Les lois financières [1] sont désormais fortement encadrées par les règles européennes, qui s’appliquent à l’ensemble des administrations publiques[2], et à quelques exceptions près[3] utilisent les concepts de la comptabilité nationale[4], harmonisés au niveau européen et mis en œuvre par l’Insee. Il s’agit :

  • du pacte de stabilité et de croissance, réformé en 2011 par le « six-pack » et en 2013 par le « two-pack », et qui relève du droit communautaire ;
  • du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) entré en vigueur en 2013, dont l’application a été anticipée par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui définit notamment le régime des lois de programmation des finances publiques.

À compter du 1er janvier 2023, les dispositions de loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques figureront, pour l’essentiel d’entre elles, dans le corps de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le pacte de stabilité et de croissance

Présentation d’ensemble

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) prévoit, dans le protocole n° 12 au traité sur l’Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, que les États de l’Union européenne ne doivent pas présenter un déficit public supérieur à 3 points de PIB ou une dette publique supérieure à 60 points de PIB.

Il comprend deux volets :

  • un volet dit « préventif » ;
  • un volet dit « correctif ».

Le volet préventif a pour base juridique l’article 121 du TFUE, relatif à la coordination des politiques économiques, et le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997[5]. Ce règlement concerne l’ensemble des Etats, que leur déficit soit ou non supérieur à 3 points de PIB. Dans sa rédaction initiale, il prévoyait essentiellement que les Etats, qui devaient poursuivre un « objectif budgétaire à moyen terme » conforme aux « grandes orientations économiques » définies par le Conseil, transmettaient chaque année à la Commission européenne un programme de stabilité (un programme de convergence pour ceux n’appartenant pas à la zone euro). Il ne prévoyait aucune sanction.

Le volet correctif a pour base juridique l’article 126 du TFUE, relatif aux déficits excessifs, et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997[6]. Il prévoit, pour les Etats ayant un déficit public supérieur au seuil de 3 points de PIB, diverses procédures pouvant, le cas échéant, déboucher sur des sanctions. Dans la rédaction initiale de ce règlement, le seuil de dette de 60 points de PIB n’était pas pris en compte pour l’imposition éventuelle de sanctions.

Les trois étapes éventuelles du volet correctif sont les suivantes :

  • décision, par le Conseil, que l’Etat est en déficit excessif  (et recommandation de prendre une « action suivie d’effets ») ;
  • décision, par le Conseil, que l’Etat n’a pas pris d’ « action suivie d’effets » (et mise en demeure de prendre une telle action) ;
  • décision, par le Conseil, que l’Etat ne s’est pas conformé à une mise en demeure (le TFUE ne prévoyant de sanctions – une amende de 0,2 point de PIB, à laquelle s’ajoute une part variable – que dans ce cas particulier). 

Il doit être relevé que l’ensemble des obligations précitées sont suspendues depuis le 23 mars 2020 et sont susceptibles de le demeurer au moins jusqu’en 2023. Par ailleurs et d’ici à cette date, la Commission européenne pourrait être amenée à proposer une réforme des règles du Pacte de stabilité et de croissance. 

L’instauration du « semestre européen » et la transmission des programmes de stabilité en avril (2011)

Depuis 2011, les programmes de stabilité sont transmis à la Commission européenne non en décembre-janvier, c'est-à-dire après la discussion budgétaire, mais au plus tard à la fin du mois d’avril[7].

Le « six-pack » de novembre 2011

Les deux volets du pacte de stabilité ont été profondément réformés en novembre 2011 par trois règlements[8] et une directive[9] du « six-pack »[10].

Le « six-pack » instaure deux règles supplémentaires :

  • le volet « préventif » du pacte de stabilité prévoit que les Etats doivent poursuivre un objectif à moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, correspondant à un déficit structurel de 1 point de PIB au maximum[11], et se rapprocher de cet objectif en réduisant le déficit structurel d’au moins 0,5 point de PIB par an (davantage si leur dette est supérieure à 60 points de PIB) ;
  • le volet « correctif » du pacte de stabilité prévoit que les Etats doivent, en moyenne sur les trois dernières années pour lesquelles ce chiffre est disponible, réduire le ratio dette/PIB d’un vingtième de la part au-dessus de 60 points de PIB. L’objectif de réduction de la dette étant exprimé en points de PIB, et non en milliards d’euros, cette règle n’implique normalement pas d’excédent du solde public[12].

