Rapport d'information n° 773 (2021-2022) de M. Jérôme BASCHER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2022

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N° 773

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 juillet 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes ,

Par M. Jérôme BASCHER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

« Briser la tragédie des horizons » C'est par ces mots qu'en 2015, Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d'Angleterre, appelait l'ensemble du monde financier à prendre conscience des risques que le changement climatique faisait peser sur la stabilité financière et sur nos sociétés, en alertant sur la nécessité de dépasser nos horizons économiques, politiques et bureaucratiques.

Sept ans plus tard, la finance verte a pris son essor, d'abord tirée par les obligations vertes souveraines, un segment sur lequel la France s'est montrée pionnière . Or, alors que le coût de notre inaction climatique ne cesse de s'alourdir pour les générations futures, de multiples interrogations demeurent encore aujourd'hui sur ce qui constitue un actif ou une activité verte et sur la transparence des acteurs financiers et non financiers . L'Union européenne a une carte à jouer pour être le premier architecte de ce paysage et imposer ses normes, à condition de ne pas confondre le mieux disant et le mieux faisant.

I. LES OAT VERTES, UN CADRE EXIGEANT AU SERVICE DES DÉPENSES PUBLIQUES VERTES

Selon la Climate Bond Initiative , le marché des obligations vertes - c'est-à-dire des obligations dont le produit de l'émission est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, les projets verts nouveaux et/ou en cours 1 ( * ) - représentait environ 1 600 milliards de dollars en 2021 , l'Europe comptant pour 50 % des émissions et les États 15 %. Les obligations vertes souveraines doivent répondre à une double exigence environnementale - en portant les engagements des États émetteurs à financer des dépenses vertes - et financière - en assurant les meilleures conditions de financement pour les États et pour les contribuables.

A. LE CADRE MIS EN PLACE PAR LA FRANCE POUR SES OAT VERTES ALLIE INNOVATION ET RIGUEUR

Lors du lancement de la première obligation assimilable du Trésor (OAT) verte, la France a su innover sur deux aspects : en émettant un nouveau produit destiné à financer la dette publique française 2 ( * ) et en construisant un cadre très exigeant pour garantir la crédibilité de ses engagements, tant climatiques que financiers. Depuis, de nombreux pays ont suivi cet exemple.

Pour construire son cadre, la France s'est appuyée sur les Green Bond Principles , édictés et régulièrement mis à jour par l' International Capital Market Association (ICMA). Ces principes reposent sur quatre piliers :

1. l'utilisation des fonds : les dépenses éligibles servent à financer des projets répondant à l'un des quatre objectifs que sont l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la réduction de la pollution de l'air, du sol et de l'eau. Les dépenses sont ensuite réparties en six grands secteurs : les bâtiments, le transport, l'énergie, les ressources vivantes, l'adaptation, la pollution et l'éco-efficacité. 15 milliards d'euros de dépenses sont éligibles aux OAT vertes en 2022.

2. la sélection et l'évaluation des dépenses : les dépenses éligibles sont sélectionnées par un comité interministériel puis soumises au Comité d'évaluation des OAT vertes et à l'avis d'un tiers indépendant 3 ( * ) , fournisseur d'une « seconde opinion » ;

3. la gestion des fonds : la transparence la plus totale doit être donnée aux investisseurs sur l'allocation des fonds. La France soumet également son rapport d'allocation et de performance à une seconde opinion, ainsi que les comptes qui y sont présentés à un auditeur externe 4 ( * ) ;

4. le reporting : trois types de publication sont prévus par la France avec le rapport d'allocation des fonds, les indicateurs de performance des dépenses vertes éligibles de l'État au sein des programmes budgétaires et le rapport d'évaluation de l'impact des dépenses éligibles. Ce dernier est évalué par le Conseil d'évaluation des obligations vertes et deux référents académiques sont également présents tout au long de l'évaluation pour en assurer la robustesse méthodologique 5 ( * ) .

Le montant des dépenses éligibles en 2020
selon les quatre objectifs de l'AOT verte

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les données publiées dans « OAT verte. Rapport d'allocation et de performance 2020 »

L'encours des OAT vertes (OAT 2039 et OAT 2044) s'élevait, au mois de janvier 2022, à 42,3 milliards d'euros.

L'Agence France Trésor (AFT), gestionnaire de la dette de l'État, s'est par ailleurs de nouveau illustrée par sa capacité à innover en proposant la première obligation verte souveraine indexée sur l'inflation 6 ( * ) , au mois de mars 2022, et qui a connu un grand succès auprès des investisseurs. Cette innovation s'est exercée dans le cadre fixé par la France pour ses OAT vertes, sans l'affaiblir. C'est au nom de cette exigence que le rapporteur spécial n'a pas retenu l'idée, entendue lors de ses auditions, de proposer d'émettre des « titres-jumeaux 7 ( * ) » sur le modèle allemand ou des sustainability linked-bonds (SLB) 8 ( * ) , comme l'a fait le Chili. Ces deux produits ne répondent pas aux spécificités et aux exigences du modèle français pour l'émission des titres de dette de l'État.

Le montant des dépenses éligibles cumulées entre 2016 et 2020
selon les six grands secteurs identifiés
dans le document-cadre des OAT vertes

(en millions d'euros et en %)

B. LA FRANCE DOIT S'ENGAGER À METTRE EN oeUVRE LE STANDARD EUROPÉEN POUR LES OBLIGATIONS VERTES PROPOSÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Avec l'objectif de proposer une première harmonisation des normes et des cadres, la Commission européenne a proposé un standard sur les obligations vertes , aujourd'hui en discussion devant le Parlement européen. Ce standard s'appuie sur la taxinomie européenne des actifs durables 9 ( * ) . Ne pourront ainsi se réclamer de ce standard que les émetteurs dont les émissions servent à financer des activités alignées avec la taxinomie et dont l'allocation des fonds a fait l'objet d'une seconde opinion.

La France devra se montrer une nouvelle fois pionnière en devenant le premier État à s'engager à mettre en oeuvre ce standard. C'est en effet la rigueur du cadre mis en place par la France qui lui permet de percevoir un « greenium » sur ses émissions souveraines, une prime verte de l'ordre de quelques points de base . Le rapporteur spécial pose toutefois une condition sine qua non : la France ne devra prendre cet engagement que si les discussions au Parlement européen ne dénaturent pas le texte et que la mouture finale conserve une poche de flexibilité pour les émetteurs souverains .

Le rapporteur spécial exclut en revanche que le standard ou la taxinomie s'appliquent à court terme aux collectivités territoriales ou aux investisseurs institutionnels , ces textes n'ayant pas été conçus en tenant compte de leurs spécificités. En revanche, alors que les investisseurs seront de plus en plus sensibles à la qualité des dépenses financées, il est impératif que les collectivités territoriales s'engagent dans une démarche de reporting beaucoup plus exhaustive de leurs activités et des projets financés par le biais de l'émission d'obligations vertes ou durables.

C. SUR LE PÉRIMÈTRE DES DÉPENSES ÉLIGIBLES AUX OAT VERTES, LA FRANCE DOIT FAIRE PLUS ET DOIT FAIRE MIEUX

S'engager à faire plus : la mise en place du budget vert a contribué à l'identification de nouvelles dépenses éligibles en 2020. Au regard du coût de la transition environnementale, qui s'accroît avec le temps, et des conditions de financement légèrement plus favorables pour les OAT vertes, cet effort doit être poursuivi. Le rapporteur spécial estime que les ministères et leurs administrations ainsi que les opérateurs publics devraient transmettre d'ici le premier semestre 2023 un plan de moyen terme (PMT) , retraçant dans une logique pluriannuelle l'ensemble des dépenses vertes et éligibles qui leur sembleraient nécessaires, en s'engageant sur la maîtrise de leurs autres dépenses.

S'engager à faire mieux : cet effort en volume ne doit pas se traduire par un sacrifice sur la qualité et sur l'exigence du processus de sélection, au contraire.

1. À court terme (deux ans), il convient de s'assurer que les dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes coïncident à 100 % avec les dépenses budgétaires étant identifiées comme favorables à l'environnement dans le budget vert . À tout le moins, le budget vert doit inclure la matrice de passage de l'un à l'autre, en justifiant les écarts.

2. À moyen terme (trois-quatre ans), et si la France met en oeuvre le standard européen sur les obligations vertes, c'est l'alignement des dépenses éligibles aux OAT vertes avec la taxinomie européenne des actifs durables qui doit être visé. Cet alignement n'empêchera pas le maintien d'une poche de flexibilité , de l'ordre de 20 % des émissions, et la prise en compte de la spécificité des dépenses financées par les émetteurs souverains.

3. À long terme (cinq-six ans), il conviendra d' exclure des dépenses éligibles aux OAT vertes les dépenses n'ayant pas démontré leur efficience environnementale ou relevant de la catégorie des dépenses de fonctionnement , à l'exception de celles relatives pas à l'installation ou à l'entretien d'infrastructures contribuant au respect de l'un des objectifs environnementaux du cadre des OAT vertes (ex. l'installation de passes à faune pour protéger la biodiversité).

Les recommandations du rapporteur spécial (OAT vertes)

Recommandation n° 1 ( ministère de l'économie et des finances) : entamer une réflexion sur l'opportunité d'émettre une OAT verte indexée sur l'inflation française , après l'émission d'une OAT verte indexée sur l'inflation en zone euro, et assurer la diversité des titres pour pouvoir placer dans les meilleures conditions la une dette française , dont le volume n'a cessé de s'amplifier. S'engager en revanche à ce que les titres jumeaux ou les sustainability-linked bonds, qui ne sont pas adaptés aux spécificités des émissions souveraines françaises, soient exclus des pistes de diversification.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie et des finances, secrétariat général aux affaires européennes) : s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen sur les obligations vertes, à ce qu'une poche de flexibilité d'au moins 20 % des actifs soit prévue pour les émetteurs souverains. Inclure également une approche en termes généraux pour la vérification de l'alignement sur la taxinomie des crédits d'impôts et des subventions éligibles (l'émetteur souverain n'aura pas à vérifier leur utilisation par chacun des bénéficiaires).

Recommandation n° 3 (ministère de l'économie et des finances) : à la condition qu'une poche de flexibilité soit prévue, s'engager à ce que la France, pour l'émission de ses OAT vertes, mette en oeuvre d'ici trois à cinq ans le standard européen sur les obligations vertes. Pour les aspects qui ne seraient pas couverts par le standard, conserver les exigences du cadre français actuel.

Recommandation n° 4 (ministère de l'économique et des finances, ministères chargés de la transition écologique et des collectivités territoriales, régions et départements) : si les collectivités territoriales veulent continuer à recourir aux financements verts et bénéficier de leurs avantages , alors elles doivent procéder à l'identification, dans leurs comptes, des dépenses ayant un impact favorable sur l'environnement . Ce travail d'identification pourrait s'appuyer sur la méthode déployée par l'Institute for Climate Economics (I4CE) en partenariat avec cinq collectivités, l'Agence de la transition écologique (Ademe), France Urbaine ou encore l'association des maires de France.

Recommandation n° 5 ( acteurs publics et parapublics apportant des solutions de financement aux collectivités territoriales et aux petites entreprises) : intégrer, dans les rapports d'activité des acteurs publics et institutionnels ne pouvant proposer des obligations finançant des projets totalement alignés sur la taxinomie verte européenne, deux calculs de l'alignement taxinomique , le premier par rapport à la taxinomie européenne, le second par rapport à la propre grille d'analyse de l'émetteur.

Recommandation n° 6 (ministères, opérateurs publics) : demander à chaque ministère et à chaque opérateur, en vue du projet de loi de finances 2024, de réaliser en coordination avec le commissariat général au développement durable un plan à moyen terme , à horizon de trois années, permettant d'identifier l'ensemble des dépenses auxquelles pourraient être adossées les OAT vertes. Actualiser ces plans tous les ans. Intégrer cette vision prospective dans le budget vert , en mesurant et en justifiant chaque année les écarts entre les dépenses projetées et celles réalisées.

Recommandation n° 7 (responsables de programme) : inclure , pour chaque programme budgétaire pour lequel la démarche est pertinente et d'ici au projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de verdissement des crédits qu'ils portent. Ces indicateurs tiendraient compte des dépenses identifiées dans le cadre des plans de moyen terme et illustreraient la démarche éco-responsable des administrations. Modifier ou ajouter, d'ici le projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de performance portant sur l'efficience environnementale des dépenses adossées aux OAT vertes.

Recommandation n° 8 ( ministère de l'économie et des finances et commissariat général au développement durable) : d'ici au projet de loi de finances pour 2025, prévoir que le périmètre des dépenses vertes identifiées dans le budget vert coïncide avec celui des dépenses éligibles aux OAT vertes . D'ici là, inclure dans le rapport d'allocation de l'OAT verte et dans le budget vert une « matrice de passage » entre ces deux référentiels, avec une justification des différences de périmètre.

Recommandation n° 9 (ministère de l'économie et des finances et commissariat général au développement durable ) : aligner, à moyen terme, les dépenses éligibles aux OAT vertes, et donc les dépenses favorables à l'environnement identifiées dans le budget vert, sur la taxinomie verte européenne des activités durables . Cette exigence découle de la recommandation n° 3 relative à l'adoption du standard européen sur les obligations vertes par la France pour ses OAT vertes, à la condition qu'une poche de flexibilité soit bien maintenue. D'ici à cet alignement, prévoir que les rapports d'allocation des OAT vertes et d'évaluation de l'impact environnemental des dépenses éligibles qui y étaient adossées comprennent une partie consacrée à l'analyse de l'alignement avec la taxinomie.

Recommandation n° 10 (ministère de l'économie et des finances, commissariat général au développement durable) : pour garantir la qualité de la dépense verte, prévoir, à horizon de cinq à six ans, que ne soient plus retenues dans le périmètre des dépenses éligibles aux OAT vertes que celles ayant démontré leur efficience environnementale. Exclure également les dépenses de fonctionnement , à l'exception de celles relatives à l'installation ou à l'entretien d'équipements répondant à l'un des objectifs environnementaux fixés dans le document-cadre des OAT vertes.

II. LA FINANCE VERTE, UN JARDIN À L'ANGLAISE EN QUÊTE D'UN ARCHITECTE

Les obligations vertes souveraines constituent un point d'entrée sur les problématiques qui s'opposent aujourd'hui au développement de la finance durable : pouvoir définir ce qui est « vert », disposer de données fiables et assurer la crédibilité des engagements des acteurs en faveur de la transition environnementale. Ces interrogations se posent avec d'autant plus d'acuité pour les acteurs privés que l'harmonisation des normes demeure encore à construire. Pour respecter les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, la logique initiée par les émetteurs souverains doit désormais trouver un relais auprès des acteurs financiers et non financiers : les capitaux existent mais ils ne sont pas à la bonne place.

A. DÉFINIR LE VERT : S'ACCORDER SUR UNE DÉFINITION DE CE QUI EST VERT, EN PROPOSANT UN CADRE SUFFISAMMENT FLEXIBLE POUR CONVAINCRE LA MAJORITÉ DES ÉMETTEURS D'OBLIGATIONS VERTES DE LE METTRE EN OEUVRE

Avant d'inciter les acteurs financiers et non-financiers à réorienter des centaines de milliards d'euros de capitaux, il est primordial de disposer d'une définition de ce qui constitue une activité durable. C'est l'objectif de la taxinomie européenne , considérée par toutes les personnes entendues par le rapporteur spécial comme un exercice de clarification attendu de longue date . Le règlement européen 10 ( * ) a pour principal avantage d'apporter, sur le marché du vert, une grammaire commune pour enfin standardiser la manière dont l'ensemble des acteurs vont identifier les activités durables.

Cette clarification apparaît nécessaire pour lutter contre les suspicions et les pratiques de greenwashing (éco-blanchiment), une priorité pour protéger les consommateurs, assurer la résilience du marché de la finance verte et limiter les risques pour la stabilité financière.

Là-encore, le rapporteur spécial ne peut que défendre la mise en oeuvre par les acteurs privés du standard européen sur les obligations vertes , qui repose sur la taxinomie. Pour être reconnu par le plus grand nombre, ce standard doit dans un premier temps rester d'application volontaire , en réservant une certaine flexibilité quant à l'alignement taxinomique , de quelques points de pourcentage de l'émission. Or, la posture adoptée par le Parlement européen n'est pas de nature à rassurer le rapporteur spécial : les multiples amendements adoptés en commission rigidifient le cadre proposé par la Commission européenne et par le Conseil, au risque de brusquer les acteurs et de les conduire à adopter des normes moins exigeantes.

« Le mieux-disant n'est pas forcément propice au mieux-faisant »

Ainsi, si l'Union européenne avait de l'avance sur le marché du vert, en ayant depuis plusieurs années commencé à bâtir un cadre règlementaire, le fonctionnement des institutions et la volonté d'aller trop loin sur le détail des normes vertes risquent de la conduire à se voir rattrapée et même dépassée, par le Royaume-Uni mais aussi par les États-Unis. Si ces derniers sont encore loin d'avoir développé un cadre aussi approfondi que celui proposé par l'Union européenne, plusieurs initiatives récentes tendent à montrer leur volonté d'agir rapidement sur la règlementation du vert. Ce qui compte in fine ce sont bien les comportements qu'adopteront les acteurs, et pas de proposer le cadre le plus sévère : le mieux-disant n'est pas forcément propice au mieux-faisant .

B. IDENTIFIER LE VERT : DISPOSER DE LA DONNÉE ET POUVOIR LA CERTIFIER SONT DEUX IMPÉRATIFS POUR S'ASSURER DE LA CRÉDIBILITÉ DES INVESTISSEMENTS VERTS ET DES ENGAGEMENTS DES ACTEURS PRIVÉS

La taxinomie européenne des activités durables, le standard européen sur les obligations vertes ou encore la mise en place d'un éco-label européen n'auront que peu d'utilité si nous ne disposons pas en amont de données fiables et certifiées permettant d'assurer la crédibilité des engagements des acteurs financiers et non-financiers . Il s'agit là d'une différence fondamentale entre la notation financière et la notation extra-financière, dont les standards n'ont pas encore été bien définis.

Pour disposer de données de qualité et comparables entre elles, et quelques années après que des obligations similaires ont été imposés aux acteurs financiers, la Commission européenne propose de revoir la directive sur la déclaration de performance extra-financière (NFRD) 11 ( * ) pour imposer un véritable reporting de durabilité aux entreprises (CSRD) 12 ( * ) .

Les entreprises
de plus de

Environ

L'entrée en vigueur
est prévue pour

et réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros 13 ( * ) seront soumises à la directive

entreprises seront concernées par le reporting de durabilité, contre 11 000 sous le précédent régime de la NFRD

pour les grandes entreprises soumises à la NFRD, 2025 pour les autres grandes entreprises et 2026 pour les PME cotées (sauf dérogation pour 2028)

Un élément reste toutefois à régler, celui de disposer de standards harmonisés pour procéder à ce reporting enrichi : c'est le groupe consultatif européen sur l'information financière (Efrag) qui est chargé de les proposer, 13 normes en matière de durabilité ayant déjà été soumises à la consultation publique. La publication de ces normes a suscité d'importants débats, alors que le bureau international des normes comptables pour le reporting durable, créé au sein de l'organisme des normes comptables internationales (IFRS), doit faire ses propositions au mois de novembre prochain.

Il existe ici un véritable risque de concurrence des normes alors que l'Efrag s'oppose à son homologue international sur le choix de la simple ou de la double matérialité . Défendue par les Européens, la double matérialité vise à tenir compte à la fois de l'impact des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sur l'entreprise et sur sa valeur (simple matérialité) mais également de l'impact des activités de l'entreprise sur l'environnement et sur la société. Il nous faut gagner cette bataille de la norme , la double matérialité étant plus à même de permettre d'apprécier les engagements des acteurs financiers et non-financiers en faveur de la transition environnementale.

Les propositions de la Commission européenne, tant pour le reporting de durabilité des entreprises que pour le standard européen sur les obligations vertes, tendent également à renforcer les exigences imposées aux fournisseurs de seconde opinion (vérificateurs externes) et aux certificateurs de la donnée . Le rapporteur spécial ne peut qu'y souscrire : il estime ainsi primordial que si une entreprise choisit de confier l'audit de son reporting de durabilité à son commissaire aux comptes habituel 14 ( * ) , alors ce dernier doit disposer d'une certification spécifique en la matière.

C. FAIRE DU VERT : METTRE À DISPOSITION DES INVESTISSEURS DES LABELS EXIGEANTS ET SOUTENIR LES ACTEURS DANS LEUR TRANSITION, EN ASSURANT LA CRÉDIBILITÉ DE LEURS ENGAGEMENTS ET EN INTÉGRANT DAVANTAGE LE CARBONE

« Faire du vert » recouvre deux aspects : une mobilisation des produits financiers les plus appropriés , y compris par la labellisation, et une intégration du carbone comme un élément à part entière des contraintes des acteurs. Le rapporteur spécial ajoute ici que, faire du vert, c'est aussi et surtout investir dans la transition : si nous voulons attendre une économie bas carbone ou lutter contre le changement climatique, il ne faut pas qu'investir sur du vert.

Sur la mobilisation des produits financiers, et du côté des investisseurs , le label ISR (investissement socialement responsable) a un rôle très important à jouer en France. Près de 900 fonds, détenus par 160 sociétés de gestion et représentant un encours de 700 milliards d'euros, sont déjà labellisés. Le label ISR n'est pas à proprement parler un label vert, mais un label durable , appuyé sur la triple dimension ESG. Le rapporteur spécial défend, comme plusieurs personnes auditionnées, la transformation du label ISR en un label « à niveaux » : des exigences minimales seraient imposées sur les trois dimensions ESG puis des briques seraient ajoutées, avec des exigences optionnelles permettant à tel ou tel acteur de dire qu'il est plus ambitieux sur la dimension climatique par exemple, en visant un alignement taxinomique (transition). Il ne serait à cet égard pas nécessaire de créer un nouveau label « transition » ou « finance à impact », qui pourraient plutôt prendre la forme de nouvelles « briques ».

« La politique financière doit démontrer la transformation »

Du côté des entreprises , et pour reprendre les termes d'une personne auditionnée, le rapporteur spécial estime que la politique financière de l'entreprise doit désormais démontrer sa transformation, c'est-à-dire refléter sa stratégie environnementale et ses engagements sur plusieurs indicateurs clés (réduction des émissions de gaz à effet de serre, neutralité carbone, alignement avec l'objectif de limiter la hausse de la température à 1,5° C d'ici la fin du siècle). À ce titre, et pour les seuls acteurs privés , des produits tels que les sustainability-linked bonds, par lesquels l'émetteur s'engage à atteindre des objectifs de performance environnementale ou, à défaut, à verser un prix plus élevé aux investisseurs, doivent être encouragés mais aussi encadrés , et ce afin d'éviter tout risque d'éco-blanchiment. Une compétence nouvelle pourrait en la matière être octroyée à l'Autorité des marchés financiers, qui pourrait engager un dialogue avec les émetteurs sur les cibles qu'ils se fixent dans le cadre de ces émissions obligataires.

Enfin, l'externalité carbone ne doit plus être un élément que les entreprises gèrent « à côté » de leurs activités, mais un élément inhérent à leur stratégie et à leurs processus . Le carbone demeure en effet l'aspect le plus objectivable et le plus mesurable pour apprécier les engagements environnementaux des entreprises. Au regard des connaissances techniques, il est désormais envisageable d'imposer aux entreprises de mettre en place une véritable comptabilité carbone, une sorte de comptabilité double comprenant à la fois une partie financière et une partie écologique. La mise en oeuvre de cette comptabilité ne concernerait que les entreprises couvertes par la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et disposant donc déjà des données nécessaires.

Une fois cette comptabilité carbone mise en oeuvre, les entreprises et les acteurs financiers pourront disposer d'une vision claire quant à l'évolution de leur « budget » carbone et de leurs perspectives en matière de décarbonation. Surtout, il devient possible d' envisager à terme une modulation d'une partie de l'impôt sur les bénéfices dû par les entreprises en fonction de leur bilan carbone , afin de les inciter à devenir les plus efficientes possibles dans leur consommation d'énergie et dans leur mix énergétique.

Les recommandations du rapporteur spécial (finance verte)

Recommandation n° 11 ( ministère de l'économie et des finances et secrétariat général aux affaires européennes) : à l'instar de ce qui était recommandé pour les émetteurs souverains, s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen pour les obligations vertes, à ce que le standard demeure d'application volontaire et inclue à moyen terme (deux-trois ans) une marge de flexibilité par rapport à l'alignement taxinomique.

Recommandation n° 12 (ministère de l'économie et des finances) : instaurer, pour la vérification des obligations vertes émises par un acteur privé, une échelle de notation incluant une appréciation du vérificateur sur l'évolution probable à moyen terme de la crédibilité des engagements de l'émetteur. Pour encourager les vérificateurs à mettre en place cette nouvelle grille, organiser un groupe de travail animé par la direction générale du Trésor.

Recommandation n° 13 (législatif, puis Autorité des marchés financiers et Haut conseil du commissariat aux comptes) : sauf à ce qu'une accréditation soit prévue au niveau européen, imposer aux commissaires aux comptes désignés par les entreprises pour certifier leur reporting de durabilité de disposer d'une certification de l'Autorité des marchés financiers et du Haut conseil du commissariat aux comptes à cet effet. Ce certificat serait délivré pour une durée de trois ans.

Recommandation n° 14 ( comité du label ISR, ministère de l'économie et des finances) : revoir les critères et le fonctionnement du label ISR a minima tous les trois ans , en tenant compte des meilleures pratiques du marché et des évolutions règlementaires intervenues au niveau européen.

Recommandation n° 15 (ministère de l'économie et des finances) : valider les modifications du référentiel du label ISR proposant d'introduire des exigences minimales sur les trois dimensions E (environnement), S (social) et G (gouvernance) ainsi que des exigences optionnelles sur certaines dimensions, préalable à la transformation du label ISR en un label « par brique ».

Recommandation n° 16 (Autorité des marchés financiers) : r endre obligatoire au 1 er janvier 2024 la présence d'un module de certification « finance durable » au sein du parcours de certification professionnelle proposé par les organismes de formation certifiés par l'Autorité des marchés financiers pour les conseillers en investissement participatif et pour les collaborateurs ou les futurs professionnels des prestataires de services d'investissement.

Recommandation n° 17 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances) : préparer, par le biais d'un engagement de la Place, les gestionnaires de fonds et de produits d'épargne à pouvoir disposer d'un pourcentage d'investissements d'entreprises s'engageant de manière crédible à se conformer à la taxinomie verte européenne à une échéance précisée dans leur stratégie environnementale.

Recommandation n° 18 ( Autorité des marchés financiers) : engager dans les six prochains mois une étude d'impact et de faisabilité sur l'opportunité de confier à l'Autorité des marchés financiers un droit d'appréciation des indicateurs clés de performance choisis par les émetteurs dans leur cadre des sustainability-linked bonds . Si les résultats sont probants, modifier les dispositions législatives et règlementaires afférentes d'ici au 1 er juillet 2023.

Recommandation n° 19 (législatif puis ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de la transition écologique ) : initier, pour les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), la mise en place d'une double comptabilité carbone à compter de 2024.

Recommandation n° 20 (ministère de l'économie et des finances, commissariat général au développement durable) : prévoir que l'État mette lui aussi en oeuvre une comptabilité carbone et qu'il en présente les résultats dans le cadre du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (échéance : comptes portant sur l'année 2024).

Recommandation n° 21 ( législatif) : introduire à moyen terme une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité.

