SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. RENÉ MONORY

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale sans débat (p. 1 ).

3. Consultation des débats du Sénat sur Internet (p. 2 ).

4. Rappel au règlement (p. 3 ).
Mme Nicole Borvo, M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques.

5. Entreprise nationale France Télécom. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 4 ).
Discussion générale : MM. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace ; Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Claude Billard, Jean-Luc Mélenchon, François Trucy, René Trégouët, Jacques Machet, Michel Charzat, Philippe Marini.
Clôture de la discussion générale.
Renvoi de la suite de la discussion.

6. Dépôt de rapports du Gouvernement (p. 5 ).

7. Dépôt d'une question orale avec débat portant sur des sujets européens (p. 6 ).

8. Transmission d'un projet de loi (p. 7 ).

9. Dépôt de propositions de loi (p. 8 ).

10. Renvoi pour avis (p. 9 ).

11. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 10 ).

12. Ordre du jour (p. 11 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

présidence de M. René monory

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

retrait de l'ordre du jour
d'une question orale sans débat

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 399 de M. About à M. le ministre de l'intérieur, qui était inscrite à l'ordre du jour de la séance de demain, mardi 11 juin, est retirée.

3

consultation des débats du Sénat
sur internet

M. le président. Mes chers collègues, en ouvrant, il y a quelques mois, son propre serveur sur Internet, le Sénat a poursuivi sa politique d'ouverture grâce à l'utilisation de nouveaux moyens de communication. Lancé officiellement le 6 décembre dernier, le serveur du Sénat s'est enrichi au fil des mois d'une masse d'informations concernant notre assemblée : sa composition, son organisation, son programme de travail.
J'ajoute que nous avons réalisé nous-mêmes ce serveur sans aide extérieure. J'en félicite notre service de l'informatique, qui a su remarquablement s'adapter et mettre en oeuvre cette décision du bureau.
Aujourd'hui, je suis en mesure de vous annoncer qu'un nouveau pas en avant vient d'être franchi : en effet, depuis ce matin, l'intégralité des débats du Sénat en séance publique peut être consultée sur Internet - cela fera plaisir à M. Fillon. Ce nouveau service permettra à tous, et notamment à l'ensemble de la communauté francophone, de suivre nos travaux au jour le jour. (Applaudissements.)

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux.
Le projet de loi relatif à France Télécom dont nous allons discuter a été adopté par le conseil des ministres le 29 mai dernier et déposé ce même jour sur le bureau du Sénat ; la commission des affaires économiques a examiné le rapport au cours d'une réunion, et d'une seule, le 6 juin, et la discussion du texte en séance publique commence aujourd'hui, soit en tout et pour tout douze jours après son dépôt ! Je crois qu'il s'agit d'un record en la matière.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Nicole Borvo. Ainsi, on escamote toute discussion, on gomme toute expression divergente, on veut faire voter les projets à la sauvette.
Monsieur le ministre, les deux projets de loi relatifs aux télécommunications ne méritaient-ils pas mieux qu'un seul examen devant chaque assemblée ?
La procédure d'urgence devient l'usage, au mépris de la prise en compte des opinions des personnes concernées par les textes, car - vous le savez bien - entre deux lectures d'un texte, ce sont les premiers intéressés, à saisir les salariés et les usagers, qui peuvent faire valoir leur point de vue. Pourquoi refuser qu'il en soit ainsi ?
Déjà, lors de la réforme de la sécurité sociale, l'attitude de la majorité a éludé tout débat, par l'application de l'article 49-3 de la Constitution à l'Assemblée nationale et l'adoption d'une question préalable au Sénat.
Pourtant, les chiffres relatifs au déficit de la sécurité sociale montrent qu'un vrai débat n'aurait pas été superflu.
Mais non, vous préférez bafouer les droits du Parlement, vous préférez occulter toute confrontation pour faire passer vos mauvais coups !
Il me semble pourtant que, à diverses reprises, la majorité du Sénat a « décortiqué » les dispositions de certains projets de loi. Je pense, notamment, aux débats qui ont eu lieu sur l'instauration de l'impôt sur les grandes fortunes en 1981 et en 1988. Ils furent abondants, et c'était légitime !
Pour le présent projet de loi, M. le rapporteur aurait procédé à vingt-quatre auditions. Or, ce qui frappe dans le rapport qu'il a déposé sous le numéro 406, c'est l'absence de remarques de la part des organisations représentatives.
Mers chers collègues, je tiens à faire part solennellement de la consternation des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen devant les conditions d'examen de ce texte si important. En effet, un calendrier trop étroit n'en a pas permis un examen sérieux.
Des incertitudes concernant ses aspects financiers et ses conséquences sociales auraient mérité une attention particulière et justifié la saisine des commissions compétentes. La commission des lois, quant à elle, aurait pu être saisie de la constitutionnalité du texte.
Enfin, je voudrais terminer en citant des propos qu'a tenus M. le Président de la République lors de sa campagne électorale :
« De Gaulle proclamait à juste titre que la politique de la France ne se faisait pas à la "corbeille". Pour actualiser son propos, je dirai volontiers qu'elle ne doit pas non plus se faire dans les antichambres. »
Or, par le biais de ce projet de loi, c'est dans les antichambres que vous scellez le sort de France Télécom... au profit de la « corbeille » ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de notre collègue Mme Borvo. Je ferai tout de même remarquer que la rapidité d'étude n'a pas empêché le groupe communiste républicain et citoyen de déposer 102 amendements sur 11 articles ; la réflexion a donc été féconde, même si elle a été brève !
Mme Hélène Luc. Heureusement que nous sommes là !
M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. Je voudrais, par ailleurs, renvoyer Mme Borvo à la lecture des pages 117, 118, 119 et 120 du rapport. Elle y trouvera la liste des personnalités auditionnées et le nom des représentants des organisations syndicales que nous avons entendus.
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans le secret des cabinets !
M. Gérard Larcher, au nom de la commission des affaires économiques. De même, je renvoie notre collègue aux pages 183 et suivantes du rapport d'information que j'ai eu l'honneur de présenter au nom de la commission, en mars dernier. Elle constatera que 200 personnes ont été alors auditionnées, ce qui fait un total de près de 250 auditions.
On ne peut donc pas dire que tout a été décidé dans une antichambre. En revanche, c'est le rôle de la chambre que constitue le Sénat d'examiner le texte aujourd'hui.
Mme Hélène Luc. Ce qui compte, c'est la date du conseil des ministres.

