1. Le POS : une arme à double tranchant, instrument de la concurrence foncière intercommunale

Le plan d'occupation des sols est l'instrument de programmation privilégié des politiques communales de l'urbanisme. Il tend 28( * ) à " fixer les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols " qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire. Sa généralisation progressive à la majeure partie du territoire en fait l'élément essentiel de toute politique de l'urbanisme soucieuse du respect de l'autonomie locale. Au 1er juillet 1997, 15.180 communes -représentant une population de 51,7 millions d'habitants- étaient dotées d'un POS 29( * ) .

En théorie, ce document répond presque parfaitement à l'objet que poursuit la politique de préservation et d'aménagement des espaces périurbains. Les 3/4 de la superficie des cantons périurbains sont couverts par des POS publiés contre seulement 30 % des surfaces appartenant aux cantons ruraux 30( * ) . L'expérience prouve pourtant que le recours au POS ne suffit pas pour résoudre les problèmes que connaissent les espaces périurbains et que son utilisation contribue même parfois à les aggraver.

a) Un instrument de préservation des paysages ...

L'article L-123-1 précité dispose que le POS doit " prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution " et qu'il :

- délimite les zones urbaines ou à urbaniser, tient compte des besoins en matière d'habitat de services et de transports des populations actuelles et futures et prend notamment en considération la valeur agronomique des sols et les structures agricoles ;

- définit en fonction des situations locales les règles concernant le droit d'implanter des constructions , leur destination et leur nature ;

- détermine des règles concernant l'aspect extérieur des constructions , leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords ;

- fixe pour chaque zone un ou des coefficients d'occupation des sols qui déterminent la densité de construction admise ;

- identifie les éléments de paysage et délimite les quartiers, les rues, monuments, sites et secteurs à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou écologique ;

- localise les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général et aux espaces verts ainsi que, dans les zones urbaines, les terrains cultivés à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements éventuels qui les desservent.

Les autorités chargées de l'élaboration des plans d'occupation des sols disposent, par conséquent, de compétences très étendues pour conduire la politique foncière communale dans un souci de protection paysagère . L'expérience prouve pourtant que les POS ne permettent pas -sauf volonté très forte- de mener à bien une politique de gestion cohérente des espaces périurbains. Cette situation s'explique par des raisons qui tiennent aussi bien à l'instabilité des plans d'occupation des sols qu'à la réelle concurrence que se livrent, trop souvent, les communes lors de l'élaboration de ces documents.

b) ... dont les limites se révèlent dans les espaces périurbains

Les plans d'occupation des sols sont marqués par une relative instabilité et par un caractère faiblement intercommunal qui nuisent à leur bonne utilisation.

Les plans d'occupation des sols sont caractérisés par une trop forte instabilité : A la date du 1er janvier 1996 -dernière statistique disponible- dans plus du quart des communes disposant d'un POS celui-ci était en cours de révision. Dans les Bouches-du-Rhône, on a dénombré, depuis 1983, pas moins de 450 procédures de modification de POS et 204 révisions dont 123 révisions 31( * ) totales !

Le phénomène n'est pas nouveau. Dès 1992, le Conseil d'Etat dans un rapport intitulé " L'urbanisme, pour un droit plus efficace", soulignait la trop forte instabilité des POS ainsi que les effets pervers de la transformation continue des documents d'urbanisme décentralisés. " Une réglementation qui change au gré des circonstances et des contraintes particulières voit nécessairement posée la question de sa justification. Pourquoi en effet, établir une règle de droit générale et absolue si c'est pour la remettre en cause à la première occasion venue ? " 32( * )

La question posée par la Haute juridiction s'exprime avec acuité dans les espaces périurbains. Bien souvent, en effet, les propriétaires sont tentés de faire pression sur les communes pour obtenir une autorisation de construire qui décuplera ou plus la valeur de la terre agricole. Si le conseil municipal ne répond pas positivement à une telle demande, certains administrés n'hésiteront pas à laisser leurs terrains en friche, voire à engager des procédures, pour faire pression sur la commune. C'est ainsi que dans bien des cas, des demandes réitérées de permis de construire sont finalement satisfaites lors de la révision du plan d'occupation des sols. Dès lors, comme le relevait le conseil d'Etat dans son rapport précité : " On assiste à une inversion des rapports entre la réglementation et les autorisations individuelles. Ces dernières ne se soumettent plus à la règle de droit, mais c'est elle qui évolue au gré des projets particuliers. " 33( * )

Autre faiblesse : les plans d'occupation des sols sont rarement intercommunaux . Cette situation se conçoit dans les terroirs ruraux d'habitat groupé où l'on cherche à éviter le mitage. Elle n'en demeure pas moins étonnante dans les régions d'urbanisation à la fois dense et diffuse, " en peau de léopard ", où l'on ne distingue plus le centre des communes de leur périphérie. Chacun sait qu'il est, bien souvent, fait usage de la réglementation urbanistique pour attirer les entreprises et la taxe professionnelle qui les accompagne. Or, dans de nombreux espaces périurbains, la taille des communes est trop réduite pour qu'une seule collectivité puisse gérer à la fois les problèmes d'emploi et d'activité, de logement, de commerce et de loisirs. En conséquence, il n'est pas rare que les communes les plus avisées accueillent les grandes surfaces, et que les autres communes recueillent les logements sociaux et les infrastructures. Rien ne favorise actuellement les collectivités locales qui font prévaloir une gestion économe de l'espace : la vertu ne paie pas !

En conséquence, les communes les plus soucieuses de maintenir un équilibre entre l'habitat, les infrastructures et les espaces naturels et agricoles sont constamment menacées par une " surenchère " causée par la politique moins rigoureuse de leurs voisines, dont le POS sera plus souple en termes de prescription normatives (apparence des constructions, ou coefficient d'occupation des sols, par exemple).

En théorie, ce problème pourrait être réglé par l'utilisation appropriée des schémas directeurs, qui harmoniseraient à un niveau supracommunal l'ensemble des composantes du tissu urbain (logements, grandes surfaces, zones industrielles, notamment). Il s'avère pourtant, en pratique, que ces instruments ne permettent pas d'atteindre l'objectif d'une gestion plus intercommunale des documents de planification de l'urbanisme.

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