Recommandation n° 22 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de l'énergie) : créer, à l'instar de ce qui est proposé par le rapport d'Yves Perrier « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », un groupe de travail chargé de définir un scénario de référence sur la sortie des énergies fossiles à horizon 2025, 2030 et 2050. Intégrer, dans ce scénario de sortie, la question des entreprises très consommatrices d'énergies fossiles . Ce groupe de travail réunirait les professionnels de la Place, ainsi que les ministères chargés de l'énergie et de l'économie et des finances.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Sur les OAT vertes

Recommandation n° 1 ( ministère de l'économie et des finances) : entamer une réflexion sur l'opportunité d'émettre une OAT verte indexée sur l'inflation française , après l'émission d'une OAT verte indexée sur l'inflation en zone euro, et assurer la diversité des titres pour pouvoir placer dans les meilleures conditions la dette française , dont le volume n'a cessé de s'amplifier. S'engager en revanche à ce que les titres jumeaux ou les sustainability - linked bonds, qui ne sont pas adaptés aux spécificités des émissions souveraines françaises, soient exclus des pistes de diversification.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie et des finances, secrétariat général aux affaires européennes) : s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen sur les obligations vertes, à ce qu'une poche de flexibilité d'au moins 20 % des actifs soit prévue pour les émetteurs souverains . Inclure également une approche en termes généraux pour la vérification de l'alignement sur la taxinomie des crédits d'impôts et des subventions éligibles (l'émetteur souverain n'aura pas à vérifier leur utilisation par chacun des bénéficiaires).

Recommandation n° 3 (ministère de l'économie et des finances) : à la condition qu'une poche de flexibilité soit prévue, s'engager à ce que la France, pour l'émission de ses OAT vertes, mette en oeuvre d'ici trois à cinq ans le standard européen sur les obligations vertes . Pour les aspects qui ne seraient pas couverts par le standard, conserver les exigences du cadre français actuel.

Recommandation n° 4 ( ministère de l'économique et des finances, ministères chargés de la transition écologique et des collectivités territoriales, régions et départements ) : si les collectivités territoriales veulent continuer à recourir aux financements verts et bénéficier de leurs avantages, alors elles doivent procéder à l'identification, dans leurs comptes, des dépenses ayant un impact favorable sur l'environnement. Ce travail d'identification pourrait s'appuyer sur une modification de la nomenclature budgétaire.

Recommandation n° 5 ( acteurs publics et parapublics apportant des solutions de financement aux collectivités territoriales et aux petites entreprises) : intégrer, dans les rapports d'activités des acteurs publics et institutionnels ne pouvant proposer des obligations finançant des projets totalement alignés sur la taxinomie verte européenne, deux calculs de l'alignement taxinomique , le premier par rapport à la taxinomie européenne, le second par rapport à la propre grille d'analyse de l'émetteur.

Recommandation n° 6 (ministères, opérateurs publics) : demander à chaque ministère et à chaque opérateur, en vue du projet de loi de finances 2024, de réaliser en coordination avec le commissariat général au développement durable un plan à moyen terme, à horizon de trois années, permettant d'identifier l'ensemble des dépenses auxquelles pourraient être adossées les OAT vertes. Actualiser ces plans tous les ans. Intégrer cette vision prospective dans le budget vert , en mesurant et en justifiant chaque année les écarts entre les dépenses projetées et celles réalisées.

Recommandation n° 7 (responsables de programme) : inclure, pour chaque programme budgétaire pour lequel la démarche est pertinente et d'ici au projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de verdissement des crédits qu'ils portent . Ces indicateurs tiendraient compte des dépenses identifiées dans le cadre des plans de moyen terme et illustreraient la démarche éco-responsable des administrations concernées. Modifier ou ajouter, d'ici le projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de performance portant sur l'efficience environnementale des dépenses adossées aux OAT vertes.

Recommandation n° 8 ( ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable) : d'ici au projet de loi de finances pour 2025, prévoir que le périmètre des dépenses vertes identifiées dans le budget vert coïncide avec celui des dépenses éligibles aux OAT vertes . D'ici là, inclure dans le rapport d'allocation de l'OAT verte et dans le budget vert une « matrice de passage » entre ces deux référentiels, avec une justification des différences de périmètre.

Recommandation n° 9 (ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable ) : aligner, à moyen terme, les dépenses éligibles aux OAT vertes, et donc les dépenses favorables à l'environnement identifiées dans le budget vert, sur la taxinomie européenne des activités durables . Cette exigence découle de la recommandation n° 3 relative à la mise en oeuvre du standard européen sur les obligations vertes par la France pour ses OAT vertes, à la condition qu'une poche de flexibilité soit bien maintenue. D'ici à cet alignement, prévoir que les rapports d'allocation des OAT vertes et d'évaluation de l'impact environnemental des dépenses éligibles qui y étaient adossées comprennent une partie consacrée à l'analyse de l'alignement avec la taxinomie.

Recommandation n° 10 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : pour garantir la qualité de la dépense verte, prévoir, à horizon de cinq à six ans, que ne soient plus retenues dans le périmètre des dépenses éligibles aux OAT vertes que celles ayant démontré leur efficience environnementale. Exclure également les dépenses de fonctionnement , à l'exception de celles relatives à l'installation ou à l'entretien d'équipements répondant à l'un des objectifs environnementaux fixés dans le document-cadre des OAT vertes.

Sur la finance verte

Recommandation n° 11 ( ministère de l'économie et des finances et secrétariat général aux affaires européennes) : à l'instar de ce qui était recommandé pour les émetteurs souverains, s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen pour les obligations vertes, à ce que le standard demeure d'application volontaire et inclue à moyen terme (deux-trois ans) une marge de flexibilité par rapport à l'alignement taxinomique .

Recommandation n° 12 (ministère de l'économie et des finances) : instaurer, pour la vérification des obligations vertes émises par un acteur privé, une échelle de notation incluant une appréciation du vérificateur sur l'évolution probable à moyen terme de la crédibilité des engagements de l'émetteur. Pour encourager les vérificateurs à mettre en place cette nouvelle grille, organiser un groupe de travail animé par la direction générale du Trésor.

Recommandation n° 13 (législatif, puis Autorité des marchés financiers et Haut conseil du commissariat aux comptes) : sauf à ce qu'une accréditation soit prévue au niveau européen, imposer aux commissaires aux comptes désignés par les entreprises pour certifier leur reporting de durabilité de disposer d'une certification de l'Autorité des marchés financiers et du Haut conseil du commissariat aux comptes à cet effet . Ce certificat serait délivré pour une durée de trois ans.

Recommandation n° 14 ( Autorité des marchés financiers ) : rendre obligatoire au 1 er janvier 2024 la présence d'un module de certification « finance durable » au sein du parcours de certification professionnelle proposé par les organismes de formation certifiés par l'Autorité des marchés financiers pour les conseillers en investissement participatif et pour les collaborateurs ou les futurs professionnels des prestataires de services d'investissement.

Recommandation n° 15 ( comité du label ISR, ministère de l'économie et des finances) : revoir les critères et le fonctionnement du label ISR a minima tous les trois ans , en tenant compte des meilleures pratiques du marché et des évolutions règlementaires intervenues au niveau européen.

Recommandation n° 16 (ministère de l'économie et des finances) : valider les modifications du référentiel du label ISR proposant d'introduire des exigences minimales sur les trois dimensions E (environnement), S (social) et G (gouvernance) ainsi que des exigences optionnelles sur certaines dimensions, préalable à la transformation du label ISR en un label « par brique ».

Recommandation n° 17 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances) : préparer, par le biais d'un engagement de la Place, les gestionnaires de fonds et de produits d'épargne à pouvoir disposer d'un pourcentage d'investissements d'entreprises s'engageant de manière crédible à se conformer à la taxinomie verte européenne à une échéance précisée dans leur stratégie environnementale .

Recommandation n° 18 ( Autorité des marchés financiers) : engager dans les six prochains mois une étude d'impact et de faisabilité sur l'opportunité de confier à l'Autorité des marchés financiers un droit d'appréciation des indicateurs clés de performance choisis par les émetteurs dans leur cadre des sustainability-linked bonds . Si les résultats sont probants, modifier les dispositions législatives et règlementaires afférentes d'ici au 1 er juillet 2023.

Recommandation n° 19 (législatif puis ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de la transition écologique ) : initier, pour les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), la mise en place d'une double comptabilité carbone à compter de 2024 .

Recommandation n° 20 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : prévoir que l'État mette lui aussi en oeuvre une comptabilité carbone et qu'il en présente les résultats dans le cadre du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (échéance : comptes portant sur l'année 2024).

Recommandation n° 21 ( législatif) : introduire à moyen terme une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité.

Recommandation n° 22 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de l'énergie) : créer, à l'instar de ce qui est proposé par le rapport d'Yves Perrier « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », un groupe de travail chargé de définir un scénario de référence sur la sortie des énergies fossiles à horizon 2025, 2030 et 2050 . Intégrer, dans ce scénario de sortie, la question des entreprises très consommatrices d'énergies fossiles . Ce groupe de travail réunirait les professionnels de la Place, ainsi que les ministères chargés de l'énergie et de l'économie et des finances.

« Briser la tragédie des horizons » 15 ( * ) . C'est par ces mots qu'en 2015, Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d'Angleterre, alertait le monde financier sur les risques que le changement climatique ferait peser ces prochaines décennies sur la stabilité financière et, au-delà, sur l'ensemble de nos sociétés. Alors que les conséquences du changement climatique seront bien plus dramatiques pour les générations futures, il appelait à dépasser les horizons économiques, politiques et technocratiques.

Quelques mois plus tard, l'adoption le 12 décembre 2015 de l'accord de Paris sur le climat catalysait les initiatives des États, des agences publiques et des acteurs financiers privés comme institutionnels en faveur de la lutte contre le changement climatique et de la réorientation des flux financiers vers le soutien à la transition. La France se montrait pionnière en étant le premier État à envisager l'émission d'un titre de dette publique « vert », exemple suivi depuis par plusieurs dizaines d'États.

Pour autant, et au-delà des seules obligations vertes, le cadre de la finance verte est encore loin d'être achevé, alors que le coût du changement climatique pour les générations futures ne cesse de s'alourdir. De multiples interrogations demeurent sur ce qui constitue un actif ou une activité verte, sur la transparence des engagements des acteurs financiers et non-financiers et sur notre capacité, à un horizon proche, de réorienter les flux financiers en faveur de la transition environnementale.

L'Union européenne, longtemps à l'initiative dans ce domaine pour proposer un cadre règlementaire harmonisé, est aujourd'hui menacée de se voir dépasser par d'autres États, au risque de voir la portée de ses normes amoindries et les engagements de ses acteurs financiers affaiblis.

C'est dans ce contexte que ce rapport, écrit à la suite d'auditions d'acteurs très divers, entend rechercher un point d'équilibre, une conciliation de points de vue différents, mais accordés sur l'urgence à agir. Le rapporteur spécial se doit cependant d'alerter sur l'absence de solution miracle ou incontestable, en particulier dans un domaine où les connaissances scientifiques et les avancées techniques nous amènent constamment à repenser nos modèles et nos instruments financiers.

PREMIÈRE PARTIE
LES OAT VERTES, UN CADRE EXIGEANT
AU SERVICE DES DÉPENSES PUBLIQUES VERTES

Selon la Climate Bond Initiative , les émissions d'obligations vertes auraient atteint 270 milliards de dollars en 2020 et 523 milliards de dollars en 2021, soit une multiplication par 6,5 en cinq ans, pour une taille de marché d'environ 1 600 milliards de dollars. Une obligation verte, pour reprendre la définition de référence de l' International Capital Market Association , est une obligation dont le produit de l'émission est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, les projets verts nouveaux et/ou en cours .

L'Europe occupe une place centrale sur ce marché, avec près de 50 % des émissions , suivie des États-Unis (20 %) 16 ( * ) . Ces estimations sont à prendre avec précaution, tant elles peuvent varier selon le périmètre retenu, par exemple en incluant ou non les obligations non certifiées par un organisme indépendant. Ne sont par ailleurs retenus ici que les volumes d'émissions d'obligations dites « vertes » et non « durables », ces dernières ayant une double vocation environnementale et sociale.

Il n'en demeure pas moins que les États, les acteurs publics et les investisseurs institutionnels jouent un rôle clé sur le marché des obligations vertes et qu'ils ont favorisé son expansion, en particulier depuis l'adoption de l'accord de Paris . Ainsi, ce sont les États européens et l'Union européenne qui devraient contribuer le plus fortement à l'expansion de ce marché au cours des prochaines années. La Commission européenne devrait à elle seule émettre au moins 250 milliards d'euros d'ici 2027 en obligations vertes au titre du plan de relance européen NextGenerationEU 17 ( * ) .

Volume d'émissions d'obligations vertes
par type d'émetteur en 2020

(en milliards de dollars et en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la Climate Bond Initiative

Les émissions d'obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes sont désormais l'un des instruments de financement classiques de la dette publique française . Le cadre mis en place par la France pour l'émission de ses OAT vertes est, de l'avis de l'ensemble des personnes entendues par le rapporteur spécial, le plus exigeant au monde . Ce cadre, porteur d'engagements crédibles , a permis de montrer que le financement du vert ne relevait ni d'une simple opération de communication ni du seul souhait de répondre à un effet de mode chez les investisseurs.

L'exigence de ce cadre doit être maintenue : les risques de perte de crédibilité sont d'autant plus élevés sur les OAT vertes que leur matérialisation se traduirait par une hausse du coût de financement de l'État , particulièrement pénalisante au regard de l'endettement public français. C'est au prisme de cette double exigence, environnementale et financière , que le rapporteur spécial a souhaité s'intéresser aux OAT vertes, avec une triple interrogation : l'émission d'obligations vertes présente-t-elle un avantage pour l'État et cet avantage peut-il être mesuré ? Quels sont les risques d'éco-blanchiment ( greenwashing ) et comment les prévenir ? Qui produit la norme et comment le cadre français devrait-il être adapté par rapport à la proposition européenne d'un standard pour les obligations vertes ?

I. ALLIANT INNOVATION ET RIGUEUR, LE CADRE MIS EN PLACE PAR LA FRANCE POUR SES OAT VERTES CONSTITUE UNE RÉFÉRENCE SUR LE MARCHÉ DES OBLIGATIONS VERTES SOUVERAINES

A. PARMI LES PREMIERS ÉTATS À ÉMETTRE UNE OBLIGATION VERTE APRÈS L'ACCORD DE PARIS, LA FRANCE A MIS EN PLACE L'UN DES CADRES LES PLUS EXIGEANTS AU MONDE POUR ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DE SES ÉMISSIONS

Lors du lancement de la première OAT verte, la France a su innover sur deux aspects : en émettant un nouveau produit destiné à financer la dette publique française et en construisant un cadre très exigeant pour garantir la crédibilité de ses engagements, tant climatiques que financiers.

1. La France partage, avec la Pologne, le titre de premier émetteur souverain d'une obligation verte
a) Une première OAT verte alignée sur les standards internationaux

L'origine de la première émission d'une obligation verte fait débat parmi les observateurs : les uns souligneront celle réalisée en 2001 par la ville de San Francisco pour le financement de l'électricité solaire, les autres celle de la Banque européenne d'investissement (BEI) en 2007, suivie en 2008 par la Banque mondiale.

Tous s'accordent cependant sur le fait que ce marché a connu un essor considérable avec l'adoption de l'accord de Paris, plusieurs États, et la France en premier, s'engageant à émettre des obligations vertes souveraines dont les fonds levés seraient alloués au financement de dépenses favorables à l'environnement. C'est finalement la Pologne qui émet la première obligation verte souveraine au mois de décembre 2016, suivie par la France au mois de janvier 2017.

Pour définir le cadre applicable à ce nouveau produit, la France, comme d'autres émetteurs privés, publics et institutionnels, s'appuie sur les Green bond principles (GBP) édictés et régulièrement mis à jour par l'ICMA ( International Capital Market Association ), un consortium privé regroupant près de 600 banques, gestionnaires d'actifs, compagnies d'assurances et acteurs institutionnels. Repris par 98 % des émetteurs 18 ( * ) , ces principes s'appuient sur quatre axes clés : l'utilisation des fonds, l'évaluation et la sélection des projets, la gestion du produit et le reporting .

Les principes applicables aux obligations vertes
édictés par l'ICMA

Les principes applicables aux obligations vertes ( Green Bond Principles - GBP) sont des lignes directrices, d'application volontaire , qui préconisent la transparence et la publication d'informations, et qui doivent contribuer à l'intégrité du marché des obligations vertes en précisant les modalités d'émission de ces obligations. Ces lignes directrices visent à donner aux émetteurs un référentiel des principaux éléments devant être réunis pour qu'une obligation puisse être qualifiée de verte. Elles incitent également à renforcer et à mettre en oeuvre des processus de remontées d'informations, afin d'aider les investisseurs à évaluer l'impact environnemental de leurs investissements et de soutenir les souscripteurs dans la recherche d'informations détaillées, en amont des transactions. Les GBP insistent ainsi sur la transparence, la précision et l'intégrité des informations diffusées et intégrées au reporting par les émetteurs et à l'intention de toutes les parties prenantes (banques, souscripteurs, agents de placements, autres participants du marché).

L'objectif de ces principes est de promouvoir le rôle que peuvent jouer les marchés obligataires mondiaux dans le financement du progrès vers la durabilité environnementale , en aidant les émetteurs à financer des projets respectueux de l'environnement, qui favorisent une économie neutre en carbone et qui protègent l'environnement.

Les lignes directrices s'articulent autour de quatre grands principes :

1. l'utilisation des fonds : décrire les projets dans le prospectus accompagnant le titre et identifier de manière claire le bénéfice environnemental du projet (ex. énergies renouvelables, efficacité énergétique, prévention et maîtrise de la pollution, gestion durable des ressources naturelles vivantes et des sols, moyens de transport propres, adaptation au changement climatique, bâtiments écologiques, etc.) ;

2. les processus de sélection et d'évaluation des projets : présenter aux investisseurs la méthodologie retenue pour définir les dépenses éligibles et les critères d'éligibilité correspondants. Les GBP incitent également les émetteurs à garantir un haut niveau de transparence en leur recommandant de faire contrôler leur mode d'évaluation et de sélection des projets par un intervenant extérieur ;

3. la gestion des fonds : garantir que le montant levé soit bien alloué aux projets éligibles au moyen d'un processus interne formalisé. Les GBP incitent les émetteurs à garantir un haut niveau de transparence et leur recommandent de faire contrôler la gestion des fonds issus de l'émission obligataire par un cabinet d'audit ou par un autre intervenant extérieur ;

4. le reporting : préparer, conserver et mettre à disposition des investisseurs un dossier d'information sur l'utilisation du produit de l'émission obligataire, actualisé chaque année jusqu'à l'allocation totale des fonds.

Source : ICMA, Principes applicables aux obligations vertes , version de juin 2021

Les quatre grands principes énoncés par l'ICMA dans les GBP ont été repris par la France dans le « document-cadre de l'OAT verte », publié le 10 janvier 2017. Quatre objectifs ont en parallèle été sélectionnés par la France pour les dépenses éligibles aux OAT vertes : l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité et la réduction de la pollution de l'air, du sol et de l'eau . Ils sont cités dans l'arrêté de création des deux OAT vertes.

L'application des Green Bond Principles
dans le document-cadre des OAT vertes françaises

1. Utilisation des fonds

Les dépenses vertes éligibles aux OAT vertes incluent les dépenses du budget général de l'État ainsi que les dépenses des programmes d'investissement d'avenir. Elles couvrent les dépenses fiscales ainsi que les dépenses d'investissement, de fonctionnement et d'intervention et peuvent être réalisées par les agences de l'État, les collectivités locales, les entreprises et les ménages.

Les programmes financés pour répondre aux quatre grands objectifs nationaux sont répartis en six grands secteurs : les bâtiments, le transport, l'énergie, les ressources vivantes, l'adaptation et la pollution. Ces secteurs correspondent à ceux identifiés dans le label « Transition énergétique et écologique pour le climat » (TEEC, devenu depuis le label « Greefin »).

2. Sélection et évaluation des dépenses

Les dépenses vertes éligibles sont sélectionnées par un comité de pilotage interministériel, avec une validation finale par les ministères des finances et de l'environnement. La liste des dépenses éligibles est transmise au Conseil d'évaluation des OAT vertes.

3. Gestion des fonds

Deux objectifs sont affichés dans le document-cadre : garantir que plus de 50 % de l'allocation de l'OAT verte financera des dépenses relatives aux budgets de l'année en cours ou des années futures et être en mesure de fournir une transparence totale aux investisseurs sur la nature des allocations. Les dépenses sont également retracées au moyen des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance), ainsi qu'au moyen d'extractions des systèmes d'information des services fiscaux et du Secrétariat général pour l'investissement.

4. Publication de rapport ( reporting )

Trois types de publication sont prévus : l'allocation des fonds revue par un tiers indépendant (fréquence annuelle jusqu'à l'allocation finale des fonds levés), les indicateurs de performance des dépenses vertes éligibles de l'État au sein des programmes budgétaires (fréquence annuelle jusqu'à l'allocation finale des fonds levés) et une évaluation ex-post des impacts environnementaux des dépenses vertes éligibles, sous la supervision du Conseil d'évaluation des obligations vertes, chargé de l'évaluation de ce rapport (fréquence adaptée aux secteurs concernés et jusqu'à la maturité de l'OAT verte).

Source : document-cadre de l'OAT verte , Agence France Trésor, janvier 2017

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) co-anime avec la direction générale du Trésor le secrétariat du Conseil d'évaluation des OAT vertes .

Le Conseil d'évaluation des OAT vertes

Les membres du Conseil sont nommés par le ministre de l'économie et des finances et par le ministre chargé de la transition écologique. Présidé par M. Manuel Pulgar-Vidal, ancien ministre de l'environnement du Pérou et chef de la division Climat et Énergie de WWF International, le Conseil est composé de huit experts indépendants :

- M. Mats Andersson, vice-président de Global Challenges Foundation , président de PDC ( Portfolio Decarbonisation Coalition ) et ancien PDG d'AP4, quatrième fonds de pension national suédois ;

- Mme Nathalie Girouard, cheffe de la division Performance environnementale et Information de la Direction de l'Environnement à l'OCDE ;

- M. Mike Holland, consultant indépendant ;

- Mme Karin Kemper, ancienne directrice principale des pratiques mondiales de l'environnement et des ressources naturelles à la Banque Mondiale ;

- M. Rana Roy, consultant indépendant ;

- M. Thomas Sterner, professeur d'économie environnementale à l'Université de Göteborg ;

- M. Eric Usher, chef du Secrétariat de l'Initiative financière du Programme des Nations unies pour l'environnement.

Deux observateurs participent aux réunions du conseil, partagent leur expertise sur les cadres applicables aux obligations vertes mais ne peuvent pas voter sur les évaluations :

- M. Sean Kidney, co-fondateur et président du Climate Bond Initiative ;

- M. Nicholas Pfaff, directeur principal et secrétaire général des Green Bond Principles au sein de l'ICMA ( International Capital Market Association ).

Le Conseil d'évaluation des OAT vertes se réunit deux fois par an (juin et novembre), avec une réunion intermédiaire entre chaque réunion. C'est à l'issue de la réunion de novembre que sont publiés les rapports d'évaluation des impacts environnementaux des dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes.

Source : réponses du Commissariat général du développement durable au questionnaire du rapporteur spécial

Le Conseil valide la liste des dépenses éligibles aux OAT vertes pour l'année à venir et se prononce ensuite sur les rapports d'évaluation de l'impact des dépenses éligibles aux OAT vertes. Les débats au sein de ce Conseil sont, de l'avis de son président, cruciaux pour s'assurer de la solidité et de la crédibilité du cadre français des OAT vertes.

b) Un impératif, conserver la même qualité des titres de la dette de l'État

Pour préparer le lancement de la première OAT verte et garantir le succès de ce produit innovant, l'Agence France Trésor (AFT) a procédé à plusieurs consultations avec les investisseurs, notamment pour décider de la maturité du titre et pour s'assurer de sa liquidité . L'objectif était en effet de parvenir à disposer , au fil des réabondements successifs du titre et en tenant compte du volume des dépenses éligibles, du même encours sur une OAT verte que sur une OAT conventionnelle de maturité proche. La maturité de la première OAT verte, à 22 ans, a été choisie pour cette raison et les mêmes considérations ont prévalu lors du lancement de la deuxième OAT verte française.

Cette double exigence propre à l'OAT verte, environnementale et financière, se reflète parmi ses acheteurs, entre ceux qui ont besoin de verdir leurs portefeuilles et ceux qui ont besoin d'une maturité plus longue . L'Agence France Trésor explique ainsi que si les syndications opérées pour le lancement des deux OAT vertes françaises (OAT 2039 et 2044) ont permis de constater l'existence d'une demande spécifique d'investisseurs ayant un mandat ESG (environnement, social, gouvernance) et souvent basés en Europe du nord, la structure de la détention semble se normaliser au fil des abondements .

Pour l'OAT 2039, la plus ancienne, ce phénomène de normalisation s'est particulièrement observé en 2019, lorsqu'elle présentait une maturité résiduelle de 20 ans, privilégiée par certains investisseurs institutionnels. Un effet similaire pourrait être observé pour l'OAT 2044, lancée au mois de mars 2021, et qui a permis de créer un second point vert sur la courbe des OAT.

Comme l'a expliqué un représentant d'un spécialiste en valeur du Trésor (SVT) 19 ( * ) au rapporteur spécial, l'utilité macroéconomique d'un marché se mesure à l'échelle de ce marché lui-même : le marché des obligations vertes aura donc d'autant plus d'intérêt qu'il sera très profond, mais aussi normé et règlementé . Plus il sera large, plus il deviendra inévitable pour les acteurs cherchant à se financer sur les marchés, avec donc un effet d'entrainement sur l'ensemble des émetteurs .

Il est dès lors primordial que les grands émetteurs, que ce soit des États ou la Commission européenne, apportent de la liquidité à ce marché. Cette perspective tend à écarter les craintes quant à un éventuel excès d'offre sur le marché des obligations publiques vertes, craintes notamment suscitées par l'arrivée de l'Union européenne en 2021.

La demande demeure par ailleurs bien supérieure à l'offre, alors que de nombreux investisseurs souhaitent désormais réorienter au moins une partie de leurs investissements vers des émissions vertes, tant pour répondre à la demande de leurs clients que pour satisfaire à leurs obligations règlementaires et maîtriser leur risque réputationnel . Chaque nouvelle émission d'une obligation verte est sur-souscrite, tandis que les prix payés par les souscripteurs sont significativement supérieurs à ceux des obligations standards (concept de greenium , cf. infra ).

2. Le modèle mis en place par la France a inspiré plusieurs autres émetteurs souverains, ainsi que la Commission européenne
a) La France détient l'encours d'obligations vertes le plus élevé parmi les émetteurs souverains

L'encours de l'OAT verte 25 juin 2039 a atteint près de 31 milliards d'euros au premier semestre 2021 , du fait de trois abondements en 2020 et de deux abondements en 2021. L'encours est donc désormais identique à celui des obligations de maturité proche, alors que les réémissions sont soumises à une double-condition : l'expression d'une demande en ce sens des spécialistes en valeur du Trésor et l'existence d'un montant suffisant de dépenses vertes éligibles. Une seconde OAT verte, à échéance 2044, a été lancée au mois de mars 2021 , pour un montant de sept milliards d'euros. À la fin du mois septembre 2021, ce titre a fait l'objet de deux nouvelles émissions, portant son encours à 11,4 milliards d'euros .

L'encours total des OAT vertes s'élevait, au mois de janvier 2022, à 42,3 milliards d'euros , soit l'encours le plus élevé pour un État.

