Rapport d'information n° 12 (2022-2023) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 octobre 2022

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N° 12

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les forces de souveraineté ,

Par M. Dominique de LEGGE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

I. LES FORCES DE SOUVERAINETÉ SONT CONFRONTÉES À DES MISSIONS LARGES ET À DES CONTEXTES GÉOSTRATÉGIQUES SENSIBLES

A. DES MISSIONS LARGES S'INSCRIVANT DANS LA LOGIQUE DE PROTECTION DES OUTRE-MER

Les forces de souveraineté constituent des forces prépositionnées, interarmées et à dominante marine. Elles se répartissent en cinq forces armées régionales, qui ont chacune la responsabilité d'une importante zone géographique, dénommée zone de responsabilité permanente (ZRP).

Présentation des effectifs, des unités et des équipements
des forces de souveraineté

Source : ministère des armées

Elles y assurent, en appui des moyens de l'État et de l'action interministérielle, la protection du territoire national, le maintien de notre souveraineté et la préservation des ressources présentes dans les zones sous juridiction française. L'outre-mer représente en effet 97 % de la zone économique exclusive (ZEE), incluant les aires marines protégées et les zones d'extension du plateau continental.

Missions opérationnelles des forces de souveraineté

Mission

permanente 1

Connaissance/

Anticipation

? Entretenir une connaissance de la ZRP.

? Contribuer à la collecte du renseignement d'intérêt militaire.

Mission

permanente 2

Protection

? Contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et des installations stratégiques.

? Contribuer à la sécurité et à la préservation des intérêts nationaux dans les espaces sous souveraineté française, en soutien de l'action de l'État.

Mission

permanente 3

Prévention

? Affirmer la présence de la France et contribuer à la stabilité dans la ZRP.

Mission crise 1

? Conduire, participer ou soutenir une opération de secours d'urgence sur le territoire national (événements naturels ou technologiques, aide humanitaire).

Mission crise 2

? Conduire, participer ou soutenir une opération militaire dans la ZRP (secours aux populations ou RESEVAC).

Source : ministère des armées

B. DES ZONES DE RESPONSABILITÉ PERMANENTES CONCENTRANT CHACUNE DES RISQUES IMPORTANTS

Chacune des forces de souveraineté évolue dans un contexte géostratégique particulièrement sensible. Dans ces zones géographiques, elles visent à constituer un point d'appui en permettant aux armées d'y projeter des moyens et une garantie pour assurer notre souveraineté sur le territoire national.

Les Forces armées dans la zone sud de l'Océan indien (FAZSOI), où le rapporteur spécial s'est rendu dans le cadre de sa mission, constituent un exemple éloquent des différents défis auxquels sont confrontées les forces de souveraineté, de par l'immensité de leur zone de responsabilité et la diversité des enjeux auxquels elles font face. La zone de responsabilité des FAZSOI couvre ainsi 24 millions de km², soit plus de 50 fois la surface de l'hexagone, dont 2,7 millions de km² de zones économiques exclusives (ZEE), comprenant des territoires français contestés (îles Éparses) et des points de tension stratégiques (canal du Mozambique), exposés à des aléas climatiques importants comme les cyclones.

La zone Caraïbe (Forces armées en Guyane et Forces armées aux Antilles) qui concentre plus d'un million de ressortissants français est quant à elle confrontée à des défis stratégiques liés à la lutte contre le crime organisé (narcotrafic, orpaillage illégal), à la nécessité de maintenir la liberté de circulation maritime, et à l'instabilité de certains pays de la zone.

Par ailleurs, les forces de souveraineté jouent un rôle clé dans la zone Pacifique Sud , qui constitue une cible de l'expansion chinoise au-delà de la mer de Chine méridionale. À ce titre, les Forces armées en Nouvelle-Calédonie, tout comme les Forces armées en Polynésie française et les FAZSOI constituent selon le gouvernement « la clé de voûte de l'action de défense française » 1 ( * ) , dans la zone indopacifique, qui est le nouveau centre névralgique des tensions mondiales.

Les FAZSOI conduisent en outre nombreuses actions de coopération avec les États et organisations internationales de son voisinage . Il serait cependant souhaitable que de telles actions de coopération puissent s'articuler avec les politiques d'aide au développement menées au sein de la ZRP. Une coordination avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et l'Agence française du développement (AFD) serait non seulement de nature à renforcer l'efficacité de leurs actions respectives en la matière mais également d'améliorer « l'acceptation » de la présence française dans la zone.

Les forces de souveraineté jouent enfin un rôle majeur dans le domaine civil. Elles contribuent ainsi à l'action de l'État en mer (sécurité maritime, sauvetage en mer, lutte contre la pollution et la pêche illicite...) et aux missions de sécurité civile (évacuations sanitaires, participation à la mission « Résilience » avec mutualisation d'un hélicoptère de la marine nationale en Polynésie française afin d'assurer des missions de sauvetage). Elles ont également un rôle clé dans la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane (mission « Harpie »), et la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte.

II. DES FORCES DE SOUVERAINETÉ DONT LE FORMAT « TAILLÉ AU PLUS JUSTE » N'EST PAS ADAPTÉ À L'AMPLEUR DE LEURS MISSIONS ET À LEUR RÔLE STRATÉGIQUE

A. UNE « RATIONALISATION » À PARTIR DE 2008 ENTRAINANT UNE FORTE BAISSE DES EFFECTIFS

À l'issue d'un processus de consolidation au cours des années 1980 et 1990, les forces de souveraineté ont connu d'importantes réorganisations depuis 2008. La principale a été liée à la révision générale des politiques publiques , dont les objectifs ont été repris dans le livre blanc de 2008, qui prônait « une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. [...] Les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ». 2 ( * )

Cette volonté de réduction des forces de souveraineté à leur niveau « strictement nécessaire » a amené à une réduction de 20 % de leurs effectifs et profondément changé leur organisation.

Effectifs des forces de souveraineté

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

B. UNE PRISE EN COMPTE DE LEUR IMPORTANCE STRATÉGIQUE PAR LA LPM 2019-2025 N'ENTRAINANT QU'UNE RÉÉVALUATION LIMITÉE DE LEURS MOYENS

Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 prend acte de l'importance stratégique des forces de souveraineté et de leurs fragilités , puisque son rapport annexé mentionne la nécessité de pouvoir, au titre de l'Ambition 2030, « conduire [des] opérations dans le cadre d'une approche globale élargie, permise notamment par un dispositif de forces prépositionnées et de forces de souveraineté, toutes deux dotées des effectifs suffisants et des équipements adéquats ».

Depuis 2016, l'évolution des crédits des forces de souveraineté a été marquée par leur stabilité, et s'élevaient à 946 millions d'euros en 2020, crédits des personnels civils inclus.

Coûts annuels des forces de souveraineté

(en millions d'euros)

Entre 2016 et 2019, les coûts de T2 de masse salariale sont limités au personnel militaire tandis qu'à partir de 2020, ceux-ci incluent le personnel civil.

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

En matière d'effectifs, le ministère des armées prévoit un rythme d'augmentation des effectifs de plus de 2,5 %, supérieur à celui prévu pour l'ensemble des effectifs par la LPM d'ici à 2025 (+ 2,25 %).

Cet effort, s'il met fin à la déflation de la décennie passée, ne permet pas de renouer avec les niveaux antérieurs à 2008. Alors qu'elles doivent faire face à une menace croissante contre nos intérêts stratégiques et à une pression accrue sur les ressources naturelles de nos territoires et de notre zone économique exclusive (ZEE), les forces de souveraineté peuvent répondre aujourd'hui strictement à leurs missions du quotidien . En cas de crise, elles devront être rapidement renforcées depuis la métropole ou par une bascule de moyens entre forces prépositionnées, selon une logique d'appui mutuel.

Un effort important apparaît essentiel pour leur permettre de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique, au renforcement des menaces d'origine naturelle ou sécuritaire, ainsi qu'à la concurrence croissante de certains compétiteurs qui cherchent à étendre leur sphère d'influence ou à sécuriser leur accès aux ressources naturelles.

Ces différents éléments devront être pris en compte dans la « réévaluation » de la programmation actuelle demandée par le président de la République 3 ( * ) .

III. DES MOYENS LIMITÉS PARFOIS INADAPTÉS AUX LARGES MISSIONS DES FORCES DE SOUVERAINETÉ

A. DES MOYENS NAVALS ET AÉRIENS INSUFFISANTS

Les moyens de surveillance aérienne des forces de souveraineté apparaissent très largement insuffisants. Au sein des FAZSOI, la mission de surveillance aérienne (lutte contre la pêche illicite et contre les atteintes à l'environnement, notamment) est assurée aux abords des îles Éparses à vue par les équipages des deux avions de type Casa dont elles disposent. La surveillance s'effectue lors du survol de ces îles à l'occasion de la relève des militaires présents en permanence sur trois d'entre elles (environ 1 fois tous les 45 jours). Cette relève ayant toutefois lieu de manière régulière, les pêcheurs, notamment malgaches, pêchant illégalement sur les eaux territoriales de certaines de ces îles peuvent facilement adapter leurs programmes de navigation en évitant les jours de passage estimés du Casa. Ceci apparaît insuffisant pour assurer les missions de surveillance dans les ZEE de ces îles où la pêche illégale demeure un problème prégnant (notamment à Bassas da India).

En appui, les FAZSOI bénéficient également d'un Falcon 50 M de patrouille maritime, qui apparaît toutefois plus qu'insuffisant puisqu'il n'est déployé dans cette zone que deux fois deux semaines par an, et dédie également une partie de son temps de présence à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte. La situation est comparable pour les Antilles et la Guyane, qui ne bénéficient de cet appui que de manière occasionnelle.

Au regard des enjeux en matière de surveillance maritime de la zone, particulièrement concernée par la pêche illégale, l'immigration clandestine à Mayotte et la lutte contre les activités polluantes, une augmentation des capacités constitue une nécessité impérieuse. Plus largement, la réussite du programme AVISMAR visant à remplacer les capacités de surveillance maritime de la marine nationale est particulièrement importante pour les forces de souveraineté.

Les capacités de transport tactique sont également limitées. Les FAZSOI ont ainsi connu une forte baisse de leurs capacités en la matière à la suite du retrait du Transall C 160 en 2015, alors que ce dernier présentait une capacité d'emport bien supérieure à celle du Casa (6 tonnes contre 1,5) et une autonomie de 8 heures au lieu de 6. Les FAZSOI peuvent, en cas de besoin (évacuation sanitaire, crise, etc.), demander un renfort de l'A400M de métropole sous un préavis de 48h, qui pourrait s'avérer trop long en cas de crise impliquant une réaction rapide.

Les Forces armées en Polynésie française disposent également de deux Casa, ce qui reste suffisant pour un emploi au sein de la Polynésie française, mais nécessite, pour se déployer vers l'Ouest du Pacifique, plusieurs jours de transit et l'ouverture de points d'appui pour le ravitaillement. L'Est du Pacifique, et notamment les côtes américaines, est inaccessible par la voie aérienne avec les moyens précités. Enfin, ces moyens aériens ont une capacité d'emport limitée.

Les moyens nautiques des forces de souveraineté sont également « taillés au plus juste », et ont dû faire face à de nombreuses réductions temporaires de capacité dans la décennie 2020, qui devraient être comblées avec l'arrivée de six patrouilleurs outre-mer (POM) à partir de 2023 et complètement résorbée en 2025.

En matière de bâtiments de soutien , les forces de souveraineté ne disposent plus depuis 2017 de bâtiments ayant des capacités amphibies, pourtant considérées comme essentielles.

B. UN SOUTIEN PARFOIS SACRIFIÉ, NOTAMMENT EN MATIÈRE D'IMMOBILIER

Ces dix dernières années les crédits consacrés aux forces de souveraineté sont restés stables, avec une tendance inverse entre les dépenses de fonctionnement (titre 3) et les dépenses d'investissement (titre 5).

Les dépenses d'investissement, qui recouvrent principalement les constructions, rénovations, réhabilitations lourdes des bâtiments d'hébergement ainsi que le maintien en condition des logements, sont marquées par une tendance baissière. À contrario, un effort a été réalisé pour les dépenses de fonctionnement (entraînement des forces, coopération régionale, MCO des équipements, frais de déplacement, etc.).

Ainsi, les dépenses de fonctionnement, qui s'élevaient à 137 millions d'euro en 2010, ont progressé de plus de 29 % pour atteindre 178 millions d'euros en 2020, tandis que les dépenses d'investissement ont baissé de 13 %, passant de 40 à 35 millions d'euros sur cette période.

Dépenses des forces de souveraineté (hors titre 2)

(en millions d'euros)

Source : ministère des armées

Le sous-investissement est de nature à entrainer une dégradation du patrimoine, notamment immobilier. Ce dernier constitue, comme dans l'hexagone, l'un des principaux points noirs des forces de souveraineté.

À l'échelle de l'ensemble des forces de souveraineté, la question du soutien et singulièrement de l'immobilier apparaît comme un point « sacrifié » au profit de l'opérationnel (comme l'arrivée des patrouilleurs outre-mer.), alors que ces deux volets sont pleinement imbriqués . Le renouvellement des capacités programmées au cours de la décennie 2020-2030 (livraison des POM, équipements Scorpion) requiert à la fois l'adaptation et la montée en gamme de l'infrastructure qui devra être en mesure de soutenir des équipements plus imposants et plus complexes. Une attention particulière doit être portée à la remise à niveau des infrastructures existantes, notamment des logements, qui constituent le cadre de vie quotidien du militaire, et dont la dégradation est source de surcoûts à terme.

Enfin, les importations et certaines livraisons de biens des forces de souveraineté sont assujetties à l'octroi de mer dans la plupart des départements d'outre-mer, ce qui constitue une charge financière importante . Cet impôt indirect est affecté aux départements et régions, qui en fixent les taux et peuvent exonérer certains produits, notamment ceux destinés à l'accomplissement des missions régaliennes de l'État.