5

ENTREPRISE NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom. [Rapport (n° 406, 1995-1996).]
Mme Hélène Luc. Un lundi après-midi, alors qu'il n'y a presque personne dans l'hémicycle !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut battre le rappel, messieurs !
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace. Monsieur le président, je voudrais confirmer l'excellente qualité du serveur du Sénat. Vous venez de nous dire qu'il allait s'enrichir du compte rendu intégral des séances, ce qui en fera un instrument d'une très grande utilité.
Ainsi, nous allons inaugurer ce service, et je me félicite que ce soit avec un débat relatif à l'avenir de l'opérateur national France Télécom.
Vous venez, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques jours, de voter la loi de réglementation des télécommunications. Nous avons fait le choix de mettre fin au monopole des télécommunications en France et d'ouvrir ce secteur à la concurrence au 1er janvier 1998.
Vous saviez que cette première étape serait, comme je vous l'avais promis, suivie d'une seconde ; celle de la réforme du statut de France Télécom.
Nous y voici : c'est le nécessaire rendez-vous que France Télécom devait prendre avec l'avenir. Si nous nous retrouvons aujourd'hui, c'est, en somme, pour aller jusqu'au bout du choix que nous avons fait en adoptant la loi de réglementation des télécommunications, pour tirer toutes les conséquences pour notre opérateur national de l'ouverture à la concurrence ; réformer le statut de France Télécom, c'est achever, dans les règles de l'art, l'édifice que nous avons commencé de construire.
Il est de notre responsabilité d'apporter cette dernière pierre à l'édifice, car c'est elle qui le fera tenir debout : il y va de l'avenir du service public comme de la capacité de France Télécom à tirer parti de son nouvel environnement, que nous avons dessiné avec la loi de réglementation des télécommunications, de sa compétitivité et de son excellence futures.
Certains nous répondent que sa compétitivité et son excellence sont aujourd'hui quotidiennement vérifiées par les Français et que, dès lors, il est urgent de renoncer à tout changement.
Je suis le premier à partager leur premier constat : oui, nous avons le droit d'être fiers de France Télécom, de ses ingénieurs et de ses agents, qui ont su en faire, à force de talent, d'expertise et de sens de l'innovation, un fleuron de notre industrie et le quatrième opérateur mondial.
Mme Hélène Luc. Il fallait laisser le service public se développer !
M. François Fillon, ministre délégué. Oui, France Télécom se porte bien. Et c'est parce qu'elle se porte bien qu'il faut, dès aujourd'hui, entreprendre les réformes qui permettront à notre opérateur national de continuer de se porter bien au début du xxie siècle.
M. Jean-Luc Mélenchon. Démagogie !
M. François Fillon, ministre délégué. Rester immobile au milieu du gué quand le torrent gronde et enfle sans cesse en amont, en répétant ingénument « jusque-là tout va bien » : voilà ce que prônent ceux qui voudraient que France Télécom se dirige vers un nouvel espace économique et vers un nouveau siècle sans se déplacer, sans évoluer !
M. Michel Charzat. Allons, allons !
M. François Fillon, ministre délégué. Seulement voilà : si France Télécom ne va pas à eux, la concurrence et la modernité technologique auront tôt fait d'aller à elle et de la « rattraper ». La rencontre promet d'être beaucoup plus brutale que si notre opérateur avait fait un pas en avant décidé et offensif. Que ceux qui n'ont pas compris cela à propos d'Air France en un autre temps - ce qui a entraîné les conséquences que l'on sait - se gardent de reproduire aujourd'hui les mêmes erreurs !
France Télécom est désormais à la croisée des chemins,...
Mme Hélène Luc. Continuez la casse !
M. François Fillon, ministre délégué. ... et ce dont il est question, avec le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, c'est de choisir le bon chemin.
Le bon chemin, c'est celui qui permettra à France Télécom de mener une politique d'alliances internationales solides et durables pour partir à la conquête de nouveaux marchés dans un univers marqué par une concurrence rude, concurrence à la hauteur de l'immense enjeu économique que représente, chaque jour un peu plus, le marché des télécommunications.
Le bon chemin, c'est celui qui lui permettra de disposer de la même réactivité, de la même autonomie et de la même souplesse de gestion que ses vingt premiers concurrents mondiaux, tous dotés d'un statut à caractère commercial.
C'est aussi celui qui lui permettra de se positionner en force sur les marchés émergents du multimédia et des réseaux en ligne, secteur dont nous devons pressentir l'extraordinaire développement dans les années à venir.
C'est encore celui qui lui permettra de continuer à créer des emplois, à recruter et à former des jeunes.
C'est, enfin, celui qui lui permettra de continuer d'assurer un service public de qualité pour tous les Français.
Ce chemin, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons le devoir de comprendre qu'il passe par l'évolution du statut de France Télécom, un statut qui lui permette de concrétiser les alliances internationales par des liens capitalistiques, par des échanges de sièges d'administrateurs, un statut qui lui permette d'être géré comme ses concurrents, un statut qui lui permette d'avoir accès aux mêmes ressources pour financer son développement. Ce statut, c'est celui d'une société anonyme.
Les conditions de monopole qui ont fondé la prospérité de notre opérateur national, battues en brèche quotidiennement par les nouvelles technologies et par la mondialisation des échanges, sont appelées à disparaître.
Ce n'est pas un repli frileux derrière une vaine « ligne Maginot » qui donnera à France Télécom l'élan nécessaire pour partir à la conquête de nouveaux marchés. Ce n'est pas le statu quo qui lui permettra d'assurer demain le service public tel que nous le concevons, dans le respect de notre tradition républicaine. Dans un monde ouvert, le refus de l'adaptation à la concurrence signerait, au contraire, le déclin de France Télécom, comme celui du service public, et serait destructeur d'emplois.
C'est pourquoi son statut administratif, conçu naguère dans un cadre protégé, doit être revu. Telle est la condition pour que l'ouverture à la concurrence soit, comme nous devons nous y attendre, une chance pour France Télécom, une nouvelle frontière, synonyme de progrès et de croissance.
France Télécom est désormais confrontée à de multiples défis. Je sais qu'elle a l'ambition de les relever. Il faut maintenant que nous lui donnions tous les moyens de ses ambitions. Car ce défi, loin de concerner exclusivement France Télécom, est bien un défi national. A travers France Télécom, c'est une « carte maîtresse » que la France entend jouer.
Les enjeux, vous êtes très nombreux dans cet hémicycle à les avoir mesurés et compris : je pense notamment à tous ceux qui ont pris le temps de lire l'excellent rapport de Gérard Larcher, dont, vous le constaterez, nous nous sommes très largement inspirés pour élaborer cette réforme.
Je tiens, en cet instant, à saluer la qualité et l'intelligence du travail accompli par la commission des affaires économiques et à rendre hommage à votre rapporteur, dont l'implication profonde et compétente dans ce dossier a été unanimement appréciée.
Vous conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la mise en oeuvre de cette réforme par le Gouvernement ne prend personne, ni dans le principe ni dans la forme, par surprise.
Mme Hélène Luc. Oh ça !
M. François Fillon, ministre délégué. Nous avions depuis longtemps fixé des objectifs, déterminé des principes et des échéances. Nous nous y sommes en tout point tenus.
Il y a près d'un an, en août 1995, j'avais en effet exposé clairement les grandes lignes du projet du Gouvernement s'agissant de l'avenir de France Télécom, ainsi que la méthode que j'entendais suivre pour mener à bien ce projet.
J'avais alors indiqué un objectif clair : donner à France Télécom les moyens, notamment structurels, d'aborder dans de bonnes conditions l'ouverture à la concurrence et la compétition internationale.
J'ai personnellement veillé, au cours du dernier trimestre de 1995, à ce qu'elle ait, dans un premier temps, les moyens de ses ambitions internationales : c'est à cette fin que, par toutes les voies appropriées, j'ai soutenu, à Bruxelles, son alliance avec Deutsche Telecom et, à Washington, son alliance avec Sprint. L'inauguration réusie de ces alliances stratégiques doit nous conforter dans cette conviction : France Télécom saura, si nous la dotons d'un statut propre à sceller durablement ces partenariats, renforcer sa position de premier plan sur le marché mondial.
J'avais également jugé nécesaire que l'équipe dirigeante de France Télécom adhère pleinement à la méthode que j'avais définie, afin que nous avancions d'un même pas vers l'échéance que s'était fixée le Gouvernement.
Il restait, conformément aux objectifs que nous nous étions assignés, à doter notre opérateur national de structures adaptées à la nouvelle donne technologique et économique. C'est cette étape essentielle pour l'avenir de France Télécom comme pour celui du service public des télécommunications que nous abordons aujourd'hui avec ce projet de loi.
Si l'urgence et la nécessité d'une telle évolution ne faisaient d'emblée aucun doute, ma conviction était que le Gouvernement devait procéder à cette réforme pas à pas, avec un souci permanent de dialogue et de négociation. Il s'agissait, en effet, de prendre le temps d'expliquer et de convaincre, plutôt que de décréter prématurément une réforme mal comprise et mal acceptée.
Cette méthode nous a conduits, dans un premier temps, à fixer précisément le paysage réglementaire des télécommunications, tel qu'il sera mis en place à partir de 1998. Mon souci était d'éclairer l'ensemble des acteurs intéressés sur les « règles du jeu » du monde qui sera demain le leur. Estimant que cette clarification était une priorité, j'en avais fait un préalable au changement de statut de France Télécom.
Chacun d'entre vous a encore en mémoire le texte qui vous a été soumis voilà quelques jours et sait la place privilégiée qu'il accorde au service public et à l'opérateur national qui sera chargé de sa mise en oeuvre.
Ce texte est le fruit, vous le savez, d'une très large concertation, qui a permis à tous les acteurs concernés de faire entendre leur voix, aussi bien lors de la consultation publique menée à bien au cours du dernier trimestre de 1995 que lors de l'élaboration du projet de loi, durant le premier trimestre de 1996.
C'est dans le même esprit que nous avons voulu engager la réforme du statut de France Télécom. Le dialogue qui est instauré depuis plusieurs mois avec le personnel de l'opérateur public et les partenaires sociaux répond à notre souhait de les voir participer pleinement à cette démarche constructive. C'est ensemble et pas à pas que nous avons entendu mener à bien une réforme importante pour la nation, tout en restant fidèles à nos convictions.
Certes, toute réforme suscite malgré tout des peurs, des inquiétudes face à un avenir qui pourrait devenir incertain. Rester à l'écoute des préoccupations du personnel de France Télécom, s'efforcer de répondre à ses inquiétudes, telle a été la volonté du Gouvernement. Notre objectif était en effet de rendre cet avenir certain et, pour cela, de donner d'emblée au personnel des garanties fortes, précises, qui répondent au plus près à ses attentes.
Ces garanties, le Premier ministre les a apportées solennellement au personnel dès le 15 mars dernier.
A partir de là s'est engagé au sein de l'entreprise, directement entre les agents et la direction, un dialogue qui a permis de vérifier l'attention et l'intérêt du personnel pour cette évolution et pour les garanties apportées par l'Etat.
Le dialogue a également pu s'engager entre le Gouvernement et certaines organisations syndicales qui, même si elles étaient hostiles au principe, ont considéré que les engagements du Gouvernement valaient la peine de discuter.
De tous ces échanges avec les acteurs intéressés, il est ressorti que ce que redoutait le plus le personnel de France Télécom, c'était l'indécision.
C'est pourquoi ce dialogue s'est prolongé, à travers la large concertation, formelle et informelle, que j'ai engagée sur l'avant-projet de loi, et les garanties qu'il mettait noir sur blanc ont été soumises à nos interlocuteurs au cours du mois de mai.
Vous constaterez aujourd'hui avec eux que le projet de loi ne laisse plus de place à l'indécision : les garanties que le Gouvernement entend apporter au personnel de France Télécom, comme à tous ceux que cette réforme inquiète, sont en effet clairement et formellement inscrites dans le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui.
Je voudrais revenir sur ces garanties en les explicitant.
La première d'entre elles concerne les missions de service public de l'opérateur national : France Télécom restera l'opérateur public chargé d'assurer un service public national des télécommunications de qualité pour tous.
Le projet de loi de réglementation entoure ce rôle de toutes les garanties nécessaires pour assurer sa pérennité, et le texte que je vous présente aujourd'hui confirme, puisqu'il ne modifie pas sur ce point la loi de 1990, les missions de l'opérateur.
La deuxième garantie est celle de la propriété directe et majoritaire du capital de France Télécom par l'Etat.
Si la loi prévoit que France Télécom sera, à compter du 31 décembre 1996, transformée en une entreprise nationale qui aura la forme d'une société anonyme, celle-ci restera une entreprise publique, dont l'Etat détiendra plus de la moitié du capital social. L'Etat conservera également une entière liberté de choix pour nommer le président de France Télécom. Il s'agit donc, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, non de privatiser notre opérateur public, mais bien d'en faire une véritable entreprise nationale.
L'ensemble du personnel, y compris les fonctionnaires, pourra, comme le prévoit explicitement le présent projet de loi, devenir actionnaire de France Télécom et partager ainsi les fruits de l'expansion de l'entreprise.
La troisième garantie est celle du statut des fonctionnaires.
Les agents de France Télécom qui sont fonctionnaires conserveront leur statut de fonctionnaire de l'Etat ainsi que le bénéfice de tous les droits et garanties associés, en particulier la garantie de l'emploi et des droits aux pensions de retraite acquis ou à acquérir.
Non seulement l'Etat garantira le paiement des retraites, mais il continuera à verser directement celles-ci.
L'évolution du statut de l'opérateur national est, rappelons-le, tout entière mise au service d'un objectif : permettre à France Télécom de participer à la concurrence dans les mêmes conditions que les autres acteurs du marché des télécommunications.
Dans cette optique, il est apparu nécessaire que l'évolution du statut s'accompagne de deux réformes : celle des conditions de recrutement et celle des conditions de financement des charges sociales obligatoires.
S'agissant des conditions de recrutement, il convient que la future société anonyme France Télécom puisse, à l'issue d'une période de transition, disposer de la même souplesse de gestion que ses concurrents.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit que France Télécom pourra continuer de recruter par voie externe des agents fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002. Au-delà de cette période de transition, France Télécom pourra faire appel à des fonctionnaires en position de détachement ou de disponibilité, comme toute entreprise publique.
Sur ce point, il nous a paru souhaitable d'organiser une transition ; une période de cinq ans, correspondant à la durée d'un contrat de plan, nous a semblé constituer une solution raisonnable. Les modalités de cette transition, notamment le niveau des recrutements, seront débattues lors de la négociation sur l'emploi qui devra avoir lieu d'ici à la fin de l'année. A l'occasion des premières négociations, le chiffre de 4 500 recrutements a été évoqué.
Par ailleurs, France Télécom pourra recruter librement du personnel employé sous le régime des conventions collectives, sans être tenue au caractère exceptionnel de cette possibilité, qui lui a été reconnue en 1990.
S'agissant des conditions de financement des retraites, le projet de loi vise à maintenir le système de retraite des agents fonctionnaires de France Télécom, tout en prévoyant que les charges sociales obligatoires supportées par l'opérateur seront, à terme, comparables à celles que connaissent les autres entreprises du secteur.
A cet égard, le niveau des charges de retraite est le principal élément à prendre en considération. Or, vous le savez, les hypothèses portant sur l'évolution du niveau de l'emploi comme sur celle de la pyramide des âges de France Télécom montrent que le niveau de ces charges de retraite va connaître une forte progression, au point de devenir asphyxiant, dans les années à venir. Le remboursement intégral des charges de retraite par l'entreprise, qui est le régime actuel, aurait ainsi constitué un handicap insurmontable pour celle-ci ; les charges de retraite doivent, en effet, doubler en francs constants d'ici à 2020 !
Afin de placer France Télécom dans une situation équitable, en la soumettant au même niveau global de cotisations sociales que ses concurrents, le projet de loi prévoit un transfert des charges de retraite des agents fonctionnaires de France Télécom au budget général de l'Etat.
Il s'agit naturellement d'une charge nouvelle et lourde pour l'Etat. C'est pour en diminuer l'importance - et non pour se livrer à un quelconque « tour de passe-passe budgétaire » - qu'il est prévu que France Télécom versera une contribution exceptionnelle à l'État. Cette contribution ne compensera que partiellement la charge incombant désormais à l'État. Son montant sera fixé en 1996 en loi de finances ; son versement pourra être fractionné.
Le montant de cette contribution a fait l'objet d'une polémique, certains pensant qu'il ne serait dicté que par des contraintes budgétaires. Tel ne sera pas le cas, car le Gouvernement a à la fois le souci et la volonté de réussir l'ouverture du capital de France Télécom.
Pour déterminer le montant de cette soulte, des travaux ont été engagés avec l'entreprise et le conseil des banquiers, étant entendu qu'il doit être compatible avec les standards internationaux en matière de bilan des entreprises du même secteur. Ces travaux ne sont pas achevés, mais je peux vous indiquer, notamment pour répondre aux questions posées par le rapporteur, que, selon les premières conclusions, cette contribution exceptionnelle ne dépassera pas 40 milliards de francs, ce qui correspond à l'estimation basse, parmi celles qui ont circulé. Ce sont donc bien les intérêts de l'entreprise qui seront d'abord pris en compte dans cette affaire.
Ce montant correspond aux provisions pour retraites constituées par l'entreprise et au surcoût pour l'Etat, sur dix ans, de la différence entre les pensions versées et la cotisation libératoire perçue dorénavant.
La réforme du statut s'accompagnera d'une politique d'incitation au départ volontaire des personnels en fin de carrière et, en compensation, d'une sensible augmentation du rythme de recrutement, en particulier au profit des jeunes.
Au terme d'une négociation menée au cours du mois de mai, le président de France Télécom a proposé au Gouvernement un mécanime de congés de fin de carrière, qui sera pris en charge par l'entreprise. Applicable pour une période de dix ans et concernant une population de quelque 25 000 agents, il permettrait à ceux qui feraient ce choix de se retirer dès l'âge de cinquante-cinq ans, en disposant d'un salaire s'élevant à 70 p. 100 de leur rémunération globale.
Ce dispositif doit avant tout se traduire par une progression du rythme de recrutement, dont les jeunes seront les premiers bénéficiaires. Ainsi, 3 000 embauches seront effectuées chaque année par France Télécom sur une période de dix ans, contre 1 500 à 2 000 par an en moyenne actuellement. Ce rythme plus soutenu permettra un rééquilibrage très sensible de la pyramide des âges.
Le Gouvernement a donné son accord à ce dispositif. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement afin de permettre à l'entreprise de le mettre en oeuvre sans délai.
Le projet de loi contribue également à mettre en place d'autres garanties essentielles pour le personnel. Elles concernent l'expression des intérêts collectifs, la négociation et la participation des salariés aux fruits de l'expansion mais aussi la gestion des activités sociales. Afin d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel et un pluralisme qui constitue pour les fonctionnaires de France Télécom une garantie essentielle, tout en tenant compte de la proportion croissante de personnel employé sous le régime des conventions collectives, le projet de loi institue un comité paritaire.
Ce comité exercera les attributions confiées aux organismes paritaires de la fonction publique, notamment en matière de recrutement et de statuts particuliers. Il aura également des attributions d'ordre économique concernant l'organisation, la gestion et le fonctionnement général de l'entreprise.
Il permettra ainsi aux agents fonctionnaires et aux agents non titulaires de droit public ou relevant de la convention collective d'être représentés au prorata de leurs effectifs respectifs au sein de l'entreprise.
En matière sociale, nous souhaitons que la conclusion d'accords collectifs, notamment dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, soit privilégiée.
A cette fin, des structures de concertation et de négociation seront établies, après avis des organisations syndicales, tant à l'échelon national qu'à l'échelon local.
Les discussions menées avec les partenaires sociaux, dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, ont montré l'intérêt qu'il y à engager sans délai des négociations au sein de France Télécom en vue d'un accord sur l'emploi qui permette de tirer les conséquences de cette réforme. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité inscrire dans la loi le principe de négociation d'un tel accord avant la création de l'entreprise nationale au 31 décembre 1996.
Cet accord devra notamment porter sur les départs anticipés en fin de carrière, les conditions de recrutement des fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002, la gestion des carrières et l'emploi des jeunes.
Le projet de loi prévoit, enfin, que l'ensemble des personnels de France Télécom, y compris les fonctionnaires, pourront bénéficier de la participation aux résultats de l'entreprise et des plans d'épargne d'entreprise.
Enfin, je voudrais faire le point sur la gestion des activités sociales qui est un sujet sensible.
Les discussions avec les partenaires sociaux, vous vous en doutez, se poursuivent. Il a paru souhaitable de mieux associer les personnels à la gestion des activités sociales, qu'il s'agisse des activités de loisir et de sport, de restauration, de culture, de prévoyance ou de solidarité.
Le groupement d'intérêt public créé en 1990 entre La Poste et France Télécom pour gérer ces activités sociales doit être adapté pour tenir compte de l'évolution des opérateurs et tirer les leçons de plus de cinq ans de fonctionnement.
La concertation engagée sur ce sujet tant avec les employeurs qu'avec les salariés a permis d'élaborer un nouveau mécanisme fondé sur trois principes.
Le premier tend à assurer une représentation forte des personnels dans l'orientation et la gestion des activités sociales.
Le deuxième vise à respecter l'unité du monde associatif des postes et des télécommunications en maintenant le groupement d'intérêt public pour les activités associatives.
Enfin, le troisième a pour objet de créer un cadre de gestion des activités sociales plus économique, propre à chaque opérateur. Ce dispositif fait également l'objet d'un amendement du Gouvernement.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce projet de loi. J'espère vous avoir convaincus qu'à travers cette réforme essentielle, l'Etat est bien décidé à miser sur France Télécom, carte maîtresse de notre pays dans le jeu futur de la concurrence, et non à remettre en cause ses missions et sa place actuelles.
Nous nous efforçons de donner un nouveau souffle à France Télécom en dotant cette entreprise d'un statut qui lui permettra d'aborder le xxie siècle avec la même capacité à innover et à assurer le service public que par le passé. Le Gouvernement veut démontrer - et je suis sûr que vous partagerez ce souhait - qu'il est possible de faire rimer modernité, concurrence et service public dans le respect de nos traditions républicaines.
Cette réforme est l'une des plus importantes que le Gouvernement ait eu à mener, et la conduire à bon port sera un motif de fierté pour tous ses artisans,...
Mme Hélène Luc. Cela dépend du point de vue où l'on se place !
M. François Fillon, ministre délégué. ... de cette fierté que donne le sentiment d'avoir fait le bon choix pour notre pays.
Il vous appartient maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, de partager avec moi ce sentiment en adoptant ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons aujourd'hui à examiner un texte dont le dépôt a été officiellement envisagé pour la première fois, voilà près de trois ans, par le gouvernement issu des élections législatives de 1993.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est bon de le rappeler !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mais, dès 1990, à l'occasion de l'examen de la loi relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, plusieurs voix, dont la mienne, se sont élevées à cette tribune pour soutenir que la transformation de France Télécom en établissement public constituait une action législative inachevée et ne pouvait être qu'une forme temporaire d'adaptation aux mutations extraordinairement rapides du monde des télécommunications.
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas du tout !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Peut-être les responsables de l'époque n'avaient-ils pas dit toute la vérité !
D'ailleurs, s'agissant de la concurrence, la directive n° 90/387 du 28 juin 1990 prévoyait déjà la mise à l'étude d'une directive spécifique fixant les conditions de fourniture d'un service ouvert pour le service de la téléphonie vocale.
M. Jean-Luc Mélenchon. La « mise à l'étude », mon cher collègue !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Le temps a donné raison au Sénat. De fait, le projet de loi dont nous allons débattre a été longuement mûri et a fait l'objet, au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, de deux rapports d'information. Le second en date, L'Avenir de France Télécom : un défi national, édité au début du mois de mars dernier, ne doit pas faire oublier celui qui est intitulé : L'Avenir du secteur des télécommunications en Europe, publié le 30 novembre 1993.
Voilà deux ans et demi, ce rapport proclamait déjà que le changement de statut de notre opérateur téléphonique présentait le caractère d'une urgence stratégique. Il soulignait que l'actuelle structure juridique de France Télécom présente trois inconvénients majeurs : premièrement, elle entrave considérablement sa capacité à nouer des alliances internationales.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas démontré !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Deuxièmement, elle s'isole dans un dialogue singulier avec son autorité de tutelle.
M. Jean-Luc Mélenchon. Et alors ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Troisièmement, elle gêne sa pénétration sur certains marchés étrangers.
MM. Jean-Luc Mélenchon et Michel Charzat. Lesquels ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ce même rapport concluait que cette réforme ne pouvait se faire qu'à deux conditions : « Le capital de la société anonyme à créer devra rester dans le secteur public et le maintien du statut de fonctionnaire des actuels personnels devra être organisé par la loi. »
C'est vous dire aussi à quel point le présent projet de loi est devenu aujourd'hui indispensable au succès de notre opérateur téléphonique et, par là même, de l'ensemble de nos entreprises du secteur des télécommunications dans le monde multimédia de demain.
La commission des affaires économiques l'affirmait voilà encore à peine trois mois dans son rapport d'information. Elle ne peut donc que se réjouir que le Gouvernement ait partagé sa préoccupation.
Le projet de loi constitue en effet à la fois le corollaire du mouvement mondial d'ouverture à la concurrence des activités de télécommunications et, quoi que puissent en penser certains, la garantie du maintien d'un service public des télécommunications fort et consolidé.
Nous avons d'ores et déjà assuré les assises et la pérennité de ce service public avec le projet de loi de réglementation des télécommunications, dont nous avons achevé l'examen voilà quelques jours après y avoir apporté plus de soixante amendements. Il nous reste à en conforter la viabilité économique, et c'est l'objet du projet de loi dont nous abordons la discussion.
Le rapport d'information mettait d'ailleurs très nettement en évidence le lien étroit existant entre la fin des monopoles publics partout en Europe et dans le monde, la consolidation du service public des télécommunications dans notre pays et la nécessaire évolution statutaire de France Télécom.
Je le répète dans cette enceinte de la façon la plus claire, si la France se doit d'adapter le statut de l'entreprise publique de télécommunications, si le Gouvernement le propose, si la majorité de la Haute Assemblée en affirme, je n'en doute pas, la nécessité avec autant de force, ce n'est pas pour nuire à France Télécom.
M. Jean-Luc Mélenchon. On ne peut croire une chose pareille !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Bien au contraire ! C'est pour lui donner les moyens d'une plus grande réactivité dans un monde en perpétuel changement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais prouvez-le une bonne fois !
M. Gérard Larcher, rapporteur. En effet, le secteur des télécommunications est probablement le champ de l'activité humaine qui aura connu les plus profonds bouleversements au cours des dix dernières années.
Jusqu'en 1984, les télécommunications étaient partout cloisonnées en monopoles ou en quasi-monopoles nationaux détenus soit par l'Etat, soit par un opérateur privé assujetti à des obligations particulières, comme AT&T aux Etats-Unis. Depuis, nombre de pays ont entamé une vaste évolution, sur tous les continent, que ce soit en Amérique, en Asie ou en Europe.
Aux Etats-Unis, par exemple, ces changements ont été engagés dès 1984. Voilà douze ans, le monopole du Bell system a été démantelé en huit entités et la concurrence introduire à l'échelon international.
En Grande-Bretagne, c'est aussi en 1984 que le monopole de British Telecom, devenu aujourd'hui BT, a commencé à être battu en brèche.
M. Jean-Luc Mélenchon. Par qui ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'an dernier, le statut de Deutsche Telekom a, lui aussi, été modifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Par les libéraux, vos amis !
Mme Hélène Luc. C'est votre logique, monsieur Larcher, mais ne dites pas que c'est bien pour la France !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je ne rappellerai pas le chemin parcouru au sein de la Communauté européenne depuis qu'en 1984 la Commission de Bruxelles a décidé de rédiger un Livre vert sur les télécommunications.
Comme nous l'avons souligné la semaine dernière, l'ensemble des gouvernements français, quelle que soit leur sensibilité politique...
M. Jean-Luc Mélenchon. Non !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... ont donc accompagné ce mouvement, initié dans le cadre de l'Acte unique.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, ce n'est pas acceptable ! C'est une mystification !
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'environnement international des télécommunications est désormais entré dans une phase de mutation accélérée, que cela plaise ou non à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Non, cela ne me plaît pas !
M. Jean Chérioux. M. Mélenchon a la mémoire courte !
M. Jean-Luc Mélenchon. Au contraire !
M. le président. Messieurs, je vous en prie !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Alors que les négociations sur la libéralisation du secteur sont en cours au sein de l'Organisation mondiale du commerce, les alliances et les partenariats internationaux se multiplient.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous capitulez par à-coups !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Parmi eux, on peut citer Concert, qui regroupe BT et l'américain MCI, mais aussi Uniworld, associant AT&T et ses partenaires de World Partners, le japonais KDD et Singapore Telecom, et les Européens regroupés au sein d'Unisource, à savoir le suédois Télia, les opérateurs historiques néerlandais, suisse et espagnol,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Et alors ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... sans parler des fusions et échanges de capitaux. Citons, tout dernièrement encore, l'annonce d'un projet de regroupement entre Nynex et Bell Atlantic, deux compagnies régionales américaines issues du démantèlement d'AT&T...
M. Jean-Luc Mélenchon. Un monopole !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... et qui, à elles deux, pèsent autant que France Télécom. Voilà les réalités auxquelles nous devons nous frotter.
Rappelons aussi le rapprochement entamé entre France Télécom et Deutsche Telekom au sein d'Atlas,...
M. Michel Charzat. Et alors, ça marche ! Ce n'est pas mal !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... leur association avec Sprint dans une filiale présente sur tous les continents, ainsi que l'évolution statutaire décidée l'an dernier par Deutsche Telekom.
MM. Michel Charzat et Jean-Luc Mélenchon. Cela n'a rien à voir avec le statut !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Pour mieux s'insérer dans ce jeu désormais mondial, France Télécom doit disposer d'un statut adapté qui lui permette de disposer d'un capital propre et de nature à consolider, par des échanges et des prises de participation, les accords déjà noués.
France Télécom a tous les atouts pour être un très grand opérateur mondial, mais, pour réussir, l'entreprise a besoin que nous la dotions des armes juridiques et du capital à même d'assurer sa réussite.
Figurant au quatrième rang des vingt premiers opérateurs mondiaux,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas parce que vous criez que cela démontre quoi que ce soit !
M. Michel Charzat. C'est la même chose à EDF !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... notre opérateur serait-il le seul à ne pas avoir la forme d'une société commerciale ?