Le montant des dépenses éligibles en 2020
selon les quatre objectifs de l'OAT verte

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées dans « OAT verte. Rapport d'allocation et de performance 2020 »

Le montant des dépenses éligibles cumulées entre 2016 et 2020 selon
les six grands secteurs identifiés dans le document-cadre des OAT vertes

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées dans « OAT verte. Rapport d'allocation et de performance 2020 »

Le montant des dépenses vertes éligibles auxquelles seront adossées les émissions des obligations vertes de l'État en 2022 s'élève à 15 milliards d'euros pour l'année 2022 20 ( * ) , soit le même montant qu'en 2021 . Le doublement de ce montant par rapport aux années 2018 à 2020 s'explique par la suppression du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », avec par conséquent le rattachement au budget général des soutiens de l'État aux énergies renouvelables, auparavant financés par une taxe affectée 21 ( * ) .

b) Le marché des obligations vertes souveraines connait une forte expansion

Lors de son audition, Sean Kidney, président de la Climate Bond Initiative (CBI) a décrit la France comme un véritable pace-maker sur le marché des OAT vertes : plusieurs pays, notamment européens, l'ont suivi dans l'émission d'obligations vertes souveraines et se sont inspirés du cadre qu'elle avait mis en place 22 ( * ) . L'Allemagne, la Lituanie, l'Irlande, la Suède, le Luxembourg, l'Espagne, l'Italie, la Hongrie, la Suisse, la Belgique ou encore le Royaume-Uni ont depuis procédé à l'émission de leurs propres titres verts. Parmi les grands États, seuls les États-Unis n'envisagent pour le moment pas d'émettre d'obligations vertes.

Encours des obligations vertes souveraines de plusieurs pays européens
au mois d'octobre 2021 et date de la première émission

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Agence France Trésor

La France devrait toutefois perdre son titre de premier émetteur d'obligations vertes sur le marché européen au profit d'un émetteur supra-national, la Commission européenne , qui doit financer le plan de relance européen NextGenerationEU . Lors de l'émission de sa première obligation verte le 12 octobre 2021, la Commission européenne a levé un montant inédit sur ce canal, avec 12 milliards d'euros émis à 0,45 % et à échéance 2037 23 ( * ) . Son programme d'obligations vertes devrait atteindre 250 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2026, soit 30 % du programme total d'émissions au titre du plan de relance, ce qui reviendrait à doubler la taille actuelle des émissions des souverains et supranationaux européens.

Pour définir le cadre de l'émission de ses obligations vertes, la Commission européenne s'est elle aussi appuyée, tout comme la France, sur les Green Bond Principles de l'ICMA (cf. supra 24 ( * ) ). Elle a également mandaté l'agence de notation sociale et environnementale Vigeo Eiris, devenue V.E. puis Moody's ESG Solutions, pour la seconde opinion 25 ( * ) indépendante sur son cadre. Neuf catégories de dépenses éligibles sont prévues dans le document-cadre européen : les activités de recherche et d'innovation soutenant la transition écologique, l'efficacité énergétique, les énergies propres et les réseaux, l'adaptation au changement climatique, la gestion de l'eau et des déchets, les transports propres et les infrastructures, la protection de la nature, la réhabilitation et la biodiversité et une catégorie transverse.

S'inspirant du modèle français, la Commission européenne prévoit par ailleurs de procéder pour ses propres obligations vertes au même type d'évaluations que celles mises en oeuvre par la France pour mesurer l'impact des dépenses éligibles , ainsi que de soumettre les rapports d'affectation des fonds levés à des dépenses éligibles 26 ( * ) à un contrôle indépendant.

Le premier rapport d'impact, réalisé par la Commission, qui recourra à l'avis d'experts indépendants, ne sera pas publié avant l'automne 2023, tandis que le premier rapport d'affectation serait publié environ un an après la première émission verte, soit à l'automne 2022. Rapports d'impact et d'affectation seront ensuite publiés sur une fréquence annuelle.

D'après les informations transmises par le CGDD, la Commission travaillerait en parallèle sur des lignes directrices invitant chaque État membre à mettre en place un budget vert , ce que la France a déjà commencé à expérimenter depuis le projet de loi de finances pour 2021.

3. Le cadre défini par la France pour ses OAT vertes est reconnu comme étant le plus exigeant parmi les émetteurs souverains

La qualité du cadre mis en place par la France pour ses OAT vertes est unanimement reconnue par les personnes entendues par le rapporteur spécial : il est décrit par tous comme le plus exigeant et le plus rigoureux au monde.

Le document-cadre de l'OAT verte française a d'ailleurs fait l'objet d'une seconde opinion, délivrée par Vigeo Eiris et assurant que l'approche retenue par l'État était pertinente et conforme au label transition énergétique et écologique pour le climat (TEEC - devenu le label Greenfin ). La seconde opinion de Moody's ESG Solutions est actualisée tous les ans.

La seconde opinion de Moody's ESG Solutions

Vigeo Eiris, devenu V.E. puis Moody's ESG Solutions après son rachat, a été mandaté par l'Agence France Trésor pour délivrer une opinion indépendante seconde opinion ») au sujet de la prise en compte des facteurs de responsabilité sociale et environnementale et des objectifs de durabilité dans la conception et la gestion des OAT vertes émises par l'État français, en accord avec le document-cadre des OAT vertes. Depuis, Moody's ESG Solutions est sollicité deux fois par an , d'abord pour valider les dépenses éligibles de l'année à venir , puis à l'occasion de la parution du rapport d'allocation et de performance, pour valider l'allocation des fonds levés au titre de l'année écoulée, ainsi que le respect des procédures définies dans le document-cadre .

Le vérificateur s'appuie sur des informations recueillies de sources publiques, de la presse et des parties prenantes ; d'informations exclusives provenant de ses propres bases de données ; et transmises par l'émetteur.

La seconde opinion porte sur :

- les émissions , avec la vérification de l'existence d'un bénéfice environnemental des dépenses vertes éligibles pour l'année à venir. Il s'agit ici de vérifier deux des quatre grands principes édictés par l'ICMA : l'utilisation des fonds d'une part, et le processus d'évaluation et de sélection des dépenses d'autre part ;

- l'émetteur , avec l'évaluation de sa performance au regard de sa contribution aux objectifs de développement durable.

Dans le cadre de sa seconde opinion, Moody's ESG Solutions doit délivrer son assurance sur la capacité de l'émetteur à utiliser le produit des abondements à venir des OAT vertes pour financer des projets à bénéfices environnementaux, conformément à ses engagements initiaux dans le document-cadre des OAT vertes, ainsi que sur la capacité de l'émetteur à consacrer le produit de l'OAT pour financer des projets répondant à l'un des quatre grands objectifs fixés par la France, en ligne avec sept objectifs de développement durable de l'ONU 27 ( * ) . Cette assurance a toujours été, sur les deux aspects, de niveau raisonnable pour la France , soit le niveau le plus élevé pouvant être atteint .

Il existe en effet trois niveaux d'assurance :

1. raisonnable - constat probant de conformité avec les principes et les objectifs prescrits par le référentiel ;

2. partielle - constat de compatibilité ou de convergence partielle avec les principes et les objectifs prescrits par le référentiel ;

3. faible - constat de carence, de méconnaissance ou de non-compatibilité avec les principes et les objectifs prescrits par le référentiel.

Le vérificateur se prononce enfin sur le niveau général de déploiement des engagements de l'émetteur en termes de processus d'évaluation et de sélection des projets, d'application des critères d'éligibilité et d'allocation des ressources issues de l'obligation. Ce niveau est « avancé » pour la France, soit là--encore le plus haut niveau possible (faible - limité - probant - avancé).

Source : seconde opinion sur le caractère responsable de l'OAT verte de la France et mises à jour effectuées depuis 2017. Ces documents sont disponibles sur le site de l'Agence France Trésor

Comme l'ont rappelé les représentants de Moody's ESG Solutions et de S&P's, les vérificateurs, auteurs des secondes opinions, ne doivent pas être confondus avec les certificateurs , chargés de vérifier la validité de la donnée. Les vérificateurs se concentrent eux sur la méthodologie retenue par l'émetteur, sur la pertinence des indicateurs, sur le cadre institutionnel, sur le respect des documents cadres et sur l'alignement avec les quatre piliers édictés par l'ICMA dans ses Green Bond Principles .

a) Une sélection des dépenses éligibles en plusieurs étapes et une vérification de l'allocation des fonds

La sélection des dépenses éligibles suit plusieurs étapes : chaque ministère doit d'abord identifier les dépenses vertes potentiellement éligibles au sein de ses programmes budgétaires, à l'aune des quatre objectifs nationaux et des six secteurs verts identifiés dans le document-cadre de l'OAT verte.

Un comité interministériel , piloté par le ministère des finances et de l'environnement et placé sous l'égide du Premier ministre, est alors chargé, en lien avec le CGDD, d'identifier les dépenses vertes éligibles pour l'année suivante. Depuis deux ans, cette liste est ensuite soumise, vers le mois de novembre, au Conseil d'évaluation des OAT vertes . Elle est enfin transmise à Moody's ESG Solutions , accompagnée d'un descriptif des politiques publiques concernées. Le vérificateur évalue alors la conformité de ces dépenses avec les exigences du document-cadre sur les OAT vertes et avec les bonnes pratiques internationales , le plus souvent après avoir demandé des précisions ou clarifications.

Ces étapes successives, loin d'être redondantes, constituent pour le rapporteur spécial un impératif afin de garantir la transparence et la crédibilité des engagements français . Il convient en effet de rappeler que, sur un plan strictement budgétaire, les fonds levés par le biais d'une OAT verte sont traités comme ceux d'une OAT traditionnelle et donc gérés selon le principe d'universalité budgétaire . C'est donc bien l'adossement de ces fonds à un montant équivalent de dépenses vertes éligibles qui doit être vérifié. Le contrôle des modalités d'évaluation et de sélection des projets par un intervenant extérieur constitue par ailleurs l'une des recommandations de l'ICMA dans les Green Bond Principles .

L'AFT produit ainsi chaque année un rapport d'allocation et de performance de l'OAT verte , qui présente l'ensemble des dépenses auxquelles seront adossées les émissions réalisées sur une année, ainsi que leur répartition sur les quatre grands objectifs nationaux (atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, biodiversité et lutte contre la pollution) et les six secteurs identifiés dans le document-cadre. La présentation de l'allocation des fonds se double d'une présentation par secteur, avec la présentation des montants par mission et par programme budgétaire concernés et des indicateurs de performance qui y sont liés.

Ce travail de vérification rigoureux se poursuit sur la gestion des fonds . Une vérification post-émission, sous la forme d'un audit financier réalisé par un prestataire externe sur les comptes présentés dans le rapport d'allocation et de performance est réalisée, l'allocation et le suivi des fonds étant audités jusqu'à l'allocation complète des fonds. Cet audit est réalisé pour la France par KPMG et répond aux lignes directrices de l'ICMA, qui recommande, dans ses GBP, de faire contrôler la gestion des fonds issus de l'émission obligataire par un cabinet d'audit ou par un autre intervenant extérieur. Enfin, et il s'agit là encore d'une spécificité française, le rapport d'allocation et de performance de l'OAT verte fait lui aussi l'objet d'une évaluation, avec la mise à jour de la seconde opinion de Moody's ESG Solutions . La France a toujours obtenu lors de ses actualisations le niveau le plus élevé d'assurance quant à la conformité du fonctionnement de ses obligations vertes aux principes et aux objectifs prescrits par le référentiel.

L'intervention de plusieurs tiers indépendants fait partie des « sept éléments essentiels » mis en avant par WWF dans un rapport précurseur 28 ( * ) de 2016 pour préserver et renforcer la crédibilité du marché des obligations vertes. L'organisation insiste aussi sur la nécessité que les normes relatives aux obligations vertes couvrent et répondent à l'ensemble des défis environnementaux et qu'elles portent sur la réalisation de bénéfices environnementaux « réels » pouvant être vérifiés. Dans ce domaine également, la France a mis en place un cadre exigeant, qui la distingue des autres émetteurs souverains.

b) Une structure et un travail d'évaluation sans équivalent parmi les autres émetteurs souverains

Les principes définis par l'ICMA et applicables aux obligations vertes s'articulent autour d'un principe fondamental : l'analyse d'impact. Les OAT vertes ne portent donc pas une promesse d'impact, mais une promesse d'analyse de l''impact de la dépense éligible à laquelle est adossée l'OAT verte . Si l'émetteur est quasiment libre de déterminer la liste des dépenses éligibles, les investisseurs savent qu'il y aura une évaluation de la totalité des fonds utilisés pendant la durée de vie de l'OAT verte. C'est cette garantie qui assure la robustesse du cadre français.

Si chaque émetteur souverain procède ainsi à l'évaluation des dépenses vertes éligibles à leurs obligations - puisqu'il s'agit de l'une des exigences des Green Bond Principles - aucun processus n'est aussi avancé et structuré que celui mis en place par la France, avec une instance unique, celle du Conseil d'évaluation des OAT vertes .

Le choix de la dépense examinée dans le cadre du prochain rapport d'évaluation des impacts environnementaux des dépenses éligibles s'appuie sur plusieurs considérations : le volume de la dépense, les objectifs poursuivis, le caractère sensible de la dépense et l'intérêt particulier du public à en connaître. Ce programme de travail, proposé par le Commissariat général au développement durable, doit être validé par le Conseil d'évaluation des OAT vertes, également attentif à l' existence d'outils scientifiques robustes et efficaces pour évaluer la dépense éligible (méthodologies existantes, contraintes opérationnelles). Le Conseil veille enfin à la diversité des évaluations, avec une alternance des secteurs et des objectifs environnementaux évalués.

Ainsi, les quatre rapports annuels publiés jusqu'ici ont porté sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE - 2018), Voies navigables de France (VNF - 2019), l'Office national des forêts (ONF - 2020) et le programme d'investissements d'avenir (PIA - 2021). Les évaluations progressent dans leur complexité : les effets du CITE apparaissaient plutôt simples à mesurer, tant d'un point de vue financier qu'environnemental, tandis que plusieurs objectifs, parfois contradictoires, devaient être évalués pour l'ONF ou VNF.

Une fois le thème choisi, il revient au CGDD de procéder , sur une période de douze mois à dix-huit mois, aux évaluations demandées , en faisant appel à des référents académiques indépendants . Ces référents académiques accompagnent les équipes d'évaluation et échangent régulièrement avec eux pour garantir la crédibilité et la solidité de leurs travaux, leur avis sur l'évaluation finale étant rendu public. Le Conseil d'évaluation se prononce en parallèle sur cette évaluation, en invitant au besoin des experts à se prononcer sur le sujet traité. Il donne également son opinion sur la pertinence des résultats obtenus, au regard notamment de l'objectif fixé par l'accord de Paris de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en-dessous de 2° C.

Un exemple : l'évaluation par le Conseil d'évaluation des OAT vertes
de la subvention publique à Voies navigables de France

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) est le « point d'entrée » des organismes faisant l'objet d'un rapport d'évaluation des impacts environnementaux des dépenses auxquelles sont adossées les OAT vertes. Le CGDD s'appuie pour ses travaux sur des documents internes ainsi que sur des entretiens, tandis que des référents scientifiques sont présents pour s'assurer du respect des exigences méthodologiques.

Dans ce cadre, le rôle de VNF a consisté à fournir des données qualitatives et quantitatives aux évaluateurs (indicateurs de performance, mise en place de procédures de remontées d'informations), sur les trois axes de travail retenus pour l'évaluation : l'atténuation au changement climatique (action de VNF pour la réduction des émissions carbone du transport de marchandises par report modal vers fluvial), l'adaptation au changement climatique (rôle et actions de gestionnaire hydraulique portés par VNF) et la biodiversité (gestion écologique de l'infrastructure fluviale).

Comme indiqué au rapporteur spécial, ces évaluations sont particulièrement utiles pour accompagner les changements mis en oeuvre par les organismes contrôlés. Les éléments relevés par les évaluateurs peuvent servir de point de relais pour la défense d'un projet ou pour valider un changement d'orientation. Ce fut le cas pour VNF, avec un accroissement de ses efforts pour accompagner le report modal vers le fluvial (soutien financier aux opérateurs économiques) ou encore la validation de son choix de renforcer sa mobilisation dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, un enjeu majeur pour l'entretien réseau fluvial mais qui pouvait pourtant sembler plus annexe au regard des missions de VNF.

Source : audition de représentants de VNF par le rapporteur spécial et réponses de VNF au questionnaire du rapporteur spécial

Pour chaque rapport 29 ( * ) , il est demandé aux évaluateurs d'estimer la contribution de la dépense aux objectifs environnementaux prédéfinis et d'évaluer les politiques mises en oeuvre à travers quatre critères principaux : la pertinence, l'efficacité, l'efficience et la répartition des coûts. Les membres du Conseil ont également émis le souhait que l'évaluation tienne compte de l'additionnalité de l'instrument, par la définition d'un scénario contrefactuel .

S'il a pu lui être indiqué que le CGDD pouvait parfois apparaître comme « juge et partie », en définissant le périmètre des dépenses vertes éligibles aux OAT vertes puis en les évaluant, le rapporteur spécial est d'avis que le cadre mis en place est suffisamment rigoureux et exigeant pour répondre à ces craintes, les référents académiques et la validation par le Conseil d'évaluation étant deux éléments de nature à préserver l'intégrité du travail d'évaluation .

Le CGDD dispose par ailleurs d'une compétence métier en matière d'évaluation et des ressources techniques nécessaires : le recours à des prestataires extérieurs pour certaines évaluations doit rester une exception, réservée aux sujets sur lesquels une expertise particulière est nécessaire, comme pour les cabinets de conseil.

Ce sera le cas pour les prochains rapports d'évaluation qui porteraient, en 2022, sur Météo France et les observations satellites de la Terre ainsi que sur les subventions aux énergies renouvelables, et, en 2023, sur l'éco-prêt à taux zéro. Les deux premières seraient réalisées par des prestataires externes - en cours de sélection pour les subventions aux énergies renouvelables - tandis que celle prévue pour 2023 serait réalisée par le Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (Cired). Lorsque l'étude est conduite par un prestataire externe, les ministères concernés par la dépense évaluée s'engagent à cofinancer la prestation.

Le recours à un prestataire externe
dans le cadre de l'évaluation de Météo France

L'évaluation des impacts environnementaux des dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes de Météo-France a été la première confiée à un prestataire externe, le cabinet Citizing 30 ( * ) , pour un montant total de 81 350 euros hors taxes.

Un comité, composé de la direction générale des entreprises (DGE), de la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI), du secrétariat du Conseil d'évaluation des OAT vertes (CGDD et direction générale du Trésor) et de l'AFT, a assuré le suivi et la validation des prestations et des livrables remis par le prestataire, en rendant un avis à chaque étape clé de la mission. La décision de publier l'étude finale a été prise à l'unanimité des cofinanceurs de l'étude : le CGDD, la DGRI et la DGE.

Source : réponses du Commissariat général au développement durable au questionnaire du rapporteur spécial

Les rapports d'allocation et de performance sont donc réputés pour leur complétude et leur qualité, certains observateurs comme l'ICMA estimant même qu'ils sont peut-être trop longs pour certains investisseurs. Le rapporteur spécial ne souscrit cependant pas entièrement à l'idée d'en publier une synthèse, ces rapports s'adressent en effet à un public plus large que celui des seuls acheteurs de la dette française (associations et organisations non gouvernementales, organismes contrôlés, etc.).

B. LA RECHERCHE DE L'INNOVATION SUR LE MARCHÉ DES OBLIGATIONS VERTES SOUVERAINES DOIT S'EXERCER DANS LE RESPECT DES EXIGENCES QUI ENTOURENT AUJOURD'HUI LA GESTION DE LA DETTE DE L'ÉTAT

1. L'émission de la première obligation verte souveraine indexée sur l'inflation démontre une nouvelle fois la capacité d'innovation de la France, sans remise en cause du cadre strict mis en place pour les OAT vertes
a) Le lancement au mois de mai 2022 d'une obligation verte indexée, une première pour un émetteur souverain

La France et l'AFT ont de nouveau démontré leur capacité d'innovation pour répondre aux besoins des investisseurs en émettant la première obligation souveraine verte indexée sur l'inflation (OAT(i) verte) 31 ( * ) .

Les spécialistes en valeur du Trésor (SVT) entendus par le rapporteur spécial se sont félicités de cette initiative. En effet, s'il ne concerne encore qu'un marché de niche, ce produit répond à une double préoccupation : celle du retour de l'inflation au premier plan des préoccupations macroéconomiques - alors que l'inflation annuelle devrait dépasser les 5,5 % en France en 2022 - et celle de l'intégration de plus en plus forte des critères ESG dans la gestion des portefeuilles , que ce soit sous l'influence de la régulation, pour répondre à la demande des épargnants ou pour protéger l'image de l'investisseur. C'est pour ces raisons que lors de la présentation de son programme de financement pour l'année 2022, l'AFT avait fait part de son intention d'étudier le lancement d'un tel produit.

En pratique, et selon les termes utilisés par l'AFT, l'émission d'une OAT verte indexée permet de répondre à la demande de protection contre l'inflation des investisseurs ESG , qui sont soumis aux mêmes contraintes macroéconomiques que leurs homologues « traditionnels », tout en offrant un support d'investissement vert aux gérants spécialisés dans l'inflation .

Aussi, pour s'assurer de la réussite du lancement de ce nouveau produit, plusieurs points de faisabilité ont dû être levés par l'AFT , après la consultation des parties prenantes, et notamment des SVT, des banques et des investisseurs particulièrement intéressés par ce type de produit.

Le point le plus important à régler était celui du lien entre le capital indexé et les dépenses éligibles auxquelles doit être adossée une OAT verte . Cette préoccupation est au coeur des enjeux de bonne gestion des fonds par l'AFT. Cette dernière doit en effet veiller à ce que le montant d'émissions demeure inférieur à l'enveloppe de dépenses vertes éligibles. À défaut, la France contreviendrait aux pratiques de marché et aux attentes des investisseurs, au risque de dégrader les conditions de financement des dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes .

Il était donc impératif que l'innovation proposée avec l'OAT verte indexée n'amoindrisse pas l'exigence et la robustesse du cadre défini par la France pour ses OAT vertes . Cette question a été arbitrée dans le cadre d'une annexe au document-cadre des OAT vertes : le supplément d'indexation reçu lors de l'émission du titre est alloué à des dépenses vertes, ce qui demeure en ligne avec les principes applicables aux obligations vertes de l'ICMA .

Annexe du document-cadre des OAT vertes

L'Agence France Trésor a saisi l'opportunité de l'émission de la première OAT(i) verte et de la nécessité d'adjoindre une annexe au document-cadre des OAT vertes pour préciser, pour la gestion des OAT vertes, les principes retenus dans la définition des montants faisant l'objet d'une allocation à des dépenses favorables à l'environnement. En plus de se prononcer sur le supplément d'indexation, elle a précisé la doctrine applicable pour les primes et les décotes à l'émission, qui ne sont pas adossées à des dépenses vertes.

Le supplément d'indexation est perçu lors de l'émission de l'obligation indexée. Lorsque le titre arrive à maturité, l'État rembourse le capital majoré de l'indexation à cette date. Chaque année, une provision pour indexation du capital est définie : elle correspond au coût représentatif de l'indexation constatée à la date de détachement du coupon, net de l'éventuel supplément d'indexation reçu au cours de la période concernée (supplément reçu par l'émetteur de la part des investisseurs). Les règles en matière de comptabilité publique ne permettaient pas de donner une réponse claire sur le traitement du supplément d'indexation, notamment par rapport aux dépenses éligibles . Le choix qui a été fait est celui de « la plus grande intégrité environnementale du titre » : le supplément d'indexation ne constituant pas à sa réception à proprement parler un élément de rémunération de l'investisseur, il peut être considéré comme constitutif du capital .

Concrètement, et pour prendre un exemple très théorique : pour 100 euros émis sur un titre vert indexé, l'émetteur reçoit 110, soit 10 au titre du supplément d'indexation. Ce seront donc 110 euros qui seront adossés aux dépenses éligibles à l'OAT verte.

Source : annexe du document-cadre des OAT vertes , mai 2022 et audition du directeur de l'Agence France Trésor

b) Un lancement réussi et effectué dans de très bonnes conditions

Le lancement de l'OAT(i) verte à échéance 25 juillet 2038 a eu lieu par syndication le 25 mai 2022 , alors que trois autres émetteurs souverains (Italie à 15 ans, Finlande à 10 ans et Autriche avec sa première obligation verte) devaient émettre leurs titres, qui plus est sur un court laps de temps du fait d'un jour férié. Les émissions de chacun de ces émetteurs se sont déroulées dans de très bonnes conditions, juste avant que les taux des pays de la zone euro ne connaissent une brusque hausse de plusieurs dizaines de points de base.

Les données liées à cette syndication témoignent de son succès auprès des investisseurs . L'AFT propose généralement de trois à quatre milliards d'euros lors d'une opération par syndication, le montant le plus élevé ayant été servi en 2016, à quatre milliards d'euros .

Ce même niveau a été atteint pour l'OAT(i) verte. De même, le taux de souscription était de 6,75, avec un livre d'ordres de 27 milliards d'euros , certes poussé par les ordres des hedgde funds 32 ( * ) , mais marquant toutefois un niveau record d'ordres pour une syndication d'OAT indexée sur l'inflation. Cette forte demande a ainsi permis à l'AFT de baisser de trois points de base la rémunération initialement annoncée , pour un rendement à l'émission s'établissant au final à  - 0,415 %. La baisse significative de la rémunération témoigne à la fois de l'intérêt des investisseurs pour le produit, inédit, ainsi que de la capacité de l'AFT à innover 33 ( * ) .

La diversification des investisseurs finaux, au nombre de 230 , doit également être relevée, que ce soit en termes d'origine géographique ou de catégorie.

Répartition en termes d'origine géographique et de catégorie
des investisseurs ayant souscrit à l'OAT(i) verte le 25 mai 2022

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées dans le bulletin mensuel de l'Agence France Trésor du mois de mai 2022

Comme pour les autres titres, l'OAT(i) verte sera réabondée par adjudication et par « tranche » de quelques centaines de millions d'euros. Comme pour les obligations traditionnelles, le titre vert indexé sera moins abondé que le titre vert. En réponse aux interrogations du rapporteur spécial, l'AFT a donc indiqué qu'il n'y avait pas de crainte à avoir sur une éventuelle concurrence entre les deux OAT vertes et l'OAT(i) verte , alors qu'il reste encore plus de huit milliards d'euros de dépenses éligibles pour l'année 2022.

Sur le plan financier, l'opération apparaît donc favorable pour l'État. L'OAT(i) verte a par ailleurs été émise dans un contexte d'inflation certes élevée - et qui devrait continuer à augmenter - mais pas de manière aussi brutale que la hausse constatée depuis la fin du premier semestre 2021. Si l'OAT(i) verte avait été lancée à cette période, son coût pour l'État, par la charge d'indexation, aurait été plus élevé. Le directeur de l'Agence France Trésor a également ajouté que cette émission permettait d'ajouter un nouveau point sur la courbe des titres indexés sur l'inflation ( une nouvelle maturité ) et qu'il faudrait encore quelques temps avant que ne puisse s'observer l'existence d'un éventuel greenium sur ce titre.

Sur un plan plus symbolique et politique et selon certains observateurs, émettre une obligation verte indexée permettrait aussi de témoigner de la prise de conscience du coût de la transition énergétique vers la neutralité carbone, génératrice d'inflation à court et moyen terme 34 ( * ) .