Les équipements des armées sont particulièrement coûteux, et leur assujettissement à l'octroi de mer est susceptible de limiter la capacité d'action des armées en réduisant les moyens à disposition des forces de souveraineté.

Un tel assujettissement est contestable car il pénalise l'accomplissement des missions régaliennes de l'État en outre-mer. En outre, les fondements économiques de l'octroi de mer, qui vise à protéger l'emploi et la production locale, ne sont généralement pas pertinents pour les biens destinés à l'activité opérationnelle des forces de souveraineté.

C. LES RESSOURCES HUMAINES : DES DIFFICULTÉS D'ATTRACTIVITÉ DANS LES ANTILLES, EN GUYANE ET À MAYOTTE

Dans l'ensemble, les armées ne rencontrent pas de difficultés générales pour armer les postes, même si certains points d'attention doivent être relevés : la zone Antilles-Guyane apparaît en effet peu attractive au sein de l'armée de l'air et de l'espace et de l'armée de terre.

La faible attractivité des Antilles puis de la Guyane peut s'expliquer par plusieurs facteurs comme l'absence d'emploi pour les conjoints, les difficultés de scolarisation, et l'environnement social et économique.

Au sein des FAZSOI, les îles de La Réunion et de Mayotte sont aux antipodes, cette dernière rencontrant un fort déficit d'attractivité particulièrement sensible pour la base navale et le détachement de Légion étrangère (DLEM).

Pour les marins, Mayotte est ainsi le seul territoire pour lequel les volontariats peuvent, suivant les catégories de militaires, être peu nombreux. Le climat social, l'insécurité et l'exiguïté du territoire en sont les principales raisons.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : prévoir, dans la nouvelle programmation militaire qui doit intervenir dès le début du quinquennat en cours, une augmentation significative des moyens des forces de souveraineté, afin de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique notamment dans l'indopacifique, au renforcement des menaces et aux différents défis capacitaires qu'elles rencontrent aujourd'hui (Parlement).

Recommandation n° 2 : afin de garantir la surveillance des ZEE ultramarines, aujourd'hui insuffisante, augmenter les capacités de la marine nationale en la matière en prévoyant la mobilisation permanente d'un Falcon 50 M (ou équivalent) pour chacune des zones les plus vulnérables (FAZSOI, FAA et FAG), en recourant aux drones et en assurant à terme la capacité du programme AVISMAR à fournir des outils permettant la surveillance efficace de ces zones (ministère des armées).

Recommandation n° 3 : face à la nécessité de disposer rapidement de moyens à long rayon d'action en cas de crise ou de limiter le coût logistique de certaines opérations de déploiement, consolider la capacité de recours des forces de souveraineté aux moyens de transport tactique à long rayon d'action (A400 M) (ministère des armées).

Recommandation n° 4 : afin de faire face aux risques d'échouage aux abords de l'île de La Réunion, mettre à disposition des FAZSOI une capacité de remorquage, éventuellement partagée avec les autres États de la Commission de l'Océan Indien (COI) (ministère des armées).

Recommandation n° 5 : pour limiter la dégradation du patrimoine immobilier des forces de souveraineté, intégrer à la nouvelle programmation pluriannuelle un plan de remise à niveau des infrastructures (ministère des armées).

Recommandation n° 6 : à Mayotte, mettre les locaux désaffectés de l'hôpital du site du rocher de Dzaoudzi à disposition du détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM), afin de pallier le problème causé par le manque d'espace sur l'île (ministère des armées, agence régionale de santé et Conseil départemental de Mayotte).

Recommandation n° 7 : coordonner les actions de coopération régionale menées par les forces de souveraineté avec les politiques d'aide au développement conduites au sein de leur ZRP (ministère des armées, ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Agence française du développement).

Recommandation n° 8 : évaluer l'opportunité d'une généralisation de l'exonération d'octroi de mer des biens importés ou livrés aux armées et affectés à leurs missions opérationnelles afin de ne pas obérer les moyens des forces de souveraineté, sans préjudice du financement des collectivités territoriales d'outre-mer (Parlement).

I. LES FORCES DE SOUVERAINETÉ SONT CONFRONTEES À DES MISSIONS LARGES ET A DES CONTEXTES GEOSTRATEGIQUES SENSIBLES

A. DES MISSIONS LARGES S'INSCRIVANT DANS LA LOGIQUE DE PROTECTION DES OUTRE-MER

1. Une affirmation de la présence militaire dans les outre-mer à partir des années 1960

Les forces de souveraineté ont progressivement commencé à prendre leur forme actuelle à partir des années 1960, parallèlement aux forces de présence. Ces dernières, qui constituent des points d'appui permanents de nos armées à l'étranger sont aujourd'hui présentes à Djibouti, en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Sénégal, et aux Émirats arabes unis.

C'est également dans cette période que le dispositif des forces de souveraineté a pris forme dans les territoires et départements d'outre-mer 4 ( * ) . Dans la zone Antilles-Guyane, des moyens militaires existaient mais restaient tellement limités qu'ils ne suffisaient pas à accueillir les conscrits du service national 5 ( * ) . Dans ce contexte, le service militaire adapté (SMA) est créé en 1961 à l'initiative du Premier ministre Michel Debré dans le but de « faire exécuter un service militaire utile à une partie de la jeunesse ultramarine ». Bien qu'il ne fasse pas partie des forces de souveraineté, le SMA a constitué un important outil de réaffirmation de la présence militaire dans les outre-mer. Il s'est ensuite étendu à La Réunion (1965), la Nouvelle-Calédonie (1986), Mayotte (1988) et la Polynésie française (1989).

Aujourd'hui, les forces de souveraineté et le SMA continuent à nourrir des liens importants. Il relève du ministère des outre-mer 6 ( * ) et constitue avant tout un dispositif d'insertion, même si l'encadrement y est militaire. Les liens entre le SMA et les forces de souveraineté sont de deux ordres : un soutien des armées au profit du SMA, et une participation ponctuelle des volontaires du SMA aux missions militaires, comme ce fut par exemple le cas en 2017 aux Antilles, à la suite de l'ouragan Irma .

Les liens entre le SMA et les forces de souveraineté

Dans le domaine du soutien au SMA, le ministère des armées met en place auprès du ministère des Outre-mer les militaires nécessaires au fonctionnement du SMA ; il fournit, entretient et contrôle les matériels nécessaires aux activités militaires selon les règles applicables dans les armées. Il assure des prestations diverses de soutien au profit du personnel (santé, délivrance de la solde, etc.) ou des matériels des formations du SMA.

Le ministère des armées finance soit sous forme de crédits, soit sous forme de prestations en nature, les activités militaires du SMA selon des dispositions arrêtées dans le cadre des protocoles et conventions passés entre le commandant du SMA et les états-majors d'armée, les services ou directions des armées concernées.

Pour la bonne exécution des activités militaires et le maintien de la capacité opérationnelle des unités du SMA, le commandant supérieur (COMSUP) veille à ce que les protocoles signés entre le SMA et les armées soient localement appliqués.

Localement et, en fonction des besoins, les formations du SMA peuvent également apporter ponctuellement un soutien aux armées en fonction des compétences professionnelles qu'elles mettent en oeuvre. Cette participation ne peut être préjudiciable à la mission principale du SMA qu'est l'insertion sociale et professionnelle de ses volontaires. Elle doit donc faire l'objet d'un accord pour que chacune des deux parties y trouve un intérêt.

Les prestations mutuelles font l'objet de conventions particulières établies localement entre le COMSUP et le commandant de formation du SMA définissant précisément la participation du SMA au fonctionnement des services de soutien et de garnison.

Au-delà de l'insertion sociale et professionnelle, le SMA a pour mission de contribuer, le cas échéant, aux plans de défense et aux plans de protection et de secours aux populations. L'emploi du SMA dans ce cadre est concerté entre le ministre des armées et le ministre chargé de l'outre-mer. La participation du service militaire adapté à l'exécution des plans de protection et de secours aux populations, ainsi que des plans de défense, est réalisée sous le contrôle opérationnel du COMSUP, seul habilité à engager les moyens des armées dans le cadre de la chaîne de commandement interarmées des opérations.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En parallèle, des empreintes militaires aux fins plus stratégiques et opérationnelles, qui constituent donc l'origine des forces de souveraineté actuelles, naissent également, comme le centre d'expérimentations nucléaires sur les atolls de Mururoa et Fangataufa en Polynésie française à partir de 1966 et le 9 e bataillon d'infanterie de Marine à Kourou en Guyane en 1973, pour sécuriser le Centre spatial guyanais inauguré cinq ans plus.

2. Cinq forces destinées à la protection du territoire national outre-mer

Les forces de souveraineté constituent aujourd'hui des forces prépositionnées, interarmées et à dominante marine. Elles se répartissent en cinq forces armées régionales, qui ont chacune la responsabilité d'une importante zone géographique :

- les Forces armées aux Antilles (FAA), composées d'environ 1 200 militaires ;

- les Forces armées en Guyane (FAG), composées d'environ 2 300 militaires ;

- les Forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI), composées d'environ 2 000 militaires ;

- les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC), composées de 1 600 militaires ;

- les Forces armées en Polynésie française (FAPF), composées de 1 179 militaires.

Présentation des effectifs, des unités et des équipements
des forces de souveraineté

Source : ministère des armées

Elles y assurent, en appui des moyens de l'État et de l'action interministérielle, la protection du territoire national, le maintien de notre souveraineté et la préservation des ressources présentes dans les zones sous juridiction française. L'outre-mer représente 97 % de la zone économique exclusive (ZEE), incluant les aires marines protégées et les zones d'extension du plateau continental.

Les missions opérationnelles fixées par le CEMA aux forces de souveraineté sont larges. Chaque commandant supérieur d'une des forces de souveraineté est en effet compétent à l'échelle de sa zone de responsabilité permanente (ZRP).

Zone économique exclusive et zone de responsabilité permanente

La notion de zone économique exclusive (ZEE) désigne l'espace maritime sur lequel, en application la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 dite « Convention de Montego Bay », un État côtier exerce, d'une part, ses droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques et, d'autre part, sa juridiction en ce qui concerne la mise en place et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin.

La notion de zone de responsabilité permanente (ZRP) désigne quant à elle l'espace sur lequel chaque force de souveraineté exerce les missions de connaissance/anticipation, de prévention, de protection, de secours ou de soutien aux opérations militaires qui lui sont dévolues. Les ZRP dépassent ainsi les seules ZEE françaises et s'étendent aux pays alentours. Ainsi, à titre d'exemple, la ZRP des Forces armées dans la zone sud de l'Océan Indien (FAZSOI) s'étend sur 14 pays, parmi lesquels dix pays d'Afrique australe et quatre membres de la Commission de l'Océan indien (COI). De même, le commandant des Forces armées en Polynésie française (FAPF) est en charge du commandement de la zone de responsabilité « Asie océan Pacifique » (ALPACI). À ce titre, il est chargé du contrôle opérationnel des moyens militaires français opérant dans sa zone, qui s'étend du détroit de Malacca aux côtes américaines, de la conduite des relations militaires internationales dans la ZRP, et de la recherche de renseignement et anticipation des crises dans la ZRP.

Commandements associés aux zones de responsabilité permanente
et zones maritimes

Source : ministère des armées

Les missions de protection de nos outre-mers constituent le socle de missions permanentes attribuées aux forces de souveraineté dans leur contrat opérationnel.

Missions opérationnelles des forces de souveraineté

Mission

permanente 1

Connaissance/

Anticipation

? Entretenir une connaissance de la ZRP.

? Contribuer à la collecte du renseignement d'intérêt militaire.

Mission

permanente 2

Protection

? Contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et des installations stratégiques.

? Contribuer à la sécurité et à la préservation des intérêts nationaux dans les espaces sous souveraineté française, en soutien de l'action de l'État.

Mission

permanente 3

Prévention

? Affirmer la présence de la France et contribuer à la stabilité dans la ZRP.

Mission crise 1

? Conduire, participer ou soutenir une opération de secours d'urgence sur le territoire national (événements naturels ou technologiques, aide humanitaire).

Mission crise 2

? Conduire, participer ou soutenir une opération militaire dans la ZRP (secours aux populations ou RESEVAC).

Source : ministère des armées

Dans leurs déclinaisons locales, elles s'appuient sur les spécificités de chacun des territoires mais aussi sur les exigences des différents milieux pour assurer la sauvegarde des intérêts nationaux.

Les unités basées outre-mer se concentrent sur des missions de souveraineté dans la ZEE (contrôle des activités illicites : pêche, lutte contre le narcotrafic, immigration), de présence et de coopération dans des zones éloignées (exemple : frégate de surveillance en mer de Chine et participation à l'Enforcement Coordination Cell dans le cadre de l'application des sanctions contre la Corée du Nord).

Les interventions du haut du spectre restent l'apanage des unités métropolitaines déployées en renfort. De fait, les unités outre-mer contribuent avant tout aux fonctions « protection », « connaissance et anticipation » et « prévention » et ne couvrent pas l'ensemble du spectre des missions.

B. DES ZONES DE RESPONSABILITÉ PERMANENTE CONCENTRANT DES RISQUES IMPORTANTS

1. Pour les FAZSOI, de nombreuses actions de coopération dans une zone vaste où la souveraineté de la France est contestée

Les Forces armées dans la zone sud de l'Océan indien, où le rapporteur spécial s'est rendu dans le cadre de sa mission, constituent un exemple éloquent des différents défis auxquels sont confrontées les forces de souveraineté, de par l'immensité de leur zone de responsabilité et la diversité des enjeux auxquels elles font face. La zone de responsabilité des FAZSOI couvre ainsi 24 millions de km² dont 2,7 millions de km² de zones économiques exclusives (ZEE).