MM. Michel Charzat et Jean-Luc Mélenchon. Et alors ? Pourquoi pas ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Des plus grands, comme NTT au Japon, AT&T aux Etats-Unis, aux plus modestes, comme Télmex au Mexique, tous les opérateurs qui comptent disposent, ou vont disposer de facultés dont est privée France Télécom, la faculté de regrouper ses forces avec celles d'autres partenaires stratégiques par des échanges de capitaux, d'abord, la faculté de faire appel aux marchés financiers sans avoir recours à l'endettement, ensuite,...
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... la faculté, enfin, de disposer, au sein de son conseil d'administration, de voix capables de s'élever contre les comportements hégémoniques, et parfois erratiques, de l'unique propriétaire, y compris pour les investissements dans le domaine de l'assurance.
M. Jean-Luc Mélenchon. On fera le bilan !
M. Gérard Larcher, rapporteur. De toutes ces nouvelles libertés, à même de favoriser son développement et son autonomie, l'entreprise pourra bénéficier avec le statut de société anonyme.
Pourtant, doter l'entreprise France Télécom d'un statut de droit privé ne signifie nullement la privatiser ! M. Jean-Luc Mélenchon. Oh ! Enfin !
Mme Hélène Luc. Appelez les choses par leur nom, monsieur le rapporteur !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ce n'est pas que de la sémantique ! D'ores et déjà, la Haute Assemblée vient d'adopter un texte de consolidation du service public qui confie à France Télécom la fourniture du service universel sur tout le territoire.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous savez bien que c'est tout le contraire !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous souhaitons que l'Etat reste le garant du devenir de notre opérateur public. Le projet de loi le précise explicitement dans son article 1er, qui dispose que l'Etat doit détenir directement plus de la moitié du capital social.
La loi n'est d'ailleurs pas la seule à offrir une telle garantie, puisque le neuvième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, cité par le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 et considéré par le Conseil constitutionnel comme faisant partie intégrante du corps de règles que le législateur se doit de respecter, dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Venant de réaffirmer le rôle de France Télécom au sein du service public, il est donc logique que nous posions aujourd'hui l'exigence du maintien de la détention majoritaire de France Télécom par l'Etat.
Autre garantie de la pérennité de l'engagement de l'Etat : le maintien de fonctionnaires au sein de l'opérateur public. Le Conseil d'Etat, dans son avis du 18 novembre 1993, a posé comme condition que le capital de France Télécom reste majoritairement détenu par l'Etat.
Que l'on n'aille donc pas affirmer qu'il s'agit aujourd'hui d'une loi de privatisation ! Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une loi de « sociétisation », qui procède par modification de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications. En définitive, nous donnons aujourd'hui à notre opérateur de télécommunications un statut juridique similaire à celui dont, en 1937, le gouvernement d'alors avait doté la SNCF.
Alors, de grâce, que l'on utilise les vrais mots et que l'on cesse d'affirmer ce qui n'est pas !
Après de très nombreuses auditions et des discussions approfondies qui ont été fondées sur un travail de longue haleine commencé au début du mois de novembre 1995, la commission des affaires économiques a, vous le savez, défendu depuis le mois de mars dernier, à propos de l'évolution de France Télécom, des thèses que consacre le présent projet de loi.
Le texte prévoit la création d'une entreprise nationale France Télécom, majoritairement détenue par l'Etat, et le transfert de l'ensemble des biens, droits et obligations de France Télécom, à l'exception de ceux qui sont liés à l'enseignement supérieur des télécommunications, à cette entreprise avant le 31 décembre 1996.
Ce texte maintient - c'est important - la possibilité de conclusion d'un contrat de plan entre France Télécom et l'Etat.
Il met en place un conseil d'administration de vingt et un membres répartis en trois collèges de sept membres ; la composition actuelle du conseil sera maintenue jusqu'au 1er janvier 2001.
M. Jean-Luc Mélenchon. Des figurants !
M. Gérard Larcher, rapporteur. La loi instaure au profit de l'Etat un droit d'opposition à la cession ou à l'apport d'actifs pouvant faire obstacle à la bonne exécution des missions de service public confiées à l'entreprise, afin de garantir la bonne exécution et la continuité de ces missions.
En outre - c'est une disposition essentielle pour le personnel - le projet de loi prévoit la garantie du maintien du statut de fonctionnaire ainsi que les droits des contractuels et la possibilité de procéder à des recrutements externes de fonctionnaires en position d'activité jusqu'au 1er janvier 2002.
L'Etat, tout comme la commission l'avait préconisé, prendra en charge les pensions de retraite des agents fonctionnaires de France Télécom, en contrepartie de quoi l'entreprise versera une contribution « employeur » à caractère libératoire et une contribution exceptionnelle, sur laquelle je reviendrai dans quelques instants.
S'agissant du dialogue social et de la participation, thèmes figurant au coeur des travaux préalables de la commission, la loi institue une commission paritaire de conciliation et définit six grands thèmes de négociation sociale : le temps de travail, les conditions de recrutement des fonctionnaires, la gestion des carrières des fonctionnaires et contractuels, les départs anticipés du personnel, l'emploi des jeunes et l'évolution des métiers.
Enfin, l'article 8 du texte étend aux salariés de France Télécom le bénéfice de la législation sur la participation et de l'actionnariat du personnel, tandis que son article 9 ouvre 10 p. 100 du capital de France Télécom aux salariés de l'entreprise.
Vous le voyez, mes chers collègues, le projet répond aux préoccupations exprimées, en mars dernier, par la commission des affaires économiques, qu'il s'agisse du dialogue social, du traitement équitable des charges de retraite, du maintien du statut de fonctionnaire et de la détention majoritaire par l'Etat.
Aussi la commission, fidèle à elle-même et à ses conclusions, ne vous proposera-t-elle, mes chers collègues, que peu d'amendements.
Lors de l'examen du texte, elle a particulièrement concentré son attention sur trois points.
Sa réflexion a porté, tout d'abord, sur la nécessité de doter France Télécom d'un statut qui lui permette de gagner, sur le marché tant intérieur qu'extérieur.
Le projet de loi prévoit que l'entreprise aura un capital détenu dans un premier temps à 100 p. 100 par l'Etat. Dans le même sens, la loi prévoit le rapprochement du niveau des charges sociales pesant sur France Télécom et sur les autres entreprises du secteur. Ne faudra-t-il pas, d'ailleurs, que France Télécom paie, à terme, sa taxe professionnelle non pas à l'Etat mais aux collectivités locales, comme le rappelait jeudi dernier notre collègue M. Pierre Hérisson ?
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous avons, sur ce sujet, entendu la réponse du Gouvernement. Nous attendons le débat sur la fiscalité, notamment sur la taxe professionnelle.
De même, la commission a souhaité la pérennité des futures alliances capitalistiques et afficher une volonté de transparence à même de dissiper toute rumeur néfaste sur les marchés. Elle vous proposera un amendement garantissant les droits des actionnaires minoritaires et leur permettant de siéger au conseil d'administration. Je l'ai déjà dit en commission, y aurait-il meilleure garantie de la solidité de l'alliance entre France Télécom et Deutsche Telekom, alliance qui peut être la colonne vertébrale de demain, que de voir le président de Deutsche Telekom siéger au conseil d'administration de France Télécom et le président de France Télécom siéger au conseil d'administration de Deutsche Telekom,...
Mme Hélène Luc. Ben voyons !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... une fois que ces deux entreprises auront échangé une portion de capital, voire avant ?
Mme Hélène Luc. C'est cela, le respect de la souveraineté nationale ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Pour ma part, je le souhaite fortement et l'appelle de tous mes voeux.
Le deuxième axe de réflexion de la commission a concerné le statut du personnel et la nécessité d'un dialogue social renouvelé dans l'entreprise. La commission se satisfait de voir figurer la mention des départs volontaires anticipés et de l'emploi des jeunes au menu de cette négociation sociale. Elle l'avait elle-même proposé,...
Mme Hélène Luc. Ça oui ! Vous pouvez en parler de l'emploi des jeunes !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... tant il lui était apparu que la pyramide des âges de France Télécom était préoccupante. L'âge moyen y est, en effet, proche de 43 ans. Ainsi, 25 000 à 30 000 départs volontaires en préretraite à 55 ans et plus sont possibles, compensés par autant d'embauches de jeunes. Ils marqueront le retour à une pyramide des âges plus favorable et constitueront une forte action pour l'emploi des jeunes.
Mme Hélène Luc. Et, au départ, des suppressions d'emplois !
M. Gérard Larcher, rapporteur. En ce qui concerne les droits du personnel, la commission a également souhaité que soient précisées, au cours de nos débats, les modalités de gestion des oeuvres sociales communes à La Poste et à France Télécom, qui sont actuellement regroupées au sein d'un groupement d'intérêt public.
Vous nous avez déjà un peu éclairés sur ce point, monsieur le ministre. Je souhaite que l'unité du monde associatif puisse être respectée, en même temps que seront mises en oeuvre les nécessaires adaptations des oeuvres sociales aux réalités de gestion des deux entités.
S'agissant de l'actionnariat du personnel, la commission a tenu à vous proposer, mes chers collègues, d'ajouter à la liste des points faisant l'objet des négociations sociales les conditions d'attribution favorisées de la part de capital proposée aux salariés. L'exemple allemand pourrait être médité. En effet, chez notre voisin, les mises de fonds des salariés pour l'achat d'actions de leur entreprise ont été abondées par l'entreprise elle-même et des mécanismes de prêt ont été mis en place ainsi qu'une garantie sur la valeur du titre.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est acheter les gens !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Enfin, la dernière préoccupation de la commission a trait à l'importante question des retraites des agents fonctionnaires de France Télécom.
Le système retenu par le Gouvernement correspond aux propositions que la commission des affaires économiques avait formulées. C'est l'Etat qui financera les retraites, ce qui correspond, sur toute la durée de son engagement, à une charge de plus de 200 milliards de francs. En compensation, l'entreprise versera une cotisation libératoire couvrant une part importante de cette charge.
Les substantielles recettes que permettra la « sociétisation » compenseront, dans les prochaines années, une forte partie du solde de cette dette à long terme. L'engagement financier de l'Etat n'en demeure cependant pas moins très significatif.
C'est pourquoi le versement d'une contribution exceptionnelle àla charge de l'entreprise est envisagé dans le texte. Son montant sera fixé dans le projet de loi de finances pour 1997. Selon moi, son paiement devrait être étalé sur trois ans au minimum.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de me faire l'écho de l'inquiétude d'un grand nombre de mes collègues et du personnel de l'entreprise à l'annonce par la presse, voilà quelques semaines, de chiffres exorbitants. Laissez-moi rappeler la nécessité de la poursuite du désendettement de l'entreprise, 120 milliards de francs de dettes ayant été laissés à sa charge en 1990, et du respect de l'objectif fixé à cet égard par le contrat de plan en cours. A l'issue de ce dernier, il était prévu une dette de 48,2 milliards de francs.
N'oublions pas non plus le montant considérable que représentent les anciennes factures téléphoniques des ministères, qui n'ont pas été payées, la plupart depuis trois ans.
N'allons pas ternir le bilan de notre entreprise nationale France Télécom et diminuer sa valorisation boursière par l'exigence d'une contribution par trop élevée !
Surtout, sachons éviter que des appétits budgétaires à court terme n'occultent tout ce que France Télécom, entreprise nationale, pourra apporter aux finances publiques dans l'avenir. Ces dernières années, n'oublions pas que, à chaque exercice, ce sont environ 16 milliards de francs que France Télécom a apportés à l'Etat sous forme d'impôts et de bénéfices.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est bien, non ?
Mme Hélène Luc. Dès lors, pourquoi changer ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Prenons donc garde à ne pas tarir cette source de richesse au nom d'une conception très restrictive de l'intérêt bien compris de l'Etat et de la nation.
Ces priorités étant exprimées, la commission approuve pleinement les orientations du texte, qu'elle avait, comme je l'ai déjà dit, appelées de ses voeux, et tracées largement en mars dernier.
Le choix du texte est, en effet, un parti courageux : celui d'affronter l'avenir et de s'y préparer. La commission ne peut que l'approuver, d'autant que la France a la chance de disposer d'un atout essentiel, qui doit sortir renforcé du vote du projet de loi qui nous est soumis.
Cet atout, c'est France Télécom et son personnel qui a forgé, tout au long de trois décennies, une entreprise performante. C'est à lui que je m'adresserai en lui disant qu'il ne doit pas avoir peur.
Mme Hélène Luc. Vous ne l'avez pas rassuré !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il se mobilise !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il faut aujourd'hui, parce que la situation internationale a changé, parce que la fin des monopoles est venue, qu'il ait confiance pour franchir, comme au pont d'Arcole...
M. Jean-Luc Mélenchon. Quel passéiste ! Qu'est-ce que le pont d'Arcole vient faire là-dedans ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... la rivière, ce qui nous permettra d'être parmi les meilleurs mondiaux des télécommunications. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 42 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 35 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Mes chers collègues, après avoir, la semaine dernière, fait adopter par la majorité sénatoriale le projet de loi de réglementation des télécommunications, qui met fin au monopole de France Télécom à partir du 1er janvier 1998, le Gouvernement nous demande aujourd'hui, dans la foulée et dans l'urgence, de lui donner les moyens juridiques de démanteler l'entreprise nationale France Télécom.
Au motif que le statut actuel de France Télécom, qui est assimilable à celui des établissements publics industriels et commerciaux, serait dépassé, l'exposé des motifs de votre projet de loi, monsieur le ministre, laisse clairement apparaître vos motivations. En effet, pour que France Télécom puisse « jouer un rôle mondial », pour qu'elle puisse « affronter la compétition avec les mêmes atouts que ses concurrents », vous prétendez qu'il faut permettre « la conclusion d'alliances stratégiques durables » et ne pas priver France Télécom de « la mobilité stratégique et financière dont disposent ses compétiteurs ».
On ne saurait mieux dire quelle est votre volonté : en choisissant le statut de société anonyme, donc le statut de droit commun, il s'agit de transformer le service public en une multinationale ordinaire, insérée dans la guerre économique dévastatrice qui est menée à l'échelle planétaire et ouverte à la pénétration des capitaux privés.
Vous justifiez donc, pour une large part, la nécessité de changer de statut par la volonté de s'adapter à la concurrence.
La concurrence, avec ses vertus supposées, est un lieu commun de la pensée unique. Elle vient récemment encore d'être magnifiée par le Président de la République et par M. Kohl dans le communiqué final du sommet franco-allemand de Dijon, où il est souligné que la concurrence « fait partie des intérêts de la Communauté ».
Le développement de la concurrence ne serait pas en soi une mauvaise chose si celle-ci avait pour objet d'améliorer un service rendu à l'usager et si la collectivité nationale y trouvait son compte. Mais ce n'est pas le problème qui se pose à France Télécom aujourd'hui : le téléphone fonctionne très bien en France et l'opérateur public, quatrième opérateur mondial, est tout à fait compétitif et efficace.
Encore une fois, cette argumentation sur les bienfaits de la concurrence est une idée reçue, un dogme devant lequel il faudrait s'agenouiller.
L'un des lieux communs du discours ambiant sur la concurrence internationale dans les télécommunications est que celle-ci serait la conséquence inéluctable de la mondialisation de l'économie et des évolutions technologiques. Les grands bénéficiaires en seraient les consommateurs, du fait des baisses de prix, les salariés, par suite du développement de l'activité, et les entreprises, du fait de l'accélération des innovations.
Mais la vérité est tout autre. Il n'y a aucun lien autre que théorique entre accentuation de la concurrence et baisse des prix. Compte tenu des progrès réalisés en informatique, de l'électronisation des centraux, de la généralisation de la filière optique et des effets de « réseau », les coûts techniques des opérateurs de télécommunications baissent de manière continue et spectaculaire depuis une vingtaine d'années. La traduction en termes de tarifs n'est, ensuite, pour l'essentiel, qu'une question d'arbitrage entre l'avidité des actionnaires et la volonté d'investissement à long terme.
Concurrence ou non, les prix des services des télécommunications ont globalement tendance à baisser. Enfin, la déréglementation à laquelle vous tenez tant, monsieur le ministre, a pour effet de répartir différemment les bénéfices des baisses tarifaires à l'avantage des gros utilisateurs au détriment des usagers domestiques.
L'internationalisation de la concurrence ne peut donc modifier en profondeur ce phénomène. Il y aura formation de quatre ou cinq gros conglomérats à l'échelon international, qui, après quelques années, se partageront les marchés et trouveront un accord pour éviter une guerre tarifaire. C'est ainsi que les opérateurs longues distances aux Etats-Unis pratiquent depuis deux ans et en choeur des augmentations de leurs tarifs interurbains.
Les salariés, pour leur part, n'ont pour l'instant constaté aucune augmentation de leur revenu, ni une amélioration du marché de l'emploi. D'après l'OCDE, le secteur des télécommunications perd environ 1 p. 100 de ses emplois par an depuis dix ans.
En ce qui concerne l'innovation, France Télécom, jusqu'à présent exploitant public chargé d'un service public, a su rester dans le peloton de tête des opérateurs sur le plan technologique grâce, notamment, aux équipes du CNET, le Centre national d'études des télécommunications. A tel point que M. Leon Brittan, lorsqu'il était commissaire européen à la concurrence, ne cachait pas que la bonne tenue de l'opérateur français était l'obstacle principal au développement des idées libérales dans le secteur des services de télécommunications.
M. Jean-Luc Mélenchon. Quel aveu !
M. Claude Billard. Non, cet argument de la concurrence ne tient pas. Pas plus, d'ailleurs, que ne tient celui de la nécessité de changer de statut pour pouvoir passer des alliances. En quoi le statut actuel de France Télécom serait-il un handicap pour une stratégie de partenariat international ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Claude Billard. Ce statut ne l'a pas empêché de devenir, par exemple, opérateur des télécommunications mexicaines et argentines, et de réaliser une alliance en bonne et due forme avec Deutsche Telekom et l'américain Sprint...
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
M. Claude Billard. ... dans le cadre de l'accord Global One, avec une prise de participation de 10 p. 100 dans le capital de l'américain.
Non, ce n'est pas non plus le statut qui empêcherait la conclusion d'alliances stratégiques.
La vérité, c'est que vous voulez tout simplement permettre à des capitaux privés de pénétrer dans un secteur où il y a de l'argent, beaucoup d'argent, à faire.
Les 39 p. 100 qui seraient mis sur le marché ou cédés de gré à gré le seraient assurément aux partenaires de l'alliance Atlas regroupant France Télécom, Deutsche Telekom et Sprint. Et l'on sait bien que Deutsche Telekom, en voie de privatisation, souhaite depuis belle lurette le changement de statut de l'opérateur français.
C'est à eux que vous voulez faire place au détriment de l'intérêt national. De même pour Sprint qui, usant de l'alliance Atlas comme cheval de Troie, voit d'un bon oeil la pénétration de capitaux américains dans le capital de l'opérateur chargé des missions publiques et du service universel. Même s'ils étaient pour quelques années minoritaires, il reste difficile de contester que ces capitaux privés, étrangers, pèseront lourd dans les décisions de politique nationale en matière de télécommunications.
Alors, quel bénéfice y aurait-il à un changement de statut et pour qui ? S'agit-il de procéder comme de nombreux autres opérateurs de pays étrangers, qui, hier encore, étaient dotés d'un statut d'organisme public ? Les résultats en matière de tarifs, de qualité du service rendu et d'emploi devraient plutôt vous inciter à la prudence !
S'agit-il de rendre la gestion de France Télécom plus autonome par rapport à sa tutelle et plus efficace ? Cela reste à prouver.
S'agit-il d'attirer les investisseurs et de les associer au financement des nouveaux réseaux ? Mais sur ce point, les experts en investissements privés demeurent réservés tant que la question des dettes de France Télécom et celle des pensions de retraite de ses agents ne sont pas tranchées.
A ce propos, le transfert de ces dettes à la charge du budget de l'Etat irait à l'encontre de la réduction des déficits publics, qui est justement l'une des obsessions du Gouvernement. Avancer dans la voie de la privatisation de l'un des fleurons du patrimoine national se traduirait par un faible rapport pour les finances publiques, ne serait-ce que parce que France Télécom sera tenu de verser plusieurs milliards de francs à l'Etat pour le paiement des retraites des fonctionnaires, ce qui va considérablement dégrader son bilan et, par conséquent, son image auprès des acheteurs potentiels.
Nous pouvons nous interroger sur l'affirmation, à l'article 10 du projet de loi, selon laquelle « le bilan de l'exploitant public au 1er janvier 1996 pourra prévoir l'imputation sur la situation nette des charges exceptionnelles prévues par la présente loi ». Cette formulation quelque peu hermétique n'indique-t-elle pas simplement que les dizaines de milliards de francs remboursés par France Télécom à l'Etat pour le paiement des retraites serviront de prétexte à l'abaissement du niveau de la future action, et donc au bradage de l'entreprise publique ?
S'agit-il encore de permettre de se lancer dans la compétition internationale ? Cela se ferait au prix d'un recul sur le plan national, au détriment de l'intérêt de la majorité des usagers, et ce n'est donc pas la mission d'un service public.
Enfin, faut-il rappeler que l'argument de la possibilité de nouer des participations croisées avec d'autres opérateurs est tout à fait contestable en raison même des risques de tels accords, comme le prouvent d'innombrables exemples, et encore tout récemment le comportement du partenaire actuellement privilégié qu'est Deutsche Telekom, lequel est désormais très peu pressé.
En réalité, la transformation de France Télécom en société anonyme ne servirait que des intérêts privés. Ce changement générerait immanquablement pour l'exploitant un comportement et des contraintes en contradiction avec les missions de service public.
M. Jean-Luc Mélenchon. Evidemment !
M. Claude Billard. Vous voulez rassurer en prétendant que, avec 51 p. 100 du capital, l'Etat restera maître du destin de l'entreprise. Vous savez pertinemment que, dès l'instant où des capitaux privés entrent dans une entreprise de service public, c'est la contrainte de la rentabilité financière qui s'impose sur tout,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Evidemment !
M. Claude Billard. ... sur les choix d'investissements, sur les choix commerciaux et financiers, sur les choix de gestion, sur les salaires, sur les conditions de travail, sur l'emploi, sur les programmes de formation, sur la recherche.
Par ailleurs, la démonstration a été faite que la propriété de l'Etat ne suffit pas à garantir la transformation du contenu de la gestion d'une entreprise : il y faut le développement de la démocratie, des droits nouveaux et accrus d'intervention des salariés, de nouveaux rapports des établissements avec les organisations syndicales et les élus, notamment locaux et régionaux. Le régime de droit commun des sociétés anonymes dans lequel vous voulez faire entrer France Télécom est incompatible avec les besoins majeurs du service public.
Cette maîtrise de l'Etat ne sera d'ailleurs que provisoire. En effet, dans quelques années, comme nous l'avons vu tout récemment avec Renault, un artifice juridique permettra la privatisation totale.
A la fin de 1990, le gouvernement de M. Rocard transformait Renault en société anonyme ; en 1994, sous M. Balladur, c'était l'ouverture au privé du capital, dont l'Etat détenait 52 p. 100 ; dix-huit mois plus tard, le gouvernement actuel décidait de céder 6 p. 100 de ses parts. Le tour était joué !
M. Jean-Luc Mélenchon. Bien sûr !
M. Claude Billard. Gageons que l'on utilisera alors les mêmes arguments pour indiquer que le marché nécessite la privatisation de France Télécom et qu'il n'est plus possible de conserver une société dans laquelle l'Etat est majoritaire.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. Claude Billard. Face à l'hostilité massive du personnel et des organisations syndicales au changement de statut, corollaire de la déréglementation, vous tentez de rassurer.
En soulignant, à l'article 5, que France Télécom pourra continuer à recruter des fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002, vous donnez la désagréable impression d'essayer d'acheter la paix sociale.
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
M. Claude Billard. Visiblement, cet article et ceux qui sont relatifs au maintien d'un contrôle direct et majoritaire de l'Etat et du statut de fonctionnaire pour les agents en poste sont autant d'éléments visant à désamorcer les craintes et l'hostilité des personnels de l'opérateur vis-à-vis du changement de statut et de la privatisation partielle.
Mais qui peut sérieusement penser que les actionnaires d'une société cotée en Bourse accepteraient durablement que la majorité du personnel continue, par exemple, à bénéficier de la garantie de l'emploi et d'un régime de retraite plus favorable que celui qui est prévu par le code du travail ? Ils ne manqueraient assurément pas d'expliquer qu'il s'agit là d'une insupportable contrainte faussant les conditions de la concurrence.
Le fait que le projet de loi évoque la possibilité et non l'obligation de poursuivre ces recrutements suscite légitimement l'inquiétude parmi les agents.
On leur annonce des créations d'emplois, mais tout le monde sait que les départs en préretraite seront loin d'être réellement compensés et que, par ailleurs, ceux qui le seront ne le seront pas totalement par des postes de fonctionnaires.
Les jeunes arrivants seraient ainsi moins bien rémunérés, ils bénéficieraient de moins de droits et d'une protection sociale moins efficace que les fonctionnaires effectuant des tâches similaires ou identiques. Vous espérez ainsi, manifestement, diviser les salariés de France Télécom entre eux en organisant l'injustice sociale au sein de l'entreprise.
Ce n'est certainement pas un bon calcul. La réaction des traminots de Marseille à l'existence, au sein d'une même entreprise, d'un double statut en est l'illustration.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Claude Billard. Le changement de statut de France Télécom, l'ouverture de son capital au secteur privé auront également des conséquences néfastes pour l'entreprise et pour ses personnels du fait du mode de financement des retraites envisagé.
Il est en effet prévu que l'Etat reprenne à son compte le paiement des pensions des agents. En contrepartie, l'entreprise devrait lui verser une somme considérable sur plusieurs années. Force est de constater que, tel qu'il est exposé, ce système flou et incertain ne comporte aucune garantie sur la durée puisqu'il est lié à la santé financière de France Télécom et risque d'être très vite déconnecté de la fonction publique pour se rapprocher du régime général.
En outre, avec la déréglementation, la dette de France Télécom s'aggravant, on peut avoir quelque inquiétude sur le plan social. En effet, la seule certitude immédiate, c'est l'augmentation de la dette et des prélèvements : aux 90 milliards de francs de dette financière actuelle va maintenant s'ajouter une soulte dont on vient de nous dire qu'elle pourrait s'élever à 40 milliards de francs.
Voilà une situation que ne manqueraient pas d'exploiter les actionnaires privés en exerçant de nouvelles pressions sur les emplois et les salaires !
Il est d'ores et déjà acquis que l'entreprise devra emprunter pour payer la soulte correspondant au transfert à l'Etat d'une partie des charges de retraite.
L'entreprise va donc s'endetter pour financer les retraites de ses agents ! On est bien loin des objectifs ambitieux de désendettement fixé par l'Etat dans le cadre du contrat de plan.
Ce système comporte de véritables effets pervers. Les versements de France Télécom au budget risquent d'être utilisés non pas pour payer au fur et à mesure les retraites des agents, mais pour régler les dépenses courantes de l'Etat. Une contribution pouvant atteindre 40 milliards de francs pourrait ainsi être détournée et on obligerait l'entreprise à s'endetter à hauteur de 30 milliards de francs, ce qui ne peut manquer de pénaliser lourdement son fonctionnement.
Monsieur le ministre, vous vous apprêtez donc à démanteler le service public, dont le seul tort est probablement d'avoir trop bien réussi, au point d'exciter la convoitise des groupes privés et des marchés financiers internationaux. En quarante ans, les PTT, puis France Télécom n'ont-ils pas assuré l'équipement téléphonique du pays, développé de nouveaux services aux entreprises et aux particuliers, permis de nombreuses réussites technologiques et industrielles qui placent la France au premier rang des nations pour la téléphonie, garanti la qualité des liens établis entre le service public, la recherche du CNET, le Centre national d'études des télécommunications, et l'industrie ?
Enfin, France Télécom bénéficie aujourd'hui d'une situation financière saine dégageant des excédents malgré les prélèvements effectués par l'Etat et la charge importante de la dette en résorption.
Au-delà de l'opposition des personnels et des craintes de nombreux usagers, il y a autour de cette question des télécommunications un véritable enjeu de société. Les formidables atouts que recèle la révolution scientifique et technologique seront-ils mis au service du droit à la communication et à l'information pour tous ? L'accès aux outils modernes de liaison et de formation favorisera-t-il, pour le plus grand nombre, l'aspiration à mieux maîtriser son avenir et à intervenir sur les choix de société ? Bref, sera-t-elle entendue, cette exigence de démocratie et d'intervention, comme cela pourrait être considérablement facilité par les apports technologiques nouveaux et les points d'appui nationaux que constituent le service et la recherche publics ?
Les réponses à ces questions dépendent des orientations, véritables choix de société, mises en oeuvre dans la période actuelle.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant, monsieur le ministre, que nos réponses sont à l'opposé des dispositions que vous préconisez.
Nous pensons que, dans la situation actuelle, pour répondre aux défis de notre époque, il est nécessaire de confier l'ensemble des missions de service public à un organisme public doté des moyens correspondants.
Les raisons sont diverses.
Elles tiennent tout d'abord au souci de la cohérence profonde de ces missions.
Par ailleurs, si l'on considère que la mission essentielle est d'assurer partout sur un territoire national l'accès aux services de télécommunications pour tous, la mise en oeuvre d'un réseau unique d'infrastructures est la source d'économie d'échelle. A l'inverse, la gestion de réseaux multiples construits indépendamment les uns des autres, serait une source de gaspillage et de difficultés sans fin pour les utilisateurs.
Ces raisons tiennent aussi à l'importance capitale de la maîtrise nationale et publique des réseaux de communication d'intérêt général.
Il va de soi que cette exclusivité des missions de service public, ce monopole de service public tant décrié par les défenseurs d'intérêts particuliers ne signifie nullement qu'il faut placer toutes les activités de télécommunications sous l'autorité du secteur public. Il existe déjà des fabricants, des installateurs privés, des prestataires de services divers et des activités de télécommunications internes aux entreprises. Loin de nuire au service public, la plupart coopèrent utilement et efficacement avec lui. Il n'y a donc nulle raison d'y revenir, ni même de dissuader de nouvelles activités dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'intérêt général.
Mais c'est une autre logique que vous avez choisie, celle du libéralisme à tout crin, incité par le traité de Maastricht et dont le Président de la République avait résumé la dimension en soulignant l'importance qu'il attachait à la réforme du statut de France Télécom pour l'adaptation de notre appareil productif aux conditions de la concurrence du xxie siècle.
L'ouverture à la concurrence, dans ces conditions, est génératrice de gâchis et de réductions d'emplois. Avec la pénétration des capitaux privés dans l'opérateur public, seuls les critères de la rentabilité financière deviennent la règle et sont considérés comme le comble de la modernité. Le service public est alors considéré comme un véritable carcan ; l'égalité de traitement des usagers, l'aménagement harmonieux du territoire sont des archaïsmes.
Oui, nous pensons que, dans les télécommunications, il est possible de répondre aux défis de notre époque avec un service public rénové. La démocratisation interne de l'entreprise publique, le décloisonnement entre les différentes catégories de personnels, un véritable droit d'intervention des salariés, la mise en oeuvre de nouveaux rapports avec les usagers et les élus pourraient constituer le socle de cette indispensable rénovation.
Avec le projet de loi qui nous est soumis, nous ne sommes vraiment pas dans le même cadre, ni sur la même longueur d'onde.
M. François Fillon, ministre délégué. C'est clair !