2. Pour conserver les fondamentaux de la gestion de la dette de l'État, certains produits ne doivent pas entrer dans la gamme de ses instruments de financement, y compris pour des dépenses vertes

Afin de garantir à la fois la rigueur du cadre actuel pour les OAT vertes françaises et la crédibilité des engagements, et tout en soulignant les innovations apportées par l'AFT ces dernières années, le rapporteur spécial est se montre plus réservé sur d'autres propositions émanant des acteurs financiers ou académiques, en écartant à moyen terme des pistes telles que l'émission de titres « jumeaux » ou de sustainability-linked bonds .

a) Les titres-jumeaux : une spécificité allemande qui ne peut pas être répliquée en France

L'Allemagne 34 ( * ) et l'émission de titres jumeaux

L'Allemagne a émis sa première obligation souveraine verte le 2 septembre 2020, en adoptant un dispositif original, celui des twin bonds (titres jumeaux). Ce dispositif permet d'assurer la liquidité de l'obligation verte en garantissant qu'elle pourra à tout moment être échangée contre sa jumelle, une obligation conventionnelle de même maturité et portant le même coupon. Il s'agit donc d'un produit à la fois rare et cher, l'option de convertibilité ayant un coût pour les investisseurs.

Ce dispositif présente un avantage pour la Deutsche Finanz Agentur (DFA), celui de pouvoir émettre rapidement des obligations vertes sur plusieurs maturités tout en assurant leur liquidité en dépit d'encours limités. Le Bund vert n'est émis qu'une fois le jumeau conventionnel doté d'un encours qui lui assure une liquidité satisfaisante. Pour tout euro d'obligation verte émis, la DFA conserve sur son bilan un euro d'obligation conventionnelle.

Si le dispositif des titres jumeaux a permis à l'Allemagne d' assurer rapidement la liquidité de ses obligations vertes et permet également de mieux mesurer le greenium , il présente plusieurs inconvénients par rapport au modèle retenu par la France pour la gestion de ses OAT vertes, modèle qui est aussi celui de la quasi-totalité des pays européens et de l'Union européenne.

Au nom de la préservation de la neutralité du marché, l'AFT s'interdit tout d'abord d'intervenir sur le marché secondaire , au contraire par exemple de ce que peut faire la DFA sur ces titres jumeaux. Le modèle français est en effet axé sur la préservation de la neutralité du marché, à la différence du modèle allemand. Cette différence s'explique aussi par la qualité de crédit de la dette allemande, titres de référence en zone euro, la DFA n'ayant dans ce contexte pas besoin de s'imposer autant d'exigences que d'autres émetteurs quant à son attitude vis-à-vis du marché (ex. absence d'intervention sur le marché pour préserver sa neutralité).

Ensuite, et contrairement à ce qui est proposé dans le cas des titres-jumeaux, la France cherche à créer de la liquidité sur le marché des OAT vertes lui-même , avec des encours devant se rapprocher de ceux des OAT conventionnelles. C'est la qualité des titres de la dette de l'État français, notamment assurée par leur liquidité, qui permet à la France de réduire l'écart de taux ( spread ) avec des États de la zone euro disposant pourtant d'une meilleure qualité de crédit (ex. Autriche). Par ailleurs, tous les investisseurs ne sont pas intéressés à l'idée de supporter le coût supplémentaire induit par l'option de convertibilité du titre .

Enfin, l'AFT favorise une totale transparence sur ses émissions , et donc sur l'encours des OAT vertes, alors que la DFA ne communique pas au jour le jour sur les encours flottants des obligations vertes allemandes.

Au regard de son endettement, la France ne peut pas se permettre de bouleverser le cadre de gestion de sa dette publique en adoptant, ne serait-ce que sur certains titres, des comportements « anti-marché » par le biais d'interventions directes et contraires au principe de neutralité.

b) Les sustainability-linked bonds : un instrument à défendre pour le secteur privé mais qui ne répond pas aux spécificités des émissions souveraines

Les sustainability-linked bonds (SLB) sont des obligations par lesquelles l'émetteur s'engage à atteindre une cible d'impact environnemental ou social, mais sans lien direct avec l'utilisation des fonds levés. Il peut s'agir par exemple d'une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les SLB portent une promesse d'impact, au contraire des OAT vertes conventionnelles qui portent une promesse d'analyse d'impact . En effet, si les objectifs ne sont pas atteints, l'émetteur s'engage à compenser financièrement les investisseurs, avec un taux d'intérêt plus élevé.

Si quelques acteurs financiers ont défendu les mérites de ce produit pour les émetteurs souverains et que le volume d'émissions de SLB a été multiplié par 10 entre 2020 et 2021, il s'agit toutefois d'une forme d'obligations durables émises jusqu'ici exclusivement par les acteurs privés, à une exception près, celle du Chili .

L'émission par le Chili
du premier sustainability-linked bond souverain

Dans le cadre de l'émission de son SLB souverain au mois de mars 2022, le Chili a levé deux milliards de dollars. Deux indicateurs de performance ont été retenus : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'accroissement de la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité.

Le prix du coupon augmentera de 12,5 points de base si le Chili manque l'un de ses objectifs et de 25 points de base s'il en manque deux. La période de référence retenue est de huit ans, entre 2034 et 2042 (date d'échéance de l'obligation). C'est donc une compensation financière d'ampleur relativement limitée pour les investisseurs, le titre originel ayant un coupon de 4,3 %.

FitchRatings a accordé une note de « A- » à l'émission chilienne.

Source : audition du directeur de l'Agence France Trésor et informations publiées par FitchRatings , le 8 mars 2022

Le rapporteur spécial estime qu' il n'est pas opportun d'inclure ce nouveau produit dans la gamme des OAT françaises , en dépit de la demande de quelques acteurs financiers ou académiques en ce sens. Plusieurs facteurs expliquent cette réticence.

Tout d'abord, les SLB sont davantage exposés au risque de greenwashing (éco-blanchiment). Il n'y a d'une part aucune obligation à ce que les fonds levés soient alloués à des projets verts ou durables, et, d'autre part, l'émetteur est libre de fixer ses objectifs de performance. Pour prendre un exemple, il peut très bien annoncer vouloir lever 10 milliards d'euros pour réduire de 5 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à échéance 15 ans, tout en sachant pertinemment que cet objectif de réduction des GES est déjà atteint, le sera avant les échéances fixées ou encore ne nécessite pas d'investissements aussi importants.

Se pose ensuite la question du surcoût que pourraient représenter ces obligations pour l'État, si les cibles fixées n'étaient pas atteintes, et ce même si l'augmentation du prix du coupon est de faible ampleur. Or, la mission de l'AFT est avant tout celle de gérer la dette au mieux des intérêts du contribuable .

Enfin et surtout, le rapporteur spécial considère que l'émission de SLB, avec la définition d'indicateurs de performance, reviendrait à amoindrir voire à totalement nier le rôle du Parlement . La fixation de cibles de performance auprès des investisseurs engagerait l'État à 10, 20 ou 30 ans, alors même que les priorités politiques peuvent être amenées à évoluer au gré des alternances démocratiques. Il ne revient pas une administration de s'engager juridiquement sur les objectifs visés par la France, mais au Parlement de les définir et, éventuellement, de les ajuster. La logique est par ailleurs totalement contraire à celle des dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes, qui sont listées chaque année, à partir du budget de l'année à venir et non à partir de dépenses pluriannuelles, conformément aux principes d'annualité budgétaire et d'autorisation parlementaire .

Certains observateurs pourraient alors opposer qu'il suffirait de réserver les SLB à des maturités très courtes, sur la durée d'une législature par exemple. Cette proposition, outre qu'elle ne résout pas le problème d'un éventuel surcoût de la dette de l'État, ne tient pas compte du fait que, dans le domaine de la transition environnementale, il est difficile de fixer des indicateurs de court-terme, sauf à ce que l'État soit d'ores et déjà sûr de les dépasser, ce qui ramène au risque de points de fuite (éco-blanchiment ) .

Pour le rapporteur spécial, les SLB, qui présentent l'avantage de concilier un but (environnemental ou durable) et un caractère financier , doivent être, au regard de leurs caractéristiques, réservés aux acteurs privés , sous la condition d'un encadrement strict de la fixation de leurs objectifs de performance (cf. infra ). Comme indiqué au rapporteur spécial par le représentant d'un SVT, les pays émergents peuvent également trouver un intérêt à y recourir, s'ils connaissent des difficultés à se financer ou à se fixer sur le long-terme des objectifs en matière de transition environnementale.

Recommandation n° 1 ( ministère de l'économie et des finances) : entamer une réflexion sur l'opportunité d'émettre une OAT verte indexée sur l'inflation française , après l'émission d'une OAT verte indexée sur l'inflation en zone euro, et assurer la diversité des titres pour pouvoir placer dans les meilleures conditions la dette française , dont le volume n'a cessé de s'amplifier. S'engager en revanche à ce que les titres jumeaux ou les sustainability-linked bonds, qui ne sont pas adaptés aux spécificités des émissions souveraines françaises, soient exclus des pistes de diversification.

II. ALORS QUE L'UNION EUROPÉENNE ENTEND HARMONISER LES STANDARDS APPLICABLES AUX OBLIGATIONS VERTES, LA FRANCE SE DOIT, POUR LA CRÉDIBILITÉ ET POUR LA QUALITÉ DE SES ÉMISSIONS, D'ADAPTER LE CADRE RÉGISSANT SES OAT VERTES AUX EXIGENCES LES PLUS ÉLEVÉES

L'une des principales interrogations qui se pose en matière d'émission d'obligations vertes porte sur leur objet même, à savoir pouvoir définir le périmètre des dépenses pouvant être qualifiées de « vertes » . S'ajoute une incertitude quant à la crédibilité des engagements des émetteurs à allouer les fonds levés à des projets ayant un ou des impacts favorables à l'environnement. C'est dans cette perspective, et avec l'objectif de proposer un référentiel commun harmonisé, que la Commission européenne a proposé une norme européenne sur les obligations vertes (« standard européen »).

A. POUR CONSERVER SON RÔLE PIONNIER EN EUROPE ET SUR LE MARCHÉ DES OBLIGATIONS VERTES SOUVERAINES, LA FRANCE DOIT S'ENGAGER À METTRE EN oeUVRE LE STANDARD EUROPÉEN SUR LES OBLIGATIONS VERTES

1. La proposition de la Commission européenne d'un standard commun sur les obligations vertes doit permettre d'harmoniser les normes applicables en la matière
a) Le standard européen sur les obligations vertes

La Commission européenne a présenté le 11 décembre 2019 le pacte vert européen, en soulignant la nécessité de mieux rediriger les flux financiers vers les investissements verts . Un mois plus tard, dans sa communication sur le plan d'investissement du pacte vert pour l'Europe, la Commission annonçait son intention d'élaborer et de mettre en oeuvre un standard européen en matière d'obligations vertes 35 ( * ) .

Ce standard, conçu comme volontaire , s'articule autour de quatre exigences : l'alignement des dépenses éligibles avec la taxinomie européenne, la publication de reporting réguliers, le contrôle des émissions par des vérificateurs indépendants et l'enregistrement de ces vérificateurs auprès de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA).

Le premier axe du standard est donc la mise en conformité avec le règlement du 18 juin 2020 36 ( * ) , plus connu sous le nom de taxinomie verte européenne .

La taxinomie européenne

La taxinomie européenne entend définir ce qui relève ou non d'une activité durable. L'article 3 du règlement du 18 juin 2020 dispose ainsi qu' une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental et donc alignée sur la taxinomie que si elle :

a) contribue substantiellement à un ou plusieurs des six objectifs environnementaux énoncés à l'article 9, à savoir l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution, et enfin la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes. Les articles 10 à 15 précisent les critères retenus pour apprécier la contribution substantielle d'une activité à chacun de ces objectifs ;

b) ne cause de préjudice important à aucun des objectifs environnementaux énoncés à l'article 9, et conformément à l'article 17 du règlement ;

c) est exercée dans le respect des garanties minimales prévues à l'article 18, à savoir les procédures mises en place par une entreprise pour s'aligner sur les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales et les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, y compris les principes et les droits fixés par les huit conventions fondamentales citées dans la déclaration de l'Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail et par la Charte internationale des droits de l'homme ;

d) est conforme aux critères d'examen technique établis par la Commission européenne , en application de l'article 19 du règlement.

Les articles 5 et 6 imposent des obligations de transparence aux produits financiers se présentant comme durables ou promouvant des caractéristiques environnementales, avec la publication des informations relatives aux objectifs environnementaux poursuivis, ainsi que d'une description de la façon et de la mesure dans laquelle les investissements sous-jacents au produit financier sont effectués dans des activités économiques pouvant être considérées comme durables, ou à défaut la publication d'une déclaration stipulant que les investissements sous-jacents ne causent pas de préjudice important ou qu'ils ne prennent pas du tout en compte les critères de l'Union européenne en matière d'activités économiques durables sur le plan environnemental.

L'article 8 impose aux entreprises soumises à l'obligation de publier des informations non financières d'inclure dans leur déclaration non financière consolidée les informations relatives à la manière et à la mesure dans laquelle les activités de l'entreprise sont associées à des activités économiques pouvant être considérées comme durables sur le plan environnemental (et donc alignées sur la taxinomie).

Enfin, l'article 19, qui dispose des exigences applicables aux critères d'examen technique, donne une base méthodologique à l'évaluation des activités par rapport à la taxinomie et prévoit surtout que ces critères excluent les activités de production d'électricité utilisant des combustibles fossiles .

Source : règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088

Dans le cadre de l'application de la taxinomie, deux étapes sont donc à distinguer pour les émetteurs : la détermination des activités potentiellement éligibles à la taxinomie (couvertes par son périmètre) puis l'identification des investissements effectivement alignés avec la taxinomie , et qui respectent donc les quatre critères énoncés à l'article 3 du règlement.

Sur son deuxième axe, celui du reporting , le standard européen sur les obligations vertes prévoit des processus de transparence et de reporting qui sont déjà mis en oeuvre en France. Le standard reprend ainsi l'un des principes clés édictés par l'ICMA et repris par la plupart des émetteurs : une approche par l'utilisation des fonds .

Selon le groupe d'experts techniques (TEG) 37 ( * ) , cette approche présente deux avantages : (1) une transparence accrue pour les investisseurs et l'obligation pour les émetteurs de mesurer leur impact environnemental, et (2) la possibilité pour tous les émetteurs, peu importe leur domaine d'activité, de recourir à une obligation verte pour financer leurs projets éligibles 38 ( * ) . Le standard européen présente ici des points communs avec le cadre français en proposant à la fois une vérification des dépenses éligibles et de l'allocation des fonds (seconde opinion) et une évaluation de l'impact des dépenses auxquelles sont adossées les obligations vertes .

Les troisième et quatrième axes d'évolution proposés dans le standard européen portent sur les fournisseurs de seconde opinion , qui seraient désormais désignés sous le terme de « vérificateur externe ». Les exigences à leur égard seraient renforcées, avec un enregistrement obligatoire auprès de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), des prérequis d'indépendance, de prévention des conflits d'intérêt et de compétence.

b) L'impératif d'un cadre robuste et exigeant pour conserver le « greenium »

L'émission d'OAT vertes présente indéniablement des avantages, que ce soit pour asseoir la crédibilité des engagements français en faveur de la lutte contre le changement climatique ou pour donner une impulsion au marché des obligations vertes. Elle offre aussi la possibilité pour la France de financer les dépenses vertes éligibles à un coût légèrement moindre que celui constaté pour les OAT conventionnelles .

C'est un aspect d'autant plus important que la France connait une situation d'endettement extrêmement élevé et que l'inflation et, dans une moindre mesure, la hausse des taux, devraient conduire à alourdir la charge de la dette d'au moins 10 milliards d'euros en 2022.

Ainsi, sur un plan strictement financier, l'émission d'obligations vertes peut se traduire, pour l'émetteur, par un greenium , une prime verte de l'ordre de quelques points de base , les investisseurs se montrant prêts à payer un peu plus pour des titres verts. L'existence même de ce greenium est débattue et son ampleur demeure difficile à déterminer. Toutefois, la quasi-totalité des personnes entendues par le rapporteur spécial s'accorde à dire que la France bénéficie aujourd'hui de cette prime verte, de l'ordre de deux à trois points de base du prix total et qui lui permet aussi de financer les efforts supplémentaires déployés pour la mise en oeuvre du cadre relatif aux obligations vertes. Le greenium serait de la même ampleur pour la Commission européenne et un peu plus élevé pour l'Allemagne ou le Danemark, du fait des modalités spécifiques de leurs émissions de titres verts (cf. supra ).

Plusieurs caractéristiques propres à la dette publique peuvent jouer dans la détermination du greenium . La crainte d'une concurrence entre émetteurs publics, renouvelée après l'annonce de l'émission par la Commission européenne de près de 250 milliards d'euros d'obligations vertes au titre du financement du plan de relance européen, doit tout d'abord être écartée. Les facteurs explicatifs doivent être recherchés ailleurs, du côté de la qualité de la dette , des titres émis et du cadre régissant l'émission des obligations vertes .

Le greenium peut ainsi dépendre de la liquidité de la dette, du dynamisme du marché secondaire et de la maturité des titres. Par exemple, sur le marché secondaire, les investisseurs ESG ont plutôt tendance à conserver leurs titres plus longtemps, favorisant de ce fait la formation d'un greenium . Quant à la maturité du titre, si les investisseurs estiment que le titre va rester un peu plus cher de deux ou trois points de base et qu'il ne va pas se déprécier, ils sont d'autant plus enclins à payer ce prix ; cet écart ne décourageant pas non plus les investisseurs de plus court horizon, qui pourraient l'être davantage avec un greenium de six ou sept points de base.

Le rapporteur spécial fait sienne l'observation du directeur général de l'AFT : le plus important est finalement moins l'ampleur du greenium que 1) sa stabilité dans le temps - pour éviter la spéculation sur les actifs verts - et 2) son maintien. Or, le maintien du greenium dépend le plus fortement, de l'avis de plusieurs personnes entendues, de la robustesse du cadre mis en place pour les obligations vertes et de la capacité à mettre en oeuvre les standards les plus rigoureux du marché, pour en assurer la crédibilité 39 ( * ) . C'est d'ailleurs l'une des principales conclusions de la Banque centrale européenne, reprise dans l'extrait de son futur rapport de stabilité financière 40 ( * ) . Elle note que seules les obligations vertes les plus sérieuses et ayant fait l'objet d'une évaluation externe bénéficient d'une prime verte .

2. La mise en oeuvre du standard européen, à la condition qu'il demeure adapté aux spécificités des émetteurs souverains, doit permettre à la France de conserver son avantage sur le marché des obligations vertes souveraines
a) La poche de flexibilité pour les émetteurs souverains, un impératif

La proposition de standard européen sur les obligations vertes contient, dans la version qui a fait l'objet d'un accord au Conseil et qui a été transmise au Parlement européen, une poche de flexibilité pour les émissions souveraines, notamment par rapport à l'alignement avec la taxinomie verte . La nécessité de tenir compte des spécificités des émetteurs souverains apparaissait clairement dans l'étude d'impact du standard européen 41 ( * ) .

La poche de flexibilité porterait sur la nature des dépenses . La taxinomie a en effet d'abord été pensée pour des investisseurs privés et n'inclut pas le financement d'activités telles que la recherche fondamentale, pourtant largement soutenue par les États dans la zone euro. Cette poche serait encadrée : si 20 % des actifs n'auraient pas besoin d'être alignés avec la taxinomie, ils devraient cependant ne pas non plus avoir un impact négatif sur l'un des six objectifs environnementaux .

Les activités inclues dans cette poche, et qui devraient au minimum, pour la France, contribuer de manière significative aux quatre objectifs nationaux identifiés dans le document-cadre des OAT vertes, pourrait faire l'objet d'une vérification, voire d'une certification, avec la validation des données utilisées.

Une autre proposition, qui apparait dans l'étude d'impact sur le standard et qui est défendue par la France, tient au type de dépenses auxquelles peuvent être adossées des obligations vertes souveraines. En effet, pour les dépenses prenant la forme de crédits d'impôt ou de subventions , il est quasiment impossible que l'État puisse affirmer avec certitude que tous les projets ainsi financés soient alignés avec la taxinomie, et en particulier avec le principe de ne pas causer de préjudice significatif. L'équilibre proposé est le suivant : l'émetteur souverain se contenterait de vérifier l'alignement de ces dépenses au niveau des termes généraux, sans qu'il ne soit ensuite obligé d'aller vérifier l'utilisation des fonds auprès de chaque entreprise et de chaque ménage .

Le texte doit désormais être examiné par le Parlement européen. Pour le rapporteur spécial, qui partage ici l'avis de plusieurs personnes auditionnées, il est impératif que le standard européen conserve son caractère volontaire et ne devienne pas complètement rigide à l'issue de son examen par le Parlement et des négociations institutionnelles (trilogues). Or, les premiers amendements votés en commission par les eurodéputés semblent indiquer le contraire, au risque de rendre le standard inapplicable ( le rapporteur spécial reviendra plus précisément sur cet enjeu en seconde partie ). Pour reprendre un adage populaire, dans ce domaine, le mieux est l'ennemi du bien .

Recommandation n° 2 ( ministère de l'économie et des finances, secrétariat général aux affaires européennes ) : s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen sur les obligations vertes, à ce qu'une poche de flexibilité d'au moins 20 % des actifs soit prévue pour les émetteurs souverains . Inclure également une approche en termes généraux pour la vérification de l'alignement sur la taxinomie des crédits d'impôts et des subventions éligibles (l'émetteur souverain n'aura pas à vérifier leur utilisation par chacun des bénéficiaires).

b) Mettre en oeuvre le standard européen et continuer d'apporter aux investisseurs « le meilleur des deux mondes »

Pour défendre la mise en oeuvre du standard européen sur les obligations vertes par la France, à la condition qu'une poche de flexibilité soit laissée aux émetteurs souverains , le rapporteur spécial rappellera cette formule du document-cadre de l'OAT verte et qui résume l'approche française adoptée depuis 2017 : il s'agit avant tout d'« apporter aux investisseurs le meilleur des deux mondes » , c'est-à-dire « accroître la liquidité de marché et contribuer à l'élaboration des meilleurs standards ». Pour défendre cette double ambition, la France doit de nouveau se montrer pionnière en reprenant le standard européen des obligations vertes , à la condition que son contenu final, tel qu'issu des trilogues, ne conduise pas à son incompatibilité avec les spécificités des émetteurs souverains.

La reprise de ce standard lui permettra de continuer à jouer un rôle de premier plan sur le marché des obligations vertes, en conservant son avance et en préservant la robustesse du cadre mis en place depuis 2017. De plus, et comme l'ont rappelé les représentants de WWF entendus par le rapporteur spécial, il ne faut pas négliger le signal qui serait envoyé aux acteurs financiers si un émetteur souverain , en particulier aussi important sur le marché des obligations vertes que la France, décidait de mettre en oeuvre le standard, avec vraisemblablement un effet d'entrainement sur d'autres émetteurs publics ou privés .

Par ailleurs, la compatibilité des documents cadres aux standards internationaux est amenée à être de plus en plus surveillée par les vérificateurs. Les représentants de S&P's ont ainsi expliqué qu'ils essayaient d'aller progressivement un peu plus loin que la simple vérification de l'alignement des processus mis en oeuvre par les émetteurs avec les principes édictés par l'ICMA ou avec les meilleures pratiques du marché. Les fournisseurs de seconde opinion s'intéresseraient ainsi de plus en plus à la stratégie globale de l'émetteur et à l'alignement des dépenses éligibles sur des labels ou sur des taxinomies, incluant ainsi une dimension plus qualitative à leur grille d'analyse. Mettre en oeuvre le standard européen pourrait donc contribuer à renforcer encore le niveau d'assurance du vérificateur lors de l'actualisation de sa seconde opinion sur les OAT vertes françaises.

Rien n'oblige toutefois la France à reprendre ce standard dès son adoption. Ainsi, même le document cadre des obligations vertes émises par la Commission européenne ne coïncide pas exactement avec le contenu du standard européen en matière d'obligations vertes, et donc encore moins avec la taxinomie européenne. Pour citer les termes utilisés par la Commission, « le cadre est aligné, dans la mesure du possible, sur la norme des obligations vertes européennes » 42 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime que, dans un premier temps, la France doit s'imposer la même obligation de moyens avant de reprendre complètement, d'ici deux à trois ans, et sous les réserves précédemment énoncées, le standard européen . La Commission semble également reconnaître l'intérêt de conserver une poche de flexibilité au sein du standard et par rapport à la taxinomie, en expliquant que l'absence d'alignement total permet « le financement d'un ensemble plus large d'investissements verts » que ceux qui seraient permis par la taxinomie 43 ( * ) .

Le standard européen sur les obligations vertes pourrait par ailleurs être moins exigeant sur certains aspects que le cadre français, par exemple sur le contrôle du rapport d'allocation et de performance des obligations vertes souveraines. Le rapporteur spécial recommande de nouveau de ne retenir que le « meilleur des deux mondes » et de reprendre les exigences les plus élevées . Dans un contexte de finances publiques dégradées et de profonde incertitude sur l'évolution du contexte économique et sur notre capacité à répondre aux défis de la transition environnementale, il est impératif de faire en sorte que la France mette toutes les chances de son côté pour préserver son modèle de financement.

Recommandation n° 3 ( ministère de l'économie et des finances ) : à la condition qu'une poche de flexibilité soit prévue, s'engager à ce que la France, pour l'émission de ses OAT vertes, mette en oeuvre d'ici trois à cinq ans le standard européen sur les obligations vertes. Pour les aspects qui ne seraient pas couverts par le standard, conserver les exigences du cadre français actuel.

Un dernier point d'alerte sur l'adoption du standard européen a trait aux décisions qui seront prises ces prochaines années par la Banque centrale européenne (BCE) concernant les actifs verts. En effet, si la levée de dette publique verte répond à une stratégie de placement de la dette auprès des investisseurs, elle permet aussi d' envoyer un signal au marché , en incitant les investisseurs privés à suivre l'exemple de l'émetteur souverain et à réallouer une partie de leurs capitaux vers des titres ou des projets plus verts.

Or, dans ce cadre, la politique monétaire a un rôle à jouer : la Banque centrale européenne peut par exemple moduler les décotes sur les actifs qu'elle accepte en garantie, suivant par exemple leur caractère vert.

C'est d'ailleurs pour partie ce qu'a annoncé la BCE le 4 juillet 2022, dans sa communication sur les mesures prises par l'institution pour intégrer le changement climatique à ses opérations de politique monétaire , et notamment d'abord pour les entreprises (cf. infra ).

Plusieurs personnes entendues par le rapporteur spécial se sont inquiétées de ce qu'un jour la BCE n'en vienne à ne plus prendre en compte au titre de ses achats d'obligations vertes que les seules obligations respectant le standard européen ou étant pleinement alignées avec la taxinomie européenne. Si ces options demeurent pour le moment écartées, une telle perspective doit d'autant plus inciter les émetteurs souverains à adapter leur cadre existant pour se placer en conformité avec la norme européenne.

B. POUR LES AUTRES ORGANISMES PUBLICS, LA MISE EN OEUVRE DU STANDARD EUROPÉEN SUR LES OBLIGATIONS VERTES NE CONSTITUERA PAS AUTOMATIQUEMENT LE CADRE LE PLUS ADAPTÉ POUR LEURS ÉMISSIONS

Après avoir entendu plusieurs acteurs publics (hors État) et institutionnels, le rapporteur spécial estime que la mise en oeuvre du standard européen sur les obligations vertes semble pour eux difficilement envisageable à court terme, eu égard aux spécificités de leurs émissions et des projets qu'ils financent .

1. De nombreux acteurs publics ou soutenus par l'État émettent des obligations vertes, sociales ou durables

Les acteurs publics hors État, que ce soit les collectivités territoriales, les agences publiques ou les entreprises publiques partiellement ou totalement soutenues par l'État se sont montrés parmi les acteurs les plus innovants en termes de diversification de leurs modes de financement. Les émissions d'obligations vertes, sociales ou durables (projets à la double vocation environnementale et sociale) forment désormais la très grande majorité de leurs émissions. La Caisse des dépôts et consignations étudierait également l'introduction des sustainability-linked bonds dans la gamme de ces instruments de financement ESG.