Le « two-pack » prévoit en outre de nouvelles possibilités de sanctions pour les Etats de la zone euro. Celles-ci sont adoptées à la « majorité qualifiée inversée » : le texte de la Commission est réputé adopté sauf si le Conseil vote contre à la majorité qualifiée. 

L’estimation du solde public structurel

Le solde public structurel se définit comme ce que serait le solde public si le PIB était égal à son niveau potentiel, en supposant que les recettes publiques hors mesures nouvelles demeurent stables en points de PIB. Il se calcule donc « mécaniquement » à partir de l’estimation de l’écart de production (output gap), c’est-à-dire de l’écart du PIB par rapport à son potentiel.

Pour passer du solde effectif au solde structurel, il faut lui soustraire l’écart de production (c’est-à-dire l’écart entre le PIB et le PIB potentiel) multiplié par environ 0,5. En effet, les dépenses représentent environ la moitié du PIB. Un PIB augmenté d’un point réduit donc le ratio dépenses/PIB, et donc le déficit, d’environ 0,5 point (le ratio recettes/PIB étant supposé inchangé).

Exemple : on suppose qu’une année donnée l’écart de production est de - 0,8 point de PIB. Le solde effectif, de - 5,2 points de PIB, correspond donc à un solde structurel de - 5,2 - (- 0,8 × 0,5) = - 4,8 points de PIB.

L’estimation du solde public structurel est donc très dépendante de celle du PIB potentiel, en partie conventionnelle.

Le « two-pack » de mai 2013 :

Le « two-pack » consiste en deux règlements de mai 2013[13], pris sur la base de l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l'UE et applicable aux seuls Etats de la zone euro.

Si le premier règlement ne concerne que les Etats en difficulté, le second s’applique à tous, et fixe un calendrier budgétaire assorti d’avis de la Commission européenne. 

Les sanctions prévues par le « Six-pack » de novembre 2011, dans le cas des seuls Etats de la zone euro (règlement (UE) n° 1173/2011)

Déclenchement de la sanction Sanction Adoption
Volet préventif
Décision du Conseil établissant l'absence de réponse à une
recommandation du Conseil sur la base de l'article 121(4) du TFUE

Dépôt portant intérêt
(en principe 0,2% du PIB)

Vote à la majorité
qualifiée inversée
Volet correctif
Décision du Conseil sur la base de l'article 126 (6) du TFUE
(existence d'un déficit excessif), seulement si les Etats membres
ont déjà versé un dépôt portant intérêt (en cas de non-conformité
avec les dispositions du préventif) ou en cas de violation
particulièrement grave des règles
Dépôt ne portant pas
intérêt (en principe
0,2% du PIB)

Vote à la majorité
qualifiée inversée
Décision du Conseil sur la base de l'article 126 (8) du TFUE
(absence d'action suivie d'effet en réponse à la recommandation
de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126 (7))
Amende (en principe
0,2% du PIB)
Seule sanction existant avant le "six-pack"
Décision du Conseil sur la base de l'article 126 (11) du TFUE
(absence d'action effective en réponse à la mise en demeure
de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126 (9)

Amende (0,2% du PIB
+ composante variable)

Vote à la majorité
qualifiée "ordinaire"

Le TSCG, mis en œuvre par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

Le TSCG

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), parfois appelé « pacte budgétaire », a été signé le 2 mars 2012 par 25 des 27 Etats de l’Union européenne[14] et est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Contrairement au pacte de stabilité, il ne relève pas du droit communautaire.

Les Etats doivent s’engager à respecter une trajectoire de solde public structurel, leur permettant d’atteindre en fin de période leur « objectif à moyen terme » (OMT), qui, selon le TSCG, ne peut correspondre à un déficit structurel supérieur à 0,5 point de PIB[15].

L’article 3 du TSCG dispose que les règles « prennent effet dans le droit national des parties contractantes (…) au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». Il ajoute qu’« un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants[16] sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation ».

La Commission européenne a adopté le 20 juin 2012 une communication dans laquelle elle précise que le caractère « contraignant » des dispositions nationales peut se limiter à un principe « se conformer ou s’expliquer » : un Etat membre ne doit pas nécessairement se conformer à l’avis de l’organisme de supervision (en France, le Haut conseil des finances publiques). 

La loi organique sur la programmation et la gouvernance des finances publiques

La loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques – dont les dispositions figureront dans le corps de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances à compter du 1er janvier 2023 – met en œuvre le TSCG.