M. Claude Billard. En conséquence, compte tenu de ces observations, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Le parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux vous cacher que ce jour au cours duquel nous abordons la discussion de ce projet de loi est un jour triste : il l'est pour moi, homme de gauche, pour tous ceux qui siègent sur les travées de la gauche et, plus généralement, pour tous ceux qui ont fait vivre jusqu'à ce jour le service de la poste et des télécommunications et qui plaçaient dans leur métier quelque chose de cette fierté qui ne s'explique pas et que, visiblement, à lire vos ratiocinations sur la notion de service public, vous ne comprenez pas !
MM. Jean Chérioux et Josselin de Rohan. On ne comprend jamais rien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y avait grandeur et bonheur à l'idée de vouer sa vie professionnelle non au moteur du profit, mais au service de la nation, de la grandeur de cette dernière et de l'intérêt général.
Tel est mon sentiment profond, inspiré du fait que, dans ma famille aussi, on a beaucoup servi la poste et les télécommunications, et que ce monde est aujourd'hui en train de prendre fin.
Au diable vos habillages de circonstance pour garantir, contre toute raison et contre la permanence de vos intuitions politiques et la philosophie dont vous êtes porteurs, que ce texte ne marquerait pas la fin du service public. C'est la fin du service public ! C'est une affaire de délai si, le moment venu, les mesures qui s'imposent pour inverser la mécanique ne sont pas prises !
Vous avez dit, monsieur le ministre, que c'étaient un jour et un texte historiques. Vous avez raison ! La propriété sociale des Français va être spoliée alors que tant d'efforts, tant d'énergie, tant de dévouement et tant de moyens financiers y ont été consacrés, qui ont permis de réaliser des exploits en matière d'équipement, plaçant la France en tête des nations dans ce domaine, et ce avec un service public et des fonctionnaires qui, paraît-il, ont tendance à faire de la « mauvaise graisse » ! Eh bien, ceux-là étaient les meilleurs d'Europe, voire, pour beaucoup, du monde !
Enfin, alors que beaucoup d'entre nous, au-delà même, peut-être, de la gauche, se réclament d'une nation républicaine où l'Etat est stratège, l'Etat stratège va perdre l'un de ses plus beaux outils d'intervention sur l'organisation du pays, sur l'aménagement du territoire, sur les progrès des sciences et des techniques.
Voilà la reculade qu'aucun habillage ne pourra masquer et qui, à mes yeux, flétrit cette initiative !
M. Josselin de Rohan. C'est l'apocalypse !
M. Jean-Luc Mélenchon. Quoi qu'il en soit, chacun d'entre nous, de son côté, doit en tirer la leçon. Les salariés, les républicains sociaux paient aujourd'hui le prix de leur défaite électorale. Puisqu'ils ont perdu et que vous avez gagné, vous avez quasiment les mains libres.
Nous payons la difficulté du mouvement social à prolonger, au-delà des grèves des mois de novembre et décembre derniers, une certaine capacité de mobilisation. Oui - il faut l'avouer - il existe une certaine démoralisation, et ce peut-être même en raison du prix qu'il a fallu payer pour la participation à la grève de cet automne, prix que certains, dans les télécommunications, continuent d'ailleurs à payer.
On ne peut le nier puisque le ministre lui-même, au cours d'un débat, en fait un argument en faveur de sa thèse et nous dit que le fait qu'il n'y ait eu que 40 p. 100 de grévistes prouve l'accord du reste du personnel. Tenez-vous le pour dit, travailleurs du service public des télécommunications : ceux qui ne répondent pas à l'appel du syndicat, ceux qui ne font pas grève sont réputés être d'accord avec leur ministre, de l'aveu même de ce dernier ! Je gage que la leçon sera retenue !
Alors, pourquoi fait-on tout cela ? Les arguments du Gouvernement n'en sont pas !
Le premier d'entre eux est que les autres pays feraient pareil. La belle raison, quand on gouverne la France, que de regarder les autres nations et de dire que l'on va faire pareil ! Où est passée l'exception française dont vous vous réclamiez ? Que sont devenus à la fois les grands élans du Premier ministre Alain Juppé, qui souhaitait même que le service public et sa défense soient introduits dans la Constitution, et ses proclamations selon lesquelles ce sujet allait être inscrit à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale et qu'il veillerait à ce que ce principe soit repris ?
Les paroles du Premier ministre et ses engagements ne comptent pas pour beaucoup dans la vie publique de notre pays, me direz-vous ! Mais cela a tout de même été dit, et les uns et les autres nous pouvions penser que ce serait sinon un engagement, du moins le signe d'une volonté, et que l'on en retrouverait peut-être la trace lorsque le moment serait venu de discuter de sujets comme celui qui nous occupe aujourd'hui. J'affirme qu'en faisant comme les autres, on pousse à pis, propos dont je démontrerai tout à l'heure la pertinence s'agissant du statut de France Télécom très précisément.
Le dépôt de ce projet de loi a-t-il pour cause des difficultés ? Non, il n'y en a pas ! France Télécom est une entreprise de pointe, et il faut tout de même un certain culot pour oser se réclamer précisément de la réussite de France Télécom afin d'exiger immédiatement des remèdes aussi cruels qu'inutiles, comme ceux que vous proposez d'apporter aujourd'hui. Même notre rapporteur, M. Gérard Larcher, qui est un esprit fin et distingué que chacun ici apprécie (C'est vrai ! sur les travées du RPR. - Sourires sur les travées socialistes),...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... consacre quatre pages de son rapport à masquer la réalité et à proposer des changements de vocabulaire, sentant bien ce qu'il y a d'odieux dans le vocabulaire ordinaire du libéralisme.
C'est pourquoi M. Larcher nous dit qu'il s'agit non pas de privatisation, mais de « sociétisation »,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon, ... qu'il s'agit non pas de déréglementation mais de la substitution de certaines règles à d'autres,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... comme on parle de la substitution de la loi de la jungle à celle des milieux civilisés.
M. Josselin de Rohan. Croyez-vous vraiment ce que vous dites, monsieur Mélenchon ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Non, il se croit ailleurs !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut, enfin, pour terminer, que vous fassiez un parallèle entre la catastrophe d'Air France et France Télécom,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Non, c'était M. le ministre !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... comme s'il était possible, dans l'industrie, d'établir une comparaison qui reviendrait, en agriculture, à rapprocher le bétail et les céréales !
France Télécom, quatrième groupe mondial, on l'a dit, enregistre des performances records, connaît une productivité remarquable et possède des capacités d'innovation sans précédent. Ce n'est donc pas la difficulté qui appelle l'intervention !
Est-ce alors parce que vous auriez découvert que l'Etat n'a pas sa place dans les industries de la télécommunication ? Or, à quel moment décideriez-vous de cela ? Justement au moment où la propriété sociale de la nation, qui seule a permis de réaliser ces progrès extraordinaires, a en main l'un des principaux leviers de la tranformation de notre civilisation, où les techniques de communication vont occuper une place grandissante dans la vie privée, dans la formation, dans la recherche, dans l'industrie. C'est à ce moment-là que vous décidez qu'il faut que la nation y renonce et que la République s'abandonne à cet être métaphysique, la main invisible du marché, qui, comme chacun l'a constaté, est peut-être invisible quand elle s'avance vers nos poches, mais qui correspond à des visages qui, eux, sont parfaitement visibles !
M. Josselin de Rohan. Mais qu'avez-vous fait, vous, lorsque vous étiez au pouvoir ?
M. Jean Chérioux. C'est vous qui avez préparé le terrain ! C'est un scandale !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est vrai que, derrière la main invisible, se dessinent les mêmes visages traditionnels et bien connus : Bouygues, Alcatel, la Générale des Eaux et autres sociétés, dont l'intérêt pris à la morale publique et à l'intérêt général est évidemment bien connu !
M. Josselin de Rohan. Vous préférez Tapie !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vos raisons n'en sont pas !
Vous prétendez qu'une directive européenne vous obligerait...
M. François Fillon, ministre délégué. Je n'ai jamais dit cela !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je ne l'ai jamais dit non plus ! Tout à l'heure, j'ai donné lecture d'un rapport d'information !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne le prétendez plus ! Eh bien ! c'est parfait ! Si vous y renoncez, je renonce à développer l'argumentation inverse !
Je voulais simplement vous faire remarquer que, par un de ces tours oratoires dont vous êtes coutumier, cher rapporteur, vous n'avez trouvé d'autres arguments à opposer à propos des directives européennes que de signaler le moment où les gouvernements socialistes étaient au pouvoir et participaient donc à ces discussions.
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous aurez certainement remarqué que, dans la Communauté européenne, les gouvernements socialistes représentent la minorité. Nous savons ce que nos amis ont exprimé ! En revanche, nous savons aussi que, en 1993, c'est à l'unanimité, c'est-à-dire avec l'approbation des représentants du gouvernement français, que toutes les dispositions ont été prises, ...
M. François Fillon, ministre délégué. C'est exact !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et cela, c'est vous, et personne d'autre qui l'avez décidé ! Alors, assumez-le !
Ne venez pas nous citer la période où nous étions au Gouvernement pour cacher ce que vous avez fait.
M. François Fillon, ministre délégué. Pourquoi l'oublier ?
Mme Hélène Luc. Vous avez fait pire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dites que vous êtes d'accord avec ces dispositions parce que c'est votre politique, mais ne prenez pas ces airs effarouchés pour nous dire : « C'est l'Europe ! On n'y est pour rien ! » Vous y êtes pour quelque chose !
M. Jean Chérioux. L'Europe de la concurrence, c'est vous !
M. Jean-Luc Mélenchon. Réservez votre souffle, mon cher collègue, je n'en suis qu'au début ! (Sourires).
M. Josselin de Rohan. Ça, on le sait !
M. Jean Chérioux. Je m'en réjouis !
M. Jean-Luc Mélenchon. Deuxième élément : les alliances.
Je crois que la démonstration a déjà été bien faite ici : le statut de 1990 était un point d'équilibre - ce que nous nommons, nous, un point d'équilibre - et je me souviens que votre collègue du groupe du RPR à l'Assemblée nationale qui prenait la parole contre la motion socialiste tendant à opposer la question préalable s'était senti obligé de dire que les socialistes, et M. Quilès en particulier, avaient vérouillé de nouveau le service public.
Mais la preuve est faite que ce statut permettait parfaitement des alliances et que, grâce à lui, nous avons pu faire quelques percées tout à fait spectaculaires et significatives sur bien des continents.
Quant aux mutations technologiques, il faut être du niveau de pensée dont j'ai dit à l'heure qu'il relevait de la métaphysique - mais j'aurais meilleur temps de dire qu'il est le fait de la pure sorcellerie - pour se figurer que, parce qu'une entreprise est sous statut privé et que le joyeux gril de la loi du profit y brûle sous toutes les fesses, on invente mieux et plus vite ! En France, c'est l'inverse qui est prouvé, et vous ne pouvez démontrer le contraire !
C'est le service public qui a permis de réaliser ces avancées techniques et scientifiques, comme il a permis de mettre à la disposition de tous des moyens incroyables et qui suscitent, à l'extérieur, l'admiration pour notre pays, pour ses capacités inventives et productives, parce que le service public pense le long terme et que l'intérêt privé en est incapable.
La concurrence ? Non ! Ce n'est pas une démonstration ! Vous assénez, vous martelez, vous ne démontrez pas !
M. Jean Chérioux. C'est ce que vous faites !
M. Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs, les directives europoéennes ne portent pas d'appréciation sur la nature de l'opérateur. C'est donc bien vous qui voulez ce changement !
Pour faire face à la concurrence, un opérateur public tel que France Télécom est parfaitement de taille ! Il n'a besoin de rien de plus !
Je ne dis pas que, si vous aviez été plus prompts à la détente et moins embarrassés de vos querelles, en 1993, vous n'auriez pas mieux réussi l'alliance avec Deutsche Telekom au moment où elle était possible. Il ne faut vous en prendre qu'à vous de ne pas avoir réussi cette alliance stratégique, qui aurait déjà changé la nature des tractations qui s'opèrent aujourd'hui dans le domaine des télécommunications : il y aurait eu un grand pôle public, un grand pôle européen.
Quant à la création d'emplois, quelques autres avant moi ont dit la vérité : vous ne démontrez rien ! Je ne citerai qu'un seul et unique exemple. Pourquoi vous accabler, en effet, de la liste de toutes les sociétés qui, aussitôt qu'elles ont été « privatisées », quand bien même vous mettriez des guillements, ont immédiatement « dégraissé », parfois sans aucune espèce de complexe ? Le président de Deutsche Telekom a dit : « Il faut qu'on licencie pour être bien coté en bourse ». Lui au moins, il ne s'encombre pas de détails !
L'exemple, c'est l'un de ceux qui vous reviennent tout le temps à la bouche, puisque vous êtes non seulement des disciples mais également des admirateurs zélés des talents des anglo-saxons, à qui vous trouvez en permanence toutes les qualités, tandis que vous les déniez toutes à votre propre patrie ! (M. Chérioux proteste vivement.)
M. Josselin de Rohan. Cela suffit !
M. Jean-Luc Mélenchon. Parfaitement ! C'est là une loi anglo-saxonne.
M. Josselin de Rohan. Surveillez votre langage !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je n'avais pas l'attention de vous insulter, mes chers collègues.
M. Josselin de Rohan. Vous n'avez pas le monopole du patriotisme, monsieur Mélenchon !
M. Jean Chérioux. Loin de là !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je dis simplement que tous ces principes sont d'inspiration anglo-saxonne. Comme mon temps de parole est limité, je ne suis pas en situation de vous en faire la démonstration,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... mais je vous promets de vous en régaler à mesure que les différents projets de loi que vous défendrez viendront en discussion devant cette assemblée.
Lorsque l'on met la loi du profit au-dessus de l'intérêt général, ou même que l'on commet l'aberration de croire que l'intérêt général n'est que la somme des intérêts particuliers ou qu'il résulte mieux de l'aliment du profit privé, on est dans une philosophie anglo-saxonne, qui n'est pas la nôtre. Voilà ce que je voulais dire !
En attendant, je m'en vais chercher un exemple sur vos terres d'élection, et on ne me fera pas le grief d'évoquer les Etats-Unis, si souvent cités par notre rapporteur, qui en a retiré des impressions qui l'ont tellement marqué qu'il ne peut plus parler de rien sans les évoquer !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il m'a tout de même lu... même incomplètement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ces fameuses babies Bell ont, pétarade-t-on de joie, créé 562 000 emplois ! On oublie de dire que, auparavant, 660 000 emplois ont été supprimés par AT&T et que, foin de concurrence, après qu'on en eut beaucoup parlé, aujourd'hui, ce sont de nouveaux monopoles qui se constituent.
Toutefois, il y a une différence : avant, c'était un monopole public et, demain, ce sera un monopole privé ! Mais évidemment, pour vous, les monopoles privés, c'est la sanction de la réussite et il ne faut surtout pas y toucher !
Au total, c'est un mécanisme qui conduit inéluctablement à la privatisation que vous avez prévu.
Le contexte que je viens d'évoquer, vous allez l'aggraver ! En effet, qui pourrait résister maintenant, dans les discussions européennes, si même les Français sont d'accord ? Alors, pourquoi ne pas aller encore plus loin ? Je fais le pronostic que c'est ce qui se passera - j'en parlerai dans un instant.
Le contexte, les glissements sémantiques... Mais, là, je ne le dis que par courtoisie, car je doute, cher rapporteur, que qui que se soit se laisse attraper à vos nouvelles définitions, qu'il s'agisse de « démonopolisation », comme vous l'indiquez au moment où vous vous apprêtez à créer des monopoles privés, ou de « sociétisation » plutôt que de privatisation. Comme disait l'un de mes illustres ancêtres politiques à cette tribune : « Les mots ne font peur qu'aux enfants. »
M. Gérard Larché, rapporteur. Donc, à vous !
M. Jean-Luc Mélenchon. Au reste, l'article 10 du projet de loi traduit, avec un tranquille cynisme, ce qui est la vérité : dès que France Télécom sera une société dans laquelle l'Etat ne possédera plus la totalité des actions, elle pourra elle-même réformer son statut ! Et voilà !
Par conséquent, pour peu que le contexte pousse à avancer davantage dans la voie que je viens de décrire, le tout roulera inéluctablement.
Evidemment, vous prétendez que la Constitution, notamment le bloc de constitutionnalité - il aura fallu aller chercher un peu loin, au neuvième alinéa du préambule de la constitution de 1946 - serait une garantie. Les dispositions prévues par cet alinéa concernent effectivement les monopoles de fait et instituent le service public. Mais, dès lors que vous avez, dans la discussion, découpé la conception de ce qu'est le service public en petites tranches - service universel, service obligatoire, etc. - et que, dans les conditions d'applications de cette loi, telle ou telle entreprise privée pourrait prendre aussi à sa charge des tâches de service public, que restera-t-il de l'obligation constitutionnelle qui donnerait, paraît-il, à France Télécom un statut particulier, privilégié et protégé ? Rien du tout !
Au demeurant, telle que cette société est constituée et compte tenu de l'incapacité où elle se trouvera de prendre toutes les participations croisées auxquelles vous avez fait allusion il y a quelques instants, si elle veut recapitaliser pour faire face aux enjeux que vous évoquez, comme elle sera bloquée par la nécessité pour l'Etat d'être actionnaire à 51 p. 100, ou bien on renoncera à ces 51 p. 100 ou bien on déportera sur des filiales les activités centrales et porteuses de France Télécom. Tout le monde le comprend : le mécanisme qui conduit à la privatisation est inscrit dans ce texte de loi avec la force d'un rail qui guidera le convoi.
A présent, quand on regarde en détail, on doit d'abord examiner le moment où la contradiction des projets se manifeste de la façon la plus éclatante.
De petites mesures en petites mesures suggérées dans le texte comme allant de soi compte tenu du contexte, on voit qu'on pourrait presque, si l'on n'était vigilant, se laisser aller à suivre une certaine logique de raisonnement. Mais celle-ci bute sur un point bien précis : la question des retraites.
Quel arbitrage allez-vous rendre ? Voilà qui nous intéresse au plus haut point, car, à la vérité, c'est un cercle vicieux.
Vous pouvez demander à l'opérateur de solder ce qu'il doit à la nation ; cela, après tout, se conçoit. En effet, jusqu'à présent, ses bénéfices lui permettaient de faire face à cette obligation, et on ne voit pas pourquoi il incomberait à toute la collectivité de prendre en charge cette obligation de retraite des travailleurs du service public de France Télécom. Eux-mêmes le comprennent parfaitement, d'autant plus qu'ils vous soupçonnent - pas vous, bien sûr, monsieur le ministre, mais vos successeurs - de revenir à la charge pour parler de la « mauvaise graisse ». Et de se demander pourquoi, une fois de plus, toute la nation, tous les contribuables devraient acquitter les obligations prises envers les nantis, etc., etc. ! Ce discours, je ne l'invente pas ; je l'ai déjà tellement entendu que je crois qu'il est d'évidence.
Par conséquent, si vous demandez beaucoup - ce qui correspond, au fond, à ce qui est dû à la collectivité - vous écrasez l'entreprise, car elle se trouverait alors avoir sur le dos une charge qui lui rendrait infiniment plus difficile qu'aujourd'hui sa manière d'avancer dans le riche domaine de la concurrence que vous avez décrit tout à l'heure. Donc, du point de vue de l'intérêt de l'entreprise, on ne peut pas l'exiger.
Mais si vous ne demandez pas assez, on est en droit de vous dire que vous privilégiez l'entreprise au détriment de l'ensemble des contribuables.
Quelle que soit votre décision, ce sera toujours ou trop haut ou trop bas, et c'est bien ce qui fait le point d'ancrage de la contradiction dans laquelle vous êtes.
J'en viens aux salariés.
La coexistence de deux statuts est un trompe-l'oeil. C'est mal connaître la vie de l'entreprise nationale et du service de France Télécom que de croire qu'on peut se trouver côte à côte, attelé aux mêmes tâches ou à des tâches complémentaires, avec deux statuts, deux paies et deux conditions complètement différents. C'est ne rien comprendre à la nature humaine, à ce qu'est un collectif de travail !
On a dit tout à l'heure ce que cela a donné chez les traminots de Marseille. Mais ce que nous avons connu n'est rien à côté de ce qui va venir ! En effet, aujourd'hui, il y a déjà des contractuels. La loi de 1990 en limitait le nombre à 3 p. 100 du total des effectifs ; mais, depuis un an, il n'y a plus de limite. C'est donc, sans que l'on puisse faire aucun pronostic, une coexistence permanente de deux statuts, de deux types de préoccupations et, j'ose le dire, de deux types de pression. On en voit bien les conséquences sur la promotion et sur la motivation, puisque vous l'évoquez.
Quant à l'encadrement, entre, d'un côté, un fonctionnaire qui parlerait par hasard le langage de l'intérêt général, de l'aménagement du territoire, du service public, des devoirs dus aux plus humbles de nos concitoyens et, de l'autre côté, tel petit apprenti golden boy qui voudrait faire du zèle et qui rappellerait les intérêts de l'opérateur privé et des actionnaires privés dans l'entreprise, ne me soutenez pas qu'il y aura, comme on dit aujourd'hui, photo entre les deux au moment des promotions !
Evidemment, dans ce mélange étrange du public et du privé, où, d'un côté, l'Etat propose sa main-d'oeuvre et son personnel tandis que, de l'autre, les partenaires privés font valoir leur droit à bénéfice, il est évident que la dynamique essentielle, la loi la plus forte pèsera en faveur de ceux qui gèrent les intérêts privés et exigent une logique qui est la leur, à savoir celle du bénéfice et non celle de l'intérêt général.
Vous prétendez que des garanties existent quant au statut des fonctionnaires. Bien naïfs ceux qui vous croiraient !
Vous vous fondez sur un arrêt du Conseil d'Etat du 18 novembre 1993. Passons sur le fait que nous pourrions faire référence à un autre arrêt, qui, naturellement, n'a pas été rendu public et qui concernait la société anonyme du personnel de l'Imprimerie nationale, mais, dans l'arrêt que vous évoquez, quatre conditions sont posées et il suffit qu'une seule d'entre elles ne soit plus remplie pour qu'aussitôt la garantie que vous prétendez avoir apportée tombe.
Alors, peut-elle tomber ? Mais oui, bien sûr ! Il suffit d'une nouvelle loi, ou même d'une situation de fait. Ainsi, il suffirait que l'Etat cesse d'être majoritaire. Or, tout y pousse ! Les exemples à l'étranger démontrent que tout a toujours fini par la privatisation.
Permettez-moi d'évoquer aussi - après tout, cela a son poids relatif - les déclarations de M. Bon lui-même. Certes, d'un homme qui proposait de privatiser l'ANPE, un socialiste comme moi ne pense pas avoir grand-chose à attendre, mais enfin, lui au moins est clair : il n'est pas pour que l'Etat possède 50 p. 100 des actions, et il le dit. Il dit aussi : « Quand on doit tourner la page, il faut la tourner et, moi, je ne souhaite pas recruter de fonctionnaires. » Les déclarations de M. Bon ont le mérite de la franchise !
Le ministre lui-même n'hésite pas à dire que l'on va recruter, peut-être, pour la période de transition avant que France Télécom devienne une entreprise comme les autres ! Mais, précisément, son statut n'en fait pas une entreprise comme les autres. Cela signifie donc bien, de la façon la plus claire qui soit, qu'une autre entreprise va bientôt voir le jour, issue de la dynamique même des dispositions qui auront été prises aujourd'hui et que, je l'ai rappelé tout à l'heure, l'article 10 de ce projet de loi rend parfaitement possible.
Mais à ces causes conjoncturelles s'ajoutent des causes structurelles.
Comment France Télécom pourra-t-elle relever les défis que vous lui assignez ? Comment pourra-t-elle prendre pied sur les marchés, procéder aux innovations dont vous nous avez parlé sans être dans la nécessité de procéder à des recapitalisations épisodiques ? Elle devra le faire ! L'Etat suivra-t-il ? Non, le pauvre ! D'ailleurs, selon vos maximes, l'Etat doit être le moins présent possible, car il est en voie de paupérisation. Mais c'est grâce à votre politique, tout le monde le sait (M. le rapporteur rit.)
L'Etat va avoir sur le dos le règlement des retraites. C'est déjà beaucoup ! Alors, que se passera-t-il ? Si l'Etat ne suit pas, comment fera-t-on pour procéder à ces recapitalisations ? Evidemment, on créera des filiales et, évidemment, des filiales sous statut privé, qui connaîtront d'autres règles que celles que connaît le service public. C'est l'ouverture à la filialisation systématique ou, pis - mais c'est lié, et je pense que chacun le comprend compte tenu de l'enchaînement de mon raisonnement - la filialisation d'un côté et, de l'autre, le cantonnement de France Télécom aux missions de service universel.
Une autre condition évoquée par le Conseil d'Etat est qu'il faut que l'entreprise soit soumise à des missions de service public.
Tout notre débat sur la loi de réglementation des télécommunications, tout ce qui a été dit à l'Assemblée nationale comme au Sénat, a permis de voir, vous me permettrez de vous le dire, que vous ne comprenez rien au service public. Vous croyez peut-être avoir bien fait en en précisant les contours, mais, si service universel, service obligatoire et missions d'intérêt général sont des catégories distinctes, elles participent toutes au service public ! Et, comme vous les avez dissociées, cela change la nature des interventions de ceux qui pourront être réputés comme accomplissant des missions de service public.
Les missions de service universel telles qu'elles sont prévues par la loi peuvent être prises en charge par le secteur privé. C'est ce que notre rapporteur, M. Gérard Larcher, appelle la « démonopolisation ». Par conséquent, ces opérateurs privés qui viendraient à prendre en charge des missions de service universel pourraient, le moment venu, intervenir à leur tour et présenter un recours devant Bruxelles en invoquant une distorsion de concurrence puisqu'ils se verraient imposer des charges que les autres n'ont pas sans se voir concéder les moyens correspondants.
M. François Fillon, ministre délégué. Vous n'avez pas lu la loi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si, je l'ai lue, et je sais très bien comment les choses se passeront.
Ceux-là pourront donc présenter des recours, mais nous serons alors dans un autre environnement que celui que nous connaissons aujourd'hui et, puisque tous les pays d'Europe auront été d'accord pour déréglementer et que tous auront changé entre-temps le statut de leur société de télécommunications, ces opérateurs privés seront fondés à demander que soit rétabli l'équilibre. Le terrain politique aura en effet été préparé pour que l'on aille plus avant dans la déréglementation, pour que l'on en vienne à leur donner raison, pour que l'on reconnaisse qu'ils ont en charge des missions de service public.
Mais là n'est pas le point dont je veux discuter : il sera en effet démontré a contrario que France Télécom n'assumera pas ces missions, ou ne les assumera pas totalement, ce qui viendra à mettre l'entreprise dans une situation qui n'est plus celle que prévoit le neuvième alinéa du préambule de la constitution de 1946, qui précise qu'est service public ce qui relève d'un monopole de fait.
Telles sont les raisons qui, l'une après l'autre, montrent pourquoi cette garantie prétendument fondée sur la Constitution n'en est pas une.
Au demeurant, qui peut croire que les actionnaires privés se contenteraient d'une situation où ils apprendraient que le personnel - paramètre numéro un de la flexibilité des comptes d'entreprises - serait composé d'une masse incompressible de 100 000 fonctionnaires et qu'eux-mêmes, en définitive, n'auraient, pour faire avancer leurs vues, que la capacité d'étendre ou de réduire la proportion de leurs salariés relevant de contrats de droit privé ? Personne ne peut le croire ! Bien évidemment, le moment venu, ils exerceront les pressions voulues et exigeront - avec, il faut bien le dire, un certain bon sens - de pouvoir retrouver leur liberté de manoeuvre.
Quant aux recrutements de fonctionnaires, vous avez parlé de « possibilité ». Vous avez pris un engagement pour qu'il y ait négociation sur cette question. Or, ce que fait une loi, une autre peut le défaire, et les travailleurs de France Télécom sont bien placés pour le savoir : on leur a parlé, en 1990, d'un point d'équilibre sur lequel portait la garantie effective du gouvernement d'alors ; il leur suffit de constater que, six ans plus tard, ce qu'une loi a fait, une autre va le défaire !
Bien naïf qui pourrait croire à de tels engagements. J'ai d'ailleurs indiqué précédemment ce qu'en pense M. Bon lui-même, puisqu'il s'est exprimé sur ce sujet : selon lui, il n'est pas utile de recruter davantage et, quand on tourne la page, on doit la tourner pour de bon.
M. le rapporteur ne manque pas non plus de dire qu'il n'est surtout pas nécessaire de recruter d'un coup pour solde de tout compte et que, au contraire, il faut étaler dans le temps. Eh oui ! Mais les promesses étalées sur un temps trop long sont comme la confiture sur la biscotte : au bout de la lame, il ne reste pas grand-chose !
Enfin, s'agissant de la représentation du personnel, c'est tout de même bien joué ! Vous avez le beurre et l'argent du beurre.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Et nous, nous avons le petit-déjeuner complet ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà une entreprise qui compte 150 000 salariés ; certains fonctionnaires vont partir du fait de la pyramide des âges ; le recrutement privé interviendra pour 20, 30 ou 40 p. 100 des effectifs. Il s'agira donc d'une société anonyme comptant plus de 100 000 travailleurs, mais il n'y aura pas de comité d'entreprise, pas de droit d'alerte, pas de possibilité de se référer à un expert-comptable, bref aucune des possibilités acquises de haute lutte par les comités d'entreprise.
Oh ! j'imagine bien les raisons qui ont pu conduire à faire ce choix. Je les imagine bien, mais les seules qui m'intéressent en cet instant sont celles qui concernent l'avenir.
Votre commission paritaire n'a aucun des pouvoirs qui devraient être ceux du personnel dans une entreprise de cette taille. Et ce n'est pas normal ! Qu'il faille discuter, trouver des arrangements, soit. Mais il n'est pas acceptable que, dans une entreprise, société anonyme, des travailleurs, au nom de je ne sais quel accord ou quelle entente, aient moins de droits qu'ils n'en ont dans toutes les autres entreprises en matière de représentation.
Alors, je ne dis pas qu'il faille forcément créer un comité d'entreprise, mais il faut créer une structure qui donne aux salariés le pouvoir dont ils bénéficient dans les autres grandes entreprises : alerter, s'exprimer, avoir les droits de recours suspensif d'ores et déjà prévus par le code du travail et qui ne se trouvent pas dans ce comité paritaire.
Je l'ai dit, vous avez le beurre et l'argent du beurre : non seulement la voie est ouverte à la privatisation, au reniement de la propriété sociale, à la réintroduction des intérêts privés dans un secteur dont on nous dit qu'il représentera bientôt 10 p. 100 de la production du monde - c'est beaucoup ! - mais, de plus, vous constituez un précédent qui permet d'enfoncer une brèche - et quelle brèche ! - dans le statut des salariés de la fonction publique, et ce dans un pays qui, jusqu'à présent, était la vitrine sociale, la référence, le point d'appui pour les travailleurs du secteur privé.
Je pronostique que ce n'est pas la dernière fois, que cela va vous donner des idées et que, bientôt, à cette tribune, on entendra évoquer le précédent de France Télécom pour mettre la main ensuite sur La Poste, sur EDF, sur Gaz de France et sur la SNCF, bref sur tout ce qui fait la carcasse du service public de la nation républicaine. Vous l'aurez obtenu et, dans le même temps, vous aurez obtenu que, dans l'une des plus grandes entreprises de notre pays, les travailleurs aient moins de droits qu'ils n'en avaient auparavant.
Oui, j'ai dit qu'aujourd'hui était un jour triste. Peut-être avez-vous trouvé que c'était beaucoup dire, et je le comprends. Je sais que vous êtes tout plein d'optimisme dès lors que vous voyez régner la concurrence, et que vous pensez que c'est un facteur d'accélération extraordinaire de notre histoire, un facteur, ajoutez-vous, de diffusion du progrès.
Nous pensons le contraire et, jusqu'à présent, il n'existe pas une seule preuve que nous ayons tort. C'est l'inverse : des grandes nations se vident de l'intérieur, perdent tout lien social - on le voit en Angleterre et aux Etats-Unis - défigurées qu'elles sont par la lèpre de la libéralisation.
Au contraire, la France républicaine, appuyée sur ses services publics, plaçant l'intérêt général comme règle supérieure à toutes les autres, a de grands atouts qu'elle peut proposer comme modèle. Mais vous avez renoncé à être un modèle. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le ministre, l'alternance au pouvoir des partis politiques permet aux électeurs de vérifier des vérités successives, et l'alternance à cette tribune des orateurs vous permet de tester et de goûter les plaisirs opposés de la critique et du soutien.
Au risque de vous décevoir, je serai le premier orateur à approuver cet après-midi votre projet de loi, faisant ainsi preuve d'une cohérence parfaite avec les propos qu'à tenus notre rapporteur, M. Gérard Larcher.
Le groupe des Républicains et Indépendants estime en effet que vous nous présentez un bon projet de loi, qu'il contient ce qu'il faut pour que les journées de travail que nous y consacrerons nous apportent toutes les satisfactions que nous en attendons.
Si la loi de réglementation des télécommunications, encore toute fraîche à notre mémoire, a fixé un nouveau cadre réglementaire propre à permettre l'évolution du secteur français des télécommunications dans un environnement mondialisé, le projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom recherche les dispositions qui permettront à celle-ci de s'adapter à ces nouvelles opportunités.