Les collectivités territoriales sont ainsi les premiers acteurs publics à avoir émis des obligations vertes, avec les régions Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Hauts-de-France en 2012, suivies d'entités soutenues par l'État. Dans son rapport sur la France en 2018 44 ( * ) , la Climate Bond Initiative relevait que « l'implication du Gouvernement français dans la finance verte sembl[ait] avoir eu une influence positive sur les entités appartenant entièrement ou partiellement à l'État » et citait comme exemple EDF, SNCF Réseau, la RATP ou encore la Caisse des dépôts. L'organisation relevait également l'utilisation « excellente » des avis externes, près de 97,5 % des émissions en volume ayant alors fait l'objet d'une seconde opinion. 84 % des obligations avaient fait l'objet d'une déclaration sur l'utilisation des fonds levés, un pourcentage certes inférieur à celui constaté sur d'autres marchés européens, mais qui ne devait pas masquer la qualité généralement plus élevée de ces rapports.

La Société du Grand Paris (SGP) est enfin l'un des rares acteurs publics à pouvoir être reconnu pour sa signature 100 % verte dans sa stratégie d'émissions. Elle s'est dotée d'un document-cadre pour ses émissions d'obligations vertes, mandate régulièrement un vérificateur (seconde opinion) et procède à la certification de ses obligations par la Climate Bond Initiative .

2. La taxinomie européenne et le standard européen sur les obligations vertes, conçus en priorité pour les acteurs privés, ne tiennent pas compte des spécificités de ces acteurs publics

L'un des points communs de la taxinomie verte et du standard européen sur les obligations vertes est la très grande importance accordée au travail d'analyse de l'impact environnemental des activités éligibles et des fonds levés . De telles évaluations supposent la mise en place de procédures de remontées d'information robustes .

Or, si les entreprises, et notamment les plus grandes d'entre elles, ont déjà investi dans ce coût documentaire et de reporting , eu égard aux obligations qui leur incombent d'ores et déjà en la matière (documentation extra-financière), tel n'est pas le cas par exemple des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics. Le directeur général de la SFIL a ainsi estimé, lors de son audition, que l'organisation ne serait pas en mesure de ne proposer que des obligations totalement alignées sur la taxinomie, les procédures de remontées d'information étant trop lourdes à mettre en place pour la plupart des collectivités .

La nomenclature budgétaire utilisée par les collectivités pour classer leurs dépenses apparaît en ce sens peu adaptée à ces remontées d'informations . Un exemple a été donné au rapporteur spécial : la rénovation BBC (bâtiment basse consommation) d'un lycée est inscrite en tant que dépense de formation, sans aucune composante environnementale.

Le reporting étant toutefois un aspect fondamental pour la crédibilité des obligations vertes comme durables, le rapporteur spécial estime qu' il ne faut pas entièrement renoncer à la mise en place de processus de reporting par les collectivités territoriales ni même à l'introduction de davantage de rigueur dans l'identification des dépenses éligibles , par exemple par l'intermédiaire d'un budget vert qui reposerait sur une nomenclature budgétaire différente.

En effet, les règles européennes, qui durcissent le cadre applicable aux obligations vertes, vont a minima avoir un impact indirect sur le financement des projets des collectivités territoriales, en renforçant les exigences des investisseurs à leur égard. Ainsi, il ne sera plus suffisant de faire du « vert par destination » , en s'appuyant sur le seul fait que la majeure partie des projets d'investissement des collectivités ont a priori, au regard de leurs domaines de compétence, un impact environnemental et/ou social positif. Il faudra au contraire également démontrer que ce qui est financé est bien vert , en amont et en aval, avec éventuellement des rapports d'allocation et d'analyse d'impact.

C'est une lecture confirmée par la Caisse des dépôts : un financement octroyé à une collectivité locale mais non fléché sur une thématique donnée ne peut pas passer le filtre de l'éligibilité taxinomique, avant même toute analyse de son alignement. Sans exigences minimales de transparence, il est à craindre que les collectivités se heurtent à des difficultés de financement par l'émission d'obligations vertes ou durables.

Recommandation n° 4 ( ministère de l'économique et des finances, ministères chargés de la transition écologique et des collectivités territoriales, régions et départements ) : si les collectivités territoriales veulent continuer à recourir aux financements verts et bénéficier de leurs avantages, alors elles doivent procéder à l'identification, dans leurs comptes, des dépenses ayant un impact favorable sur l'environnement. Ce travail d'identification pourrait s'appuyer sur une modification de la nomenclature budgétaire.

Une deuxième difficulté porte sur le champ des dépenses éligibles et/ou alignées sur la taxinomie . En effet, plusieurs secteurs sont aujourd'hui exclus de la taxinomie, soit parce qu'ils sont à l'origine d'une part importante des émissions de gaz à effet de serre, ce qui se justifie pleinement au regard des ambitions du règlement, soit parce qu'ils sont jugés globalement neutres, alors même qu'une partie des activités en leur sein pourrait être alignée sur la taxinomie. Ce pourrait être le cas par exemple pour le tourisme, un secteur absent jusqu'ici de la taxinomie mais pourtant fortement soutenu par des investisseurs institutionnels ou par les collectivités territoriales.

À titre intermédiaire, et comme il a pu le proposer pour les émissions d'OAT vertes, le rapporteur spécial estime que des émetteurs tels que la Caisse des dépôts ou la SFIL pourraient davantage être soumis à une obligation de moyens , celle de faire coïncider le plus possible leur cadre d'émission d'obligations vertes et durables avec le standard européen et l'alignement sur la taxinomie, sans y adhérer totalement . Dans leurs rapports d'activité, ces émetteurs pourraient utiliser une « double taxinomie », en indiquant la part des fonds levés par le biais d'obligations vertes et durables et totalement alignées avec la taxinomie européenne, et la part des fonds qui ne rentrent pas totalement dans la taxinomie mais qui respectent les objectifs (ex. les objectifs de développement durable de l'ONU pour la Caisse des dépôts) et les standards repris par l'émetteur (ex. les Green Bond Principles de l'ICMA, utilisés par exemple par la SFIL).

Une troisième difficulté tient au fait que le règlement 2020/852 ne s'applique, en plus qu'aux acteurs des marchés financiers et aux émetteurs, qu'aux entreprises qui sont soumises à l'obligation de publier une déclaration non financière 45 ( * ) , à savoir les entreprises de plus de 500 salariés 46 ( * ) .

Concrètement, cela signifie que les investisseurs institutionnels, tels que la Caisse des dépôts ou encore Bpifrance, ne pourraient inclure dans leur analyse de durabilité et dans la mesure de leur alignement avec la taxinomie que les fonds octroyés à ces grandes entreprises. Un prêt vert à destination d'une petite ou moyenne entreprise ne serait pas, en l'état actuel, comptabilisé comme aligné sur la taxinomie.

Un alignement total à la taxinomie et au standard européen n'apparait dès lors pas opportun : pour les collectivités territoriales le coût administratif pourrait être rédhibitoire, pour les investisseurs institutionnels il pourrait fragiliser leurs missions de soutien à l'économie.

Recommandation n° 5 ( acteurs publics et parapublics apportant des solutions de financement aux collectivités territoriales et aux petites entreprises ) : intégrer, dans les rapports d'activité des acteurs publics et institutionnels ne pouvant proposer des obligations finançant des projets totalement alignés sur la taxinomie verte européenne, deux calculs de l'alignement taxinomique , le premier par rapport à la taxinomie européenne, le second par rapport à la propre grille d'analyse de l'émetteur.

III. SUR LE PÉRIMÈTRE DES DÉPENSES ÉLIGIBLES AUX OAT VERTES, LA FRANCE DOIT FAIRE PLUS ET DOIT FAIRE MIEUX

Le bilan des OAT vertes est indéniablement positif : le cadre mis en place par la France est robuste, les engagements sont crédibles, le dispositif d'évaluation de l'impact des dépenses éligibles aux OAT vertes est exigeant, les conditions de financement de ces titres sont très favorables. Partant de ce constat, le rapporteur spécial estime, au regard du coût de la transition environnementale et du coût de la dette, qu' il serait opportun d'augmenter le volume des dépenses éligibles, tout en garantissant leur qualité .

A. FAIRE PLUS : INCITER, SELON UNE LOGIQUE PLURIANNUELLE, L'ENSEMBLE DES MINISTÈRES ET DES OPÉRATEURS À IDENTIFIER LEURS DÉPENSES ÉVENTUELLEMENT ÉLIGIBLES AUX OAT VERTES

Dans la gestion des OAT vertes et de leur encours, l'enjeu pour l'AFT est de veiller à ce que le montant d'émissions demeure inférieur à l'enveloppe de dépenses vertes éligibles. À défaut, la France contreviendrait aux pratiques de marché et aux attentes des investisseurs, au risque de dégrader les conditions de financement des dépenses auxquelles sont adossées les OAT vertes. Émettre davantage d'OAT vertes suppose donc d'abord d'identifier en amont les dépenses éventuellement éligibles .

La mise en place du budget vert a contribué à cet effort : l'évaluation quasi systématique des dépenses de l'État au regard de leurs effets sur l'environnement a permis d' identifier de nouvelles dépenses éligibles en 2020 , dont des dépenses d'aide publique au développement, des dépenses de recherche dans le domaine des sciences de l'environnement et une dépense fiscale, le taux de TVA réduit pour les travaux d'amélioration énergétique 47 ( * ) . Conformément à une recommandation formulée par Vigeo Eiris, la liste des nouvelles lignes de dépenses éligibles avait été soumise à l'approbation du Conseil d'évaluation des OAT vertes 48 ( * ) .

Le budget vert

La production du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État (« budget vert ») par le Commissariat général du développement durable s'appuie sur les travaux de l'Inspection générale des finances, suite à l'adoption d'un amendement au projet de loi de finances 2019 prévoyant que le Gouvernement présente désormais, en annexe du projet de loi de finances de l'année, un « budget vert » 49 ( * ) .

Trois impératifs devaient être conciliés : intégrer l'ensemble des dépenses de l'État , rendre compte de la diversité des objectifs environnementaux et recenser tant les dépenses favorables que les dépenses défavorables . Pour chacun d'entre eux, la mission a dû procéder à plusieurs arbitrages méthodologiques , alors que la production d'un budget vert est encore extrêmement rare, et ce même si la Commission européenne et l'OCDE 50 ( * ) tentent d'inciter leurs États membres à adopter des lignes directrices en la matière.

Six axes environnementaux sont retenus dans le budget vert et sont directement inspirés de la taxinomie européenne : 1) la lutte contre le changement climatique, 2) l'adaptation au changement climatique, 3) la gestion des ressources en eau, 4) la transition vers une économie circulaire, la gestion des déchets et la prévention des risques technologiques, 5) la lutte contre les pollutions de l'eau, de l'air et des sols, 6) la préservation de la biodiversité et la protection des espaces naturels, agricoles et sylvicoles.

Les dépenses sont classées sur chacun de ces six axes et sont ensuite cotées , de défavorable (catégorie - 1) à très favorable (catégorie 3). La catégorie 0 correspond aux dépenses neutres, qui recouvrent deux notions très distinctes : soit l'impact de la dépense est effectivement neutre par rapport aux objectifs fixés, soit il ne peut être évalué faute de données disponibles 51 ( * ) . Le périmètre de la cotation est celui de l'objectif total de dépenses de l'État (Odete).

Source : Inspection générale des finances, « Green budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale », septembre 2019 ; rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État , annexé au projet de loi de finances pour 2022

En 2022, les dépenses vertes, c'est-à-dire favorables sur au moins un axe environnemental sans être défavorables par ailleurs, s'élèveraient à 32,5 milliards d'euros hors crédits du plan de relance , contre 29,8 milliards d'euros en 2020 et 31,4 milliards d'euros en 2021.

Les principales dépenses favorables à l'environnement
dans le projet de loi de finances pour 2022 52 ( * )

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État , annexé au projet de loi de finances pour 2022

Il est clair que la France dispose encore dans son budget de marges de manoeuvre pour accroître le volume des dépenses éligibles aux OAT vertes . Les objectifs climatiques et environnementaux ne sont désormais plus l'apanage des administrations du ministère chargé de la transition écologique mais sont transverses à l'ensemble des ministères, administrations, établissements et opérateurs publics. La plupart d'entre eux s'engagent par ailleurs dans une démarche dite de « services publics éco-responsables », ce qui nécessite également des investissements.

Pour disposer de la plus grande visibilité possible en la matière, avec une vision pluriannuelle couvrant l'ensemble des acteurs publics, le rapporteur spécial propose que les ministères et leurs administrations, ainsi que les opérateurs et les établissements publics, s'engagent à transmettre, d'ici au premier semestre 2024, un plan de moyen terme (PMT). Ce PMT retracerait l'ensemble des dépenses potentiellement vertes et éligibles que l'entité concernée estime nécessaire pour verdir son budget et assurer sa transition, en s'engageant sur la maîtrise de ses autres dépenses.

Le Commissariat général au développement durable (CGDD) serait chargé d'accompagner les ministères, les établissements et les opérateurs n'ayant pas les compétences nécessaires pour construire ce plan de moyen terme. Le CGDD joue déjà un rôle clé dans l'identification des dépenses éligibles et dans l'évaluation des dépenses auxquelles sont adossées les OAT vertes, il doit désormais devenir une véritable direction du budget vert , en renforçant ses missions en amont de la sélection et de l'allocation des fonds.

Recommandation n° 6 (ministères, opérateurs publics) : demander à chaque ministère et à chaque opérateur, en vue du projet de loi de finances 2024, de réaliser en coordination avec le commissariat général au développement durable un plan à moyen terme , à horizon de trois années, permettant d'identifier l'ensemble des dépenses auxquelles pourraient être adossées les OAT vertes. Actualiser ces plans tous les ans. Intégrer cette vision prospective dans le budget vert, en mesurant et en justifiant chaque année les écarts entre les dépenses projetées et celles réalisées.

Derrière cette recherche des dépenses éligibles, s'entrevoit également un raisonnement financier : les OAT vertes bénéficient d'un prix légèrement supérieur, avec une prime verte d'une ampleur certes limitée à quelques points de base, mais qui n'en reste pas moins importante au regard des montants émis. Or, les conditions de financement ont commencé à se resserrer, avec la réduction par la BCE de ses achats d'actifs et une forte progression des taux depuis le début de l'année 2022. Identifier davantage de dépenses éligibles permettrait de recourir davantage aux OAT vertes et de profiter de ce léger écart de prix.

D'après les SVT entendus par le rapporteur spécial, un doublement voire un triplement des dépenses vertes éligibles serait sans aucun doute absorbable par le marché et rencontrerait une demande élevée . Il vaut mieux également, pour pouvoir répondre aux défis de demain et tenir nos objectifs environnementaux, émettre dès maintenant de la dette verte et commencer à financer notre transition. C'est d'autant plus important que le coût de la transition et de l'adaptation au changement climatique pour nos sociétés est amené à s'accroître au fur et à mesure que les échéances se rapprochent pour tenir nos engagements climatiques.

Le rapporteur spécial propose également que ce travail sur le volume des dépenses éligibles s'accompagne en parallèle de l'ajout d' indicateurs de « verdissement » des programmes des missions budgétaires , indicateurs qui tiendraient compte des dépenses identifiées dans le cadre des plans de moyen terme et qui permettraient de donner une vision pluriannuelle de leur évolution. Le CGDD, en tant que « direction du budget vert » pourrait piloter leur mise en place. À noter, la direction du budget et le ministère de la transition écologique travaillent aujourd'hui à l'intégration dans le projet de loi de finances pour 2023 d' indicateurs de performance liés à la démarche « services publics éco-responsables » .

Une modification des indicateurs de performance des programmes dotés de crédits correspondant à des dépenses éligibles auxquelles sont adossées les OAT vertes pourrait également être envisagée . Aujourd'hui, les indicateurs de performance sont assez sommaires : ils décrivent par exemple le nombre de bénéficiaires d'un crédit d'impôt, d'une dépense fiscale ou d'une subvention ou ils portent sur l'ensemble des crédits éligibles d'une action, même si, in fine , seule une partie de ces crédits relèvent des dépenses allouées aux OAT vertes pour l'année en cours. Ils sont donc encore loin, contrairement à ce que peut affirmer le Gouvernement dans le budget vert, de « qualifier l'efficience environnementale » de ces dépenses 53 ( * ) . C'est au contraire l'objectif qui doit désormais être poursuivi.

Recommandation n° 7 (responsables de programme) : inclure, pour chaque programme budgétaire pour lequel la démarche est pertinente et d'ici au projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de verdissement des crédits qu'ils portent . Ces indicateurs tiendraient compte des dépenses identifiées dans le cadre des plans de moyen terme et illustreraient la démarche éco-responsable des administrations concernées. Modifier ou ajouter, d'ici le projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de performance portant sur l'efficience environnementale des dépenses adossées aux OAT vertes.

B. FAIRE MIEUX : DISPOSER DU RÉFÉRENTIEL LE PLUS PRÉCIS POSSIBLE POUR LES DÉPENSES ÉLIGIBLES, EN VISANT À LONG TERME UN ALIGNEMENT SURLA TAXINOMIE EUROPÉENNE

Il est impératif que l'augmentation du volume des dépenses éligibles pour l'émission des OAT vertes ne se fasse pas au détriment de la qualité du processus de sélection de la dépense . Le rapporteur spécial défend la mise en oeuvre, par étapes successives, d'une grille d'analyse plus fine pour l'identification de ces dépenses éligibles, afin de ne conserver que celles considérées comme étant les plus efficientes pour atteindre les objectifs fixés par la France dans son document-cadre des OAT vertes.

1. À court terme, assurer une parfaite coïncidence entre les dépenses éligibles aux OAT vertes et les dépenses favorables à l'environnement identifiées dans le budget vert

Le directeur de l'Agence France Trésor a expliqué lors de son audition que la première édition du budget vert avait permis de vérifier de manière empirique que la comptabilisation des dépenses éligibles pour l'OAT verte n'avait pas conduit à l'exclusion de certaines dépenses ayant pourtant un impact favorable sur l'environnement.

En sens inverse, il s'agit également de vérifier que toutes les dépenses retenues pour les émissions d'OAT vertes bénéficient bien d'une cotation positive au sein du budget vert. C'est à plus de 95 % le cas : le différentiel s'explique par la granularité plus fine retenue pour la sélection des dépenses éligibles aux OAT vertes par rapport à celle utilisée pour le budget vert : ce dernier est construit autour des actions, voire des sous-actions (budgétaires), tandis que le processus pour les OAT vertes peut permettre de ne sélectionner que des parties d'actions.

Des progrès ont depuis été accomplis pour rapprocher les deux référentiels, aux caractéristiques finalement assez proches. Par exemple, au-delà de la mesure de l'impact sur les six objectifs environnementaux susmentionnés, la méthodologie du budget vert reprend pour partie celle des OAT vertes, en rattachant chaque dépense à un secteur d'activité (agriculture, sylviculture et pêche ; transports ; bâtiments et travaux publics ; production d'énergie et industrie ; protection de l'environnement ; recherche et expertise).

Pour le rapporteur spécial, il convient donc désormais de progresser vers une coïncidence à 100 % entre les dépenses vertes identifiées dans le budget vert et les dépenses éligibles aux OAT vertes . Pour ce faire, un tamis plus fin doit être adopté dans le cadre du budget vert, et ce afin de ne pas exclure des dépenses du champ des OAT vertes. Une seule exception pourrait être envisagée et concernerait les taxes affectées : sont en effet exclues du champ des dépenses éligibles aux OAT vertes toutes les dépenses qui pourraient donner lieu à un risque de double-compte, et notamment donc celles qui sont financées par des taxes affectées.

Cet alignement entre les deux référentiels doit être un objectif de court terme (projet de loi de finances pour 2025). D'ici à cette échéance, il serait souhaitable d'inclure, dans le rapport d'allocation et de performance des OAT vertes, voire également dans le budget vert, la « matrice de passage » permettant de passer des dépenses favorables à l'environnement (budget vert) aux dépenses éligibles (OAT vertes), accompagnée d'une justification des écarts de périmètre.

Recommandation n° 8 ( ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable) : d'ici au projet de loi de finances pour 2025, prévoir que le périmètre des dépenses vertes identifiées dans le budget vert coïncide avec celui des dépenses éligibles aux OAT vertes. D'ici là, inclure dans le rapport d'allocation de l'OAT verte et dans le budget vert une « matrice de passage » entre ces deux référentiels, avec une justification des différences de périmètre.

2. À moyen terme, viser un alignement des dépenses éligibles aux OAT vertes avec la taxinomie européenne, sous réserve d'une poche de flexibilité

En adoptant le standard européen sur les obligations vertes, sous la condition préalablement établie du maintien d'une poche de flexibilité pour les émetteurs souverains, la France s'engagerait à plus long terme sur l'alignement des dépenses éligibles sur la taxinomie européenne . Ce rapprochement est appelé de ses voeux par l'ICMA qui, dans la version 2021 des Green Bond Principles , « encourage, lorsque cela est pertinent, la communication d'informations sur le degré d'alignement des projets avec les taxonomies officielles ou élaborées par le marché ». De même, la Climate Bond Initiative , membre observateur du Conseil d'évaluation des OAT vertes, demande, par l'intermédiaire de son président, que la liste des dépenses éligibles se rapproche de la taxinomie verte européenne. Il faut enfin s'attendre à ce que les investisseurs qui détiennent des OAT vertes demandent un tel alignement, ne serait-ce que pour faciliter leur propre reporting de durabilité.

Plusieurs facteurs sont de nature à envisager un tel rapprochement à moyen terme . Tout d'abord, le budget vert, dont le périmètre des dépenses favorables à l'environnement doit à court terme coïncider avec les dépenses éligibles aux OAT vertes, s'appuie, pour ses six axes d'impact, sur les six objectifs environnementaux retenus par la taxinomie.

Ensuite, s'il est vrai qu'il y a eu d'importantes inquiétudes autour du sort réservé au gaz et au nucléaire dans la taxinomie européenne - ces deux sources d'énergie étant finalement présentes dans l'acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques 54 ( * ) - ces inquiétudes doivent être relativisées dans le cadre des émissions des obligations vertes souveraines 55 ( * ) . En effet, la France a exclu de son référentiel d'éligibilité des dépenses aux OAT vertes plusieurs secteurs jugés trop controversés pour les investisseurs, écartant ainsi les activités liées aux combustibles fossiles, à l'armement et au nucléaire. Cette exclusion devait prévenir tout risque de polémique sur le cadre français, toujours dans l'objectif de pouvoir émettre la dette française dans les conditions les plus favorables possibles (prix, demande).

Ainsi, même si la taxinomie intégrait le gaz et le nucléaire, et que le standard européen était adopté par la France, la question du financement de ces activités par les OAT vertes ne se poserait pas.

Il est vrai toutefois que la mise en conformité totale des dépenses éligibles à l'OAT verte à la taxinomie européenne pose plusieurs autres difficultés à court terme :

- des difficultés méthodologiques d'abord, liées au manque de données statistiques et à l'absence de processus de remontées d'information ;

- et des difficultés opérationnelles , avec l'absence de certains secteurs dans la taxinomie 56 ( * ) . Le projet d'acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques 57 ( * ) identifie en effet les activités économiques éligibles par leur code NACE (nomenclature statistique européenne des activités économiques), ce qui pose par ailleurs un autre problème, celui de l' absence de matrice de passage entre les lignes budgétaires et ces codes , utilisés par la taxinomie.

Il y a donc, avant l'adoption du standard européen et l'alignement sur la taxinomie, tout un ensemble de processus techniques à tester et à mettre en oeuvre .

À titre intermédiaire, le rapporteur spécial propose de publier, au sein du rapport d'allocation et de performance, la part des dépenses éligibles que le Gouvernement estime alignée sur la taxinomie européenne . C'est d'ailleurs la position retenue par la Commission européenne pour ses obligations vertes dans le cadre du financement du plan NexGenerationEU 58 ( * ) . Cette identification serait effectuée en parallèle de la « taxinomie interne » à la France qui permettrait d'identifier les activités contribuant pour une grande partie aux objectifs nationaux rappelés dans le document-cadre des OAT vertes.

En complément, et cette fois-ci en aval de l'émission et de l'allocation des fonds, les rapports d'évaluation de l'impact des dépenses éligibles pourraient désormais inclure systématiquement un développement sur les dépenses alignées avec la taxinomie , sans pour autant supprimer les autres informations utiles aux investisseurs. Le rapport d'évaluation remis en 2021 sur le programme d'investissement d'avenir a fait un premier pas dans cette direction en proposant une analyse de l'alignement des projets sur la taxinomie européenne.

Le rapport d'évaluation d'impact environnemental sur le programme d'investissement d'avenir et la taxinomie verte européenne

Le rapport d'évaluation sur le PIA, publié en 2021, a porté sur deux programmes opérés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : les démonstrateurs de la transition énergétique et le développement des véhicules du futur. Les financements de ces deux programmes font partie des dépenses de l'État adossées aux OAT vertes depuis 2017 et ont représenté, entre 2016 et 2019, 505 millions d'euros, pour 262 projets.

Les évaluateurs ont cherché, dans ce rapport d'impact, à mesurer le degré d'alignement des projets financés par le PIA à la taxinomie européenne, en s'appuyant sur la publication par la Commission européenne de l'acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques. 79 % des projets étudiés sont issus d'activités couvertes par la taxinomie européenne sur ses objectifs climatiques . Parmi ces 119 projets, 22 (18 %) ne sont pas en conformité avec les critères définis par la taxinomie pour définir une activité durable, au sens des objectifs climatiques . Les auteurs relèvent toutefois que ces projets pourraient contribuer aux quatre autres objectifs identifiés dans le cadre de la taxinomie, mais pour lesquels les actes délégués n'avaient pas encore été publiés. Huit projets (6 %) ne peuvent par ailleurs pas être analysés, faute des données nécessaires.

Une fois définies les projets éligibles, les évaluateurs ont cherché à identifier ceux qui seraient alignés sur la taxinomie , c'est-à-dire ceux qui apporteraient une contribution substantielle à un ou à des objectifs environnementaux, telle que définie par les critères techniques d'examen mis en place par la Commission européenne, et qui, dans le même temps, ne causeraient pas de préjudice important sur les autres objectifs. 82 projets sur les 89 éligibles ne sont pas accompagnés de suffisamment d'informations pour passer le premier critère d'alignement, à savoir la contribution substantielle aux objectifs climatiques.

À noter, le Conseil d'évaluation des OAT vertes avait également proposé de partager les résultats de cette étude avec la Commission européenne et la Plateforme sur la finance durable de l'Union européenne, le groupe de parties prenantes chargé de conseiller la Commission européenne sur la taxinomie verte (auparavant le TEG). Selon le CGDD, les évaluations mises en place par la France permettent en effet de formuler de nombreuses recommandations sur les méthodologies d'évaluation, qui s'adressent autant aux opérateurs évalués qu'aux autorités européennes chargées de définir le futur cadre applicable aux obligations vertes et à la finance durable de manière plus générale .

Source : rapport d'évaluation d'impact sur la stratégie d'innovation du PIA , 26 novembre 2021

Recommandation n° 9 (ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable ) : aligner, à moyen terme, les dépenses éligibles aux OAT vertes, et donc les dépenses favorables à l'environnement identifiées dans le budget vert, sur la taxinomie verte européenne. Cette exigence découle de la recommandation n° 3 relative à la mise en oeuvre du standard européen sur les obligations vertes par la France pour ses OAT vertes, à la condition qu'une poche de flexibilité soit bien maintenue. D'ici à cet alignement, prévoir que les rapports d'allocation des OAT vertes et d'évaluation de l'impact environnemental des dépenses éligibles qui y étaient adossées comprennent une partie consacrée à l'analyse de l'alignement avec la taxinomie.

