente, outre son esprit contraire aux règles de la comptabilité publique qui interdit toute contraction entre dépenses et recettes, de nombreux inconvénients : d'une part, il complique l'élaboration des prévisions budgétaires en faisant peser une incertitude sur le montant des recettes attendues et, d'autre part, il introduit une opacité dans la lecture des comptes ainsi que des distorsions dans les ratios de gestion des collectivités concernées, faussant en conséquence les comparaisons interdépartementales.
En conséquence, ne serait-il pas possible de revoir les modalités d'application de la dotation générale de décentralisation en cas de solde négatif, en particulier par l'inscription d'une ligne budgétaire spécifique ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Etant dans l'obligation d'assister à une réunion importante, M. Perben m'a chargée de vous communiquer les éléments de réponse les plus complets possible à la question assez complexe que vous lui avez posée.
Cette question comporte en fait deux aspects. Il s'agit, d'une part, de l'incertitude que feraient peser sur les budgets locaux les modalités de calcul de la dotation générale de décentralisation et, d'autre part, de l'inscription comptable de cette dotation ou du prélèvement fiscal qui en tient lieu.
S'agissant des modalités de calcul, il est utile de rappeler que la dotation générale de décentralisation n'est pas une dotation comme une autre. Elle a vocation à assurer une neutralité financière des partages de compétences entre l'Etat et les collectivités locales.
En effet, le financement des accroissements de charges, ou « droit à compensation », résultant des transferts de compétences est assuré, pour partie, par des ressources fiscales transférées aux collectivités et, pour le solde, par transfert de ressources budgétaires, la dotation générale de décentralisation.
Si le produit des impôts transférés, apprécié à la date du transfert, est inférieur au montant du droit à compensation, la dotation générale de décentralisation couvre la différence. Dans l'hypothèse inverse, il est procédé à un prélèvement sur le produit de l'impôt transféré, de telle sorte que la compensation financière n'excède pas les accroissements de charges résultant du transfert.
Pour la première année de sa mise en oeuvre, la dotation générale de décentralisation est donc un solde, positif ou négatif, sur lequel viennent ensuite s'imputer, année après année, soit les nouveaux transferts de fiscalité ou de compétences, soit les partages financiers des services.
Ce solde est ensuite indexé chaque année sur le taux de croissance de la dotation globale de fonctionnement.
On ne peut donc pas soutenir que les modalités de calcul de la dotation générale de décentralisation ou du prélèvement sur le produit de la fiscalité transférée diminuent la prévisibilité des budgets locaux. Bien au contraire, la dotation générale de décentralisation, positive ou négative, est la seule dotation, avec la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement, qui évolue ainsi de manière automatique sans qu'intervienne un élément physique ou financier.
Il est vrai que la dotation générale de décentralisation, positive ou négative, résulte de l'addition de deux éléments. Le premier a pour objet de compenser les transferts de compétences intervenus depuis le 1er janvier 1984. Il est stable, ainsi que nous venons de le voir.
Le second élément retrace le solde des mouvements financiers résultant de la mise en oeuvre du partage des services tel qu'il a été prévu par la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985. Il est généralement évolutif d'une année sur l'autre en raison des mécanismes de régularisation des mouvements de personnel et se traduit le plus souvent par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation.
Il faut toutefois souligner qu'à cet élément de perturbation et de diminution du niveau de la dotation générale de décentralisation correspond, en fait, une baisse équivalente des charges transférées puisque les dépenses de personnel sont alors transférées à l'Etat.
Au total, M. Perben estime qu'il n'existe aucune incertitude, à l'occasion de l'élaboration du budget, sur l'évolution de la dotation générale de décentralisation, positive ou négative, nette des mouvements de personnels qui sont budgétairement neutres pour les départements.
S'agissant du traitement comptable des départements dits « surfiscalisés », je tiens là aussi à vous apporter des précisions complètes.
Le montant des crédits inscrits sur les lignes budgétaires réservées aux impôts transférés, notamment les droits de mutation et la taxe sur les véhicules à moteur, correspond à ceux qui sont effectivement perçus par la collectivité. Ce procédé ne transgresse en rien le principe de la comptabilité publique de non-contraction entre les dépenses et les recettes. En effet, le prélèvement sur la fiscalité, effectué à la source, est non pas une charge supportée par la collectivité, mais un ajustement permettant de ne fournir à celle-ci que son juste dû. Inscrire en recette le montant total de la fiscalité levée sur le territoire de la collectivité et en dépense le montant du prélèvement opéré reviendrait, en réalité, à majorer fictivement le niveau général du budget.
Cette dernière méthode aurait des incidences néfastes sur les ratios de gestion. Elle ne permettrait plus la comparaison entre les départements à dotation générale de décentralisation négative - les « surfiscalisés » - et ceux à dotation générale de décentralisation positive. L'inscription du prélèvement sur une ligne budgétaire, sauf, le cas échéant, pour information, est donc à proscrire.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que M. Perben souhaitait vous apporter à titre de clarification.
M. René Marquès. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès. Madame le sécrétaire d'Etat, je vous remercie de ce brillant exposé de comptabilité publique, mais sachez qu'il ne répond malheureusement pas tout à fait à la question que j'ai posée. En effet, mon département, beaucoup plus que d'autres, connaît de sérieuses difficultés au niveau des charges sociales. D'ailleurs, vous le savez bien pour être déjà venue dans les Pyrénées-Orientales. Nous comptons donc beaucoup sur le produit de la taxe sur les véhicules à moteur.
La part de l'Etat dans l'équilibre, que vous avez si bien démontré, de la dotation générale de décentralisation positive ou négative conduit, dans ce cas précis, à des soustractions. Nous aurions souhaité que cette imputation soit opérée à un autre niveau et pas sur le montant relatif du produit de la taxe sur les véhicules à moteur. Pourquoi ? Parce que nous connaissons un autre problème, à savoir que la rentabilité, si l'on peut dire, de cette taxe diminue de plus en plus dans les Pyrénées-Orientales. En effet, nous sommes un département frontalier et de nombreux automobilistes vont acheter de grosses cylindrées à moteur Diesel en Espagne. Il est tout de même anormal que des propriétaires d'engins qui coûtent des centaines de milliers de francs paient une taxe comparable à celle qu'acquittent les propriétaires de plus petits véhicules à essence.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes émus de cette situation.

CONDITIONS D'OBTENTION
DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ

M. le président. M. Philippe Madrelle appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conditions d'obtention des cartes nationales d'identité. Dans le département de la Gironde, depuis novembre 1995, avec la nouvelle gestion des cartes nationales d'identité sécurisées, les délais d'obtention ne cessent de s'accroître. Ces délais atteignent sept semaines et, à la veille des examens et des départs en vacances, on parle dans les services préfectoraux de dix semaines. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qu'il compte prendre afin de remédier à cet état de fait (N° 410.).
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Madame le secrétaire d'Etat, à quelques jours des grands départs en vacances et en pleine période d'examens, vous me permettrez de vous alerter sur les délais que l'on impose aux habitants de la Gironde contraints de se faire établir ou de renouveler une carte nationale d'identité. Je ne sais pas si cette situation existe dans d'autres départements.
Il se trouve que, depuis la mise en place des nouvelles cartes sécurisées, les délais d'obtention ne cessent de s'accroître. Ces délais peuvent aller jusqu'à sept semaines, voire dix semaines !
Aux demandes urgentes consécutives à la perte ou au vol de la carte nationale d'identité, ou aux contraintes d'un examen ou d'un concours, les services préfectoraux répondent en dirigeant les usagers vers le service chargé d'établir les passeports, lui-même encombré à son tour.
Madame le secrétaire d'Etat, vous me permettrez, en outre, de vous rappeler que le coût d'un passeport est plus élevé que celui d'une carte nationale d'identité, ce qui est important lorsque l'on est chômeur, étudiant, RMIste, salarié ou retraité, bref quand on dispose de faibles revenus. La différence est même très sensible.
Cette pratique, que l'on pourrait qualifier d'arbitraire, voire d'abusive, mais je n'irai pas jusque-là, est aggravée par le fait que la préfecture de la Gironde n'assure pas la délivrance d'une carte nationale d'identité provisoire, comme il est d'usage dans bon nombre de départements.
Ce n'est pas aux usagers de subir les carences de l'organisation d'un service public, étant précisé que je tiens à dégager la responsabilité des fonctionnaires et des employés. C'est, en effet, au plus haut niveau de la hiérarchie que ces problèmes doivent être réglés.
D'après les chiffres du mois d'avril, je crois savoir que deux agents seulement recevaient une moyenne de trois cents demandes par jour, ce qui expliquerait la longueur des délais.
Madame le secrétaire d'Etat, connaissant le souci que vous avez du bon fonctionnement du service public de proximité, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cet état de fait.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, nous partageons tout à fait votre préoccupation relative aux conditions de délivrance de la carte nationale d'identité, qui est un vrai sujet de vie quotidienne, surtout en cette période de l'année. Il est clair, ainsi que mes collègues Jean-Louis Debré et Dominique Perben m'ont chargée de vous le confirmer, que la délivrance de ce document ne saurait en aucun cas devenir un véritable parcours du combattant. Entre l'exigence de sécurité et de fiabilité et les tracasseries inutiles, il y a évidemment un juste milieu à trouver.
Aujourd'hui, il n'est demandé de justifier de la nationalité française que lors d'une première demande de carte d'identité. Cela n'est pas nécessaire pour un simple renouvellement.
Cependant, il est vrai que les premières délivrances de cartes d'identité sécurisées sont assimilées à des premières demandes alors même que le demandeur est titulaire d'une carte de l'ancien modèle. Il peut en résulter des difficultés ou des lenteurs du type de celles que vous constatez dans le département de la Gironde, mais elles vont se résorber progressivement.
Afin de mieux accueillir et servir nos concitoyens, une circulaire complémentaire a été envoyée voilà déjà deux mois pour que soient allégées au maximum les formalités nécessaires. Cette circulaire, qui a été adressée aux préfectures afin de faciliter les démarches des usagers, rappelle, notamment aux administrations responsables, qu'il ne saurait être question de demander aux personnes qui se présentent pour obtenir une carte nationale d'identité plus de pièces justificatives que la réglementation n'en requiert.
M. Philippe Madrelle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de ces propos rassurants, mais vous comprendrez, ainsi que tous mes collègues maires, que nous restions très vigilants, car nos administrés sont particulièrement scandalisés par la situation.

SITUATION DES AGENTS HOSPITALIERS
DE L'HÔPITAL DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE
GEORGES-CLEMENCEAU À CHAMPCUEIL (ESSONNE)

M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation des personnels hospitaliers en fonction à l'hôpital Georges-Clemenceau de Champcueil, dans son département.
Des inégalités de traitement, relatives notamment aux indemnités de résidence, dues à une réglementation archaïque conduisent à des situations difficilement supportables.
C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir supprimer ces zones anciennement appelées zones territoriales d'abattement de salaires pour une plus juste équité entre les personnels de l'Assistance publique (n° 419).
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis heureux de constater que vous êtes ce matin chargé de répondre à ma question. En effet, la difficulté du sujet que je vais traiter, c'est Bercy, et, comme vous étiez auparavant secrétaire d'Etat au finances, je crois que le climat de notre entretien ne pourra être que positif ! (Sourires).
On pourrait imaginer que chacun des établissements et des personnels de l'Assistance publique bénéficie du même statut. Or, ce n'est pas le cas car, outre les établissements parisiens, il y a les établissements extra muros, en particulier l'hôpital Georges-Clemenceau de Champcueil, dont je suis depuis des années président de la commission de surveillance, et qui est spécialisé en gériatrie. Des disparités de rémunérations existent entre les personnels des deux catégories d'établissement, qui sont dues à une disparité géographique.
On parle en effet de zones d'abattement de salaires, qui datent de l'après-guerre, quand on s'est préoccupé des zones où les salaires étaient moins bas que dans les grands centres.
Les dispositions dudit texte ont été rajeunies en 1985. Et il en était bien besoin ! Songez que le département de l'Essonne, dans lequel est situé Champcueil, comptait, en 1965, 350 000 habitants, contre 1 150 000 aujourd'hui. De même, dans la zone d'habitat située autour de Champcueil, le nombre d'habitants, au cours de la même période, est passé de 10 000 à 40 000.
Actuellement, il existe trois zones territoriales d'abattement de salaires : la zone A, la zone B et la zone E et H. L'Assistance publique, car ces textes s'appliquent à la fonction publique, n'est présente que dans deux zones : la zone A, qui représente la zone parisienne, et la zone E et H, qui correspond aux établissements situés en périphérie de Paris et en province.
L'indemnité de résidence qui est allouée correspond, en zone A, à 3 p. 100 du traitement de base. Nul besoin d'évoquer la zone B, dépourvue d'établissements concernés. Quant aux personnels de la zone E et H, qui m'intéresse, ils ne peuvent bénéficier de l'indemnité de résidence qui avait été allouée pour compenser les difficultés d'habitat dans les grandes villes, appelée « indemnité d'affectation », qui correspond non pas à 3 p. 100 du traitement de base, mais seulement à 1 p. 100.
Pour y mettre à jour ce zonage, il faut un recensement, mais ce recensement, vous le savez bien, est illusoire pour des raisons financières. On parle de l'an 2000, 2001, 2002, 2003, mais les personnels sont au travail tous les jours ! Il faut donc un reclassement. Ce reclassement nécessaire est, en fait, déjà intervenu en septembre 1991, à la suite d'une circulaire interministérielle prise par les ministres chargés du budget et de la fonction publique, le critère étant l'évolution démographique. Or je ne rappellerai pas ici les chiffres que je citais à l'instant sur l'évolution démographique de la zone d'habitat et du département.
La difficulté est de savoir ce que nous voulons faire maintenant. Est-ce que nous voulons vivre avec notre temps ? Est-ce que nous voulons supprimer les injustices ? En effet, ce que chacun attend de ces rémunérations, c'est qu'elles soient calquées sur la réalité économique, et ce au nom de l'égalité la plus élémentaire. Avec les personnels et avec moi, le voulez-vous aussi, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, le ministre de l'économie et des finances me charge de vous communiquer les éléments de réponse qui vont suivre. N'étant plus à Bercy, je suis très heureux de rendre ce service à Jean Arthuis, qui n'a pas pu être parmi nous ce matin.
L'article 77 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que sont applicables de plein droit aux agents hospitaliers les dispositions législatives et réglementaires prises pour les fonctionnaires de l'Etat, relatives, notamment, au traitement de base et à l'indemnité de résidence.
Il en résulte que la réglementation applicable en matière d'indemnité de résidence, identique pour l'ensemble des agents des trois fonctions publiques, est fixée par l'article 9 du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 modifié, relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat et des personnels des collectivités territoriales.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, les taux de l'indemnité de résidence, arrêtés à 3 p. 100, 1 p. 100 et 0 p. 100, sont fixés suivant les zones territoriales d'abattement des salaires telles qu'elles sont déterminées par l'article 3 du décret du 30 octobre 1962.
Le classement des communes dans les zones ouvrant droit au versement de l'indemnité de résidence est mis à jour, pour la France entière, à chaque recensement de la population.
C'est en application de ces règles que la commune de Champcueil dans l'Essonne, est restée classée, à l'issue du dernier recensement de la population de 1990, dans la zone 3, correspondant au taux de 0 p. 100 de l'indemnité de résidence, ainsi que vous venez de l'exposer.
Ce que m'a chargé de vous dire M. le ministre de l'économie et des finances, c'est qu'il ne saurait être envisagé, en conséquence, de modifier la réglementation afférente à l'indemnité de résidence, fondée sur des critères objectifs et équitables, ni a fortiori, compte tenu du principe général d'égalité de traitement, de faire bénéficier les agents de l'Assistance publique de Paris d'un régime dérogatoire en la matière.
Toutefois, monsieur le sénateur, j'ai bien pris acte de votre proposition de reclassement. Je ne manquerai pas d'en saisir M. le ministre de l'économie et des finances, à la suite de notre échange de ce matin, qui verra en fonction de quels voies et moyens une avancée pourrait être obtenue en la matière.
Il est vrai, et vous l'avez indiqué vous-même, monsieur le sénateur, qu' a priori, entre deux recensements, il n'y a pas de possibilité de modification de classement.
Tels sont les éléments d'information que M. le ministre de l'économie et des finances m'a demandé de vous transmettre.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'Etat. Comme vous avez, « la double casquette » - la casquette hospitalière et la casquette des finances - si d'aventure j'avais oublié un cheminement possible, je souhaiterais vous avoir à mes côtés pour le trouver et le faire aboutir, car cette injustice est vraiment criante ! (Sourires.).

CONDITIONS D'ATTRIBUTION
ET MONTANT DE L'ALLOCATION DE VEUVAGE

M. le président. M. Jacques Machet appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale sur les conditions d'attribution et le niveau de l'allocation de veuvage.
Les fonds collectés au titre de l'assurance veuvage sont excédentaires, chaque année, de plus d'un milliard de francs depuis dix ans. Or le nombre total de bénéficiaires de cette allocation oscille, sur la même période, autour de quinze mille personnes par an seulement sur environ trois cent cinquante mille veuves de moins de cinquante-cinq ans.
Cela paraît d'autant plus choquant que la précarité des personnes touchées par le veuvage et leurs difficultés pour retrouver un emploi se sont accrues en proportion de la montée du chômage depuis la création de l'assurance veuvage, en 1979.
Il juge donc souhaitable que le plafond de ressources limitant l'octroi de l'allocation de veuvage soit relevé et le montant de cette allocation substantiellement augmenté, afin que les fonds de l'assurance veuvage soient utilisés en faveur des personnes pour lesquelles une cotisation spécifique est prélevée sur les salaires.
Il lui demande donc quelles sont les perspectives d'amélioration de cette situation (n° 418).
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'adresse à vous au nom du bureau du groupe d'étude du Sénat sur les problèmes du veuvage, qui rassemble des représentants de tous les groupes politiques de notre assemblée, pour vous faire part de nos interrogations sur le sort de l'assurance veuvage.
Depuis sa création, en 1979, cette mesure, extrêmement nécessaire et utile, a suscité de nombreuses déceptions. La principale raison en est que les critères d'accès à l'allocation de veuvage - critères d'âge et de ressources - sont particulièrement restrictifs.
Ainsi, comme en fait état le dernier rapport de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la principale raison de rejet des demandes d'allocation est le dépassement du plafond de ressources, qui s'élève, en 1996, à 3 796,33 francs par mois.
De la sorte, alors que le nombre de personnes veuves de moins de cinquante-cinq ans qui pourraient prétendre à l'allocation s'élève à environ 355 000, seules 15 000 personnes environ, au total, en bénéficient.
Or les cotisations prélevées sur les salaires - 0,10 p. 100 - des affiliés au régime général alimentent un fonds excédentaire depuis plus de dix ans, les excédents atteignant, en 1994, 1 526 millions de francs.
Sans sous-estimer les difficultés liées à l'équilibre des comptes sociaux, monsieur le secrétaire d'Etat, il paraît regrettable, sur le plan de l'équité, que les excédents de ce fonds soient reversés au régime d'assurance vieillesse au lieu de compenser, par un versement plus généreux de l'allocation, les situations de réelle difficulté que connaissent les personnes veuves.
Bien que l'assurance veuvage soit gérée par le régime de l'assurance vieillesse, les personnes qui peuvent bénéficier de l'allocation de veuvage sont, je le rappelle, celles qui n'ont pas encore atteint l'âge de percevoir une pension de réversion.
Nous voulons donc que le système de l'assurance veuvage soit, enfin, amélioré, surtout au moment psychologique si douloureux que provoque la séparation, que le montant de l'allocation soit substantiellement augmenté et le plafond de ressources relevé.
Pourquoi ne pas proposer que la première année suivant le décès du conjoint une allocation forfaitaire, à déterminer avec vos services et nous-mêmes, puisse être versée ? Le but de l'assurance veuvage est, en effet, de laisser un répit à la veuve avant sa réinsertion dans la vie active, rendue encore plus difficile aujourd'hui qu'au moment de la création de l'allocation, sans oublier les problèmes pratiques auxquels est confrontée la mère de famille restée seule avec ses enfants, en particulier celui des frais de garde.
Monsieur le secrétaire d'Etat, telles sont les considérations que nous souhaiterions voir prises en compte au sein des réflexions et des réformes en cours. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, le risque veuvage - je n'aime pas beaucoup cette expression, mais c'est celle qui est généralement employée et c'est celle que j'utilise pour être le plus clair possible - est couvert, pour l'essentiel, par le versement de pensions de réversion. Celles-ci ne sont pas financées par une cotisation spécifique qui serait proportionnelle au salaire du conjoint décédé, mais sollicitent tous les assurés cotisant à l'assurance vieillesse, y compris les célibataires et les veufs.
Le droit à réversion, qui est un fondement de notre système de protection sociale, est donc l'une des expressions de la solidarité socioprofessionnelle à l'oeuvre dans le régime général d'assurance vieillesse.
L'assurance veuvage s'inscrit dans une autre logique, puisqu'il s'agit de permettre de surmonter, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Machet, le choc du veuvage.
Son regroupement avec l'assurance vieillesse au sein d'une branche unique, prévu par la loi du 25 juillet 1994, s'inscrit dans cette logique qui veut que le risque de veuvage soit pris en charge à la fois par le fonds national de l'assurance vieillesse et celui de l'assurance veuvage.
Dès lors, il est légitime de procéder à des transferts entre l'assurance veuvage et l'assurance vieillesse dans la mesure où il s'agit d'apporter une réponse globale à un problème global.
Dans l'intérêt de l'ensemble des conjoints survivants, il ne paraît par opportun de modifier les règles actuelles du financement de ce risque et d'isoler les dépenses liées au veuvage.
Au demeurant, celui-ci ouvre droit à une couverture particulière dans d'autres branches telles que l'assurance maladie, avec le maintien gratuit des droits des veuves mères de trois enfants, ou les prestations familiales, telles que l'allocation de parent isolé ou l'allocation de soutien familial.
Pour autant, vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que des problèmes spécifiques se posent à de nombreuses veuves dans notre pays. M. Jacques Barrot et moi-même y étions très sensibles lorsque nous étions l'un et l'autre députés, membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Désormais, dans les fonctions qui sont les nôtres, nous y attachons une très grande importance.
Nous avons bien conscience qu'un certain nombre d'avancées doivent être effectuées. Nous travaillons sur l'ensemble de ces dossiers en étroite liaison avec les associations correspondantes, que nous avons notamment rencontrées à l'occasion du dernier sommet sur la famille, le 6 mai dernier.
Nous espérons bien que, cet automne, notamment dans le cadre de la loi sur l'exclusion, nous pourrons aboutir à une amélioration concrète de la situation des veuves en difficulté.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui. Les propositions que pourrait formuler l'intergroupe parlementaire sur ce sujet seront naturellement les bienvenues.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je vous remercie de votre réponse monsieur le secrétaire d'Etat.
Certes, le plafond est conservé et il n'évoluera guère dans l'immédiat. Toutefois, nous nous connaissons bien ! Je souhaite de tout coeur que cette avancée que vous venez de me proposer se concrétisera. Nous sommes prêts à discuter avec vous d'une modification du dispositif. Nous l'espérons !

Sanction des incidents survenus dans un centre
médico-psychologique de Versailles

M. le président. M. Nicolas About rappelle à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale que, lors de la séance des questions orales du Sénat, le 5 mars dernier, il avait porté à sa connaissance des faits particulièrement graves, survenus à l'intérieur d'un centre médico-psychologique de Versailles, dont s'étaient rendus coupables un médecin psychiatre et sa collègue psychologue. Accusés à tort d'avoir subtilisé 400 francs dans un portefeuille, trois salariés de ce centre s'étaient vus contraints, sous la menace et la pression psychologique, de se dévêtir devant ces deux supérieurs hiérarchiques, afin de prouver qu'ils ne détenaient pas la somme volée.
En réponse à sa question, Mme le ministre délégué pour l'emploi, chargée de le représenter, avait vivement invité les personnes concernées, victimes d'agissements aussi intolérables, à porter plainte devant la justice et à saisir le conseil de l'Ordre des médecins, ce qui a été fait. S'agissant des sanctions administratives, elle l'avait assuré que l'administration centrale agirait en conséquence, apportant au personnel toutes les garanties nécessaires.
Il tient néanmoins à l'informer des faits qui se sont produits depuis lors dans ce centre et qui indiquent que, loin d'avoir été sanctionnés, les auteurs de cette faute professionnelle aggravée ont continué d'exercer, en toute impunité, une pression psychologique telle que les personnes qui avaient porté plainte ont dû quitter leur poste.
En effet, l'une d'entre elles, convoquée à plusieurs reprises devant ses supérieurs dont elle a eu à subir les pressions et les menaces à peine voilées, victime d'agressions journalières, d'invectives, de bousculades et de vexations professionnelles en tout genre, s'est vu retirer un à un tous ses patients. Pour échapper à des pressions devenues insupportables, elle a fini par demander une mutation dans un autre hôpital, ainsi que deux de ses collègues.
Devant des faits aussi accablants, peut-il lui dire quelles mesures urgentes il compte prendre pour soustraire de cette terrible pression psychologique le personnel de ce centre qui continue à en être la victime et qui n'ose pas - on le comprend - porter plainte devant la justice ? Il ne s'agit pas d'éloigner les victimes de leur service - ce qui serait trop facile - mais bien de sanctionner les auteurs de ces méfaits et de réintégrer à leur poste ceux qui n'auraient jamais dû en être écartés. (N° 425.)
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, mes chers collègues, lors de la séance des questions orales du Sénat, le 5 mars dernier, j'avais porté à votre connaissance, monsieur le secrétaire d'Etat, des faits particulièrement graves, survenus à l'intérieur d'un centre médico-psychologique de Versailles, dont s'étaient rendus coupables un médecin psychiatre et sa collègue psychologue.
Accusés à tort d'avoir subtilisé 400 francs dans un portefeuille, trois salariés de ce centre s'étaient vus contraints, après plusieurs heures de menaces et de pression psychologique, de se dévêtir intégralement devant ces deux supérieurs hiérarchiques, afin de prouver qu'ils ne détenaient pas la somme volée. Ce comportement est scandaleux, de la part d'un médecin et d'une psychologue, sur la personne d'infirmières ou de personnels soignants, et c'est un médecin qui vous parle !
En réponse à ma question, Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi, chargée de vous représenter, avait vivement invité les personnes concernées, victimes d'agissements aussi intolérables, à porter plainte devant la justice et à saisir le conseil de l'Ordre des médecins, ce qui a été fait.
S'agissant des sanctions administratives, Mme le ministre avait assuré que l'administration centrale agirait en conséquence, apportant au personnel toutes les garanties nécessaires.
Je tiens à vous informer des faits qui se sont produits depuis lors dans ce centre et qui indiquent que, loin d'avoir été sanctionnés, les auteurs de cette faute professionnelle aggravée ont continué d'exercer, en toute impunité, une pression psychologique telle que les personnes qui avaient porté plainte ont dû quitter leur poste.
En effet, l'une d'entre elles, une infirmière - vous répondrez tout à l'heure à un collègue sur le statut des infirmiers en milieu psychiatrique ; voilà une occasion rêvée d'en débattre ! - convoquée à plusieurs reprises devant ses supérieurs dont elle a eu à subir les pressions et les menaces à peine voilées, victime d'agressions journalières, d'invectives, de bousculades et de vexations professionnelles en tout genre, s'est vue retirer un à un tous ses patients. Pour échapper à des pressions devenues insupportables, elle a fini par demander une mutation dans un autre hôpital, ainsi que deux de ses collègues.
Devant des faits aussi accablants, pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures urgentes vous allez prendre pour soustraire de cette terrible pression psychologique le personnel de ce centre qui continue à en être la victime et qui n'ose pas - on le comprend ! - porter plainte devant la justice ?
Il s'agit non pas d'éloigner les victimes de leur service - ce serait trop facile et trop injuste - mais de sanctionner, en les éloignant, les auteurs de ces méfaits, et de réintégrer à leur poste ceux qui n'auraient jamais dû en être écartés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur des incidents survenus dans un centre médico-psychologique à Versailles. A la suite d'une suspicion de vol pesant sur une personne de l'équipe soignante, certains membres de l'équipe ont réclamé que la personne suspectée soit fouillée par ses supérieurs hiérarchiques.
La personne victime de cette suspicion s'interroge sur les raisons pour lesquelles le directeur de l'établissement n'a pas sanctionné les auteurs de la demande de fouille.
Des premiers éléments d'enquête en ma possession, il ressort que la direction de l'établissement a reçu longuement chacune des personnes concernées, afin de connaître les événements et le contexte et de rappeler à chacun ses devoirs.
Selon le rapport du directeur, qui m'a été transmis, il ne lui est pas apparu possible d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de la personne ayant demandé la fouille, les responsabilités semblant très partagées.
Cependant, j'ai demandé à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de procéder à une enquête plus approfondie sur cette affaire, notamment à la lumière des éléments nouveaux que vous venez d'évoquer. Si des sanctions doivent être prises, elles le seront au vu du rapport d'enquête qui me sera transmis.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d'Etat, contrairement à ce qui vous a été indiqué, c'est non pas une personne, mais tous les membres du service qui ont été contraints, après des heures de pression, de se dévêtir, ce qui est tout à fait inadmissible ! Bien sûr, il est classique d'accuser de la rage le chien qu'on veut noyer !
Aujourd'hui, on vous indique qu'une seule personne est concernée. C'est faux ! Tout le monde est « passé à la casserole », si je puis m'exprimer ainsi.
M. Alain Gournac. Oh !
M. Nicolas About. Cela revient à cela, surtout lorsqu'on se trouve entre les mains de supérieurs hiérarchiques ! C'est inadmissible ! C'est traiter les gens à la légère ! Comme d'habitude, il suffit d'exercer des pressions. C'est bien connu dans les entreprises privées, mais je ne savais pas que c'était maintenant le fait des médecins. Il s'agit d'une faute aggravée, qui devrait entraîner une sanction sévère. Bien entendu, je reviendrai sur la question d'ici à la rentrée prochaine.

Régime social
des travailleurs transfrontaliers

M. le président. M. Philippe Richert constate que l'Alsace, tout comme l'ensemble des régions transfrontalières, se distingue par les importants flux de personnes résidant dans un pays et venant travailler de l'autre côté du Rhin. Cette situation, qui favorise les échanges, se justifie généralement par des raisons d'ordre économique. Toutefois, certains problèmes subsistent dans la vie quotidienne de ces ressortissants, qui restent confrontés à bon nombre de difficultés.
Cela est notamment le cas dans le domaine social, qu'il s'agisse, par exemple, des problèmes liés à l'attribution des allocations familiales ou aux questions d'invalidité. En effet, il arrive bien souvent que la législation des deux pays concernés ne soit pas en totale juxtaposition, ce qui peut créer certaines interférences et avoir des conséquences particulièrement fâcheuses pour les transfrontaliers.
Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'envisager la création d'une commission « sociale », qui statuerait sur tous les problèmes liés à ces personnes ? En l'occurrence, il pourrait s'agir d'une commission paritaire franco-allemande, qui aurait un pouvoir décisionnel et qui serait ainsi à même de régler la plupart des litiges résultant des situations évoquées précédemment. Cette proposition avait d'ailleurs déjà été évoquée dès 1993 par l'actuel Président de la République et elle mériterait d'être examinée avec attention.
Il souhaiterait, en conséquence, connaître la position de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la question et les suites qu'il entend y réserver. (N° 424.)
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'Alsace, tout comme l'ensemble des régions transfrontalières, se distingue par les importants flux de personnes résidant dans un pays et venant travailler de l'autre côté du Rhin. Cette situation, qui favorise les échanges, se justifie généralement par des raisons d'ordre économique. Toutefois, certains problèmes subsistent dans la vie quotidienne de ces ressortissants, qui restent confrontés à bon nombre de difficultés.
Cela est notamment le cas dans le domaine social, qu'il s'agisse, par exemple, des problèmes liés à l'attribution des allocations familiales ou des questions d'invalidité. En effet, il arrive bien souvent que la législation des deux pays concernés ne soit pas en totale juxtaposition, ce qui peut créer certaines interférences et avoir des conséquences particulièrement fâcheuses pour les transfrontaliers.
Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d'envisager la création d'une commission « sociale », qui statuerait sur tous les problèmes liés à ces personnes ? En l'occurrence, il pourrait s'agir d'une commission paritaire franco-allemande, qui aurait un pouvoir décisionnel et qui serait à même de régler la plupart des litiges résultant des situations évoquées précédemment. Cette proposition avait d'ailleurs déjà été évoquée dès 1993 par l'actuel Président de la République, M. Jacques Chirac, et elle mériterait d'être examinée avec attention.
Je souhaiterais, en conséquence, connaître la position de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur cette question et les suites qu'il entend y réserver.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, les difficultés que peuvent rencontrer au sein de la Communauté européenne les travailleurs frontaliers du fait de l'application parfois simultanée de deux législations sociales - celle de leur emploi et celle de leur lieu de résidence - sont réglées par les textes communautaires qui assurent la coordination des législations nationales de sécurité sociale.
Pour être plus précis, je vous indique que les règlements déterminent la législation applicable à titre unique, garantissent l'égalité de traitement entre les travailleurs assurés sociaux, sans référence à leur nationalité ou à leur résidence, et coordonnent les conditions d'ouverture des droits et de service des prestations.
Les litiges particuliers qui peuvent naître relèvent de l'entraide administrative entre institutions de sécurité sociale de chaque pays et des organismes de liaisons ont été créés à cet effet. Ce rôle est tenu, en France, par le centre de sécurité sociale des travailleurs migrants.
Les problèmes généraux d'interprétation des règlements communautaires sont examinés par une instance communautaire spécifique, la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, dont l'une des missions est de concourir à l'amélioration des règlements. Ceux-ci sont constamment adaptés et élargis, dans le but notamment de faciliter la vie quotidienne des travailleurs frontaliers.
Aujourd'hui, la mise en place d'une commission paritaire franco-allemande n'apparaît donc pas nécessaire, soit que le centre des travailleurs migrants remplisse son rôle, soit que la réponse aux litiges appelle une approche communautaire et ne puisse être donnée dans un cadre bilatéral.
Toutefois, nous sommes bien conscients, avec M. Jacques Barrot, des difficultés qui sont posées quotidiennement aux travailleurs migrants et de la nécessité de leur apporter des réponses concrètes.
M. Balladur, alors Premier ministre, avait confié une mission sur ce sujet à un parlementaire, M. Jean-Luc Reitzer. Ce dernier nous a remis voilà quelques mois son rapport, qui comporte de nombreuses propositions non seulement sur le sujet que vous évoquez, mais sur d'autres, qui concernent également les travailleurs migrants.
L'ensemble de ces dispositions est actuellement à l'étude et nous ne manquerons pas, dès que ce travail sera réalisé, d'indiquer quelles sont les orientations qu'entend retenir le Gouvernement sur ce dossier très important qui concerne la vie quotidienne de plusieurs centaines de milliers, voire de millions de Français. J'y suis d'ailleurs moi-même également sensible, étant originaire d'une province, la Savoie, où les travailleurs sont très nombreux à migrer vers la Suisse.
Voilà, monsieur le sénateur, quels sont les éléments d'information que je suis à même de vous donner aujourd'hui sur ce sujet.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que je suis satisfait de la dernière partie de votre intervention, mais que le début me donnait à penser que, finalement, tout allait bien et qu'il n'y avait aucune difficulté, l'ensemble des dispositions que vous avez évoquées devant permettre de résoudre tous les problèmes. Or, si l'on examine la situation quotidienne de ces personnes qui travaillent à l'étranger, on s'aperçoit que les problèmes qu'elles rencontrent sont nombreux et très divers.
Permettez-moi de citer l'exemple d'une réponse qui m'a été adressée par la direction des services fiscaux de mon département, concernant un formulaire envoyé par l'administration allemande à des travailleurs frontaliers. Ce formulaire, rédigé, bien sûr, en allemand, devait être rempli par l'administration française. Les travailleurs frontaliers concernés se sont alors adressés aux services fiscaux, mais l'administration française a considéré qu'elle n'avait pas à répondre à une demande rédigée dans une langue autre que le français.
Comment voulez-vous que, concrètement, les personnes, dont les problèmes semblaient a priori réglés puissent se débrouiller ? C'est excessivement difficile, et je pense que, pour des cas de ce genre, la création d'une commission ad hoc pourrait permettre de résoudre de nombreuses difficultés. Ce serait aussi, peut-être, un moyen de contraindre nos administrations d'être plus attentives à la situation spécifique des travailleurs migrants.
M. Jean-Jacques Robert. Tout à fait !