Zone de responsabilité permanente des FAZSOI

Source : FAZSOI

Dans cette zone très vaste, la France doit assurer la protection :

- de plus d'1 million de Français répartis entre La Réunion et Mayotte ;

- d'environ 45 000 expatriés, chiffre en augmentation depuis l'implantation de l'entreprise Total au Mozambique ;

- de son territoire qui comprend, en plus de La Réunion et Mayotte, les îles Éparses (îles Europa, Bassas da India et Juan de Nova) et des Terres Australes françaises (îles Glorieuses et Tromelin) ;

- de sa ZEE (2,7 millions de km²) ;

- de ses échanges commerciaux qui sont dépendants de la navigation maritime (canal du Mozambique en particulier).

Les FAZSOI sont à la fois une force de souveraineté dont la mission principale est d'assurer la protection du territoire national (La Réunion, Mayotte, les îles Éparses et les terres Australes), et une force de présence dont la mission est d'assurer la protection des ressortissants français et la préservation de nos intérêts stratégiques.

L'enjeu principal de la France dans la région est le maintien d'une souveraineté dont les contestations actuelles devraient se poursuivre, notamment pour les îles du canal du Mozambique . Cette pression prend notamment la forme d'une activité de pêche illicite accrue dans le canal du Mozambique (îles Europa, Bassas da India et Juan de Nova), traduisant un sentiment de relative impunité des pêcheurs (malgaches pour l'essentiel), confortés par les revendications territoriales de leurs autorités politiques .

Ce contexte de tension n'empêche pas les FAZSOI de mener de nombreuses actions de coopération avec les États et organisations internationales de son voisinage , ce qui constitue l'une des vocations des forces de souveraineté. La présence française dans cette région du globe fait ainsi de la France un membre de la commission de l'océan Indien (COI), qui rassemble Maurice et Madagascar, les Comores et les Seychelles. Les FAZSOI sont également adossés à la brigade sud de la force africaine en attente, elle-même sous l'égide de la Southern African Development Community (SADC), qui comprend 16 pays d'Afrique australe.

Les actions de coopération régionale organisées et conduites par les FAZSOI répondent à trois enjeux principaux : l'amélioration de la connaissance de leur zone de responsabilité permanente (ZRP), le renforcement de l'influence de la France, et le soutien à la stabilité des pays de la zone. Elles permettent également de renforcer les capacités opérationnelles des FAZSOI en offrant l'opportunité d'entraînements non réalisables à La Réunion.

Exemples d'actions de coopération régionale des FAZSOI
avec Madagascar et Maurice

Outre les nombreuses interactions avec Madagascar, et les actions régulières de formation aux opérations de maintien de la paix auprès des pays de la SADC, les FAZSOI sont particulièrement impliquées dans le développement des coopérations régionales sur la sécurité maritime en soutenant notamment les initiatives régionales : le centre régional de fusion de l'information maritime (CRFIM - implanté à Madagascar), et le centre régional de coordination des opérations (CRCO - implanté aux Seychelles) du programme MASE - Maritime Security , financé par l'Union Européenne et piloté par la Commission de l'Océan Indien (COI). Les FAZSOI ont contribué en 2020 en coordination avec ces organisations à l'intervention sur une pollution maritime suite à l'échouement du vraquier japonais Wakashio à Maurice.

Source : ministère des armées

Il serait cependant souhaitable que de telles actions de coopération puissent s'articuler avec les politiques d'aide au développement menées au sein de la ZRP. La structuration d'une réelle coordination entre les forces de souveraineté et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que l'Agence française du développement (AFD) serait non seulement de nature à renforcer l'efficacité de leurs actions respectives en la matière mais permettraient également une meilleure « acceptation » de la présence française dans la zone.

Recommandation n° 7 : coordonner les actions de coopération régionale menées par les forces de souveraineté avec les politiques d'aide au développement conduites au sein de leur ZRP (ministère des armées, ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Agence française du développement).

2. Des défis propres à chaque zone de responsabilité permanente

Chaque force de souveraineté fait ainsi face à des défis propres à sa zone de responsabilité permanente (ZRP).

La zone Caraïbe, qui concentre plus d'un million de ressortissants français est confrontée à six défis stratégiques :

- la coopération avec les alliés et notamment les États-Unis sur leur flanc sud, permettant de consolider la position de la France dans d'autres zones ;

- la lutte contre le crime organisé, essentiellement le narcotrafic, déstabilisant les États déjà fragiles et générant une insécurité majeure (14 des 20 pays avec le plus fort taux de criminalité au monde sont situés dans la Caraïbe, dont les 7 premiers) ;

- le maintien de la liberté de circulation dans une zone structurée par le canal de Panama avec un flux majeur entre le Pacifique et la côte Est des États-Unis, la côte Est de l'Amérique du sud, l'Europe et l'Afrique ;

- l'accès à 20 % des réserves mondiales d'hydrocarbures entre la Colombie, le Venezuela, Trinité-et-Tobago, le Guyana et le Surinam, mais moins de 6 % de la production. Cette zone est déstabilisée par les tensions entre le Venezuela et la Colombie, voisin rival, le Guyana dont il revendique les 2/3 du territoire et les réserves d'hydrocarbures, et les États-Unis par opposition politique ;

- deux États dont la souveraineté apparaît particulièrement fragile (Haïti et le Venezuela).

En Océanie, les Forces armées en Polynésie française (FAPF) sont confrontées à une zone immense , qui rassemble 40 % des eaux de souveraineté et de juridiction française (dont Clipperton où la souveraineté nationale est contestée, à 4 000 km de la terre française la plus proche). Les FAPF entretiennent par ailleurs des relations militaires structurées avec l'ensemble des pays riverains du Pacifique , de l'Amérique latine à l'Amérique du Nord, et de l'Océanie à l'Asie du Sud-Est et du Nord-Est. La coopération militaire se focalise sur les États-Unis et leur commandement régional (US INDOPACOM), et le Japon.

Les Forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) permettent à la France de disposer d'un point d'appui stratégique pour contribuer à la stabilité et à la sécurité dans une zone où l'influence chinoise ne cesse de progresser , pour entretenir des relations privilégiées avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi les États-Unis dont la présence est de plus en plus marquée, et pour s'affirmer comme une puissance riveraine du Pacifique.

L'environnement stratégique de la zone de responsabilité permanente des FANC concentre par ailleurs plusieurs enjeux sécuritaires, économiques et environnementaux.

Tout d'abord, la zone comprend une partie conséquente du Pacifique « utile », en concentrant l'essentiel des espaces archipélagiques habités et organisés en États indépendants.

La coopération de la France avec les États insulaires du Pacifique

La France, au travers du Pacific QUAD ( Quadrilateral Defence Coordination Group ) et de la FFA ( Forum Fisheries Agency ), s'engage militairement pour accompagner les États insulaires.

Ensuite, la ZRP des FANC est une région marquée par les catastrophes naturelles. La France au travers de ses forces de souveraineté, peut offrir son soutien aux États de la région 7 ( * ) . Par ailleurs, la ZRP constitue une zone particulièrement affectée par les effets directs et indirects du changement climatique. La sensibilité régionale sur les sujets environnementaux constitue une dimension majeure des enjeux de sécurité. Un exemple emblématique est la volonté des États insulaires de geler les limites des ZEE, fixées par des ilots potentiellement menacés par la montée des eaux.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les enjeux de la présence des FANC ont également un volet national. Les FANC jouent un rôle prépondérant dans le soutien à l'action de l'État, le statut actuel du territoire laissant à l'État la responsabilité des questions de défense. La mission première est la protection du territoire national, des ressortissants français et de nos intérêts stratégiques, en particulier maritimes. À cet effet, les FANC affirment la présence française sur les espaces de souveraineté, notamment à Wallis et Futuna, ainsi que dans la zone des îles de Matthew et Hunter, faisant partie de la Nouvelle-Calédonie mais revendiquées par le Vanuatu. Elles assurent dans l'ensemble de la ZEE la protection face au pillage des ressources halieutiques et la lutte contre les activités illicites.

Plus globalement, au plan géostratégique, depuis une dizaine d'années, le Pacifique Sud constitue une cible de l'expansion chinoise au-delà de la mer de Chine méridionale . Contrecoup de l'expansion chinoise, le Pacifique Sud est devenu un enjeu de la rivalité sino-américaine. Cette situation amène les États de la région à chercher un difficile équilibre entre leurs intérêts économiques et leurs intérêts sécuritaires. L'Australie, par ailleurs, ne souhaite plus se trouver seule en première ligne dans l'aide au développement de ses voisins insulaires. On y retrouve fréquemment désormais les États-Unis, la Nouvelle Zélande et le Japon. L'Europe est également présente avec des dispositifs financiers d'aide au développement. Dans cet espace, la France, dernier pays européen riverain de la zone, se présente comme une puissance d'équilibre et ses forces armées disposent d'un positionnement spécifique et original qui constitue un atout en termes d'influence. À ce titre, les FANC, tout comme les FAPF et les FAZSOI constituent selon le gouvernement « la clé de voûte de l'action de défense française » 8 ( * ) , dans la zone indopacifique, qui est le nouveau centre névralgique des tensions mondiales.

L'Indopacifique, théâtre de profondes mutations stratégiques

La montée en puissance et les revendications territoriales de la Chine, exprimées de façon chaque fois plus appuyée, l'intensification de la compétition sino-américaine, les tensions à la frontière sino-indienne, dans le détroit de Taïwan et dans la péninsule coréenne, modifient les équilibres régionaux et rendent l'équation stratégique plus complexe. S'ajoutent à cela des menaces transnationales persistantes, telles que la piraterie, le terrorisme, les trafics (stupéfiants, pierres et bois précieux, espèces protégées, etc.), la pêche illicite, non réglementée et non déclarée, et des crises de prolifération non résolues, ainsi que les conséquences désastreuses du dérèglement climatique, dont les effets se font déjà ressentir en matière de sécurité. Toutes ces évolutions ont des répercussions directes sur l'ensemble de la zone, y compris sur les territoires français.

Dans cet espace qui concentre 7 des 10 plus importants budgets de défense au monde, l'accentuation des déséquilibres stratégiques et militaires constitue une menace dont les conséquences sont globales, et pourraient ainsi impacter directement l'Europe : 30 % du commerce entre l'Asie et l'Europe passe par la mer de Chine méridionale. La majorité des États de l'Indopacifique se réarme depuis plus d'une décennie. Conjuguée au progrès des technologies, cette tendance durcit l'environnement opérationnel et porte en germe la rupture des équilibres régionaux, mais aussi mondiaux.

L'Indopacifique est caractérisé par sa dimension maritime. Le transit maritime représente 90 % des échanges commerciaux mondiaux, et les océans sont des espaces stratégiques cruciaux pour garantir les approvisionnements commerciaux et énergétiques. La sécurisation des voies maritimes est donc une priorité absolue. La mobilisation internationale autour de la lutte contre la piraterie somalienne au tournant des années 2010 a été la première illustration d'une nécessaire réponse multilatérale ces menaces. Aujourd'hui, les efforts se concentrent également sur la lutte contre les trafics de drogue, d'armes et de personnes, et sur le contrôle de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, une pratique en plein essor, instrumentalisée par certains États à des fins déstabilisatrices.

Ces menaces non traditionnelles sur la sécurité se superposent aux différends sur les frontières et délimitations maritimes qui génèrent de fortes tensions entre les États, notamment en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale. S'agissant de la liberté de navigation dans les détroits internationaux, la France s'oppose à toute tentative de fait accompli, de modification unilatérale des dispositifs existants et de contestation du droit international par l'utilisation de la force.

Les États-Unis et la Chine sont engagés dans une compétition stratégique mondiale dont les principaux champs d'interaction sont situés dans l'Indopacifique. D'abord économique et technologique, cette rivalité s'est étendue au domaine militaire et déterminera, à moyen terme, la plupart des enjeux stratégiques régionaux. La compétition stratégique sino-américaine et le comportement de certains acteurs régionaux, qui privilégient les arrangements bilatéraux et les rapports de force afin de faire prévaloir leurs seuls intérêts nationaux, contribuent au délitement de l'ordre international, alors que les défis globaux exigent plus de coopération de la part des États. Les risques d'escalade non maîtrisée sont importants dans cette région dépourvue de mécanismes de règlement des crises. Conformément aux principes et aux valeurs qui caractérisent son engagement international, la France oeuvre en faveur d'un ordre international multilatéral et fondé sur le droit. Elle partage cet objectif avec ses principaux partenaires en Indopacifique.

Source : Gouvernement, La stratégie de la France dans l'Indopacifique, 2018

3. Des points d'appui stratégiques pour les armées

Les forces de souveraineté constituent des points d'appui et de projection stratégiques, et permettent à la France d'appartenir au « club » des pays disposant d'une présence militaire globale, plus restreint encore que celui des puissances nucléaires. En incluant également les forces de présence, la France se positionne dans ce domaine à la troisième place, derrière les États-Unis et la Russie mais devant le Royaume-Uni 9 ( * ) .

Ces points d'appui confèrent des avantages opérationnels aux trois armées, mais exigent d'importantes capacités de projection . La marine nationale peut ainsi renforcer sa présence dans les ZEE ultra-marines en y projetant ses moyens en fonction des besoins, grâce aux bases navales outre-mer et de facilités d'escale auprès de partenaires . Ces derniers lui permettent de déployer, en fonction du besoin en outre-mer, une palette de moyens différenciés, pouvant aller d'une frégate de premier rang jusqu'au groupe aéronaval. Les projections en zone indo-pacifique sont régulièrement réalisées par la marine nationale (mission « Jeanne d'arc » et « Marianne » en 2021, mission « Clemenceau » du groupe aéronaval en 2019 et 2021, qui permet la projection du Charles de Gaulle dans le golfe arabo-persique et dans l'océan Indien). Ces projections visent à réaffirmer la volonté et la capacité de la France à défendre ses intérêts dans la zone, qu'il s'agisse de la protection de ses ZEE (de manière directe ou indirecte) ou la défense de la liberté de navigation. Le déploiement du sous-marin nucléaire d'attaque Emeraude en Indopacifique s'inscrit dans la défense de ces intérêts et visait avant tout à montrer aux compétiteurs la capacité de la marine nationale à opérer avec ses forces sous-marines dans la zone.