3. À plus long terme, exclure des dépenses éligibles les dépenses de fonctionnement, à l'exception de celles ayant un impact direct sur l'un des quatre objectifs poursuivis par les OAT vertes

Au regard du niveau de la dette publique française, et des critiques qui pèsent sur les dépenses qu'elle finance, le rapporteur spécial s'est interrogé sur la pertinence d'exclure, d'ici quelques années, les dépenses de fonctionnement des dépenses éligibles aux OAT vertes . Or, la distinction budgétaire traditionnelle par titre de dépenses n'est pas le référentiel le plus adapté pour les dépenses vertes : ne retenir que les dépenses d'investissement et les dépenses d'intervention conduirait à exclure des dépenses visant à l'entretien de certains équipements ou à la protection de la biodiversité.

Le rapporteur spécial considère en effet que la préservation de la biodiversité est un objectif absolument fondamental pour justifier la sélection de dépenses éligibles aux OAT vertes , et que les montants alloués pourraient être renforcés, y compris pour des acteurs dont ce n'est pas le coeur de métier premier, en témoigne l'exemple de Voies navigables de France (VNF).

Voies navigables de France
et la préservation de la biodiversité

Voies navigables de France se définit comme l'opérateur national de l'ambition fluviale, avec trois grandes missions au service du public : la promotion de la logistique fluviale, la participation à l'aménagement du territoire et la gestion globale de l'eau, dans une logique de durabilité. L'établissement dispose d'un budget en 2022 de 734 millions d'euros, la subvention pour charge de service public s'élevant à 244 millions d'euros en 2022, un montant inchangé depuis 2017.

Dans le cadre de son contrat d'objectifs et de performance couvrant la période 2020-2029, VNF s'est engagé à déployer plusieurs axes stratégiques de travail contribuant directement à sa mission en faveur du développement durable. L'un de ces objectifs stratégiques est de préserver la biodiversité, que ce soit à travers la gestion des espèces exotiques envahissantes, la mise en place de passes à poissons ou à faune ou encore la sauvegarde des zones humides. VNF a ainsi défini un programme de mise en conformité des ouvrages pour renforcer la continuité écologique, en se fixant un taux de 3 % des ouvrages en conformité d'ici 2022, et 10 % d'ici 2029.

C'est un rôle sans doute plus inattendu pour cet opérateur, dont la mission première demeure la valorisation du fluvial. Pour autant, c'est aussi au regard de cet objectif que la subvention de VNF éligible à l'OAT verte a été évaluée en 2019, dans le cadre du rapport d'évaluation d'impact. La majorité des dépenses de VNF en faveur de la biodiversité relève de dépenses de fonctionnement : entretien pour lutter contre les plantes invasives, dragage pour vider les infrastructures, abattage des arbres malades et replantage le long du canal du Midi, etc.

Source : audition des représentants de Voies navigables de France et réponses de VNF au questionnaire du rapporteur spécial

Les autorités publiques ont en effet un rôle important à jouer en matière de préservation de la biodiversité, un objectif beaucoup plus difficile à mesurer pour les acteurs et les investissements du secteur privé. L'impact sur la biodiversité est en effet, pour une entreprise émettrice, beaucoup plus difficile à objectiver que les émissions carbone par exemple (cf. infra ).

La nature même des dépenses vertes appelle donc une grille d'analyse plus fine . Celle-ci conduirait d'une part à ne retenir que les dépenses pour lesquelles le Gouvernement dispose d'une assurance raisonnable quant à leur efficience environnementale , dans la lignée de ce que proposait le rapporteur spécial pour les indicateurs de performance (cf. supra ). D'autre part, elle ne retiendrait, pour les dépenses de fonctionnement, que celles relatives à l'installation ou à l'entretien d'équipements qui répondent à l'un des objectifs climatiques ou environnementaux définis dans le budget vert et/ou dans le document-cadre des OAT vertes (par exemple l'installation de passes à faune pour protéger la biodiversité).

Cette nouvelle matrice pourrait sans doute n'être mise en place qu'à un horizon d'au moins quatre à cinq ans , et ce pour deux raisons. Il faut d'abord laisser le temps nécessaire aux administrations, sous l'égide du Commissariat général au développement durable, de développer une méthodologie commune pour la mesure de l'efficience environnementale d'une dépense dite verte . Ensuite, et pour ne pas risquer de réduire brusquement le champ des dépenses éligibles aux OAT vertes, ce renforcement des exigences sur leur sélection ne doit se faire qu'une fois les plans de moyen terme établis, pour conserver un volume de dépenses éligibles élevé.

Recommandation n° 10 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : pour garantir la qualité de la dépense verte, prévoir, à horizon de cinq à six ans, que ne soient plus retenues dans le périmètre des dépenses éligibles aux OAT vertes que celles ayant démontré leur efficience environnementale. Exclure également les dépenses de fonctionnement , à l'exception de celles relatives à l'installation ou à l'entretien d'équipements répondant à l'un des objectifs environnementaux fixés dans le document-cadre des OAT vertes.

*

Ainsi, si le marché des obligations vertes demeure encore un marché restreint par rapport au marché obligataire 59 ( * ) , celui des obligations souveraines vertes l'est encore plus. Il constitue pourtant un point d'entrée sur les problématiques qui s'opposent aujourd'hui au développement de la finance durable , à savoir la définition de ce qu'est effectivement un actif « vert », la disponibilité de la donnée et sa certification, la crédibilité des engagements des acteurs financiers et non financiers en faveur de la transition environnementale. Ces interrogations se posent en effet avec d'autant plus d'acuité pour les acteurs privés qu'il n'existe pas, pour ce marché, d'autorité centralisatrice capable d'imposer aux acteurs un standard unique sur les trois axes que sont la définition du vert, la donnée et la crédibilité des engagements .

SECONDE PARTIE
LA FINANCE VERTE, UN JARDIN À L'ANGLAISE
EN QUÊTE D'UN ARCHITECTE

L'une des personnes entendues par le rapporteur spécial a décrit le monde des obligations vertes, et de la finance verte de manière large, comme un jardin à l'anglaise : un espace moins ordonné que le strict jardin à la française - assimilable ici au cadre prévu par les souverains pour leurs propres obligations vertes - et où la priorité est donnée à la multiplication des points de vue. Le foisonnement des labels, des standards, des agences de notation, des indices spécialisés, des coalitions d'investisseurs responsables, de superviseurs financiers et de banques centrales, des recommandations et des règles démontre certes le dynamisme du marché, mais rend aussi plus complexe l'instauration d'un cadre normalisé et fiable 60 ( * ) .

Or, alors que le financement de la transition environnementale se fait de plus en plus pressant, que des milliers de milliards d'euros de flux financiers doivent être réorientés vers des activités plus durables et que les actifs verts se développent en s'appuyant sur la crédibilité présumée des projets financés, il est désormais temps que ce jardin à l'anglaise retrouve un peu d'ordre et s'articule a minima autour de normes partagées sur le « vert » .

Plusieurs études empiriques tendent en effet à démontrer qu'il existe bien un lien entre l'émission par les entreprises d'obligations vertes et la réduction de leur empreinte environnementale et de l'intensité carbone de leurs actifs. Cette réduction serait d'autant plus forte que les obligations vertes auraient fait l'objet d'une vérification externe 61 ( * ) . Sans pour autant dresser un lien de causalité, ces études montrent que le fait de qualifier en bloc les actions des acteurs privés sur le marché du vert d'éco-blanchiment est contestable.

Il convient dès lors d' assurer la résilience de ce marché , en disposant de standards unifiés, d'une définition unifiée de ce qui est « vert » et de tiers pour certifier les obligations émises . La transparence et le reporting sont les deux piliers d'un marché du vert fonctionnel .

Ce sont autant d'axes qui sont au coeur de la démarche européenne visant à imposer un cadre harmonisé à la finance verte, que ce soit par le biais de la taxinomie des actifs durables, la proposition d'un standard commun sur les obligations vertes ou encore la directive sur le reporting de durabilité des entreprises. L'harmonisation normative poursuivie par ces textes est primordiale : dans son futur rapport sur la stabilité financière, dont des extraits ont été publiés, la Banque centrale européenne (BCE) s'inquiète des conséquences de l'éco-blanchiment , qui pose un vrai risque pour la stabilité financière puisqu'il peut conduire à une sous-estimation du risque lié à la transition et à un mouvement massif de ventes d'obligations vertes, altérant ainsi l'équilibre du marché.

Ce constat intervient alors même que plusieurs responsables bien en vue parmi les acteurs de la Place ont estimé que le risque climatique était surévalué, que plusieurs établissements financiers font l'objet d'enquêtes pour éco-blanchiment et que la BCE relève une légère augmentation de l'intensité carbone des portefeuilles des établissements bancaires.

*

Le rapporteur spécial avait choisi dans la première partie de s'attarder sur le cadre applicable aux OAT vertes, afin de pouvoir présenter l'ensemble des enjeux ayant trait aux obligations vertes ainsi que les standards les plus exigeants en la matière et les propositions de la Commission européenne. Cette seconde partie dénotera une plus grande urgence : c'est maintenant qu'il faut s'entendre sur des normes communes, dans un marché encore trop peu structuré. La logique initiée par les émetteurs souverains doit trouver un relais auprès des acteurs financiers et non financiers . Les capitaux existent, mais ils ne sont pas à la bonne place 62 ( * ) .

Trois axes sont dès lors retenus , chacun venant à la suite de l'autre : la définition de ce qui est vert , l'identification de ce qui est vert (disponibilité et certification de la donnée) et la faculté de pouvoir faire du vert , en guidant les acteurs dans leur transition .

I. DÉFINIR LE VERT : S'ACCORDER SUR UNE DÉFINITION COMMUNE DE CE QUI EST VERT ET DURABLE, EN PROPOSANT UN CADRE SUFFISAMMENT FLEXIBLE POUR CONVAINCRE LA MAJORITÉ DES ÉMETTEURS D'OBLIGATIONS VERTES DE LE METTRE EN oeUVRE

Au mois de mars 2018, la Commission européenne a présenté son plan d'action pour une économie plus verte et plus propre, articulé autour de trois objectifs : la réorientation des flux de capitaux vers l'investissement durable , la gestion des risques financiers liés aux enjeux environnementaux et sociaux et la promotion de la transparence et d'une vision économique de long-terme. C'est par ce plan d'actions pour la finance durable que la Commission a pu poser de premiers jalons pour la construction d'un cadre harmonisé. Elle envisageait notamment 63 ( * ) :

- d' établir un langage commun pour la finance durable , c'est-à-dire un système de classification unifié de l'Union européenne, qui correspond aujourd'hui à la taxinomie des activités durables ;

- de clarifier l'obligation, pour les gestionnaires d'actifs et les investisseurs institutionnels, de tenir compte des aspects de durabilité dans le processus d'investissement et renforcer leurs obligations en matière de publication des informations . Une partie de ces exigences nouvelles est reprise dans le standard européen sur les obligations vertes ;

- de renforcer la transparence en matière de publication d'informations par les entreprises , avec une révision de la directive sur le reporting extra-financier des entreprises 64 ( * ) ( Non financial reporting directive - NFRD), qui céderait sa place à la directive sur le reporting de durabilité des entreprises ( Corporate sustainability reporting directive - CSRD).

La Commission européenne rappelait également qu'elle estimait qu'il faudrait effectuer 260 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an pour que l'Europe soit en mesure de tenir ses objectifs climatiques et énergétiques pour 2030 65 ( * ) .

Les capitaux existent, mais ils ne sont pas à la bonne place : or, avant de les réorienter, il faut d'abord pouvoir bien définir ce qui doit être financé .

A. LA TAXINOMIE VERTE EUROPÉENNE REPRÉSENTE UN EFFORT DE DÉFINITION INÉDIT DES ACTIVITÉS DURABLES ET DOIT PERMETTRE DE CLARIFIER LA « BIODIVERSITÉ FINANCIÈRE »

1. La taxinomie européenne est accueillie favorablement par les acteurs financiers et non financiers, qui la conçoivent avant tout comme un outil de définition, et non de contrainte

Dès 2016, WWF, dans son rapport sur les obligations vertes 66 ( * ) , estimait que « sans un niveau suffisant d'engagement et de collaboration entre les différentes parties prenantes en vue de définir des normes efficaces et crédibles fondées sur des référentiels scientifiques , le marché des obligations vertes cour[rait] le risque d'être en défaut par rapport à sa promesse verte ». Or, à l'instar de ce que défend le président de l'Autorité des marchés financiers, le rapporteur spécial considère que l'approche du sujet doit être européenne, si ce n'est mondiale.

Près de quatre ans plus tard, la Commission européenne a finalement proposé une taxinomie des actifs durables 67 ( * ) . Si elle est encore incomplète , en l'absence de la publication de l'ensemble des actes délégués, elle apporte néanmoins une première réponse à deux interrogations fondamentales, celle de savoir ce qui relève du vert ou non et celle d'être en mesure de discerner les différences nuances de vert et de durabilité .

L'exemple de l'obligation verte émise par la compagnie d'énergie espagnole Repsol est ici pertinent. La Climate Bond Initiative a en effet refusé de comptabiliser cette obligation en « verte », tout en reconnaissant que l'objectif des dépenses éligibles auxquelles était adossée l'opération était bien de réduire les émissions de gaz à effet de serre de plusieurs raffineries. Toutefois, l'organisation a aussi considéré que la stratégie environnementale de Repsol n'allait pas assez loin pour être qualifiée de verte et que de tels investissements conduiraient à allonger la durée de vie des raffineries, avec un impact indirect sur la hausse des émissions à plus long terme 68 ( * ) .

Pour rappel, une activité ne pourrait désormais être considérée comme durable et alignée avec la taxinomie que si elle : 1) contribue substantiellement à au moins l'un des six objectifs environnementaux identifiés dans la taxinomie, 2) ne cause pas de préjudice significatif à l'un de ses six objectifs, 3) est exercée dans le respect de normes minimales en matière sociale et de gouvernance.

La taxinomie verte européenne a donc pour principal avantage d'enfin apporter, sur le marché du vert, un référentiel commun pour les investisseurs, une grammaire commune à l'échelle européenne, voire mondiale pour enfin standardiser la manière dont l'ensemble des acteurs - investisseurs, banques, entreprises, agences de notation, société civile - vont identifier les activités vertes . Pour reprendre les termes d'Yves Perrier, président du conseil d'administration d'Amundi et auteur du rapport « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions » (mars 2022), la taxinomie est avant tout « un dictionnaire de la durabilité » 69 ( * ) , une grille de lecture permettant de savoir si une activité peut être qualifiée de durable ou non.

L'instauration d'une telle grille de lecture, une fois finalisée, permettra de réduire à la fois le risque de suspicion d'éco-blanchiment qui peut peser sur l'émetteur et les coûts d'information sur la nature du projet supportés par l'investisseur.

2. La clarification de ce qui est vert et/ou durable est une condition sine qua non de la prévention du risque d'éco-blanchiment

La direction générale du Trésor estime, et c'est un avis partagé par le rapporteur spécial, que la taxinomie constitue un outil indispensable de lutte contre l'éco-blanchiment , tout en servant de socle aux autres initiatives européennes en matière de finance durable (standard européen sur les obligations vertes, reporting de durabilité des entreprises). Elle n'a certes pas d'impact direct sur l'environnement et le climat, mais bien indirect, en apportant de la clarification aux acteurs économiques . Elle permet de donner une seule définition d'une activité durable sur le plan environnemental, en évitant ainsi les définitions arbitraires des acteurs.

Sean Kidney, président de la Climate Bond Initiative (CBI) a ainsi expliqué lors de son audition par le rapporteur spécial que l'absence de critères de définition clairs sur le « vert » pouvait en effet mener des entreprises à faire de l'éco-blanchiment . Deux types de comportements doivent en effet être distingués dans l'économique-blanchiment : les pratiques intentionnellement frauduleuses ( deceptive practice ) et les pratiques confuses ou appuyées sur de mauvaises informations ( confused et msinformed practice ). Dans son décompte des obligations vertes, la CBI peut ainsi être amenée à retirer le caractère « vert » d'une obligation ayant pourtant fait l'objet d'une seconde opinion indépendante, souvent en raison de l'absence d'engagement avec la stratégie globale de l'émetteur en matière de durabilité (objectifs environnementaux poursuivis, engagement ou non à ne pas causer de préjudice significatif, robustesse des procédures de contrôle).

La clarification, c'est aussi ce que défendent l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui sont chargés d'un travail annuel commun sur le suivi et l'évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place . Les deux superviseurs s'étaient montrés sévères dans leur dernier rapport et attendaient beaucoup de la mise en oeuvre de la taxinomie européenne : « beaucoup des engagements manquent de précisions. Certaines sociétés de gestion de portefeuille se sont en effet fixé des objectifs d'investissement dans des « actifs verts », « des produits verts », « des initiatives spécifiques liées à l'environnement » sans pour autant clairement définir ces produits et actifs. La mise en oeuvre progressive du règlement taxonomie pourra permettre de fournir des informations plus comparables entre acteurs sur le type d'activités considérées et sur l'objectif environnemental visé, lié au climat ou autre » 70 ( * ) .

La nécessité de disposer d'un cadre plus strict a une nouvelle fois été rappelée par l'AMF et par l'ACPR dans le cadre de la publication du rapport annuel de leur pôle commun 71 ( * ) , au sujet plus particulièrement de l'assurance vie. Grégoire Vuarlot, directeur du contrôle des pratiques commerciales à l'ACPR, avait ainsi déclaré que « la lutte contre l'éco-blanchiment [était] une priorité dans la protection des consommateurs » 72 ( * ) .

En Allemagne, la Deutsche Bank et sa filiale de gestion d'actifs DWS ont fait l'objet d'une enquête pour fraude, après les accusations d'éco-blanchiment portées à leur encontre et les informations transmises par l'ancienne responsable du développement durable au sein de DWS. Aux États-Unis, traditionnellement plus en recul sur ces sujets que l'Union européenne, le superviseur des marchés financiers (SEC - Securities Exchange Commission ) a présenté une initiative visant à renforcer les obligations de transparence des conseillers financiers et des gestionnaires d'actifs en matière d'investissements selon des critères durables 73 ( * ) .

B. LE CADRE QUI SERA PROPOSÉ AU NIVEAU EUROPÉEN DOIT S'INSCRIRE DANS UNE DÉMARCHE OPÉRATIONNELLE, À LA PORTÉE DES ACTEURS PRIVÉS

1. L'harmonisation des normes en matière d'obligations vertes, si elle est impérative, doit laisser des marges de manoeuvre aux acteurs privés, au risque sinon d'échouer à les convaincre de reprendre les standards les plus exigeants

Les autorités publiques ont un rôle moteur à jouer sur le marché des obligations vertes et plus généralement de la finance verte. Au-delà de la fiscalité et du versement de subventions, la mise en place d'un cadre règlementaire approprié doit conduire à mobiliser et à réorienter les flux de capitaux vers l'action climatique . Le standard européen devrait ainsi contribuer à la croissance du marché des obligations vertes 74 ( * ) . Du côté de l'offre, standardiser les pratiques et clarifier la définition des actifs verts devraient renforcer l'attractivité des obligations vertes pour les émetteurs. Du côté de la demande, proposer un cadre crédible et exigeant pour les émissions vertes devrait permettre de davantage aider les investisseurs à identifier des actifs et des investissements soutenables, en réduisant les coûts de recherche et les asymétries d'information.

Le standard européen envisage également de rendre obligatoire à la fois le reporting sur l'utilisation des fonds et sur l'impact environnemental des projets financés et la vérification par un tiers externe (seconde opinion). Ce sont autant d'éléments de nature à permettre de renforcer la crédibilité de ce marché et d'écarter les soupçons d'éco-blanchiment. La mise en place de ce standard est d'ailleurs saluée par la BCE dans son rapport sur la stabilité financière.

Comme le rapporteur spécial l'a rappelé sur les OAT vertes, si le standard européen sur les obligations vertes est un outil pertinent , à même de procéder à une première harmonisation des normes et des standards sur le marché , il doit absolument, pour être applicable, conserver sa souplesse et ne pas être obligatoire . Le risque serait sinon de voir l'Union européenne perdre la bataille de la norme , en encourageant les acteurs financiers à recourir à d'autres standards jugés plus flexibles. C'est un avis partagé par le responsable France de l'ICMA, qui insiste sur la nécessité d'adopter une démarche pragmatique , pour s'assurer que le standard fonctionne et qu'il ne finisse pas par ne couvrir, par manque de souplesse, qu'1 % à 2 % du marché des obligations vertes, à rebours des ambitions affichées par la Commission européenne.

Pour autant, la position adoptée par les eurodéputés à l'issue de l'examen du texte par la commission des affaires économiques et monétaires est de nature à susciter l'inquiétude du rapporteur spécial . Ainsi, les eurodéputés rehaussent les exigences pour les fonds levés au profit de projets liés à l'énergie nucléaire ou au gaz fossile, exigent que toutes les obligations émises sous le standard disposent de plans de transition vérifiés, proposent un alignement total du standard européen sur la taxinomie verte pour l'utilisation des produits de l'émission de l'obligation verte ou encore souhaitent garantir aux investisseurs un recours juridique si le non-respect des règles du standard par l'émetteur entraine la dépréciation d'une obligation verte.

Ce sont autant de propositions qui, pour le rapporteur spécial et pour de nombreuses personnes qu'il a entendues dans le cadre de ses travaux, sont contreproductives et donc susceptibles de nuire à l'objectif même recherché par les eurodéputés, à savoir celui de proposer un cadre tout à la fois exigeant et qui peut être adopté par le plus grand nombre . Il faudrait plutôt s'inspirer de cette position énoncée lors de la création du document-cadre des OAT vertes : « contribuer à la définition des standards non pas comme régulateur, mais en s'imposant des obligations ambitieuses en matière de reporting » 75 ( * ) , pour ensuite convaincre les émetteurs. Autrement dit, il faut certes gagner la bataille de la norme, mais la gagner sur les pratiques .

Rigidifier le standard reviendrait à renoncer à la volonté énoncée par la Commission européenne d'en faire le standard international de référence , en brusquant les acteurs qui ne voudraient pas se soumettre à un cadre contraignant et qui estimeraient dès lors plus facile de suivre un standard moins exigeant.

De tels comportements conduiraient à la création d'un marché à double vitesse , qui emporterait avec lui des risques de liquidité et/ou de financement . Pour reprendre les termes de la BCE dans son avis sur le standard européen : « le passage immédiat à une norme strictement obligatoire pourrait conduire à la cession d'obligations vertes non conformes à la taxinomie et à une chute soudaine des émissions d'obligations vertes dans l'Union » 76 ( * ) .

Ainsi, comme l'a rappelé le président de l'Autorité des marchés financiers lors de son audition par le rapporteur spécial, pour que l'harmonisation des normes fonctionne, il faut qu'elle parvienne à concilier une double exigence : celle de parvenir, dans le monde du vert, à « faire en sorte d'éviter de financer ce qu'il ne faut pas financer », et celle de ne pas imposer un cadre trop lourd aux acteurs . À l'instar de ce qu'avait par ailleurs défendu l'AMF dans sa réponse à la consultation de la Commission européenne sur le standard européen, le rapporteur spécial estime plus pragmatique d'assurer une certaine flexibilité à court terme quant à l'alignement total à la taxinomie européenne , sur quelques pourcentages de l'émission, et au moins le temps que les critères techniques de la taxinomie soient éprouvés en conditions « réelles » 77 ( * ) . Or, ce n'est là pas non plus la position adoptée par le Parlement européen.

Pour conclure, et au risque de paraître sévère, le rapporteur spécial note que si l'Union européenne avait de l'avance sur le marché du vert, le fonctionnement des institutions et la volonté d'aller trop loin sur le détail des normes vertes pourraient bientôt conduire à un rattrapage du Royaume-Uni mais aussi des États-Unis , avec un intérêt de plus en plus fort de l'autorité de supervision des marchés financiers ( Securities and Exchange Commission , SEC) pour réguler le « vert » 78 ( * ) . Ainsi, si les États-Unis sont encore loin d'avoir développé et même ne serait-ce que proposé un cadre aussi approfondi que celui souhaité par la Commission européenne, plusieurs initiatives récentes tendent à montrer leur volonté d'agir rapidement sur la règlementation du « vert ».

Or, ce qui compte in fine , c'est bien les comportements qu'adopteront les entreprises et les émetteurs, et pas de proposer le cadre le plus dur : le mieux-disant n'est pas forcément propice au mieux-faisant . Il en va de même pour la nécessité d'inclure, comme énergies de transition, le nucléaire et le gaz dans l'acte délégué complémentaire présenté par la Commission européenne et relatif aux objectifs climatiques de la taxinomie.

Recommandation n° 11 ( ministère de l'économie et des finances et secrétariat général aux affaires européennes) : à l'instar de ce qui était recommandé pour les émetteurs souverains, s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen pour les obligations vertes, à ce que le standard demeure d'application volontaire et inclue à moyen terme (deux-trois ans) une marge de flexibilité par rapport à l'alignement taxinomique.

2. Le marché du vert est aujourd'hui en avance sur les deux autres dimensions de l'ESG, le social et la gouvernance

Le rapporteur spécial ne méconnait pas les enjeux autour de l'émission d'obligations sociales ou l'importance des engagements que peuvent prendre les acteurs financiers et non-financiers sur les aspects sociaux et de gouvernance. Il considère toutefois qu' en l'état actuel des connaissances techniques et des avancées méthodologiques, il est impossible d'inférer des évolutions sur le vert qu'il soit possible, à moyen terme, de faire la même chose sur le sujet social et sur la gouvernance .

Alors qu'il est déjà difficile de faire émerger des consensus sur le « vert », en dépit d'une prise de conscience de l'urgence à agir, les divergences d'appréciation sont encore plus fortes sur les aspects sociaux et de gouvernance. D'ailleurs, une tendance de fond du marché de l'investissement durable consiste à regarder la gouvernance non plus comme une fin en soi, alors que cet aspect suscite un intérêt moins important des épargnants, mais comme un moyen de garantir un haut niveau de performance sur les autres critères 79 ( * ) .

La réflexion porte donc moins finalement sur les investissements « ESG » que sur les investissements verts ou de verdissement, avec éventuellement un socle minimal d'obligations à satisfaire sur le social et sur la gouvernance. C'est d'ailleurs de cette façon que la taxinomie européenne traite cette problématique, en prévoyant qu'une activité ne puisse pas être considérée comme alignée sur la taxinomie si elle n'est pas exercée dans le respect de garanties minimales sur les droits de l'homme ou en matière de droit du travail.

Par ailleurs, au sein même du « E » (environnement), les objectifs de performance que se donnent les acteurs financiers et non financiers sont plus objectivables et mesurables sur le climat que sur les autres (ex. protection de la biodiversité, cf. supra ) . Ils peuvent être normés et font plutôt consensus (ex. bilan carbone, objectif de limitation de la hausse de la température).

M. Perrier l'a bien indiqué lors de son audition, il faut commencer par faire simple et donc par faire le climat , en se dotant enfin d'un cadre permettant de réorienter les flux financiers vers les activités favorables à la transition ou durables. Formulé plus frontalement 80 ( * ) : si on ne répond pas d'abord au changement climatique, on n'aura rien d'autre à sauver, que ce soit sur le plan social ou sur les aspects de gouvernance.