Statut des infirmiers
du secteur psychiatrique

M. le président. M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation pour le moins paradoxale et problématique dans laquelle se trouvent les infirmiers du secteur psychiatrique et, en particulier, sur les difficultés rencontrées quant à la régularisation et l'obtention, pour certains d'entre eux, de leur diplôme d'Etat d'infirmier.
Il lui rappelle qu'en 1994 le ministre des affaires sociales et de la santé de l'époque avait jugé que la délivrance de droit de diplômes d'Etat aux infirmiers du secteur psychiatrique était tout à fait justifiée et avait donc pris un arrêté dans ce sens le 26 octobre 1994.
Or, le 20 novembre 1995, la direction générale de la santé a informé le Conseil supérieur des professions médicales de la décision de suspendre la délivrance des diplômes d'Etat d'infirmiers, sur consigne de la Commission européenne. De ce fait, on peut aisément comprendre la situation à la fois délicate et injuste dans laquelle se trouve la profession concernée, certains infirmiers ayant pu valider leur diplôme d'infirmier psychiatrique et d'autres pas, mais situation aussi scandaleuse car ce sont leurs compétences professionnelles et médicales qui sont purement et simplement remises en cause.
Il souhaite que soit mis un terme à cette situation ambiguë engendrée par une mesure discriminatoire et injuste.
Il lui demande de bien vouloir lui donner une réponse. (N° 421.)
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. J'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation pour le moins paradoxale et problématique dans laquelle se trouvent les infirmiers du secteur psychiatrique et, en particulier, sur les difficultés rencontrées quant à la régularisation et l'obtention, pour certains d'entre eux, de leur diplôme d'Etat d'infirmier.
Je vous rappelle qu'en 1994 Mme Simone Veil, alors ministre des affaires sociales et de la santé, avait jugé que la délivrance de droit de diplômes d'Etat aux infirmiers du secteur psychiatrique était tout à fait justifiée ; elle avait donc pris un arrêté dans ce sens le 26 octobre 1994.
Or, le 20 novembre 1995, la direction générale de la santé a informé le Conseil supérieur des professions médicales de la décision de suspendre la délivrance des diplômes d'Etat d'infirmiers, sur consigne de la Commission européenne.
De ce fait, on peut aisément comprendre la situation à la fois délicate et injuste dans laquelle se trouve la profession concernée, certains infirmiers ayant pu valider leur diplôme d'infirmier psychiatrique et d'autres pas.
Cette situation est scandaleuse, car ce sont leurs compétences professionnelles et médicales qui sont purement et simplement remises en cause alors que ces hommes et femmes assurent quotidiennement des tâches qui, pour être ingrates, sont toujours nobles, et qu'ils sont le fleuron humanitaire des pays les plus civilisés, parmi lesquels la France peut s'honorer aujourd'hui d'être très bien placée.
L'Etat se doit de manifester sa reconnaissance envers ceux qui contribuent depuis toujours à cette image en acceptant sans ambiguïté le caractère national de leur diplôme, évitant ainsi la coexistence d'infirmiers à deux niveaux.
Il est urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous mettiez enfin un terme à cette situation ambiguë engendrée par une mesure discriminatoire et injuste.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur l'application de l'arrêté du 26 octobre 1994 relatif à l'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier aux personnes titulaires du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique.
Je vous précise, à ce sujet, que la Commission de l'Union européenne, saisie d'un recours contre l'arrêté en cause, a estimé que celui-ci n'était pas conforme aux directives communautaires relatives à la libre circulation des infirmiers responsables des soins généraux au sein des Etats membres. Elle a, en conséquence, demandé au Gouvernement français de suspendre l'attribution du diplôme d'Etat d'infirmier aux personnes titulaires du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique, ce qui a été fait le 20 novembre dernier.
Le souci du Gouvernement a alors été de régler, le plus rapidement possible et dans le plus grand consensus, ce dossier très délicat, qui pose des problèmes tant chez les infirmiers psychiatriques que chez les infirmiers des autres secteurs et vis-à-vis de l'Union européenne.
Des négociations sont actuellement en cours avec la Commission européenne afin de mettre en place un dispositif qui soit à la fois conforme au droit communautaire, auquel nous ne pouvons nous soustraire, et, dans toute la mesure du possible, aux intérêts des personnels concernés, auxquels nous sommes très attachés.
Je puis donc vous dire, monsieur le sénateur, que, sur ces sujets, M. Barrot et moi-même ainsi que nos collaborateurs ne ménageons ni notre écoute, comme il est normal, ni notre peine pour arriver à une solution satisfaisante, car nous avons bien conscience que la situation telle qu'elle résulte de la décision du 20 novembre 1995 n'est pas satisfaisante.
Il faut, par ailleurs, souligner que des mesures ont déjà été prises en faveur des infirmiers du secteur psychiatrique.
Dès 1992, lors de la mise en place du programme des études conduisant au diplôme d'Etat infirmier, les intéressés ont bénéficié d'une bonification d'ancienneté supplémentaire de six mois, ce qui a permis d'aligner leur situation statutaire sur celle des infirmiers diplômés d'Etat.
Par ailleurs, l'arrêté du 2 mai 1996 a élargi les lieux d'exercice des infirmiers du secteur psychiatrique. Il a prévu, notamment, que ceux-ci pourraient désormais exercer dans l'ensemble des services de soins des établissements publics de santé et des établissements de santé privés participant au service public hospitalier. Ce dispositif, qui a recueilli l'avis favorable de la commission des infirmiers du Conseil supérieur des professions médicales, constitue une nouvelle étape dans la reconnaissance des infirmiers du secteur psychiatrique, qui, comme vous l'avez souligné vous même, exercent au quotidien une tâche importante et noble qu'il convient de reconnaître.
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces propos certes rassurants, mais qui ne permettent pas d'apporter une réponse favorable à une interrogation qui est réelle.
La coexistence dans un même établissement de personnes qui ont vingt-cinq à trente ans d'expérience mais qui ne sont pas reconnues par l'Etat et de jeunes qui ont obtenu, eux, le diplôme d'Etat ne peut plus durer.
Je sais bien que la Commission européenne a bloqué toute avancée dans ce domaine. Je vous demande cependant une nouvelle fois - et j'évoquerai à nouveau ce problème d'ici à la fin de l'année, car il est urgent de le régler - de déployer tous vos efforts de façon à trouver une solution à une interrogation qui est réelle aujourd'hui dans bon nombre d'établissements psychiatriques, qu'ils soient privés ou publics. Il faut en effet définitivement mettre fin à la situation que connaissent des personnes auxquelles on demande beaucoup, qui, d'une manière générale, font preuve d'une forte moralité, mais qui n'obtiennent pas aujourd'hui la reconnaissance qu'elles méritent, c'est-à-dire celle de l'Etat.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales sans débat.

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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 juin 1996, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution :
- par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire ;
- et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de réglementation des télécommunications.
Le texte de ces deux saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. René Monory.)

PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

M. le président. La séance est reprise.

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SNCF

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la SNCF.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici aujourd'hui devant le Sénat, dont l'intérêt pour les questions de transport est bien connu. J'ai personnellement le souvenir du débat qui avait été organisé devant votre assemblée à l'automne 1993. C'est donc au Sénat que reviendra le privilège de conclure la grande réflexion sur le transport ferroviaire que le Gouvernement avait voulue en préalable à l'élaboration d'une véritable solution de redressement pour la SNCF.
A vrai dire, c'est en bonne partie le Sénat qui avait depuis plusieurs années, à l'initiative notamment de MM. Haenel et Belot, engagé ce débat. Quand je dis « conclure », il s'agit de la conclusion d'une étape essentielle certes, mais d'une étape seulement, car l'avenir du transport ferroviaire et de la SNCF est devant elle et devant nous.
Compte tenu de la place éminente du chemin de fer dans la politique des transports, compte tenu de l'attachement de tous les Français à la SNCF, compte tenu aussi de l'ampleur des enjeux financiers et budgétaires en cause, certaines options à prendre revêtent en effet le caractère de véritables choix de société.
Nous sommes donc, comme nous l'avons été pendant toute la phase de préparation de la réforme, à l'écoute, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos analyses et de vos propositions. Il appartiendra à Bernard Pons de vous présenter dans quelques minutes les grandes lignes de la solution française originale que nous avons bâtie ensemble pour assurer l'avenir du transport ferroviaire.
Pour ma part, je souhaiterais revenir sur les principales conclusions du débat qui vient d'avoir lieu et rappeler à cette occasion le principales données du problème que nous avons à résoudre ensemble.
Je voudrais, en premier lieu, vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir souligné la nécessité qu'il y avait à ouvrir ce débat. Les parlementaires qui se sont penchés sur la situation de la SNCF - MM. Haenel et Belot, plus récemment M. About - avaient en effet souligné l'importance d'une telle réflexion nationale.
Pendant de trop nombreuses années, les Français et, dans une large mesure, les cheminots avaient été tenus dans l'ignorance de la réalité des causes et de la gravité de la situation qui met aujourd'hui, vous le savez bien, nous le savons tous, la SNCF en grand danger.
Pendant de trop nombreuses années, on avait préféré la fuite en avant dans l'endettement et les déficits au courage des adaptations nécessaires ; on avait préféré le non-dit à la lucidité et à la concertation, qui sont l'une et l'autre absolument indispensables pour mener à bien les réformes. On avait préféré le risque de l'enlisement à la préparation constructive du XXIe siècle.
C'est pour rompre avec cette forme d'abandon de la SNCF à elle-même, et des cheminots à eux-mêmes, alors que cette entreprise appartient à la nation tout entière, qu'il fallait ouvrir une large confrontation des idées. Il fallait une prise de conscience collective pour traiter ce problème trop longtemps différé.
C'est dans cet esprit que nous avons lancé un débat, sans tabou, ni préjugé. Nous l'avons aussi voulu ouvert à tous et déconcentré sur l'ensemble du territoire.
Vous avez été informés, mesdames, messieurs les sénateurs, de chacune des étapes de ce débat initié au début de cette année. Je les rappellerai brièvement. Nous avons tout d'abord demandé un rapport introductif à un groupe d'experts présidé par M. Claude Martinand. Puis le débat s'est déroulé au cours des mois de mars et avril au sein des conseils régionaux - beaucoup d'entre vous y ont personnellement participé - et des conseils économiques et sociaux régionaux. Ces contributions ont alimenté les travaux du Conseil économique et social et du conseil national des transports. Je tiens à saluer la qualité de l'ensemble de ces réflexions extrêmement ouvertes et constructives.
Il était très important, en effet, que de tels échanges permettent une prise de conscience collective et une diffusion d'un sujet trop souvent confiné jusqu'alors aux seuls milieux spécialisés. Il en résulte une maturation des esprits, de tous les esprits, sans laquelle la solution que nous vous proposons n'aurait sans doute été ni convenable ni acceptable. Il y a dans cette démarche, me semble-t-il, une sorte d'exemplarité dont nous pourrions peut-être nous inspirer pour mener dans d'autres domaines la nécessaire réforme de l'Etat et du secteur public.
L'ampleur de la crise, dont le traitement a été trop longtemps différé, apparaît dans les chiffres. Vous les connaissez, je ne rappellerai que les principaux. Les recettes commerciales de la SNCF de l'exercice 1995 s'élève à 40 milliards de francs, soit moins, malheureusement, que le montant des charges salariales, ainsi que le rappelle souvent le président M. Loïk Le Floch-Prigent. Les concours publics ou parapublics sont de l'ordre de 50 milliards de francs, dont 18,5 milliards de francs, il est vrai, au titre des charges de retraite. Le déficit s'élève à 16,6 milliards de francs tandis que l'endettement accumulé au 31 décembre 1995 atteint près de 200 milliards de francs.
Ces enjeux financiers et budgétaires, qui frappent par leur importance - ils rappellent des ordres de grandeur que l'on connaît dans d'autres domaines - il convient de les garder à l'esprit. L'ampleur des sommes en jeu appelle, de la part de tous, un esprit de responsabilité et une grande vigilance. Il conviendra bien sûr de payer le prix du passé, mais il faudra surtout s'inscrire dans une perspective d'avenir en veillant à ce que chaque franc dépensé soit le meilleur investissement de l'argent public dans le transport ferroviaire. Il faudra, là comme ailleurs, savoir faire des choix responsables. Ces choix devront être éclairés par des débats préalables, concertés, expliqués, partagés dans toute la mesure du possible. C'est une exigence moderne de démocratie et d'efficacité.
Je voudrais souligner que la crise du transport ferroviaire n'est pas propre à la France. A la vérité, tous les pays européens y sont confrontés. La France est même, contrairement à certaines idées reçues, le pays d'Europe où le transport ferroviaire garde encore en pourcentage du trafic la place la plus importante par rapport aux autres modes. Bien entendu, nous nous en réjouissons.
Nous convenons tous, je le crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que la politique des transports doit être résolument conçue dans un cadre intermodal. C'est bien une approche intermodale, sous l'angle du service rendu aux usagers, voyageurs ou chargeurs de fret, que nous avons retenue pour l'élaboration des schémas d'infrastructure de transports prévus par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Ces schémas feront l'objet de discussions auxquelles vous serez associés.
Les transports sont d'abord au service du développement économique et social. Ce sont les évolutions des modes de vie et des techniques qui ont bouleversé le monde des transports, qu'il s'agisse de la généralisation de la voiture individuelle, des programmes routiers et autoroutiers mis en oeuvre avec l'appui des élus et des populations pour disposer d'une bonne desserte du territoire, ou qu'il s'agisse du développement plus récent de l'avion, qui s'est affirmé comme un mode de transport ordinaire sur des destinations intérieures.
Face à ces bouleversements, le chemin de fer est trop largement resté en Europe, et pas seulement chez nous, sur un schéma d'organisation mis en place à l'époque où il représentait le mode de transport dominant, supposé universel, exploité trop souvent dans une logique d'offre, c'est-à-dire dans laquelle les services sont définis davantage sur la base de considérations techniques unilatérales de la part de l'entreprise qu'en fonction des besoins de la clientèle.
Certes, le chemin de fer européen, et la SNCF en particulier avec le TGV, a su s'adapter aux évolutions techniques, mais insuffisamment car il s'est trop souvent réfugié dans une attitude défensive à l'égard des autres modes de transport, en particulier à l'égard de la route qui est devenue, il faut bien le constater, le mode de transport dominant.
Je suis convaincue, pour ma part, qu'il eût mieux valu que le chemin de fer s'engage dans une coopération avec la route, en jouant de leur complémentarité et de l'intermodalité.
Certes, on peut considérer avec quelque raison que la structure des coûts des différents modes de transport ne reflète pas assez les atouts du chemin de fer en matière d'environnement, je suis tout à fait prête à en convenir, les discussions européennes les plus récentes - encore celles qui ont été engagées la semaine dernière - montrant la nécessité d'approfondir les travaux d'experts sur cette question. Quoi qu'il en soit, cet argument de l'environnement a trop souvent servi dans le passé d'alibi. Les observateurs les plus objectifs savent en effet que le facteur déterminant de la concurrence entre les modes de transport porte au moins autant sur le service rendu que sur le prix. Il faut, bien sûr, comprendre ici le mot service au sens large : rapidité, ponctualité, correspondances et confort. C'est tout l'enjeu de la réorientation au service des clients que le président Le Floch-Prigent a engagée avec les premiers effets immédiats et concrets qu'il vient très heureusement d'annoncer.
Pour autant, le chemin de fer n'est évidemment pas, s'il sait s'adapter, un mode de transport dépassé. Il peut être plus que jamais un mode de transport tout à fait moderne. Le débat national a permis de souligner ses atouts, qui le rendent capable de satisfaire les besoins des usagers et de ses clients, ce qui est bien le premier enjeu, tout en apportant des avantages collectifs en matière d'environnement, de sécurité, de service public et d'aménagement du territoire.
Le chemin de fer se révèle particulièrement performant sur de nombreux créneaux, notamment de transport de masse. Tel est le cas des liaisons de voyageurs sur grandes distances avec les TGV, des déplacements urbains et périurbains où les usagers attendent, nous le savons bien, énormément du chemin de fer - c'est l'un des enjeux de la réforme des transports régionaux - ainsi que du transport de fret sur grande distance, avec notamment le transport combiné, en particulier dans un pays de transit comme le nôtre.
A cet égard, il est clair que l'ouverture des frontières européennes, comme l'affirme à juste titre M. About dans son récent rapport, constitue bien une chance pour le chemin de fer, car elle va lui ouvrir des champs d'expansion considérables, en particulier pour le fret, en lui permettant d'accéder à des marchés où ses atouts trouvent bien à s'exprimer. La SNCF rénovée pourra, j'en suis persuadée, s'y déployer avec les meilleures chances de succès.
Enfin, je souhaiterais évoquer un dernier enjeu, celui de la modernité du service public, auquel je sais votre assemblée particulièrement attentive. Il faut bien reconnaître que cette question est souvent à l'origine d'incompréhensions. Pour ma part, je voudrais être très claire et souligner que le Gouvernement se réfère au seul principe de l'article 1er de loi d'orientation sur le transport intérieur, la LOTI : le service public de transport, c'est « la satisfaction des besoins de l'usager dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ».
Cette définition atteste bien que le service public c'est d'abord, avant tout et essentiellement le service du public.
Deux constats découlent des principes posés par la LOTI : le service public n'est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucun mode de transport n'est un service public en soi ; par ailleurs, il appartient à des autorités responsables devant les électeurs et les contribuables de définir les missions de service public - et non aux opérateurs eux-mêmes - dans le respect, bien sûr, des principes traditionnels fondateurs du service public tels que les a rappelés récemment le vice-président du Conseil d'Etat : égalité d'accès et de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
Le débat national qui s'est engagé sur ces bases a permis de bien faire ressortir quatre grandes conclusions, qui ont inspiré la solution que M. Bernard Pons et moi-même avons élaborée.
Première conclusion : il faut clarifier les responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF, tout particulièrement quant à l'infrastructure.
Deuxième conclusion : un effort financier très important doit être engagé afin de désendetter la SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d'une mobilisation effective des cheminots autour d'un objectif, devenu enfin crédible, de redressement.
Troisième conclusion : si désendetter la SNCF est indispensable, cela ne suffira pas à résoudre tous les problèmes. En effet, sans changements internes s'appuyant, d'une part - je l'ai déjà dit - sur une priorité accordée au client et au service et, d'autre part, sur une véritable maîtrise des coûts, aucun redressement durable ne sera possible. Des performances nouvelles et mesurables devront être atteintes : les contribuables et les clients, les usagers, doivent « en avoir pour leur argent », et la mesure des progrès doit être transparente.
Quatrième conclusion : il faut franchir une étape nouvelle de la régionalisation des services régionaux de voyageurs. Il s'agit là d'un facteur clé de modernisation tant pour la SNCF que pour ses clients et pour le service public. Je sais à cet égard la part que le Sénat, en particulier M. Haenel et M. Belot, ont prise dans la maturation de cette réforme, et je veux les saluer.
Je me réjouis très sincèrement que le long processus que M. Haenel a animé avec passion et compétence puisse devenir réalité, sur les bases mêmes qu'il avait proposées et que, s'il veut bien s'en souvenir, nous avions longuement travaillées ensemble.
Cette nouvelle étape dans un processus de coopération déjà ancien et fructueux entre la SNCF et les régions est un enjeu tout à fait important de la réforme que nous vous proposons.
C'est à partir de ces quatre conclusions issues du débat national, dans le prolongement, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos propres idées que nous avons, M. Bernard Pons et moi-même, proposé à M. le Premier ministre d'adopter un projet de solution française originale et novatrice, ambitieuse pour la SNCF.
Cette réforme repose, vous le savez, sur deux piliers : d'une part, les infrastructures et, d'autre part, la régionalisation. M. Bernard Pons vous en parlera mieux que je ne saurais le faire.
Nous savons bien que le redressement de la SNCF sera long et coûteux et que la rénovation interne est particulièrement indispensable.
Avec l'ensemble du Gouvernement, j'ai tout à fait confiance dans la capacité des cheminots à redresser la situation.
Bien entendu, rien ne se fera sans eux ou contre eux. Bien au contraire, puisqu'ils sont les premiers acteurs de ce redressement.
Pour ma part, j'ai totalement confiance dans l'ambition qu'il nous appartient, tous ensemble, de donner aujourd'hui au transport ferroviaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat a marqué, ces dernières années, un intérêt tout particulier pour les questions ferroviaires.
Votre assemblée a en effet élaboré et adopté plusieurs rapports importants, qui ont fortement contribué à mieux faire connaître la réalité de la situation générale de la SNCF et à éclairer les voies de sa modernisation.
Je pense en particulier au rapport adopté par le Sénat au mois de juin 1993, à la suite des travaux de la commission d'enquête présidée par M. Haenel et dont le rapporteur était M. Belot, que votre Haute Assemblée avait « chargé d'examiner la situation financière de la SNCF, les conditions dans lesquelles cette société remplit ses missions de service public, les relations qu'elle entretient avec les collectivités locales et son rôle en matière d'aménagement du territoire. »
Je pense aussi au rapport, adopté à l'unanimité le 31 mars 1994, à la suite des travaux d'une commission à nouveau présidée par M. Haenel et intitulé « Régions-SNCF : vers un renouveau du service public ».
Je pense également au rapport d'information adopté le 24 avril dernier par la délégation du Sénat à l'Europe, sur l'initiative de M. About, et intitulé : « L'Europe, une chance pour la SNCF ».
Je pense enfin au rapport élaboré ce mois-ci par le groupe du RPR du Sénat, intitulé : « La SNCF demain. Des responsabilités partagées, mais assurées pour sauvegarder et développer le transport ferroviaire français ».
Ainsi, votre assemblée a participé d'ores et déjà très largement au grand débat national que le Gouvernement avait appelé des ses voeux, à l'issue du conflit de la fin de l'année dernière.
Elle a même, en quelque sorte, anticipé ce débat par des travaux qui n'ont en rien perdu leur actualité et qui ont été, pour nous, des éléments de référence dans l'élaboration des décisions que le Gouvernement vient d'arrêter.
Vous savez, en outre, que l'un des volets essentiels de la réforme de la SNCF décidée par le Gouvernement concerne - j'y reviendrai tout à l'heure plus précisément - la régionalisation.
Celle-ci implique un rôle accru pour les collectivités territoriales, auxquelles le Sénat est, par vocation, traditionnellement très attentif.
Ces deux raisons confèrent, à mes yeux, un très grand intérêt à la discussion qui s'offre à nous aujourd'hui.
Votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, connaît trop bien la situation de la SNCF, en raison même des travaux qu'elle a menés et que je rappelais voilà quelques instants, pour que j'y revienne longuement. Mme Idrac, secrétaire d'Etat aux transports, vient d'ailleurs excellemment de rappeler l'essentiel.
C'est pourquoi, sans plus attendre, je veux vous présenter les décisions que nous avons arrêtées, sous l'autorité de M. Alain Juppé, Premier ministre, afin de créer les conditions d'un renouveau du transport ferroviaire dans notre pays.
La réforme qui a été décidée s'inspire très directement des conclusions que vient de dégager Mme Idrac du débat national. Mais vous y retrouverez aussi, je le crois, mesdames, messieurs les sénateurs, un écho très direct des principes qui ont animé, ces dernières années, vos réflexions en la matière.
Cette réforme est ambitieuse. Elle porte sur deux volets essentiels de l'ensemble des structures du chemin de fer : premièrement, la clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF ; deuxièmement, la régionalisation.
La conjugaison de ces deux volets permet de dessiner une solution française originale pour assurer l'avenir du transport ferroviaire.
J'aborderai tout d'abord la clarification des responsabilités.
Le débat national qui s'est développé dans les comités économiques et sociaux à l'échelon régional, dans les conseils régionaux, puis au Conseil économique et social et même devant le Parlement, a fait apparaître qu'on avait jusqu'ici demandé beaucoup trop à la fois à la SNCF.
On lui avait demandé en effet de construire et de financer un réseau de lignes nouvelles, qui reste, à ce jour, sans véritable équivalent dans aucun pays du monde, de s'équiper du matériel roulant nécessaire pour exploiter ces lignes nouvelles dans les conditions optimales, d'assurer l'entretien et la maintenance du réseau classique et, enfin, d'exécuter des missions de service public, définies avec plus ou moins de précision par la puissance publique et, à ce titre, compensées par des concours publics.
C'est pourquoi le Gouvernement a considéré que le moment était venu de clarifier enfin les responsabilités respectives de la puissance publique et de la SNCF.
Telle est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement, avant la fin de cette année, la création par la loi d'un nouvel établissement public qui devra être mis en place avant le 1er janvier 1997.
Ce nouvel établissement reprendra les 125 milliards de francs de la dette que la SNCF avait contractée à ce jour pour financer les infrastructures et il recevra en contrepartie les actifs constituant l'infrastructure ferroviaire. Ces actifs n'auront pas vocation à être vendus pour rembourser la dette.
M. Roland Courteau. Ce n'est pas sûr !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le nouvel établissement public n'est donc pas une structure de cantonnement de dette comparable à celle qui a été mise en place ces dernières années dans d'autres secteurs. Il s'agit au contraire d'une entité destinée à assumer durablement la responsabilité du réseau ferroviaire, de son évolution et de son financement.
C'est à cet établissement public en effet qu'il appartiendra désormais de mobiliser pour l'avenir les financements nécessaires à la construction des futures lignes.
Seuls les travaux qui vont s'engager pour la rédaction du projet de loi correspondant permettront de répondre de manière précise à toutes les questions d'ordre juridique, technique ou financier soulevées par la création de ce nouvel établissement. Mais, d'ores et déjà, plusieurs points essentiels sont acquis.
Premièrement, le réseau restera national dans le cadre du nouvel établissement public. Il appartiendra à l'Etat d'en définir la consistance et les caractéristiques à travers le schéma du réseau ferroviaire, dont l'élaboration est prévue, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Je vous confirme que la préparation de ce schéma s'effectue dans une perspective intermodale et que, comme j'ai eu l'occasion de le dire ici même à l'occasion du colloque organisé à l'initiative de M. Jean François-Poncet relatif à l'application de la loi du 4 février 1995, sa publication interviendra en 1997.
Deuxièmement, le niveau de rémunération de la SNCF par le nouvel établissement public pour l'entretien et la maintenance du réseau, et celui, en sens inverse, des péages d'infrastructure que la SNCF versera à cet établissement pour l'usage de l'infrastrucutre mise à sa disposition seront déterminés à l'issue d'un audit du compte d'infrastructure.
Cet audit sera confié, comme cela a été fait pour les services régionaux de voyageurs, à un consultant indépendant.
En tout état de cause, le niveau de tarification devra tenir compte de la capacité contributive de la SNCF comme transporteur ferroviaire : il est évidemment exclu - ce serait d'ailleurs totalement absurde - de reprendre d'une main à la SNCF sous forme de péage ce qu'on lui donne de l'autre sous forme de désendettement.
M. Bernard Seillier. Très bien !
Mme Hélène Luc. Ça, c'est sûr !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Oui, mais il vaut mieux le dire !
M. Ivan Renar. Et le faire !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Troisièmement, comme pour tout organisme de ce type, l'Etat apportera au nouvel établissement public les concours financiers et les dotations en fonds propres à un niveau suffisant pour assurer sa viabilité financière.
Quatrièmement, enfin, la loi de démocratisation du secteur public s'appliquera au nouvel établissement public, dont le conseil d'administration comprendra des représentants des salariés et des usagers.
Ainsi, sans porter atteinte ni à l'unité de la SNCF, ni à ses missions de service public, ni, bien sûr, au statut de ses personnels, cette réforme clarifie - le Sénat l'avait demandé à plusieurs reprises - les responsabilités respectives de la puissance publique et de la SNCF.
Elle traduit en particulier la volonté de l'Etat de prendre pleinement ses responsabilités, pour le passé comme pour l'avenir, dans le domaine de l'infrastructure.
Elle doit permettre également à l'entreprise et aux hommes qui la constituent de trouver une véritable perspective et un espoir.
Aujourd'hui, en effet, le poids des charges financières était devenu tellement accablant qu'aucune mesure relevant de la seule gestion interne n'était susceptible de permettre le retour à l'équilibre et à la viabilité. Bien entendu, tout le monde le percevait, et le désespoir s'était emparé de toutes les structures de l'entreprise.
Le second pilier de la réforme que le Gouvernement engage pour la SNCF, c'est la régionalisaiton des services régionaux de voyageurs.
Depuis une quinzaine d'années, la SNCF et les collectivités régionales ont pris l'habitude de travailler ensemble.
La quasi-totalité des régions a en effet conclu avec cette entreprise des conventions concernant la gestion des services régionaux de voyageurs, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les trajets domicile-travail ou domicile-étude.
De l'avis général, et le Sénat l'avait relevé dans ses travaux, ces conventions ont amélioré le service et permis la modernisation d'une partie significative du parc du matériel roulant régional.
Toutefois, des insuffisances sont également apparues dans l'application de certaines de ces conventions.
En l'absence d'une comptabilité analytique interne à la SNCF suffisamment complète et suffisamment transparente, les régions ont, dans certains cas, eu quelques difficultés à établir un lien précis entre l'évolution des services et les facturations auxquelles elles donnaient lieu.
M. Charles Descours. Oh oui !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est pourquoi le Gouvernement a fait procéder, avant de lancer une régionalisation expérimentale plus ambitieuse, dans les conditions prévues à l'article 67 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, à un audit indépendant et complet des services régionaux de voyageurs.
Cet audit, monsieur Descours, a été défini, financé et analysé conjointement par l'Etat, l'Association des présidents des conseils régionaux et la SNCF.
Ses conclusions, aujourd'hui connues et acceptées de toutes les parties concernées, nous permettent de décider de franchir, dès le 1er janvier prochain, une nouvelle étape dans le cadre d'une expérimentation.
L'Etat va en effet transférer aux régions candidates à cette expérimentation la part des concours financiers qu'il versait jusqu'ici à la SNCF au titre des services régionaux de voyageurs.
Ces concours seront réactualisés sur la base des conclusions de l'audit auquel je viens de faire allusion.
Il est donc bien clair, et je sais que le Sénat y tient particulièrement,...
M. Ivan Renar. Pas seulement le Sénat !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transport et du tourisme. ... que ce transfert de compétence se fera sans transfert de charge et donc sans peser davantage sur la fiscalité régionale.
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est un progrès !
M. Henri de Raincourt. On avance !
M. Robert Pagès. On voudrait y croire !
M. Ivan Renar. Nous frémissons, monsieur le ministre !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Mais j'espère bien ! (Sourires.)
Désormais, ces régions assumeront pleinement la responsabilité de la définition des services correspondant à ces liaisons. Elles auront la responsabilité de faire évoluer l'offre en l'ajustant au mieux aux besoins des populations.
En revanche, je le souligne, le réseau d'infrastructures reste national.
M. Ivan Renar. C'est important !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Il n'y a donc, là non plus, ni démembrement ni partition de la SNCF.
Il s'agit bien, en revanche - et c'est l'essentiel - de rapprocher le lieu de décision de l'utilisateur final.
L'expérience de la décentralisation a en effet montré, depuis plus de quinze ans, dans d'autres domaines de compétence, que ce type de transfert de responsabilités s'accompagne d'un meilleur service au meilleur coût.
Cette expérimentation - j'insiste bien sur ce point - se déroulera selon trois principes : la transparence, la réversibilité, le transfert de compétence sans transfert de charge.
Mme Hélène Luc. J'espère que ce ne sera pas comme pour les collèges dans les départements !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. J'ai dit, madame, la transparence et la réversibilité. C'est clair !
M. Jacques Oudin. Et c'est bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. J'ai la conviction que la dynamique qui va ainsi se mettre en place se traduira effectivement par une amélioration du service rendu et du rapport qualité-prix, qui est essentiel pour l'usager contribuable.
M. Jacques Oudin. Tout à fait !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. D'autres régions voudront sans doute à leur tour s'engager dans ce nouveau système. Certaines sont déjà candidates et nous en avons pris acte.
Bien entendu, les ralations entre la SNCF et les régions non concernées par l'expérimentation ne seront pas affectées. Elles continueront à se dérouler dans le cadre actuel.
Je connais, mesdames, messieurs les sénateurs, l'attention scrupuleuse, et d'ailleurs parfaitement conforme à sa vocation, que porte votre assemblée à tout ce qui concerne la vie des collectivités territoriales.
C'est pourquoi je voudrais préciser davantage le cadre expérimental tel que nous l'envisageons, et ce à compter de janvier prochain.
En premier lieu, le principe général est que le rôle et les engagements des trois partenaires - Etat, régions, SNCF - seront clairement précisés dans deux conventions distinctes : la première fixera les principes des relations entre la région et l'Etat ; la seconde liera la région et la SNCF et définira les services de transport assurés par la SNCF pour le compte de la région autorité organisatrice.
En deuxième lieu, en termes de calendrier, l'expérimentation débutera le 1er janvier 1997 et durera au maximum trois ans.
En troisième lieu, la convention entre la région et la SNCF sera fondée sur un certain nombre de principes.
La région exercera pleinement sa responsabilité d'autorité organisatrice des transports régionaux. Elle définira les dessertes, la qualité du service et l'information à l'usager.
Elle pourra mettre en place, avec la SNCF, des tarifs commerciaux spécifiques sur les liaisons régionales.
En revanche, le système actuel de tarification sociale défini au niveau national restera inchangé.
M. Philippe François. Que Dieu vous entende !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. La SNCF assurera le service défini par la région. Elle décidera des moyens à mettre en oeuvre pour produire les services demandés par la région de manière optimale. Elle assistera et conseillera la région dans la définition des services ferroviaires régionaux.
En quatrième lieu, pendant l'expérimentation, de nouvelles relations de type contractuel seront testées entre la région et la SNCF.
Le système de conventionnement actuellement en place constituait une première étape dans les relations région-SNCF, mais il ne permettait pas à la région de jouer pleinement son rôle, puisque celle-ci n'avait aucune vision d'ensemble sur les services.
Elle ne prenait à sa charge que les aménagements de service par rapport à un service de référence qui était figé artificiellement.
Ce système - M. Haenel le sait bien pour l'avoir dénoncé - n'incitait donc en fait ni la région ni la SNCF à faire évoluer réellement les services offerts aux voyageurs. Le nouveau cadre que nous allons mettre en place rendra désormais possible une telle évolution.
En cinquième lieu, enfin, l'objectif est aussi de responsabiliser la SNCF sur l'ensemble de ses coûts afin qu'elle puisse présenter a priori à la région le prix du service commandé et non plus, comme aujourd'hui, simplement facturer a posteriori les coûts constatés.
Ainsi, la SNCF sera désormais conduite à exercer ses missions dans un cadre nouveau, permettant d'identifier plus clairement les responsabilités, de sorte que le contrat de plan, tel qu'il était conçcu jusqu'à présent, n'a plus sa raison d'être.
Pour autant, comme pour toute entreprise publique, il importe - c'est fondamental - que la SNCF ait connaissance des priorités essentielles qui lui sont fixées par l'Etat au nom de la nation.
C'est pourquoi le Gouvernement va confirmer au président de la SNCF, par un courrier qui lui sera adressé dans les tout prochains jours,...
M. Roland Courteau. Ce n'est pas suffisant !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. ... les décisions prises en matière d'infrastructure et de désendettement, ainsi que les conditions de l'expérimentation du transfert aux régions de la compétence en matière de services régionaux de voyageurs.
Ce courrier précisera également les orientations essentielles qui lui sont assignées et qu'il lui appartiendra de mettre en oeuvre dans le cadre de son projet industriel. Ces orientations porteront à la fois sur les activités de la SNCF en tant que gestionnaire de l'infrastructure et en tant que transporteur ferroviaire, mais aussi sur le groupe que contrôle la SNCF.
Le Gouvernement a défini en particulier deux priorités fondamentales pour l'élaboration du projet industriel de la SNCF : d'une part, la reconquête de la clientèle - voyageurs et fret - d'autre part, le retour à un équilibre durable de chacune des activités de transport - fret, grandes lignes, SERNAM, services régionaux de voyageurs.
M. Charles Descours. Et les filiales !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Nous inviterons le président de la SNCF à porter ce courrier à la connaissance du conseil d'administration et du comité central d'entreprise afin que les représentants du personnel soient clairement informés.
C'est sur ces bases que le projet industriel interne sera ensuite élaboré, en concertation avec les personnels.
Plusieurs questions, qui relèvent de la responsabilité exclusive de l'entreprise, y trouveront leur réponse, telles que l'établissement des budgets prévisionnels ou les conditions de gestion de la dette restant à la charge de la SNCF, dette à laquelle nous estimons qu'elle est désormais en mesure de faire face.
M. Roland Courteau. On verra !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je suis, pour ma part, convaincu que cette réforme, qui se situe dans le prolongement des conclusions du débat national, constitue une solution française originale, à même d'assurer un véritable renouveau au transport ferroviaire.
Dans un cadre de responsabilités clarifié, il appartient maintenant à la SNCF, c'est-à-dire à l'ensemble de ses agents, de se mobiliser pour assurer un redressement durable de l'entreprise. Cette mobilisation doit s'engager dès à présent. Je fais à cet égard toute confiance aux cheminots, à leur compétence, à leur dévouement et à leur sens des responsabilités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Delaneau remplace M. René Monory au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les sénateurs des Français de l'étranger, c'est bien connu, voyagent toujours en avion. Les mauvaises langues disent même que certains d'entre eux passent la moitié de leur mandat dans les airs, ce qui, certes, est très exagéré. (Sourires.)
Il leur arrive cependant de prendre le train, surtout lorsqu'ils se trouvent en France, où ce moyen de transport garde des faveurs qui n'existent plus dans la plupart des pays du monde.
Les chemins de fer ont, en effet, disparu dans bien des nations où ils tenaient jadis une place de premier plan. C'est le cas, par exemple, aux Etats-Unis et l'on en comprend parfaitement les raisons lorsque l'on constate que, dans ce vaste pays, les meilleurs trains d'est en ouest mettent cinq jours pour faire le trajet tandis qu'il suffit de cinq heures pour les voyageurs en avion. Aussi, les puissantes locomotives du siècle dernier n'existent-elles plus que dans les musées ferroviaires ou dans les films du Far West.
La situation est bien différente en France et dans une partie de l'Europe, où l'on croit encore aux chemins de fer. Cela se comprend puisque leur utilité est considérable, en fonction de la superficie des pays.
Le train en effet convient pour des distances petites ou moyennes, disons jusqu'à cinq cents ou six cents kilomètres ; au-delà, il ne peut évidemment rivaliser, pour ce qui est du temps de voyage, avec les transports aériens. Par ailleurs, le rail doit faire face à la concurrence de la route, et là, il ne se trouve pas à son avantage, étant donné le grand nombre, la diversité et la souplesse des transports routiers.
Dans cette situation de concurrence, il y avait des décisions à prendre sur la politique que l'on suivrait et les choix que l'on ferait, tant pour le matériel que pour les nouveaux réseaux à mettre en place.
Une phrase de la déclaration du Gouvernement m'a paru très claire à ce sujet : « Le chemin de fer, tout particulièrement la SNCF, a su s'adapter aux évolutions technologiques, comme le prouvent notamment les succès nationaux et internationaux du TGV. Il n'a cependant pas suffisamment pris la mesure des évolutions nécessaires, s'étant trop souvent réfugié dans une attitude défensive à l'égard des autres modes de transport.
« Il eût mieux valu, avez-vous ajouté, que le chemin de fer s'engage dans une coopération avec les autres moyens de transport en jouant de leur complémentarité et de l'intermodalité. »
Nous sommes tout à fait d'accord avec cette remarque. Plutôt que de « se défendre » en luttant contre les avions et les routiers, la SNCF aurait eu avantage à s'entendre et à coordonner son action avec eux.
Parlons donc du TGV. A l'étranger, on a appris à connaître ces initiales. On sait qu'il s'agit d'une très belle réussite technique de la France. On sait que ce train rapide détient le record de vitesse sur rail, que lui a disputé, un instant seulement, le tokkaïdo japonais.
Mais beaucoup d'étrangers se demandent si le TGV n'est pas un luxe inutile, et surtout s'il est rentable, quand on considère le poids et le prix des infrastructures spéciales qui lui sont nécessaires. Certains comparent le TGV au Concorde, devant la réussite technique duquel chacun s'incline, mais dont on souligne l'échec commercial.
Madame le secrétaire d'Etat, lorsque vous parlez des « succès internationaux » du TGV, n'êtes-vous pas un peu optimiste ? Malgré quelques espoirs qui avaient été exprimés en Floride ou au Texas, nous n'avons pas vendu un seul TGV. Si nous avons fait affaire avec la Corée du Sud pour la ligne allant de Séoul à Pusan, c'est en cédant à ce pays toute notre technologie et en lui donnant ainsi la possibilité ultérieure de devenir notre concurrent.
En France, cependant, on peut effectivement parler de « succès national ». Le TGV est populaire, encore que son système de réservation soit trouvé trop rigide et que son prix soit jugé excessif. Mais enfin, de grandes villes, comme Lyon, Lille, Tours, Le Mans se trouvent maintenant à deux heures ou moins de Paris et, grâce aux correspondances, même pour les trains roulant sur les voies normales, les délais de desserte se sont considérablement réduits vers le nord, le sud-est et la Méditerranée, le sud-ouest et l'Atlantique.
Ce succès n'a pas été sans présenter quelques inconvénients. Nos lignes aériennes intérieures ont beaucoup souffert de cette concurrence, notamment Air Inter sur Paris-Lyon, qui était l'une des lignes très rentables. Et puis, toutes les régions rêvent d'avoir leur TGV, les autres trains paraissant désuets par comparaison, alors que, récemment encore, les rames du Corail étaient réputées en Bretagne, et que Toulouse se pensait bien desservie par le très rapide Capitole.
On réclame aussi un TGV Est, de Paris à Strasbourg. Il est peut-être le seul à devoir, nous semble-t-il, être mis en oeuvre. Tous les gouvernements successifs en ont soutenu le projet, en dépit de sa rentabilité discutable, en raison de l'importance symbolique du lien franco-allemand et de la nécessaire ouverture vers l'Europe.
En revanche, faut-il un TGV Lyon-Turin, ce qui implique le creusement d'un tunnel fort onéreux et des aménagements de ferroutage également d'un coût très élevé ? Faut-il un TGV Montpellier-Espagne, ce qui suscite les espoirs de la généralité de Catalogne mais l'inquiétude des départements du Languedoc, qui verraient leurs vignobles entamés ? Personnellement, je ne le pense pas. Nous n'avons pas à construire des TGV pour transporter les touristes le plus rapidement possible en Italie ou en Espagne, où la vie est moins chère et où ils se rendent pour leurs vacances, en négligeant la France.
Une remarque analogue peut être faite pour le TGV Marseille-Côte d'Azur. Faut-il mutiler les merveilleux paysages de Provence pour gagner quinze ou vingt minutes sur ce parcours alors que les avions vont de Paris à Nice en un peu plus d'une heure à peine ? Fort heureusement, ce projet est resté dans les cartons. En revanche, on pourrait davantage utiliser la ligne, très ancienne et si pittoresque, qui serpente le long de la côte, de Nice à Cannes ou à Saint-Raphaël, et y prévoir des trains plus nombreux, car ils sont incomparablement plus rapides, surtout en été, alors que les routes sont encombrées par les autobus ou les voitures particulières.
C'est là une question dont pourraient se charger les autorités régionales, notamment celles de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. A cet égard, l'idée du Gouvernement de confier aux collectivités territoriales certains services régionaux de voyageurs me paraît excellente. C'est en tout cas une voie à explorer. Mais, naturellement, se pose immédiatement la question suivante : qui financerait ? La déclaration que nous avons entendue s'efforce à une clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de l'entreprise ferroviaire. Nous attendons le projet de loi que vous avez promis de nous soumettre avant la fin de l'année.
La création d'un établissement public pour les infrastructures est une idée novatrice. Mais, de toute façon, cet établissement devra être alimenté par des fonds d'Etat.
Qui d'autre en effet pourrait l'alimenter alors que l'endettement de la SNCF atteint 208 milliards de francs ? Il faut saluer la proposition du Gouvernement de prendre à sa charge 125 milliards de francs de dettes mais, par un calcul simple, on s'aperçoit que 83 milliards de francs, en principe, resteront à la charge de la SNCF. Comment cet endettement sera-t-il financé ? La charge de la dette ne risque-t-elle pas de s'alourdir automatiquement, à nouveau, dans l'avenir ? Autant de questions pour lesquelles nous souhaiterions, monsieur le ministre, connaître les intentions du Gouvernement.
Enfin, il est un problème qui n'a pas été du tout évoqué dans la déclaration, mais dont je crois devoir dire un mot rapide.
A l'étranger - puisque je me place toujours de ce point de vue - quand on parle des chemins de fer français, deux noms viennent immédiatement dans la conversation : « TGV » - ce qui est positif - mais aussi un autre, très négatif, celui de « grève ». (Murmures sur les travées socialistes.) On prétend qu'il y a beaucoup de grèves en France, et il est vrai qu'il y en a eu de très spectaculaires, comme en décembre dernier, ce qui, je dois dire, n'a pas du tout favorisé ni l'image de nos chemins de fer ni celle de la France.
Voilà deux jours encore, alors que je prenais l'avion pour rentrer après une rapide mission au Canada et aux Etats-Unis, on m'assurait à l'aéroport du Newark qu'il y aurait des grèves à Paris en juin, à la veille des vacances. Un agent de voyage me confiait qu'il avait renoncé à organiser des visites de groupe, par train, à travers la France...
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Habert.
M. Roland Courteau. Ce serait préférable, en effet !
M. Jacques Habert. Je vais conclure, monsieur le président, mais je n'ai pas encore atteint la limite des neuf minutes qui me sont accordées.
Vraiment, comment un grand pays comme le nôtre peut-il, presque sans broncher et, il faut bien le dire, pour la sauvegarde de quelques intérêts catégoriels, laisser paralyser sa vie économique pendant des jours, voire des semaines ? Voilà ce que comprennent mal nos amis de l'étranger. Il faut que nous soyons conscients des conséquences néfastes que cela peut avoir sur la réputation de la France dans le monde entier.
M. le président. Je vous demande de conclure !
M. Jacques Habert. Vous vous souvenez qu'à cet égard, lors de la discussion de la loi relative aux transports, en décembre 1995, on avait envisagé la possibilité d'un service minimum. Il s'agit là d'une idée sur laquelle il faudra revenir, si des menaces analogues se renouvellent.
Mes chers collègues, je ne voudrais pas que le regard de l'étranger que j'ai voulu porter à l'occasion de ce débat vous apparaisse comme trop critique. Comparée à certains de nos homoloques européens, la SNCF n'a pas à rougir de ses performances.
A bord de l'Eurostar, après avoir emprunté l'Eurotunnel - magnifique réalisation franco-britannique - pour quiconque est amené à rouler lentement dans le Kent, entre Douvres et la gare de Waterloo, ou, sur une autre ligne, après avoir franchi la frontière de la Belgique, se retrouve à aller à petits pas entre Lille et Bruxelles, une évidence s'impose.
M. Ivan Renar. Le chemin de fer aux Etats-Unis, ce n'est pas terrible !
M. le président. Monsieur Habert, je vous demande instamment de conclure, car vous avez dépassé votre temps de parole.
M. Jacques Habert. On peut donc conclure, monsieur le président, qu'en Angleterre comme en Belgique, ni l'hyperlibéralisme britannique ni le fédéralisme belge n'ont su construire de lignes de chemin de fer aussi bonnes que les nôtres. (M. le président coupe le micro et la fin de l'intervention de l'orateur est presque inaudible.)
Monsieur le ministre, je veux vous remercier de la déclaration sur la SNCF que vous venez de faire au nom du Gouvernement. Il était important que la représentation nationale puisse vous donner son sentiment sur cette question.
On nous a dit que la SNCF voulait reconquérir sa clientèle. Le succès de ce pari suppose la coopération de l'ensemble du personnel de cette entreprise. Il faut espérer que, cette fois-ci, cette indispensable collaboration pourra se faire dans le sens de la raison. Il faudra à chacun beaucoup de lucidité, de détermination et de courage pour y parvenir.
Nous souhaitons, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que ce pari soit gagné. C'est dans cet espoir que les sénateurs non inscrits, au nom desquels je m'exprime, approuvent la déclaration du Gouvernement sur les chemins de fer français. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Durand-Chastel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Madame le secrétaire d'Etat, le 5 décembre 1995, en pleine crise, alors que la France s'engluait, s'empêtrait dans les grèves, que les Français peinaient, souffraient sur des routes encombrées, je vous disais : « Pourquoi ne parlerions-nous pas d'avenir ? »
Et je précisais : « Avenir d'un réseau ferroviaire dont la construction est liée au développement de la France ; avenir des savoir-faire français dans ce domaine ; avenir de l'industrie ferroviaire française ; avenir d'une technique essentiellement au service de l'homme ; avenir d'une entreprise publique ; avenir des cheminots ; avenir d'un réseau conçu comme un instrument puissant d'aménagement et de développement du territoire national. »
L'avenir, vous venez de nous le faire entrevoir, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat. L'avenir est maintenant possible.
J'aurais pu, comme d'autres, m'étonner, pester, protester, m'impatienter : pourquoi, alors que les sirènes retentissaient de partout, que l'ensemble de la signalisation sociale au sein de l'entreprise et chez de nombreux usagers était au rouge ou à l'orange, oui pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi en être arrivé là ?
En effet, ce ne sont pas les constatations et les mises en garde qui manquaient. Mais à quoi bon se lamenter sur le lait versé ! La France est ainsi faite qu'il faut passer par ces tensions, ces ruptures, ces révoltes même, pour prendre conscience des réalités et avancer.
« Le temps détruit ce que l'on fait sans lui », disait Sénèque. Eh bien, il a fallu ce temps, perdu diront les uns, salutaire estimeront les autres, pour qu'ait lieu une prise de conscience des enjeux et des défis à relever.
Il a fallu en effet ce temps pour que, au niveau du dispositif d'Etat, et notamment du trop fameux Quai de Bercy, on admette les réalités, on conçoive des réformes, on mesure les enjeux, et que peut-être aussi on prenne peur.
Apparemment, c'est fait. Nous ne pouvons que nous en réjouir et vous en féliciter, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat. Vous avez choisi la voie tracée par le Président de la République : donner du temps pour écouter, dialoguer, décider puis expliciter.
M. André Vezinhet. Donner du temps au temps, c'était le prédécesseur !
M. Hubert Haenel. Je n'ai pas la réputation d'être un adepte de la langue de bois, quitte - et c'est un risque que j'assume - à être incompris ou à être considéré comme « incontrôlable », ainsi que se sont parfois plu à le susurrer certains fonctionnaires.
Mais, aujourd'hui, vous avez devant vous un parlementaire presque étonné, mais ô combien agréablement surpris, du contenu et de l'ampleur du dispositif arrêté en faveur du transport ferroviaire, dispositif que vous venez de préciser, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
C'est à juste titre que l'hebdomadaire La Vie du rail a pu, cette dernière semaine, titrer ainsi sa page de couverture : « SNCF, le grand tournant ».
C'est un tournant, en effet, qu'il va falloir « négocier » ensemble, et qu'il ne va surtout pas falloir « louper ».
La SNCF, c'est-à-dire son président, sa direction générale, ses cadres, l'ensemble de son personnel, directement ou via les organisations syndicales, doivent saisir cette chance, cette occasion qui est peut-être la dernière.
La SNCF doit savoir interpréter ce signal fort, porteur de l'avenir qu'elle réclamait en vain ces dernières années et qui lui est aujourd'hui, enfin, proposé. Car, aujourd'hui, sans oser toujours le dire, beaucoup de personnes profondément attachées à l'entreprise ont pris conscience que la SNCF était mortelle.
M. Charles Descours. Tout à fait !
M. Hubert Haenel. Je tiens à souligner que le président Le Floch-Prigent a abordé le problème « par le bon bout », comme on dit dans les campagnes.
M. François Gerbaud. C'est vrai !
M. Hubert Haenel. Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les décisions que vous avez prises, non sans difficulté - nous savons bien quelles réticences il faut vaincre, quels combats d'arrière-garde il faut affronter avant tout arbitrage - sont à la mesure des problèmes, que nous ne connaissons que trop bien, et des enjeux.
Ces enjeux, quels sont-ils ?
Ils relèvent, en premier lieu, de ce que l'on considère comme le service public : quelles missions de service public, définies par l'Etat et les conseils régionaux, sont assignées à la SNCF.
Ils sont liés, en second lieu, à l'aménagement du territoire. La SNCF est certes un instrument d'aménagement du territoire, mais où et jusqu'où ?
Ce sont là des enjeux évidents, mais il en est d'autres d'une nature différente.
Par exemple, quel est, dans la compétition internationale, et particulièrement en Europe, l'avenir du système ferroviaire français, considéré à juste titre pendant longtemps comme bénéficiant de la technique ferroviaire la plus performante du monde ?
Quel avenir envisage-t-on par ailleurs pour l'industrie ferroviaire française ?
En juin 1993, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale, rapport établi par notre collègue M. Belot, avait mis en exergue trois pistes ou piliers d'une réforme en profondeur de la SNCF : recadrer l'entreprise en définissant ce qu'on attend d'elle pour éviter le grand écart ; revoir la nature et la qualité des relations entre la SNCF et les collectivités locales ; définir, au sein de la SNCF, un projet industriel d'entreprise en faveur des usagers.
Dans votre projet, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, nous retrouvons ces trois piliers.
En engageant, pour la première fois depuis longtemps, une réforme en profondeur de l'outil ferroviaire national, vous mettez la SNCF en mesure de s'adapter pour relever un ensemble de défis dont celui, essentiel, fondamental, qui consiste à considérer, en tous lieux et en toutes circonstances, l'usager, pour les uns, ou le client, pour les autres, comme la seule raison d'être de l'entreprise.
Selon un maître mot, qui pourrait être à l'avenir celui de la SNCF, « le client, notre raison d'être », le client-usager est donc la clef de voûte de l'ensemble du dispositif, qu'il soit une personne souhaitant se déplacer sur de courtes, moyennes ou longues distances ou qu'il soit une entreprise désirant faire circuler les marchandises.
Par la présente réforme, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, permettez à la SNCF de « se mettre en posture », pour employer une expression militaire, afin de faire face aux conséquences des diverses dispositions prises, ou à prendre, à l'échelon de l'Union européenne, notamment de la directive 91/440, pour aborder dans les meilleures conditions possibles l'Europe des transports ferroviaires.
Surtout, n'ayons pas peur de ces rendez-vous européen ; ils sont inévitables, et je le crois, salutaires.