L'armée de l'air et de l'espace procède également à des exercices de projection dans les outre-mer. L'exercice « Marathon » (2022) a ainsi permis de démontrer la capacité de l'armée de l'air à projeter deux Rafale B et un avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) sur la base aérienne 181 de l'île de La Réunion , ce qui suppose que les infrastructures d'accueil soient en bon état, ce qui n'est pas toujours le cas (cf. infra III. B. 1.). En 2021, l'armée de l'air et de l'espace est également parvenue à projeter des avions de combat jusqu'en Polynésie française, à près de 16 000 km de l'hexagone. L'exercice « Wakea » a ainsi permis à l'armée de l'air de « tester ses limites » et de se familiariser avec la zone 10 ( * ) , en démontrant la capacité de la France à projeter ses Rafale dans ses outre-mer les plus éloignés et en affirmant sa présence dans l'indopacifique. De manière plus habituelle, la projection régulière d'A400M dans le Pacifique constitue un atout important pour répondre à des besoins ponctuels (évacuations sanitaires pendant l'épidémie de Covid-19).

Même si sa capacité de projection repose sur les deux autres armées, l'existence de ces points d'appui constitue un atout pour l'armée de terre. Le Centre d'entrainement en forêt équatoriale (CEFE) du 3 ème régiment étranger d'infanterie (REI), basé à Kourou en Guyane, en fournit un bon exemple, puisqu'il permet chaque année à plus de 2 000 militaires de suivre différents stages d'aguerrissement en forêt équatoriale, dans des conditions de rugosité et de rusticité accrues. Il constitue notamment un outil important dans le cadre de la préparation des militaires, du grade de sergent jusqu'aux jeunes officiers, afin d'améliorer leur résilience face aux hypothèses d'engagement dans des conflits de haute intensité 11 ( * ) .

C. DES CONTRIBUTEURS MAJEURS À L'ACTION DE L'ÉTAT OUTRE-MER

1. La situation particulière des outre-mer rend critique la contribution des forces de souveraineté aux missions civiles

Le rôle des armées en matière civile sur le territoire national en outre-mer est théoriquement régi par les mêmes règles que dans l'hexagone. La spécificité des outre-mer entraine toutefois quelques particularités importantes, conférant aux forces de souveraineté un rôle de contributeur majeur aux missions civiles de l'État.

Ces particularités sont tout d'abord dictées par les situations géographiques singulières des outre-mer. En plus d'être éloignés de l'Hexagone, la plupart sont des archipels, et requièrent des moyens logistiques à long rayon d'action que seules les armées sont bien souvent en mesure de fournir.

En outre-mer, le maillage des moyens de l'État hors armée est par ailleurs moins dense que dans l'hexagone. L'organisation des moyens de l'État repose en partie sur la capacité de renforcement des moyens d'un territoire par l'autre, ce qui est rarement possible aussi facilement en outre-mer. Au cours de l'épidémie de COVID-19 à Wallis et Futuna, l'armée a ainsi procédé à des évacuations sanitaires en direction de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie en avion de transport de type Casa, ce qui requiert plus de dix heures de vol.

Enfin, les outre-mer sont marqués par une situation opérationnelle souvent plus dégradée qu'en métropole, en matière de pêche illégale, de trafic de stupéfiants, ou d'exposition aux risques naturels.

2. Les trois logiques de contribution des forces de souveraineté aux missions civiles

Au total, les forces de souveraineté contribuent aux missions civiles selon trois logiques :

- par le biais de l'action de l'État en mer (cf. infra ), qui est dirigée par le commandant de zone maritime (soit le commandant supérieur de la force de souveraineté s'il s'agit d'un amiral ou son adjoint officier de la marine nationale) sous l'autorité du délégué du gouvernement pour l'action de l'état en mer (préfet ou haut-commissaire). Ce champ de compétence extrêmement vaste concerne la sécurité maritime et le sauvetage en mer, la sûreté maritime et portuaire, la lutte contre les trafics illicites, les atteintes à l'environnement en mer, l'immigration clandestine par voie maritime et la pêche illégale ;

- dans le cadre de protocoles spécifiques aux territoires ultramarins permettant la mutualisation des moyens de l'État ;

- il peut enfin être recouru aux armées sur réquisition de l'État (préfet ou haut-commissaire) lorsque les moyens de l'autorité civile sont estimés indisponibles, inadaptés, inexistants ou insuffisants (règle des « 4i ») 12 ( * ) . C'est généralement le cas pour les crises d'importance touchant le territoire national, comme la crise Covid-19 ou les événements climatiques qui touchent fréquemment les territoires ultra-marins.

Exemples de participation des forces armées en Polynésie française
à des missions de sécurité civile

Source : marine nationale

Compte tenu des moyens limités des territoires ultramarins, les forces de souveraineté participent par conventions ou protocoles à un certain nombre de missions de nature civile. C'est le cas pour les évacuations médicales en Polynésie française où deux hélicoptères Dauphin de la marine nationale, faisant l'objet d'un financement interministériel, sont mis en oeuvre pour le compte des ministères des armées, de l'intérieur et de l'outre-mer, au profit de l'ensemble du territoire. Ces hélicoptères sont également utilisés pour la lutte contre les feux de forêt.

La participation des forces de souveraineté aux missions civiles suppose d'importants liens avec les autres services de l'État et les forces de sécurité intérieure, notamment la gendarmerie nationale, avec laquelle la coopération est permanente en situation de crise . Elle comprend l'échange d'informations, la coordination des moyens et l'appui mutuel selon les besoins. L'efficacité en temps de crise repose sur une planification en amont et le maintien d'une étroite relation au quotidien hors crise. Elle est particulièrement concrète en Nouvelle-Calédonie (notamment pendant la période référendaire, ou la crise du Nickel), ainsi qu'en Guyane avec l'opération « Harpie » de lutte contre l'orpaillage illégal.

L'importante contribution aux missions de sécurité intérieure des forces armées en Guyane (FAG) : la lutte contre l'orpaillage illégal et la protection du centre spatial guyanais

En Guyane, les activités militaires sont essentiellement tournées vers les missions de sécurité intérieures.

La mission « Harpie », débutée en 2008, est une opération interministérielle co-pilotée par le préfet de Guyane et le procureur de la République de Cayenne pour lutter contre l'orpaillage illégal en Guyane. Les FAG y participent en appui de la gendarmerie, en mobilisant des moyens terrestres et aériens conséquents ainsi que des capacités spécifiques (renseignement, génie, pirogues, etc). Les FAG apportent une masse critique dissuasive qui sécurise le déploiement en forêt du volet judiciaire. La nécessaire coordination entre les FAG et la gendarmerie se traduit par la co-localisation, au Quartier de la Madeleine à Cayenne, de l'état-major interarmées et d'un centre de conduite des opérations de la gendarmerie, dédié à la lutte contre l'orpaillage illégal.

La préparation des opérations est soigneusement réalisée de concert entre les forces de sécurité intérieure et les FAG, en lien avec les régiments qui en assurent la conduite.

Avec un engagement moyen de 300 hommes/jour en forêt, cette opération connaît de vrais succès opérationnels. Les modes d'action s'attachent à freiner les flux d'approvisionnement, à détruire le matériel de production et à occuper le plus longtemps possible les sites afin d'amoindrir la rentabilité du travail et ainsi forcer les orpailleurs à quitter les lieux. À cet effet, les FAG combinent leurs opérations entre bases ou postes avancés, postes de contrôles fluviaux, patrouilles de durées variables et actions « coup de poing » héliportées et/ou nautiques.

Au plan de la coopération internationale, compte-tenu de la dimension transfrontalière du phénomène d'orpaillage illégal, la coopération avec l'armée brésilienne se traduit par des actions coordonnées régulières. Celle avec le Suriname est la plus symbolique mais se développe.

En outre, la mission historique des FAG est la protection du centre spatial guyanais. Celle-ci est assurée depuis le premier tir Ariane le 24 décembre 1979.

Depuis 2008, l'opération « Titan » assure la protection d'en moyenne une dizaine de tirs par an, avec les moyens du 3ème régiment d'infanterie, un patrouilleur de la marine pour assurer la protection en mer, et un dispositif aérien autour d'un centre de contrôle militaire et d'hélicoptères d'intervention Fennec.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La coopération avec la police nationale est plus limitée, excepté à Mayotte dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine (LIC), ou les forces armées assurent le soutien des intercepteurs de la police (cf. infra ).

La coopération avec la douane se fait essentiellement dans le cadre de l'action de l'État en mer, dans le domaine particulier de la lutte contre les trafics de stupéfiants.

L'action de l'État en mer constitue le principal cadre de la participation des forces de souveraineté à des missions civiles.

3. Une contribution centrale à l'action de l'État en mer outre-mer

Si l'action de l'État en mer est par nature interministérielle 13 ( * ) , les forces de souveraineté réalisent l'essentiel des missions dans ce domaine, étant notamment les seules dotées de moyens hauturiers. Les commandants de bâtiments de la marine nationale disposent à cet effet de nombreuses habilitations prévues par la loi permettant de mener à bien ces missions. Les habilitations dont sont dotés les commandants des bâtiments de la marine nationale sont visées dans chaque code ou dispositions législatives auxquels les infractions se rattachent, en fonction de la police considérée. Ce dispositif complet ne soulève, selon la marine nationale, pas de difficulté.

Les compétences des commandants de bâtiments de la marine nationale
dans le cadre de l'action de l'État en mer

Les commandants de bâtiments sont dotés de pouvoirs leur permettant d'assurer leurs missions. Les habilitations dont sont dotés les commandants des bâtiments de la Marine varient en fonction de la police exercée :

- en matière de lutte contre les activités illicites en mer (lutte contre la piraterie, l'immigration clandestine par voie maritime, le trafic illicite de stupéfiants par voie maritime et les infractions relatives à la sécurité de la navigation maritime), les commandants des bâtiments peuvent être dotés de pouvoirs de police administrative et de police judiciaire ;

- en matière de police des pêches, les commandants des bâtiments de la Marine sont habilités au titre du code rural et de la pêche maritime (article L.942-1) et disposent éventuellement, en complément, d'habilitations spécifiques à certaines zones dans le cadre d'organisations régionales de pêche auxquelles l'Union européenne ou la France est partie ;

- en matière de polices en mer participant à la protection de l'environnement, les commandants des bâtiments sont habilités à constater certaines infractions au titre du code de l'environnement, notamment les activités de pollution.

Enfin, les commandants des bâtiments de l'État disposent d'habilitations pour l'application d'autres pouvoirs de police, notamment la police de la circulation maritime (article L.5243-1 du code des transports), la police des documents de bord (article L.5222-1 du code des transports), les polices liées à la sécurité de la navigation (articles L. 5243-2-2 et L. 5243-2-4 du code des transports), la police des biens culturels maritimes (article L. 544-8 du code du patrimoine), etc.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Ces missions concernent dans les faits :

- la lutte contre le narcotrafic , qui est particulièrement présente aux Antilles face au trafic de cocaïne (les FAA consacrent au minimum 120 jours de mer de frégate à cette mission chaque année, complétés par des missions ponctuelles d'autres bâtiments ) ou à La Réunion face au trafic d'héroïne ;

- la police des pêches , qui constitue activité principale des patrouilleurs de Guyane face aux incursions répétées des pêcheurs des pays riverains, et une activité importante des moyens de La Réunion, notamment sur les îles Éparses (voir supra .), ou des forces du Pacifique ;

La lutte contre les incursions de pêcheurs étrangers
dans les eaux territoriales françaises en Guyane

La police de la pêche, menée dans le cadre de l'action de l'état en mer vise à lutter contre les incursions dans les eaux territoriales guyanaises des pêcheurs illégaux brésiliens, surinamais et vénézuéliens.

La stratégie des FAG repose sur des opérations répétées, imprévisibles, entrecoupées d'opérations renforcées (planification d'une opération par trimestre) avec des moyens venus de métropole. Ces dernières permettent d'entretenir la crainte chez les pêcheurs illégaux et facilitent les opérations menées avec les seuls moyens locaux. Cette stratégie globale fonctionne d'autant plus que la politique pénale appliquée par le parquet de Cayenne est ferme à l'égard des pêcheurs illégaux.

Le second axe d'effort amorcé par les FAG est la coopération avec les pays voisins. Les interactions avec le Brésil semblent porteuses d'améliorations sensibles. La création d'une capitainerie à Oyapock devrait permettre de mieux connaitre et contrôler la pratique de la pêche brésilienne et les interactions récentes avec la marine brésilienne semblent offrir des perspectives d'opérations de police plus apaisées.

Source : ministère des armées

- le secours en mer où les évènements majeurs placent l'État et les forces de souveraineté au coeur du dispositif, avec la mobilisation des moyens aéro-maritimes ainsi que des capacités de lutte contre les pollutions en mer, mais aussi de sauvetage de la vie humaine et d'assistance aux navires en difficultés ;

- la lutte contre l'immigration clandestine par voie de mer, qui constitue une activité relevant du ministère de l'intérieur mais à laquelle les forces de souveraineté contribuent largement, notamment à Mayotte.

4. Le rôle central des FAZSOI dans la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte

Le cas particulier de Mayotte, île française appartenant à l'archipel des Comores, justifie un développement particulier dans la mesure où la contribution des FAZSOI à la lutte contre l'immigration clandestine y est majeure . Le nombre d'étrangers s'y rendant de manière illégale par voie maritime en provenance des autres îles comoriennes, notamment Anjouan, sur des embarcations traditionnelles de type kwassa, se situe entre 15 000 et 22 000 par an.

La politique de lutte contre l'immigration clandestine est dans le même temps particulièrement intense : en 2021, 23 724 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits dans leur pays d'origine.

Le dispositif d'interception en mer à Mayotte repose sur différents acteurs, dont la coordination incombe à la base navale . Selon les informations transmises par cette dernière, environ 300 embarcations (comprenant chacune une vingtaine de personnes) arrivent chaque année sur les côtés de l'île, dont la moitié environ est détectée par les services de l'État.