II. IDENTIFIER LE VERT : DISPOSER DE LA DONNÉE ET POUVOIR LA CERTIFIER SONT DEUX IMPÉRATIFS POUR S'ASSURER DE LA CRÉDIBILITÉ DES INVESTISSEMENTS VERTS ET DES ENGAGEMENTS DES ACTEURS PRIVÉS

Lors de la publication du rapport d'activité de l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour l'année 2021, son président, Robert Ophèle, a regretté que l'information à fournir par les entreprises ne soit toujours pas standardisée, en dépit de la mobilisation générale de la finance en faveur d'activités économiques durables 81 ( * ) . Il a ajouté dans un colloque que « le manque cruel de données fiables sur lesquelles asseoir une politique raisonnée d'investissement responsable » conduisait à fragiliser, voire à discréditer la finance dite durable 82 ( * ) .

Or, en l'absence de ces informations et d'un cadre structuré, la définition du vert permise par la taxinomie européenne ne pourra pas produire ses effets : il ne peut y avoir identification du vert sans données fiables . C'est un constat partagé par Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR (investissement socialement responsable) : il ne servira à rien de mettre en place un standard, une taxinomie ou un reporting de durabilité très sophistiqués s'ils doivent être construits à partir de données dont personne ne dispose ou qui ne sont pas fiables .

La disponibilité de la donnée et sa certification sont donc absolument essentielles et constituent, après la définition du vert, le deuxième axe d'action.

A. LA MISE EN PLACE D'UN CADRE UNIFIÉ SUR LES ÉMISSIONS VERTES NE DOIT PAS ACHOPPER SUR LE MANQUE DE DISPONIBILITÉ DE LA DONNÉE

1. La notation financière et la notation extra-financière ne connaissent pas le même degré de standardisation et d'avancement

Comme l'a indiqué la représentante de Moody's ESG Solutions lors de son audition, il existe encore une différence fondamentale entre la notation financière et la notation extra-financière : pour la première, l'information est là, disponible, standardisée, axée depuis plusieurs décennies sur la notion de solvabilité financière, pour la deuxième, cet effort d'harmonisation n'a pas encore été conduit, que ce soit sur les exigences en matière de données transmises ou sur ce qui est mesuré.

Ainsi, et comme l'a indiqué la direction générale du Trésor au rapporteur spécial, plusieurs études ont mis en évidence la faible corrélation entre les notations de différentes agences sur les critères ESG (environ 60 %) comparativement à ce qui peut être observé pour la notation de crédit (près de 99 %). Si une faible corrélation n'est pas un problème en soi, tant qu'elle peut être justifiée par des différences méthodologiques légitimes, elle peut être un signal d'alerte si les divergences proviennent de faiblesses méthodologiques ou d'une insuffisante qualité de la donnée sous-jacente.

C'est dans ce contexte que l'AMF et son homologue néerlandaise ont publié conjointement un document de position au mois de décembre 2020 dans lequel elles appelaient à harmoniser le cadre régissant les notations et les services ESG, ces activités connaissant une croissance soutenue depuis plusieurs années 83 ( * ) .

La réponse de l'AMF à la consultation publique
de la Commission européenne sur la notation ESG

Dans sa réponse, et pour assurer la protection des épargnants, l'AMF souligne que la future règlementation devrait :

- couvrir toute l'offre de données, notations et services extra-financiers et ne pas se limiter aux notations ESG ;

- prévoir des exigences de transparence sur les méthodologies, les données sous-jacentes utilisées (source et nature) et les objectifs des produits (notamment risque ou impact) ;

- prévoir une centralisation de la supervision des acteurs au niveau européen ;

- prévoir que les acteurs souhaitant fournir des données ou services ESG à des participants de marché de l'Union européenne doivent opérer à travers un établissement stable dans l'Union européenne et être enregistrés auprès de l'Autorité européenne des marchés financiers.

Source : « L'AMF renouvelle son appel à la mise en place d'une règlementation des fournisseurs de données, notations et services ESG », 2 juin 2022

Plusieurs textes européens ont également été adoptés pour favoriser le reporting extra-financier, que ce soit pour les entreprises ou pour les produits d'investissement. Pour autant, toute la donnée nécessaire n'est pas forcément disponible et de nombreuses initiatives, hors cadre règlementaire, ont vu le jour pour encourager les acteurs privés à la transparence.

L'observatoire de la finance durable pour la place de Paris a ainsi été fondé en 2019, dans le cadre du projet Finance ClimAct porté par l'Ademe et doté d'un budget de 18 millions d'euros. Ce projet vise à développer les outils, méthodes et connaissances nouvelles permettant aux épargnants d'intégrer les objectifs environnementaux dans leurs choix de placement et aux institutions financières et à leurs superviseurs d'intégrer les questions climatiques dans leurs processus de décision et d'aligner les flux financiers sur leurs objectifs énergie-climat . L'observatoire dispose ainsi d'une base de données à laquelle ont contribué plus de 350 acteurs ayant volontairement décidé de rapporter leurs engagements.

Ce type d'initiative est de nature à favoriser ce que Jean-Michel Beacco, directeur général de l'Institut Louis Bachelier, a qualifié d' actionnabilité des données : il ne suffit pas que les données soient accessibles, elles doivent aussi être actionnables . Elles doivent permettre de procéder à des mesures d'impact et pouvoir être mises en commun. Surtout, il faut arriver à ce que la recherche puisse créer ses propres données et que l'ensemble du système de certification de la donnée ne dépende pas seulement des informations rendues disponibles par les acteurs financiers et non-financiers.

La création d'un point d'accès européen unique aux informations financières et extra-financières des entreprises participe également de cette logique.

2. Dans le reporting extra-financier, l'Europe doit parvenir à imposer la double matérialité, qui permettra aux entreprises de mesurer l'impact de leurs activités sur l'environnement et sur la société84 ( * )
a) Disposer de données de qualité et comparables entre les acteurs via des obligations de reporting harmonisées

Dans le cadre de ses propositions règlementaires sur la finance verte, la Commission européenne a également proposé de réviser la directive relative à la publication par les entreprises de leurs informations extra-financières. Ce texte entend refondre la déclaration de performance extra-financière selon un modèle européen, enrichi avec des informations standardisées et auditées 85 ( * ) . Ces données ont vocation, avec celles relatives aux états financiers, à être rendues plus facilement accessibles, via un point d'accès européen unique (projet European Single Access Point ) et ce afin de donner davantage de visibilité aux investisseurs.

Du reporting extra-financier
au reporting de durabilité des entreprises

La proposition de révision de la directive sur le reporting extra-financier des entreprises (NFRD) par une directive relative au reporting de durabilité des entreprises (CSRD) va conduire à la mise en oeuvre d'un reporting plus détaillé et concernant davantage d'acteurs.

1. Champ des entreprises concernées

La NFRD s'appliquait aux entreprises de plus de 500 salariés. La CSRD s'appliquerait aux entreprises de plus de 250 salariés réalisant un chiffre d'affaires dans l'Union européenne d'au moins 40 millions d'euros ou ayant un bilan supérieur à 20 millions d'euros. Les PME cotées seront également concernées, mais disposeront d'une dérogation, pendant une période transitoire courant jusqu'en 2028. Environ 50 000 entreprises pourraient être concernées, contre 11 000 aujourd'hui 86 ( * ) .

2. Informations exigées

Les entreprises devraient d'abord détailler leur stratégie environnementale et sociale ainsi que préciser sa gouvernance. Concernant ensuite le contenu du reporting , les entreprises devraient se fixer des objectifs sur les six axes environnementaux 87 ( * ) retenus dans la taxinomie , réaliser un bilan carbone de leurs activités, procéder à une analyse détaillée des impacts dommageables de leurs activités.

3. Vérification par un tiers indépendant

La vérification du reporting par un organisme tiers indépendant serait elle aussi plus exigeante : la vérification ne porterait pas seulement sur la réalité des informations transmises, mais aussi sur leur cohérence avec les objectifs de durabilité de l'entreprise ou sur la pertinence des indicateurs retenus .

Un accord sur la CRDS a été conclu en trilogue le 21 juin 2022, avec une première mise en oeuvre dès 2024 88 ( * ) : ce nouveau reporting de durabilité permettra de publier des informations plus détaillées et appuyées sur le cadre mis en place pour définir les activités vertes et durables (taxinomie).

La direction générale du Trésor et l'AMF travaillent aujourd'hui ensemble pour accompagner les entreprises dans la définition de leurs engagements de neutralité carbone, engagements qui devront figurer dans le futur reporting de durabilité et, dans l'intermédiaire, dans leurs déclarations de performance extra-financière.

Un élément reste toutefois à régler, celui de disposer de standards harmonisés pour procéder à ce reporting enrichi . C'est l' Efrag qui est chargée de proposer ces standards, avec l'objectif d'aboutir à une normalisation d'ici le début de l'année 2023, pour une première mise en oeuvre de la directive CSRD en 2024.

Le groupe consultatif européen
sur l'information financière (Efrag)

Le Groupe consultatif européen sur l'information financière (Efrag) est une association internationale sans but lucratif créée en 2001 . La création de l'Efrag avait d'abord pour objectif de promouvoir une position européenne commune au sein du bureau international des normes comptables (IASB - International Accounting Standards Board ), notamment dans l'élaboration des normes comptables internationales (IFRS - International Financial Reporting Standards ).

L'Efrag agit depuis sa création comme le conseiller de la Commission européenne sur l'adoption des normes comptables IFRS. Elle s'est également montrée pionnière en révisant au mois de janvier 2022 ses statuts et ses règles internes pour inclure un nouveau pilier sur le reporting durable , à côté de ses missions plus traditionnelles sur le reporting financier. La task-force sur le reporting extra-financier s'est à cette occasion transformée en un conseil en charge de la durabilité, le Sustainability reporting board (SRB), qui s'appuie sur un groupe d'experts ( Technical expert group - TEG). Le SRB comprend 23 membres (représentants de l'assurance, des banques, des entreprises, des autorités nationales de normalisation comptable, des ONG, des universitaires, des syndicalistes et des consommateurs) tandis que le TEG se compose de 22 experts.

b) La double matérialité, un enjeu dans la concurrence des normes

Au mois de mai 2022, l'Efrag a soumis à consultation publique 13 normes en matière de durabilité : deux exposent des principes généraux, 11 couvrent des questions environnementales (climat, pollution, ressources marines, eau, etc.), les affaires sociales, la gouvernance et l'éthique des affaires . Ces normes supposeraient la publication d'une centaine d'indicateurs par les entreprises.

Les propositions de l'Efrag ont créé de vifs débats, tant sur leur contenu que sur la démarché de l'organisation. La Fondation IFRS a en effet créé au mois de novembre 2021 l' International Sustainability Standards Board (ISSB), pendant du bureau international des normes comptables (IASB) pour le reporting durable . Or, l'ISSB doit publier ses propositions de normes de durabilité au mois de novembre prochain. L'Efrag et l'ISSB s'opposent d'ores et déjà sur un élément majeur : le choix de la simple matérialité ou de la double matérialité pour le reporting extra-financier . La double-matérialité, défendue par l'Efrag, vise à tenir compte à la fois de l'impact des risques ESG (ou seulement climatiques) sur l'entreprise et sur sa valeur (simple matérialité), mais également de l'impact des activités de l'entreprise sur l'environnement et sur la société. Il s'agit de pouvoir véritablement mesurer l'empreinte des activités et de l'organisation concernées.

Pour l'AMF et l'ACPR, il ne doit pas y avoir concurrence de normes, mais co-construction : les autorités européennes étant en avance sur le développement de standards clairs permettant d'analyser les engagements des acteurs privés (taxinomie, directive CRDS), les normes européennes doivent « éclairer les travaux à l'échelle mondiale , notamment ceux de la Fondation IFRS et de son Conseil des normes internationales d'information sur la durabilité » 89 ( * ) . La question de la cohérence se posera également au regard des normes ou des lignes directrices qui pourraient être prochainement publiées par la SEC.

S'il est un aspect surtout où l'Europe ne doit pas renoncer et doit absolument gagner la bataille de la norme , c'est celui de la double matérialité . Il s'agit là de nouveau de défendre les règles les plus exigeantes, encore une fois pour accroître la crédibilité des engagements des acteurs et renforcer la solidité du marché du vert. L'Union européenne doit être en mesure de défendre ses normes, ne serait-ce que pour éviter d'alourdir inutilement la charge des entreprises européennes en cas de divergence de normes, et donc induire des distorsions de concurrence .

Si la double matérialité est effectivement bien plus contraignante pour les entreprises, mais également bien plus ambitieuse, il semblerait que la porte ne soit pas totalement fermée à une harmonisation des standards, comme en attestent les récentes annonces de la SEC sur le bilan carbone des entreprises. La SEC envisagerait en effet de demander aux sociétés cotées de publier des données sur leurs émissions de scope 3, c'est-à-dire sur les émissions produites de manière indirecte par l'entreprise (achat de marchandises ou de services, cycle de vie du produit).

Bilan carbone : scope 1, 2 et 3

Les scope 1, 2 et 3 sont utilisés dans le cadre de la réalisation de bilan carbone ou bilan GES, portant sur la quantité de gaz à effet de serre émise ou captée dans l'atmosphère sur une année par les activités d'une organisation ou d'un territoire.

Le scope 1 correspond aux émissions directement générées par l'activité de l'entité concernée (chauffage dans les locaux de l'entreprise, utilisation de véhicules appartenant à l'entreprise, etc.)

Le scope 2 correspond aux émissions indirectes mais liées à la consommation d'énergie, dans le cadre du processus de production par exemple.

Le scope 3 correspond à toutes les autres émissions indirectes, que ces émissions soient liées à des activités situées en amont de la production (acheminement des marchandises, achat de produits et de services, déplacement en avion ou en train des personnels) ou en aval (transport de marchandises, traitement des déchets et de la fin de vie des produits vendus, utilisation des produits).

Généralement, les entreprises incluent dans leur bilan carbone, telle que la règlementation française les y oblige, les émissions de scope 1 et 2. Inclure les émissions du scope 3 n'était jusqu'ici pas obligatoire.

Source : bilans GES, base carbone de l'Ademe

B. LA CERTIFICATION DE LA DONNÉE PERMET D'ASSEOIR LA CRÉDIBILITÉ DES ENGAGEMENTS DES ÉMISSIONS DES ACTEURS PRIVÉS ET DE RÉDUIRE LE RISQUE D'ÉCO-BLANCHIMENT

1. La certification de la donnée est primordiale pour identifier les actifs verts et faire en sorte que la taxinomie européenne ne soit pas détournée de ses objectifs
a) Pour les émissions d'obligations vertes

Proposé dans le cadre du standard européen sur les obligations vertes, le renforcement des exigences imposées aux fournisseurs de seconde opinion, qui seraient désormais désignés sous le vocable de vérificateurs externes , est primordial pour donner toute sa portée à la définition du vert prévue par la taxinomie et pour valider son identification .

Le recours à des vérificateurs externes par les émetteurs d'obligations vertes présente par ailleurs un avantage sur le marché, celui de réduire les asymétries d'information entre les émetteurs et les investisseurs, ce qui permet de renforcer la confiance des acteurs et d'assurer la crédibilité d'un marché sur lequel le risque réputationnel est extrêmement élevé.

Ce bénéfice a un coût pour les émetteurs , à la fois direct , avec le paiement des services du fournisseur de seconde opinion, et indirect , avec les mesures à mettre en oeuvre pour assurer la conformité avec le référentiel choisi pour l'émission des obligations vertes. Toutefois, les évaluations empiriques tendent aussi à démontrer que les obligations vertes émises par des entreprises et bénéficiant d'une seconde opinion s'échangent à un prix plus élevé que les obligations vertes non vérifiées , au bénéfice donc des émetteurs 90 ( * ) .

Le vérificateur intervient à deux étapes :

- en amont de l'émission, pour vérifier 1) que les projets qui feront l'objet du financement sont bien éligibles sous le standard retenu (ex. les principes applicables aux obligations vertes de l'ICMA) et 2) que l'émetteur a mis en place les processus internes nécessaires au suivi de l'utilisation des fonds levés ;

- en aval de l'émission, pour vérifier que les fonds ont bien été alloués aux projets verts en accord avec les règles établies dans le standard retenu par l'émetteur (son « document cadre »).

Le changement de désignation proposé par le standard, de l'agence mandatée pour une seconde opinion au vérificateur externe, est loin d'être anodin. Il témoigne en effet de la volonté d' aller plus loin que la simple vérification de la conformité des processus mis en place par les émetteurs par rapport au standard européen . Les vérificateurs externes sont ainsi invités à s'engager sur la stratégie globale des émetteurs en matière de durabilité ainsi que sur l'alignement sur la taxinomie de leurs projets, en tenant donc davantage compte de la qualité de la donnée.

Le rapporteur spécial estime dès lors qu'un tel changement d'approche devrait se doubler de la mise en place d'une certification « étagée » et non pas binaire (certification ou non). Les vérificateurs externes pourraient par exemple proposer, à l'instar de ce qui est prévu pour la notation financière, une échelle de notes sur le vert (ex. notation AAA ou AA+) , en incluant une perspective (négative, stable, positive) . Un tel système, certes plus difficile à mettre en place, donnerait aussi une information plus précise aux investisseurs, qui seraient également en mesure de procéder à des comparaisons, à la condition que cette notation s'appuie sur des données sources de qualité comparable (disponibilité de la donnée).

Recommandation n° 12 (ministère de l'économie et des finances) : instaurer, pour la vérification des obligations vertes émises par un acteur privé, une échelle de notation incluant une appréciation du vérificateur sur l'évolution probable à moyen terme de la crédibilité des engagements de l'émetteur. Pour encourager les vérificateurs à mettre en place cette nouvelle grille, organiser un groupe de travail animé par la direction générale du Trésor.

b) Pour le reporting de durabilité des entreprises

Dans le cadre de la future directive sur le reporting de durabilité des entreprises (directive CSRD), de nouvelles exigences sont imposées sur la vérification de ce reporting par un tiers indépendant , avec une appréciation sur le fond des objectifs de durabilité et des indicateurs de performance retenus par l'entreprise. Tout comme pour les émissions d'obligations vertes, il est en effet primordial de pouvoir certifier l'identification du vert et du durable, et ce afin d'éviter tout risque d'éco-blanchiment et de remettre en cause les objectifs mêmes de ce nouveau cadre règlementaire.

Le texte ayant fait l'objet d'un accord entre le Conseil et le Parlement européen dispose que cette certification devra être faite par un certificateur indépendant accrédité et que les actionnaires auront la possibilité de demander une expertise par un autre acteur que l'auditeur financier .

Avant l'annonce de l'accord, le rapporteur spécial s'était longuement interrogé sur la pertinence de confier cette mission de certification aux commissaires aux comptes (CAC), comme le proposait la Commission européenne dans la version initiale de la CRDS. Des informations obtenues à l'issue des auditions, il ressort que de nombreuses entreprises ont établi une relation de confiance avec leurs CAC, qui disposent d'une connaissance approfondie des entreprises qu'ils auditent, tant sur leurs comptes que parfois également sur leur déclaration de performance extra-financière. Le recours à un acteur unique peut par ailleurs inciter à des rapprochements et à des synergies entre l'audit financier et l'audit extra-financier .

Aux termes de la directive, la mission de certification pourra donc être, sauf avis contraire des actionnaires, confiée aux CAC, à la condition toutefois qu'ils soient formés et eux-mêmes certifiés à cet effet , une préoccupation qui rejoint celle exprimée par le standard européen pour les obligations vertes pour ce qui concerne les vérificateurs externes.

En réponse à une crainte du rapporteur spécial sur l'existence d'un nombre suffisant d'acteurs formés à cette vérification , la direction générale du Trésor a répondu que la France disposait sur ce terrain d'un léger avantage concurrentiel . Elle est en effet le premier pays européen à avoir mis en place un reporting extra-financier pour les entreprises, les commissaires aux comptes établis en France ont donc eu le temps de développer leurs méthodes et leurs processus.

2. Il sera dès lors primordial de disposer des compétences nécessaires pour procéder au travail de certification
a) Encadrer les vérificateurs, certifier les certificateurs

Le standard européen sur les obligations vertes propose un encadrement plus strict des fournisseurs de seconde opinion , qui seraient désignés sous le terme de vérificateurs externes . Le renforcement des exigences en matière de contrôle interne, de prévention des conflits d'intérêt et de compétence, sanctionné par un enregistrement obligatoire auprès de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), pourrait contribuer à renforcer la crédibilité des vérificateurs, et donc des émissions vertes .

Le soutien apporté à ce volet de la proposition européenne ne veut pas dire que le travail des fournisseurs de seconde opinion est aujourd'hui soumis à interrogation, simplement, comme pour les conflits d'intérêt dans la sphère publique, il y a d'une part le sujet du réel et d'autre part celui de l'apparent. Or, le marché du vert reposant sur un équilibre fragile, appuyé sur la transparence et la crédibilité des engagements des parties prenantes, il ne peut être qu'opportun de renforcer ses piliers.

Si l'imposition de ces nouvelles règles pourrait dans un premier temps conduire à une concentration des acteurs, la direction générale du Trésor a assuré au rapporteur spécial qu' il ne fallait pas craindre, sur ce segment également, une attrition des acteurs à moyen terme : tous les fournisseurs de seconde opinion seraient prêts à s'enregistrer, tout comme certains cabinets de commissaires aux comptes.

Quant à la certification du futur reporting de durabilité des entreprises, elle pourrait être assurée, d'après les informations publiées sur la future directive, par les commissaires aux comptes (CAC), sauf à ce que les actionnaires ne demandent que l'auditeur mandaté ne soit pas l'auditeur financier. Le texte préciserait que ces auditeurs devraient être accrédités, un terme qui reste assez flou en l'absence de publication de la mouture finale.

Le rapporteur spécial estime en effet primordial que les CAC souhaitant certifier le reporting de durabilité aient reçu en amont une certification de leurs compétences en la matière. Sous la réserve que ne soit imposée une accréditation au niveau européen, ce serait à l'AMF, qui accompagne déjà les entreprises dans leurs préparatifs à la mise en oeuvre de la future directive CSRD, et au Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), autorité de régulation de la profession, de délivrer ces certificats.

Selon les marges de manoeuvre laissées par la future directive, il devrait être envisagé de délivrer les certificats et d'accréditer les auditeurs externes pour une durée limitée , par exemple de trois ans, obligeant ainsi les CAC à devoir démontrer régulièrement qu'ils tiennent compte des évolutions règlementaires et qu'ils actualisent leurs processus de certification à cet effet. Les CAC ayant par ailleurs demandé le statut de vérificateur externe auprès de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) pourraient bénéficier d'une procédure allégée.

Recommandation n° 13 (législatif, puis Autorité des marchés financiers et Haut conseil du commissariat aux comptes) : sauf à ce qu'une accréditation soit prévue au niveau européen, imposer aux commissaires aux comptes désignés par les entreprises pour certifier leur reporting de durabilité de disposer d'une certification de l'Autorité des marchés financiers et du Haut conseil du commissariat aux comptes à cet effet. Ce certificat serait délivré pour une durée de trois ans.

Les procédures que devraient suivre les auditeurs externes, comme les commissaires aux comptes, pourraient conduire à renchérir le coût de leur prestation pour les entreprises, qui devront par ailleurs demander un double audit financier et extra-financier . Il conviendra donc d'être attentif à ce que coût ne pénalise pas les petites et moyennes entreprises.

b) Un enjeu commun : la formation

S'il est un angle mort des discussions européennes sur l'harmonisation des normes applicables à la finance verte et sur la création d'un cadre unifié, c'est bien celui de la formation, initiale et continue, de l'ensemble des parties prenantes (investisseurs, acteurs financiers et non financiers, agences de notation, vérificateurs externes, commissaires aux comptes, etc.).

Or cet enjeu va devenir de plus en plus pressant, que ce soit pour concevoir de nouveaux produits durables et pour informer les épargnants, ou pour répondre aux exigences nouvelles imposées aux entités mandatées pour vérifier les émissions d'obligations vertes, pour certifier les données utilisées dans le reporting de durabilité des entreprises et pour accompagner les entreprises dans la construction de leur comptabilité carbone (cf. infra ). Il faudra bien à cet égard pouvoir compter sur un vivier de compétences : ce sont des normes et non des subjectivités qui doivent être appliquées .

Pour ce faire, il faut pouvoir disposer d'une assurance raisonnable quant à la qualité de la formation initiale et continue suivie dans le domaine de la finance verte . C'est d'autant plus important que la concurrence est forte dans ce domaine. Pour citer le directeur général de l'Institut Louis Bachelier - organisme qui finance, diffuse et valorise la recherche en économie et finances - « la finance verte, c'est du brain business. On a la capacité de former les gens, encore faut-il le faire ».

L'AMF a ainsi commencé par inclure dans la certification professionnelle un module optionnel « finance durable ».

La certification professionnelle « finance durable »
de l'Autorité des marchés financiers

Les collaborateurs ou les futurs professionnels des prestataires de services d'investissement (PSI) ainsi que les conseillers en investissement participatif (CIF) doivent passer un examen de certification professionnelle pour garantir qu'ils disposent bien d'un socle minimal de connaissances et de compétences. Cet examen est organisé par les centres de formation certifiés par l'AMF.

Le Collège de l'AMF a souhaité au début de l'année 2021 que les connaissances minimales des PSI et des CIF en matière de finance durable soient renforcées, dans le cadre du dispositif obligatoire de certification professionnelle. Un nouveau module de certification « finance durable », encore optionnel, a ainsi vu le jour et, à la fin de l'année 2021, six organismes de formation étant certifiés par l'AMF.

Source : Autorité des marchés financiers, rapport d'activité pour l'année 2021 , 18 mai 2022

Recommandation n° 14 (Autorité des marchés financiers) : rendre obligatoire au 1 er janvier 2024 la présence d'un module de certification « finance durable » au sein du parcours de certification professionnelle proposé par les organismes de formation certifiés par l'Autorité des marchés financiers pour les conseillers en investissement participatif et pour les collaborateurs ou les futurs professionnels des prestataires de services d'investissement.

L'entité en charge de la promotion de la place financière de Paris, rattachée à Paris Europlace , Finance For Tomorrow (F4T), propose d'aller plus loin en créant une procédure de labellisation des formations , et notamment des masters en finance « traditionnelle ». Seuls les masters disposant d'un socle minimal de formation à la finance durable pourraient obtenir ce label. Sur ce sujet, F4T travaille avec des professionnels de la Place et des représentants du monde académique.

III. FAIRE DU « VERT » : METTRE À DISPOSITION DES INVESTISSEURS DES LABELS EXIGEANTS ET SOUTENIR LES ACTEURS DANS LEUR TRANSITION, EN ASSURANT LA CRÉDIBILITÉ DE LEURS ENGAGEMENTS ET EN INTÉGRANT DAVANTAGE LE CARBONE

Les fondations étant désormais stabilisées, l'édifice de la finance verte peut prendre forme. La définition du « vert » est en effet bien avancée, sous réserve des modifications qui pourraient être apportées au Parlement européen, et plusieurs initiatives règlementaires comme opérationnelles devraient permettre de standardiser les données publiées, il revient aux acteurs financiers et non financiers de se mobiliser . Ils pourront pour ce faire s'appuyer sur les labels existants et sur les outils de financement de la transition d'ores et déjà à leur disposition, et qui bénéficieraient d'être complétés sur les aspects « carbone » .

« Faire du vert », participer à la transition, recouvre en effet deux aspects : une mobilisation des produits financiers les plus appropriés , y compris par la labellisation, et une intégration du carbone comme un élément à part entière des contraintes des acteurs.

A. L'EXISTENCE D'OUTILS LABELLISÉS ET ENCADRÉS DOIT PERMETTRE DE FAIRE EN SORTE QUE LA POLITIQUE FINANCIÈRE DES ACTEURS PRIVÉS REFLÈTE LEUR TRANSFORMATION

L'article 2.1 c) de l'accord de Paris affirme que l'un des axes d'action dans le renforcement de la « riposte mondiale à la menace des changements climatiques » doit être de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques » . Atteindre ces objectifs suppose toutefois une importante phase de transition, avec une allocation des actifs plus efficace au regard des objectifs climatiques poursuivis . Le rapporteur spécial insiste sur le fait que cette transition doit être soutenue : ce n'est pas en investissant seulement dans le « vert » que les flux de capitaux seront réorientés vers des actifs plus durables et que les entreprises adapteront leurs comportements . La transition demeure une étape cruciale et il existe aujourd'hui plusieurs outils à même de soutenir les acteurs financiers dans cette démarche.