Vos décisions, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, s'appuient sur les constatations et propositions du Parlement, du Conseil économique et social, des conseils économiques et sociaux régionaux, ainsi que sur les travaux des missions de MM. Martinand et Rouvillois. Nous attendons aussi avec impatience les résultats des réflexions et évaluations de la mission Brossier sur le réajustement du taux de rentabilité interne pour le TGV concernant l'est de la France, et notamment le franchissement du Rhin, le financement de ces infrastructures nouvelles et le phasage des travaux.
Nous attendons avec une égale impatience les décisions qui doivent intervenir sur ces dossiers. Nous n'avons aucune raison d'avoir des craintes puisque nous avons une promesse et un engagement d'Etat. Cependant, chat échaudé craint l'eau froide !
Nous reviendrons en temps utile sur ces préoccupations, au fil des semaines, au fur et à mesure que seront dévoilées vos intentions et décisions.
En automne, la discussion budgétaire sera particulièrement propice à un nouveau débat.
Un autre rendez-vous important - vous venez d'ailleurs de le rappeler, monsieur le ministre - sera celui des schémas nationaux des transports, définis en application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Nous n'avons donc pas fini de vous accompagner dans la mise en point du concept de transports publics, dans l'établissement de schémas et de réseaux ferroviaires et, bien entendu, dans la définition de l'intermodalité.
Enfin, pour celles et ceux qui sous-estiment le travail sérieux du Parlement, et singulièrement du Sénat, travail qui s'accomplit dans la durée, la détermination et la sérénité, j'ajouterai que tous, ici, nous pouvons être légitimement fiers d'avoir contribué, chacun à sa façon, à la réflexion, à la prise de conscience et aux décisions concernant l'avenir de cette belle et grande entreprise.
Avant que mes collègues MM. Paul Masson, François Gerbaud, Charles Descours, Auguste Cazalet et Jean Bernard, qui s'exprimeront après moi au nom du groupe du RPR, ne traitent successivement, comme nous en sommes convenus, les différents aspects du dossier ferroviaire, je conclurai en disant que la régionalisation, qui est issue des travaux du Sénat, a permis de mettre en pratique une méthode qui pourrait utilement être appliquée dans d'autres domaines : la méthode de la décentralisation expérimentée et négociée. C'est sans doute l'une des voies possibles pour réformer notre meccano institutionnel que constituent les domaines de l'Etat et des collectivités locales.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, comptez sur les compétences et la détermination de la plupart d'entre nous pour, avec vous, redonner vie au transport public et le développer.
Nous illustrerons ainsi la définition que le général de Gaulle donnait de la politique : « Un ensemble de desseins communs, de décisions mûries et de mesures menées à bon terme. » Il me semble, monsieur le président, mes chers collègues que, même si un certain nombre de questions se posent encore, nous prenons bien ce chemin ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est au nom du groupe des Républicains et Indépendants que je voudrais présenter quelques observations dans ce débat. Le temps très bref qui m'est imparti fera sans doute excuser le caractère schématique de mon propos.
Ces quelques observations, je les tire aussi de la pratique du conseil d'administration de la SNCF, au sein duquel un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, a bien voulu me demander de siéger, ce qui m'a conduit à « cohabiter » avec trois présidents successifs et m'a permis d'apprendre beaucoup sur cette entreprise.
Le projet auquel vous êtes parvenu et que vous nous avez présenté me paraît important et positif.
Face aux énormes difficultés d'une entreprise de transport dont les charges financières augmentent selon une progression géométrique et dont le trafic diminue de manière régulière, la distinction entre gestion de l'infrastructure et exploitation des lignes de chemin de fer est une bonne mesure, qui clarifie les responsabilités, qui correspond à l'esprit de la directive européenne et qui devrait permettre d'améliorer l'exploitation générale de la SNCF. Sera-t-elle suffisante ? Permettez-moi de dire que je n'en suis pas certain.
Dans la présentation du budget de 1996 selon les directives européennes, le compte d'infrastructure fait apparaître un déficit de 10,2 milliards de francs et le compte du transporteur un déficit de 1,9 milliard de francs. Je ne suis pas sûr que les deux mesures que vous avez décidées, c'est-à-dire la décharge d'une grande partie de la dette et l'expérience de régionalisation, seront suffisantes pour supprimer ces déficits.
Au demeurant, les conditions nécessaires à la pleine efficacité de ce dispositif ne sont pas encore tout à fait réunies.
Vous nous avez apporté, monsieur le ministre, des informations précises sur le fonctionnement de l'établissement public chargé de l'infrastructure. Celui-ci doit disposer de ressources stables mais il faut surtout - et ce point me paraît encore plus important - que les décisions concernant les investissements futurs soient bien étudiées et que l'on raisonne plus en termes d'augmentation du trafic...
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Très bien !
M. Charles Descours. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'en termes de gain de temps. Ce point est essentiel pour l'avenir de la gestion des infrastructures.
M. Paul Masson. C'est une révolution !
M. Jean-Pierre Fourcade. S'agissant de la régionalisation, il ne faudrait pas que votre projet bouleverse les contrats de plan actuellement conclus entre l'Etat et l'ensemble des régions. Ces contrats de plan s'exécutent tant bien que mal au hasard des difficultés budgétaires.
Je souhaite que la région d'Ile-de-France puisse rapidement participer à l'expérimentation...
M. Charles Descours. Enfin !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... tant la chute du trafic qu'elle connaît est forte et régulière - elle est de quelque 3 p. 100 par an - quels que soient les effets annexes et tant il est nécessaire que cette partie de l'exploitation de la SNCF redevienne équilibrée.
Enfin, le projet industriel que prépare l'entreprise, sous la direction de son président, que je salue au passage, doit tenir compte de tous les gisements de productivité qui peuvent exister. Cela signifie qu'elle doit se recentrer sur les métiers ferroviaires...
M. Charles Descours. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et donc négocier la cession de ses activités routières, et qu'elle aborde franchement l'ouverture vers l'Europe et les réseaux des pays voisins. (M. Descours applaudit.)
Distinguer l'infrastructure de l'exploitation est une chose, assainir le groupe SNCF qui doit se réorganiser autour de sa mission fondamentale, à savoir le développement du trafic, chaque fois que le transport de masse est plus rentable et plus efficace que les autres modes de transport, en est une autre.
J'en viens, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, aux problèmes de fond que la modification de la présentation comptable et la régionalisation ne doivent pas masquer. J'en citerai quatre.
Réduite à l'exploitation du chemin de fer et débarrassée d'un certain nombre de filiales ou de services inutiles, la SNCF doit d'abord mettre en place, dans les meilleurs délais, une comptabilité analytique moderne et diversifiée...
M. Charles Descours. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qui doit permettre de faire apparaître les coûts et les marges dégagés par chaque activité.
M. Charles Descours. C'est une révolution !
M. Jean-Pierre Fourcade. Jusqu'à présent, la priorité accordée à la technique l'a emporté sur la recherche de la productivité.
Si l'on veut augmenter le trafic et retrouver la clientèle, tant des expéditeurs que des voyageurs, il faut connaître avec précision les dépenses et les recettes de chaque secteur d'activité. Monsieur le ministre, c'est la clef de vos futures négociations avec les régions. S'il n'y a pas une véritable comptabilité analytique acceptée par tous, aucune expérience de régionalisation ne réussira. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Le deuxième problème, et je sais qu'il est douloureux, tient au financement du régime de retraite de la SNCF. Le déficit de l'ordre de 18 milliards de francs qu'il enregistre aujourd'hui tient non pas au fait que les retraités de la SNCF disposent d'avantages exorbitants, mais tout simplement, hélas ! au fait qu'ils sont plus nombreux que les actifs. Or, dans un système de répartition dont on nous vante tant les mérites, lorsque les retraités sont plus nombreux que les actifs, le déficit se creuse obligatoirement.
Ce déficit doit être financé par quelqu'un. Grâce à des artifices comptables et à des procédures budgétaires confidentielles, l'Etat prend en charge 14 milliards de francs sur les 18 milliards de francs de déficit, le reste étant renvoyé à la surcompensation des régimes de retraite excédentaires. C'est ainsi, mes chers collègues, que la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, est ponctionnée chaque année de quatre à cinq milliards de francs pour financer le déficit des retraites de la SNCF.
Monsieur le ministre, vous qui réclamez la transparence, l'efficacité et la rigueur, reconnaissez que ce système doit cesser. Le déficit du régime de retraite de la SNCF doit ête financé par d'autres méthodes que par la surcompensation qui pèse sur les employés des hôpitaux et des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants).
J'en viens au troisième problème : pour regagner des clients et pour équilibrer le compte d'exploitation - le déficit du transporteur, je le rappelle, est de 1,9 milliard de francs cette année - la SNCF ne pourra pas ne pas définir avec les organisations syndicales une nouvelle déontologie de la revendication sociale et des rapports entre les cheminots et les clients du chemin de fer.
La notion de service public doit être fondée sur deux grands principes : celui de la péréquation des tarifs dans une optique d'aménagement du territoire et celui de la continuité du service dans une optique de satisfaction de la clientèle.
On ne parviendra pas à rééquilibrer le compte d'exploitation si l'on n'arrive pas à substituer aux modalités actuelles des conflits sociaux une meilleure approche des rapports sociaux dans l'entreprise laissant les clients à l'écart des conflits internes.
Il faut envisager un système de médiation obligatoire et généralisé et adopter les mécanismes de gestion appliqués par tous les pays développés. Nous ne devons pas essayer de régénérer la SNCF en utilisant des techniques qui étaient valables en 1930. C'est ainsi qu'il faut envisager la modernisation de cette entreprise. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Le dernier problème concerne le mécanisme de la décision en matière d'investissement. Il s'agit d'un problème fondamental car le poids de la dette de la SNCF, dénoncé à juste titre par les cheminots, résulte en partie des décisions d'investissements prises à contretemps des cycles économiques et sans se préoccuper des demandes réelles de la clientèle. Il est nécessaire d'envisager de nouveaux mécanismes en matière de décision d'investissement associant les cofinanceurs et les investisseurs, fondés sur une meilleure étude des coûts et surtout sur un lien plus étroit entre le coût d'investissement et l'augmentation prévisible du trafic.
Le lien obligatoire entre les dépenses d'investissements et les perspectives d'augmentation du trafic est beaucoup plus important que le lien entre les dépenses d'investissements et la réduction du temps de parcours. C'est cette culture nouvelle qu'il faut essayer de faire pénétrer dans l'entreprise.
A cet égard, permettez-moi de prendre comme exemple l'Ile-de-France.
Les opérations ferroviaires qui sont engagées sont très importantes. Le coût d'Eole est extraordinaire et il est d'ailleurs majoré par le lancement simultané de Météor. Une quinzaine de milliards de francs de travaux vont être réalisés dans le sous-sol de notre capitale. La RATP et la SNCF vont construire chacune une magnifique gare souterraine distante, l'une de l'autre, de moins de 500 mètres. Aucune autorité n'a demandé aux deux entreprises de coordonner leurs opérations, ce qui prouve bien le manque de coordination en ce domaine.
M. Charles Descours. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. La plupart des clients de banlieue veulent une extension du réseau, un meilleur confort, une plus grande sécurité, une régulation améliorée, une bonne adaptation aux problèmes de la vie quotidienne et une solution à toutes les difficultés de déplacements.
Mme Hélène Luc. Ils veulent aussi des tarifs qui n'augmentent pas.
M. Jean-Pierre Fourcade. Est-il nécessaire de leur donner de grands tunnels et des gares gigantesques et peu sûres ?
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, les décisions concernant l'investissement dans une entreprise de transport aussi endettée et aussi importante sont au coeur du débat. J'espère que vous allez clarifier cette question. Mais je n'en vois pas encore les prémices.
C'est pourquoi j'estime, en définitive, que la réforme proposée par le Gouvernement est susceptible de redonner l'espoir aux cheminots et de faire évoluer dans le bon sens l'entreprise nationale.
Mais le temps des demi-mesures est passé. Il faut promouvoir une politique authentiquement plurimodale et déterminer tous azimuts des objectifs de rigueur et des mesures de qualité de service. La construction européenne qui s'effectue sous nos yeux risque de rendre inopérantes les mesures de colmatage auxquelles on se résout depuis un certain nombre d'années. Vous avez essayé de trancher dans le vif, et nous vous soutenons dans votre action. Il ne servirait à rien de vouloir retarder des évolutions inéluctables ou de subventionner un transporteur peu familier de la recherche inlassable de la compétitivité.
C'est parce que je considère qu'un bon fonctionnement de la SNCF peut devenir un facteur important de l'aménagement du territoire et de la croissance globale de notre économie que je demande au Gouvernement de dépasser les corporatismes et les petites économies inutiles...
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que le corporatisme ?
M. Jean-Pierre Fourcade. ... pour faire de la SNCF une grande entreprise performante, qui fasse la fierté de ses employés comme de ses clients. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui à un moment important de l'histoire des chemins de fer français, et donc de la SNCF. En effet, cette entreprise vit le drame de la conversion des transports ferroviaires. Ce phénomène est apparu non seulement en France, mais aussi dans l'ensemble des pays développés. Le chemin de fer doit pourtant s'adapter à une nouvelle donne. En effet, il doit cohabiter avec l'avion pour les grandes distances, mais aussi avec l'automobile et le camion. Voilà la situation !
C'est la raison pour laquelle, conscient de cette difficulté, le Sénat avait créé, voilà deux ans et demi, une commission d'enquête. Il s'agit d'une procédure lourde au terme de laquelle l'ensemble des acteurs viennent, sous serment, témoigner de leurs conditions de travail et de vie et donnent leur avis.
Mais le président de cette commission, M. Haenel, avait souhaité que nous allions bien au-delà et que nous rencontrions, si possible sur place, le plus grand nombre possible de personnes, qu'il s'agisse des clients, des élus locaux, des directeurs de régions ou, bien sûr, des cheminots. Nous avons ainsi pu constater la grande dégradation de cette entreprise. Toutefois, même s'il est de bon ton de la critiquer, celle-ci est et demeure la plus belle entreprise ferroviaire au monde.
Mme Hélène Luc. Absolument.
M. Louis Minetti. Voilà une vérité !
M. Claude Belot. Nous en sommes tous d'accord.
M. Charles Descours. Absolument.
M. Claude Belot. Elle est aussi l'entreprise qui, sur le plan technologique, maîtrise le mieux la grande vitesse. C'est un fait.
Le créneau qu'elle occupe était, selon la commission d'enquête, un créneau d'avenir à un moment où nous ne parvenons pas à satisfaire la demande routière et autoroutière, où, manifestement, les grands axes sont totalement saturés et où les considérations d'ordre écologique ou énergétique ne sont pas sans importance.
Le transport ferroviaire nous avait donc paru très pertinent et un moyen de transport d'avenir, sous réserve que les zones d'ombres - elles existent aussi - s'estompent. Nous en avons perçu un certain nombre.
Tout d'abord, la SNCF enregistre un déficit commercial. C'est une entreprise dans laquelle l'histoire pèse très lourd. Pendant longtemps, les chemins de fer ont été en situation monopolistique et c'est pourquoi on parlait d'usagers. Puis l'automobile et l'avion se sont développés. Mais on parle toujours d'usagers.
Mme Hélène Luc. C'est très bien de parler des usagers pour le service public !
M. Claude Belot. Un usager, ce n'est pas comme un client. Celui-ci choisit, alors que l'usager, lui, ne le peut pas. Aujourd'hui, nul n'est obligé de prendre le train. Ce qui veut dire qu'il faut s'adapter à cette nouvelle donne, dans les têtes et dans les termes, c'est-à-dire, tout simplement dans la façon dont on parle aux gens. Il n'est pas plus long de s'adresser aux personnes avec courtoisie en leur donnant du « chers clients » que de leur intimer des ordres du style : « Les usagers voudront bien se présenter à telle heure et subir tel régime. » C'est aussi très important.
M. Nicolas About. Les clients-citoyens !
Mme Hélène Luc. Cela change la notion de service public.
M. Claude Belot. Ne mélangeons pas tout, madame ! Vous n'êtes pas obligée de prendre le train si vous n'êtes pas bien traitée, et moi non plus ! Les Français sont comme nous.
Mme Hélène Luc. Le train, si je le prends, c'est parce qu'il est bien !
M. Claude Belot. Mais ce n'est pas le seul moyen de transport !
M. Nicolas About. Le service public implique la continuité !
M. Claude Belot. Même s'il subsiste toujours une volonté d'attirer le chaland, il y a une autre ombre : l'absence ou l'insuffisance d'esprit commercial.
Mais il y a aussi des pertes. C'est un fait que la SNCF a perdu des parts de marché, aussi bien sur le transport des voyageurs que sur le transport du fret. C'est de notoriété publique.
Il me restait encore à citer, au nombre des ombres dont je parlais, la dégradation des comptes. Cette dégradation fait qu'aujourd'hui cette entreprise a environ un peu plus de 100 milliards de francs de dépenses qu'elle ne couvre qu'à hauteur de 35 p. 100 environ, à charge pour le contribuable d'apporter la différence.
C'est un fait qu'il n'est pas possible de nier. Or aucune entreprise, comme l'avait relevé la commission d'enquête, ne peut vivre sur de telles bases ; ce n'est pas pensable, la nation n'en a pas les moyens.
Cependant, la SNCF n'est pas totalement responsable de cette situation. Si nous essayons de comprendre les causes de cette situation, il en est une, majeure, qu'il nous faut dire ici : depuis des années, la France n'a pas eu de politique vis-à-vis de la SNCF. On ne lui a jamais fixé d'objectif clair. Et cela ne date pas des dernières années, cela dure depuis bien longtemps.
M. François Blaizot. Depuis quinze ans !
M. Claude Belot. Tout à fait au début des contrats de plan, on a dit aux responsables de la SNCF que les bénéfices du TGV compenseraient les déficits des autres lignes. C'était une solution de facilité, qui, du reste, n'a pas marché très longtemps. Lorsque le TGV de Lyon puis les autres sont arrivés, les dirigeants se sont exténués à assurer l'équilibre de l'entreprise sur ces bases-là.
Donc, la responsabilité de l'Etat est réelle dans cette affaire, car l'Etat n'a jamais dit clairement, même au moment des contrats de plan, ce qu'il attendait de l'entreprise, en dehors du maintien du plus grand nombre possible de lignes, parce que cela évitait la grogne des usagers et des élus concernés.
L'Etat a donc laissé l'entreprise dans cet état, s'engageant à financer le complément de retraite, les lignes déficitaires, à hauteur de cinq milliards de francs, ainsi que le déficit des transports parisiens, soit au total 38 milliards de francs, sans compter le déficit, déjà extrêmement important et qui n'a cessé de croître. Bref, c'était un contrat intenable.
Si la procédure du contrat de plan consiste à dessiner sur des feuilles de papier deux colonnes dont l'une seulement sera tenue, je veux parler de la colonne « dépenses », et l'autre jamais, alors, monsieur le ministre, ce n'est pas un mauvais choix que vous renonciez à ce type de procédure pour lui substituer un suivi au plus près. Telle est votre intention, et je crois qu'elle est bonne.
En parlant d'Etat, et je ne trahis pas ici un secret, puisque le document est aujourd'hui public, j'ai souvenir - ceux qui siégeaient avec nous au sein de cette commission d'enquête s'en rappellent sans doute aussi - d'un moment extraordinaire, quand le directeur du budget de l'époque chargé de contrôler les comptes de la SNCF...
M. Hubert Haenel. Ah oui !
M. Claude Belot. ... nous a déclaré sous serment qu'il n'avait pas les moyens de faire ce qu'on lui demandait et qu'il était dans les usages non pas d'examiner les comptes de la SNCF, mais de les certifier...
M. Charles Descours. Incroyable !
M. Claude Belot. C'est tout de même assez exceptionnel et cela rejoint tout ce que nous avons observé depuis nombre d'années, les uns et les autres, nous qui suivons les comptes des entreprises publiques.
Avec M. Arthuis, au temps où il avait des loisirs, M. Philippe Marini et moi-même avons rédigé un opuscule peu épais sur les ambiguïtés de l'Etat actionnaire. Partout, nous les avons rencontrées : l'Etat actionnaire, notamment l'Etat actionnaire de la SNCF, n'a pas été à la hauteur de ce que l'on attendait de lui ; il s'est contenté de payer, et de payer en général dans l'urgence parce qu'il n'y avait plus d'autre solution.
Il faut donc en sortir, et traiter les problèmes au fond. C'est, j'en ai le sentiment, ce que vous êtes en train de faire, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Hélène Luc. Mais les cheminots, en décembre, avaient trouvé la bonne solution !
M. Charles Descours. Ah !
M. Claude Belot. Vient ensuite la responsabilité de l'entreprise.
La SNCF est une entreprise admirable par certains côtés. Cette identité, ce sentiment d'appartenance à une collectivité particulière qui a donné à notre pays la « bataille du rail » et d'autres moments forts de son histoire, c'est une force de l'entreprise.
Beaucoup sont cheminots de père en fils, fils de cheminot, arrière-petits-fils de cheminot, et depuis le XIIe siècle. (Sourires.) C'est une force de l'entreprise, mais c'est aussi une rigidité tout à fait exceptionnelle.
Mais il y a plus, et je me dois de le signaler. Dans cette entreprise règne, avant toute chose, avant le pouvoir commercial, avant le pouvoir financier, le « pouvoir ingénieur ».
Des ingénieurs, il en faut, nous en avons besoin. Mais, à la SNCF, ce sont eux qui font la loi, ce sont eux qui dirigent la maison, du moins que la dirigaient.
Et j'ai le souvenir d'une discussion concernant la liaison Paris-Toulouse. Il fallait un Paris-Toulouse en TGV...
M. François Gerbaud. C'est ridicule !
M. Claude Belot. ... non pas parce que la liaison présentait un intérêt, non pas parce qu'elle devait être rentable, mais tout simplement parce que les « copains » de promotion travaillaient à l'Aérospatiale et que le TGV devait égaler Airbus, et si possible le dépasser. Autrement dit, on avait perdu toute raison !
M. François Gerbaud. Vous avez raison !
M. Claude Belot. Je crois donc qu'il nous faut ramener l'entreprise à une plus juste ambition, définir clairement ses missions et ne pas lui permettre d'imposer ses choix à la puissance publique. Et puis, s'agissant des ingénieurs, vous connaissez bien l'adage, mes chers collègues : si vous voulez vous ruiner agréablement et sûrement, choisissez les dames ; si vous voulez vous ruiner rapidement, allez jouer ; si vous voulez vous ruiner sûrement, agréablement et rapidement, allez voir les ingénieurs, et vous êtes sûrs du résultat ! (Sourires.) Je crois que cela s'applique particulièrement à la SNCF !
La SNCF, pour moi comme, je crois, pour tous les membres de la commission d'enquête, c'était une maison admirable par certains côtés, capable de préparer l'avenir du ferroviaire. Il faut en effet que le ferroviaire ait, dans ce pays, un avenir clair et défini, il y va de l'intérêt national ; mais il faut aussi tenir compte des réalités et des exigences budgétaires, tant il est vrai que la France n'aura pas la possibilité de tenir éternellement un budget qui se dégrade de cette façon.
Voilà où nous en sommes, monsieur le ministre. Vous nous proposez plusieurs solutions.
L'une est fondamentale ; il s'agit de la reprise des 125 milliards de francs de dette correspondant aux infrastructures. Cette affaire pesait, pesait, pesait sur la SNCF et sur ses comptes, et il n'y avait aucune solution pour que l'entreprise se redresse. La décision est courageuse, la décision est coûteuse. Cependant, je souhaiterais que la situation soit très claire : quelle sera la contrepartie pour la SNCF ? S'il y en a une, elle doit être supportable pour l'entreprise. Mais qu'on le sache exactement, afin que ne soient pas maintenues les ambiguïtés de l'Etat-actionnaire qui ont pu être dénoncées par ailleurs.
Vous avez voulu également la reconquête commerciale. Il me semble qu'elle est en cours, et l'on voit aujourd'hui les personnels de la direction générale comme le président de la SNCF « mouiller leur chemise ». Tant mieux !
La mobilisation de l'entreprise est également en cours. Sachant que je devais intervenir aujourd'hui, j'ai souhaité rencontrer le week-end dernier des cheminots pour connaître leur point de vue. C'est la première fois depuis bien longtemps que je sens dans la base « cheminote » la foi dans ce que leur propose le Gouvernement ; c'est la première fois que je vois vraisemblablement une perspective de réussite. Monsieur le ministre, c'est très important et de bon augure : vous avez des chances de gagner le pari !
Mme Hélène Luc. Ils ont gagné aussi leur pari !
M. Claude Belot. Pour ce qui est de la régionalisation, lors de notre pérégrination, nous avions été particulièrement frappés de constater à quel point les élus locaux se méfiaient de la SNCF. C'est qu'il était impossible, jusqu'à ce jour, de connaître la vérité des comptes de la SNCF. M. Fourcade l'a rappelé tout à l'heure, l'entreprise ignorait la comptabilité analytique, c'est vrai, comme elle ignorait la notion de « coût marginal ». Or l'opération ne peut réussir si la confiance entre les élus locaux et la SNCF n'est pas rétablie sur des bases loyales et durables. C'est fondamental !
Dans ma région, j'entends les réticences des uns et des autres - « ils ne nous disent jamais la vérité » - et leur incompréhension devant certaines situations parfaitement stupides. Pourquoi un bus géré par la SNCF repart-il d'Angoulême à destination de Jonzac quatre minutes avant l'arrivée du TGV, alors qu'il pourrait prendre nombre de voyageurs ? A l'heure où je vous parle, aujourd'hui, comme hier, c'est ce qui se passe, sans que l'on puisse obtenir la moindre justification. Et cela se traduit par un déficit déclaré. Du reste, comment pourrait-il en être autrement, puisque l'on fait tout ce qu'il faut pour qu'il n'y ait pas d'usagers ?
M. Ivan Renar. Des clients ou des usagers ?
M. Claude Belot. Ils n'ont pas d'autre solution ; ce ne sont donc même pas des clients !
Mais je prends un autre exemple. Il y a quelques jours à peine, quand nous avons adopté l'heure d'été, dans une ville connue non seulement pour sa belle Hélène et pour son beurre, mais aussi pour ses manifestations ferroviaires, certes assez locales, je veux parler de Surgères, n'a-t-on pas vu les maires et les élus locaux manifester au côté de membres de la CGT, de cheminots et d'usagers ? Il avait été en effet décidé que le train desservant l'île d'Oléron, Rochefort et le sud de la Vendée, soit un bassin de clientèle de 100 000 personnes, ne s'arrêterait plus à Surgères.
Voilà quatre ans, le même phénomène s'était déjà produit. Avec M. François Blaizot, mon prédécesseur à la tête du conseil général de la Charente-Maritime, flanqués du député-maire et de tous les élus concernés, pendant quatre mois nous étions allés arrêter des trains pour qu'enfin les choses changent et qu'un directeur régional veuille bien se déplacer afin de rencontrer le président du conseil général.
Les choses changent puisque, maintenant, quatre jours seulement après le premier arrêt, le député-maire de Surgères était reçu par le président de la SNCF. Le lundi suivant, le problème était réglé et, ô miracle ! le train est arrivé à La Rochelle à l'heure qui était prévue ! (Sourires.)
Cela signifie qu'il y a vraiment un travail considérable à faire pour susciter la confiance. Je m'adresse là à l'autorité de tutelle de la SNCF mais aussi aux personnes de cette société qui sont présentes ; j'ai d'ailleurs aperçu son président dans les tribunes du public.
Je suis favorable à la région, sur des bases loyales, à condition que l'on discute sur une base très claire et dénuée d'ambiguïté pour les élus locaux.
Aujourd'hui, l'Etat verse une compensation de cinq milliards de francs à la SNCF au titre des déficits des lignes dites de service public. C'est un fait. Il est prêt à les redistribuer aux régions. Qu'il le fasse selon une règle fondée sur la loyauté, c'est-à-dire que les régions sachent combien elles peuvent percevoir, tout simplement au nom du principe selon lequel, en matière de régionalisation, on n'administre bien que de près. Dès lors, elles choisiront les lignes qui leur semblent utiles à la population dont elles ont la responsabilité et décideront de ne pas poursuivre l'exploitation d'autres lignes ou prévoiront un autre moyen de transport de remplacement, mais si possible, à coûts constants. Si les régions qui fédéreront les départements souhaitent mettre un peu plus pour améliorer le transport ferroviaire - je fais partie de ceux qui s'en réjouiront - elles le feront, mais il leur appartiendra d'en décider.
Voilà, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'Etat, une adhésion forte à ce que vous nous proposez aujourd'hui. Il s'agit d'un moment historique pour la SNCF. Je souhaite que nous le vivions tous comme un acte de foi. Je souhaite aussi que nous prenions toutes les précautions pour ne pas avoir à faire dans quelque temps des actes de contrition, ce qui n'est jamais très réjouissant.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l'Union centriste, au nom duquel je m'exprime, vous apportera son soutien sans faille, car vous faites ce qu'il faut pour redresser cette entreprise. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui n'était pas dans l'air du temps voilà un an. Il faut dire, que, à l'époque, le Gouvernement et la direction de la SNCF avaient concocté, en catimini, un projet de contrat de plan, qui prévoyait un amoindrissement considérable du réseau avec la suppression de plusieurs milliers de kilomètres de lignes.
On sait ce qu'il advint de ce projet, qui n'a pas résisté à la volonté des cheminots et des usagers de défendre un service public de qualité. Ce service public, comme tous nos grands services publics, subit une offensive sans précédent du Gouvernement, soucieux de répondre aux injonctions de la Commission de Bruxelles.
Alors que le TGV, comme élément de modernisation d'un ensemble ferroviaire à promouvoir, aurait pu être un atout considérable, il faut bien mesurer combien le choix du « Tout-TGV » a été préjudiciable à la France. Comme le dit M. Jean-François Troin, dans son livre Rail et aménagement du territoire, « Le TGV n'est pas un instrument d'aménagement du territoire, mais une nouvelle structure de transport accentuant les polarisations urbaines. »
A cela s'ajoute le choix délibéré de la route sur le rail pour le fret, sous l'effet de deux actions conjointes, une priorité des pouvoirs publics en faveur de la route au détriment du rail et la pratique des flux tendus dans la production qui se traduit par une flexibilisation et une précarisation accrues.
C'est ce modèle de guerre économique entre les territoires, qui remet en cause le double principe efficacité-solidarité à la base de la légitimité du secteur public en France, qui a été mis à mal.
Les propositions du Gouvernement que vous avez présentées le 11 juin dernier à l'Assemblée nationale et que vous venez de nous présenter portent la marque du mouvement de novembre-décembre. Cependant, les attaques contre France-Télécom et EDF-GDF montrent, si besoin en était, que le Gouvernement n'a pas renoncé à ses projets de déréglementation de l'ensemble du secteur public.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Félix Leyzour. Si sur des questions essentielles vous avez dû tenir compte de la demande exprimée par le mouvement social et bouger les lignes du projet gouvernemental, de profonds aspects contradictoires méritent cependant des clarifications et des garanties. Cela est d'autant plus nécessaire que les interprétations sur la régionalisation ou sur la séparation de l'infrastructure et de l'exploitation sont diverses dans votre majorité.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Pas dans mes propos !
M. Félix Leyzour. J'ai dit « dans votre majorité », monsieur le ministre. Mais nous verrons, parce que les propos d'un ministre ne suffisent pas. Celui-ci compte sur une majorité.
Le débat à l'Assemblée nationale n'aura pas manqué de soulever des inquiétudes. Le présent débat, qui lui fait suite et qui précède le processus législatif concernant la création de l'établissement public, donne l'occasion, avant l'été, de clarifier les données, de préciser les intentions et les propositions. C'est en tout cas ce que nous en attendons.
Nous avons écouté Mme le secrétaire d'Etat et vous-même, monsieur le ministre. Bien des questions nécessitent des approfondissements pour que l'on sache en quels termes votre projet de loi traduira les solutions.
Le premier souci qui nous anime concerne l'unicité de l'entreprise. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que l'unicité n'était nullement remise en cause par la création d'un établissement public responsable de l'infrastructure, qui, par là-même, reprendra 125 milliards de francs de dette.
Bien entendu, la responsabilité de l'Etat dans la dette imputable aux nouvelles infrastructures est ainsi reconnue, mais n'est-ce pas le moyen, pour le Gouvernement, d'enclencher un processus beaucoup moins avouable ?
L'expérience prouve que la séparation de l'infrastructure et de l'exploitation a été un levier au service des gouvernements pour la mise en concurrence de différentes compagnies, voire pour une privatisation. Il suffit d'observer ce qui s'est passé en Grande-Bretagne et au Japon pour percevoir ce risque !
M. Roland Courteau. C'est aussi notre position !
M. Félix Leyzour. En effet, avec un tel schéma, vous répondez totalement aux injonctions de la Commission de Bruxelles et de la directive 91/440, qui exige cette autonomie entre le réseau et son exploitation. L'objectif est clair : il s'agit de permettre l'accès des tiers au réseau, conformément à la sacro-sainte loi de la concurrence qui est énoncée dans le traité de Rome et confortée par le traité de Maastricht.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Félix Leyzour. Tant pis si cela provoque des dégâts en termes d'emploi, de sécurité, de qualité du service public et d'aménagement du territoire.
Cette séparation apparaît donc comme une étape permettant de faire de la SNCF un simple exploitant commercial parmi d'autres. Comme pour France Télécom ou EDF - GDF, on ouvrira les réseaux les plus rentables, et la société nationale devra assurer ce qui est moins rentable, sans pouvoir faire jouer la péréquation !
M. Roland Courteau. Exact !
M. Félix Leyzour. Voilà ce qui risque d'arriver !
Notre crainte est d'autant plus grande que nous relevons, entre autres exemples, les propos de M. Claude Champaud, conseiller régional de Bretagne, que je connais très bien et qui est membre de votre majorité, monsieur le ministre. Le 12 juin dernier, dans un quotidien national, il expliquait le bienfait de la séparation des infrastructures et de l'exploitation précisant : « Si nous pouvions mettre en concurrence plusieurs fournisseurs en disant : nous voulons telle liaison pour tels horaires, la situation serait différente. »
Vous comprendrez que de tels propos nous inquiètent, comme ils inquiètent les cheminots et les usagers. La question de l'unicité ne saurait souffrir de telles ambiguïtés. Aussi, nous souhaiterions que, au nom du Gouvernement, vous affirmiez clairement que vous êtes opposé à la mise en concurrence d'autres exploitants avec la SNCF, et que vous confirmiez que l'entreprise nationale est le seul gestionnaire de l'infrastructure.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Félix Leyzour. La nouvelle organisation que vous proposez a des conséquences sur les questions de la dette et du financement des infrastructures. Vous avez annoncé que l'Etat reprendrait, par l'intermédiaire de l'EPIC, établissement public industriel et commercial, 125 milliards de francs sur les 208 milliards de francs qui constituent l'ensemble de la dette.
Vous affirmez que cela correspond au total des investissements commandés par l'Etat, essentiellement les investissements concernant le TGV. Outre le fait que des organisations syndicales estiment ce total à 145 milliards de francs, vous oubliez ce que les usagers, les cheminots et les contribuables ont versé aux banques, par le biais des intérêts de la dette, et qui s'élève à plus de 100 milliards de francs ! Ce chiffre est trop important pour que l'on puisse laisser en l'état les relations entre la SNCF et les institutions de crédit.
Ainsi, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir si, pour ce qui concerne les 83 milliards de francs de dette restant à la charge de l'entreprise, vous envisagez une intervention auprès des prêteurs dans le but d'une renégociation, voire de taux bonifiés. Ce qui est possible pour Euro Disney devrait pouvoir se faire, au prix de quelques aménagements techniques, pour une des plus grandes entreprises françaises au service de la nation. La dette de la SNCF ne doit pas seulement être sortie de la comptabilité de la SNCF, elle doit aussi être déconnectée des taux des marchés financiers.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Félix Leyzour. La question des droits de péage, dans ce nouveau cadre, nécessite également des clarifications. Il ne faudrait pas que l'Etat reprenne d'une main ce qu'il aurait accordé de l'autre. Vous avez dit que tel ne sera pas le cas, monsieur le ministre, nous en prenons acte, mais chacun sait, malheureusement, à quoi conduisent à terme l'alignement sur les directives européennes et l'obsession d'une concurrence dont la vie de tous les jours nous montre les dégâts.
Et puis, comment ne pas noter la dramatisation qui entoure la dette de la SNCF, alors qu'on ne parle jamais des 160 milliards de francs transférés de France Télécom aux caisses de l'Etat ? Soit dit en passant, cela pose la question de coopérations technologiques, financières et commerciales entre les entreprises du service public, qui structurent notre économie nationale.
Concernant les investissements, il s'agit de ne pas tricher. La SNCF ne retrouvera des parts de marché dans les domaines voyageurs et fret qu'en modernisant son réseau et en faisant jouer pleinement la complémentarité entre les divers modes de transport.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Félix Leyzour. Cela nécessite un effort considérable. Or, on connaît le discours sur la réduction des déficits publics. C'est donc bien vers des sources de financement non encore explorées qu'il faut nous tourner. J'en proposerai cinq.
Les fonds européens doivent être mobilisés de façon plus importante pour contribuer aux financements des équipements et infrastructures réalisés sur la demande de la Commission européenne, TGV Nord, TGV Méditerranée, etc.
Autre ressource possible : le label SNCF, qui sert de carte de visite et d'argument publicitaire à toute l'industrie ferroviaire, sans que l'entreprise publique n'en tire avantage.
Les plus-values foncières liées aux opérations immobilières autour des gares et des dessertes de lignes nouvelles TGV devraient être taxées.
Selon les comptes « transport » de la nation, le total des capitaux dégagés en 1994 par les assurances au titre de la couverture du risque transport, tous sinistres remboursés, a produit un solde positif de 19 milliards de francs. On pourrait affecter une partie de cette somme à l'amélioration de la sécurité des transports.
Enfin, le montant de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le budget de 1996 s'élève à 148,5 milliards de francs. Un prélèvement sur cette taxe pourrait financer les plates-formes multimodales, qui constituent un outil essentiel pour la reconquête du fret par le réseau ferré.
M. Roland Courteau. Sur ce point aussi, nous sommes d'accord !
M. Félix Leyzour. Bien entendu, ces propositions nécessitent un effort particulier de l'Etat dans l'utilisation de l'argent public et des missions qui seront assignées à la SNCF. En effet, un aménagement du territoire harmonieux et équilibré, assurant l'accès de tous les citoyens à un service de qualité, se mesure non pas à la longueur des phrases que l'on peut tenir à ce sujet, mais bien à l'importance des crédits que l'on y consacre, et à leur bonne utilisation démocratiquement contrôlée.
Cela est à l'opposé, monsieur le ministre, des paroles de l'un de vos conseillers techniques qui, le 12 juin, affirmait dans le journal Libération : « La SNCF sait maintenant de quoi elle est responsable. Les cheminots ne pourront plus dire : c'est la faute de l'Etat. »
Serait-ce à dire, monsieur le ministre, que l'Etat ne serait plus maître d'oeuvre de la politique des transports ? Vous comprendrez que de telles phrases ne peuvent que susciter la suspicion envers les intentions réelles du Gouvernement.
Ces garanties sont d'autant plus nécessaires que, dans le même temps, sont instituées des expériences de régionalisation dont chacun peut mesurer l'intérêt et le danger. Mon ami Louis Minetti reviendra plus précisément sur ce point, mais je voudrais juste réaffirmer notre souci d'une approche régionale des problèmes, qui va de pair avec notre volonté de garder au réseau sa cohérence nationale, ce qui est à l'opposé de la vision d'une régionalisation qui segmenterait le réseau.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Félix Leyzour. Pour justifier une certaine autonomie et l'ouverture au privé, il est souvent fait mention des lignes gérées, en Bretagne, par la CFTA, filiale de la Compagnie générale des eaux. Je souhaiterais évoquer ce sujet pendant quelques instants.
L'une de ces lignes dont il est question, qui était menacée d'être transférée sur route voilà quelques années et dont on parle désormais tant parce qu'elle est gérée par la CFTA, se situe dans mon département : elle relie à la ligne Paris-Brest un secteur côtier et un secteur de la Bretagne intérieure. Elle dessert notamment la ville dont je suis maire.
Si cette ligne a pu être maintenue, c'est que nous nous sommes mobilisés pour la défendre. Comme maire et vice-président du conseil général en charge des transports, et à une époque conseiller régional, j'ai contribué à y transférer pour des raisons de sécurité, surtout en hiver, des scolaires se rendant au lycée, ce qui a apporté à la ligne un ballon d'oxygène du point de vue financier.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Félix Leyzour. Il s'agit de la seule voie ferrée restante de l'ancien réseau breton, qui ne faisait pas partie de la société nationale mais qui lui était lié. Ce que nous avons réussi à y faire ne plaide pas en faveur du dépeçage du réseau de la SNCF, mais montre tout l'intérêt du service ferroviaire.
J'ajoute que le matériel roulant n'est pas renouvelé, ce qui pose de plus en plus un problème et inquiète le personnel. Celui-ci manifeste aussi de l'intérêt pour une révision de son statut en se référant à celui des cheminots.
Le dernier point que j'évoquerai nous tient particulièrement à coeur : il s'agit de la décision de la suppression du contrat de plan Etat-SNCF. Cette décision ne nous paraît pas judicieuse au moment où l'on parle sans cesse d'aménagement du territoire, et alors qu'un schéma national des infrastructures de communication est prévu dans la loi du 4 février 1995.
En effet, les cheminots ont rejeté non pas le principe du contrat de plan, mais le contenu de ce dernier. D'ailleurs, au cours des premiers mois de l'année, le groupe de travail dirigé par M. Martinand, les conseils économiques et sociaux régionaux, les conseils régionaux, les organisations professionnelles, les groupes parlementaires ont travaillé sur la réécriture d'un nouveau contrat de plan. Dès lors, l'abandon du contrat de plan ne peut pas être fortuit. Il traduit, à notre avis, une volonté de dissimulation qui ne va pas dans le sens du développement du service ferroviaire.
Pour étayer mon propos, je citerai notre collègue M. Haenel qui, dans la Tribune Desfossés du 4 mars dernier, exprimait ainsi ses craintes : « Une remise en cause du contrat de plan qui se traduirait par des engagements de non-réduction des effectifs, de non-fermeture des lignes déficitaires et/ou de non-privatisation de filiales est-elle économiquement tenable et politiquement justifiable ? »
Le refus du Gouvernement d'engager l'Etat sur ce point équivaut à répondre favorablement à notre collègue.
Evidemment, les résistances sont telles qu'il vaudrait mieux, pour les partisans de la déréglementation, ne rien écrire !
La SNCF appartient à la nation, et la nation attend de l'Etat que des orientations soient fixées, après une procédure qu'il convient de démocratiser, pour associer aux décisions cheminots, élus et populations.
Il s'agirait d'aller bien au-delà des actuelles « consultations pour avis », pour parvenir à une réelle efficacité sociale et territoriale. Le service public n'aurait désormais plus comme unique critère l'équilibre financier, mais recevrait mission d'entraîner le secteur privé vers des objectifs communs : insertion dans l'emploi, cadre de vie, citoyenneté active.
Un document contractuel est donc bien nécessaire afin de préciser les missions de la SNCF tant dans son rôle de gestionnaire de l'infrastructure que d'exploitant du réseau, en conformité avec les principes du service public pour les voyageurs, et dans la recherche de synergie entre les différents modes de transport de marchandises. Qu'en sera-t-il du schéma national des transports combinés, des expérimentations de nouvelles techniques, telles que le système Commutor, expérimenté au triage de Trappes ?
Il est un fait qu'il serait incohérent que la SNCF seule décide des objectifs, des priorités, des missions à remplir, de ce qui serait bon pour la collectivité.
M. le président. Monsieur Leyzour, je tiens à vous indiquer qu'il ne reste plus que cinq minutes de temps de parole pour l'orateur suivant du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Félix Leyzour. Je vous remercie, monsieur le président, et je termine.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment seront établies les relations contractuelles entre l'Etat et la SNCF et comment vous comptez en assurer la démocratisation et la transparence ?
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont attentifs au devenir de la SNCF. A leur avis, il y a là toutes les possibilités de faire quelque chose de neuf.
Leur choix est clair : ils oeuvrent pour que la SNCF retrouve sa place grâce à la définition de nouvelles missions de service public et à une « décentralisation-démocratisation » qui reste à faire.
Les missions et critères qui sont à la base du service public « à la française » doivent être préservés comme moyens d'un aménagement du territoire équilibré et de résorption des inégalités sociales et géographiques : unicité des systèmes tarifaires, péréquations financières entre activités, tant sur le plan du développement des infrastructures que pour l'utilisation des réseaux.
Les missions de service public ne peuvent en rester là. Il s'agit de prendre en compte les enjeux nouveaux de notre société rongée par le chômage endémique, les compétitions entre territoires et entre salariés.
Dans ce sens, les missions du service public doivent être étendues à la création d'emplois qualifiés et à la formation, à la préservation de l'environnement et à l'économie des ressources naturelles, à la promotion d'une coopération internationale qui soit autre chose que la guerre économique sur un marché libéralisé.
Je terminerai mon intervention en saluant ces femmes et ces hommes qui, par leur ténacité et grâce au statut qu'ils ont conquis, ont su mener si haut l'entreprise ferroviaire en France. Je ne crois pas qu'il pourrait y avoir de meilleure reconnaissance que la garantie du maintien de leur statut, en annonçant d'abord le gel des 4 500 suppressions d'emploi prévues.
Trop souvent, certains leur tirent leur chapeau pour faire croire qu'ils les estiment et, en fait, pour mieux s'opposer à leurs justes revendications, qui vont dans le sens de la défense de l'intérêt public.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation est important. Nous souhaitons qu'il apporte les précisions attendues sur nos interrogations concernant la séparation organique entre l'infrastructure et l'exploitation, le financement des équipements, la régionalisation, les relations contractuelles Etat-SNCF et le statut des personnels.
Pour l'heure, monsieur le ministre, comme les usagers et les cheminots, nous restons vigilants quant à vos projets, car nous savons que votre position actuelle est le résultat d'un rapport de forces dont vous n'êtes pas satisfait.
Nous exprimons dès aujourd'hui, comme nous le ferons à l'occasion du débat qui aura lieu avant la fin de l'année dans cette enceinte, notre attachement à la réussite dans notre pays d'une politique nouvelle des transports dans laquelle la SNCF doit jouer un rôle important. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Monsieur Leyzour, il ne restera que deux minutes à M. Minetti pour présenter son intervention. En effet, ce débat, je le rappelle, est organisé, et je veillerai donc au respect des temps de parole.
La parole est à M. Aubert Garcia.
M. Aubert Garcia. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en novembre 1996, la présentation par le Gouvernement d'une refonte du système de retraite des cheminots et d'un projet de contrat de plan purement financier et productiviste amena les syndicats à un mouvement de grève très dur, massivement suivi par les cheminots et parfaitement compris par la population.
Cette exceptionnelle mobilisation amenait en fin d'année le Gouvernement à retirer l'ensemble de ces projets et à lancer un débat national. Il s'agissait, certes, d'un débat sur l'avenir du transport ferroviaire, mais, en même temps, d'un débat sur l'avenir d'une entreprise publique : la société nationale des chemins de fer français.
Ce débat est aussi l'occasion de mettre en jeu les choix fondamentaux pour le pays que sont la décentralisation, le service public, la construction européenne et l'aménagement du territoire. M. Claude Martinant, directeur des affaires économiques et internationales au ministère des transports, était chargé de diriger un groupe de travail en vue d'établir un rapport dont l'objectif était, en partant de la situation actuelle, de lancer le débat dans les conseils économiques et sociaux régionaux par une série de questions.
Publié le 29 février 1996, ce rapport, s'il posait effectivement des questions, le faisait de façon particulièrement orientée, et il laissait au lecteur, par la forme et le fond de ses interrogations, l'impression un peu pénible qu'il venait de lire la « chronique d'une mort annoncée », tant paraissaient insolubles les problèmes de l'endettement et irréversible la prédominance de la route sur le rail, pour le transport tant des voyageurs que, surtout, du fret. Bien peu de choses sur l'intermodalité, sur l'indispensable recherche des complémentarités entre le rail, la route et les autres modes de transport figuraient dans ce rapport.
Rail et route, en tout cas, restaient concurrents, et la route avait définitivement gagné ! Cela n'est d'ailleurs pas une simple impression de lecture. En effet, lorsque le groupe des députés et sénateurs socialistes a rencontré M. Martinant, ce fut pour entendre les conclusions de son rapport et non pour lui poser éventuellement de nouvelles questions.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Aubert Garcia. Le 11 juin dernier, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous avez présenté aux députés non pas le résultat de consultations, mais les décisions que le Gouvernement avait prises pour l'avenir de la SNCF ; vous venez de renouveler votre prestation devant les sénateurs.