La méthode retenue conduit à une évolution sans « rupture brutale » - je ne sais pas si l'expression est de vous, mais c'est en tout cas ainsi que nous le sentons - par modification de certains articles des textes de juillet et décembre 1990.
Rappelons, pour éviter tout malentendu supplémentaire, que les mesures proposées ne concernent que France Télécom, qu'elles ne modifient pas le rôle reconnu à la mutuelle générale ou au groupement d'intérêt public social, et que la loi du 2 juillet 1990 est donc pleinement et totalement applicable à La Poste.
Il s'agit là de rester aussi proche que possible du droit commun pour définir le statut de la nouvelle entreprise nationale, mais en en reconnaissant les spécificités. Aussi, vous l'avez écrit, c'est le droit applicable aux sociétés anonymes qui réglera les nouvelles modalités du développement de l'entreprise. Les spécificités de France Télécom doivent être reconnues et sauvegardées. L'approche « qualité » est fondamentale.
La méthode de concertation retenue par le Gouvernement est différente de celle qui a prévalu pour le projet de loi de réglementation des télécommunications, sans compter la procédure d'urgence que vous avez dû déclarer - et nous l'approuvons - pour ne pas retarder le débat parlementaire, dans l'intérêt même de France Télécom.
Notre regret, peut-être, est de n'avoir pas pu fonder notre réflexion sur une étude d'impact du projet de loi, dont le Premier ministre a rendu maintenant la réalisation obligatoire. Aussi souhaiterions-nous qu'au moins partiellement ces éléments d'information soient communiqués aux parlementaires, sans attendre le débat budgétaire qui en précisera certaines données.
Je soulignerai, d'abord, dans quelles conditions l'entreprise peut affronter le marché ; puis, j'évoquerai le statut du personnel ; viendra, enfin, la question de la pérennité du service public.
Pourquoi, s'interrogent certains, vouloir transformer une entreprise qui gagne ? Aussi légitime soit-elle, cette question ne peut faire oublier les enjeux de la compétition mondiale. Il est clair, en l'occurrence, que la volonté du Gouvernement est de permettre à France Télécom non seulement de continuer à gagner, mais aussi d'exercer son activité dans le nouveau cadre réglementaire.
C'est pourquoi mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même ne pouvons qu'approuver les dispositions du projet de loi. Attribuer un capital social à l'entreprise, c'est la placer sous le même régime juridique que les autres entreprises du secteur des télécommunications.
A cet égard, le choix du 31 décembre 1996 comme date de changement de statut nous paraît raisonnable d'un point de vue comptable et financier. Cette échéance ne saurait cependant être repoussée sans risques pour l'entreprise : l'ouverture à la concurrence nécessite une organisation rapide ainsi qu'une parfaite continuité du transfert de l'ensemble des biens, droits et obligations de l'entreprise, hormis, nous le savons, ceux qui concernent l'enseignement supérieur.
L'entreprise sera dotée d'un conseil d'administration dans lequel l'Etat gardera la majorité des sièges, ce qui est logique et permettra d'assurer une stabilité. Nous comprenons, par ailleurs, le choix qui a été fait de maintenir les administrateurs en place.
Toutefois, monsieur le ministre, l'assemblée générale des actionnaires n'interviendra-t-elle pas obligatoirement dans la nomination des administrateurs du second collège dès la première ouverture du capital ?
Nous souhaiterions également que les actionnaires minoritaires et que les actionnaires salariés soient le plus rapidement possible représentés au sein du conseil d'administration.
La réussite d'une entreprise passe aussi par une plus grande souplesse en matière de recrutement et par une meilleure adaptation de son personnel aux différents métiers offerts - et Dieu sait si, dans cette activité, ceux-ci sont variés et connaissent des évolutions !
D'où cette possibilité offerte par le texte de faire appel à des fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002, tout en ouvrant le recrutement de contractuels : c'est une garantie de souplesse et de capacité d'adaptation. Les recrutements possibles de fonctionnaires jusqu'en 2002 sont - c'est clair - la preuve de la volonté du Gouvernement de rechercher le meilleur dialogue possible avec les syndicats. De même, un accord sur l'emploi, propre à France Télécom, permet de rajeunir progressivement la pyramide des âges des salariés. Tout le monde est bien conscient de cette nécessité, surtout au sein de l'entreprise elle-même.
Bien plus, la participation et l'actionnariat salarié permettent d'associer plus étroitement les salariés à la vie et au développement de l'entreprise.
Mettre les charges sociales et fiscales obligatoires au même niveau que dans les entreprises de droit commun, à l'exception des cotisations chômage, mettra France Télécom à armes égales avec ses concurrents.
Le maintien en l'état du système de retraite menaçait gravement la compétitivité de la firme. Dès lors, il est équitable que l'Etat trouve dans ce projet de loi des contreparties substantielles, tant par le biais de la fiscalité de droit commun que sous forme de dividendes puisqu'il assurera jusqu'au bout, comme il s'y est engagé, tout le poids de la charge des retraites.
Cependant, dans ce cas particulier, monsieur le ministre, en l'absence de toute indication chiffrée dans le texte, pouvez-nous préciser quel sera le taux de cotisations retraite retenu et la composition de l'assiette des rémunérations à laquelle s'appliquera ce taux ?
Concernant l'établissement du bilan d'ouverture, plusieurs éléments restent à prendre en compte : d'abord, le transfert à l'Etat des biens relatifs à l'enseignement supérieur, ensuite, la révision de la valeur des actifs, en particulier des actifs immobiliers, enfin, le provisionnement pour départs anticipés volontaires à la retraite.
Il faut, monsieur le ministre - vous le savez et vous en êtes convaincu - que le bilan d'ouverture soit sincère et réaliste. A défaut, la crédibilité et la notation financière de France Télécom ne seront pas solides.
Quelle est votre volonté, monsieur le ministre, dans ce domaine important ? Le débat doit nous permettre de vous entendre sur ce sujet.
Quel sera le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle unique, encore appelée curieusement « soulte » ?
La question est difficile puisqu'il faut arbitrer entre le désir du ministère des finances de favoriser l'équilibre de la loi de finances de 1996 et celui de ne pas ponctionner par trop les actifs de France Télécom.
Il nous paraît tout à fait essentiel que la valeur de la soulte soit fixée à un niveau raisonnable par le Gouvernement et par le Parlement pour préserver la compétitivité de l'entreprise. Aussi le ratio des dettes par rapport aux fonds propres ne devrait-il pas dépasser l'unité.
De plus, par souci d'équité, une évolution de l'affectation de la taxe professionnelle peut-elle être envisagée ? Pourquoi, en effet, ne pas l'attribuer aux collectivités locales - question facile mais réponse difficile ! - dont relèvent les établissements contributeurs ? Vous savez, monsieur le ministre, le souci permanent du Sénat de veiller aux intérêts de ces collectivités.
Nous avons pris acte de la volonté de dialogue du Gouvernement avec le personnel en ouvrant un champ très large aux négociations. Ainsi, les engagements de l'Etat sont maintenus et garantis en ce qui concerne le statut des personnels.
La stabilité du statut de France Télécom est garantie puisque la pérennité de la détention directe par l'Etat de plus de la moitié du capital est affirmée, conformément d'ailleurs aux exigences du préambule de la Constitution concernant l'activité de l'entreprise.
Sa mission d'opérateur public du service universel du téléphone est garantie par la loi de régulation des télécommunications. Il n'y a donc pas privatisation de l'entreprise, contrairement à ce qui est dit trop souvent, et cela permettra l'application durable de l'avis du Conseil d'Etat relatif au statut du personnel.
Les engagements du Gouvernement en matière de recrutement et de gestion des personnels fonctionnaires sont respectés. La garantie des droits acquis en matière de pension est totale, car c'est l'Etat qui finance les retraites.
D'ailleurs, le projet de loi tend à développer les possibilités de négociation et de concertation dans l'entreprise. Il vise non seulement à maintenir le niveau de représentation antérieur des personnels salariés au sein du conseil d'administration, en renforçant les possibilités d'expression des intérêts du personnel, mais aussi à valoriser la concertation au sein de l'entreprise aux niveaux national et local et la politique contractuelle. Nous regretterons toutefois l'absence d'indications s'agissant de la cohabitation des trois catégories de personnel aux effectifs très inégaux que sont les fonctionnaires, les contractuels de droit privé et les contractuels de droit public.
Comme je l'ai souligné la semaine dernière, la réforme du statut de France Télécom se doit de garantir un service public du téléphone de qualité. Il nous faut refuser tout amalgame entre entreprise publique, statut de fonctionnaire et service public.
Pour le groupe des Républicains et Indépendants, la qualité de l'offre du service public dépend, bien sûr, de la qualité du travail des hommes et des femmes de l'entreprise mais aussi de la loi elle-même, du cahier des charges de l'opérateur autorisé, après avis de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, ainsi que de sa capacité à en supporter les obligations. Enfin, l'observation des attentes des clients servira également de contrôle.
Bien plus, la continuité du service public sera confortée par la limitation prévue par le texte des droits de l'entreprise en matière de cession et d'apports d'actifs.
En conclusion, la complémentarité des deux projets de loi relatifs aux télécommunications permet de garantir l'exécution par France Télécom des obligations de service public qui lui sont confiées aux termes de la loi de réglementation. Aussi, nous soutenons l'adoption de cette nouvelle structure juridique et capitalistique de l'exploitant public.
Le nouveau statut permettra à France Télécom d'affronter ses concurrents à armes égales. En effet, la compétition mondiale rend aujourd'hui inévitable l'élaboration de participations croisées et d'alliances stratégiques. L'équilibre ainsi obtenu permet le maintien des droits acquis pour le personnel et l'ouverture de droits nouveaux pour l'entreprise, tout en prenant en compte les intérêts des contribuables et les moyens du service public.
Le groupe des Républicains et Indépendants souhaite donc que toutes les dispositions financières soient retenues et, en particulier, que le montant de la contribution forfaitaire exceptionnelle permette de présenter un bilan d'ouverture du capital, gage de bonne santé future de la nouvelle entreprise France Télécom.
Sur de telles bases, France Télécom pourra être le moteur essentiel d'une compétition profitable à tous et à l'acteur de référence, fidèle à ses missions de service public, dont la France et les Français ont besoin. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement peut avancer clairement, après des années d'incertitude, parce qu'il a su distinguer les rôles et les responsabilités de chacun.
Le Gouvernement et le Parlement, la semaine dernière, ici même, ont créé une autorité de régulation des télécommunications indépendante qui permet au Gouvernement de ne pas perdre ses prérogatives régaliennes en matière de service public.
Par ce texte, monsieur le ministre, sans ignorer que l'essentiel est dû aux hommes qui travaillent dans l'entreprise, vous avez su tout à la fois séparer ce qui relève de la négociation interne à l'entreprise ou de sa stratégie de gestion de ce qui est de la responsabilité de l'Etat qui en a la tutelle, et donner à l'entreprise les moyens de se battre à armes égales avec ses concurrents, une liberté de manoeuvre, une souplesse nécessaire pour qu'elle demeure un opérateur performant dans le secteur des télécommunications.
La première application de ce principe est la suivante : le Gouvernement a décidé de ne pas retarder les adaptations concernant le statut dès qu'il a été possible de prévoir un accord entre toutes les parties sur les règles du jeu.
Comme il ne semble plus y avoir de divergences importantes, le Parlement peut donc entamer aujourd'hui les adaptations nécessaires des textes législatifs. Nous devrons, tout d'abord, modifier la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications et, en raison d'un amendement voté par notre assemblée la semaine dernière, nous devrons également modifier la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Nous nous engageons donc sur des textes existants, et il y aura non pas une rupture brutale mais une réelle évolution vers le droit commun applicable aux sociétés anonymes, tout en reconnaissant les spécificités de l'entreprise France Télécom.
Il n'est cependant pas certain que le changement de statut ne sera pas financièrement indolore pour France Télécom, même si nous partageons votre conviction, monsieur le ministre, d'une accélération globale de ce secteur. Il y aura, dans les prochains mois, un équilibre difficile à trouver, dont le Parlement doit estimer les paramètres, les ratios entre la rigueur budgétaire, la valorisation correcte de la société, le respect des indicateurs de bonne gestion et, enfin, l'égalité de traitement des entreprises du secteur.
S'il reste, sur ces thèmes, beaucoup de questions à poser et à vous poser, monsieur le ministre, c'est que le chapitre « Incidences financières » de l'étude d'impact, longtemps attendu, est parfois - peut-être trop souvent - insuffisant. Mais pouvait-on faire mieux dès à présent ?
Pour bien poser le problème, je voudrais rappeler quelle est la place de France Télécom dans le monde.
En 1995, le marché mondial des télécommunications dépassait les quelque 600 milliards de dollars. C'est le chiffre d'affaires cumulé des cinquante premiers opérateurs mondiaux. Si l'on ajoute les 400 milliards de dollars de l'industrie informatique et les 430 milliards de dollars de l'industrie du logiciel - vous savez que ces trois mondes vont être désormais étroitement liés - on arrive, selon l'IDATE, à un chiffre global de 1 430 milliards de dollars pour l'ensemble des technologies de l'information et de la communication, soit un montant presque équivalent au PIB de la France.
En l'an 2000, ce chiffre d'affaires global des nouvelles technologies de l'information et de la communication devrait dépasser les 2 000 milliards de dollars et atteindre environ 6 p. 100 du produit mondial brut.
S'agissant des télécommunications, l'Amérique du Nord devance de peu l'Europe, avec 34,5 p. 100 du marché ; l'Europe représente 32 p. 100 de ce marché mondial, avec 161 milliards de dollars en 1994. Mais, en l'an 2000, sur un marché mondial des télécommunications estimé à 710 milliards de dollars, l'Europe devrait représenter 32,4 p. 100, c'est-à-dire quelque 230 milliards de dollars, et l'Amérique du Nord 30,4 p. 100, c'està-dire seulement 216 milliards de dollars.
A l'intérieur d'un marché européen de 230 milliards de dollars, l'Allemagne, avec 56 milliards de dollars, représenterait 24 p. 100 du marché, suivie par la Grande-Bretagne, avec 34 milliards de dollars et 14 p. 100 du marché, et la France, avec 30 milliards de dollars et seulement 13 p. 100 du marché.
Les dix premiers opérateurs de télécommunications cumulaient, en 1994, un chiffre d'affaires de 284 milliards de dollars. Cinq d'entre eux sont américains - ils ont déjà été cités - et quatre sont européens. Chacun les connaît, il s'agit de Deutsche Telekom, France Télécom, British Telecom et Telecom Italia. Le premier des dix opérateurs est le géant japonais NTT, dont le chiffre d'affaires - 72 milliards de dollars - représente le quart du budget de la France.
L'explosion du marché des télécommunications, qui va croître de quelque 40 p. 100 d'ici à l'an 2000, passant de 500 milliards à 700 milliards de dollars, et la déréglementation des télécommunications aux USA, après la loi du 2 février 1996 dont a parlé M. Larché, et en Europe suscitent des alliances stratégiques mondiales non seulement dans le secteur des télécommunications mais également dans les secteurs désormais connexes de l'informatique et de l'audiovisuel.
Je rappelle brièvement quelques grandes alliances qui ont été conclues ces derniers mois, qu'il s'agisse de Global One, Concert ou World Partners. Ces grands accords changeront fortement le paysage du monde des télécommunications dans les prochaines années.
Voilà donc la position de France Télécom dans ce concert mondial. Comme l'a fort bien dit M. le ministre tout à l'heure et comme l'a répété notre excellent rapporteur, il faut donner toutes les chances à France Télécom de préserver sa place dans cette difficile compétition.
Or, nous constatons que France Télécom - c'est important - avait une dette de 87,3 milliards de francs en 1995. Certes, celle-ci a été réduite de 9,5 milliards de francs lors du dernier exercice. Malgré tout, nous devons faire très attention à l'endettement de France Télécom.
Il s'agit d'une entreprise capitalistique qui a un grand besoin de fonds propres. Le poids de la dette est donc un handicap, et le désendettement doit se poursuivre conformément à ce qui a été prévu dans le contrat de plan.
Il convient de réduire les frais financiers, qui s'élèvent actuellement à 5 p. 100. Ces frais sont certes inférieurs à ceux de Deutsche Telekom, mais la structure de la dette des deux sociétés ne porte pas sur la même nature d'actifs.
Il convient d'être très vigilants, d'autant que les frais financiers de British Telecom sont nettement moindres, puisqu'ils n'atteignent que 2 p. 100.
Le ratio résultat net sur fonds propres pour notre opérateur national atteint quelque 7 p. 100, soit un taux situé dans la moyenne des premières sociétés françaises, ce qui devrait permettre notamment, toutes choses étant égales par ailleurs, la constitution de réserves de participation.
Nous sommes encore en situation de monopole. Il ne faut donc pas fragiliser France Télécom, qui est très performante. Elle doit le rester dans un contexte qui sera encore plus difficile dans les années à venir.
Le projet de loi doit traduire des choix et des engagements forts de l'Etat et donner des indications claires quant aux négociations qui ont été ouvertes.
Monsieur le ministre, vous avez su mener simultanément deux négociations distinctes d'une part, entre votre ministère et l'ensemble des syndicats, d'autre part - c'est tout à fait exemplaire - entre le responsable de l'entreprise et les syndicats, selon une démarche nouvelle qui a reçu un fort soutien du Premier ministre, qui a porté ses fruits et qui vous a permis de prendre des engagements importants vis-à-vis du personnel.
Nous sommes donc conduits à inscrire deux types de dispositions dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui.
Tout d'abord - c'est la base de votre engagement, monsieur le ministre - il nous faut donner des garanties qui ne peuvent pas être remises en cause et qui sont les plus assurées qui puissent être puisqu'elles sont données par l'Etat, que ce soit en matière de statut ou de retraite, des garanties très claires et qui confortent des droits acquis.
Ensuite, il s'agit de prendre des mesures totalement innovantes qui pourront être le résultat d'une très large négociation quant à leurs modalités de mise en oeuvre, mais qui seront seulement « listées ». Elles devront cependant comporter une indication importante : le délai de bonne fin. A ce propos, notre rapporteur et la commission des affaires économiques et du Plan ont décidé, dès la semaine dernière, de compléter la liste.
Ces mesures totalement innovantes pourront également être précisées dans la loi en raison de leur objet. Mais elles pourraient éventuellement être revues après des expérimentations, par exemple en ce qui concerne l'expression collective des intérêts du personnel.
L'évolution du rapport entre fonctionnaires et personnels sous contrat sera lente. L'équilibre obtenu entre les organismes propres à la fonction publique et ceux qui caractérisent une entreprise privée par la création d'un comité paritaire paraît bon dans le contexte actuel.
Le Gouvernement saura - il faut l'espérer - écouter les propositions avant de prendre le décret d'application, que ce soit à propos des attributions, des modalités de fonctionnement ou de la composition du conseil d'administration.
De même, si la loi ne remet pas juridiquement en cause les conventions collectives de droit public ou privé de 1991 régissant le statut des personnels contractuels, elle n'en interdit pas une relecture attentive au regard du nouvel environnement de l'entreprise.
Enfin, la loi valorise la concertation et la politique contractuelle. Elle maintient le niveau de représentation antérieur des personnels salariés au sein du conseil d'administration, reconnaissant ainsi la spécificité de l'entreprise en confortant les possibilités d'expression des intérêts collectifs du personnel.
Le Gouvernement devrait donc gagner un difficile pari social.
Venons-en un instant à la cohérence avec la loi de réglementation des télécommunications, qui fait de France Télécom l'opérateur public chargé du service universel et des services obligatoires.
Tout d'abord, le projet de loi conforte la continuité de ses missions, l'article 4 restreignant les droits de l'entreprise en matière de cession et d'apports d'actifs. Par ailleurs, le projet de loi induit une adaptation du cahier des charges et du contrat de plan afin de définir les obligations et les moyens. Le cahier des charges devra être celui d'un opérateur supportant les mêmes obligations, quelle que soit sa nature juridique, et la nature du contrat de plan devra être redéfinie.
Enfin, le projet de loi transfère à l'Etat des missions d'intérêt général, à savoir l'enseignement supérieur et la recherche publique. Le Sénat a déjà débattu de ce point lors de la discussion de la loi de réglementation des télécommunications.
J'en viens maintenant à l'interrogation fondamentale, selon moi : changer le statut de l'entreprise - il suffit pour garantir sa bonne santé ?
Le projet de loi confère à France Télécom des atouts nouveaux.
Il est évident, sauf à faire de France Télécom une incompréhensible exception, qu'il faut attribuer à l'entreprise un capital social et en prévoir l'application à la date la plus rapprochée possible, soit au 1er janvier 1997.
Mais le projet de loi contient aussi des dérogations importantes aux règles de gestion de la fonction publique, notamment en matière de départs anticipés - nous aurions d'ailleurs souhaité l'adoption d'un amendement précisant : « départs anticipés volontaires à la retraite » - départs qui donnent de la souplesse à l'entreprise et lui permettent de mieux adapter le profil des salariés aux métiers offerts et de recruter des jeunes.
L'accord sur l'emploi propre à France Télécom permettra aussi de mieux organiser le temps de travail. C'est une large autonomie de gestion qui est attribuée à France Télécom et qui doit favoriser, par la concertation interne, son dynamisme et sa cohésion sociale.
Cependant, ces mesures, très positives dans leur esprit, ne doivent pas entraîner d'effets fragilisant l'entreprise. France Télécom doit pouvoir continuer à investir : d'abord, pour maintenir et développer la qualité du service public ; pour offrir des services à la pointe du progrès au moindre coût ; ensuite pour garder ses parts de marché et en conquérir ; enfin - il ne faut pas l'oublier dans le contexte économique actuel - pour soutenir l'activité de ses fournisseurs français. En effet, plus de 30 milliards de francs de commandes potentielles dépendent de l'avenir de France Télécom.
C'est l'intérêt de l'Etat que d'avoir un opérateur fort.
Sa notation par les analystes financiers sera lourde de conséquences au moment de convaincre les investisseurs de consolider les alliances par des participations croisées, de pouvoir, le cas échéant, payer en actions des accords croisés et de trouver des emprunts à bas taux.
Le budget de l'Etat trouvera des contreparties substantielles à ses charges nouvelles, en tant qu'actionnaire, sous forme de dividendes, par la fiscalité de droit commun et par les recettes attendues à l'occasion des cessions sur le marché ou aux salariés de parts minoritaires du capital.
C'est l'intérêt de l'entreprise de développer l'actionnariat. En effet, la présence d'actionnaires minoritaires lui donnera plus d'indépendance vis-à-vis de l'Etat. Mais la mettra-t-elle totalement à l'abri d'éventuelles « ponctions » imprévisibles, puisque l'Etat restera majoritaire ? Il faut tout de même poser la question.
La pression du marché boursier sera un indicateur de gestion motivant, permettant les comparaisons internationales.
Les actionnaires sont souvent des clients fidélisés.
Le personnel actionnaire se sent associé aux intérêts de son entreprise. La loi utilise au maximum les possibilités offertes par la législation existante en ce domaine, jusqu'à 10 p. 100 du capital.
S'ils peuvent s'organiser - il faut souhaiter que ce soit le cas, car, actuellement, il existe quelque confusion sur ce terrain - les salariés actionnaires pourraient être collectivement l'un des plus actifs actionnaires minoritaires, étant probablement l'un des plus importants, collectivement parlant.
Cela devrait être pris en compte lors de l'examen des statuts du conseil d'administration, dans lequel ces salariés futurs actionnaires demandent dès à présent que l'on envisage leur entrée privilégiée.
La commission des affaires économiques et du Plan du a pris l'initiative de proposer de compléter l'article 7 par un amendement incluant, dans l'accord sur l'emploi - ce titre semble mal choisi et mériterait peut-être une modification de cohérence - un accord sur les conditions particulières accordées au personnel pour l'attribution des actions qui lui seront proposées.
Bien qu'il existe un large éventail de possibilités pour encourager l'actionnariat, il est peu probable que les salariés puissent souscrire jusqu'à 10 p. 100 du capital social. Il pourrait donc rester une marge pour accomplir un geste significatif envers les retraités de France Télécom ne répondant pas strictement aux exigences de la loi. Il est nécessaire de savoir si le Gouvernement accepterait cette interprétation.
Pour atteindre ces objectifs, l'Etat doit valoriser l'entreprise en respectant les règles du jeu à armes égales avec la concurrence : c'est ce que vous avez dit, monsieur le ministre.
Pour respecter ces règles, il est prévu d'égaliser les charges fiscales et sociales obligatoires de France Télécom avec celles qui s'appliquent aux entreprises de droit commun opérant dans le secteur. Ainsi, France Télécom est exemptée des cotisations chômage sur les salaires des fonctionnaires, en contrepartie de l'obligation de garantir leur emploi.
Il subsiste également un autre problème que M. le rapporteur a rappelé tout à l'heure et que M. le ministre a déjà évoqué en répondant, la semaine dernière, à notre collègue M. Hérisson lors de l'examen d'un amendement à la loi de réglementation des télécommunications. Il s'agit de l'affectation au budget de l'Etat de la taxe professionnelle versée par France Télécom en vertu de l'article 21-1 de la loi du 2 juillet 1990. Cela posera un problème au moment de la transformation de France Télécom en société de droit commun.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à aborder cette question lors du débat sur la réforme fiscale. Ne faudrait-il pas prendre acte de cet engagement et l'inscrire dès maintenant dans le projet de loi ? Ce serait une bonne décision pour nos collectivités.
Etant donné son poids sur la valorisation de l'entreprise et sur ses objectifs en matière de lutte contre la concurrence, il faudra porter une attention particulière à la rédaction du cahier des charges, défini par décret et qui sera, à court terme au moins, unique. Il ne doit pas pour autant être différent - comme cela a déjà été dit - de celui qui pourrait être imposé à un autre opérateur du service universel.
Il faudra aussi traiter la question des départs anticipés, dont la mise en place est à durée limitée, en considérant que France Télécom devrait pouvoir y consacrer un montant équivalent aux actuelles provisions pour charges de retraite, qui sont devenues sans objet.
Il faudra également traiter la question des retraites, de sorte que l'énorme avantage donné par la loi tant au personnel qu'à France Télécom - en effet, l'Etat garantit le paiement des pensions ainsi que le transfert de quelque 150 milliards de francs d'engagements bruts - ne soit pas fortement pénalisant pour l'entreprise à court terme.
C'est le montant de la soulte exceptionnelle et unique qui devra sans doute être fractionné. Il sera très discuté et pèsera très lourdement sur l'endettement de France Télécom.
Monsieur le ministre, nous avons confiance dans la sagesse du Gouvernement pour trouver un équilibre entre des enjeux divergents, comme il en a exprimé l'intention dans l'étude d'impact. Le ministre de l'économie a déjà précisé à l'Assemblée nationale qu'il appartiendra au Parlement de se prononcer, finalement, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1997.
Il faut relever aussi, dans cette étude d'impact, la prise en compte, pour le financement des pensions, de la recette budgétaire, comprise entre 70 milliards et 100 milliards de francs, issue de la vente d'une partie du capital social.
Nous arrivons à l'équation suivante : quelque 250 milliards de francs, qui représentent la valeur actuarielle des pensions de retraite des fonctionnaires, moins 100 milliards de francs de contribution libératoire versée dans le temps par France Télécom, équivalent des charges sociales versées par les autres entreprises, moins 70 milliards à 100 milliards de francs qui sont le montant des ventes de parts sociales, égale la soulte.
Le résultat non écrit, sur lequel vous vous êtes prononcé, monsieur le ministre, justifierait une soulte de quelque 50 milliards à 80 milliards de francs - cela ne serait pas tolérable ! - alors que les provisions constituées au 31 décembre 1996 par France Télécom sont estimées à quelque 22,5 milliards de francs, compte non tenu du fait que ces provisions n'étaient pas déductibles de l'impôt sur les sociétés durant les années de leur constitution. La valeur de la contribution de France Télécom devrait donc être prise en compte pour quelque 30 milliards de francs lors du transfert normal de ces provisions.
Il nous faut alors nous poser la question : est-ce le moment d'accroître fortement l'endettement de cette entreprise dans le contexte international auquel elle va être confrontée et, surtout, compte tenu du calendrier de mise sur le marché d'autres grandes compagnies mondiales de télécommunications d'ici à cette date ?
Il ne s'agit évidemment pas, quand nous parlons du versement d'une soulte, même de 30 milliards de francs, d'une trésorerie disponible. Je rappelle d'ailleurs que c'est sur cet article 5 que se sont abstenus les représentants de la Cour des comptes lors du vote sur l'avant-projet de loi au Conseil supérieur de la fonction publique.
Une bonne gestion imposerait de provisionner ces fonds. En février 1995, au moment de la privatisation de la SEITA, le même problème s'était posé. La contribution exceptionnelle de la SEITA alimente, depuis, un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Le bilan d'ouverture doit établir la valeur de l'entreprise sur des bases saines dans le cadre d'une concurrence loyale. Il sera fortement marqué par l'impact de cette soulte, qui ne devra être fixée qu'après une estimation précise d'autres éléments de ce bilan d'ouverture.
Il est important, je crois, que nous nous arrêtions quelques instants sur cette valorisation des actifs du bilan d'ouverture.
Il faut d'abord prendre en compte le transfert « gratuit » à l'Etat des biens relatifs à l'enseignement supérieur estimés, dans l'étude d'impact, à 1,2 milliard de francs en valeur nette du patrimoine, ce qui conduit à l'inscription de quelque 400 millions de francs de crédits de fonctionnement au titre du projet de loi de finances pour 1997. Il convient de saluer cet engagement, qui est important. Toutefois, il faut peut-être réserver notre appréciation sur le montant et demander communication des résultats de l'expertise en cours, qui a été confiée à l'inspection générale de La Poste et des télécommunications, ainsi qu'à celle des finances, et sur laquelle, monsieur le ministre, vous vous êtes d'ailleurs déjà fondé.
En ce qui concerne les personnels contractuels - je me tourne ici davantage vers M. le rapporteur - qui ont été, par amendement du Sénat à l'article 16 du projet de loi de réglementation des télécommunications, mis, pendant quatre ans, à disposition de l'Etat - ce qui suppose habituellement un paiement des salaires par France Télécom - une contradiction risque d'apparaître avec l'article 1er, qui indique précisément que le transfert ne donne pas lieu à versement de salaires. Il conviendra peut-être de prévoir le dépôt d'un amendement au projet de loi de réglementation des télécommunications à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire.
Deuxième élément de la valorisation des actifs, la révision de la valeur de ceux-ci, en particulier dans le domaine immobilier. Sur 230 milliards de francs, la perte subie depuis 1990 pourrait être de 40 à 50 milliards de francs. On peut se demander, comme la presse le fait déjà, où il convient d'inscrire cette moins-value potentielle. Dans les comptes de 1996 ? Mais quel serait alors, en cas d'explications insuffisantes, l'impact d'une image de France Télécom en situation de perte ?
Troisième élément, le montant des provisions des engagements pour départs volontaires anticipés à la retraite, entièrement à la charge de l'entreprise nationale en vertu de la lettre de M. le Premier ministre au président de France Télécom.
Pour que le bilan d'ouverture - je souhaite retenir votre attention un instant sur ce point, monsieur le ministre - préserve la compétitivité de l'entreprise, le montant de la soulte établi par le Parlement ne doit pas conduire à un ratio dettes sur fonds propres supérieur à un. C'est l'engagement du respect de ce ratio par le Gouvernement qui, aujourd'hui, nous rassurerait, car, à notre avis, il est bien trop tôt pour évoquer un montant de la soulte en valeur absolue, compte tenu des diverses inconnues que je viens de souligner.
En conclusion, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur d'éventuels risques de contradictions entre les deux lois en cours d'adoption, conçues de manière à être complémentaires. La dernière adoptée l'emporterait. Cependant, en cas d'ambiguïtés résultant de la transposition de dispositions de droit communautaire, ce seraient probablement les dispositions du droit communautaire dans la loi de réglementation des télécommunications qui prévaudraient.