Les opérations d'interception débutent par la détection des kwassas en mer, grâce à l'exploitation de quatre radars et d'un avion civil léger loué par le ministère de l'intérieur depuis février 2021, qui effectue trois à cinq heures de vol par jour. D'autre moyens des FAZSOI sont également affectés à cet important travail de détection, à l'instar de la frégate Nivôse , basée à La Réunion, qui dédie environ 40 jours de mer par an à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte. Le Falcon 50 M de surveillance maritime de la marine nationale ne fournit, faute de présence suffisante dans la zone (cf. III. A. 1. A), qu'une contribution marginale à ce travail de détection.

Une fois les bateaux détectés, huit intercepteurs de la gendarmerie maritime (dont trois sont en permanence à la mer) coordonnés par la base navale et placés sous le commandement opérationnel du commandant supérieur des FAZSOI vont à leur rencontre et prennent en charge les personnes à leur bord . Les personnes interpelées sont acheminées au centre de rétention administrative, où elles demeurent jusqu'à leur éloignement vers leur pays d'origine.

Les forces de souveraineté contribuent également au volet « terre » de la lutte contre l'immigration clandestine et de la phase d'interception, par le biais des opérations « Nephila » réalisées par les militaires du détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM). Ces dernières, qui constituent des opérations « coup de poing », ont une forte dimension dissuasive. Organisées huit fois par an, elles visent à assurer une très forte présence militaires sur certaines plages de l'île, afin d'y favoriser l'interpellation des étrangers en situation irrégulière, en présence des officiers de police judiciaire.

La présence des forces de souveraineté à Mayotte constitue donc un atout majeur pour l'État, dans ce département confronté à une crise migratoire et où la population pourrait doubler d'ici à 2050, pour dépasser les 700 000 habitants 14 ( * ) .

II. DES FORCES DE SOUVERAINETÉ DONT LE FORMAT « TAILLÉ AU PLUS JUSTE » N'EST PAS ADAPTÉ À L'AMPLEUR DE LEURS MISSIONS ET À LEUR RÔLE STRATÉGIQUE

A. DES FORCES MONTÉES EN PUISSANCE DANS LES ANNÉES 60, AYANT FAIT L'OBJET D'UNE « RATIONALISATION » À PARTIR DE 2007 ENTRAINANT UNE FORTE BAISSE DE LEURS EFFECTIFS

1. Des forces de souveraineté réorganisées à partir de 2008 dans le cadre de la RGPP et réduites à leur niveau « strictement nécessaire »

À l'issue d'un processus de consolidation au cours des années 1980 et 1990, les forces de souveraineté ont connu d'importantes réorganisations depuis 2008. La principale a été liée à la révision générale des politiques publiques , dont les objectifs ont été repris dans le livre blanc de 2008, qui prônait une « une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes. [...] les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites. » 15 ( * )

Cette volonté de réduction des forces de souveraineté à leur niveau « strictement nécessaire » a amené à une réduction de 20 % de leurs effectifs et profondément changé leur organisation.

Effectifs des forces de souveraineté

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

La LPM 2009-2014 16 ( * ) a recentré le dispositif sur les missions militaires , tout en conservant la capacité d'intervenir en soutien de l'action de l'État dans les situations d'urgence. Il s'est réorganisé selon une logique de théâtre : Antilles-Guyane, Pacifique, et Océan Indien.

Les capacités ont été consolidées en Guyane, à La Réunion, et de manière plus limitée en Nouvelle-Calédonie, avec des dispositifs militaires interarmées capables d'intervenir dans leur zone de responsabilité.

Aux Antilles et en Polynésie, les dispositifs ont été allégés, en y maintenant des points d'appui militaires à dominante maritime, capables d'accueillir des renforts.

L'adaptation des forces s'est également accompagnée d'une réduction des dispositifs de soutien. La c r éation d'une base de défense (BdD) par territoire , dotée d'un groupement de soutien de base de défense (GSBdD), a été le pivot de cette « rationalisation », avec un grand principe : le commandant supérieur est commandant de la base de défense (COM BdD), ce qui le place dans la situation unique de disposer du commandement sur l'ensemble du spectre des compétences militaires, du commandement opérationnel des forces à leur soutien.

La LPM 2014-2019 a imposé une nouvelle réduction des effectifs sur un dispositif venant de subir d'importantes restructurations . Cette déflation, portant sur un effectif déjà très optimisé, s'est traduite par un effort supplémentaire sur le soutien et l'environnement des forces, et sur la transformation de postes permanents en postes en mission à courte durée.

Depuis, la mise en service de deux Patrouilleurs Antilles-Guyane (PAG) en 2017, d'un troisième aux Antilles en 2020, la prolongation d'un patrouilleur P400 en Nouvelle-Calédonie en 2018 et la livraison de quatre bâtiments de soutien et d'assistance d'outre-mer (BSAOM) entre 2016 et 2020 ont permis d'enrayer l'érosion progressive des capacités opérationnelles (transport amphibie, patrouilleurs).

2. Une prise en compte de leur importance stratégique par la LPM 2019-2025 n'entrainant qu'une réévaluation limitée de leurs moyens

Le rapport annexé à la LPM 2019-2025 prend acte de l'importance stratégique des forces de souveraineté et de ses fragilités, puisque son rapport annexé mentionne la nécessité de pouvoir, au titre de l'Ambition 2030, « conduire [des] opérations dans le cadre d'une approche globale élargie, permise notamment par un dispositif de forces prépositionnées et de forces de souveraineté, toutes deux dotées des effectifs suffisants et des équipements adéquats , par des relais étendus dans les postes diplomatiques et les organisations internationales intéressées aux questions de défense et de sécurité. Elles devront enfin disposer des moyens autonomes d'appréciation de situation, seuls à même de garantir une prise de décision indépendante et souveraine. »

Après un cycle de transformation exigeant, la consolidation du dispositif des forces de souveraineté outre-mer est ainsi apparue comme une nécessité prise en compte dans la LPM 2019-2025, et confirmée par l'actualisation stratégique de 2020, avec notamment :

- l'amélioration des capacités de contrôle des zones maritimes françaises ;

- le renouvellement de la capacité des patrouilleurs (Patrouilleurs Antilles-Guyane en 2019, 6 patrouilleurs outre-mer entre 2022 et 2025, cf. infra III. A.) ;

- des moyens de surveillance par satellites (programme TRIMARAN) et la mise en service prévue de drones (système de minidrone de la marine sur les patrouilleurs outre-mer) ;

- le renforcement ciblé des effectifs, permettant des adaptations limitées du dispositif des forces de souveraineté et de leur soutien ;

- une attention prioritaire accordée aux besoins opérationnels émergents, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française qui sont les territoires les plus éloignés ;

- dans tous les cas, une logique de réponse aux crises, fondée sur la projection de renforts de proximité ou provenant de métropole, maintenue (ex : IRMA, COVID).

L'application de la LPM 2019-2025 permet ainsi une certaine consolidation d'un dispositif taillé au plus juste pour les missions qui lui sont confiées. Les principales difficultés résiduelles pour les forces outre-mer sont dans le domaine des infrastructures (voir infra .) avec un effort financier prévu d'être porté en deuxième partie de LPM qui devra prendre en compte de nombreuses évolutions des équipements (Patrouilleurs outre-mer, A400M, Scorpion).

Depuis 2016, les crédits des forces de souveraineté ont été marqués par leur stabilité, et s'élevaient à 946 millions d'euros en 2020, crédits des personnels civils inclus.

Coûts annuels des forces de souveraineté

(en millions d'euros)

Entre 2016 et 2019, les coûts de T2 de masse salariale sont limités au personnel militaire tandis qu'à partir de 2020, ceux-ci incluent le personnel civil.

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

En matière d'effectifs, le ministère des armées prévoit un rythme d'augmentation des effectifs de plus de 2,5 %, supérieur à celui prévu pour l'ensemble des effectifs par la LPM d'ici à 2025 (+ 2,25 %).

Prévision d'augmentation des effectifs des forces de souveraineté

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

B. LA NÉCESSAIRE RÉÉVALUATION DES MOYENS DES FORCES DE SOUVERAINETÉ

Cet effort, s'il met fin à la déflation de la décennie passée, ne permet pas de renouer avec les niveaux antérieurs à 2008. Alors qu'elles doivent faire face à une menace croissante contre nos intérêts stratégiques et à une pression accrue sur les ressources naturelles de nos territoires et de notre zone économique exclusive (ZEE), les forces de souveraineté ne peuvent répondre aujourd'hui que strictement à leurs missions du quotidien.

Un effort important apparaît essentiel pour permettre aux forces de souveraineté de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique, au renforcement des menaces d'origine naturelle ou sécuritaire, ainsi qu'à la concurrence croissante de certains compétiteurs qui cherchent à étendre leur sphère d'influence ou à sécuriser leur accès aux ressources naturelles (voir supra I. B.).

Ces différents éléments devront être pris en compte dans la « réévaluation » de la programmation actuelle demandée par le président de la République 17 ( * ) .

En plus d'un rehaussement général des moyens des forces de souveraineté, la programmation militaire portant sur la période postérieure à 2025 devra prendre en compte le renouvellement du segment des frégates de surveillance (cf. infra , II. A.) ainsi que les besoins de surveillance maritime de nos ZEE (programme AVISMAR).

Recommandation n° 1 : prévoir, dans la nouvelle programmation militaire qui doit intervenir dès le début du quinquennat en cours, une augmentation significative des moyens des forces de souveraineté, afin de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique notamment dans l'indopacifique, au renforcement des menaces et aux différents défis capacitaires qu'elles rencontrent aujourd'hui (Parlement).

III. DES MOYENS PARFOIS INADAPTÉS AUX LARGES MISSIONS DES FORCES DE SOUVERAINETÉ

A. DES MOYENS NAVALS ET AÉRIENS INSUFFISANTS, FAISANT FACE À DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES EN MATIÈRE D'ENTRETIEN

1. Des moyens aériens plus que limités pour assurer la souveraineté, la surveillance et le transport dans des zones aux élongations particulièrement importantes, notamment pour les FAZSOI et les deux forces du Pacifique
a) Une capacité de surveillance maritime à renforcer

Lors de son déplacement dans la zone sud de l'océan indien, le rapporteur spécial a pu constater l'inadéquation entre les moyens nautiques et aériens et les missions des FAZSOI, dont la zone d'opération est extrêmement vaste.

Cette zone est en effet marquée par des élongations importantes : les moyens aériens et la plupart des moyens nautiques sont basés à La Réunion, alors que les îles Éparses et Mayotte sont presque toutes à plus de 3 jours de bateau ou 3 heures d'avion de type Casa (le seul type d'avion de transport dont disposent les forces de souveraineté).

Temps de trajet des moyens nautiques et aérien militaires entre La Réunion, Mayotte et les TAAF (hors îles australes)

Source : FAZSOI

Les FAZSOI disposent de moyens aériens très limités, alors qu'ils sont responsables d'une mission de surveillance de la ZEE et des eaux internationales, et surtout de missions de souveraineté. Les deux avions de transport de type Casa CN 235-300 des FAZSOI sont ainsi utilisés pour assurer la relève des militaires présents en permanence sur les îles de Juan de Nova, des Glorieuses, et d'Europa (le détachement est composé d'un groupe de 14 hommes du 2 e RPIMa ou du détachement de la Légion étrangère de Mayotte et d'un gendarme), environ tous les 45 jours.

La mission de surveillance aérienne (lutte contre la pêche illicite et contre les atteintes à l'environnement) aux abords des îles Éparses est ainsi assurée à vue par les équipages du Casa lors du survol de ces îles à l'occasion de la relève des militaires présents en permanence sur trois d'entre elles. Cette relève ayant toutefois lieu de manière régulière, les pêcheurs, notamment malgaches, pêchant illégalement sur les eaux territoriales de certaines de ces îles peuvent facilement adapter leurs programmes de navigation en évitant les jours de passage estimés du Casa. Le seul survol du Casa n'apparaît donc pas suffisant pour assurer les missions de surveillance dans les ZEE de ces îles où la pêche illégale demeure un problème prégnant (notamment à Bassas da India).

En appui, les FAZSOI bénéficient également d'un Falcon 50 M de patrouille maritime, qui apparaît toutefois plus qu'insuffisant puisqu'il n'est déployé dans cette zone que deux fois deux semaines par an, et dédie également une partie de son temps de présence à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte. La situation est comparable pour les Antilles et la Guyane, qui ne bénéficient de cet appui que de manière occasionnelle.

Au regard des enjeux en matière de surveillance maritime de la zone, particulièrement concernée par la pêche illégale, l'immigration clandestine à Mayotte et la lutte contre les activités polluantes, une augmentation des capacités constitue une nécessité impérieuse. L'activité de la flotte de Falcon 50 M étant toutefois d'ores et déjà saturée, et le programme AVISMAR, qui vise à les remplacer (de même que les Falcon 200 Gardian en service en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie), ne devant connaître ses premières livraisons que « d'ici à 2025 », il importe de trouver un moyen d'augmenter les capacités à court-terme.

À ce titre, le recours à des drones , pourrait être envisagé. Les futurs patrouilleurs outre-mer (POM), dont l'entrée en service est prévue à partir de 2024, seront dotés de systèmes de mini-drones marine 18 ( * ) , ce qui constitue une avancée, même si leur rayon d'action est faible (50 km) eu égard à l'étendue des zones à surveiller. L'achat complémentaire de drones de surveillance à plus grand rayon d'action pourrait être envisagé.

La réussite du programme AVISMAR apparaît, à terme, critique pour les forces de souveraineté dans leur ensemble, et la présence d'un nombre suffisant d'avions, au besoin complété par des drones moyenne altitude longue endurance (MALE) comme l'envisage actuellement la marine nationale 19 ( * ) , devra faire l'objet d'une attention particulière.

