N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 29 octobre 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1),

sur


le cinquième Programme-cadre de recherche

(proposition d'acte communautaire E 847),

Par M. James BORDAS,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jacques Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

Union européenne - Politique communautaire de la recherche - Programme de recherche - Rapports d'information.

INTRODUCTION

Dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le Sénat a été saisi de la proposition de cinquième Programme-cadre de recherche et de développement technologique de la Communauté européenne.

Votre rapporteur a souhaité d'une part que le Sénat soit pleinement informé des enjeux de cette proposition, d'autre part qu'il puisse se prononcer par une résolution sur un certain nombre de principes destinés à améliorer le fonctionnement d'une politique dont l'utilité s'avère incontestable.

I. UNE POLITIQUE PRIORITAIRE, MAIS CRITIQUÉE

A. L'ÉMERGENCE PROGRESSIVE DE LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA RECHERCHE

1. Une politique récente

La recherche est une politique récente de la Communauté européenne. Le traité de Rome ne reconnaissait pas de compétence à la Communauté dans ce domaine et il a fallu attendre l'acte unique en 1985 pour qu'un titre du traité soit consacré à la recherche et au développement technologique. Les dispositions relatives à la recherche ont ensuite été étoffées par le traité de Maastricht, qui a en particulier élargi les objectifs de cette politique. L'article 130 F du traité sur l'Union européenne décrit les missions de la Communauté dans cette matière.

Article 130 F

du traité sur l'Union européenne

1. La Communauté a pour objectif de renforcer les bases scientifiques et technologiques de l'industrie de la Communauté et de favoriser le développement de sa compétitivité internationale, ainsi que de promouvoir les actions de recherche jugées nécessaires au titre d'autres chapitres du présent traité.

2. A ces fins, elle encourage dans l'ensemble de la Communauté les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, les centres de recherche et les universités dans leurs efforts de recherche et de développement technologique de haute qualité : elle soutient leurs efforts de coopération, en visant tout particulièrement à permettre aux entreprises d'exploiter pleinement les potentialités du marché intérieur à la faveur, notamment, de l'ouverture des marchés publics nationaux, de la définition de normes communes et de l'élimination des obstacles juridiques et fiscaux à cette coopération.

3. Toutes les actions de la communauté au titre du présent traité, y compris les actions de démonstrations, dans le domaine de la recherche et du développement technologique sont décidées et mises en oeuvre conformément aux dispositions du présent titre.

En vertu du traité, le renforcement des bases scientifiques et technologiques de l'industrie de la Communauté et le développement de sa compétitivité internationale sont les missions essentielles de la politique communautaire.

Pour réaliser ces objectifs, la Communauté met en oeuvre des programmes-cadres pluriannuels. Le premier a été lancé en 1987. Le quatrième Programme-cadre, portant sur la période 1994-1998, est en cours de réalisation. La politique de la recherche a progressivement pris de l'ampleur, en particulier en termes budgétaires puisqu'elle est désormais l'une des trois politiques les plus importantes de l'Union européenne, certes loin derrière la Politique agricole commune et les actions structurelles. Elle représente environ 4 % du budget communautaire et environ 3,5 % du total des dépenses de recherche dans l'Union européenne.

2. Une politique utile

La politique communautaire de la recherche a une utilité incontestable. Dans certains domaines, l'action individuelle de chaque Etat est désormais insuffisante ; l'Europe a besoin d'une mise en commun de ses ressources humaines et financières pour faire face à la concurrence mondiale dans les secteurs des hautes technologies .

Le budget alloué à cette politique, qui représente 3,5 % du budget total de la recherche en Europe, est insignifiant s'il est utilisé pour prolonger ou remplacer l'action de chaque Etat membre. Il est au contraire conséquent si l'Union n'intervient, conformément au principe de subsidiarité , " que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire " (Art. 3 B du Traité sur l'Union européenne).

Par ailleurs, cette politique est également utile, compte tenu du contexte de concurrence renforcée entre l'Union européenne et ses principaux partenaires commerciaux.

L'Union européenne connaît aujourd'hui un certain retard dans le domaine de la recherche, par rapport à ses concurrents les plus directs que sont les Etats-Unis et le Japon. Or, la recherche est de plus en plus un élément essentiel de compétitivité. Lors de son audition devant la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, Mme Edith Cresson, commissaire européen chargé de la recherche, a souligné " qu'aux Etats-Unis, un tiers de la croissance du PNB a pu être attribué en 1996 aux industries de haute technologie, secteur dans lequel l'emploi a progressé, la même année, près de dix fois et demi plus vite que dans le reste de l'économie américaine " . L'Union européenne, contrairement aux Etats-Unis ou au Japon, souffre d'un déficit de sa balance commerciale pour les produits de haute technologie d'environ 10 à 15 milliards d'Ecus chaque année. Le budget consacré aux recherches dans le secteur de la société de l'information croît fortement chaque année aux Etats-Unis et au Japon alors qu'il a diminué cette année en Europe, si l'on prend en compte l'ensemble des instruments existants. Le tableau suivant donne la mesure du retard actuel de l'Union européenne par rapport à ses principaux concurrents.

UE 15

Etats-Unis

Japon

Dépenses totales de R&D (MECUS) 1994

121 882

142 047

104 069

Dépenses totales de R&D en % du PIB 1995

1,91

2,45

2,95

Dépenses totales de R&D par habitant (ECUS) 1994

329

545

833

Pourcentage des dépenses totales de R&D financées par l'état 1993

39,6

39,2

19,7

Pourcentage des dépenses totales de R&D financées par l'industrie 1993

53,5

58,7

73,4

Nombre de chercheurs 1993

774 071

962 700

526 501

Nombre de chercheurs par millier d'actifs 1993

4,7

7,4

8,0

Nombre de chercheurs dans les entreprises 1993

376 000

765 000

367 000

Nombre de chercheurs dans les entreprises par millier d'actifs 1993

2

6

6

Source : Commission européenne, DG XII à partir de données de l'OCDE

3. Des instruments complémentaires

Les programmes-cadres de la Communauté ne sont pas le seul instrument d'action au niveau européen en matière de recherche.

Dès 1969, en l'absence de toute politique de la recherche au niveau communautaire, de nombreux Etats européens, appartenant ou non à la Communauté européenne, ont lancé la Coopération scientifique et Technique (COST) , qui groupe désormais 28 Etats européens. Aujourd'hui, les actions de coordination lancées dans le cadre de la COST permettent à des pays n'appartenant pas à la Communauté européenne d'intégrer un programme communautaire en versant une quote-part. D'autres actions sont menées en dehors des programmes communautaires à l'initiative des Etats membres de la COST ou de la Commission européenne.

Par ailleurs, en 1985, 17 Etats européens ont lancé l'initiative Eurêka , à laquelle se sont joints d'autres pays depuis lors. Les programmes lancés dans le cadre d'Eurêka se différencient des programmes communautaires de recherche, d'une part parce qu'ils se situent à un stade plus proche du marché, d'autre part parce que les entreprises et centres de recherche qui souhaitent participer proposent leur propre projet, en dehors de tout cadre préalablement déterminé.

Il convient enfin de signaler que les programmes de la Communauté européenne eux-mêmes sont dans certains cas ouverts à des pays n'appartenant pas à la Communauté. Il s'agit naturellement des Pays d'Europe Centrale et Orientale, mais aussi d'autres pays tels qu'Israël, l'Australie, la Suisse, l'Afrique du Sud avec lesquels la Communauté a signé des accords de coopération scientifique et technique. Ces accords posent cependant quelques difficultés sur lesquelles votre rapporteur reviendra.

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