Je ne prétends pas faire ici l'analyse ou la critique de toutes ces décisions, laissant aux autres intervenants de mon groupe le soin de s'exprimer sur celles qui les concernent et les mobilisent plus particulièrement.
Classification des responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF et régionalisation en sont les deux axes principaux.
Deux mesures concernent la clarification des compétences.
Notons tout d'abord qu'un établissement public à caractère industriel et commercial, un EPIC, responsable de l'infrastructure, sera mis en place au 1er janvier 1997. Cet organisme aura avant tout à régler le problème de la dette.
S'élevant actuellement à 208,5 milliards de francs, la dette sera prise en charge par l'EPIC à hauteur des 125 milliards de francs qui, selon les estimations, correspondent à l'endettement relatif aux seules infrastructures. La question reste toutefois posée des 80 milliards de francs restant à la charge de la SNCF et des moyens prévus pour leur apurement.
Au demeurant, n'est-ce pas, pour l'EPIC lui-même, qui est par ailleurs chargé pour l'avenir des « investissements nécessaires sur le réseau classique » et qui devra réunir, sous le contrôle de l'Etat, les fonds nécessaires pour financer les nouvelles infrastructures, démarrer sous une lourde charge, qui rendra bien difficiles les investissements indispensables à une politique de relance capable de renverser la tendance au déclin amorcée depuis 1991, et peut-être même bien avant, 1991 étant la dernière année pendant laquelle l'exploitation a été positive ?
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Aubert Garcia. L'EPIC recevra un péage de la SNCF pour l'utilisation, celle-ci recevant du premier, pour l'entretien et l'exploitation du réseau, une rémunération fixée à l'issue d'un audit du compte d'infrastructure.
Je voudrais être sûr, monsieur le ministre, que cela ne débouchera pas tout simplement sur la répartition de la dette sur deux établissements publics au lieu d'un, dans le domaine du transport ferroviaire, et que, les moyens d'apurement de leur part respective de dette restant du domaine du non-dit, tout au moins du non-précisé, ils ne soient à l'avenir, malgré leurs rémunérations ou péages réciproques, deux établissements publics en difficulté au lieu d'un seul.
M. William Chervy. Très bonne question !
M. Fernand Tardy. Ça, c'est certain !
M. Aubert Garcia. Par ailleurs, quelle garantie pouvons nous avoir pour l'avenir que la SNCF restera le seul utilisateur du réseau ? S'il n'en allait pas ainsi, qu'adviendra-t-il alors de l'unicité de l'entreprise publique SNCF ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Aubert Garcia. Le second volet de la clarification des compétences concerne la SNCF elle-même. Cette dernière se voit confier la responsabilité de la politique commerciale et de la maîtrise des charges de l'exploitation, comme c'est normal ; c'est en effet sa vocation première.
Mais, sans aucun doute, ledit « projet industriel » verrait plus facilement s'équilibrer ses comptes, et la dynamique impulsée par la « révolution culturelle des cheminots » que vous appelez de vos voeux, monsieur le ministre, serait plus forte et plus enthousiaste s'il n'y avait le boulet des 80 milliards de francs de dette résiduelle que j'évoquais à l'instant, boulet qui va singulièrement peser sur les comptes et grever les chances de succès.
En fait, à cet instant de mon propos, une phrase de votre intervention devant l'Assemblée nationale me revient en mémoire. Je la cite, monsieur le ministre, non pour la dénoncer ou la démentir, car c'est un constat : « Si le chemin de fer conserve de solides atouts, il a cessé d'être le mode de transport dominant ».
J'ai trouvé, sinon dans les mots eux-mêmes, tout au moins dans l'idée et dans l'esprit qui sous-tend cette phrase la même tonalité de renoncement que dans les conclusions du rapport Martinant.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est un procès d'intention !
M. Aubert Garcia. Une reconquête et une révolution culturelle, monsieur le ministre, ne se font pas sans la volonté forte et l'enthousiasme de ceux qui doivent les motiver et les provoquer. Et, pourtant, que d'atouts pour le rail dans le monde où nous vivons aujourd'hui et compte tenu des points d'interrogation qui pèsent sur l'avenir de nos enfants !
Parlons de sécurité, pour souligner qu'il y a eu 140 000 tués sur les routes de France entre 1978 et 1992, contre 158 dans les accidents de trains. Rapporté au trafic voyageurs/kilomètre, cela représente 90 morts sur la route pour 1 dans le train.
Parlons d'énergie, pour constater qu'avec un litre de pétrole ou son équivalent une tonne de marchandises parcourt 127 kilomètres par le train contre 64 seulement par la route.
Parlons d'espace, pour dire qu'il faut 6 hectares par kilomètre de voie ferroviaire et 10 hectares par kilomètre pour la route.
Parlons, enfin, de pollution, pour constater que 75 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre résultent des transports utilisant l'essence et le gazole. La contribution globale du transport ferroviaire à ces émissions serait de l'ordre de 1 p. 100.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Aubert Garcia. On peut se demander si ces considérants, qui concernent au premier chef la santé et la vie des hommes de demain, ne méritent pas que les hommes politiques d'aujourd'hui leur accordent une place plus importante et s'ils ne devraient pas peser plus lourd sur leurs décisions et leurs choix.
Quant à la SNCF elle-même, elle a vécu une période de « tout technologique » et de « tout technocratique » extrêmes. Elle a, comme dans beaucoup d'autres secteurs de notre économie, cru que la mécanisation et l'automatisation à outrance étaient les clés du progrès et les garants du succès. Dans sa recherche acharnée d'abord, puis quelque peu désespérée ensuite, du « Graal de l'équilibre financier », elle a sacrifié et perdu beaucoup de ses hommes : plus de 100 000 en vingt ans, et elle est aujourd'hui victime de sa déshumanisation.
Là est la véritable révolution culturelle à faire, car on ne remplace pas partout et toujours la présence des hommes par des distributeurs automatiques de tickets, d'ailleurs plus ou moins fiables, nous en avons vécu l'expérience. Rien n'est moins engageant qu'un hall de gare vide, dans lequel personne ne peut répondre à la moindre de vos questions.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est bien vrai !
M. Aubert Garcia. Dans cette démarche, la SNCF a perdu une partie importante de sa clientèle. Dans le même temps, comme elle s'est davantage préoccupée de la rentabilité que du service des hommes, elle a même perdu sa vocation de transporteur de fret.
Devra-t-elle aujourd'hui, pour 12 petits milliards de francs qui ne combleront rien, brader la totalité de ses filiales au nom de la recherche de rentabilités nouvelles fondées sur la complémentarité et au nom d'un service public plus affiné ?
Le deuxième axe du débat est la régionalisation à partir du 1er janvier 1997, dans le cadre d'une expérimentation de deux ou trois ans dans six régions test, financée par les concours que verse aujourd'hui l'Etat à la SNCF au titre des services régionaux réactualisés sur la base d'un audit indépendant.
Nous ne sommes pas hostiles au principe de cette régionalisation, dont le projet, figurant dans la LOTI, a été repris par l'article 67 de la loi d'orientation sur le développement et l'aménagement du territoire en 1995.
Si cette démarche n'est pas exempte de bien des aspects positifs, elle n'en présente pas moins des risques que n'ont pas manqué de souligner les comités économiques et sociaux régionaux dans leurs réflexions.
Permettez-moi de citer la contribution de celui de la région Midi-Pyrénées, qu'en ma qualité de sénateur du Gers j'ai, bien sûr, particulièrement étudiée : « Le conseil économique et social de Midi-Pyrénées souligne en outre qu'en l'absence de garanties plus précises et compte tenu de l'état d'un legs pour l'heure inconnu dans le détail mais nécessairement variable d'une région à l'autre une telle réforme risque, en l'absence de péréquation, de pénaliser lourdement et à long terme les régions les plus pauvres et les moins bien équipées, dont Midi-Pyrénées. »
Quelques lignes plus loin, on peut lire : « Le conseil économique et social de Midi-Pyrénées tient absolument à éviter tout risque de faire endosser à la région la responsabilité de fermetures de lignes ».
Et j'ajoute, quant à moi : ou de les concéder à des entreprises privées, soit par volonté, soit par pauvreté, ce qui déboucherait sur un démantèlement. Quid alors, à plus ou moins longue échéance, du statut de ces personnels ? Quid de l'unification des tarifs ? Quid du service public et des principes de base mêmes de la LOTI ?
M. Fernand Tardy. Très bien !
M. Aubert Garcia. Or tous ces problèmes essentiels ne sont ni abordés, pour certains d'entre eux, ni éclaircis, pour beaucoup d'autres.
Il me surprendrait enfin, monsieur le ministre, que l'abandon pur et simple, après ses retards et ses reports successifs, du contrat de plan Etat-SNCF soit une bonne chose. Vous le considérez comme un instrument inadapté et insuffisant. Mais il était, à ce jour, le seul document capable, fût-ce, justement, dans une période intermédiaire, de formaliser les engagements réciproques de l'Etat et de la SNCF.
Son abandon, au moment où l'on prétend redéfinir les missions et les responsabilités respectives de chacun des partenaires et alors que restent en suspens tant de questions auxquelles il faudra bien répondre, ne me paraît pas de nature à nous rassurer. En particulier, où seront définies les missions de service public de la SNCF et sa politique tarifaire ?
J'évoquais tout à l'heure, en parlant des distributeurs automatiques de tickets, le nom de Socrate, le maître de l'art du dialogue selon Platon, un art que la SNCF devra retrouver pleinement avec sa clientèle. Encore faudrait-il qu'entre-temps elle n'ait pas elle aussi bu la coupe de ciguë ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. William Chervy. Très bonne conclusion !
M. le président. La parole est à M. Berchet.
M. Georges Berchet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, la SNCF est effectivement l'entreprise nationale la plus endettée de France - on l'a vu, on l'a démontré, tout a été dit - mais son désendettement est une nécessité incontournable.
Initialement, vous aviez évoqué, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1996, un mécanisme exceptionnel d'allégement de la dette accompagnant les efforts propres de l'entreprise. C'était le « donnant-donnant » - souvenez-vous - assorti de certaines réalisations de l'actif immobilier.
Aujourd'hui, la solution retenue par le Gouvernement est intéressante et, à mes yeux, équitable sur le plan financier.
En transférant à un établissement public les infrastructures contre la prise en charge de 125 milliards de francs de dettes, l'Etat ne fait finalement que rembourser, directement ou indirectement, à la SNCF les sommes qu'elle a avancées à sa place pendant plusieurs années au titre des infrastructures. Mais l'endettement constaté a atteint 208 milliards de francs. Il restera donc - certains de mes collègues l'ont souligné - 83 milliards de francs à la charge de la SNCF. Cela signifie que devront être encore remboursées chaque année des annuités, capital et intérêts, au titre du passé.
En clair, la purge n'est pas complète et les charges financières ne seront pas totalement effacées.
Pensez-vous, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, que cette solution soit économiquement satisfaisante ?
Par ailleurs, à part les infrastructures utilisées, donc transférées, qui donneront lieu au versement d'une location au nouvel établissement public, que deviendra l'actif immobilier aujourd'hui non utilisé ou déclassé ?
Qui en sera propriétaire ? Sera-t-il vendu aux collectivités territoriales intéressées pour un aménagement de zone d'activité ? Dans ce cas, au profit de qui se fera la vente ? Quel sera le sort réservé aux réseaux de télécommunications - câbles et fibre optique - qui présentent quelquefois, et par nature, un caractère immobilier ?
Le récent vote de la loi de réglementation des télécommunications confère à ce réseau dit « alternatif » par rapport à celui de France Télécom une grande valeur potentielle.
La vente ou la location des capacités de transport de données permettant de relier entre eux différents sites industriels se fera-t-elle au profit de l'établissement public ?
En dépit de quelque 20 milliards de francs d'investissements par an, la SNCF n'a pratiquement pas gagné de client depuis cinq ans.
La dette partiellement apurée, ne conviendrait-il pas que la SNCF améliore encore son esprit commercial et recentre son activité ferroviaire, en matière de fret par exemple ?
J'accueille, pour ma part, avec beaucoup de satisfaction la qualification de « client » que vient de substituer le président de la SNCF à l'appellation d'« usager », d'autant qu'en fait c'était un « usager captif ».
Aujourd'hui, chacun sait que le pôle routier de la SNCF développe - et c'est paradoxal - 20 milliards de francs de chiffre d'affaires, soit le double de celui du fret SNCF et le quintuple de celui du SERNAM.
Mais, plus généralement, c'est au défi de la productivité qu'est confrontée de façon éclatante la SNCF, c'est-à-dire à l'amélioration du service des clients sans alourdissement des frais de gestion.
Au-delà du système de désendettement - opération justifiée - convient-il de régionaliser sans précaution et dans la précipitation les « transports régionaux de voyageurs » qui assurent une mission de service public ?
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que l'Etat allait transférer aux régions la part des concours financiers qu'il versait à la SNCF au titre des services régionaux de voyageurs.
Actualisé, dites-vous, sur la base d'un coût indépendant - que l'on connaît d'ailleurs - ce transfert « se fera sans effet sur la fiscalité régionale ». Mais qu'en sera-t-il dans l'avenir ?
Qui peut aujourd'hui garantir la pérennité de cette dotation de l'Etat et son actualisation dans le temps ? Chacun a en mémoire le transfert aux départements d'une partie des routes nationales effectué en 1972 ! La subvention spécifique annuelle de l'Etat à ce titre a disparu. Elle est aujourd'hui fondue dans la dotation générale de décentralisation et il est impossible d'en mesurer l'évolution, voire l'existence.
La régionalisation que vous proposez, monsieur le ministre, tiendra-t-elle compte d'un aménagement du territoire équilibré alors même que le service public des transports régionaux de voyageurs sera d'autant plus onéreux ou déficitaire que la densité démographique et les possibilités financières des régions à desservir seront faibles ?
Verra-t-on naître des prix de billets SNCF différents d'une région à l'autre, ou des tarifs spécifiques à chaque région, comme vous l'avez évoqué tout à l'heure, avec le risque d'une fracture territoriale fort pénalisante ?
Régionaliser les transports de voyageurs est une forme de décentralisation et, comme toutes les décentralisations connues à ce jour, elle finira, si nous n'y prenons pas garde, par alourdir les charges des régions.
J'observe d'ailleurs, monsieur le ministre, que les régions volontaires pour expérimenter le système sont parmi les plus urbanisées, les plus denses en population, sinon les plus riches, et qu'elles sont déjà pourvues, dans bien des cas, de moyens de transport interurbains.
Comment oublier, à cet égard, les propos de M. Jean Arthuis, tenus ici même le 22 mai 1996 : « Je ne ferai pas ici le procès de la décentralisation, qui a sans doute fait peser sur les collectivités des charges qui, corrélativement, ont allégé ce qu'avait à supporter l'Etat » ?
Expérimenter les dispositions visant la régionalisation prévues à l'article 67 de la loi d'orientation, c'est très bien, monsieur le ministre. Mais pourquoi ne pas prendre et publier les décrets d'application de cette loi, qui prévoit également une certaine péréquation financière entre les régions ? Ce serait plus rassurant pour certains.
La définition des missions de service public est à la charge des autorités responsables et non des opérateurs, avez-vous dit ! C'est vrai. Mais l'autorité responsable dans un aménagement du territoire équilibré n'est-elle pas l'Etat, dans le cadre de la solidarité nationale ?
Enfin, certains cadres supérieurs de la SNCF appréhendent une éventuelle ouverture à la concurrence de la circulation sur le réseau ferroviaire. Il y a là un vrai problème, qu'il faudra bien étudier en complétant la LOTI si l'on veut éviter que ne règne la loi de la jungle sur les lignes ferroviaires entre la SNCF et des opérateurs concurrents, français ou étrangers.
Peut-être faudrait-il envisager dès à présent de mettre en place - comme cela a été fait dans d'autres domaines - une autorité de régulation, indépendante et respectée aussi bien par les cheminots que par les gouvernements.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, toutes les orientations présentées sont excellentes, et je vous souhaite de les concrétiser rapidement sur le plan législatif, en espérant que votre projet de loi sera déposé d'abord devant le Sénat, qui reste un précurseur en matière d'aménagement du territoire.
En quelques mots, et dans un tout autre domaine, permettez-moi d'attirer une nouvelle fois votre attention sur la situation particulière de la Champagne méridionale.
Par nécessité économique et par solidarité territoriale, ne laissez pas dépérir cette région, dont l'avenir dépend de la ligne Paris-Troyes-Chaumont-Bâle, axe vital qui mérite l'électrification et son raccordement au réseau international des TGV à Paris.
Cette liaison conditionne le devenir économique de tout un secteur géographique, fort de potentialités qui ne demandent qu'à s'épanouir.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, grâce à vous, un tournant historique est armorcé aujourd'hui avec ce débat. Cette initiative originale doit réussir, car il n'y a pas d'autre solution rationnelle.
Tout dépendra cependant de la compréhension et de la mobilisation de l'équipe dirigeante de la SNCF face à ce projet industriel.
Tout dépendra également de la confiance en l'avenir des personnels de la SNCF qui restent, avant tout, des cheminots de très haute qualité ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, clarification des responsabilités respectives de l'Etat et de la SNCF dans le respect de l'unité du service public et régionalisation, tels sont les deux piliers de la nouvelle politique que le Gouvernement vient de proposer pour résoudre la redoutable crise que connaît cette grande entreprise nationale.
Nous sommes nombreux, sur ces travées, monsieur le ministre, à saluer le courage du Gouvernement qui propose, là encore, une véritable rupture avec la politique traditionnellement pratiquée en la matière.
Voilà donc les régions en charge d'une réforme essentielle. Avant même de connaître toutes les données de la nouvelle règle du jeu, ces jeunes collectivités se trouvent lourdement porteuses d'un service public de proximité jusqu'à présent assuré par une entreprise qui nous paraît, faut-il le dire, plus inspirée par le culte de la performance et par le principe de la spécialisation que par les transports de proximité.
Cette nouvelle voie, si j'ose dire, pose bien des problèmes. Je n'en retiendrai que deux, monsieur le ministre, pour ne pas faire long, le premier de nature technique, le second de nature politique.
Quelle est la situation actuelle dans les régions concernées ? La plupart des lignes régionales dont elles auront la charge sont déficitaires, parfois lourdement. Par ailleurs, les infrastructures et le matériel qui circule sur les voies sont le plus souvent fatigués. Il est évident que les transferts de responsabilité ne pourront être réalisés sans qu'un examen d'experts soit effectué non pas globalement mais ligne par ligne. M. le président de la SNCF nous assure que cette comptabilité analytique détaillée, actuellement embryonnaire, pourra être mise en place dans les six mois. Ce sera une performance. Nous en acceptons l'augure. Il doit être clair cependant que les régions ne pourront pas avancer dans la négociation sans cet inventaire détaillé qui nous permettra seul d'engager la responsabilité financière de nos collectivités.
L'audit auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, monsieur le ministre, est une bonne chose. Il est, en effet, utile, mais il nous paraît insuffisant pour que les régions s'engagent dans cette expérience avec une connaissance exacte de ce qui les attend.
La dotation d'Etat transférée - soit 4 milliards de francs plus une rallonge de 800 millions de francs, que vous nous avez annoncée, monsieur le ministre - est censée couvrir le déficit d'exploitation actuel de la SNCF sur ses lignes régionales. Bien évidemment, le partage ne sera pas fait entre les régions sur le seul critère du kilométrage transféré, mais selon les déficits réels affectés à chaque ligne, d'où l'intérêt de cette analyse comptable détaillée.
Mais comment les régions vont-elles réagir devant les investissements importants nécessaires à la mise à niveau de la plupart de ces lignes ? Devront-elles engager leurs propres ressources financières pour aller au-delà de la seule consolidation des déficits actuels ?
Aujourd'hui, certaines régions investissent lourdement sur des axes régionaux. Je prendrai un exemple que je connais bien : l'inter-Loire, entre Orléans et Tours, entre Orléans et Nantes, ou encore Vierzon-Bourges, ou Tours-Vierzon. Mais elles investissent toujours avec la SNCF et souvent avec l'Etat. Dans la redistribution des cartes que vous nous proposez, monsieur le ministre, à l'évidence, la SNCF ne sera plus partie prenante puisqu'elle sera simplement l'opérateur unique chargé de la gestion des lignes. Où sera l'Etat ? Réfugié derrière l'EPIC, lui-même accaparé par l'apurement de la dette et essentiellement préoccupé par la couverture de ses déficits de gestion - 10 milliards de francs, dit-on. Il est à craindre que dans la nouvelle configuration les régions ne se trouvent bien seules.
S'il n'existe aucun dispositif de participation contractuelle de l'EPIC à ces investissements lourds et spécifiques, les régions n'auront que deux choix possibles : soit la perpétuation des déficits qui s'accentueront parce que le client ne trouvera ni confort ni rapidité dans l'utilisation de ces lignes du fait du vieillissement de la traction et des infrastructures, soit la fermeture, solution politiquement difficile et peu compatible avec la politique d'aménagement du territoire à laquelle les régions sont justement attachées et qui justifie, aujourd'hui, le maintien de l'essentiel du réseau régional.
La solution pourrait être trouvée dans la création d'un fonds d'investissement affecté aux lignes régionales gérées par l'EPIC et doté des ressources provenant d'une péréquation pratiquée sur les tarifs grandes lignes, un peu à l'image de ce qui se pratique aujourd'hui pour les péages autoroutiers. Il y aurait donc, pour chaque région, une convention-cadre passée avec l'Etat, une autre convention passée avec la SNCF opérateur unique, et une troisième convention passée avec l'EPIC investisseur unique. Ce dernier aurait alors des moyens d'encourager les régions à investir par voie de fonds de concours sur les lignes qu'elles souhaitent développer et sur le matériel adapté qui pourrait y circuler. L'absence de participation de l'Etat à des investissements nouveaux condamnerait, à terme, la tentative de régionalisation, j'en ai la conviction.
Les six régions candidates, monsieur le ministre, ne s'engageront pas dans cette affaire sans « biscuit ». Elles l'aborderont sans complexes et sans arrière-pensées parce qu'elles veulent la maintenance d'un service public ferroviaire ; elles l'ont prouvé au-delà du discours dans un passé récent. C'est d'ailleurs pour cela qu'elles sont déjà engagées - et certaines depuis longtemps - dans cette aventure. Mais l'Etat doit bien se persuader que la seule notion de transfert de charge, même intégralement compensé, n'est pas suffisante parce que cette notion est statique. Dans les transports, il faut non seulement conserver, mais encore améliorer. La loi de ce marché est simple : qui n'investit pas régresse ! (M. le ministre sourit.)
Aucune région ne suivra l'exemple des six si elles n'ont pas le sentiment de pouvoir espérer entrer dans une dynamique de l'investissement et si elles constatent qu'elles n'ont comme perspective que la spirale du déficit croissant ou la fermeture.
Bien évidemment, les expertises conduiront à des constats très divergents. Les régions seront mieux armées pour transférer sur route certains trafics, si, par ailleurs, elles rénovent, modernisent et développent le trafic sur rail, là où les lignes bénéficiaires conduiront à des retours sur investissements significatifs. Elles sont mieux placées que l'Etat pour déterminer les enjeux et conduire les arbitrages. Encore faut-il qu'elles aient un interlocuteur unique et responsable ; encore faut-il qu'elles n'aillent pas seules dans cette nouvelle expérience. Elles sauront réussir si l'Etat se comporte en partenaire solidaire, mais le choix serait aventureux si l'Etat se contentait de compenser les déficits actuels, en laissant les régions se débrouiller avec la modernisation de ses réseaux transférés.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. De là à parler de « biscuit », il y a une marge !
M. Paul Masson. En d'autres termes, il ne faudrait pas que l'Etat ait des arrière-pensées : « Passons-leur le mistigri - excusez l'expression - après, on verra bien ce qu'elles en feront ! »
Sur ce sujet, votre actuel propos, monsieur le ministre, me paraît porteur d'espoir. Il reste à préciser ce point capital d'un investissement spécifique partagé sur les lignes régionales. Bien individualisées au sein de l'EPIC, chargé des infrastructures, je ne doute pas que nous saurons trouver sur ce terrain un bon accord.
La seconde partie de mon intervention est de nature tout à fait différente, je dirai hors de votre compétence immédiate, monsieur le ministre.
Les régions vont se trouver en charge d'une partie essentielle de la réforme du service public de proximité, six régions, dit-on, plus ou moins volontaires et qui y regarderont néanmoins à deux fois avant de franchir le pas. L'expérience durera trois ans. Elle aura valeur d'exemple pour d'autres régions.
Ces collectivités régionales sont toutes jeunes ; elles n'ont pas, comme les départements ou les communes, la patine de l'expérience. Elles sont parfois contestées dans leurs attributions.
Le mode de scrutin régional que nous connaissons conduit à un exécutif fragile. Dans la plupart de ces régions, il n'y a pas de majorité stable. Des assemblées où l'addition des contraires tient souvent lieu d'opposition trouveront-elles, en leur sein, la continuité, ou même, tout simplement, le courage nécessaire pour prendre des responsabilités fortes dans la gestion de réseaux régionaux, je le répète, pour la plupart déficitaires ? Il est permis d'en douter.
S'il est décidé, comme on le dit, de ne pas réformer le système électoral actuellement en vigueur, ne peut-on trouver des procédures qui mettent à l'abri les exécutifs régionaux de coalitions de rencontre ? Est-il possible de prévoir que le vote de certaines dispositions essentielles, comme les budgets, bien sûr, mais aussi la politique des transports, puisse faire l'objet d'un engagement de responsabilité de la part de la majorité de l'exécutif qui serait soumis à une procédure qui imposerait aux oppositions conjuguées des obligations de responsabilité ?
Sans cette mesure, mes chers collègues, à mon sens indispensable, je redoute que la régionalisation des lignes d'intérêt local trébuche sur une fragilité institutionnelle des régions. Il me paraît aléatoire de confier à des collectivités fragiles un rôle majeur dans une réforme dont l'enjeu, pour le pays, est particulièrement grave, alors que ces collectivités sont pour beaucoup aujourd'hui instables à l'heure des choix importants.
M. Emmanuel Hamel. Jugement sévère, mais vrai !
M. Roland Courteau. Il faut changer le mode de scrutin !
M. Paul Masson. Beaucoup vivent ces péripéties tous les jours. Sans doute n'êtes-vous pas comptable de cette réforme-là, monsieur le ministre, vous avez bien assez de la vôtre, mais la politique gouvernementale forme un tout et je ne doute pas que vous ayez, sur ce thème, de bons arguments à faire valoir, si vous le souhaitez, pour avancer dans cette voie.
La réforme dans laquelle le Gouvernement s'engage a le mérite de la clarté. La SNCF ne pourra plus s'abriter derrière les coûts d'infrastructures pour justifier son incapacité à redresser ses résultats. Les gouvernements seront eux-mêmes conduits à des arbitrages, n'en doutons pas, douloureux, entre le rail et la route.
Le Gouvernement a l'indéniable courage de proposer des solutions en sortant de la fausse logique des contrats de plan qui n'ont jamais conduit qu'à la confusion des responsabilités ; l'heure de vérité approchera vite. L'entreprise saura-t-elle comprendre que l'appel aux fonds publics a des limites et que le contribuable n'est plus aujourd'hui prêt à accepter de nouveaux prélèvements obligatoires du style « résorption de la dette SNCF » ?
Les régions auront-elles le courage de faire des choix difficiles et de dégager les ressources nécessaires pour persévérer dans une politique d'aménagement du territoire au moment où elles se trouveront seules en face des déficits ?
L'Etat lui-même saura-t-il imaginer rapidement un mécanisme de désendettement du nouvel établissement qui va hériter de 125 milliards de francs de dette à laquelle s'ajoutera un déficit annuel d'exploitation de 10 milliards de francs, condition préalable à tout programme d'investissement lourd ?
Ces questions ne trouveront de réponse positive que dans le courage politique.
Cette réforme ouvre de nouvelles voies, les seules en vérité susceptibles de sauver l'unité du service public tout en lui laissant un avenir. Chacun comprend bien que le nouveau parcours proposé ne sera pas de tout repos ; la crise de l'hiver dernier ne pourrait se renouveler sans laisser à l'opinion publique le sentiment qu'il n'y a, décidément, entre les partenaires sociaux, aucune voie d'entente possible. Dans ce quitte ou double, qui approche, nous avons bien compris qu'il ne s'agit plus d'un débat entre spécialistes ; il s'agit d'un débat politique majeur qui ne peut laisser le pays indifférent.
La SNCF appartient à la nation tout entière. Elle a un grand avenir devant elle, à l'échelle de l'Europe. Rien ne se fera sans ou contre les cheminots, mais rien ne se fera non plus sans une vision plus large, globale, de cette nouvelle ambition nationale du service public.
La SNCF appartient à la nation tout entière, mais la SNCF est mortelle. Les enjeux actuels sont lourds. Nous sommes à l'heure où tout se noue, le meilleur comme le pire. Que chacun des partenaires, l'Etat, les partenaires sociaux, les régions, mesurent bien où nous voulons aller, et où nous en sommes. Aujourd'hui, il ne nous est plus possible de nous tromper sur nos choix. La compétition, demain, ce n'est pas le record du monde ; c'est la régularité du service, le confort, la commodité. C'est une autre SNCF qu'attend la nation. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, nous approuvons les orientations que vous venez de nous présenter parce qu'elles permettront enfin de clarifier les relations entre l'Etat et la SNCF.
Il n'est pas admissible que l'entreprise nationale supporte la charge d'infrastructures dont elle n'avait pas décidé la construction.
La SNCF, comme l'Etat, se sont très bien accommodés de l'opacité qui a prévalu pendant des décennies. Le résultat n'en est pas moins là : 200 milliards de francs de dettes. Le plan que vous nous présentez fait prévaloir un principe qui me paraît très sain : qui décide paye.
Il faut maintenant mettre en oeuvre rapidement cette séparation entre infrastructures et exploitation en évitant, bien sûr, toute possibilité de retour aux errements du passé.
La création de l'établissement public et son contenu exact, nous en reparlerons dans quelques mois. Je crois qu'il serait prématuré d'en débattre ce soir.
Le désendettement de l'entreprise nationale à hauteur de 125 milliards de francs constitue un effort sans précédent de la part de l'Etat et permettra surtout une remotivation de la SNCF et de son personnel. En effet, les gains de productivité que pouvait jusqu'à présent accomplir l'entreprise constituaient une goutte d'eau dans la mer au regard de son endettement.
Toutefois, on peut s'interroger sur la part de la dette qui restera à la charge de la SNCF. Je suis persuadé que, déchargée du poids de l'infrastructure, celle-ci est capable d'atteindre l'équilibre comptable et, même, d'être bénéficiaire.
Pour autant, je ne suis pas sûr qu'elle soit en mesure d'envisager un remboursement de la part de la dette qui lui est laissée. En Allemagne, lorsqu'a été mise en oeuvre une réforme du transport ferroviaire, l'Etat a repris la totalité de la dette de la Deutsche Bahn. Il ne faudrait pas que cette dette résiduelle porte en elle le germe d'une nouvelle dérive de la situation financière de l'entreprise.
Cela dit, je ne m'associe pas à ceux qui réclament la reprise immédiate de la totalité de la dette, pas plus que je n'approuve ceux qui contestent la reprise par l'Etat de 125 milliards de francs en en parlant comme d'un cadeau injustifié. La proposition de l'Etat est courageuse et novatrice, et constitue un pas considérable dans le règlement du passif de la SNCF.
La SNCF doit y répondre par la volonté clairement affichée de remettre en cause son fonctionnement. Nous reparlerons du reste de la dette, je l'espère, lors d'une nouvelle étape qui, je n'en doute pas, aura lieu d'ici à quelques années. Concernant la régionalisation, je suis convaincu qu'elle est indispensable afin de rapprocher les décisions des usagers, à la condition que les élus soient prêts à faire des choix parfois difficiles.
M. Emmanuel Hamel. Le sont-ils ?
M. Nicolas About. Je n'en sais rien, nous le verrons. C'est un risque à prendre.
La méthode que vous avez choisie me paraît excellente, monsieur le ministre, car certaines expériences douloureuses dans d'autres domaines font craindre à de nombreux conseils généraux que cette régionalisation ne soit un simple transfert de charges et que les régions les moins riches soient pénalisées par rapport aux autres. Ainsi l'expérimentation progressive et réversible me semble-t-elle être la seule méthode possible.
Je crois donc, monsieur le ministre, que le plan que vous venez de nous présenter est en mesure de permettre à la SNCF de prendre un nouveau départ. A la SNCF de saisir sa chance !
J'aimerais maintenant insister sur quelques thèmes qui me paraissent essentiels pour le développement du transport ferroviaire.
Le premier concerne l'Europe.
Le transport ferroviaire a perdu des parts de marché considérables au cours des trente dernières années, du fait de la concurrence des autres modes de transport, notamment de la route. On ne reviendra pas là-dessus, pas même en internalisant le coûts externes.
En revanche, je suis convaincu que la dimension européenne offre au rail de nouvelles perspectives. Les marchés sur lesquels le rail conserve une pertinence incontestable sont, en effet, les distances transeuropéennes pour le transport à grande vitesse, mais aussi pour le transport de marchandises et pour les transports régionaux dans les zones à forte densité de population. Il faut exploiter ces potentialités. Les échanges entre pays de l'Union européenne se développent, mais de manière encore trop timide.
Il est important que soit mise en oeuvre une politique communautaire des transports, dynamique. Il est important que les actions d'harmonisation soient accélérées afin de faciliter la circulation sur le territoire communautaire. Je crois également que, pour le fret, la dimension communautaire offre de nouvelles possibilités. C'est sur des distances assez longues que le rail peut concurrencer le transport routier. Là encore, il est important d'avoir une politique communautaire dynamique, en particulier dans le domaine du transport combiné.
Le deuxième thème concerne la concurrence.
Vous le savez, mes chers collègues, la directive communautaire de 1991 a introduit une dose très limitée de concurrence sur le marché européen. En pratique, cet aspect de la directive n'est pas appliqué. En France, on serait d'ailleurs incapable aujourd'hui de la mettre en oeuvre, puisque le péage pour l'accès à notre réseau n'a pas été défini. La Commission européenne a formulé une nouvelle proposition de directive dont l'adoption conduirait à ouvrir à la concurrence l'ensemble du transport de marchandises ainsi que le transport international de voyageurs.
Soutenu par notre délégation pour l'Union européenne, j'ai déposé une proposition de résolution demandant que le Gouvernement s'oppose à cette nouvelle proposition de directive afin que la précédente directive puisse être pleinement appliquée, qu'on en dresse un bilan et que les conséquences d'un éventuel élargissement de la concurrence soient évaluées avec précision. Notre commission des affaires économiques et du Plan a bien voulu adopter cette résolution il y a peu.
Cependant, je suis convaincu que la SNCF doit utiliser le temps qui lui est laissé pour se préparer à faire face à une concurrence plus vive. Le secteur du transport ferroviaire n'est pas celui des télécommunications et le nombre des opérateurs ne peut pas y être aussi important.
Néanmoins, la SNCF devra très probablement, à l'avenir, faire face à la concurrence d'autres compagnies. Si l'entreprise y est bien préparée, cela me paraît être un stimulant utile. Pourquoi faudrait-il présupposer que la SNCF, quoi qu'il arrive, ne sera pas en mesure de faire face à cette concurrence ? Ses performances techniques et la valeur de son personnel permettent, au contraire, de penser qu'elle pourra jouer un rôle majeur sur le continent européen. Naturellement, elle doit, dès à présent, entreprendre des efforts importants dans la qualité des services qu'elle rend, dans l'attention qu'elle porte à ses clients. Les usagers captifs d'hier sont aujourd'hui des clients, des clients qui ont le choix entre plusieurs modes de transport. La SNCF se doit de concentrer toute son attention à les satisfaire. C'est là le rôle de l'entreprise elle-même, et je crois très sain qu'il existe en ce domaine une autonomie la plus large possible de la SNCF à l'égard de l'Etat.
Dans ces conditions, que devient le service public ? Je n'en sais trop rien. La première question à se poser est la suivante : la SNCF est-elle toujours globalement un service public ? La grève de décembre 1995 apporte des éléments de réponse. Cette grève a démontré que la SNCF n'est plus un service public global, même si elle a mis au jour l'existence incontestable de certaines missions de service public.
L'action paralysante de la grève dans les banlieues des grandes agglomérations, en particulier dans la région parisienne, démontre que la SNCF y remplit, en dehors des grèves, une mission irrempaçable de service public. Mais, là encore, les grèves de décembre ont porté un coup très dur à la SNCF et à ses missions de service public en portant atteinte à une règle sacro-sainte du service public : la continuité.
Mme Hélène Luc. Le droit de grève existe-t-il ?
M. Nicolas About. M. Fiterman a introduit l'obligation de service minimum dans les contrôles aériens !
Mme Hélène Luc. Répondez à ma question !
M. Nicolas About. Pourquoi considérer que la SNCF est un service public inférieur à celui de l'aviation ? Il y a là mépris de votre part. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Ce que M. Fiterman a fait pour le contrôle aérien, il faudra le faire pour la SNCF.
M. Paul Masson. Très bien !
Mme Hélène Luc. Il avait le soutien de la population. C'est cela qui vous fait mal !
M. Nicolas About. L'usager captif est devenu un citoyen écoeuré et déjà, en puissance, un client exigeant et friand de transports alternatifs.
Attention, il faudra donc, dans l'avenir, instaurer pour toute mission de service public rendue par le privé ou par le public la règle de la continuité ou du service minimum. Dans le cas contraire, il appartiendra aux clients-citoyens de se tourner vers d'autres solutions, et aux pouvoirs publics de mettre en oeuvre des transports alternatifs adaptés au service public.
Je ne crois absolument pas incompatible pourtant une ouverture maîtrisée à la concurrence et le maintien de missions de service public conçues de manière ambitieuse. Il faut simplement prendre conscience du fait que la notion de service public est évolutive et que ses contours se modifient avec le temps. Je ne pense pas que le transport ferroviaire soit aujourd'hui un service public dont l'accès doit être accordé à chacun, quelle que soit sa situation sur le territoire.
Le service public pertinent, c'est celui du transport collectif de voyageurs, et ce service-là peut se faire selon des modalités variables. C'est notamment pour cette raison que la régionalisation est utile. Les conseils régionaux apprécieront d'une manière probablement plus satisfaisante que l'Etat le meilleur moyen d'assurer le service public. Ils pourront mettre en oeuvre avec la SNCF, et en associant les citoyens - je n'ai pas dit les usagers, car j'espère qu'ils trouveront d'autres citoyens - des expériences de redynamisation de certaines lignes ; d'autres dessertes pourront être mieux assurées par car ou par taxi collectif.
Cela ne signifie aucunement la mort du service public ou la mort du rail. Il faut permettre au transport ferroviaire de se développer là ou il est le plus pertinent plutôt que de s'acharner à préserver un statu quo qui, lui, conduira très certainement à la disparition du transport ferroviaire. Mais, attention, que personne ne s'y trompe : la défense du service public, à travers des concessions de missions de service à la SNCF ou à d'autres, devra, je le répète, s'accompagner d'une prise de conscience, à savoir qu'elle n'est compatible qu'avec l'apparition d'une obligation de service minimum.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois profondément qu'à l'échelle de l'Europe le transport ferroviaire a un rôle majeur à jouer. Je crois également qu'une ouverture maîtrisée et contrôlée à la concurrence n'empêchera aucunement le maintien d'un service public de haut niveau auquel nous sommes tous attachés. Je crois enfin que les mesures qui nous sont présentées aujourd'hui constituent une chance pour la SNCF, et qu'il lui revient maintenant de ne pas la laisser passer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, compte tenu du temps de parole qui me reste, je vais directement vous poser les cinq questions qui sont au coeur de ce que je devais dire.
Premièrement, et je souhaite que vous preniez des engagements tout à l'heure dans votre réponse, la liberté tarifaire sera-t-elle la règle, au risque de provoquer des distorsions entre les régions ?
Deuxièmement, les régions pourront-elles négocier avec d'autres exploitants que la SNCF, ce qui signifierait que la SNCF ne serait plus qu'un prestataire de services parmi d'autres ?
Troisièmement, l'Etat prendra-t-il en charge tous les coûts induits par cette politique de régionalisation ?
Quatrièmement, une clarification entre transport régional et ligne d'intérêt national est-elle prévue, afin que le tronçonnage de certaines lignes, telles que Nantes-Lyon, ne soit pas le prélude à l'amoindrissement du service rendu ?
Cinquièmement, enfin, quand la France bénéficiera-t-elle d'une politique globale des transports ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Louis Minetti, Plus les voitures et les camions « s'entassent » sur les routes, plus augmentent les embouteillages dans notre pays.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Louis Minetti, Vive la pollution ! Vive le stress ! Vive les accidents de la route ! Vive le temps perdu ! Vive le coût pharaonique des tranports !
M. Emmanuel Hamel. Excellent !
M. Louis Minetti. Monsieur le président, si vous me le permettez, car je crois disposer encore d'un peu de temps de parole, je ne peux pas, après avoir entendu certains de mes collègues, laisser insulter les cheminots et mettre en cause le droit de grève. (Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
Si ce débat est engagé aujourd'hui, si nous enregistrons quelques avancées positives, c'est parce que les cheminots ont été en grève et qu'ils ont renouvelé, quelque cinquante ans après, ce que l'on a héroïquement appelé la « bataille du rail ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur des travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas About. Personne ne conteste le droit de grève !
M. Jean-Pierre Fourcade. Quel mépris des clients !
M. Louis Minetti. Nous ne serions pas conviés aujourd'hui,...
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous vous moquez du monde, monsieur Minetti !
Mme Hélène Luc. Vous n'étiez pas si fiers au mois de décembre !
M. le président. Laissez parler M. Minetti, s'il vous plaît !
M. Louis Minetti. Nous ne serions pas conviés, disais-je, à discuter, nous serions invités aux obsèques de la SNCF s'il n'y avait pas eu la grève de novembre et décembre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Je termine en disant, sans hausser le ton, avec gravité et peine, que mettre en cause le droit de grève tout en rappelant les années noires que furent les années trente relève d'une certaine impudence, car cette époque de l'histoire de France est précisément celle de la répression contre les cheminots et celle de licenciements massifs à cause d'une grève perdue, dont on n'a rattrapé les effets qu'après la grande victoire historique de 1936.
M. Ivan Renar. Très bien !
M. Louis Minetti. Je ferai donc un voeu pour que la sagesse gagne et le Sénat et le Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - M. Emmanuel Hamel applaudit également.)
M. le président. Comme quoi la concision n'exclut pas la vigueur !
Mme Hélène Luc. Je voudrais faire remarquer, monsieur le président, qu'en conférence des présidents j'avais demandé que cinq heures de discussion soient prévus pour ce débat parce que quatre heures me semblaient insuffisantes.
M. Hubert Haenel. Ça le méritait madame !
M. le président. Je suis obligé d'appliquer les décisions de la conférence des présidents, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Une autre fois, vous me soutiendrez, j'espère !
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aux mois de novembre et de décembre derniers, à la suite de l'annonce faite par certains membres du Gouvernement concernant, entre autres choses, la retraite des cheminots, la France a connu l'un de ses plus importants conflits sociaux depuis trente ans.
La mobilisation exceptionnelle a conduit votre gouvernement à retirer son projet et à lancer un débat politique ferroviaire. Mais ce débat n'en a que le nom.
En effet, avant même que nos collègues de l'Assemblée nationale aient pu faire part de leur vision d'avenir pour la SNCF, votre projet faisait la une de toute la presse, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, il en est de même puisque, en plus de vos propositions, le président de la SNCF a annoncé toute une série de mesures, la semaine dernière.
Aussi, ai-je vraiment l'impression qu'une fois de plus les parlementaires - et plus particulièrement les sénateurs - sont négligés.
Je le regrette fortement, car l'avenir de la SNCF nous concerne et, au-delà, l'avenir du transport ferroviaire et l'aménagement du territoire de notre pays.
Cependant, je ne m'en étonne guère, puisque l'opinion publique - comme nous-mêmes - est habituée à cette politique de votre gouvernement qui consiste à annoncer certaines décisions avant même de les avoir discutées avec les personnes concernées.
Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que le groupe socialiste du Sénat est particulièrement sceptique, et surtout très inquiet non seulement devant vos propositions, mais aussi face à vos silences.
Vos propositions ne sont certes pas nombreuses, mais elles sont terriblement menaçantes pour l'avenir de la SNCF et sa mission de service public.
En créant un EPIC, établissement public à caractère industriel ou commercial, chargé des infrastructures et d'une partie de la dette, vous allez scinder en deux le service public ferroviaire.
Ce transfert ne sera pas seulement comptable, il sera également organique.
Rien ne garantit alors que la SNCF sera le seul gestionnaire. Elle deviendra ainsi un exploitant comme un autre, qui devra s'acquitter d'un péage, laissant la porte ouverte à tout autre.
Ce désendettement est un trompe-l'oeil, car la SNCF accuse toujours 80 milliards de francs de dette.
La SNCF, on le sait, est malade, et ce n'est pas en mettant un terme à son unicité qu'on la sauvera.
Vous allez confier des pans entiers du réseau aux régions : la mienne, le Nord - Pas-de-Calais, était favorable à l'expérimentation, car elle avait déjà, depuis de nombreuses années, une excellente convention en matière de transport régional avec la SNCF.
Mais, force est de constater que les modalités financières de transfert sont d'ores et déjà insuffisantes ; cela prouve que l'Etat ne respectera pas sa parole une fois les contrats passés.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Comment pouvez-vous dire cela !
M. Léon Fatous. Cette situation ne sera pas tenable pour les régions ; elle les obligera, dans l'avenir, à fermer les lignes déficitaires. C'est déjà le cas, dans ma région, pour la ligne Arras-Etaples. Qu'en sera-t-il pour les usagers, en grande majorité des étudiants, des enfants scolarisés et des travailleurs ?
Par ailleurs, la fermeture de cette ligne n'entraînera-t-elle pas la fin du trafic du fret ?
Je vous parlais des silences ou plutôt des absences qui en disent long ; je relèverai notamment l'absence de contrats de plan, à savoir de documents formalisant les rapports entre les pouvoirs publics et la SNCF, leurs engagements réciproques.
On peut, à juste titre, se poser les questions suivantes : comment l'Etat s'y prendra-t-il pour coordonner son action et celle de la SNCF ? Où seront définis, non seulement les objectifs de la SNCF, mais aussi ses missions de service public ?
Vos silences masquent aussi l'absence de projets novateurs et sérieux pour développer le transport de fret.
En tant que ministre des transports, vous savez mieux que quiconque combien la route est dangereuse, l'accroissement du nombre de poids lourds circulant sur nos routes étant devenu insupportable.
L'Etat doit donc prendre ses responsabilités en favorisant le transport ferroviaire. Il faut qu'un schéma national de transport combiné définisse les infrastructures à réaliser, en planifiant les équipements et les financements. Cela aurait pu être prévu dans un contrat de plan !
Votre rôle, en tant que ministre des transports, est de rétablir une coordination intelligente entre la voie ferrée et le transport routier. Les transporteurs, notamment les petits, connaissent aussi des difficultés ; elles vous ont d'ailleurs été exposées lors de la clôture du congrès de l'UNOSTRA, l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles, auquel vous avez-vous même participé.
Vous devez montrer votre volonté de défendre le service public et l'aménagement du territoire ; vous devez montrer votre volonté de participer aux efforts de la Communauté européenne et de votre gouvernement en matière de protection de l'environnement.
Enfin - et je terminerai sur ce point extrêmement important - qu'adviendra-t-il des 180 000 cheminots ?
N'est-ce pas le public lui-même, selon l'enquête réalisée par la SNCF, qui souhaite être mieux accueilli dans les gares, que celles-ci soient plus agréables et que la sécurité y soit renforcée ?
Or, on constate que les effectifs fondent comme neige au soleil. Les agents partant à la retraite sont très peu remplacés.
Au cours de votre audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, le 28 novembre 1995, vous avez abordé le problème des filiales de la SNCF, que vous estimiez trop nombreuses et dont certaines ne vous semblaient pas en rapport avec les activités premières de cette entreprise. Vous envisagiez même d'en céder un certain nombre.
Aujourd'hui, vous n'en parlez plus, mais quelle est votre position sachant pertinemment que la combinaison rail-route doit se poursuivre et même se développer pour les raisons que j'ai évoquées précédemment ?
Remobiliser les cheminots pour assurer l'avenir de la société, je suis d'accord ; mais, avec vos mesures, qui ont un avant-goût de démantèlement du service public et de privatisation, vous risquez de les remobiliser sur un objectif opposé à celui que vous souhaitez atteindre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires économiques et du Plan à la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