Enfin, je voudrais dire avec force qu'il est important de ne pas prendre le risque de dénaturer cette bonne loi lors des arbitrages à venir dans un contexte de lourde contrainte budgétaire.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui met en place une organisation totalement innovante, qui doit donner confiance au personnel de France Télécom en son propre avenir et dans la capacité de son entreprise à rester à un niveau d'excellence.
Au nom du groupe du Rassemblement pour la République, qui partage cette confiance en l'avenir, j'ai le plaisir de vous dire que nous vous apporterons, monsieur le ministre, ainsi qu'au Gouvernement, notre total soutien. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, qu'il fallait choisir le bon chemin. Effectivement, nous sommes à un croisement.
Hier, il y avait des croisements directs, les gens se rentraient souvent dedans. Aujourd'hui, il y a des sens giratoires.
Monsieur le ministre, je crois que nous sommes précisément dans un sens giratoire, ce qui permet de réfléchir, de ne pas prendre la mauvaise direction et donc d'éviter l'accident.
M. Jean-Luc Mélenchon. Priorité à droite !
M. Jacques Machet. Non ! à gauche, dans ce cas !
Nous ne devons pas perdre de vue que cette discussion s'inscrit dans une réforme globale du secteur des télécommunications et, au-delà, d'une modernisation des services publics.
Prolongement naturel de la loi de réglementation, qui ouvre le secteur à la concurrence, ce projet de loi doit faire de France Télécom une entreprise presque comme une autre, capable d'affronter un marché ouvert et en pleine expansion.
L'exercice, avouons-le - cela a d'ailleurs été dit - est difficile. Pays à forte culture de service public, la France n'a pas l'habitude de se séparer de ses administrations, à plus forte raison lorsqu'elles sont efficaces.
Ainsi, je tiens à saluer, en cet instant, l'action du Gouvernement, sa détermination, votre détermination, monsieur le ministre, votre courage, pour transformer France Télécom en une société dotée d'un capital social. D'autres auraient été tentés de remettre à plus tard, tant des résistances se sont exprimées au cours des dernières années, plus encore des derniers mois et, il y a peu, à cette même tribune.
Inutile de rappeler combien le changement de statut de France Télécom est un dossier d'une extrême sensibilité sociale !
Si 1990 représente la fin des postes et télécommunications, c'est aussi l'acte de naissance de France Télécom. Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, préfigure, quant à lui, l'émancipation de l'opérateur national, une émancipation organisée et planifiée qu'il faut désormais faire accepter totalement.
Depuis 1837, date à laquelle l'administration des télégraphes est érigée en monopole, chaque réforme aura été dans le sens, d'abord d'une plus grande autonomie, ensuite d'une plus grande libéralisation. De la constitution des PTT à la création de deux établissements autonomes à caractère industriel et commercial, La Poste et France Télécom ont cherché à suivre l'évolution du marché.
Aujourd'hui, l'ouverture du secteur des télécommunications commande une nouvelle évolution beaucoup plus profonde que par le passé.
Pourtant, grâce à la méthode que vous avez employée, monsieur le ministre, cette évolution apparaît sans rupture brutale, ce que je disais au début. La loi du 2 juillet 1990 demeure la base législative du secteur. La définition du nouveau statut se fait dans le respect du droit commun, c'est-à-dire du droit applicable aux sociétés anonymes.
Doter l'établissement public des mêmes armes que ses concurrents passe avant tout par la constitution d'un capital social. Grâce à ce capital, l'entreprise sera à même de trouver les partenaires à l'étranger et les financements nécessaires à son expansion.
Cette perspective inquiète le personnel de l'entreprise, et c'est légitime. Peur du changement - vous avez prononcé le mot, monsieur le ministre -, réflexe de défense face à une situation incertaine, comparaison avec les exemples étrangers sont autant d'attitudes qu'il nous faut, en votant ce texte, tâcher de faire disparaître.
Les 40 000 licenciements chez AT&T lors de son démantèlement ont marqué les esprits. Le cas qui nous intéresse est complètement différent. France Télécom n'est pas dans la même situation que celle de son homologue américain au moment de sa privatisation.
Depuis plusieurs années déjà, l'opérateur a fait l'apprentissage de l'entreprise. Il a su diversifier ses services et ses tarifs, faire des efforts de qualité sur l'ensemble de ses prestations.
Son bilan 1995 témoigne de sa bonne santé. Avec 9,2 milliards de francs de résultats positifs, l'opérateur affiche des performances satisfaisantes et légèrement supérieures à celles des autres monopoles européens. En revanche, elles sont plutôt modestes au regard de celles des opérateurs évoluant dans un environnement concurrentiel. Si la productivité de France Télécom est plus élevée que celles des autres opérateurs européens en situation de monopole, elle est quatre à cinq fois plus faible que celles des Américains.
Mais rien n'est immuable. En menant un travail important de réduction des coûts, British Telecom et Deutsche Telekom pourraient être amenés à dépasser France Télécom en termes de productivité du travail ou du capital. Voilà qui plaide pour une modification du statut de l'opérateur national.
Parmi les vingt premiers opérateurs mondiaux, France Télécom est le seul - je dis bien « le seul » - à ne pas être encore constitué sous forme de société commerciale. De nombreux opérateurs ont été totalement privatisés, ou sont en voie de l'être, comme Deutsche Telekom. Ce mouvement inquiète légitimement le personnel de l'entreprise nationale.
Sur ce point, le Premier ministre a donné les garanties nécessaires. N'affirmait-il pas, dès la mi-mars, que France Télécom resterait une entreprise publique, sous forme de société détenue majoritairement par l'Etat, que les agents, actuellement fonctionnaires, conserveraient leur statut ? Autant de garanties aujourd'hui inscrites dans la loi. Et nous n'avons pas oublié la volonté du Premier ministre d'inscrire dans la Constitution et dans le traité de Rome la notion de service public.
Cette parade sera-t-elle utile du point de vue du droit interne et efficace face au droit communautaire ?
Il nous faut préserver la cohésion sociale de l'entreprise, au nom de la performance du service public.
Pour cela, il faudra résoudre le réel problème de la gestion de deux catégories de personnels, fonctionnaires et contractuels, afin de garantir l'équilibre interne de l'entreprise.
De la même façon, nous devrons veiller à ce que le problème des retraites soit réglé dans de bonnes conditions. L'effort de désendettement de France Télécom ne doit pas être freiné dans son élan par le versement anticipé à l'Etat d'une trop forte contribution au titre des pensions. Dans votre intervention, monsieur le ministre, vous venez de prendre des engagements à cet égard, avec le soutien de M. le rapporteur.
D'autres questions demeurent en suspens : qu'en est-il du maintien de la tutelle légale de l'Etat sur une entreprise de droit privé en situation de concurrence ? Quel sera le rôle du contrat de plan dans le nouveau contexte réglementaire et institutionnel ? Sera-t-il purement indicatif, monsieur le ministre ?
France Télécom va devenir, au 31 décembre 1996, une entreprise de plein exercice. Elle ne doit pas conserver un caractère hybride. Mon collègue M. Pierre Hérisson avait attiré votre attention, la semaine dernière, sur le caractère tout à fait anormal de l'affectation au budget de l'Etat, et non à ceux des collectivités territoriales, des impôts locaux acquittés par France Télécom. Avec le nouveau statut, cette situation injuste devra être réglée très rapidement. Nous espérons que la réforme fiscale récemment annoncée impliquera la prise de mesures que l'équité et la justice commandent.
Ne nous y trompons pas, le changement de statut n'est pas qu'une simple adaptation technique ; c'est une réforme à caractère culturel dont nous ne devons pas négliger les prolongements sociaux.
Un changement si profond appelle une volonté d'expliquer, et vous le faites, monsieur Fillon, avec foi, avec conviction, avec psychologie.
Soucieux d'accompagner ce mouvement, le groupe de l'Union centriste vous apportera son soutien, afin - comme vous l'avez affirmé - de choisir le bon chemin en connaissant les engagements, les poteaux et les risques que cela nous imposera à tous, qui que nous soyons.
Vendredi dernier, nous nous sommes rendus au Futuroscope, sur l'invitation de M. le président du Sénat, qui nous y avait tous conviés. Quelle image, quelle réussite ! Mais que de risques n'avez-vous pas pris, monsieur le président, quand, voilà quelques années - vous aviez, vous, le projet dans la tête - vous avez tout fait pour convaincre vos collègues !
Rien ne peut se faire sans une certaine foi, sans une forte volonté, n'est-ce pas monsieur Jean François-Poncet, pour aménager le territoire.
En conclusion, je remercierai toutes celles et tous ceux du plus humble au plus grand, qui ont permis ce rendez-vous pour préparer l'avenir de France Télécom. A nous d'accompagner ce nouveau souffle qui va être ainsi lancé pour la modernisation du service public. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Merci, monsieur Machet, de votre appréciation. Les hommes politiques sont faits pour prendre des risques, et les sénateurs ne sont-ils pas, par excellence, des hommes politiques ? (Sourires.)
M. Jacques Machet. C'est ce que je voulais dire !
M. le président. La parole est à M. Charzat.
M. Michel Charzat. Monsieur le ministre, j'ai lu avec attention le projet de loi que vous présentez, au nom du Gouvernement, sur le statut de France Télécom.
Si l'on veut débattre sérieusement, il faut savoir si les avantages supposés de cette réforme dépassent les effets néfastes de l'opération annoncée : changer le statut, privatiser partiellement France Télécom est-ce utile pour les usagers, pour le service public, pour notre pays ? Est-ce favorable à la définition de nouveaux objectifs rendant l'avenir plus lisible et offrant à nos concitoyens de nouvelles perspectives mobilisatrices ?
Chacun peut le constater, la France s'interroge, les français s'inquiètent, l'économie stagne.
Pour sortir du marasme, beaucoup dépend de la confiance du pays. Or, tout laisse à penser que le Gouvernement n'a pas compris l'inquiétude des Français.
J'en veux pour preuve le recul de l'idée européenne depuis quelque temps, la force du grand mouvement social de novembre et décembre 1995, la montée des thèses et du vote d'extrême droite ; nos compatriotes, particulièrement les plus démunis, envoient aux responsables politiques un message d'inquiétude et, pour certains, d'angoisse.
C'est le résultat d'une évolution de la société qui renforce l'individualisme et qui donne la primauté à l'argent et à la spéculation, au détriment du travail et des valeurs de solidarité.
C'est vrai, certains phénomènes échappent aux gouvernants, comme la mondialisation de l'économie, le développement considérable des communications modernes, qui supprime les distances et permet de travailler avec n'importe qui en n'importe quel point du globe en temps réel.
Mais d'autres phénomènes dépendent de nous, de vous en l'occurrence, puisque vous représentez la majorité : la qualité des services publics, l'action de déréglementation, la précarisation du travail, y compris dans le secteur public, la détermination de règles du jeu et d'objectifs mobilisateurs, par exemple.
Mesdames, messieurs de la majorité, en vous attaquant aujourd'hui à France Télécom, demain peut-être à EDF-GDF ou à La Poste, vous contribuez à déstabiliser la société française sur le plan économique et social et à brouiller les repères.
L'enjeu de ce projet de loi n'est pas seulement le devenir de cette société nationale, ce qui est déjà important ; il vaut également pour le pays tout entier et pour le monde du travail, qui va subir les ondes de choc de vos décisions. Il est un élément fort de l'essentiel national, pour parler comme Michel Debré ; c'est un repère familier pour nos concitoyens ; c'est enfin, un outil industriel majeur.
Vous me répondrez peut-être, monsieur le ministre, que l'opinion publique n'a pas manifesté son désaccord avec la même force que pour le projet de réforme de la protection sociale.
Mais, si tel est le cas, c'est parce que ce projet de loi apparaît sous son côté technique et peut être ressenti - à tort - comme un problème catégoriel par le citoyen.
Quant aux salariés de France Télécom, vous avez tenté de les apaiser avec quelques mirages sociaux pour lesquels vous n'apportez aucune garantie effective.
Malgré cela, ils étaient 45 p. 100 à faire grève, le 11 avril dernier, pour refuser ce nouveau statut, et ce dans un contexte économique difficile pour de nombreuses familles, et alors que les non-titulaires ne peuvent pas prendre le risque de participer à ces mouvements.
J'en viens maintenant plus directement au contenu du projet de loi.
France Télécom est devenu, au fil du temps, un symbole de réussite pour la nation : symbole de la réussite du service public, symbole de la haute technologie française, symbole d'une qualité de travail des personnels, symbole, enfin, de la capacité d'une entreprise nationale à relever les défis de l'innovation et de la concurrence mondiale.
Aujourd'hui, vous voulez transformer la société en lui retirant son statut d'exploitant public à caractère industriel et commercial pour en faire une société anonyme, à compter du 1er décembre 1996. C'est la porte ouverte à la privatisation d'ici à peu d'années.
Aussi, en choisissant de vous attaquer à ce fleuron de notre patrimoine industriel public, vous prenez une lourde responsabilité.
Monsieur le ministre, vous avez tout d'abord retiré à la nation un patrimoine d'une valeur considérable.
M. Philippe Marini. C'est le contraire, on le valorise !
M. Michel Charzat. France Télécom est le quatrième opérateur mondial des télécommunications. C'est un service public qui fonctionne bien, qui est rentable et qui a dégagé 9,2 milliards de francs de bénéfices en 1995.
C'est un service public dont les usagers sont contents. Un songage a indiqué un taux de satisfaction record de 92 p. 100 ! On ne peut guère faire mieux.
Monsieur le ministre, vous allez remettre en cause le principe fondamental de l'égalité des usagers devant le service public. Demain, un abonné au téléphone ne paiera pas le même prix de raccordement, d'abonnement ou de consommation selon qu'il habitera une région plus ou moins dense, plus ou moins rurale.
M. François Fillon, ministre délégué. Vous n'avez pas lu le projet de loi !
M. Michel Charzat. C'est déjà le cas en Grande-Bretagne, monsieur le ministre,...
M. François Fillon, ministre délégué. Ce ne sera pas le cas en France !
M. Michel Charzat. ... où, dans les mêmes conditions, un Londonien paie un tiers plus cher pour appeler la petite ville de Boston, située à cent cinquante kilomètres de la capitale, que pour appeler Birmingham, qui est à la même distance.
M. François Fillon, ministre délégué. Je le répète, ce ne sera pas le cas en France !
M. Michel Charzat. Ainsi, une entreprise privée de télécommunications sans obligation de service public pourrait offrir ses services sur des liaisons très fréquentées à faibles tarifs, car les infrastructures seraient évidemment vite amorties. En revanche, sur les lignes moins utilisées, les consommations seraient plus élevées, car l'amortissement de l'investissement serait plus long.
Par ailleurs, comment allez-vous garantir une égalité d'accès aux services avec le « saucissonnage » du service public en trois : un service universel, des services obligatoires et des missions d'intérêt général ? Seuls les prix du service universel seront surveillés par l'Etat, les autres services ayant des tarifs libérés des contraintes du service public.
Monsieur le ministre, vous allez également précariser la situation des salariés et des retraités.
M. Philippe Marini. C'est une plaisanterie !
M. Michel Charzat. Contrairement à vos affirmations, mon cher contradicteur, France Télécom n'embauchera pas, en tout cas pas assez pour compenser les départs à la retraite et les suppressions de postes. Le solde sera évidemment négatif. M. le rapporteur n'indiquait-il pas des suppressions d'emplois, d'ici à l'an 2005, de l'ordre de 30 000 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Vous l'aviez vous-même prévu !
M. Michel Charzat. En revanche, nous allons assister à une précarisation du travail, avec l'embauche de nombreux contractuels de droit privé. La Poste, hélas ! a déjà donné le mauvais exemple en la matière puisqu'un quart des membres de son personnel ne sont pas ou ne sont plus titulaires.
Par ailleurs, les retraités de France Télécom ont de quoi « se faire du mauvais sang » pour le devenir de leur retraite. La création de la nouvelle « contribution forfaitaire exceptionnelle » permettant de provisionner les droits acquis des actuels pensionnés sera versée au budget de l'Etat sans aucune garantie quant à sa destination définitive. Par ailleurs, elle va obliger France Télécom à inscrire à son bilan un passif de l'ordre de 50 milliards de francs !
Monsieur le ministre, je constate également que la représentation du personnel sera hors du droit commun.
D'abord, elle sera dérogatoire aux règles de représentation en vigueur dans le secteur public comme dans le secteur privé. Vous créez, en quelque sorte, un nouvel organe spécifique à cette entreprise et vous n'assurez même pas le minimum que garantissent les dispositions du code du travail en matière d'association des représentants du personnel sur les questions relatives à l'organisation, à la gestion, à la marche générale de l'entreprise et aux modifications de l'organisation économique et juridique.
Pour justifier vos projets, vous invoquez, monsieur le ministre, des nécessités d'adaptation face à la construction européenne, au marché mondial.
Bien sûr, vous brandissez l'alibi, j'allais dire l'épouvantail, de l'Europe et de la construction européenne, qui cache certains choix que vous ne souhaitez pas expliciter. D'ailleurs, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir donner au Sénat les références des textes officiels de l'Union européenne demandant ou suggérant la privatisation des services publics.
M. François Fillon, ministre délégué. Je dis le contraire depuis le début !
M. Michel Charzat. Je vous souhaite bon courage, car il n'en existe pas, et vous le savez comme moi. Ni le traité de Maastricht ni les directives européennes sur les télécommunications ne demandent la privatisation de ce secteur.
M. François Fillon, ministre délégué. Je dis cela depuis des mois !
M. Michel Charzat. Monsieur le ministre, vous savez comme moi que le statut actuel de France Télécom nous permet d'être présents sur les marchés européen et mondial. C'était précisément une des motivations de l'adoption du statut des établissements publics à caractère industriel et commercial, les EPIC, statut qui fut adopté en juillet 1990. Il s'agissait de donner à France Télécom les moyens de son développement. D'ailleurs, et cela a été relevé par de nombreux orateurs qui m'ont précédé, la société a, depuis 1990, conclu de nombreux contrats à l'étranger.
Citons les prises de participations au Mexique ou en Argentine, l'entrée conjointe dans le capital de Sprint aux Etats-Unis, la nouvelle alliance avec Deutsche Telekom en Allemagne.
Peut-être s'agit-il, dans l'esprit du Gouvernement, de préparer une éventuelle fusion avec un groupe européen. Si telle est l'intention, il faut l'exprimer clairement et maintenant, avant les élections législatives. La démocratie l'exige.
J'ajoute que toute grande réforme statutaire doit se faire dans le cadre d'une politique à long terme. Quelle est votre politique industrielle, monsieur le ministre, dans le cadre européen et mondial en matière de télécommunications ?
Avez-vous une stratégie ? « Avez-vous une vision ? Quels sont vos objectifs ? Nous n'en savons rien. On va privatiser partiellement, on va changer un statut : pour quoi faire ? Si on ne définit pas des objectifs, on risque de rendre inopérants les moyens.
Mais peut-être n'êtes-vous animé que par la volonté de mettre sur le marché des capitaux un service public rentable, tentant de vous procurer ainsi quelques expédients budgétaires !
Je rappelle que, avec le statut actuel, issu de la réforme de juillet 1990, France Télécom a pu concilier missions d'intérêt général et performances économiques. Il s'agissait de refuser le faux antagonisme entre modernisation et solidarité. Il s'agissait de refuser l'opposition fallacieuse entre logique entrepreneuriale et service public.
Avec La Poste, France Télécom a obtenu une autonomie juridique et financière qui l'a libérée de la tutelle, il est vrai parfois tatillonne, de l'Etat. De nouveaux rapports ont été institués ; un contrat a été passé entre l'Etat et chacun des deux établissements publics à caractère industriel et commercial.
Certes, il faut sans cesse réactualiser les termes du contrat pour s'adapter à l'évolution de notre société. Mais faut-il pour autant renoncer à une politique contractuelle et lui préférer les caprices du marché, la dictature du court terme ?
Je remarque d'ailleurs que cette dictature du court terme est aujourd'hui remise en cause, notamment aux Etats-Unis, par de nombreux acteurs économiques qui considèrent que l'économie a besoin d'une certaine pérennité, que les choix du marché sont souvent aveugles et conduisent à un certain nombre de décisions à courte vue.
Monsieur le ministre, votre réforme de France Télécom est-elle seulement utile pour les usagers et pour les salariés ?
Les usagers verront-ils les tarifs baisser ? Poser la question, c'est y répondre. Comme vous le savez, l'Etat impose actuellement à France Télécom de baisser ses tarifs en moyenne de 3 p. 100 par an par rapport aux prix à la consommation, pour permettre aux usagers de bénéficier de la hausse, très réelle, de la productivité du service public. Cela représente à peu près 4 milliards de francs par an, au bénéfice des usagers.
En revanche, si France Télécom est contrôlée ou, plus exactement, influencée par des actionnaires privés, on imagine mal que ceux-ci puissent réduire d'eux-mêmes leurs bénéfices. Au contraire, on peut craindre que la situation de quasi-monopole qui sera la leur pendant quelque temps ne les conduise à rechercher une gestion « dynamique » des tarifs.
Puisque les usagers ne gagneront rien sur les tarifs, auront-ils au moins droit à une meilleure qualité de service ?
Mes chers collègues, vous le savez comme moi, le réseau français est l'un des plus performants du monde. Il est le premier réseau numérisé. Il utilise une technologie de pointe qui offre une grande fiabilité, une grande qualité de service et qui autorise les services à la carte.
La France est en tête de tous les grands pays de l'OCDE pour la fiabilité dans l'usage des réseaux téléphoniques. Comme je le rappelais tout à l'heure, la satisfaction est réelle : 91 p. 100 de nos concitoyens portent une appréciation positive sur les télécommunications.
Bien sûr, il faut maintenir l'effort. Or, en fragilisant l'entreprise, en rendant plus difficile la définition d'objectifs mobilisateurs, monsieur le ministre, vous allez vous heurter nécessairement à des obstacles, à des réticences, à un certain nombre de lourdeurs, à des effets pervers, qui vont nuire à la nécessaire adaptation du service public.
Si cette réforme n'est pas faite pour les usagers, peut-être est-elle destinée au personnel de l'entreprise ?
Mais croyez-vous que cette privatisation rampante va créer une dynamique positive dans les équipes ? Je crois, au contraire, que cette réforme va susciter, et suscite déjà une profonde inquiétude chez les personnels, qu'elle va casser la dynamique sociale existant dans ce grand service public depuis quelques années. Elle va briser des rapports sociaux fondés sur le dialogue.
Il est de notoriété publique que, parmi les partisans du changement de statut, on trouve de nombreux responsables favorables à l'abandon progressif du statut de fonctionnaire. Cependant, tant que vous ne saurez pas « recaser » les 150 000 agents de France Télécom, vous ne pourrez descendre sous la barre des 51 p. 100, qui constitue le seuil légal de la maîtrise du capital et qui confère donc le statut de service public. A moins que vous ne changiez, à l'avenir, le statut de la fonction publique !
M. le président. Monsieur Charzat, je suis obligé de vous signaler que vous avez épuisé le temps de parole du groupe socialiste. Je vous accorde encore trois minutes.
M. Michel Charzat. Merci, monsieur le président.
En revanche, ce seuil de 51 p. 100 freinera le développement de l'entreprise en rendant difficile toute augmentation de capital, à moins que l'Etat ne joue le rôle de l'actionnaire ambitieux et patient qu'il ne veut plus jouer par ailleurs.
Vous condamnez donc France Télécom, en attendant une véritable privatisation, à une stagnation, c'est-à-dire, en matière économique, à une forme de régression.
D'ailleurs, compte tenu de l'importance du dossier, pourquoi ne pas avoir organisé un grand débat avec le personnel de l'entreprise, comme celui qui fut organisé en 1990 ? Pourquoi cette précipitation ? Jugez-en plutôt : le 29 mai, le projet de loi est soumis au conseil des ministres ; une semaine plus tard, il est examiné au Sénat, d'abord en commission, puis, la semaine suivante, en séance publique. Bref, nous sommes confrontés à un véritable sprint, qui souligne votre volonté de passer en force, sans véritable consensus.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir associé à votre choix le Conseil économique et social ? Pourquoi ne pas avoir sollicité les avis du Haut Conseil du secteur public ? Il se trouve que j'ai présidé cette instance pendant plusieurs années. A l'époque, chaque fois que le Gouvernement voulait modifier les conditions de gestion du secteur public, il en informait cet organisme compétent. Bref, vous êtes passé en force, sachant que votre dossier présentait de hauts risques politiques.
Monsieur le ministre, il ne faut pas jouer avec le service public. Le service public exprime la solidarité et la cohésion de la nation.
La privatisation de France Télécom participerait d'une remise en cause des fondements de notre société et d'une banalisation de cette exception française dont a parlé excellemment mon collègue Jean-Luc Mélenchon.
Je constate que vous ne prenez pas le bon chemin. Sachez, monsieur le ministre, que, dans d'autres circonstances, une nouvelle majorité saura maintenir ou réintégrer France Télécom dans le service public,...
M. Philippe Marini. La renationaliser ?
M. Michel Charzat. ... car nous ne considérons pas que le processus soit irréversible.
M. Philippe Marini. Nous sommes heureux d'apprendre que vous allez renationaliser France Télécom !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Ils ont fait deux communiqués différents !
M. Michel Charzat. Eh bien, monsieur Marini, les Français se prononcerons en toute clarté. Nous leur proposerons le choix que vous leur refusez aujourd'hui, préférant adopter une démarche à la fois subreptice et hâtive.
Mes chers collègues, gardons nos valeurs et nos atouts : les Français sont attachés au service public et la France a besoin d'un grand secteur public, moderne, performant et dynamique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois que je ne vous surprendrai pas en disant que je suis bien loin de souscrire aux propos que je viens d'entendre.
Je trouve même que nos collègues de l'opposition ont la mémoire assez courte, car ce que nous faisons aujourd'hui résulte de qu'ils ont fait en juillet 1990.
M. Michel Charzat. Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Défendez vos idées, ne travestissez pas les nôtres !
M. Philippe Marini. En 1990, on est passé d'une logique administrative à une logique d'entreprise...
M. Michel Caldaguès. Bien sûr !
M. Philippe Marini. ... et, aujourd'hui, on se borne à réaliser l'évolution nécessaire.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ben voyons !
M. Philippe Marini. Comme l'a très justement dit notre rapporteur dans son remarquable travail publié voilà peu, il s'agit, non pas encore d'une réelle privatisation, mais d'une « sociétisation ». Je ne sais pas si ce néologisme serait approuvé par l'Académie française, mais au moins a-t-il le mérite de dire clairement ce qu'il faut dire,...
M. Michel Charzat. Il ne dit rien du tout !
M. Philippe Marini. ... à savoir la nécessité de sortir de la situation totalement originale dans laquelle se trouve France Télécom.
Mes chers collègues, dans le document écrit qui a été diffusé par la commission - Jacques Machet l'a rappelé lui aussi - figure un tableau comparatif des statuts des vingt premiers opérateurs mondiaux dans le domaine des télécommunications. La France ne peut pas avoir raison toute seule ! Car nous sommes actuellement les seuls à avoir un opérateur qui demeure un établissement public de l'Etat, un élément imbriqué dans le fonctionnement même de l'Etat.
Ce qui est proposé dans ce projet de loi, c'est, je le répète, une évolution. Nous tirons les enseignements du travail tout à fait remarquable effectué par l'opérateur public France Télécom depuis 1990, sous la présidence de M. Marcel Roulet et avec le statut d'opérateur public.
Si, monsieur le ministre, vous êtes aujourd'hui en mesure de nous proposer ce texte, c'est parce qu'un certain nombre de préalables ont été levés.
D'abord, on a fait la clarté sur les comptes. On a désigné une commission qui a évalué le patrimoine de France Télécom. En 1990, il n'y avait pas réellement de bilan de France Télécom, et encore moins de bilan consolidé.
Il a fallu plusieurs années pour apprécier la valeur des actifs et pour diffuser des comptes établis selon les principes généralement appliqués aux entreprises du secteur concurrentiel. Ce fut un travail considérable.
Sur un autre plan, une remise en ordre tout aussi complexe a pu avoir lieu : le reclassement complet des personnels. En effet, on a été en mesure de reclasser l'ensemble des fonctions et des qualifications. Cela s'est fait dans la négociation, par la concertation.
On est ainsi insensiblement passé d'une logique administrative, qui prévalait avant 1990, à une logique d'entreprise, qui est la réalité aujourd'hui.
Une telle entreprise ne peut, à l'évidence, être immobile. Elle se jauge par rapport à son environnement international et doit se préparer non seulement à la compétition de 1998 mais aussi à des alliances et à des accords internationaux.
Pour cela, il est indispensable de se présenter comme une entreprise concurrentielle doit le faire habituellement, avec son bilan, son compte de résultat, et en faisant la preuve de sa compétitivité.
Monsieur le ministre, l'évolution que vous nous proposez est attendue par certains d'entre nous depuis quelque temps. Vous savez que le groupe du Rassemblement pour la République vous apportera son total soutien dans la transformation que vous entreprenez.
Je voudrais, maintenant, monsieur le ministre, insister sur un point particulier.
Je suis très attaché à une gestion rationnelle de son patrimoine par l'Etat. L'intérêt patrimonial de l'Etat est, dans l'opération que vous nous proposez, un paramètre essentiel. Nous devons donc nous mettre en position de valoriser au mieux les 49 p. 100 qui seront cédés.
Je suis tout à fait sensible, à cet égard, aux développements que René Trégouët a consacrés à l'équilibre du bilan de l'entreprise. Il ne faudrait pas que des considérations budgétaires immédiates, que je peux au demeurant comprendre, viennent s'opposer à l'intérêt patrimonial réel de l'Etat, qui peut porter sur des enjeux encore beaucoup plus importants.
Nous allons vraisemblablement assister à une opération qui prendra place sur le marché international où interviennent des opérateurs de télécommunications après celle que l'Allemagne va réaliser. Il faut donc que nous soyons particulièrement convaincants pour bien mettre en valeur les actifs que nous allons offrir aux souscripteurs.
De ce point de vue, il importe que les équilibres « bilanciels » de l'entreprise puissent inspirer la plus grande confiance.
L'intérêt patrimonial de l'Etat commande, à l'évidence, la mutation que vous nous proposez, car, même si l'on raisonne aujourd'hui sur des valeurs extrêmement importantes - les plus élevées, sans doute, avec celles que représente Electricité de France, au sein de l'actuel secteur public - il faut avoir conscience que de telles valeurs sont sans doute beaucoup plus volatiles qu'on ne pourrait le croire. En effet, tout dépend de l'approche du marché, tout dépend de la compétition, tout dépend du succès avec lequel sera affronté l'après-1998.
La décision que vous nous proposez, monsieur le ministre, est donc une décision urgente, et je me réjouis que ce projet de loi soit soumis à notre assemblée quelques jours après celui qui établit les règles du jeu du secteur des télécommunications. Maintenant, nous savons dans quel cadre il est possible de travailler.
L'Etat devait faire la clarté sur ses relations avec France Télécom, car, pour inspirer confiance et pour inciter des partenaires à venir s'associer à cette entreprise, encore faut-il qu'il y ait des distinctions bien tranchées entre l'Etat et l'entreprise. C'est ce que vous faites en matière de gestion des questions sociales, de statuts du personnel et de financement des retraites. Ce préalable était indispensable, et je voudrais saluer l'effort qui est entrepris pour aboutir à cette solution.
En conclusion, monsieur le ministre, j'ai la conviction que cette mutation est de l'intérêt de l'entreprise elle-même. Or, l'intérêt de l'entreprise rejoint celui de l'Etat, et ces deux intérêts conjugués rejoignent celui des salariés, puisque ceux-ci bénéficieront de la mobilisation de cette entreprise, à la veille de l'ouverture complète à la concurrence du secteur des télécommunications au 1er janvier 1998.
Aussi, puisque j'entendais parler tout à l'heure de précarité, je voudrais retourner cet argument et dire à ceux qui l'ont employé que l'entreprise précarisée serait assurément celle qui refuserait d'évoluer et qui ne se placerait pas dans les conditions, peut-être cruelles mais inéluctables, de la compétition.
La meilleure façon, mes chers collègues, de compromettre l'emploi dans le secteur public, notamment au sein de France Télécom, et le devenir des salariés consiste à les enfermer dans un cadre que plus aucun pays ne connaît et qui, par les contraintes qu'il comporte, empêche l'entreprise d'évoluer.
Cette entreprise, vous nous la proposez. Elle va se réaliser, je l'espère, très rapidement et vous pouvez être assuré, je le répète, monsieur le ministre, du soutien total du groupe du Rassemblement pour la République pour cette nécessaire mutation. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Monsieur le ministre, la commission devant se réunir pour examiner les amendements, je vous propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.
M. François Fillon, ministre délégué. J'en suis d'accord.