Recommandation n° 2 : afin de garantir la surveillance des zones économiques exclusives (ZEE) ultramarines, aujourd'hui insuffisante, augmenter les capacités de la marine nationale en la matière prévoyant la mobilisation permanente d'un Falcon 50 M (ou équivalent) pour chacune des zones les plus vulnérables (FAZSOI, FAA et FAG), en recourant aux drones et en assurant à terme la capacité du programme AVISMAR à fournir des outils permettant la surveillance efficace de ces zones (ministère des armées).

b) En matière de transport aérien à long rayon d'action, une dépendance vis-à-vis de la métropole

Les capacités de transport tactique sont également limitées. Les FAZSOI ont ainsi connu une forte baisse de leurs capacités en la matière à la suite du retrait du Transall C 160 en 2015, alors que ce dernier présentait une capacité d'emport bien supérieure à celle du Casa (6 tonnes contre 1,5) et une autonomie de 8 heures au lieu de 6. Les FAZSOI peuvent, en cas de besoin (évacuation sanitaire, crise, etc), demander un renfort de l'A400M de métropole sous un préavis de 48 heures, qui pourrait s'avérer trop long en cas de crise impliquant une réaction rapide.

Les FAPF disposent également de deux Casa, ce qui reste suffisant pour un emploi au sein de la Polynésie française. Pour se déployer vers l'Ouest du Pacifique, plusieurs jours de transit et l'ouverture de points d'appui pour le ravitaillement sont ainsi nécessaires. L'Est du Pacifique, et notamment les côtes américaines, est inaccessible par la voie aérienne avec les moyens précités. Enfin, ces moyens aériens ont une capacité d'emport limitée.

Cette faiblesse des moyens aériens a un impact logistique particulièrement prégnant pour les FAPF, ce qui renforce leur dépendance aux moyens en renfort acheminés depuis la métropole. La crise sanitaire débutée en 2020 a ainsi mis en exergue la forte vulnérabilité logistique de la Polynésie dans un contexte de crise. Le renfort temporaire d'un avion à long rayon d'action (A400M) a permis de briser en partie l'isolement, de soutenir les autorités civiles et de conduire des opérations de rapatriement de ressortissants à l'étranger (îles Cook et île de Pâques notamment). Ce renfort temporaire a démontré toute la pertinence de déployer de façon régulière une telle capacité en Polynésie française.

Le remplacement des Casa de l'armée de l'air et de l'espace n'est pas encore fixé, et ces derniers sont aujourd'hui en service au sein des FAZSOI, des FAPF et des FANC. Sans avion de transport à long rayon d'action, la capacité de projection de force et l'appui logistique dans les ZRP qui relèvent de ces forces demeurera fragile.

Recommandation n° 3 : face à la nécessité de disposer rapidement de moyens à long rayon d'action en cas de crise ou de limiter le coût logistique de certaines opérations de déploiement, consolider la capacité de recours des forces de souveraineté aux moyens de transport tactique à long rayon d'action (A400 M) (ministère des armées).

2. Les moyens nautiques : des indisponibilités et des pertes de capacité en voie de résorption

Les moyens nautiques des forces de souveraineté sont également « taillés au plus juste », et ont dû faire face à de nombreuses réductions temporaires de capacité (RTC) dans la décennie 2020.

Retenues temporaires de capacité (RTC) sur la période 2010-2020

Bâtiments de surface :

Patrouilleurs : en 2010, 9 P400 basés outre-mer.

- 2011 à 2014 : RTC de 2 patrouilleurs (désarmement de 4 P400, partiellement compensé par la mise en service du Malin et le transfert de l'Arago de métropole vers l'outre-mer).

- 2014-2020 : RTC de 3 patrouilleurs. Admission au service actif de 3 patrouilleurs de type PAG (2 en 2017 en Guyane et 1 en 2019 aux Antilles).

Bâtiments de soutien : bâtiments de transport légers (BATRAL) remplacés par les bâtiments de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM).

En 2010, 4 BATRAL basés outre-mer.

- 2011 à 2013 RTC 1 bâtiment.

- 2013 à 2016 : RTC 2 bâtiments.

- 2016 à 2020 : RTC 1 bâtiment. 4 BSAOM en service en 2020.

Source : marine nationale

Ces RTC vont se poursuivre sur les années à venir, puisque trois patrouilleurs sont actuellement indisponibles (1 à La Réunion, 1 en Nouvelle-Calédonie, 1 en Polynésie française). Ces RTC devraient être progressivement comblées avec l'arrivée des 6 Patrouilleurs outre-mer (POM) à partir de 2023 et complètement résorbées en 2025.

Présentation du patrouilleur outre-mer, livré aux forces de souveraineté
à partir de 2023

Source : DGA

La livraison des 6 POM va s'échelonner entre début 2023 et fin 2025. Le 1 er et le 4 ème rallieront la Nouvelle-Calédonie ; le 2 ème et le 5 ème rallieront la Polynésie française ; le 3 ème et le 6 ème rallieront La Réunion. Le coût de ces 6 POM s'élève à un montant de 325 millions d'euros.

En matière de bâtiments de soutien , les forces de souveraineté ne disposent plus depuis 2017 de bâtiments ayant des capacités amphibies, pourtant considérées comme essentielles. Les bâtiments de transport légers (BATRAL), qui disposaient de cette capacité, ont été remplacés par des bâtiments présentant des capacités différentes, les BSAOM 20 ( * ) . Ces navires ne sont pas aptes à réaliser des « plageages » (accostage du navire sur une plage), mais ils disposent de capacités de soutien et d'assistance en mer. Ces capacités ont déjà eu des usages opérationnelles, par exemple par le Bougainville en 2018 pour déséchouer un cargo en Polynésie française et éviter une pollution. Les BSAOM ont également contribué à l'opération « Résilience » dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19.

Enfin, le cas particulier des FAZSOI illustre les difficultés que peuvent rencontrer les forces de souveraineté en matière d'aéronautique navale et de moyens de remorquage. Ces dernières ne disposent depuis avril 2020 que d'un seul hélicoptère de type Panther, contre deux auparavant. Cet hélicoptère arme les deux frégates Floréal et Nivôse , alors qu'elles disposent toutes les deux d'une hélisurface. Cet hélicoptère, servant notamment aux missions de sauvetage et de surveillance, devrait être remplacé d'ici à 2024 par deux hélicoptères interarmées légers (HIL).

Par ailleurs, les FAZSOI ne disposent aujourd'hui d'aucun moyen de remorquage, ce qui constitue aujourd'hui une source de fragilité. L'île de La Réunion est en effet au centre de l'une des routes maritimes commerciales les plus fréquentées au monde , entre le détroit de Malacca et le cap de Bonne espérance, marquée par un trafic en forte augmentation dans une zone de passage des cyclones.

Carte de la densité du trafic maritime aux abords de La Réunion en 2021

Source : MarineTraffic

L'échouement du pétrolier-souteur mauricien (naviguant à vide) Tetra star , dans la nuit du 3 ou 4 février 2022 (pendant le passage du cyclone Batsiraï ) sur la côte sud-est de La Réunion, à la suite d'une perte de contrôle au large de l'île, atteste de la prégnance des risques qui y sont liés. La présence d'une capacité militaire de remorquage, éventuellement partagée avec Maurice et les pays de la commission de l'océan indien (COI), constituerait un atout majeur pour les FAZSOI et les différents États de la zone au regard des aléas climatiques et du trafic qu'ils connaissent.

Recommandation n° 4 : afin de faire face aux risques d'échouage aux abords de l'île de La Réunion, mettre à disposition des FAZSOI une capacité de remorquage, éventuellement partagée avec les autres États de la commission de l'océan indien (COI) (ministère des armées).

À plus long-terme, la question du renouvellement des frégates de surveillance (classe Floréal ), dont le retrait du service est prévu pour 2035, devra être tranchée en prenant en compte le besoin clair de bâtiments plus crédibles dans un contexte de retour des conflits entre puissances et d'un environnement opérationnel plus exigeant. L'option privilégiée semble être le programme European Patrol Corvette . Ce nouveau bâtiment pourrait recevoir une plateforme d'accès et de maintenance pour hélicoptère, des mini drones de surveillance et un système d'armes, et devra en tout état de cause être pleinement prise en compte par la prochaine programmation militaire.

3. Une disponibilité faible pour certains équipements

Dans leur ensemble, les matériels mis en oeuvre par les forces de souveraineté sont anciens et leur disponibilité technique est réduite par des conditions d'environnement plus sévères qu'en métropole, ainsi que par les difficultés d'approvisionnement logistique liées à l'éloignement.

Pour l'armée de terre, les enjeux portent essentiellement sur :

- la poursuite du remplacement des véhicules P4 par des véhicules légers tactiques polyvalents non protégés (VLTP NP). Les forces de souveraineté ont été prioritaires sur ce segment et 158 véhicules sont déjà en place sur les 235 exemplaires prévus ;

- la capacité des unités stationnées en Guyane à contribuer à la protection du centre spatial guyanais (CSG), avec en particulier le remplacement des chenillettes anciennes ;

- le renouvellement des camions du segment « médian » (jusqu'à 6 tonnes) qui présente un risque de réduction temporaire de capacités du fait des premières dates de livraison actuellement envisagées (2025) ;

- d'une manière générale, la montée en gamme capacitaire des unités des forces de souveraineté, en cohérence avec la transformation Scorpion débutée en métropole et les objectifs politiques de rayonnement régional.

L'armée de l'air et de l'espace rencontre des difficultés pour maintenir l'activité aérienne des hélicoptères de manoeuvre Puma à un niveau suffisant pour soutenir les opérations en cours outre-mer, notamment en Guyane, compte tenu de leur vétusté. Le major général de l'armée de l'air a ainsi indiqué en audition qu'il ne pouvait compter que sur deux appareils, et qu'il n'y en avait aucun de disponible environ une dizaine de jours par an, alors que les Forces armées en Guyane en disposent de cinq.

La flotte des Puma de l'armée de l'air et de l'espace, en cours de retrait de service, a une moyenne d'âge supérieure à 43 ans. La relève par d'autres hélicoptères de manoeuvre des Puma de Guyane, puis de Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui programmée pour produire ses premiers effets à l'horizon 2024, mais devrait en réalité s'étaler sur toute la décennie à venir, ce qui n'apparaît pas compatible avec l'activité des Forces armées en Guyane (FAG), et notamment avec la mission « Harpie », qui comporte un important volet aéroterrestre.

B. UN SOUTIEN PARFOIS « SACRIFIÉ », NOTAMMENT EN MATIÈRE D'IMMOBILIER

1. Un investissement insuffisant au sein des forces de souveraineté, dont les conséquences sur l'immobilier sont particulièrement prégnantes

Ces dix dernières années les crédits des forces de souveraineté sont restés stables, avec une tendance inverse entre les dépenses de fonctionnement (titre 3) et les dépenses d'investissement (titre 5).

Les dépenses d'investissement, qui recouvrent principalement les constructions, rénovations, réhabilitations lourdes des bâtiments d'hébergement ainsi que le maintien en condition des logements, sont marquées par une tendance baissière. À contrario, un effort a été réalisé pour les dépenses de fonctionnement (entraînement des forces, coopération régionale, MCO des équipements, frais de déplacement, etc).

Ainsi, les dépenses de fonctionnement s'élevaient à 137 millions d'euro en 2010, elles ont progressé de plus de 29 % pour atteindre 178 millions d'euros en 2020, tandis que les dépenses d'investissement ont baissé de 13 %, passant de 40 à 35 millions sur cette période.

Dépenses des forces de souveraineté (hors titre 2)

(en millions d'euros)

Source : ministère des armées

Le sous-investissement est toutefois de nature à entrainer une dégradation du patrimoine, notamment immobilier. Ce dernier constitue, comme dans l'hexagone, l'un des principaux points noirs des forces de souveraineté. L'infrastructure outre-mer fait face à un triple défi de nature structurelle : le vieillissement accéléré des ouvrages en raison des conditions météorologiques (température, hygrométrie, cyclones), le coût élevé des projets, et le manque de fiabilité ou l'absence de prestataires locaux.

Chaque force de souveraineté dispose a minima d'une base navale, d'un régiment de l'armée de terre et d'un détachement aérien (ou base aérienne), à l'exception des Antilles, sans moyens aéronautiques affectés mais bénéficiant des moyens aériens affectés en Guyane sur la base aérienne de Matoury (soutien réduit possible sur le Pôle aéronautique étatique du Lamentin à la Martinique).

Pour les FAZSOI, les crédits destinés aux infrastructures s'élèvent à 19 millions d'euros en 2022, soit un niveau stable qui ne peut qu'être considéré comme largement insuffisant pour assurer un état satisfaisant du parc. Les difficultés constatées portent aussi bien sur les logements que sur les bâtiments opérationnels.

Ainsi, les locaux de la base aérienne 181 de La Réunion ne disposent pas d'un niveau de sécurité satisfaisant et nécessitent une rénovation de 3,3 millions d'euros urgente, mais aujourd'hui reportée à 2026 . Cette situation est particulièrement problématique, notamment dans la mesure où cette base aérienne sert de point d'appui, et pourrait à ce titre être amenée à accueillir des Rafale (cf. supra I. B. 3.) dans le cadre d'une opération de projection de puissance. Les travaux d'entretien nécessaires sur la base aérienne s'élèvent quant à eux à 1,5 million d'euros par an, mais aucune dépense n'a pu être effectuée en 2021 et 2022, afin de permettre le financement des contrats de performance énergétique dans les bâtiments de l'hexagone. Le report des travaux est par ailleurs source d'inexorables surcoûts liés à la dégradation des bâtiments.

De même, les locaux du 2 ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa) de Saint-Pierre de La Réunion ont bénéficié d'investissements ponctuels récents (création d'un nouveau restaurant, par exemple), mais des travaux de maintenance lourde ne sont pas prévus d'ici à 2024.