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SNCF

Suite du débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement sur la SNCF.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder le fond du débat, je souhaite dire ma satisfaction de l'actuelle politique du Gouvernement qui consiste à consulter le Parlement sur des sujets qui engagent l'avenir du pays.
Aujourd'hui, nous échangeons nos idées sur la SNCF, hier, nous parlions des orientations budgétaires, de l'université, du financement de la sécurité sociale. L'adhésion et le soutien procèdent non pas uniquement d'obligations remplies mais aussi de comportements d'association décidés.
Par cette démarche courageuse, monsieur le ministre, vous avez su débloquer une situation radicalisée et rétablir les conditions du dialogue. La réussite d'une réforme s'ancre dans la reconnaissance qu'en ont les acteurs.
Le débat de cet après-midi prouve, comme les propos des différents intervenants, l'importance de la SNCF, donc celle des communications, non seulement dans les limites hexagonales mais aussi dans l'ensemble européen.
Il pose également la nécessité d'une redéfinition du rôle de l'Etat dans l'organisation du service public en y intégrant les entités locales.
Dans la vaste consultation menée ces derniers mois sur ce thème, le Conseil national des transports, au sein duquel j'ai l'honneur de représenter le Sénat, a apporté une contribution qui s'inscrit bien dans l'optique du redressement proposé.
La construction européenne doit être prise en compte dans l'établissement des objectifs. Elle joue un rôle important dans la mise en place de transports adaptés à la croissance des échanges, aux contraintes de la protection de l'environnement et du cadre de vie ainsi qu'à la saturation routière. A cet égard, une réflexion mérite d'être menée sur la formule du ferroutage, qui peut être une solution heureuse et souple. La concurrence rail-route, qui sévit au sein même de la société nationale, devra être traitée. Les Etats seront amenés à collaborer davantage pour une meilleure coordination entre les réseaux et la promotion de la multimodalité.
Permettez, un instant, au rapporteur de la commission des affaires économiques de la proposition de résolution, présentée par notre collègue M. About, sur le développement des chemins de fer communautaires de faire une incidente.
L'important et excellent rapport de notre collègue intitulé l'Europe : une chance pour la SNCF ? - je relève que la fin de la phrase est ponctuée d'un point d'interrogation - ...
M. Emmanuel Hamel. Il a bien raison !
M. Bernard Joly. ... appelle l'attention de la représentation nationale sur l'enjeu que constitue la libéralisation du transport ferroviaire. La commission européenne des transports et du tourisme en examinera, à Bruxelles, les dispositions au mois de juillet prochain, puis le Parlement s'en saisira vraisemblablement à la fin de l'été. La proximité des échéances nous impose d'agir d'urgence. Or, cette modification prochaine aura une incidence fâcheuse sur les chemins de fer français si l'on n'y prend garde. L'avance de la libéralisation du transport ferroviaire nous contraint à assainir la situation de la SNCF. La question de l'endettement de la société nationale doit être réglée avant que l'on procède à cette étape dont personne n'est en mesure d'évaluer les conséquences de façon précise.
Pour être reconnue comme une entreprise responsable, capable d'assumer les exigences financières, économiques et sociales qui sont les siennes, tout en assurant, dans un cadre contractuel avec l'Etat et les collectivités locales, une mission de service public, la SNCF exigeait un recentrage de ses tâches. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le champ était trop large, les vocations trop mêlées : la dérive était inévitable.
La clarification des rapports était un préalable au traitement de la situation financière quand on sait que l'endettement représente près de quatre fois le chiffre d'affaires de l'entreprise et qu'il pèse de manière durable et aggravé sur l'équilibre de la gestion. Le mal est autre et ne peut être uniquement attribué à une conduite des affaires qui aurait pu être meilleure.
A travers l'établissement public dont on nous propose la création, l'Etat remplit son rôle en assumant la responsabilité de l'infrastructure du réseau national. Il reprend à son compte les dettes contractées, s'engage à assurer les investissements futurs et à rémunérer l'entretien et l'exploitation de ce réseau. Cette formule est préférable, à mon sens, à une structure de cantonnement pour l'apurement de la dette. Elle relève d'une approche dynamique s'ouvrant sur l'avenir. La mise à disposition de l'infrastructure, assortie de redevances de la part du gestionnaire et surtout de l'exploitant, est normale, si les montants de celles-ci sont en rapport avec la capacité contributive de ce dernier. L'effort de redressement, puis le retour à l'équilibre des comptes, ne doivent pas être compromis par des prélèvements qui peuvent être justifiés par les coûts tout en étant insupportables pour l'assujetti.
J'ai noté que les concours apportés par l'Etat à la SNCF pour des missions de service public, de tarifs sociaux notamment, ne seront pas supprimés. Tout en séparant clairement l'exploitation des lignes de la gestion des infrastructures, il convient de garantir l'unité de l'entreprise et sa vocation à offrir une égalité d'accès et de traitement des usagers.
Le rôle des chemins de fer dans l'aménagement du territoire est vital. En matière de lignes secondaires, le bon sens réclame un choix régional. La saisie des besoins reflète mieux la réalité si elle est de proximité. Une définition plus fine de la demande conduit à une meilleure réponse en qualité et en coût. Une question se posait aux responsables régionaux : ce transfert de compétences ne s'accompagnera-t-il pas d'un transfert de charges ? Vous y avez répondu tout à l'heure.
Disons qu'il y a une certaine prudence à accepter une responsabilité par ailleurs souhaitée.
L'audit commandé par l'Etat, la SNCF et l'ANER, association des élus régionaux, a abouti à la conclusion que la contribution actuelle de 4 milliards de francs versée par l'Etat pour le transport régional devrait être augmentée de 1,9 milliard de francs dans le cadre du transfert de compétences.
De plus, il me paraîtrait équitable qu'une péréquation soit opérée en fonction des capacités financières des régions, de façon à ne pas aboutir à des déséquilibres qui ne seraient pas tolérables.
Une fois la ventilation des tâches opérée, la SNCF doit s'atteler à la reconquête du marché, qu'il s'agisse des voyageurs ou du fret. L'attitude de l'usager est ambiguë à l'égard du transporteur : les critiques sont nombreuses sur la dégradation du service rendu, mais l'attachement au rail est réel.
Le train reste le mode de transport dominant ; il est indissociable du fonctionnement du pays et il renvoie au profil-type de personnel qui constitue une identité d'entreprise.
Reste à rendre le produit attractif et compétitif en développant une stratégie commerciale offensive. Il ne suffit plus de faire rouler les trains : il faut offrir un « plus » aux usagers qui n'ont d'autre choix que celui-là. Pourquoi les gares ne seraient-elles pas des lieux de vie comme le sont les aérogares ?
L'implantation de services annexes complémentaires est fort différente de la diversification d'activités, qui a tenté la SNCF comme d'autres entreprises. On en a vu les dangers, et les difficultés qu'ont rencontrées certaines banques, du fait de ces essaimages, sont présentes à tous les esprits.
Clairification, recentrage, reconquête, adaptabilité et ouverture : s'agissant de cette capacité d'anticipation de l'évolution, j'évoquerai, pour conclure, le rapport, rendu public jeudi dernier, du « groupe des sages » pour le transport ferroviaire, qui avait été chargé par la Commission européenne d'analyser les perspectives du rail communautaire et de formuler des recommandations visant à en renforcer la compétitivité. Le message principal du rapport est simple : le rail devra changer radicalement s'il veut survivre au début du siècle prochain.
Je suis convaincu que nous travaillons à ce changement. La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen soutiendra donc votre projet, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans ce débat que les minutes qui passent rendent de plus en plus confidentiel, je voudrais vous dire que préparer la SNCF au choc du futur en lui donnant les chances d'être l'un des grands du transport du XXIe siècle est assurément l'une des affaires majeures de la nation.
Peu de dossiers ont, en effet, suscité autant de commentaires, d'interrogations, de constats, de propositions, de questions, de doutes, d'inquiétudes et d'attentes que cette réforme nécessaire, annoncée depuis longtemps et, grâce à vous, commencée depuis seulement quelques mois.
Monsieur le ministre, dans le débat qui, à l'Assemblée nationale, a précédé le nôtre - et ce ne fut pas sans dépit pour le Sénat - vous avez répondu à l'essentiel de ces attentes souvent crispées et, du même coup, aux commentaires et questions qui surgissent de notre présent débat.
Vous avez annoncé d'entrée de jeu, et confirmé devant nous aujourd'hui, que l'Etat reprenait à son compte une partie de la dette d'investissement, qu'il entendait désormais assumer pleinement sa responsabilité dans le domaine de l'infrastructure.
Comment ?
En ouvrant largement la porte à une régionalisation accrue, offrant ainsi aux régions la chance du succès mais aussi le risque, qui n'est pas mince, de l'échec : il sera plus facile de se retourner contre la région que contre l'Etat quand les choses n'iront pas bien !
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. François Gerbaud. En affirmant que la SNCF resterait une entreprise unique, sans changement statutaire.
En précisant que, au terme de nécessaires clarifications des responsabilités respectives de l'Etat et de l'entreprise, la SNCF verrait confirmer sa double mission de transporteur et de gestionnaire de l'infrastructure.
Bref, vous avez clairement répondu à des attentes impatientes. Vous avez surtout vaincu un doute, celui-là même qui semblait figer dans une incertaine problématique la réforme trop longtemps attendue du rail français, dans une Europe ferroviaire déjà rénovée, modernisée, concurrentielle.
Vous avez ainsi également répondu aux attentes et propositions du Sénat. Du rapport Haenel, hier, au rapport du groupe de travail du RPR, aujourd'hui, le Sénat s'est beaucoup investi dans une recherche de solutions susceptibles de mettre la SNCF en phase avec ce que je crois être cette quadruple exigence du temps : une ambition industrielle ; l'intégration de l'échelle européenne ; les impératifs de l'aménagement du territoire ; l'incontournable dimension humaine.
Les hommes, surtout ! Je veux dire les cheminots.
Tout au long de l'histoire du rail français, ils ont, de génération en génération, fait preuve d'un attachement presque charnel à leur entreprise. Et je sais beaucoup d'entreprises qui envient la SNCF ! Cet attachement est si fort et si permanent qu'il donne aux réformes de structure engagées la dimension d'une véritable révolution culturelle.
Ce sont des hommes qui, dans la tradition du rail, n'ont jamais cessé de conjuguer leur héroïsme et leur légende. Je suis de ceux qui pensent, et qui le disent, que la réforme ne peut se faire qu'avec eux et qu'elle ne se fera pas sans eux.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. François Gerbaud. Vous l'avez dit « ministériellement ». Je tenais à le redire à ma manière, romantique peut-être, réaliste sûrement.
Convaincu, monsieur le ministre, qu'en choisissant ce préalable humain et social qui fait des cheminots les propres acteurs de leur devenir, vous avez obtenu le feu vert d'un préjugé favorable. Comment ne nous en réjouirions-nous pas, nous qui le souhaitions tant ?
De nombreuses questions subsistent toutefois.
Structure nouvelle pour les infrastructures à responsabilité d'Etat, c'est bien ; c'est même très bien puisque c'est la première des clarifications. Mais quel type de structure ? Quel mode de gestion ? Comment y seront représentés les élus locaux et les collectivités territoriales ? Quelles infrastructures ? Qui les définira avant et après le schéma directeur des réseaux ferroviaires prévu en 2015 ? Qui en établira les priorités ? Quand M. Rouvillois vous remettra-t-il le rapport sur les TGV que vous lui avez demandé ?
En dehors des grands axes nationaux et européens, quelle sera la place des infrastructures interrégionales consenties à une active politique d'aménagement du territoire ? Comment seront-elles financées dans les financements appelés ?
Quelle sera, au-delà des voies nouvelles, la part réservée à la modernisation des réseaux classiques et aux matériels qui, tel le pendulaire, peuvent être, en vitesse, fréquence, confort et sécurité, des réponses pragmatiques et rapides, essentielles conditions d'une reconquête commerciale par une offre plus séduisante aux voyageurs, le réalisme économique ne permettant pas l'ambition d'un TGV dont on perçoit bien aujourd'hui les limites ?
Je pense en particulier au TGV Est, qui me fait paraphaser Jacques Brel : « T'as voulu voir Strasbourg, fallait commencer par voir Florence ! »
Sans tomber dans le particularisme local, je voudrais donner aux propositions et à l'attente que je viens d'exprimer l'illustration d'un exemple : l'historique et héroïque ligne Paris-Toulouse, qui dessert le département de l'Indre, cher à mon coeur, Limoges, Brive, sans oublier, bien entendu, Cahors et Montauban, et pourquoi pas Souillac ?
Historique, cette ligne, puisqu'elle a été, à partir de la fin du siècle dernier, un formidable atout d'aménagement du territoire pour des régions qui, sans elle, se seraient sans aucun doute repliées sur elles-mêmes.
Historique aussi parce que c'est sur ses voies qu'a circulé le premier train à grande vitesse : le « Capitole ».
Héroïque puisqu'elle a très largement participé à la bataille du rail et à la libération de la France.
Exemplaire, enfin, parce qu'elle permet d'illustrer l'amélioration de l'offre ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Brive, ce qui sera à mon sens, et sur d'autres liaisons du même type, une ardente obligation nationale de la SNCF de demain, dans le double objectif d'une politique économique et d'aménagement du territoire.
En plus de la région d'Ile-de-France, où se trouve son terminus parisien, cette liaison concerne les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées, soit un vaste territoire rural, de très grandes cités et des millions de gens.
Cette très grande partie du territoire national n'entend pas rester à l'écart de la modernisation du rail. Le TGV-Limousin n'y fut le rêve que de certains et d'un instant ; pour un gain de cinquante minutes entre Paris et Limoges, le système TGV appellerait un investissement de 10 milliards de francs, ce qui n'est pas réaliste.
Ce qui l'est beaucoup plus, c'est, au terme de longues concertations avec les acteurs concernés, le choix du matériel pendulaire pour desservir la liaison.
Cette technique, que la France a quelque peu boudée, a été mise à l'épreuve des faits chez nombre de nos voisins européens. Elle s'affirme comme pouvant procurer des gains de temps importants et un meilleur confort quand la voie est de bonne qualité, ce qui est le cas pour la liaison qui me sert d'exemple.
L'investissement nécessaire afin d'optimiser les performances du nouveau matériel porte sur des améliorations d'infrastructure : suppression des passages à niveau ; alimentation électrique et signalisation.
Ces améliorations seront-elles prioritaires dans la gestion des infrastructures du nouvel établissement public que vous annoncez ?
Pouvez-vous nous confirmer que l'automne pourrait voir la mise en circulation de ce nouveau matériel, ne fût-ce qu'à titre expérimental ? Quel type de matériel sera choisi ? Monsieur le ministre, n'est-il pas maintenant possible et souhaitable d'accompagner le projet de pendulaire que permet l'association de GEC-Alsthom avec le canadien Bombardier ? Ce serait un « plus » significatif pour notre industrie ferroviaire.
Quoi qu'il en soit, les riverains de la ligne, et ceux qui en sont plus éloignés, attendent cette modernisation avec impatience.
Elle répondrait, par un gain de temps de trente minutes entre Paris et Limoges, à cette politique d'aménagement du territoire qu'il ne faudra jamais perdre de vue, et cela pour un coût plus de deux fois moins élevé que l'investissement TGV, la modernisation en question pouvant approximativement coûter entre 1 milliard et 3 milliards de francs.
L'entreprise doit adopter un nouveau comportement, alliant la culture technique, dont elle a la maîtrise - depuis qu'au XIXe siècle elle s'était donné la religion, sous le vocable « d'optimum théorique », d'une lecture de gravité de la population, ce qui lui permit de créer quelquefois des gares à la campagne, entre deux villes - à une technique de service qu'il lui faut maintenant acquérir, ce qu'elle commence à faire.
En effet, pour satisfaire la collectivité nationale, l'organisation doit se tourner complètement vers le client, qui n'est pas le voyageur-usager. L'objectif unique doit être la corrélation entre la satisfaction professionnelle du cheminot et la satisfaction commerciale du client.
D'ailleurs, les syndicats ont déjà intégré cette notion de satisfaction du client. En effet, lors de leur marche du 6 juin dernier, la mobilisation ne s'est pas faite au détriment du client. Ce signe, qui est peut-être passé inaperçu, a prouvé, en tout cas, la capacité de réforme du personnel de l'entreprise publique.
Les comportements commencent à changer au sein du personnel, qui doit, de toute façon, prendre rapidement conscience des enjeux économiques et sociaux de sa responsabilité.
Il est aujourd'hui de fait que, sous l'impulsion et l'autorité de management de M. Le Floch-Prigent, dont je salue l'efficace présidence et que j'accompagne de tous mes voeux, le client redevient l'objet de sollicitudes et d'attentions. Il n'est pas encore le client « roi », mais il est déjà le client « prince » ! C'est sans doute là le premier signe de cette mutation attendue, que vous avez eu le courage et la détermination d'engager.
Ainsi rénové dans ses structures, ses conceptions et son comportement, le transport ferroviaire reprend tous ses droits et toute sa puissance dans l'organisation concurrentielle des transports, à côté de la route, qui atteint très vite ses limites, de l'avion, qui répond à de nouveaux besoins, et des canaux.
En quelque sorte, on assiste à une nouvelle naissance de cette impérative intermodalité, dont, après en avoir été la victime, le rail redevient un atout, renaissance qui impose du même coup - et c'est, monsieur le ministre, toute votre responsabilité - la nécessité de mettre en place, sans nier d'indispensables concurrences, une politique de transport harmonieuse et cohérente.
Beaucoup de bousculade en perspective ! Mais cela vaut le voyage, pour peu que nous ne laissions personne sur le quai de la gare, surtout si elle s'appelle « demain »... Croyez-moi, en l'occurrence je préfère que l'on aille de Waterloo à Austerlitz ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me pardonnerez de revenir sur l'aménagement du territoire, mais le transport par voie ferrée en est un élément essentiel.
Lorsque, à l'automne dernier, nous avons lu dans la presse que les 6 000 kilomètres de ligne que la SNCF envisageait de fermer touchaient particulièrement les zones rurales, nous en avons été consternés.
Certes, l'information, apparemment exagérée, a été démentie. Mais nous avons alors, une fois de plus, pris conscience de la difficulté qu'il y avait à mettre en pratique les objectifs de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire.
Cette loi prévoit, en effet, qu'en 2015 aucune agglomération, aucun bassin de vie ne devra se trouver à plus de quarante minutes d'une gare TGV. Nous en sommes bien loin dans certaines régions.
Dans les zones fragiles, les voies ferrées sont longues et sinueuses, leur entretien est assuré au minimum, le matériel est souvent obsolète et les gares, elles-mêmes, sont mal entretenues. Tout cela éloigne les usagers du train.
Combien d'horaires ne sont pas respectés ni coordonnés ? Combien de ruptures nécessitant un changement découragent les voyageurs ?
Il ne faut donc pas s'étonner que seule une population que nous appelons captive, à savoir les jeunes et les personnes âgées, prenne le train, alors qu'il nous faut retrouver des clients pour rendre ces lignes, qualifiées injustement de secondaires, moins déficitaires.
Aussi, les décisions que vous nous annoncez, monsieur le ministre, vont dans le bon sens. Je connais votre attachement au service public, mais il faut aussi qu'à tous les niveaux de décision cette volonté soit relayée. Certes, le service public a un coût, mais il faut trouver des solutions pour rendre celui-ci acceptable.
Une approche au plus près des problèmes, dans un esprit pragmatique, est possible. Permettez-moi à cet égard de citer mon département, la Lozère, dans lequel nous avons mené plusieurs expériences.
En premier lieu, nous avons convaincu la SNCF de réaliser une enquête spécifique et approfondie sur le besoin réel de la population en matière de transport ferroviaire et public.
Cette enquête a débouché sur une refonte complète du service SNCF : de nouveaux trains ont été mis en service, d'autres ont été remplacés par des cars et un dispositif de rabattement sur les gares, par taxis, a été mis en place.
Cet ensemble fonctionne et l'on a pu voir, sur certains trajets, le nombre de passagers augmenter nettement. Pourtant, seuls les horaires avaient été modernisés. Qu'en serait-il si le matériel et la rapidité du service l'avaient été aussi ?
S'agissant de la rapidité du service, nous avons, avec la collaboration de la région Languedoc-Roussillon, testé un train pendulaire - on en a beaucoup parlé - qui nous avait été prêté par les chemins de fer allemands.
Cet essai nous a donné satisfaction car il a permis d'augmenter la vitesse du train et de raccourcir le temps de parcours, ce qui rend le train beaucoup plus attractif et améliore le confort des voyageurs.
Ces quelques exemples nous montrent que des solutions existent et que, à côté des TGV, il y a place pour des réseaux régionaux qui, eux, répondent réellement aux besoins des populations.
Certaines décisions seront sans doute difficiles à prendre et nous en sommes conscients. Mais le risque de désertification rurale existe bien. Il faudra donc procéder à des choix cohérents.
Ainsi pourrons-nous assurer les meilleures conditions d'un service public soit par le chemin de fer, soit par la route lorsque cela est possible. Mais le transfert par la route a aussi ses limites dans les régions au relief difficile.
Il ne faut pas oublier non plus, à l'heure où nous parlons et où nous légiférons pour préserver la qualité de l'air, que le transport combiné rail-route est une solution. Je rappelle qu'un train de marchandises représente une cinquantaine de camions.
Mme Hélène Luc. Très bien !
Mme Janine Bardou. Pour le transport des passagers, comme pour celui des marchandises, des solutions en matière d'aménagement du territoire sont donc possibles.
Je comprends qu'une entreprise de transport ferroviaire, comme toute entreprise saine, doit dégager des marges sur chacune de ses activités. Mais nous ne pourrons échapper, pour les lignes de service public et d'aménagement du territoire, à une compensation publique suffisante. Cela me semble indispensable.
Si j'ai exprimé ainsi les inquiétudes des habitants des zones difficiles, je n'en oublie pas pour autant, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, à quel point, dans ce dossier délicat, votre démarche de restructuration de la SNCF est ambitieuse, courageuse et innovatrice, et à quel point cette réforme est indispensable. Permettez-moi de vous en féliciter et de vous en remercier.
Certes, les Français prennent moins le train, ils le boudent même parfois, mais ils sont restés très attachés à ce mode de transport.
La SNCF dispose d'atouts, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue technique. En menant une politique globale, elle doit pouvoir assurer la desserte des zones rurales et fragiles, tout en s'ouvrant sur l'Europe. Cela n'est pas incompatible.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sur la volonté du Gouvernement pour que l'égalité des citoyens passe aussi par l'égalité des territoires. Nous vous en remercions par avance. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. Peyrafitte applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis réellement convaincu de l'avenir du rail, compte tenu de ses formidables atouts. Pourtant, force m'est de constater, comme la plupart de mes collègues, que la SNCF est aujourd'hui en crise.
La réalité est là : les progrès en matière de productivité se sont malheureusement traduits par une diminution du nombre d'emplois, de lignes, de gares, d'arrêts, de points de desserte et, donc, par une baisse des recettes.
Le transport de fret n'est plus, depuis des années, la priorité de la SNCF. Elle enregistre ainsi une forte baisse du wagon isolé et une relative stagnation des trains complets et, même s'il convient de reconnaître la réussite technique incontestable du TGV, il faut bien avouer que la direction de la SNCF n'a pas su prendre en compte les évolutions de la demande et répondre à la nécessité d'améliorer ses services.
La SNCF a souffert, outre d'une direction trop sûre d'elle, d'un manque de dialogue, des conséquences des investissements massifs en faveur du TGV au détriment des grandes lignes classiques et du maillage du territoire ainsi que des conditions de concurrence inégales avec la route.
Dès lors, comment s'étonner des pertes régulières de parts de marché ? Or, l'intérêt de notre pays commande de redonner un deuxième souffle à la SNCF, d'autant qu'elle répond à l'intérêt général en même temps qu'à des impératifs économiques, écologiques et de sécurité.
Je veux réaffirmer dans cette enceinte, comme je l'ai fait devant les premières assises du rail, qui se sont tenues récemment à Narbonne, toute l'importance de la péréquation tarifaire, clé de voûte du service public ferroviaire, mais aussi l'indispensable préservation de l'unicité de la SNCF et l'attachement des Français à sa mission d'intérêt général en matière d'aménagement du territoire et de service public. Ces missions doivent faire l'objet de compensations publiques adéquates.
Mais je veux aussi insister sur l'urgence de la mise en place d'un schéma intermodal des transports et d'une loi de programmation qui mette en perspective les objectifs et les moyens financiers, en faisant toute sa place au rail.
Enfin, je tiens à rappeler l'un des principes généraux de la LOTI, à savoir une politique multimodale qui s'exerce, « dans le respect des règles de concurrence et de complémentarité, entre différents modes de transport... ».
J'ai d'ailleurs noté, sur ce point, monsieur le ministre, que vous n'aviez pas formulé de propositions permettant de parvenir à un réel équilibre des conditions de concurrence entre le rail et la route.
Cela dit, la reconquête du rail passera d'abord par la résorption totale par l'Etat de la dette dont il est largement responsable.
Elle passera par un service public de voyageurs et de marchandises, dont la qualité est indissociable de bonnes conditions sociales pour le personnel, du maintien du statut et du régime de retraite. Sur ce point, des garanties écrites doivent être données pour le long terme.
La reconquête passera aussi obligatoirement par une véritable démocratisation de l'entreprise, impliquant mieux le personnel dans les décisions.
Il faut aussi valoriser les gares, humaniser l'accueil et changer de politique commerciale. Il convient donc de redynamiser l'offre et de faire les efforts d'adaptation nécessaires.
Vous avez annoncé un plan, monsieur le ministre, concernant le désendettement, le traitement de l'infrastructure et la régionalisation. Mais je note tout d'abord la disparition du contrat de plan qui était pourtant prévu à l'article 24 de la LOTI.
L'Etat renoncera-t-il à ses obligations et banalisera-t-il le transport ferroviaire ? Laissera-t-on à la seule SNCF le soin de décider de ce qui sera souhaitable ou non pour la nation ? Où seront définis les objectifs, les missions de service public ? Cela signifie-t-il qu'il n'y aura plus de politique d'aménagement du territoire fondée sur les transports et impulsée par l'Etat ?
Formaliser les rapports Etat-SNCF sur la base d'un simple échange de courriers, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ne me paraît pas satisfaisant. Il faut en revenir au contrat de plan.
S'agissant du désendettement, pour donner un nouveau départ à la SNCF, une remise à zéro des compteurs est indispensable.
En effet, les 83 milliards de francs de dettes que conservera la SNCF ou les 125 milliards de francs de l'EPIC ne compromettront-ils pas, dès le départ, l'avenir de ces deux établissements ?
Laisser cette dette à la charge de la SNCF cette entreprise à céder ses filiales, à engager son démantèlement et à poursuivre sa politique de dégraissage. C'est ce que certains ici appellent pudiquement « le recentrage de la SNCF sur ses activités ».
Comment la SNCF va-t-elle accroître son offre, améliorer la qualité, s'engager vers la nécessaire expansion avec un tel boulet qui générera, chaque année, entre 6 et 7 milliards de francs de frais financiers, sans compter le poids de la charge d'un péage aujourd'hui évalué à 7 milliards de francs ? Prenez garde, monsieur le ministre, à l'évolution de cette redevance.
Comme vous l'avez vous-même dit, l'Etat ne doit pas reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre s'agissant de la reprise partielle de la dette. Je crains que cette dette ne serve à maintenir la pression sur les salaires et sur l'emploi.
A ce propos, je rappelle encore que le budget de 1996 de la SNCF prévoit toujours 4 500 suppressions d'emplois. Sa révision me paraît donc nécessaire.
Monsieur le ministre, au moment où la SNCF annonce qu'elle veut mieux servir sa clientèle, elle supprime des emplois sur Narbonne, par exemple, et dans le département de l'Aude. Quel double langage surprenant !
Le nouvel établissement responsable de l'infrastructure constitue un autre motif d'inquiétude. Avec ses 125 milliards de francs de dette, sans compter les charges de 1996, quel sera le mécanisme de désendettement de cet EPIC et pour quels montants ? Comment va-t-il équilibrer ses comptes, moderniser le réseau et, en même temps, investir dans de nouvelles lignes ?
Les cheminots, les usagers et les collectivités locales seront-ils associés à la gestion de l'EPIC ? Quel sera le statut des personnels ? Ne faut-il pas redouter que certains ne soient tentés, demain, pour financer cet établissement, de vendre les actifs ou d'ouvrir l'accès de nos infrastructures à différents exploitants, privés ou non ?
Il est en effet préoccupant que vous ayez créé un EPIC distinct de la SNCF, alors qu'il aurait été possible de se contenter d'une séparation comptable, au sein même de la SNCF, entre les comptes d'exploitation et d'infrastructure.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire part de mes craintes. Existe-t-il un lien entre la solution retenue par le Gouvernement et le projet d'extension de la directive européenne, sur lequel travaille la Commission européenne, qui ouvrirait les droits d'accès à l'infrastructure à des entreprises concurrentes, pour le cabotage et les transports internationaux de voyageurs, par exemple ?
Une telle situation serait gravissime. En effet, les lignes rentables seraient prises d'assaut, alors que seraient marginalisés les autres lignes et donc le service public. Quant à la guerre des prix qui ne manquerait pas de faire rage, elle poserait, à terme, des problèmes de sécurité.
Je tiens donc à rappeler que la SNCF doit être le seul opérateur en charge de l'exploitation. Je souhaite avoir la garantie qu'aucune autorité administrative ne sera chargée de l'attribution des sillons.
Par ailleurs, monsieur le ministre, votre plan restera sans incidence sur la nécessaire reconquête, si l'on n'instaure pas, enfin, l'équilibre des conditions de concurrence entre le rail et la route.
Vous vous devez de proposer au Parlement des dispositions pour établir les fondements d'une concurrence loyale, bâtis sur la vérité des coûts externes et sociaux.
Des amendements ont été déposés au Sénat dans le cadre du projet de loi sur l'air. Ils visent à engager l'Etat « à prendre des mesures de coordination intermodales pour permettre à la SNCF d'obtenir chaque année sur cinq ans un gain de 1 p. 100 à 2 p. 100 dans la part qu'elle détient dans le trafic de transport terrestre des marchandises ». On connaît malheureusement le sort qui a été réservé.
Selon moi, le transport ferroviaire de marchandises doit relever de la mission de service public. Je rappelle que le président de la SNCF, que j'ai interrogé en commission des affaires économiques, s'est dit prêt à accepter une telle mission.
Monsieur le ministre, le transport combiné, c'est aussi assurément l'avenir. L'intérêt général commande de s'engager dans cette voie en raison de l'avantage économique et écologique que la nation en tirerait.
Des incitations s'imposent ainsi que des financements nationaux et européens pour la réalisation des infrastructures nécessaires.
Il faut établir un schéma national de transport de marchandises pour l'ensemble des modes qui prendrait en compte le transport combiné, à travers un schéma national des plates-formes multimodales.
Je précise que nous attendons depuis plusieurs années à Narbonne ce carrefour de l'Europe du Sud, une plateforme renforçant les échanges rail-route-mer. J'ai d'ailleurs souhaité relancer une nouvelle fois ce dossier en vous demandant récemment, monsieur le ministre, de procéder à de nouvelles études. Soyez assuré de notre vigilance sur cette question.
S'agissant de la régionalisation - et j'en terminerai là - plusieurs conditions doivent impérativement être réunies.
Il importe d'abord que, dans le cadre général de l'aménagement du territoire, il n'y ait pas abandon de la responsabilité de l'Etat et de la solidarité nationale. L'Etat doit maintenir la solidarité de la nation envers les régions pauvres au travers d'un fonds de péréquation.
En effet, la notion de service public serait mise à mal si les usagers français venaient à être traités différemment selon la région dans laquelle ils habitent. Ainsi, une libéralisation de la tarification est impensable, car elle remettrait en cause le service public, donc le développement solidaire des territoires.
Une dépéréquation spatiale serait inacceptable, tout comme le fait de confier l'exploitation des lignes régionales à une entreprise autre que la SNCF.
De même, la reconquête de la clientèle passera par l'indispensable modernisation des lignes et des infrastructures régionales. Faute de modernisation ou de remise à niveau, la fréquentation baissera et l'on en déduira qu'il faut fermer telle ou telle ligne, ce qui entraînera la disparition du service public lui-même.
Dans ce cas, il ne faudrait pas que la régionalisation finisse par n'avoir d'autre but que de transférer aux régions l'écrasante responsabilité de la fermeture des lignes.
Selon un audit, l'actuelle contribution de 4 milliards de francs, versée par l'Etat pour le transport régional, devrait être augmentée de près de 1,9 milliard de francs dans le cadre de ce transfert de compétences.
En s'orientant vers la régionalisation, l'Etat sera-t-il prêt à envisager tous les efforts financiers nécessaires ?
Dans le cas contraire, les déséquilibres entre les territoires ne feront que s'accentuer par l'application d'une régionalisation dogmatique, tandis que le service public sera marginalisé.
En conclusion, je suis convaincu que le chemin de fer sera le mode de transport du XXIe siècle, à la condition que nous sachions miser, sans finasser, sur ce remarquable outil. Le moment est décisif ! En avez-vous la volonté, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir en tant que rapporteur spécial des crédits des transports terrestres à la commission des finances. Certes, la dimension financière n'est pas la seule dimension importante de notre débat. Cependant, ce sont bien les difficultés financières de la SNCF qui mettent en péril son existence, puisque sa technologie et la compétence de ses hommes sont parmi les meilleures du monde.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Auguste Cazalet. Les Français sont attachés à la SNCF.
M. Emmanuel Hamel. C'est vrai !
M. Auguste Cazalet. Ils consentent ainsi collectivement à prélever chaque année 50 milliards de francs sur le fruit de leur travail pour elle. Cette somme comprend le budget des transports terrestres - 40 milliards de francs - mais aussi les subventions du ministère de la défense, du syndicat des transports parisiens, des collectivités locales, et les compensations entre régimes de retraite. Cette somme est élevée, puisqu'elle excède largement les recettes commerciales du transport ferroviaire - 40 milliards de francs - et représente les cinq huitièmes des recettes d'exploitation de la compagnie.
Pourtant, il apparaît que cette somme ne suffit pas.
Se pose d'abord le problème de la dette. Celle-ci, d'un montant de quelque 180 milliards de francs à la fin de 1995, sans compter les 31 milliards de francs déjà repris en charge par l'Etat, génère des frais financiers de plus de 14,5 milliards de francs et un déficit financier de plus de 11 milliards de francs. Un cheminot sur quatre travaille aujourd'hui au financement de cette dette. Cette situation n'était pas tenable, et il était nécessaire que l'Etat prenne à sa charge une nouvelle fraction. Reprendre la partie de la dette correspondant à l'infrastructure est une idée logique, puisque celle-ci incombe à l'Etat. Ainsi, 125 milliards de francs seront repris par l'établissement public qui sera créé pour porter l'infrastructure. Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, je souhaite vous poser sur ce point trois questions.
Au taux d'intérêt moyen de la dette de la SNCF - environ 8 p. 100 - la reprise de cette dette n'allège les charges de l'entreprise que de 10 milliards de francs, laissant à sa charge un déficit résiduel de 6,6 milliards de francs si l'on se réfère aux comptes de 1995. Première question : cet effort sera-t-il suffisant pour permettre à la SNCF de se redresser ?
Deuxième question : le nouvel établissement public reprendra-t-il la charge de l'actuel service annexe ?
Enfin, troisième question : comment l'établissement public financera-t-il cette charge ? Percevra-t-il une subvention de l'Etat et peut-on savoir à combien celle-ci s'élèvera ? Détiendra-t-il des actifs, autres que les infrastructures, qu'il pourra céder pour se financer ? Il apparaît en tout cas que, pour ce qui concerne la SNCF elle-même, une politique de cession des actifs qui ne constituent pas le coeur de son métier doit être entreprise.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Auguste Cazalet. Quoique membre de la commission des finances et soucieux de l'assainissement de nos finances publiques vis-à-vis des critères de l'Union monétaire européenne, je ne m'étendrai pas sur la prise en compte des 125 milliards de francs repris par l'Etat dans la dette publique au sens de ces critères. Le problème est, selon moi, secondaire. Pour les agences de notation et les marchés financiers, la dette de la SNCF est déjà celle de l'Etat, sinon la signature de la SNCF, entreprise déficitaire et surendettée, ne serait pas considérée comme l'une des meilleures. C'est tant mieux : cela permet à la SNCF d'obtenir des taux d'intérêt peu élevés. Ce qui importe, c'est de s'attaquer avec efficacité à la résorption de cette dette, ce que vous êtes déterminés à faire, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre.
Se pose ensuite le problème de l'infrastructure. La division des tâches entre la SNCF, exploitant du réseau de l'Etat, détenteur de ce réseau, va clarifier les responsabilités, conformément à ce que prévoient les règles européennes. Cette clarification est aussi conforme à des normes de bonne gestion, qui vous ont paru évidentes, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre. Compte tenu de sa situation financière, la SNCF ne peut plus accepter d'investir à perte. Il devra en être de même pour le nouvel établissement public.
Autrement dit, la séparation des deux tâches n'a de sens que si elle se traduit, à terme, par le retour à l'équilibre des deux comptes. La gestion des infrastructures n'a aucune vocation naturelle à être déficitaire, ainsi que le montre l'expérience des sociétés d'autoroute, qui remboursent leurs investissements par le péage. Une juste rétribution devra donc être acquittée par la SNCF à l'établissement public. Mais peut-être que, à l'instar du réseau routier, il faudra distinguer les infrastructures payantes et rentables des lignes non rentables et gratuites. C'est un choix qui devra être fait en toute connaissance de cause par la collectivité nationale, qui contribue aujourd'hui pour 13 milliards de francs aux charges d'infrastructure.
Peut-être serait-il également plus raisonnable d'attendre que les comptes actuels du chemin de fer soient en voie de redressement sensible avant d'entreprendre des chantiers très coûteux et dont la rentabilité est précaire. Songez-vous, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, à un étalement des investissements prévus ?
Enfin, le trosième volet de ce nouveau plan de redressement porte sur la régionalisation. Cet axe, tracé par notre collègue Hubert Haenel, était déjà un des points forts du projet de contrat de plan. Il n'est, en effet, contesté par personne.
Sur ce dossier aussi, un accroissement des charges de l'Etat est à prévoir. En effet, la contribution de l'Etat aux services régionaux de voyageurs est de quelque 4 milliards de francs, pour des recettes totales de l'ordre de 8 milliards de francs. Or, les charges de ce compte s'élèvent à environ 9 milliards de francs. Si l'Etat ne veut pas transférer de charges nouvelles aux régions, il devra verser environ 1 milliard de francs supplémentaires, à commencer par la quote-part des régions volontaires pour expérimenter la gestion de leurs services de transport. Les régions sont les mieux placées pour connaître les besoins en matière de dessertes intrarégionales. Cette réforme doit permettre des choix plus rationnels. Probablement faudra-t-il remettre en cause certaines liaisons ferroviaires, au profit du transport routier par autocar. N'oublions pas que les régions, autorités organisatrices de transport, ne seront pas uniquement responsables du transport par voie ferrée, mais auront aussi la responsabilité de tous les modes de transport public. Elles auront donc intérêt à la définition du meilleur service, le moins coûteux pour le contribuable. Dans certains cas, ce sera le train, dans d'autres, la route.
Madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, je forme des voeux pour la réussite de ce plan, qui aura vraisemblablement le soutien de la commission des finances - je le dis bien que je n'aie pas reçu de mandat de sa part.
M. Emmanuel Hamel. Vous raisonnez toujours très bien !
M. Auguste Cazalet. Dans le contexte de grandes difficultés budgétaires que connaît notre pays, cette réussite se mesurera non seulement au retour à l'équilibre de la SNCF, dont les conditions sont maintenant réunies, mais aussi à notre capacité, à nous gestionnaires publics, de ne pas laisser dériver les dépenses à la charge des collectivités publiques, ainsi que nous y conduisent les conclusions du débat d'orientations budgétaires. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. François Gerbaud. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Heinis, qui dispose de six minutes.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, je m'efforcerai de respecter le temps de parole qui m'est imparti.
Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la grève de l'automne 1995, causée par des réactions passionnelles sur l'avenir des régimes de retraite, a laissé des traces profondes dans l'image commerciale de la SNCF, provoquant une rupture avec la clientèle, qui s'est sentie prise en otage. Le trafic s'est détourné et le compte d'exploitation s'en ressent.
Cette situation a en outre laissé des traces dans la vie sociale au sein de l'entreprise.
A cet égard, la sortie de grève a été tout aussi catastrophique.
M. Félix Leyzour. Ce n'est pas vrai !
Mme Anne Heinis. Mais si !
Le président a été congédié. Etait-ce la meilleure façon de défendre l'autorité du nouveau président et, si j'ose dire, de donner du coeur au ventre à ceux qui, dans l'entreprise, sur le terrain, s'étaient engagés dans la voie des réformes ? Je n'en suis pas sûre.
Et pourtant, la commission des affaires économiques avait alerté le ministre sur ce point dès la fin du mois de juin 1995. Hélas ! le dossier est resté sans solution.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait que les syndicats, comme l'Etat et certains cadres dirigeants, semblent poursuivre chacun leur rêve : rêve de sécurité absolue et de privilèges de l'emploi sans contreparties ni évolution ; rêve d'un service public qui n'aurait ni coût économique, ni contenu défini entre obligations et partage des charges ; rêve de prestige et de choix stratégiques faits au détriment d'un service utile à la clientèle.
Pourquoi faut-il tant de soubressauts dramatiques pour revenir à une vision réaliste et dynamique du transport ferroviaire ? Cela fait-il partie de l'histoire de France ? On peut se poser la question.
Pourtant, jamais la SNCF n'aura fait l'objet de tant de rapports. Je voudrais retenir de ces derniers quelques réflexions qui me semblent essentielles, quelques grands axes. Le premier, ce sont le règlement de la dette, la responsabilité des infrastructures et la transposition de la directive CEE 91/440. Il s'agit, bien sûr, de la situation financière de l'entreprise.
Le deuxième axe, c'est la concurrence des autres modes de transport, qui pose de façon absolue le problème de la reconquête commerciale : le service du client, qu'il soit voyageur ou chargeur ; il faut aller vers le client et ne pas espérer qu'il viendra vers vous.
Le troisième axe, ce sont les paradoxes de la mission de la SNCF, partagée entre logique économique et volonté d'aménagement du territoire. Ma collègue Mme Bardou a développé ce point essentiel.
Le quatrième axe est la définition du contenu de la mission de service public. A mon sens, elle se concrétise, d'une part, dans la volonté de desservir l'ensemble du territoire, les charges liées aux contraintes devant être évaluées et compensées, d'autre part, dans la régularité et la continuité du service public ; voilà qui nous ramène à la définition du service minimum qu'avait évoquée notre collègue M. Habert, dans un amendement qu'il faudrait sans doute reprendre.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous faites des propositions qui, à mon avis, seront salvatrices.
Au niveau de la dette, l'Etat prendra 125 milliards de francs à sa charge ; mais il restera 83 milliards de francs de dette à la charge de la SNCF. Pourra-t-elle assurer cette charge ? Je le souhaite.
La constitution d'un établissement public à caractère industriel et commercial à compter de 1997 me paraît une idée adaptée à nos engagements européens.
La constitution éventuelle d'une structure de cantonnement est une idée retenue par la commission des affaires économiques et du Plan. Encore faudrait-il savoir de quels actifs on parle. Nous avons vu à quels mécomptes pouvait conduire le soldage des actifs immobiliers militaires en 1988.
J'observerai encore que la séparation de la dépense d'infrastructure et de la dépense d'activité ferroviaire doit s'accompagner d'un processus clair d'élaboration des décisions, des contours des compétences et de la responsabilité de chacun des acteurs ; je partage votre avis à cet égard, madame le secrétaire d'Etat.