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DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport d'activité du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles pour l'année 1995 ainsi que le onzième rapport de la commission de la sécurité des consommateurs.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.

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DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT
PORTANT SUR DES SUJETS EUROPÉENS

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat portant sur des sujets européens suivante :
A la suite du rapport d'information consacré à la politique étrangère de l'Union européenne établi par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en avril dernier, M. Xavier de Villepin souhaiterait que M. le ministre des affaires étrangères puisse faire part au Sénat des positions du Gouvernement français sur cette question et tenir informée la Haute Assemblée des évolutions intervenues, le cas échéant, dans ce domaine, dans le cadre des négociations de la Conférence intergouvernementale réunie à Turin (n° QE 7).
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale avec débat portant sur des sujets européens a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 415, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Nicolas About, Régis Ploton, Joël Bourdin, Jean-Paul Emin, Jean Pépin, Jean-Claude Carle, Guy Poirieux, Didier Borotra, Jean-Paul Hugot, Martial Taugourdeau, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Alfred Foy, Philippe Marini, Jacques Delong, Roger Husson, James Bordas, Yann Gaillard, Robert Calmejane, René-Georges Laurin, Jean Boyer, Serge Franchis, Maurice Schumann, Pierre Lagourgue, André Maman, Daniel Millaud, Paul d'Ornano, Serge Mathieu, Louis Moinard, Gérard Larcher, Jean Delaneau, Bernard Barbier, Daniel Eckenspieller, Kléber Malécot, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Paul Masson, Roland du Luart, Alain Joyandet, Roger Besse, Charles Descours, François Trucy, Jean-Paul Amoudry, Louis Mercier, Gérard Braun, Roger Rigaudière, François Mathieu, Jean-Pierre Schosteck, Henri de Raincourt, Louis Souvet, Marcel Deneux, Marcel-Pierre Cleach, Jean Bernard, Paul Girod, Christian Bonnet, Pierre Jeambrun, Bernard Seillier et Maurice Lombard une proposition de loi tendant à renforcer le dispositif pénal à l'encontre des associations ou groupements à caractère sectaire qui constituent, par leurs agissements délictueux, un trouble à l'ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine ou la sûreté de l'Etat.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 414, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Alain Dufaut, Michel Alloncle, Louis Althapé, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean Bernard, Roger Besse, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Gérard César, Jacques Chaumont, Jean-Patrick Courtois, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Philippe François, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Alain Joyandet, Gérard Larcher, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Maurice Lombard, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Roger Rigaudière, Maurice Schumann, Louis Souvet, Martiel Taugourdeau, Alain Vasselle et Jean-Pierre Vial une proposition de loi tendant à rendre éligibles au FCTVA certains travaux d'entretien réalisés par les collectivités locales sur des cours d'eau non domaniaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 416, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universeil, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Yvon Bourges, Bernard Barbier, Jean Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Désiré Debavelaere, Jean Delaneau, Charles Descours, Michel Doublet, Patrice Gélard, Alain Gérard, Alain Gournac, Emmanuel Hamel, Roger Husson, André Jourdain, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Maurice Schumann et Jacques Valade une proposition de loi visant à modifier le 18° de l'article L. 195 et le 8° de l'article L. 231 du code électoral.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 417, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universeil, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 (n° 415, 1995-1996), dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