Mayotte est dans une situation plus défavorable, marquée par le manque de prestataires permettant d'assurer les différents travaux. Le rapporteur spécial a pu observer l'état particulièrement préoccupant de certains bâtiments, à l'instar les logements du détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM). De même, les armées souhaiteraient pouvoir y occuper l'ancien hôpital de Petite Terre, aujourd'hui inoccupé, ce qui permettrait de résoudre de nombreux problèmes posés par l'exiguïté du rocher de Dzaoudzi, sur lequel est aujourd'hui situé le DLEM, et du manque général d'espace à Mayotte. Les négociations entre le DLEM, l'Agence régionale de santé et le conseil départemental, propriétaire du foncier, sont aujourd'hui à l'arrêt, ce qui apparait peu compréhensible au regard du besoin important des armées et du fait que ce local est aujourd'hui inutilisé.

Recommandation n° 6 : à Mayotte, mettre les locaux désaffectés de l'hôpital du site du rocher de Dzaoudzi à disposition du détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM), afin de pallier le problème causé par le manque d'espace sur l'île (ministère des armées, Agence régionale de santé et Conseil départemental de Mayotte).

À titre d'information, la direction d'infrastructure de la défense des FAZSOI estime qu'un maintien du patrimoine à son niveau actuel supposerait un doublement des crédits destinés au maintien en condition opérationnelle (5 millions d'euros) pendant cinq ans, et qu'une remise à niveau du parc immobilier supposerait un doublement des crédits d'investissement (2,6 millions d'euros) sur la même période. Une telle évolution supposerait également une augmentation des effectifs locaux du service des infrastructures de la Défense destiné à ces opérations.

À l'échelle de l'ensemble des forces de souveraineté, la question du soutien et singulièrement de l'immobilier apparaît comme un domaine « sacrifié » au profit de l'opérationnel (comme l'arrivée des POM, cf. II. A. 2.), alors que ces deux volets sont pleinement imbriqués . Le renouvellement des capacités programmées au cours de la décennie 2020-2030 (livraison des POM, équipements Scorpion) requiert à la fois l'adaptation et la montée en gamme de l'infrastructure qui devra être en mesure de soutenir des équipements plus imposants et plus complexes.

En outre, une attention particulière doit être portée à la remise à niveau des infrastructures existantes, notamment des logements, qui constituent le cadre de vie quotidien du militaire, et dont la dégradation est source de surcoûts à terme.

Ces besoins devront être pleinement pris en compte dans la réévaluation de la programmation militaire.

Recommandation n° 5 : pour limiter la dégradation du patrimoine immobilier des forces de souveraineté, intégrer à la nouvelle programmation pluriannuelle un plan de remise à niveau des infrastructures (ministère des armées).

2. Un assujettissement à l'octroi de mer des biens livrés aux armées par les départements et région d'outre-mer qui pénalise les forces de souveraineté

En l'état actuel, les importations et certaines livraisons de biens des forces de souveraineté sont assujetties à l'octroi de mer dans la plupart des départements d'outre-mer, ce qui constitue une charge financière importante.

Cet impôt indirect est applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Il est affecté aux départements et régions, qui en fixent, dans certaines limites, les taux.

En tant qu'impôt indirect, l'octroi de mer est perçu sur deux types d'opérations : les importations et certaines livraisons de biens. Les importations de marchandises en provenance de l'hexagone, d'un autre département d'outre-mer, d'un État membre de l'Union européenne, d'un État ou d'un territoire n'appartenant pas à l'Union européenne, sont en principe soumises à l'impôt, dès lors que ces marchandises n'ont pas fait l'objet d'un dédouanement. Les armées, comme l'ensemble des administrations, sont assujetties à cet impôt lorsqu'elles importent des biens.

Les équipements des armées sont particulièrement coûteux, et leur assujettissement à l'octroi de mer est susceptible de limiter la capacité d'action des armées en réduisant les moyens à disposition des forces de souveraineté.

Un tel assujettissement est contestable car il pénalise l'accomplissement des missions régaliennes de l'État en outre-mer . En outre, les fondements économiques de l'octroi de mer, qui vise à protéger l'emploi et la production locale, ne sont généralement pas pertinents pour les biens destinés à l'activité opérationnelle des forces de souveraineté.

L'article 6 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer dispose que les départements et régions d'outre-mer peuvent exonérer l'importation de « biens destinés à l'accomplissement des missions régaliennes de l'État ».

Une telle exonération est par exemple en vigueur en Martinique au bénéfice des « biens servant principalement pour des actions visant à [...] la sécurité, la défense du territoire et des personnes » 21 ( * ) . Aucun dispositif comparable n'existe toutefois à La Réunion, où les FAZSOI doivent s'acquitter de l'octroi de mer, y compris sur les biens ayant une vocation opérationnelle (comme ce fut le cas pour l'acquisition en 2021 de deux tourelles de 100 mm équipant les frégates et dont la valeur dépasse 600 000 euros chacune). Selon la direction régionale des douanes de La Réunion 22 ( * ) , l'octroi de mer représente ainsi un coût annuel d'environ 1 million d'euros pour les FAZSOI, et pourrait être amené à augmenter fortement à mesure que les moyens des forces de souveraineté seront renouvelés.

Le rapporteur plaide ainsi pour que soit évaluée l'opportunité d'une généralisation de l'exonération d'octroi de mer des biens importés ou livrés aux armées et affectés à leurs missions opérationnelles. Une telle mesure, dont l'objectif est de ne pas obérer les moyens des forces de souveraineté, impliquerait en tout état de cause de prévoir une juste compensation financière des collectivités territoriales d'outre-mer concernées.

Recommandation n° 8 : évaluer l'opportunité d'une généralisation de l'exonération d'octroi de mer des biens importés ou livrés aux armées et affectés à leurs missions opérationnelles afin de ne pas obérer les moyens des forces de souveraineté, sans préjudice du financement des collectivités territoriales d'outre-mer (Parlement).

C. LES RESSOURCES HUMAINES : DES DIFFICULTÉS D'ATTRACTIVITÉ DANS LES ANTILLES-GUYANE ET À MAYOTTE

Le personnel déployé outre-mer dans chaque armée est particulièrement sélectionné et formé avant déploiement. Le ministère des armées indique à cet égard que la technicité des tâches n'y est pas plus importante outre-mer qu'en métropole. En revanche, le niveau de qualités (rusticité, résilience, capacité d'adaptation) nécessaires pour répondre à l'ensemble des besoins opérationnels et aux contraintes de l'éloignement est élevé.

Dans l'ensemble, les armées ne rencontrent pas de difficultés générales pour armer les postes, même si certains points d'attention doivent être relevés : la zone Antilles-Guyane apparaît en effet peu attractive au sein de l'armée de l'air et de l'espace et de l'armée de terre.

Au sein de cette dernière, 9,3 candidats postulent pour une place aux Émirats arabes unis et 6,4 pour les forces de présence en Afrique tandis que pour la Guyane 2,6 personnes candidatent pour un poste et 2,4 pour les Antilles.

Nombre de candidats par poste au sein des forces de souveraineté
et des forces de présence

Source : ministère des armées

L'armée de l'air et de l'espace constate une baisse globale des volontariats. Il est ainsi nécessaire de diffuser des messages de prospection afin de pourvoir l'ensemble des postes sur certaines spécialités, les volontariats exprimés sur les fiches de souhait d'affectation n'y suffisant pas. Pour les militaires du rang, l'armée de l'air et de l'espace privilégie le recrutement local, ce qui a pour conséquence de priver les forces de souveraineté de personnel expérimenté lors de l'arrivée sur les bases, contrairement aux officiers et sous-officiers.

La faible attractivité des Antilles puis de la Guyane peut s'expliquer par plusieurs facteurs comme l'absence d'emploi pour les conjoints, les difficultés de scolarisation, et l'environnement social et économique.

Au sein des FAZSOI, les îles de La Réunion et de Mayotte sont aux antipodes, la première rencontrant un fort déficit d'attractivité particulièrement sensible pour la base navale et le détachement de Légion étrangère (DLEM). Pour les marins, Mayotte est ainsi le seul territoire pour lequel les volontariats peuvent, suivant les catégories de marins, être peu nombreux. Le climat social, l'insécurité et l'exiguïté du territoire en sont les principales raisons.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 octobre 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur les forces de souveraineté.

M. Claude Raynal , président . - Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense » a mené un contrôle sur les forces de souveraineté, dont il va nous présenter les conclusions.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - En m'intéressant à nos forces de souveraineté prépositionnées outre-mer j'ai souhaité répondre plus particulièrement à deux questions : disposons-nous de la capacité à protéger et à faire respecter nos zones d'exclusivité économique ? Quel rôle assignons-nous à nos forces armées prépositionnées dans les trois grandes zones où nous sommes présents : océan indien avec la Réunion et Mayotte, les Antilles avec la Guadeloupe et la Martinique auxquelles on associe la Guyane et enfin le Pacifique avec la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ?

Nous pouvons nous enorgueillir de disposer de la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde après celle des États-Unis, avec environ 10 millions de kilomètres carrés représentant 8 % de la surface de toutes les zones économiques exclusives (ZEE) tandis que la République française ne représente que 0,45 % de la superficie des terres émergées. Pour autant, savons-nous exploiter cette situation, tant sur le plan économique que géopolitique, les deux étant intimement liés ?

Les forces de souveraineté exercent chacune leurs missions au sein de leur zone dite « de responsabilité permanente », qui englobe les pays alentour. Si les contextes et les enjeux diffèrent, ces missions peuvent se résumer autour de trois axes permanents : premièrement, contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et d'installations stratégiques ; deuxièmement, affirmer la présence de la France dans les zones considérées et contribuer à la stabilité ;  troisièmement, collecter du renseignement.

S'ajoutent également deux types de mission dites « de crise » : des opérations de secours aux biens et personnes ;  des opérations de participation et de soutien à des opérations militaires.

Un premier constat s'impose. Pour mener à bien l'ensemble de ces missions, les forces de souveraineté doivent compter sur des effectifs limités à 8 473 ETP en 2021 et les crédits budgétaires qui leur sont alloués représentent un total inférieur à 1 milliard d'euros.

Le choix a été fait en 2008, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de « tailler au plus juste » les moyens déployés sur la base - je cite - « d'une rationalisation des moyens militaires stationnés en dehors de la métropole, afin de grouper nos capacités d'intervention à partir du territoire national ou sur ces axes » . Il s'ensuit que « les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d'outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ».

Le résultat est là : - 20 % d'effectifs entre 2008 et 2021. Et une baisse des crédits d'investissement de plus de 10 %.

Au regard des enjeux de trafics ou environnementaux - et l'on pense en particulier au canal du Mozambique - ou bien géo-politico-militaires - et l'on pense en particulier aux velléités de la Chine - le moins que l'on puisse dire est que l'on peut se poser sérieusement la question de savoir si les moyens alloués sont à la hauteur des ambitions affichées. Si la remontée des effectifs prévue par l'actuelle loi de programmation militaire (LPM) tranche avec la période qui précède, elle reste insuffisante et devra encore être renforcée. C'est le sens de ma recommandation n° 1.

Ainsi ai-je été étonné de découvrir sur place que les moyens alloués aux Forces armées pour la zone sud de l'Océan indien (FAZSOI) pour la surveillance n'étaient pas vraiment adaptés, à plus forte raison dans le contexte actuel de fortes tensions internationales dans l'Indopacifique. Elles disposent deux fois deux semaines par an de l'allocation d'un Falcon 50. La relève des équipes chargées de surveiller la zone depuis les îles éparses est assurée de façon tellement régulière que les contrevenants en connaissent les dates. C'est le sens de ma recommandation n° 2.

S'agissant du choix de concentrer les moyens sur le territoire national, si l'on peut en comprendre certains aspects bénéfiques en termes de gestion et d'optimisation des matériels, il ne faudrait pas que ce principe soit un alibi pour justifier un relâchement des efforts. Si je note avec satisfaction l'arrivée de nouveaux moyens maritimes avec six patrouilleurs Outre-mer (POM) je ne puis que déplorer l'état général des casernements.

Dans l'immédiat il y a urgence à repenser les moyens de transport logistique - à titre d'exemple, les Forces armées en Polynésie française (FAPF) ne disposent que de deux avions Casa dont les capacités d'emport sont faibles -, à disposer de moyens de remorquage et à intégrer à la LPM des moyens pour assurer un casernement digne pour nos militaires. C'est le sens de mes recommandations n° 3, 4, 5 et 6.

La présence française dans les territoires ultramarins gagnerait en « acceptation » et efficacité si elle était mieux coordonnée avec la politique d'aide au développement. En effet les relations avec les pays voisins de nos zones selon les périodes et sujets peuvent être plus ou moins fluides et les nécessaires coopérations peuvent s'en trouver altérées. Un rapprochement avec l'Agence française de développement (AFD) paraît souhaitable. C'est l'objet de ma recommandation n° 7.

Enfin, tout en connaissant la sensibilité du sujet, votre rapporteur s'interroge sur une évolution de l'octroi de mer. Est-il pertinent que les armées et d'une façon plus générale les ministères acquittent une taxe sur des équipements alloués à des missions régaliennes et qui ne peuvent être produits en l'état sur place ? Une contrepartie devrait alors être trouvée pour les territoires concernés mais serait neutre pour le budget de l'Etat. D'où ma recommandation n° 8.

M. Claude Raynal , président . - Merci pour cette excellente synthèse.

La parole est à M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Cédric Perrin , rapporteur pour avis . - Je félicite Dominique de Legge pour sa clairvoyance. Il y a pour nous des sujets d'inquiétude majeure, notamment s'agissant de la présence de la France dans cette zone d'ampleur considérable. Les Américains ont l'habitude de dire qu'elle va d'Hollywood à Bollywood et couvre quasiment la moitié de la planète.

Je me trouvais il y a trois semaines en Nouvelle-Calédonie, puis en Indonésie. On mesure sur place la distance qui nous sépare de cette zone, mais on se rend surtout compte de la surface qu'il nous appartient de couvrir aujourd'hui.

Dominique de Legge évoquait la zone économique exclusive à « défendre » si je puis dire, qui est immense - 11 millions de kilomètres carrés -, face à une Chine toujours plus agressive et conquérante dans cette partie du mode, avec des besoins en matériels importants. Nous aurons l'occasion, dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire, qui doit intervenir au printemps prochain, de défendre un certain nombre de positions. Ce sujet de la présence française dans ce secteur est fondamental.