J'ajouterai que, s'il paraît pertinent que les régions deviennent les « autorités organisatrices » des transports régionaux, encore faut-il qu'elles obtiennent certaines garanties dans l'accomplissement de cette mission, que les moyens transférés par l'Etat soient suffisants et pérennes, qu'un mécanisme de péréquation entre les régions plus ou moins défavorisées soit défini - on en revient ainsi à l'aménagement du territoire - et qu'elles aient éventuellement la possibilité de choisir l'exploitant des services régionaux de voyageurs, surtout pour le cas où la SNCF se retirerait, y compris en faisant appel à des services privés si nécessaire.
Voilà, très brièvement, ce que je souhaitais rappeler.
Mon propos n'est pas du tout pessimiste : c'est en effet sur la vérité que l'on peut construire du solide et certainement pas sur la démagogie.
C'est vous dire que j'attends beaucoup, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, du courage et de la résolution du présent gouvernement, ainsi que de la volonté des cheminots de redresser leur entreprise. Elle est essentielle. Il s'agit, en fait, d'un véritable choix de société qui assure la pérennité de la SNCF - c'est ce que je souhaite - et le renouveau d'un service public ferroviaire moderne au bénéfice du pays tout entier. ( Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après la remise en cause, quoi qu'on en dise, du service public des télécommunications, c'est aujourd'hui la SNCF qui voit son rôle d'opérateur unique de chemins de fer en France mis à mal.
Si l'on veut bien considérer la place du chemin de fer dans la politique globale des transports, l'attachement des Français à la SNCF, en dépit de mouvements d'humeur passagers, et l'ampleur des moyens financiers qui sont concernés, reconnaissons ensemble que nous sommes aujourd'hui devant un choix de société, ainsi que vient de l'indiquer Mme Heinis.
Nous sommes tous conscients des difficultés que connaît la SNCF : son endettement, la reconquête commerciale qu'elle doit opérer, la concurrence des autres modes de transport constituent autant de handicaps qu'elle doit, pour l'heure, surmonter seule.
En résumé, le transport ferroviaire est en crise.
Cela ne signifie en rien que le chemin de fer constitue un mode de transport dépassé. Si l'on sait tirer parti de ses atouts, si l'on veut bien s'attacher à satisfaire les besoins des usagers, actuels ou potentiels, si l'on pense une autre organisation du chemin de fer - chacun aura compris que je fais référence aux plates-formes multimodales, qui sont, à mon sens, l'avenir du rail - alors le chemin de fer pourrait devenir le mode de transport de l'avenir.
Certes, à l'heure actuelle, il n'est plus le mode de transport dominant. Mais ne cédons pas à la facilité qui consisterait, de ce simple fait, à se détourner de son avenir. Pourquoi ne pas trouver les moyens nécessaires et les mettre en oeuvre afin que le rail retrouve sa juste place dans une politique globale et nationale des transports ?
Permettez-moi d'émettre des doutes quant aux moyens que vous avez choisis pour atteindre cet objectif, monsieur le ministre.
Vos solutions consistent d'abord à abandonner les contrats de plan auxquels les cheminots sont pourtant très attachés. Comment comptez-vous donc formaliser les relations de l'Etat et de la SNCF, en dehors de la simple lettre d'intention que vous avez évoquée ?
Vous suggérez aussi de démanteler la SNCF en programmant la fin d'une politique nationale en faveur du chemin de fer, par la suppression de l'unicité du service.
Que n'a-t-on, dans ce cas, à craindre pour l'aménagement du territoire national ? Quel sera dans cinq ou dix ans, le déséquilibre auquel devra faire face notre pays ? Et que ne voit-on déjà les conséquences pour les usagers ? Selon leur région de résidence, ils seront plus ou moins avantagés !
Vous instaurez une régionalisation qui remet en cause les missions de service public, sous prétexte que le service public n'est pas lié à un mode de transport. Vous faites fausse route !
Vous avez proposé un débat sur l'avenir de la SNCF. Mais entendez-vous seulement nos propositions ? Vous n'avez même pas su tirer les leçons des mouvements sociaux de la fin de l'année 1995. Pourtant, le message était clair : un service public ferroviaire modernisé, performant, restructuré, avec des gares qui soient de véritables lieux de vie, mais pas la suppression du service public !
Comme pour les télécommunications, c'est un service public minimum que vous souhaitez instaurez. Les Français n'en veulent pas, monsieur le ministre, soyez-en assuré ! Ce qu'ils souhaitent, c'est une véritable organisation des transports en commun sur tout le territoire, ce que la LOTI, la loi d'orientation sur les transports intérieurs, avait initié.
Il faut clarifier la notion d'aménagement du territoire. Apparemment, nous n'en avons pas la même conception ! Le rail est un facteur déterminant pour lutter contre la désertification. Il garantit le service public et, par là même, le droit au transport pour tous. C'est pourquoi son unicité doit être garantie impérativement. L'Etat, de son côté, doit lui rendre les moyens d'agir, et ce par l'absorption de la dette dont il est à l'origine.
La structure que vous proposez ne réglera pas cette question fondamentale puisqu'elle ne portera les dettes de la SNCF qu'à hauteur de 125 milliards de francs, laissant ainsi 80 milliards de francs à la charge de la SNCF. Par ailleurs, la structure aura en charge les infrastructures, et cette charge financière sera si lourde que, à terme, vous la démantèlerez certainement en la privatisant. La question de la dette est entière : au lieu d'un seul établissement endetté, il y en aura deux.
Permettez-nous de douter de la viabilité de l'EPIC que vous voulez créer. La charge des infrastructures conduira, tôt ou tard, à faire appel à la concurrence, mettant ainsi en danger le service public.
Monsieur le ministre, vous nous donnez le sentiment que ces cinq mois de consultation n'ont pratiquement servi à rien (M. le ministre manifeste son étonnement.) Votre solution consiste à transférer vos responsabilités sur les régions. Ces dernières ne manqueront pas de s'adresser aux conseils généraux, à moins que vous ne puissiez nous conforter dans l'idée d'une participation financière suffisante de l'Etat dans le cadre d'un réel rééquilibrage. Malheureusement, il s'agit purement et simplement d'un désengagement de l'Etat plus que d'une solution d'avenir sereine.
Il me revient à l'esprit, dans ce contexte, le cas d'une famille tarnaise et qui vivait alors près de mon domicile, que j'ai connue dans mon enfance. Cette famille comptait sept enfants, dont le plus jeune avait à l'époque six mois et l'aîné, neuf ans. Nous étions assez proches et fréquentions la même école.
La famille semblait unie ; mais un jour - on ne peut jamais préjuger de rien - la mère a quitté le domicile familial ; quelque temps après, l'assistance publique plaçait les enfants dans des familles différentes. Ce n'est que vingt-cinq à trente ans plus tard que j'ai retrouvé la trace de mes anciens petits camarades. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant qu'il n'y avait plus aucun lien entre eux, les plus jeunes ne connaissant quasiment pas leurs aînés ; ils ne portaient même plus le même nom.
En évoquant hier les télécommunications et, aujourd'hui, la SNCF, en constatant à regret le sort que vous réservez à la Corse qui risque, demain, de ne plus être la France, je déplore cet abandon général de l'Etat, du service public, et je ne peux m'empêcher de penser à cette mère qui a abandonné ses enfants et au déchirement engendré par sa faute.
Cette mère patrie qui chérit le principe d'égalité inscrit dans notre Constitution ne pourra plus, demain, l'assurer dans le domaine des transports. En effet, seules les régions riches seront en mesure de suivre financièrement les évolutions technologiques, et les plus pauvres devront se contenter d'entretenir le minimum.
C'est cela dont nous ne voulons pas !
M. Emmanuel Hamel. C'est une caricature, vos propos sont excessifs !
M. Jean-Marc Pastor. Vous choisissez et mettez en oeuvre pour le court terme des solutions d'autant plus inefficaces qu'elles sont dangereuses. En effet, dans dix ou quinze ans, les déséquilibres seront tels que l'Etat lui-même en sera affaibli.
Monsieur le ministre, vous confondez, me semble-t-il, désengagement et décentralisation.
Je lance donc un appel à la sagesse propre à la Haute Assemblée. Puisse-t-il être le signe d'un arrêt au transfert aux collectivités locales de tout ce qui ne va plus dans ce pays ! Les collectivités locales sont aujourd'hui les seules garantes d'un difficile équilibre porteur d'un véritable aménagement du territoire. Or, avec cette réforme de la SNCF, vous le rendez impossible. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, je voudrais tout d'abord vous remercier pour la volonté que vous avez manifestée de voir s'instaurer devant la représentation nationale un débat sur la situation et l'avenir de la SNCF. Pour ma part, j'y vois plusieurs raisons.
Depuis plusieurs années, en effet, chacun sentait, parfois confusément, que l'entreprise SNCF, par son évolution interne et par l'évolution de l'environnement économique, devait entreprendre une réflexion d'ensemble sur son avenir et sur l'avenir des transports ferroviaires dans notre pays.
Associer à cette réflexion la représentation nationale paraît utile et essentiel, car - tous les orateurs qui sont intervenus cet après-midi l'ont dit - nous sommes attachés à cette grande entreprise. Mais nous sommes aussi attentifs aux conséquences financières pour le budget de l'Etat, ainsi qu'à la mission de service public et d'aménagement du territoire dont la SNCF est un acteur principal.
Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de groupes de travail, de commissions d'enquête parlementaires ou économiques, de chargés de mission qui se sont intéressés à l'avenir de la SNCF.
Votre mérite, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, est d'avoir souhaité qu'une synthèse de ces approches diverses soit réalisée et qu'ensemble, en concertation avec l'entreprise, nous établissions un diagnostic aussi précis que possible de la situation de la SNCF, pour définir à la fois un pronostic sur son avenir et les moyens de sa meilleure insertion dans l'environnement économique et social, en quelque sorte pour préconiser un traitement permettant d'assurer sa pérennité. Monsieur le ministre, c'est une démarche de praticien.
La commission d'enquête sénatoriale et le groupe de travail sur la SNCF ont conduit, sous la responsabilité de M. Haenel, à qui je rends un hommage particulier, une série de consultations approfondies permettant de définir des axes de réflexion et - espérons-le - de proposer des solutions concrètes dont l'urgence n'est plus à démontrer.
Il s'agit, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, de redéfinir les responsabilités de l'Etat, des régions et de la SNCF.
C'est dans ce cadre parfaitement défini que se situent les interventions successives dans ce débat : afin d'éviter les redites ou les redondances, les membres du groupe de travail sur la SNCF se sont réparti les différents thèmes qui inspireront notre réflexion commune.
Une évolution favorable de l'entreprise repose pour une part sur une reconquête de la clientèle du chemin de fer, qu'il s'agisse du transport de passagers ou de marchandises. A ce sujet, on ne peut que saluer l'effort entrepris dans ce sens depuis quelques mois. Il résulte de la volonté autant de la direction générale que des exécutants et de la base qui en ont saisi toute l'importance.
Une des conditions de réussite qui s'ajoute à celles que je viens d'évoquer passe aussi, à notre avis, par le recentrage de l'activité de l'entreprise sur ses missions originelles : le transport de voyageurs et de marchandises, dont la fiabilité apparaît comme une condition essentielle à la reconquête d'un marché en récession depuis plusieurs années, ce qui, à terme, pourrait compromettre définitivement la mission de service public et d'aménagement du territoire de l'entreprise.
Monsieur le ministre, sans doute serait-il opportun de recenser de façon exhaustive toutes les filiales dans lesquelles la SNCF possède des participations et, par une approche pragmatique et objective, d'évaluer dans quelle mesure elles relèvent ou non du service public.
Un certain nombre de ces activités, dont le nombre et la diversité surprennent parfois, sont complémentaires du transport ferroviaire. Elles doivent être maintenues - et même développées - alors que d'autres n'ont qu'un lointain rapport avec la mission essentielle de la SNCF.
Un document réalisé par la SNCF et intitulé Filiales et participations : bilan 1995 a servi de base à ma réflexion.
Le nombre de filiales, l'importance des participations constituent une sorte de « nébuleuse » qui n'a cessé depuis plusieurs années de connaître un développement dont on saisit très imparfaitement l'évolution et la finalité, ce qui laisse supposer un manque de réflexion globale conduisant à la définition stratégique de la politique de la SNCF.
A l'examen de ce document, on constate que la rentabilité de ces filiales ne cesse de diminuer : 497 millions de franc en 1989, 222 millions de francs en 1995. Il y a là une dérive qui n'est pas sans nous inquiéter.
Comment ne pas s'étonner que certaines de ces filiales concurrencent directement l'activité de transport de la SNCF et contribuent à diminuer de façon significative le plan de charge de l'entreprise, dont nous souhaitons cependant l'évolution positive ?
Comment ne pas s'étonner, à la lecture du document précité, du nombre important de salariés de la SNCF détachés et apportant leur collaboration à des filiales n'ayant qu'un rapport lointain avec les missions spécifiques de la SNCF, quand elles ne sont pas en concurrence avec elle ? On pourrait ainsi parler du transport de surface transManche ou du tansport routier.
Certes, l'intermodalité, le transport combiné sont à l'ordre du jour et constituent des éléments essentiels à une activité ferroviaire moderne et adaptée. Mais il convient d'en fixer les limites et de réfléchir à la recherche de certains partenariats pour, éventuellement, céder certains actifs, ce qui permettrait le recentrage de la mission essentielle de la SNCF. Ainsi, cette grande entreprise répondra à sa vocation de service public et contribuera puissamment à l'aménagement du territoire.
Cette clarification nous est aujourd'hui imposée par la situation.
Nous sommes conscients de la difficulté de la tâche et de la nécessité de s'y consacrer ensemble. En concertation avec tous les acteurs concernés, nous vous aiderons, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, dans le cadre de nos responsabilités, à mener à bien cette évolution capitale pour la SNCF, gage de sa pérennité et de son développement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, l'esquisse de projet dont vous nous saisissez aujourd'hui, après le débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, porte sur un schéma de réorganisation d'ensemble dont il faut reconnaître la cohérence et le caractère novateur.
Dans le même temps, puisqu'il s'agit d'un point de départ, on peut redouter qu'il ne renvoie un certain nombre de problèmes, notamment des problèmes d'équilibre financier à moyen et long termes, à des échéances encore incertaines.
Nous allons discuter à l'automne du projet de loi que vous nous avez annoncé et je souhaite saisir l'opportunité de ce débat d'orientation pour appeler votre attention sur l'application particulière de ce schéma aux transports régionaux urbains, particulièrement en Ile-de-France, où ils représentent une masse d'activités tout à fait significative pour la SNCF et une grande spécificité dans les missions de l'entreprise.
Si j'essaie de me placer dans le dessein d'ensemble que vous nous avez décrit, je constate que vont se distinguer une mission de gestion d'installations fixes qui, là comme ailleurs, relèvera du nouvel établissement public à caractère industriel et commercial, et une fonction d'exploitant. Or il me semble que, dans ces deux fonctions, les missions particulières de l'entreprise en Ile-de-France vont être assez spécifiques. Au demeurant, je crois pouvoir dire que des raisonnements analogues seraient applicables aux grandes régions urbaines : je pense notamment à la métropole lilloise ou à l'agglomération lyonnaise.
Quoi qu'il en soit, les infrastructures ferroviaires en Ile-de-France appellent des développements, des renforcements, des travaux importants et il est donc nécessaire, dès l'instant où vous avez fait le choix de principe de ne pas renouveler le mécanisme des contrats de plan Etat-SNCF, que vous nous indiquiez quel peut être l'horizon financier, c'est-à-dire le mécanisme de programmation de ces travaux d'infrastructures, dont certains ont un véritable caractère de respiration pour le fonctionnement du transport en Ile-de-France.
Monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous êtes bien informés des difficultés de fonctionnement quotidiennes que traversent un certain nombre de liaisons dont la fréquentation est très élevée, et l'éventuel manque de certitude quant aux dates de réalisation d'un certain nombre d'ouvrages, dont l'absence provoque aujourd'hui sur le réseau des goulets d'étranglement, serait véritablement source d'inquiétude.
De même, alors qu'en Ile-de-France les activités ont eu tendance à se déployer à partir du centre de l'agglomération, la fonction de transport que je qualifierai, pour schématiser, de Paris-banlieue doit être partiellement relayée par une fonction de transport banlieue-banlieue, la SNCF ayant annoncé, jusqu'à présent, l'ambition d'y être présente.
Au moins deux projets de relations transversales, de rocades ferroviaires ont été mis en oeuvre. Je suis particulièrement familiarisé avec celui qui est appelé « Trans-Val-d'Oise », et qui relie l'agglomération de Cergy-Pontoise à la zone d'emplois de Roissy-Villepinte.
Le nouvel établissement public chargé des infrastructures est-il en mesure de s'engager sur des projets de cette nature et d'en étudier de futurs ?
De même, un de nos problèmes significatifs dans la vie quotidienne du transport en Ile-de-France est la situation des gares, qui sont très nombreuses et qui connaissent des niveaux d'utilisation très élevés : les gares où transitent 10 000 voyageurs sont un élément déterminant, parmi d'autres, dans la structure de l'Ile-de-France.
Par ailleurs, vous savez que la situation de ces installations en termes de sécurité est aujourd'hui assez problématique. Nombre d'usagers font état - et les statistiques de fréquentation le répercutent - d'un sentiment d'insécurité qui fait obstacle à l'utilisation sans arrière-pensée du transport public.
En ce qui concerne maintenant l'exploitation, il existe un problème de concurrence entre l'exploitant Ile-de-France et les exploitants grandes lignes, pour reprendre la terminologie traditionnelle. Il serait important de savoir si la nouvelle réorganisation ménagera la place des transports régionaux d'Ile-de-France par rapport aux liaisons rapides Paris-Province. Vous savez en effet qu'aujourd'hui la régularité et la fiabilité des horaires des transports en Ile-de-France constituent un défi préoccupant. Ainsi, les différentes directions régionales produisent, en concertation avec les élus - je veux souligner qu'elles consentent à cet égard des efforts - des statistiques, des états des lieux, des tableaux de bord qui indiquent tous que des progrès importants restent à faire en la matière.
De même, en ce qui concerne la qualité du déplacement quotidien des Franciliens, se pose la question de la disponibilité des agents dans les rames, du contact commercial entre les agents de la SNCF et les utilisateurs. Et je n'oublie pas la question annexe, mais très significative, de la fraude : la faible proportion de contrôle des titres de transport est aussi un élément au sujet duquel nous espérons que la réorganisation apportera des réponses concrètes.
J'ajoute, à partir d'une expérience évidemment très locale mais qui, je crois, se répercute quotidiennement pour des milliers d'usagers en Ile-de-France, que la question de l'intermodalité y présente un aspect assez particulier. Mme le secrétaire d'Etat sait bien, par expérience, que, sur plusieurs grandes lignes de RER, dont la ligne A en direction de Cergy-Pontoise, il doit être procédé à un changement de machiniste à un endroit du parcours, parce que la même rame ne peut pas être conduite par un agent de la SNCF sur le réseau RATP, ni par un agent de la RATP sur le réseau SNCF. Cela signifie que toute perturbation, qu'elle soit technique ou sociale, affectant l'une des deux entreprises publiques entraîne l'indisponibilité totale du service.
En résumé - et pour ne pas dépasser mon temps de parole, que M. le président surveille avec une attention bienveillante - je souhaite qu'avant le dépôt de son projet de loi le Gouvernement soit en mesure de faire des propositions concrètes sur l'application du nouveau schéma au transport ferroviaire des grandes régions urbaines, car les enjeux s'y posent à la fois en termes de capacité d'accès à l'emploi des millions d'habitants de ces zones urbaines, mais aussi en termes d'écologie pratique, puisque tout ce qui sera conservé, voire élargi au transport ferroviaire, diminuera d'autant la surcharge des infrastructures routières.
Je souhaite tout particulièrement, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, que ce travail préparatoire soit assorti d'une concertation réellement ouverte avec les élus d'Ile-de-France. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Habert a souligné à juste titre la notoriété du TGV à l'étranger.
Je ne partage pas du tout votre pessimisme, monsieur le sénateur, quant aux chances que nous avons d'exporter cette technologie. Eurostar dessert déjà la Grande-Bretagne et Thalys la Belgique. Des projets sont en cours à Taïwan, au Canada, et même en Chine. Et je me trouvais récemment au Brésil où, avec les autorités locales, nous avons évoqué une liaison TGV entre Rio et Sao Paulo.
Notre industrie ferroviaire est la meilleure du monde, et Mme Idrac et moi-même entendons la soutenir fermement et activement.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je ne partage pas non plus, monsieur Habert, votre vision des projets de TGV Lyon-Turin ou de TGV franco-espagnol. Ces projets méritent d'être soutenus, et ils le seront.
La SNCF, désendettée de 125 milliards de francs, a - et aura davantage demain avec son projet industriel et la mobilisation de ses personnels - les moyens non seulement de supporter la dette résiduelle, mais encore de la réduire. Nous verrons comment l'aider dans cette démarche.
Monsieur Haenel, peu de parlementaires connaissent mieux que vous le dossier de la SNCF. Vous avez à juste titre souligné le grand tournant que constitue notre réforme.
La SNCF est mortelle, avez-vous dit ; c'est vrai. Mais la réforme que nous vous proposons lui permet de saisir, comme vous l'avez souligné, les chances qui lui sont offertes, notamment en Europe. Il ne faut pas craindre l'aventure européenne. Au contraire, il faut essayer de la saisir.
Je partage avec vous la conviction très profonde que le client est la raison d'être de la SNCF et le vrai ressort de tout redressement durable.
« Client » ou « usager » ? Il faut éviter de se battre sur les mots, mais ma conviction est claire : il y a des « usagers » des transports et des « clients » des entreprises de transport. Ce que demandent aujourd'hui les usagers du train, c'est bien d'être davantage traités comme des clients. Tel est tout le sens des réorientations en cours à travers l'opération « De meilleurs services dès demain ».
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez souligné l'exemplarité de la méthode expérimentale retenue pour la régionalisation. Je vous rejoins parfaitement. Nous devons réformer l'Etat et les services publics, mais nous devons le faire dans la concertation, en testant des solutions dans un cadre expérimental. Les réformes décrétées à l'échelon central échouent trop souvent. Celle que le Sénat, vous-même en particulier, avez préconisée est donc bien un exemple à reprendre.
Monsieur Fourcade, vous connaissez bien la SNCF, grâce, notamment, à votre présence au sein de son conseil d'administration.
Vous avez raison de dire que le désendettement et la régionalisation ne suffisent pas à régler tous les problèmes de la SNCF. Je l'ai d'ailleurs souligné moi-même. Il faut en plus, en premier lieu, que la SNCF se dote, dans la concertation, d'un projet industriel ambitieux, en particulier sur le plan commercial et pour la maîtrise des charges.
Il faut, en second lieu, que les investissements à venir soient décidés de manière sélective, en fonction du trafic attendu et non pas seulement du temps de parcours, et qu'ils soient financés dans des conditions saines.
J'ai pris note avec intérêt de vos légitimes préoccupations en ce domaine pour la région parisienne.
Je partage aussi votre souhait de voir l'entreprise se recentrer sur ses métiers - M. Bernard l'a évoqué et j'y reviendrai tout à l'heure - et se doter, je l'ai dit, d'une vraie comptabilité analytique pour maîtriser ses coûts, ce qui suppose d'abord qu'elle les connaisse.
En ce qui concerne les formes d'action collective, je note, et je n'ai pas été le seul, que la dernière journée d'action, le 6 juin dernier, s'est déroulée sans interruption du service. Je veux y voir un signe très positif.
Vous avez, monsieur Belot, rappelé avec beaucoup de clairvoyance les carences passées de l'Etat, qui a livré, d'une certaine manière, la SNCF à elle-même, sans lui fixer d'objectifs clairs.
On a effectivement trop longtemps préféré la fuite en avant dans l'endettement et les déficits à la lucidité et au courage des réformes.
Notre réforme ne se contente pas d'apporter un nouveau palliatif financier. Elle traite, comme vous l'avez souligné, les problèmes de fond et apporte des réponses structurelles à même d'assurer un redressement durable. Elle crée, en effet, les conditions d'une mobilisation sur des objectifs crédibles de redressement dans un cadre de responsabilités clarifiées.
J'appelle avec vous l'ensemble des personnels à se mobiliser afin que la SNCF redevienne, comme vous l'avez dit, la plus belle entreprise ferroviaire du monde.
Non, monsieur Leyzour, le Gouvernement n'est pas adepte, quand il s'agit de la SNCF, du catimini. Le débat sans précédent qu'il vient d'organiser sur ce sujet en est la preuve.
Oui, monsieur le sénateur, je me réjouis que ce débat, comme celui qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale, nous donne l'occasion de préciser les choses. Je crois l'avoir fait sur les points essentiels en toute bonne foi, en toute honnêteté intellectuelle.
Mais, monsieur Leyzour, le débat d'aujourd'hui n'épuise pas le sujet et nous aurons, cet automne, l'occasion de revenir devant le Parlement, je vous l'ai indiqué, pour présenter le projet de loi créant l'établissement public.
C'est pour cela que je ne comprends pas très bien un certain nombre de procès d'intention. Si, véritablement, il y avait une mauvaise intention de ma part, je n'aurais pas choisi cette procédure puisque, dans le débat général que j'ai lancé, j'ai voulu, et c'était tout à fait logique et normal, puisque c'est un débat national, que le Parlement ait le dernier mot. Je ne pouvais pas attendre plus longtemps pour faire des propositions.
Certains d'entre vous en ont approuvé quelques-unes, d'autres les ont critiquées. J'analyserai dans le détail toutes les interventions et, je vous l'ai dit, nous nous retrouverons.
Cette maturation, normale pour un dossier de cette importance, ne suffit pas à justifier des procès d'intention auxquels nos actes, ceux du Gouvernement et ceux de la majorité, se chargeront de répondre, j'en suis convaincu.
S'agissant de la gestion de la dette résiduelle de la SNCF, il est vrai qu'un problème se pose, mais il faut reconnaître l'effort qui est fait par la prise en charge de la dette liée aux infrastructures ; c'était d'ailleurs une des revendications des syndicats. Il s'agit là donc d'un pas en avant très important.
Dans la mesure où le projet industriel générera une dynamique nouvelle, où l'Etat assurera un suivi de l'opération, je suis tout à fait convaincu que des progrès peuvent être accomplis en la matière et nous y veillerons.
Je fais toute confiance aux équipes compétentes au sein de cette entreprise pour également obtenir des banques les meilleures conditions du marché, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le sénateur, au besoin en renégociant les encours. C'est là une chose qui peut être envisagée.
Je note enfin que votre volonté de conserver un réseau national rejoint tout à fait mon propos.
Je n'ai pas, monsieur le sénateur, de religion particulière en matière de contrat de plan, surtout quand je constate les résultats désastreux auxquels ont conduit les deux contrats de plan précédents, élaborés d'ailleurs par d'autres responsables.
Pour moi, monsieur le sénateur, je tiens à vous le dire, le fond compte beaucoup. La forme également. Médecin de formation, j'ai souvent tendance à dire que la façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne. Toutefois, lorsque la maladie est grave, ce qu'on donne constitue vraiment une thérapeutique majeure. Là, la qualité de la thérapeutique est importante, la manière de donner joue aussi. Mais la qualité, donc le fond, l'emporte en l'espèce sur la forme.
Compte tenu de la gravité de la maladie qui affectait la SNCF, je crois que le fond prévaut. Je constate d'ailleurs que rares sont ceux - y compris les cheminots - qui se trompent sur ce point du débat.
Monsieur Aubert Garcia, vous avez cru devoir conclure d'un constat que j'ai été amené à faire, celui que le chemin de fer n'est plus le mode de transport dominant - c'est une réalité - que j'aurai fait preuve de résignation.
Hélas ! monsieur le sénateur, les faits sont têtus. Il n'est pas dans mes habitudes de dire d'un chat qu'il est blanc quand il est noir.
Comment peut-on voir de la résignation dans notre projet de réforme ? Je l'ai dit aux organisations syndicales, je l'ai dit au Conseil économique et social, je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le redis ici devant le Sénat : loin d'être inspirée par la résignation, notre réforme est au contraire une solution ambitieuse pour affronter un problème qui a été malheureusement trop longtemps différé en dépit de son évidence.
Vous ne m'en voudrez pas de préciser que ce problème aurait dû être traité plus tôt, voilà plusieurs années. Mais je sais que c'était difficile.
M. Alain Richard. Il y a trois ans, par exemple !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Oui !
Aujourd'hui, nous avons eu la volonté de prendre le problème à bras-le-corps. Je ne veux pas polémiquer sur ce point, parce que c'est trop grave. L'adhésion de tous les élus nationaux pour sauver la SNCF est indispensable.
Je veux en tout cas, monsieur le sénateur, vous rassurer. Il ne s'agit pas de répartir une dette et des difficultés financières entre deux établissements publics. A travers l'EPIC chargé de l'infrastructure, l'Etat assumera bien, et pleinement, la responsabilité du réseau.
Bien sûr, compte tenu des retards pris à affronter la réalité, il est clair que le redressement sera long et coûteux et que l'Etat, avant de se lancer dans la réalisation de nouvelles infrastructures, devra y regarder à deux fois.
Que s'est-il passé au cours de ces dernières années ? Une course en avant où, sous prétexte de répondre à tel ou tel désir, ou de faire plaisir, peut-être, on a décidé de réaliser telle et telle infrastructure, et c'était la SNCF qui en assumait la responsabilité financière. C'était trop facile !
Monsieur Berchet, les actifs non transférés au nouvel établissement public resteront la propriété de la SNCF : à elle de les valoriser au mieux.
Oui, la SNCF doit faire des efforts pour attirer davantage de clients.
S'agissant des tarifs, j'ai indiqué que les tarifs sociaux seront maintenus.
J'ai la conviction que la régionalisation sera applicable à toutes les régions, y compris les régions rurales. Je regrette un peu qu'aucune d'entre elles ne se soit portée volontaire pour participer à la première vague d'expérimentation. Mais je suis sûr que d'autres y viendront très vite.
Enfin, sur la ligne Paris-Bâle, j'attends, vous le savez, le rapport Moissonnier, en principe au mois de juillet. Mais je reste très attentif à l'avenir de cette ligne.
Monsieur Masson, vous avez centré votre propos sur la régionalisation. Votre vigilance à préserver les régions d'un éventuel marché de dupes ne m'a pas étonné. Je sais, en effet, le rôle éminent que vous jouez à titre personnel dans la politique des transports de la région Centre, qui est l'une des régions volontaires pour l'expérimentation.
Monsieur le sénateur, nous nous connaissons tous les deux depuis longtemps. Parlons clair ! Soyez rassuré. Vous m'avez demandé, dans votre intervention, non seulement du biscuit mais, si je vous ai bien entendu, du biscuit avec beaucoup de beurre dessus. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Attention au cholestérol, docteur !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Ne me demandez pas l'impossible !
Il ne s'agit pas, pour reprendre vos propres termes, de « refiler le mistigri ». Il s'agit bien de mener une réforme favorable au chemin de fer et au service public en rapprochant la définition des services des besoins des usagers. Les régions ont fait la preuve dans d'autres domaines de leur capacité à améliorer la gestion publique au plus près du terrain, là où l'Etat central était trop lointain.
Nous nous engageons dans l'expérimentation en toute transparence. Nous en assurerons un suivi régulier, afin de procéder aux adaptations qui apparaîtront nécessaires à l'usage. Nous savons que nous aurons, avec les régions, des partenaires constructifs mais vigilants.
Je vous remercie, monsieur About, d'avoir souligné que notre plan permet aussi - c'est l'un de ses objectifs - de redonner motivation et espoir au personnel.
Vous avez, d'ailleurs, parfaitement résumé l'esprit de notre projet et son souci d'équilibre.
Merci également de votre approbation sur la méthode mise en oeuvre pour la régionalisation. Elle ne dispense pas, vous l'avez dit, les élus de prendre leurs responsabilités : au contraire, elle leur en donnera les moyens.
Oui, l'Europe est un espace adapté au chemin de fer, notamment pour les marchandises. Mais seules en profiteront les entreprises redressées et redynamisées. Seules, elles pourront affronter la concurrence intramodale, que les textes communautaires déjà en vigueur autorisent, marginalement encore, mais autorisent.
C'est pourquoi je partage, enfin, votre confiance en la capacité d'une SNCF rénovée à tirer le meilleur parti de l'espace européen, dans le respect des principes - de tous les principes - du service public.
Pourquoi être frileux ? Pourquoi être craintif ? Pourquoi craindre que nous ne soyons pas capables d'affronter la concurrence européenne ?
Monsieur Minetti, vous m'avez interpellé très directement.
Mme Hélène Luc. Mais oui !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Vous avez eu raison !
M. Ivan Renar. Ce sont les meilleures interpellations !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je pense que vous aurez trouvé des éléments de réponse dans nos interventions liminaires, celle de Mme Idrac et la mienne. Mais je souhaite être très clair.
Je vais l'être en vous rassurant sur le fait qu'il y a d'ores et déjà, fort heureusement, une politique globale et intermodale des transports. Vous en aurez une nouvelle preuve bientôt à l'occasion de la présentation des cinq schémas directeurs d'infrastructure.
Je vais être clair en vous confirmant que les conditions d'exploitation du réseau ferré, telles qu'elles sont précisées par la LOTI, ne seront pas modifiées pas notre réforme.
Je vais être clair en vous confirmant que les tarifs sociaux continueront à s'appliquer dans les régions expérimentales.
Je vais être clair en vous rappelant que le transfert de compétences s'opérera bien sans transfert de charges.
Je vais être clair en vous rassurant sur le fait que les grandes lignes nationales ne sont pas menacées et qu'elles doivent, à l'évidence, conforter les dessertes régionales.
Monsieur Fatous, ce débat, que j'ai personnellement souhaité, montre, contrairement à ce que vous avez dit, notre souhait d'entendre et d'associer étroitement le Parlement.
Parlementaire moi-même pendant très longtemps, j'ai été souvent irrité de voir un certain nombre d'apparentes décisions être rendues publiques avant que l'on puisse en débattre au fond. Mais je crois, monsieur le sénateur, que le temps nous était compté, je l'ai dit voilà un instant.
Après avoir longuement participé à ce débat national, il n'aurait pas été normal, ni bon ni sain, que je vienne avec Mme Idrac devant le Parlement sans vous préciser quelles étaient les orientations du Gouvernement. Vous auriez eu le droit de nous dire que nous ne savions pas ce que nous voulions.
Vos inquiétudes, je les comprendrais bien s'il s'agissait d'analyser une situation actuelle résultant de nos propres choix. Mais nous trouvons une situation que bien des gouvernements qui nous ont précédés ont trouvée, et qu'ils ont essayé de résoudre d'une certaine manière. Nous reportant aux débats qui ont précédé les deux derniers contrats de plan, nous avons bien vu quels étaient les problèmes qui s'étaient posés, les inquiétudes qu'ils suscitaient et les moyens qui avaient été présentés pour essayer de les résoudre. Nous avons vu aussi ce que cela avait donné. Je ne suis pas là pour faire un procès, mais je dois dire que je suis en présence d'une situation qui s'est dégradée.
Je veux préciser aussi que, chaque fois, aussi bien en décembre que pendant cette période, j'ai toujours veillé, à travers les mots que j'utilisais - les mots ont une importance considérable - à rendre hommage à cette grande entreprise nationale qu'est la SNCF, à tout ce qu'elle a pu faire dans le passé et à ce qu'elle fait encore aujourd'hui, qui est tout à fait remarquable dans un certain nombre de domaines, il faut bien le dire, et c'est une chance pour la France.
Personnellement, je crois profondément à ce que je dis et je suis persuadé, je vous l'assure, que l'ambition dont je parle sera porteuse d'un résultat positif si tout le monde accepte de s'engager sans arrière-pensée.
Monsieur Fatous, à travers les critiques que vous nous avez adressées - c'est bien normal dans un débat parlementaire - j'aurais aimé entendre - mais je ne l'ai pas entendu et pourtant je vous ai écouté avec beaucoup d'attention - une proposition concrète, différente de celle que je suis amené à vous faire. C'est un débat que nous reprendrons à l'automne, au moment où il s'agira de mettre en place l'établissement public.
Monsieur Joly, vous avez souligné à juste titre qu'il était nécessaire de procéder à un assainissement préalable de la SNCF avant de la lancer sur les rails européens. A cet égard, je veux vous rassurer en vous indiquant - je tiens à le répéter et un certain nombre de vos collègues m'ont d'ailleurs approuvé quand je l'ai dit tout à l'heure - que, pour moi, l'Europe est bien une chance pour la SNCF.
Le point d'interrogation du rapport de M. About me semble pouvoir être levé. Mais s'il y a une chance, il faudra que tout le monde se mobilise pour la saisir pleinement, et je crois profondément que notre réforme le permet.
Vous avez, en outre, tenu à souligner la nécessité d'une stratégie commerciale offensive, en souhaitant que les gares, en particulier, soient plus accueillantes et transformées en vrai « lieux de vie ». Je veux vous dire combien je partage votre analyse et votre avis.
Quand je pense à cet atout extraordinaire que sont, pour la SNCF, ces gares au coeur des villes, ces lieux de fréquentation en plein centre, qui n'ont pas été utilisés dans une dynamique commerciale, les bras m'en tombent ! Ce gisement commercial extraordinaire n'a pas été exploité. Tel est réellement mon avis, et ce depuis bien longtemps. Il s'agira d'un point auquel la SNCF devra particulièrement s'attacher dans son projet industriel.
Monsieur Gerbaud, oui, les hommes avant tout ! Je partage entièrement votre souci de saluer les cheminots et de leur renouveler la confiance de la nation dans leur capacité à relever les défis d'aujourd'hui, comme ils ont su relever ceux d'hier. La réforme se fera avec les hommes, ni sans eux ni contre eux.
Vous avez posé de nombreuses questions ; toutes sont pertinentes. Vous comprendrez que je ne puisse, faute de temps, répondre ici à toutes.
Sachez en tout cas, que je pense comme vous : la technique pendulaire devra être utilisée. J'ai d'ailleurs demandé à notre grande industrie ferroviaire de bien vouloir prendre ce dossier à bras-le-corps. Elle m'a promis que d'ici à dix-huit mois nous aurons un prototype que nous pourrons tester grandeur nature.
Sachez encore que mon attachement à la ligne Paris-Toulouse est aussi fort que le vôtre. Jeune secrétaire d'Etat à l'agriculture, entre 1969 et 1972, je prenais très souvent le Capitole. Il m'arrivait même de prendre le train du soir, à la gare Austerlitz, vers les vingt-trois heures et, dans la petite gare de Souillac, vers cinq heures du matin, j'étais la plupart du temps le seul voyageur qui descendait. L'hiver, j'avais un peu l'impression d'être l'homme qui venait du froid...
Je connais donc cette ligne par coeur ; je l'ai vécue affectivement et charnellement. C'est donc avec un grand regret que j'assiste à sa dégradation, qui a été progressive, et qui donne l'impression que tout le monde a baissé les bras. Je crois pourtant qu'il y a là une clientèle à reconquérir.
M. Hubert Haenel. Sûrement !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je veillerai, monsieur Gerbaud, à ce que cette ligne, chère à mon coeur autant qu'au vôtre, ne reste pas à l'écart des projets de modernisation.
Madame Bardou, bien sûr, la Lozère, bien sûr, l'aménagement du territoire ! Nous sommes au coeur du problème, et je comprends que, dans ce département superbe, mais éloigné des grands centres, enclavé, le souci de l'aménagement du territoire soit au coeur de vos réflexions. Je sais combien les transports jouent un rôle essentiel dans l'équilibre du territoire.
Je veux vous rassurer, madame Bardou. Il y a bien évidemment une place pour des réseaux régionaux, qui doivent se développer en propre, mais aussi en cohérence avec le réseau des grandes lignes nationales, classiques ou TGV. La régionalisation doit permettre d'en assurer l'essor dans le souci d'améliorer toujours et d'abord le service.
Je vous rejoins également dans l'intérêt du transport combiné, qui constitue un créneau privilégié pour la reconquête du transport de fret. Je constate d'ailleurs avec satisfaction que c'est aujourd'hui le mode de transport qui se développe le plus.
Monsieur Courteau, la SNCF a aussi souffert de l'indécision d'un grand nombre de responsables politiques et de gouvernements, et je dois dire que la situation actuelle est le résultat de dégradations progressives.
J'ai déjà, à plusieurs reprises, eu l'occasion d'évoquer les schémas directeurs auxquels je suis, sachez-le bien, aussi attaché que vous.
S'agissant du service public, je vous rappelle que c'est à la collectivité publique - et à personne d'autre - d'en définir le champ. Notre réforme d'ailleurs ne le modifie en rien - elle ne l'élargit pas, elle ne le rétrécit pas non plus - mais elle lui donne de nouvelles chances dans un cadre rénové.
Monsieur Cazalet, vous nous avez rappelé le coût de la SNCF pour la collectivité avec lyrisme, mais aussi avec la compétence et la vigilance du rapporteur du budget des transports terrestres. Vous étiez en effet mieux placé que quiconque pour souligner l'ampleur des montants, qui sont considérables.
Les conditions financières de la réforme vous intéressent fort logiquement et vous avez soulevé certaines questions en prévision, sans doute, du prochain projet de loi de finances.
Soyez rassuré, monsieur le sénateur.
D'une part, l'effort de désendettement est suffisant pour alléger la SNCF de la part de sa dette à laquelle elle ne pouvait faire face. Mais il faudra qu'elle se mobilise.
D'autre part, comme pour tout établissement public à caractère industriel et commercial, il appartiendra à l'Etat de veiller à son équilibre financier. Aussi l'Etat devra-t-il apporter, sous forme de dotations en capital ou de subventions, le complément nécessaire aux recettes provenant des péages.
Enfin, vous avez évoqué des cessions d'actifs. Soyons clairs : il ne s'agit pas de vendre des actifs pour désendetter la SNCF ; nous l'avons déjà dit. Mais, si des actifs peuvent être valorisés, en cohérence avec la stratégie de développement arrêtée pour la SNCF, il est bien évident qu'il faut choisir ces opportunités.
Madame Heinis, vous avez rappelé à juste titre que de nombreuses commissions se sont penchées ces dernières années au chevet de la SNCF. Le Gouvernement a, lui, décidé d'agir, non pas pour briser un rêve - je reprends vos paroles - mais plutôt pour éviter un cauchemar : la SNCF est mortelle, plusieurs de vos collègues l'ont dit.
Notre ambition - je sais que c'est aussi la vôtre - est non seulement de la sauver, mais de faire d'elle l'une des premières entreprises ferroviaires d'Europe.
Monsieur Bernard, vous avez souhaité une clarification : reconquête de la clientèle, recentrage de l'activité de l'entreprise, recensement des filiales, afin de voir si elles relèvent du service public ou si elles ne jouent pas un rôle un peu tordu de concurrence avec la SNCF. Vous avez raison de poser ces questions : elles doivent alimenter notre réflexion.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, ainsi qu'un grand nombre de vos collègues, du soutien que vous avez apporté au Gouvernement et de votre approbation.
Monsieur Richard, parce que vous êtes un élu de cette grande région d'Ile-de-France et que vos fonctions, dans l'autre assemblée, vous ont amené à réfléchir à ces sujets, vous avez soulevé des questions très difficiles à résoudre, très complexes, qui vont nous appeler - je l'ai dit tout à l'heure - à mener tous ensemble une réflexion. Il s'agit véritablement de problèmes très importants qui nécessiteront, je le pense, au-delà du débat national que nous entamons, que nous menions une autre réflexion ensemble, mais également avec l'entreprise concernée.
D'ores et déjà je peux vous indiquer qu'en ce qui concerne la région d'Ile-de-France la lutte contre la fraude et contre l'insécurité sera au coeur de nos préoccupations. Mme Idrac et moi avons eu de nombreuses discussions à ce sujet avec le président de l'entreprise. C'est une orientation qu'il sera indispensable de suivre. Elle peut être génératrice d'emplois nouveaux.
Monsieur le sénateur, vous avez reconnu la cohérence du schéma d'ensemble, et je vous en remercie.
Pour ce qui est de la région d'Ile-de-France, je tiens à vous confirmer que le cadre institutionnel dans lequel, à l'heure actuelle, est assuré l'ensemble des services ne sera pas modifié même si l'infrastructure doit être transférée au nouvel EPIC.
L'amélioration des transports dans cette région, en termes de fiabilité, de sécurité, de régularité, de propreté, est au coeur de nos réflexions. Nous allons poursuivre les efforts d'investissements qui ont été engagés.
Nous tirerons de la concertation avec l'ensemble des élus qui connaissent bien le problème des transports dans la région d'Ile-de-France des enseignements qui nous permettront d'affronter cette nouvelle étape laquelle sera, je n'ai pas peur de le dire, complexe et difficile. Mais je suis convaincu que nous surmonterons les difficultés.
Monsieur Pastor, je vous remercie de votre contribution à ce débat. Vous avez évoqué un certain nombre de problèmes de fond, en particulier en ce qui concerne la régionalisation. Vous avez également été quelque peu critique à l'égard de notre projet. Je pense qu'il s'agit davantage d'un procès d'intention que d'une critique objective, et je vous donne rendez-vous à l'auromne pour le débat realtif à la mise en place de l'établissement public.
Au terme de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de Mme Idrac et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier du fond du coeur pour votre participation, pour les réflexions et les analyses que vous avez formulées et qui vont enrichir notre travail car, comme je l'ai indiqué voilà un instant en répondant à certains intervenants, nous sommes non pas à la fin mais au début d'un débat. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 465 et distribuée.