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DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 1997 (section III - Commission).
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-640 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le numéro E-641 et distribuée.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 11 juin 1996 :
A neuf heures trente :

1. Questions orales sans débat suivantes :

I. - M. Michel Mercier appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des écoles municipales de musique au regard de leurs enseignants.
La grande majorité de ces enseignants sont soit des contractuels, soit des vacataires, ce qui est justifié par le fait que ces écoles doivent assurer le maximum d'enseignements spécialisés, notamment en instrument, en faisant appel à des spécialistes, mais pour peu d'heures d'enseignement.
Actuellement, les administrations de tutelle s'opposent au renouvellement des contrats au motif qu'il existe une filière de la fonction publique territoriale relative aux enseignants de musique. Malheureusement, cette filière est tout à fait inadaptée, notamment pour les écoles à effectif faible ou moyen réparti en un grand nombre de disciplines : il est impossible d'offrir des postes à temps plein ou au moins trente et une heures trente dans l'ensemble des disciplines.
Si le ministère ne permet pas de continuer à recourir à des contractuels, ces écoles municipales de musique, dont le rôle est très important, devront disparaître.
Il souhaite donc que les communes ou groupements de communes qui ont des écoles municipales de musique et qui assurent des enseignements de solfège et d'un assez grand nombre de disciplines instrumentales soient autorisées à recourir à des contractuels pour assurer ces enseignements lorsque le temps d'enseignement ne correspond pas à un temps plein de fonctionnaire. (N° 382.)
II. - M. Michel Mercier attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des fonctionnaires publics territoriaux désirant travailler à mi-temps.
Il y a un triple intérêt à développer le travail à temps partiel dans la fonction publique territoriale : pour le service public, qui peut s'adapter aux besoins réels du service, des usagers et du territoire ; pour le fonctionnaire qui le désire et qui peut ainsi avoir la maîtrise de son temps consacré à la vie professionnelle et de son temps consacré à la vie familiale ; pour l'emploi en général.
Or, face à cet intérêt, il existe des freins au développement du travail à temps partiel, et notamment du travail à mi-temps. L'un des freins essentiels est sa non-application à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, pour les agents effectuant moins de trente et une heures trente par semaine.
Il souhaite que le Gouvernement lève cette barrière au développement du travail à mi-temps pour les fonctionnaires territoriaux, car il est bien évident que l'application à la CNRACL constitue un élément du statut du fonctionnaire local. Cet agent local n'acquerrait des droits à retraite qu'en fonction de la cotisation et de son temps de travail, comme cela se fait pour les fonctionnaires de l'Etat. (N° 383.)
III. - M. François Gerbaud attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les difficultés que rencontrent les communes en raison du retard pris pour la publication du décret relatif à la commission départementale des élus, chargée de se prononcer sur les catégories d'investissements éligibles à la dotation globale d'équipement, la DGE, les taux d'intervention, ainsi que - il s'agit d'une nouveauté résultant de la réforme de la DGE prévue par la loi de finances initiale pour 1996 - la répartition de l'enveloppe départementale entre les communes et groupements de 2 000 habitants au plus et ceux qui sont compris entre 2 000 et 20 000 habitants.
En l'absence de ce décret qui modifie le nombre et la composition des collèges d'élus, la commission n'a pu se réunir, ni celle qui est chargée d'examiner les subventions de dotation de développement rural, les DDR.
Dans les départements, comme l'Indre, où plusieurs associations d'élus existent, le retard sera aggravé par la nécessité de procéder à des élections.
Les communes ne peuvent, en conséquence, commencer des travaux bien souvent urgents, puisque l'arrêté de subvention de DGE doit être préalable, en application de l'article 10 du décret du 10 mars 1972, relatif au régime des subventions de l'Etat.
Le retard est non seulement préjudiciable aux budgets communaux, mais également aux entreprises locales, qui réalisent la très grande majorité de ces travaux. Ainsi, pour l'Indre, on peut estimer à 130 millions de francs le montant des travaux « DGE » et « DDR » qui sont ainsi bloqués dans l'attente des arrêtés que le préfet ne peut légalement prendre.
Cette situation se complique puisque, au 15 mai, le préfet n'a toujours pas reçu l'autorisation de programme de DGE et ne pourrait pas prendre les arrêtés de subvention, quand bien même la commission d'élus se serait réunie.
Aussi, il lui propose, dans le cadre des réflexions relatives à la réforme de l'Etat, la possibilité de donner aux préfets le droit d'autoriser le commencement des travaux avant l'arrêté de subvention, droit qui actuellement appartient au ministre de l'économie et des finances, sauf cas particulier d'urgence prévu à l'article 11 du même décret, tel qu'un sinistre, ou une catastrophe naturelle.
D'une façon plus générale, et pour adapter le vieux décret du 10 mars 1972 relatif au régime des subventions de l'Etat, qui ne pouvait prévoir la décentralisation et la globalisation des subventions, l'autorisation de commencer les travaux avant l'arrêté de subvention pourrait être attribuée aux préfets de département, pour ce qui concerne les financements de catégorie III et aux préfets de la région en ce qui concerne les financements de catégorie II.
Qui mieux que l'ordonnateur est à même de juger de l'intérêt d'autoriser ou non le commencement des travaux ? (N° 390.)
IV. - M. François Lesein expose à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation que la loi n° 1134 du 27 décembre 1994, modifiant certaines dispositions relatives à la fonction publique territoriale, ainsi que la circulaire du 13 février 1995 laissent encore sans réponse un certain nombre de questions concernant la situation et la gestion des cadres A territoriaux, momentanément privés d'emploi.
Il lui demande s'il envisage de publier prochainement des décrets d'application, notamment sur l'article 97 de la loi du 27 décembre, afin de préciser l'organisation et les conditions de rémunération des missions pouvant être confiées à cette catégorie de fonctionnaires. (N° 400.)
V. - M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur l'avancement de grade destiné à promouvoir le titulaire d'un emploi fonctionnel et les contraintes des seuils démographiques.
Il lui précise que le décret n° 96-101 du 6 février 1996 ne règle que partiellement les difficultés administratives rencontrées par les élus locaux.
Il estime regrettable que le fonctionnement harmonieux des collectivités locales soit remis en cause par un certain nombre de contraintes liées au recrutement des emplois de direction.
En conséquence, il lui demande s'il n'estime pas opportun de compléter le critère démographique par un ratio en matière d'équipement brut. (N° 403.)
VI. - M. Nicolas About attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la législation relative aux gens dits « du voyage » non pas sur les textes en vigueur dont les maires connaissent, hélas ! trop bien les insuffisances, qui les placent dans des situations intenables, mais sur ce que le Gouvernement envisage de faire pour que les questions qui se posent trouvent enfin une réponse.
Quand un Gouvernement aura-t-il le courage de s'attaquer véritablement au problème, en considérant que les gens dits « du voyage » doivent être soumis à la rigueur de la loi comme toute personne vivant dans notre pays ?
Nous savons qu'un groupe de travail de la commission des lois du Sénat examine le sujet. Nous savons, pour y participer, que le groupe des sénateurs-maires y travaille également. Mais rien n'avancera concrètement sans une volonté forte du Gouvernement.
Peut-on espérer une loi réaliste et l'abrogation des dispositions prévues dans la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville, dite loi Besson ? Cette dernière, en effet, pénalise les communes sans aucune contrepartie ou garantie. La presse est pleine d'articles rapportant les agressions d'élus, les dégradations de biens publics et privés, le squat des parkings d'entreprises et des zones commerciales vouées à la faillite par la fuite des clients.
Le sujet est certes complexe, mais, voilà des années, que l'ensemble des questions qui se posent sont répertoriées. Le diagnostic est connu. Il faut maintenant agir.
Il lui demande donc s'il est prêt à proposer une loi donnant aux autorités et à la justice de véritables moyens d'intervention, en requalifiant la faute lorsqu'il y a violation de la propriété publique ou privée. Il faut pouvoir qualifier ces actes de délits, ce qui permettrait la mise en oeuvre de procédures de flagrant délit.
Il lui demande également s'il est prêt à revenir sur la loi Besson, qui ne prévoit que des contraintes pour les élus locaux sans leur accorder aucune garantie. (N° 371.)
VII. - M. Charles Metzinger appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les circulaires n° 81-46 et n° 81-252 du 9 juillet 1981 relatives aux modalités d'établissement des autorisations collectives de sortie du territoire pour des élèves mineurs.
Dans les régions frontalières - et c'est le cas en Moselle - l'enseignement précoce d'une langue étrangère à l'école primaire, en l'occurrence l'allemand, est devenu une pratique courante, et les enseignants y associent souvent des projets d'échanges et de rencontres avec des écoles allemandes qui ont élaboré des programmes similaires.
L'obligation faite par cette circulaire au chef d'établissement ou au directeur d'école de s'assurer de la nationalité française de l'élève en demandant communication de sa carte nationale d'identité ou de son passeport périmé depuis moins de cinq ans revêt souvent un caractère dissuasif pour l'élève de participer à ces projets pédagogiques.
Depuis 1981, des traités admettent la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté européenne.
Afin que tous les élèves puissent sans difficulté participer à ces échanges transfrontaliers, il lui demande de bien vouloir reconsidérer cette circulaire pour en assouplir les modalités. (N° 395.)
VIII. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre du travail et des affaires sociales sur la situation difficile que connaît l'institut médico-éducatif de Sainte-Fortunade, en Corrèze.
Des efforts importants ont été consentis par le personnel, tels que le redéploiement, et par l'association gestionnaire, tels que l'abandon d'un projet de centre de préorientation professionnelle. En dépit de demandes réitérées depuis plus de trois ans, le financement des indispensables travaux de conformité et de sécurité fait toujours défaut.
Il lui demande donc si l'État entend assurer ce financement, faute de quoi les arrêtés du 26 mai 1993 en application du décret du 27 octobre 1989 ont hypothéqué sérieusement le bon fonctionnement de l'établissement. (N° 392.)
IX. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville et à l'intégration sur les conséquences du départ de la société Schweppes de la ville de Pantin (93500). Cette entreprise emploie actuellement 95 personnes.
Alors que la raison invoquée est le manque de place pour se développer, un examen attentif des comptes de Schweppes-France indique une stratégie axée sur la recherche de la rentabilité financière au détriment de l'emploi. Ainsi, de 1991 à 1994, les bénéfices de l'entreprise se sont accrus de 404 p. 100. Dans le même temps, les frais de personnel ont baissé de 20 p. 100, passant de 233 millions de francs à 186 millions de francs. Schweppes-France s'apprête vraisemblablement à demander l'aide publique dans trois domaines : le financement pour le départ de Pantin et la suppression d'emplois, le financement pour la création d'une nouvelle implantation et, enfin, le financement au titre de l'aide à l'embauche.
Alors que le Gouvernement affirme publiquement sa volonté de maintenir et même d'implanter des entreprises dans les villes de banlieues, acceptera-t-il de favoriser le départ de Schweppes de Pantin en lui attribuant des financements publics ? (N° 393.)
X. - M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux transports sur les différentes estimations financières concernant le coût global du canal à grand gabarit Rhin-Rhône.
Il rappelle que des divergences importantes apparaissent quant aux paramètres financiers, selon les sources fournissant les évaluations.
En conséquence, il lui demande, d'une part, de lui préciser si tous les aménagements techniques de ce projet particulièrement complexe ont été pris en compte et, d'autre part, de lui donner des informations quant à la rentabilité future d'une telle liaison. (N° 401.)
XI. - M. Louis Souvet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux transports quant à l'avenir professionnel des élèves pilotes formés à l'Ecole nationale de l'aviation civile, l'ENAC.
Il précise que les pouvoirs publics doivent être conscients du taux de chômage très élevé au sein de cette élite de l'aéronautique française.
En conséquence, il lui demande si elle envisage d'engager une réflexion quant au reclassement social de ces jeunes soit dans leur métier initial, soit dans une branche connexe. (N° 402.)
XII. - M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur le non-respect par la société anonyme HLM Carpi, filiale du groupe Maisons familiales, de la réglementation en matière de logements construits en accession à la propriété et acquis au moyen de prêts aidés.
L'étude de cette affaire démontre que les logements construits par le groupe Maisons familiales et vendus par sa filiale la SA HLM Carpi ont fait l'objet de deux agréments ministériels rendus successivement en 1976 et en 1979 sur le fondement d'un concours d'Etat, le concours CNBS, créé par le comité national des bâtisseurs sociaux et ayant pour objet de permettre aux particuliers disposant des revenus les plus modestes de devenir propriétaires grâce à une réduction obligatoire du prix des logements agréés.
Des documents publicitaires diffusés par le groupe Maisons familiales insistaient d'ailleurs sur l'opportunité d'acquérir de tels logements à des prix inférieurs de 10 p. 100, voire de 20 p. 100, aux prix plafonds HLM.
Or il s'est avéré que la société HLM Carpi n'a pas répercuté cette réduction de prix sur les logements vendus et a pratiqué des prix de vente correspondant au barème ordinaire des prix HLM « accession ».
Il lui demande donc pourquoi aucune des directions départementales de l'équipement n'a procédé à un contrôle des prix de référence des logements construits par la SA HLM Carpi en application des règles spéciales issues du concours CNBS, alors que les fiches d'opération déposées auprès d'elles par la société pour obtenir le versement de prêts aidés faisaient expressément référence audit concours CNBS.
Il lui demande aussi pourquoi le rapport de contrôle de 1989 de l'inspection générale de l'équipement établi à l'encontre de la société Carpi à la demande du ministère de la construction ne fait aucune allusion au concours CNBS et se fonde exclusivement sur les barèmes réglementaires des prix plafonds HLM « accession ». (N° 397.)
XIII. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la très forte dégradation de la situation des professions du bâtiment et des travaux publics : atonie du marché des particuliers, désengagement budgétaire de l'Etat, fiscalité excessive, désintérêt des banques, travail au noir, etc.
Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour apaiser les inquiétudes et relancer le marché. (N° 398.)
XIV. - M. Henri Weber interroge M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur l'arrêt des travaux de mise à deux fois deux voies de la RN 27 entre Rouen et Dieppe.
Décidée en 1993 pour désenclaver le littoral haut-normand, la mise à deux fois deux voies de la RN 27 devait être inaugurée au printemps 1996, « quels que soient les aléas ».
Or les travaux viennent d'être suspendus pour deux ans, au titre des économies budgétaires décidées par le Gouvernement, alors que les ouvrages d'art ont déjà été édifiés et qu'il ne reste plus qu'à poser le revêtement définitif et à procéder à quelques travaux de finition, ce qui pourrait être fait en quelques semaines.
Il lui demande quelles initiatives il compte prendre pour lever cette décision scandaleuse, qui porte un préjudice considérable à une région déjà très éprouvée par le chômage et le marasme économique. (N° 404.)
XV. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la recherche sur les inquiétudes des chercheurs français à l'égard des mesures qui ont été récemment prises afin d'assainir la situation du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS. Ces derniers craignent effectivement que ces restrictions budgétaires ne viennent compromettre la réussite de certains programmes européens en cours dont des laboratoires français sont les coordonnateurs et ne découragent les jeunes qui se sont orientés vers la recherche. C'est pourquoi il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il envisage de prendre afin d'assurer une certaine stabilité à la politique de recherche française. (N° 391.)
XVI. - Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions de la rentrée scolaire dans le département de la Seine-Saint-Denis.
La réalité économique et sociale de ce département rend les conditions d'enseignement particulièrement difficiles. Dans ce contexte, l'échec scolaire est important et les résultats départementaux aux examens sont inférieurs à ceux de la région parisienne et à ceux de notre pays. Cette situation appelle donc un effort exceptionnel de rattrapage.
Elle souhaite qu'il lui expose ses propositions pour la rentrée prochaine afin de permettre la réduction de l'échec scolaire et la promotion de la réussite scolaire en Seine-Saint-Denis. (N° 394.)
XVII. - M. René Rouquet appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les mesures de carte scolaire présentées pour le Val-de-Marne au conseil départemental de l'éducation nationale. Ces mesures laissent présager pour la rentrée 1996-1997 une détérioration des conditions d'enseignement marquées par le recul des structures d'encadrement par rapport à la situation actuelle et un traitement inégalitaire des écoles qui soulève de nombreuses interrogations relatives aux critères d'évaluation des établissements scolaires.
Alors que le Val-de-Marne ne peut être considéré comme un département facile et que les effets du nouveau contrat pour l'école devraient être ressentis dans le premier degré, il est prévu une diminution du taux d'encadrement générée par une augmentation des moyennes d'élèves par classe et la non-prise en compte de l'ensemble des établissements situés en zone sensible, et ce alors que le Gouvernement manifeste son intention de s'attaquer aux problèmes des quartiers difficiles.
Il lui demande donc de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur cette situation et de lui indiquer s'il envisage de prendre des mesures relatives aux différents points évoqués. (N° 396.)
II. - M. François Gerbaud attire l'attention de M. le ministre dela fonctin publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation :
A seize heures et le soir :
2. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom.
Rapport (n° 406, 1995-1996) de M. Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délai limite général pour le dépôt des amendements

Le délai limite pour le dépôt des amendements à tous les projets de loi et propositions de loi ou de résolution prévus jusqu'à la fin de la session ordinaire, à l'exception des textes de commissions mixtes paritaires et de ceux pour lesquels est déterminé un délai limite spécifique, est fixé, dans chaque cas, à dix-sept heures, la veille du jour où commence la discussion.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

1° Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer (n° 333, 1995-1996).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept heures.
2° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, complétant la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 376, 1995-1996).
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mercredi 12 juin 1996, à dix-sept heures.
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (n° 381, 1995-1996).
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale est fixé au lundi 17 juin 1996, à douze heures.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au lundi 17 juin 1996, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Xavier de Villepin a été nommé rapporteur du projet de loi n° 415 (1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, de programmation militaire 1997-2002.

COMMISSION DES FINANCES

Maurice Blin et François Trucy ont été nommés rapporteurs pour avis du projet de loi n° 415 (1995-1996) relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002, dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Modalités d'application
de la dotation générale de décentralisation

427. - 7 juin 1996. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des modalités d'application de la dotation générale de décentralisation. Il lui rappelle que les départements, pour lesquels le calcul de cette dotation laisse apparaître un solde négatif, sont soumis à un prélèvement de la somme correspondante sur le produit de leur taxe différentielle sur les véhicules à moteur. Il lui indique, en effet, que le principe de ce prélèvement présente - outre son esprit contraire aux règles de la comptabilité publique qui interdit toute contraction entre dépenses et recettes - de nombreux inconvénients : il complique l'élaboration des prévisions budgétaires en faisant peser une incertitude sur le montant des recettes attendues ; il introduit une opacité dans la lecture des comptes ainsi que des distorsions dans les ratios de gestion des collectivités concernées, faussant en conséquence les comparaisons interdépartementales. Il lui demande, en conséquence, s'il ne serait pas possible de revoir les modalités d'application de la DGD en cas de solde négatif, en particulier par l'inscription d'une ligne budgétaire spécifique.