Je rejoins le rapporteur sur la nécessité de travailler avec l'AFD et de lui confier des missions de soutien plus concrètes, en lien avec notre action dans cette zone du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie.

Quant aux Casa, je précise que nous n'en avons que deux, dont l'un, situé en Australie, est en révision depuis très longtemps et risque d'y rester un moment.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - J'aurais en effet pu vous donner d'autres exemples, mais je n'ai pas voulu être trop long.

M. Claude Raynal , président . - La parole est au rapporteur général.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie Dominique de Legge pour la précision et la concision de son propos. Il est vrai que la RGPP est allée très loin s'agissant du budget de la défense. Aujourd'hui, il est nécessaire, dans le cadre de la LPM, de réaffecter, suivant une trajectoire pour le moment respectée, des moyens supplémentaires plus importants que par le passé, à plus forte raison dans le contexte actuel.

Je souscris donc à l'ensemble des recommandations du rapporteur spécial.

M. Claude Raynal , président . - Tel que je comprends les choses, la situation est celle d'un territoire immense sous juridiction française, et d'une présence militaire limitée. Quelle est notre vision en la matière ? Et que propose-t-on en réalité ? S'agit-il seulement d'équipes de surveillance large, mais limitées dans leurs moyens avec, en cas d'accident, des forces d'intervention en soutien venues de l'hexagone ?

D'autre part, dans l'Indopacifique, le risque principal, pour faire simple, demeure la Chine. Que met-on en face ?

M. Vincent Delahaye . - Je note que le rapporteur spécial propose une augmentation significative des moyens pour renforcer notre présence dans ces territoires extrêmement vastes. Comment une telle hausse devrait-elle être financée ? Pense-t-il le faire par redéploiement ou avec des moyens supplémentaires ? Tous les secteurs cherchent à se renforcer, et il ne faudrait pas que cela se traduise par de la dette supplémentaire...

M. Jérôme Bascher . - La France a-t-elle encore les moyens de mener des opérations extérieures et de défendre son territoire ?

Notre présence maritime dans les départements d'outre-mer est limitée. C'est un peu court pour contenir la « vague » chinoise.

Par ailleurs, quelles sont les stratégies d'alliances locales qui nous permettraient de déterminer notre rôle ? Défend-on simplement notre territoire ou fait-on de l'observation ? Il faudrait, dans ce cas, évoquer les travaux de la direction du renseignement militaire (DRM) et de nos satellites. Pour couvrir le Pacifique, c'est un peu plus sûr qu'un Casa sur cale !

M. Philippe Dominati . - Le rapporteur a-t-il pu se concerter avec les élus de ces territoires pour savoir si le budget militaire est en adéquation avec le budget civil attendu par les populations ? Si l'effort militaire est, toutes choses égales par ailleurs, supérieur à l'effort civil, par exemple pour permettre le transport en hélicoptère des militaires blessés dans un hôpital alors que, dans le même temps, les moyens civils ne sont pas à la hauteur, cela ne risque-t-il pas de poser un problème d'acceptabilité politique pour les populations ?

M. Jean-Claude Requier . - Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur la manière de coordonner les actions de coopération régionale dans le cadre des politiques d'aide au développement, en particulier avec l'AFD ?

M. Jean-François Rapin . - Ma question va dans le sens de celle de Jérôme Bascher s'agissant des missions.

On a appris ce matin que les Américains ont lancé leur onzième porte-avions, une « bête » énorme qui va renforcer la puissance États-Unis sur l'ensemble des mers.

On entend souvent dire que nous sommes la première puissance maritime du monde, ce qui est une erreur magistrale.... Le décalage entre la superficie de notre ZEE et les moyens dont on dispose pour la défendre constitue véritablement un des nombreux paradoxes français !

La question porte notamment aujourd'hui sur les moyens attribués à la marine nationale et aux douanes. En effet, les narcotrafiquants mobilisent beaucoup de personnels, notamment dans les Antilles. Cibler les missions est donc essentiel.

M. Christian Bilhac . - Vous proposez d'exonérer les fournitures militaires d'octroi de mer, sans préjudice du financement des collectivités territoriales d'outre-mer. Cela va représenter un manque à gagner pour ces collectivités, qui vont demander une dotation en loi de finances en contrepartie. C'est un jeu d'écriture, mais finalement une dépense supplémentaire pour le budget de l'État.

M. Claude Raynal , président . - La parole est au rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Beaucoup de questions se recoupant, je les résumerai autour d'un premier thème : avons-nous les moyens de nos ambitions ?

Le discours politique affirme souvent que la France est un grand pays. Cela nous fait plaisir de le dire, de l'entendre, et surtout de le croire. On l'illustre en disant que nous sommes présents dans le monde entier grâce à nos territoires d'outre-mer.

Il me semble qu'il faudrait se poser la question de savoir à quoi servent ces zones d'exclusivité économique. Est-on capable de les valoriser ?

Nos collègues d'outre-mer nous rappellent les atouts, mais aussi les contraintes, que représente la présence de l'administration française dans ces territoires qui font partie de la République. Les personnes qui y vivent doivent être administrées comme le reste des Français.

Par ailleurs, ces territoires sont aussi, pour nous Français le moyen d'être présents dans le débat international, que ce soit sur le plan militaire, géopolitique ou environnemental.

J'ai le sentiment que nous ne nous donnons pas les moyens de répondre à ces deux problématiques. Pour les militaires, les forces sont prépositionnées. Tout cela fonctionne théoriquement bien s'il ne se passe rien ! C'est un peu comme la SNCF, qui rêve de trains sans gare ni voyageur : dans de telles conditions, il va de soi qu'il serait plus facile de les faire circuler !

C'est pourquoi, en 2008, nous avons décidé de « tailler au plus juste », en décidant, en cas de problèmes, de faire appel aux services centralisés, c'est-à-dire aux moyens dont disposent nos armées.

En conséquence, les capacités sont moindres et, lorsque des crises éclatent, elles n'ont pas forcément été suffisamment anticipées. Nous avons tous en tête un certain nombre d'exemples où il a fallu attendre des renforts administratifs, sinon militaires, pour maintenir l'ordre.

Je réaffirme qu'il est important, à la faveur de la LPM, même si ce pas le vecteur le plus adapté pour ce faire, de dire ce que nous voulons faire de ces territoires. Nous le devons aux populations qui s'y trouvent ainsi qu'à nos partenaires, dans le concert international.

Enfin, je crois répondre au travers de ces propos à l'excellente question posée par le président Raynal, qui a parlé de « présence limitée ». J'entends bien ce que dit Vincent Delahaye, qui demande comment financer davantage de moyens. C'est la question générale de la France et de notre budget. Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Si tel n'est pas le cas, il faut avoir le courage de dire ce que nous abandonnons. C'est cette question qui est posée pour nos territoires.

Il me semble que notre position vis-à-vis des territoires d'outre-mer n'est pas claire. Le discours est ambitieux, mais je n'ai pas vu que les moyens attribués sont à la hauteur de celui-ci. Or cela participe sans doute d'un certain malaise.

Je crois avoir répondu ainsi à Jérôme Bascher.

Philippe Dominati pose à juste titre la question des moyens civils. Les moyens civils sont là : à Mayotte, où j'ai eu l'occasion de me rendre, j'ai pu constater une densité de sous-préfets très importante au kilomètre carré. Je n'ai pas vu que ce territoire est mieux administré que l'Ille-et-Vilaine. Sachez que, pour faire fonctionner l'éducation nationale, on fait appel à des contractuels, chèrement payés pour venir passer trois mois. On enregistre 30 naissances par jour, ce qui correspond à la nécessité d'ouvrir une classe tous les jours, ce que nous sommes incapables de faire. On peut continuer à croire que ces territoires sont administrés. Je rends hommage à tous nos compatriotes, notamment aux fonctionnaires sur place, mais il faut peut-être se rendre compte qu'on ne fait que remplir le tonneau des Danaïdes.

M. Requier pose la question du lien avec l'AFD. J'insiste sur un point : lorsque nous faisons de la surveillance maritime, nous avons besoin de nous entendre avec les pays riverains. Ils sont heureux de nous trouver quand ils ont besoin d'un secours qui les concerne directement. Lorsqu'il s'agit de trafics, opérations par lesquelles ils ne sont peut-être pas concernés ou à propos desquelles ils préfèrent fermer les yeux, nous ne recevons pas forcément le soutien ou l'écoute que nous pourrions espérer.

Il me semble qu'une relation resserrée avec l'AFD serait de nature à fluidifier les choses.

M. Bilhac pose la question de l'octroi de mer. Je vais mettre les pieds dans le plat et vous dire ce que j'en pense sincèrement : l'octroi de mer a été créé pour inciter la production sur place de ce qui était nécessaire aux populations locales et éviter d'importer de tels produits depuis l'hexagone, notamment un certain nombre de produits alimentaires ou manufacturés.

Lorsque ces produits arrivent, ils sont taxés. Certains territoires d'outre-mer ont fait le choix d'exonérer de cette taxation des produits qui ne peuvent être produits localement et qui participent de la défense nationale et des missions régaliennes de l'État.

Je pense que si nous reconnaissons que ces territoires font partie de la République, les moyens qu'on envoie pour faire assumer nos droits régaliens ne doivent pas être taxés. On peut s'interroger sur le bien-fondé de la taxation sur les munitions, les avions ou les bateaux destinés à assurer la sécurité publique et celle des populations.

C'est une opération neutre, car cette taxation constitue bien un produit pour les territoires concernés, mais représente déjà une dépense pour le budget de l'État. Il faudrait peut-être trouver un autre mécanisme.

Je pense que, politiquement, philosophiquement et économiquement, la question de l'octroi de mer mérite d'être posée.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

État-major des armées (EMA)

- Vice-amiral Jean HAUSERMANN, commandant supérieur des forces armées aux Antilles.

État-major des armées (EMA)

- Général de division Pierre SCHILL, chef de la division Emploi ;

- Capitaine de vaisseau Pierre LUCAS.

État-major de l'armée de l'Air et de l'Espace (EMAA)

- Général de division aérienne Frédéric PARISOT, major général par intérim.

État-major de la marine (EMM)

- Vice-amiral d'escadre Stanislas GOURLEZ de la MOTTE, major général de la Marine ;

- Mme Riaz AKHOUNE, responsable des liaisons parlementaires.

État-major de l'armée de Terre (EMAT)

- Général Denis MISTRAL, sous-chef des opérations aéroterrestres (SCOAT) ;

- Colonel Nicolas JOVANOVIC , adjoint outre-mer et étranger du SCOAT ;

- Colonel Jobic LE GOUVELLO de la PORTE, chargé des relations parlementaires.


* 1 Gouvernement, La stratégie de la France dans l'Indopacifique, 2018.

* 2 Défense et sécurité nationale : le livre blanc de 2008.

* 3 Déclaration du président de la République du lundi 13 juin 2022, en marge de l'inauguration du salon de l'armement terrestre Eurosatory : « J'ai demandé au ministre [des armées] et au chef d'état-major des armées de pouvoir mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette loi de programmation militaire à l'aune du contexte géopolitique ».

* 4 Elie Tenebaum, avec Morgan Paglia et Nathalie Ruffié, « Confettis d'empire ou points d'appui ? L'avenir de la stratégie française de présence et de souveraineté, Focus stratégique , n° 94, février 2020.

* 5 Ibid.

* 6 Au plan budgétaire, ce dernier relève par ailleurs de la mission « Outre-mer ».

* 7 Elle coopère avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande au travers de l'accord FRANZ qui permet aux trois États de coordonner leurs moyens pour venir en aide aux États insulaires.

* 8 Gouvernement, La stratégie de la France dans l'Indopacifique, 2018.

* 9 Elie Tenebaum, avec Morgan Paglia et Nathalie Ruffié, « Confettis d'empire ou points d'appui ? L'avenir de la stratégie française de présence et de souveraineté, Focus stratégique , n° 94, février 2020.

* 10 Audition du major général de l'armée de l'air.

* 11 Sous-chef d'état-major « opérations aéroterrestres » de l'état-major de l'armée de terre.

* 12 Article 18 de l'Instruction interministérielle n° 10100/SGDSN/PSE/PSN/NP du 14 novembre 2017.

* 13 Elles impliquent notamment la mise en oeuvre des moyens des forces de sécurité intérieure, des douanes, des affaires maritimes et de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

* 14 Insee, « La population de Mayotte à l'horizon 2050 : entre 440 000 et 760 000 habitants selon l'évolution des migrations », Insee analyses Mayotte-La Réunion, n° 26, juillet 2020.

* 15 Défense et sécurité nationale : le livre blanc de 2008.

* 16 Loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 17 Déclaration du président de la République du lundi 13 juin 2022, en marge de l'inauguration du salon de l'armement terrestre Eurosatory : « J'ai demandé au ministre [des armées] et au chef d'état-major des armées de pouvoir mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette loi de programmation militaire à l'aune du contexte géopolitique ».

* 18 Les futurs patrouilleurs outre-mer (POM).

* 19 Rapport d'information n° 711 (2020-2021) de MM. Cédric PERRIN, Gilbert ROGER, Bruno SIDO et François BONNEAU, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 23 juin 2021.

* 20 Les bâtiments de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM) ont été mis en service entre 2016 et 2020 : le D'Entrecasteaux en Nouvelle Calédonie, le Bougainville en Polynésie française, le Champlain à La Réunion et le Dumont d'Urville à Fort de France.

* 21 L'octroi de mer est composé de deux taxes : l'octroi de mer (OM) en tant que tel et l'octroi de mer régional (OMR), dont le taux ne peut être supérieur à 2,5 % et dont l'assiette est identique à celle de l'octroi de mer. L'exonération en question ne porte pas sur la part d'OMR.

* 22 L'État est en charge de la collecte de cet impôt au profit des collectivités territoriales.

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