9

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. L'importance que revêt la SNCF pour la France, pour les cheminots, pour l'ensemble des Français est si grande que je tiens à exprimer, en tant que petit fils de cheminot, mon regret de n'avoir pu assister au début de la séance de cet après-midi, comme mes collègues membres de la commission des finances, puisque cette dernière était réunie.
Une fois de plus, la concomitance des séances publiques et des réunions de commission a privé nombre d'entre nous de la possibilité d'être présents dans l'hémicycle au moment où ils le souhaitaient.
J'exprime ces regrets, mais je suis heureux néanmoins d'avoir entendu non pas le discours liminaire, mais le discours de réponse de M. le ministre. Je me réjouis de le voir défendre, avec tant d'ardeur et d'intelligence, l'avenir de la SNCF et mériter ainsi la confiance des cheminots. (Applaudissements sur les travées du RPR.)

10

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement reporte à demain mercredi 26 juin à quinze heures la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la présente séance.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour est modifié en conséquence.

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NOMINATION
D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
M. Claude Haut, membre de la commission des affaires économiques et du Plan à la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.

12

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (ensemble trois annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 467, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT D'UNE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu, en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement, une résolution, adoptée par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sur une recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la Communauté européenne (n° E-648).
Cette résolution sera imprimée sous le numéro 466 et distribuée.

14

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion d'un protocole à l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la fédération de Russie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-655 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1997, section III - commission (volume 4).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-656 et distribuée.

15

DÉPÔT D'UN RAPPORT

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Oudin, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 464 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 26 juin 1996 :
A dix heures :
1. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 277, 1995-1996), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.
Rapport (n° 372, 1995-1996) de M. Jean Huchon, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
A quinze heures :
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 464, 1995-1996) fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
3. Discussion de la résolution (n° 441, 1995-1996), adoptée par la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation en application de l'article 73 bis , alinéa 8, du règlement, sur la proposition de révision des perspectives financières présentée par la Commission au Parlement européen et au Conseil en application des paragraphes 11 et 12 de l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure législative (n° E-628).
Rapport (n° 431, 1995-1996) de M. Denis Badré, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
4. Discussion de la résolution (n° 466, 1995-1996), adoptée par la commission de finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en application de l'article 73 bis, alinéa 8, du règlement sur une recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la Communauté européenne (n° E-648).
Rapport (n° 447, 1995-1996) de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
En outre, au cours de la séance de l'après-midi, il sera procédé :
- à la nomination des membres de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi (n° 461, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville ;
- à l'examen d'une demande conjointe des présidents des cinq commissions des affaires culturelles, des affaires économiques et du Plan, des affaires sociales, des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information commune chargée d'étudier les conditions de la contribution des nouvelles technologies de l'information au développement économique, social et culturel de la France.

Délai limite général pour le dépôt des amendements

Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES FINANCES

460 (1995-1996) de Mme Hélène Luc, présentée en application de l'article 73 bis, du règlement, sur une recommandation de la commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de l'article 104 C, paragraphe 7, du traité instituant la Communauté européenne (n° E 438).

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Claude Haut membre de la commission des affaires économiques et du Plan à la place laissée vacante depuis le 3 mai 1996.

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

le président du Sénat a nommé, en application du décret n° 86-201 du 11 février 1986, pour représenter le Sénat au sein du Conseil national du tourisme :
MM. Charles Ginésy, Paul Loridant, Claude Belot, Jean Besson, Ambroise Dupont, en qualité de membres titulaires ;
MM. Bernard Joly, Jacques Chaumont, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Pierre Hérisson, Mme Lucette Michaux-Chevry, en qualité de membres suppléants.