Elle renforce le rôle des lois de programmation des finances publiques (LPFP). Celles-ci ont pour base l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, qui dispose, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Depuis la loi organique précitée, les lois de programmation des finances publiques (dont les objectifs demeurent juridiquement non contraignants) :

  • définissent une trajectoire de solde structurel ;
  • comprennent, pour au moins trois années, les plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'Etat. 

La loi organique met en place un Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui rend des avis consultatifs en matière de prévisions macroéconomiques et de finances publiques.

En particulier, il rend, préalablement au dépôt du projet de loi de règlement pour l’année n, un avis sur les éventuels « écarts importants »[17] de solde structurel de l'exécution de l'année n par rapport à la LPFP et sur les mesures de correction envisagées par le Gouvernement.

Composé de onze membres, le HCFP, présidé par le premier président de la Cour des comptes, comprend notamment quatre membres nommés par chacun des quatre présidents de chaque assemblée parlementaire et de leurs commissions des finances[18]. A la suite d’amendements du Sénat, les quatre membres du HCFP nommés par le Parlement le sont après leur audition publique conjointe par la commission des finances et la commission des affaires sociales de l’assemblée concernée, et le HCFP doit respecter la parité entre hommes et femmes pour ses neuf membres nommés[19]

[1] La notion de « loi financière » est utilisée notamment par plusieurs rapports du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

[2] Celles-ci comprennent, outre l’Etat (couvert par les lois de finances) et les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (couverts par les lois de financement de la sécurité sociale), les opérateurs de l’Etat (organismes divers d’administration centrale), les administrations publiques locales (collectivités locales et organismes divers d’administration locale) et les administrations de sécurité sociale non couvertes par les lois de financement de la sécurité sociale, comme les hôpitaux, les régimes complémentaires de retraite, l’assurance chômage et, depuis un reclassement effectué en 2011 par l’Insee, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et le Fonds de réserve des retraites (FRR), jusqu’alors considérés comme des organismes divers d’administration centrale.

[3] La dette publique au sens du traité de Maastricht est consolidée et en valeur nominale. Par ailleurs, pour calculer le solde au sens de Maastricht, il faut ajouter les gains et pertes sur swaps.

[4] Qui contrairement par exemple à la comptabilité budgétaire repose sur la notion de droits constatés

[5] Règlement relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

[6] Règlement visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

[7] Dans un premier temps, le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le code de conduite de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Puis le règlement n° 1175/2011, qui fait partie du « six-pack » (cf. ci-après) a modifié l’article 4 du règlement n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, qui prévoit désormais que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans au mois d’avril, de préférence pour la mi-avril et au plus tard le 30 de ce mois ».

[8] Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro ; règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs

[9] Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres.

[10] Les deux autres règlements (n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro et  n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques) concernent non le pacte de stabilité, mais la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques.

[11] Le TSCG prévoit quant à lui que cet objectif doit être compris entre 0,5 point de PIB et l’excédent.

[12] La croissance du PIB nominal tend à réduire le ratio dette/PIB.

[13] Règlement  (UE) n°472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière ; règlement  (UE) n° 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro.

[14] Le Royaume-Uni et la République tchèque ne sont pas signataires.

[15] Contre 1 point de PIB pour le « six-pack ».

[16] La notion d’ « écarts importants » n’est pas précisée par le TSCG, mais par le règlement n° 1466/97 (volet « préventif » du pacte de stabilité). Ces écarts sont définis comme correspondant à au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

[17] Soit un écart de 0,5 point du PIB une année ou 0,25 point de PIB deux années consécutives, conformément au TSCG et au « six-pack ».

[18] Sur les onze membres du HCFP,  quatre sont nommés par le premier président de la Cour des comptes , quatre le sont par chacun des quatre présidents de chaque assemblée parlementaire et de leurs commissions des finances, un l’est par le président du CESE. Le premier président de la Cour des comptes (son président) et le directeur général de l’Insee sont membres es qualités.

[19] Le premier président de la Cour des comptes nomme autant de femmes que d’hommes. Dans le cas des cinq autres membres (nommés par les présidents des assemblées parlementaires, de leurs commissions des finances et du CESE), un tirage au sort, dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat, indique si, pour la constitution initiale du HCFP, le membre devant être nommé par chacune des cinq autorités concernées est un homme ou une femme. Lors de chaque renouvellement, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme, une femme.