Le rapport d'Yves Perrier 91 ( * ) a pour grand mérite de poser le cadre en ces termes, en insistant sur le fait que la question du climat n'est pas seulement une question morale, mais qu'elle doit être pensée et traitée comme une nouvelle révolution industrielle . Elle suppose de modifier nos processus de production, nos produits et nos chaînes de valeur. Or renverser notre mix énergétique en faveur des énergies renouvelables ou parvenir à zéro émission nette de carbone en 2050 ne pourra pas se faire en deux ans, cinq ans ni même dix ans. Il y a auparavant toute une période de transition à accompagner et à financer, à condition qu'elle s'appuie sur des engagements crédibles de la part des acteurs .

1. Les modifications à venir sur le label « ISR » devraient permettre de mieux identifier les produits verts et d'accompagner la transition
a) Le label ISR, un label reconnu par les acteurs financiers

Le label ISR (investissement socialement responsable) a été créé par l'État en 2016, avec l'objectif de distinguer les placements financiers dits « responsables » , c'est-à-dire ceux pour lesquels les sociétés de gestion tiennent compte, dans leurs décisions d'investissement et d'engagement des entreprises, des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG).

Au premier trimestre 2022, plus de 900 fonds, détenus par 160 sociétés de gestion de portefeuille et représentant 700 milliards d'euros d'actifs , sont labellisés ISR. Le label français est désormais le premier label finance responsable européen, devant le label belge.

La méthodologie et la procédure
d'octroi du label ISR

Le label ISR valorise pour une durée de trois ans une gestion financière intégrant des critères ESG selon un référentiel précis élaboré avec les parties prenantes et arrêté par l'État, dont le respect est homologué par un des trois certificateurs (Afnor Certification, Deloitte, Ernst&Young France) à l'issue d'un processus d'audit exigeant.

Les certificateurs vérifient ainsi, à l'aune du référentiel, que le gérant :

- précise les objectifs recherchés par le fonds au travers de la prise en compte de critères ESG (pilier I) ;

- détaille sa méthodologie de notation et sélection ESG (pilier II) ;

- démontre le caractère mesurable de sa stratégie de sélection ESG (pilier III) ;

- met en oeuvre une politique d'engagement ESG vis-à-vis des parties prenantes clés (pilier IV) ;

- s'engage en faveur d'une transparence renforcée vis-à-vis des investisseurs (pilier V) ;

- démontre la performance ESG du fonds à partir d'indicateurs concrets (pilier VI).

Dans les cas où des non-conformités ont été détectées lors de l'audit de certification initial, ou lors d'audits de suivi, et doivent faire l'objet de corrections, des audits de suivi spécifiques peuvent être programmés par l'organisme certificateur.

La certification peut être suspendue ou retirée, au regard du nombre de non-conformités détectées, dans le cas :

- de non-conformités graves ;

- de non-conformités majeures non levées sous trois mois ;

- de non-conformités mineures déjà détectées pour lesquelles la société de gestion de portefeuille n'a pas proposé ou mis en oeuvre des actions correctives pertinentes.

Enfin, pour la certification et la labellisation, les certificateurs s'appuient sur la méthodologie de notation et de sélection ESG de la société de gestion. Ainsi, ce ne sont ni la notation ESG des émetteurs, ni la qualité des données collectées par la société de gestion auprès des émetteurs et des tiers qui sont certifiées par le label ISR .

Source : réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

Le label ISR n'est pas, au contraire du label Greenfin un label vert, mais un label finance durable , qui vise donc un progrès sur l'ensemble des dimensions ESG. Selon Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR, si la nature fondamentale du label ISR veut être préservée, il ne faut pas qu'il soit procédé à l'exclusion d'office de certaines activités , contrairement à ce que l'IGF avait préconisé dans un rapport publié à la fin de l'année 2020 et appelant à une profonde réforme du label.

Le rapport de l'Inspection générale des finances
sur le label ISR

Au mois de décembre 2020, l'IGF a remis un rapport sur le label ISR. Ses constats étaient très sévères , l'IGF estimant notamment qu'à moins d'une évolution radicale, le label ISR s'exposait « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence » et, qu'en dépit du volume des encours labellisés, « ses faiblesses intrinsèques [obéraient] son adaptation à un marché en forte évolution ». La gouvernance du label n'avait pas non plus été exempte de critiques, tant sur sa formalisation insuffisante que sur son manque de moyens.

L'IGF plaidait alors pour un « recentrage stratégique du dispositif », le label ISR devant avant tout « assumer une promesse simple vis-à-vis de l'épargnant particulier, celle que son placement contribue effectivement au financement d'un modèle économique durable ». La mission soulignait également qu'il fallait absolument « inscrire le label ISR dans une perspective européenne réaliste ».

La mission défendait ainsi la mise en oeuvre d'un nouveau référentiel en 2022, articulé autour des axes suivants : l'inclusion explicite d'un objectif de contribution au développement économique durable (mesuré à partir des ODD ou de la taxinomie européenne), l'exclusion de certains secteurs 92 ( * ) (au titre du principe de l'absence de préjudice significatif du placement), la préservation de l'approche généraliste du label ISR et sa transformation en « label à niveaux » ou encore la prise en compte, dans certains cas, de l'alignement sur la taxinomie européenne.

Source : Inspection générale des finances, « Bilan et perspectives du label « investissement socialement responsable (ISR) », décembre 2020

Le comité pourrait en revanche proposer que le label ISR ne puisse être obtenu par un fonds qu'à la condition de satisfaire à une obligation minimale de transparence et d'engagement sur l'aspect climat de la dimension « E » (environnement). Une telle évolution apparaît conforme à ce qui fait la force du label ISR : les importantes obligations de transparence imposées aux détenteurs du label. Le comité réfléchit également à créer de nouveaux référentiels du label ISR spécifiques à certaines catégories de produits ( private equity , fonds monétaires, dérivés, gestion passive), comme cela a été fait par exemple pour les valeurs immobilières.

Les modifications proposées seront soumises par le comité du label ISR au ministère de l'économie et des finances et devraient faire l'objet d'un arrêté d'ici à la fin de l'année 2022.

Michèle Pappalardo a ainsi expliqué lors de son audition que l'objectif de ces modifications était triple : « l'exigence, la crédibilité et l'efficacité du label ISR ». L'efficacité se mesure aussi à la capacité à faire avancer les acteurs de la Place sur des préoccupations dont certains d'entre eux ne se sont jusqu'ici pas saisis : les plus verts, les plus durables ont finalement moins besoin du label ISR que ceux cherchant à asseoir la crédibilité de leurs engagements durables.

Le label français sera sans doute également amené à coexister avec l'éco-label européen sur les produits financiers , dont l'objectif est d'orienter l'épargne les ménages vers des produits qui financent la transition énergétique, en leur apportant l'information et la confiance nécessaire pour leurs investissements. Ce label serait en revanche uniquement « vert » et non durable. L'existence d'un label vert solide et crédible pourrait ainsi permettre de limiter les effets d'aubaine 93 ( * ) , c'est-à-dire le financement par des obligations vertes de projets qui auraient été de toute façon financés par des obligations conventionnelles.

L'éco-label européen

L'éco-label européen concernerait les produits d'investissement de détail, ainsi que les produits d'assurance avec une composante d'investissement (ex. les unités de compte pour l'assurance vie). Le groupe de travail a proposé que six critères soient retenus pour l'octroi de ce label, avec des exigences d'évaluation et de vérification sur chacun d'entre eux :

1. les investissements portent sur des activités économiques vertes et de transition au sens de la taxinomie européenne ;

2. les activités environnementales nuisibles sont exclues, tout comme les obligations souveraines des États n'ayant pas ratifié des accords internationaux tels que l'accord de Paris ;

3. les principes sociaux et de gouvernance tels que définis sur la base de standards et de textes internationaux sont respectés ;

4. une politique d'engagement est mise en oeuvre, notamment via le vote en assemblée générale des actionnaires ;

5. le consommateur est régulièrement informé de la répartition de ses investissements, mais aussi des procédures de contrôle interne et de gouvernance mises en place ;

6. les règles d'information sur l'éco-label sont respectées.

Source : Finance for Tomorrow, « Du plan d'action européenne à la stratégie renouvelée sur la finance durable, décryptage des avancées règlementaires », mai 2020

L'entrée en vigueur de ce label est nécessairement subordonnée à celle de l'ensemble des actes délégués relatifs à la taxinomie des actifs durables et à celle du standard européen sur les obligations vertes. Ces nouveaux éléments amèneront sans doute, comme l'a indiqué au rapporteur spécial Michèle Pappalardo, à revoir le label ISR d'ici trois ans, pour tenir compte des évolutions intervenues au niveau européen .

Recommandation n° 15 ( comité du label ISR, ministère de l'économie et des finances) : revoir les critères et le fonctionnement du label ISR a minima tous les trois ans , en tenant compte des meilleures pratiques du marché et des évolutions règlementaires intervenues au niveau européen.

b) La transformation du label ISR en une labellisation « par brique »

D'après les informations transmises par la présidente du comité du label ISR, le comité travaillerait bien à introduire des exigences minimales sur les trois critères ESG, avec l'instauration de planchers à respecter pour obtenir la labellisation. Plusieurs niveaux d'exigence optionnels seraient ensuite ajoutés, avec des déclinaisons thématiques sur le climat, l'emploi ou encore la santé par exemple.

Pour Nathalie Layani, directrice de la politique durable de la Caisse des dépôts, c'est cette évolution qui doit être privilégiée : un socle de base , auquel pourraient ensuite s' ajouter des briques permettant à un fonds de démontrer qu'il est plus exigeant sur la dimension environnementale par exemple.

Pour résumer, il serait possible de labelliser un fonds comme plus ambitieux sur une dimension, mais il serait impossible de labelliser un fonds ne respectant pas des critères minimaux sur chacune des dimensions couvertes par le label ISR. Pour le rapporteur spécial, cette approche a le mérite de conserver un cadre unique par le label ISR, sans multiplier les étiquettes. À ce titre, il pourrait même être envisagé d'intégrer le label Greenfin sous la forme d'une nouvelle brique du label ISR, en estimant que faire du vert ne dispense pas de respecter un socle minimal d'exigences sur les autres dimensions ESG, ce qui est déjà pour partie prévu dans Greenfin .

La méthodologie et la procédure
d'octroi du label Greenfin

L'attribution du label Greenfin par trois certificateurs (Afnor Certification, Ernst&Young France, Novethic), repose sur un référentiel bâti sur quatre critères :

- la part verte : une nomenclature liste huit éco-activités d'activités éligibles au financement du fonds candidat (énergie, bâtiment, gestion des déchets et contrôle de la pollution, industrie, transport propre, TIC, agriculture et forêt, adaptation au changement climatique), une part doit être réservée à ces activités au sein du fonds candidat. Des seuils définissent les règles d'allocation a minima entre trois « poches » d'investissement, définies par « l'intensité » de la « part verte » dans le chiffre d'affaires des émetteurs dans lesquels chaque « poche » est investie.

- les exclusions : le référentiel exclut du périmètre d'investissement des fonds labellisés certaines activités économiques « contraires » à la transition énergétique et écologique, ou actuellement controversées (l'exploration-production et l'exploitation de combustibles fossiles ; l'ensemble de la filière nucléaire ; quelques exclusions partielles).

- la prise en compte des critères ESG dans la construction et la vie du portefeuille et la gestion des controverses ESG.

- « l'impact » positif sur la transition énergétique et écologique : le fonds candidat doit avoir mis en place un mécanisme de mesure de la contribution effective de ses investissements à la transition énergétique et écologique (informations sur les moyens humains, la méthode d'évaluation de l'impact et les indicateurs d'impact retenus).

Au mois de mars 2022, environ 80 fonds étaient labellisés Greenfin, pour un encours d'environ 20 milliards d'euros .

Source : réponses de la direction générale du Trésor au rapporteur spécial

De telles évolutions supposent toutefois de disposer de la donnée nécessaire et certifiée , ce qui reprend les constats énoncés précédemment par le rapporteur spécial. Michèle Pappalardo soutient dans ce cadre la volonté de la Commission européenne de proposer en 2023 un nouveau cadre règlementaire pour la notation ESG (cf. supra ), les agences de notation s'apparentant encore selon elle à des « boîtes noires ».

La même logique de brique pourrait ensuite être appliquée pour intégrer le développement de la finance à impact .

La finance à impact

Sous l'impulsion et sous l'égide de Finance For Tomorrow (F4T), branche finance responsable de Paris Europlace née à la suite de l'adoption de l'accord de Paris, plusieurs acteurs - assureurs, banques, gestionnaires d'actifs, organisations non gouvernementales, investisseurs institutionnels - ont signé une déclaration de soutien au développement de la finance à impact .

Aux termes de cette déclaration, la finance à impact est définie comme une stratégie d'investissement ou de financement qui vise à accélérer la transition juste et durable de l'économie réelle, en apportant une preuve de ses effets bénéfiques. Elle repose sur trois piliers : l'intentionnalité, l'additionnalité et la mesure de l'impact , pour démontrer :

1. la recherche conjointe, et dans la durée, d'une performance écologique et sociale et d'une rentabilité financière , tout en maîtrisant l'occurrence d'externalités négatives ;

2. l'adoption d'une méthodologie claire et transparente décrivant les mécanismes de causalité via lesquels la stratégie contribue à des objectifs environnementaux et sociaux définis en amont, la période pertinente d'investissement ou de financement, ainsi que les méthodes de mesure, selon le cadre dit de la théorie du changement ;

3. l' atteinte de ces objectifs environnementaux et sociaux s'inscrivant dans des cadres de référence, notamment les Objectifs de Développement Durable, déclinés aux niveaux international, national et local.

Source : Déclaration de soutien au développement de la finance à impact , novembre 2021

Finance For Tomorrow (F4T) plaide ainsi pour que le label ISR inclue une déclinaison propre à la finance à impact . Il ne s'agirait donc pas d'un nouveau label, l'objectif étant de ne pas les multiplier au nom de l' exigence de lisibilité pour les épargnants, mais d'une nouvelle « brique ».

Recommandation n° 16 (ministère de l'économie et des finances) : valider les modifications du référentiel du label ISR proposant d'introduire des exigences minimales sur les trois dimensions E (environnement), S (social) et G (gouvernance) ainsi que des exigences optionnelles sur certaines dimensions, préalable à la transformation du label ISR en un label « par brique ».

2. Le développement des sustainability-linked bonds pour le financement de la transition doit être tout à la fois encouragé et encadré
a) Privilégier les outils existants plutôt qu'un nouveau label transition

Le rapport d'Yves Perrier 94 ( * ) propose, en sa recommandation n° 19, de créer aux côtés du label ISR un label dédié à la transition climatique, ayant vocation à valoriser les investissements dans la transition carbone . Or, au regard de ce qui a été dit précédemment sur les évolutions apportées au label ISR et des propos entendus lors des auditions, le rapporteur spécial estime que créer un label en propre n'est peut-être pas le format le plus adapté .

Plusieurs acteurs auditionnés par le rapporteur spécial s'accordent en effet à dire qu' il ne faut pas multiplier les labels sur la dimension environnementale , alors que la France est le seul pays européen à en avoir deux - le label ISR à vocation généraliste et le label Greenfin - et qu'un label européen pourrait en plus être développé.

Par ailleurs, l'orientation des modifications proposées sur le label ISR, avec l'instauration d'un socle de base enrichi de briques spécifiques contient cette idée de transition. Par exemple, la brique « climat » ne pourrait être obtenue que si le fonds démontrait son implication pour la transition bas carbone.

Rien n'empêche enfin, pour les entreprises et les acteurs financiers engagés dans une logique de transition, de s'appuyer sur la taxinomie européenne, qui n'est pas un outil d'exclusion. Le rapporteur spécial considère en effet que l'analyse de l'alignement sur la taxinomie ne peut se satisfaire d'une approche binaire (activité alignée ou non alignée) ; elle doit également servir à analyser les trajectoires d'alignement, de manière à encourager les acteurs à poursuivre leur transition et le verdissement des activités 95 ( * ) . Ce n'est en effet pas en ne soutenant que le « vert » que nous parviendrons à tenir les objectifs climatiques et environnementaux fixés pour 2030 et 2050.

La taxinomie n'exclut pas en elle-même cette approche dynamique . Sur l'objectif d' atténuation du changement climatique , trois catégories d'activités alignées sont par exemple prévues :

- les activités vertes , qui peuvent être considérées comme durables même à l'horizon 2050 ;

- les activités de transition , qui contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre quand il n'existe pas d'activités alternatives déjà durables. Ces activités sont amenées à être revues régulièrement avec des exigences de plus en plus fortes (ex. gaz, nucléaire) ;

- les activités habilitantes , qui permettent le développement des activités durables.

Ainsi, à côté d'imposer aux distributeurs des produits d'épargne de devoir proposer au moins un fonds ISR ou un fonds Greenfin dans leur gamme d'unités de compte et aux gestionnaires d'actifs de disposer d'un pourcentage de vert, il est impératif de leur imposer ou de les inciter à disposer d'un pourcentage d'investissements d'entreprises s'engageant à se conformer à la taxinomie d'ici telle ou telle échéance 96 ( * ) . Les investissements seraient dès lors conditionnés à une trajectoire climatique crédible (mise en oeuvre d'une stratégie certifiée, engagement sur les échéances avec des dates précises, engagements de sortie et d'entrée dans certaines activités).

Recommandation n° 17 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances) : préparer, par le biais d'un engagement de Place, les gestionnaires de fonds et de produits d'épargne à pouvoir disposer d'un pourcentage d'investissements d'entreprises s'engageant de manière crédible à se conformer à la taxinomie verte européenne à une échéance précisée dans leur stratégie environnementale.

b) Adopter une politique financière démontrant la transformation

D'autres instruments existent aujourd'hui pour financer la transition et sont privilégiés par les entreprises, à l'instar des sustainability-linked bonds (SLB) . La première société à avoir émis cette forme d'obligation, l'italienne ENEL, l'a d'ailleurs fait parce qu'il lui était impossible de lever des fonds par le biais d'une obligation verte. Les caractéristiques mêmes des SLB, avec un engagement de l'émetteur à atteindre des objectifs clés de performance sur le climat ou sur l'environnement ou, à défaut, à verser un surcroît d'intérêt aux porteurs ou à une ONG, font de ces produits un support à privilégier, à la condition qu'ils soient encadrés .

Pour reprendre les termes d'une personne auditionnée, la politique financière d'une entreprise doit démontrer sa transformation . Elle doit démontrer ses engagements environnementaux, tels que l'alignement de la politique de l'entreprise sur un scénario limitant le réchauffement de la planète à 1,5° C d'ici 2050 ou la réduction des émissions de scope 3 par exemple. Une entreprise ne décide pas de recourir à l'émission d'une SLB et de définir ensuite ses indicateurs clés de performance, elle définit d'abord son ambition climat, convient que les investisseurs doivent accompagner cette transformation et choisit donc d'émettre des SLB.

Comme cela a pu être expliqué précédemment, les SLB apparaissent toutefois comme davantage susceptibles de conduire à de l'éco-blanchiment , avec une incertitude sur l'allocation des fonds ou sur la pertinence des indicateurs de performance retenus par les émetteurs, en l'absence de lien direct obligatoire avec les fonds levés (cf. supra ).

Les SLB peuvent certes faire l'objet d'une seconde opinion , l'émetteur transmettant sa documentation avant l'émission. Toutefois, ainsi que l'ont bien rappelé les représentants de S&P's, cette seconde opinion ne porte, comme pour les émissions souveraines, que sur l'alignement avec les principes applicables aux SLB, à la méthodologie retenue par l'émetteur. Il ne revient pas par exemple à l'entité mandatée de se prononcer sur la pertinence des objectifs de performance .

Pour prévenir ces soupçons et assurer aux émetteurs privés un financement de marché dans les meilleures conditions possibles, de plus en plus de banques les aident à bien cibler leurs indicateurs et leurs objectifs de performance. L'enjeu est de fixer des cibles suffisamment ambitieuses , eu égard au marché, au secteur d'activité, au point de départ de l'émetteur et aux avances technologiques. Or, juger de l'ambition d'une trajectoire est extrêmement compliqué, avec des compétences, des données et des méthodologies encore très limitées dans ce domaine 97 ( * ) . Il s'agit pourtant d'un enjeu essentiel alors que la déconnexion entre le montant émis et l'objectif choisi, propre aux SLB, peut poser d'importantes difficultés pour la crédibilité du titre et de l'émetteur.

L'Autorité des marchés financiers a accordé le 11 mai 2021 son premier visa sur l'émission d'un sustainability-linked bond de droit français , en approuvant son prospectus permettant son admission sur Euronext Paris. Le prospectus doit présenter les objectifs de durabilité que s'est fixés l'émetteur à l'émission, ces objectifs chiffrés étant définis par des indicateurs clés de performance ( key performance indicators - KPI). L'autorité insiste sur la nécessité pour les émetteurs de convaincre les investisseurs de la crédibilité des paramètres retenus (KPI, rehaussement du coupon en cas d'objectif manqué) 98 ( * ) .

L'AMF s'attend à ce que les émissions de SLB prennent de plus en plus d'importance et s'étendent aux opérations obligataires admises à la négociation sur les marchés règlementés 99 ( * ) . Lors de son audition, WWF a estimé que l'encours des SLB pourrait atteindre 200 milliards d'euros à la fin de l'année 2022 , soit près d'un quart du total des émissions d'obligations vertes annuelles. Les SLB représenteraient déjà 10 % du marché de la dette durable et 50 % des obligations vertes 100 ( * ) .

Il devient dès lors impératif de renforcer le cadre qui leur est applicable , en portant une attention particulière à la fixation des indicateurs de performance, qui doivent être à la fois réalistes en termes d'effort à accomplir et pertinents pour le coeur de métier de l'émetteur. Le rapporteur spécial s'interroge sur l' opportunité de confier un rôle plus large à l'AMF sur les SLB , par exemple en lui confiant la possibilité d'échanger avec l'émetteur sur la crédibilité de ses KPI.

Recommandation n° 18 ( Autorité des marchés financiers) : engager dans les six prochains mois une étude d'impact et de faisabilité sur l'opportunité de confier à l'Autorité des marchés financiers un droit d'appréciation des indicateurs clés de performance choisis par les émetteurs dans leur cadre des sustainability-linked bonds . Si les résultats sont probants, modifier les dispositions législatives et règlementaires afférentes d'ici au 1 er juillet 2023.

B. POUR RÉGLER L'URGENCE CLIMATIQUE, IL FAUT D'ABORD RÉGLER UNE URGENCE COMPTABLE, EN INTÉGRANT LE CARBONE DANS LA COMPTABILITÉ DES ENTREPRISES

1. Une comptabilité carbone doit être instaurée pour les grandes entreprises
a) Le carbone, un élément objectivable et un indicateur clé des engagements climatiques des émetteurs

Le rapporteur spécial l'a rappelé à plusieurs reprises : la fiabilité des données et la capacité à mesurer les engagements des acteurs financiers et non-financiers sont les deux fondations essentielles à l'établissement d'une finance verte crédible et à même de produire les effets attendus d'elle, à savoir une réorientation des flux financiers vers la transition environnementale.

Or, en l'état des connaissances techniques, tous les indicateurs ne sont pas aussi objectivables et mesurables les uns que les autres. Le carbone se distingue en ce qu'il apparaît être le plus facile à mesurer, contrairement aux effets des activités et des investissements sur la biodiversité par exemple , avec des mesures encore en cours de test et d'expérimentation 101 ( * ) . L'Organisation des Nations Unies travaille également à la définition d'un nouveau cadre, qui inclurait des cibles en matière de protection et de redressement de la population de certaines espèces.

Parmi les six objectifs environnementaux couverts par la taxinomie, deux objectifs sont climatiques - l'atténuation du changement climatique et l'adaptation au changement climatique - et centrés sur le carbone et les émissions de gaz à effet de serre. Les critères techniques proposés par la Commission européenne pour ces deux objectifs visent ainsi d'une part à ce que les activités alignées soient compatibles avec une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et d'autre part que la neutralité carbone soit assurée d'ici 2050.

Alors que les efforts de ces dernières années se sont portés sur la mesure du carbone et de ses effets et que nous disposons maintenant de standards plus robustes en la matière, l'externalité carbone ne doit plus être quelque chose que l'entreprise gère « à côté » de ses activités, mais un élément inhérent à sa stratégie et à ses processus 102 ( * ) .

b) La double comptabilité carbone, un outil au service de l'efficience écologique

Pour intégrer cette dimension carbone, le rapporteur spécial propose d' instaurer une comptabilité carbone au sein de l'ensemble des entreprises amenées à être couvertes par la future directive européenne sur le reporting de durabilité (CRDS). Ces entreprises - les grandes entreprises et certaines PME cotées - auront en effet déjà fait l'effort en amont de rassembler des données pour ce reporting , appuyé sur les standards proposés par l'Efrag concernant notamment la double matérialité et la mesure des émissions de scope 3.

La comptabilité carbone viendra donc parachever la construction de l'édifice entamé par la Commission européenne avec la mise en oeuvre de procédures de remontées d'information, la mise à disposition d'informations plus fiables et la grille de lecture taxinomique. Elle est d'autant plus importante que , comme présenté précédemment, la BCE va renforcer ses exigences quant à ses avoirs en obligations d'entreprises et aux garanties acceptées pour leurs emprunts, avec un renforcement en parallèle de la transparence demandée aux acteurs sur leurs engagements climatiques .

Les mesures présentées par la Banque centrale européenne
dans le cadre du « verdissement » de sa politique monétaire

Les mesures présentées par la BCE le 4 juillet 2022 sont de trois ordres :

- à compter du mois d'octobre 2022 , l'Eurosystème orientera ses avoirs en obligations d'entreprises vers des émetteurs présentant de bons résultats climatiques en réinvestissant les remboursements attendus au cours des années à venir. La performance climatique de l'entreprise s'appréciera au regard de ses émissions de gaz à effet de serre, de ses objectifs de réduction des émissions de carbone et de ses déclarations satisfaisantes en matière de climat ;

- avant la fin de l'année 2024 , l'Eurosystème limitera la part des actifs émis par des entités à empreinte carbone élevée et pouvant être apportés en garantie par des contreparties dans le cadre d'emprunts auprès de l'Eurosystème . Si dans un premier temps ce nouveau régime ne s'appliquera qu'aux seuls instruments de dette négociables émis par des entreprises n'appartenant pas au secteur financier, il pourra être progressivement étendu à mesure que la qualité des données relatives au climat s'améliorera ;

- à compter de 2026 , l'Eurosystème n'acceptera en garantie de ses opérations de crédit que les actifs négociables et les créances privées d'entreprises et de débiteurs respectant la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (directive CSRD).

L'Eurosystème a en parallèle convenu d'un ensemble de normes minimales communes précisant les modalités d'intégration des risques liés au climat dans les notations produites par les systèmes internes d'évaluation du crédit des banques centrales nationales , pour une entrée en vigueur d'ici la fin de l'année 2024.

Source : Banque centrale européenne, communiqué de presse du 4 juillet 2022 , « La BCE prend de nouvelles mesures visant à intégrer le changement climatique à ses opérations de politique monétaire »

Dans son rapport 103 ( * ) , Yves Perrier propose que les entreprises comptabilisent leurs émissions carbone sur les scopes 1, 2 et 3 (cf. définition supra) et transmettent ces informations aux acteurs financiers. Ces derniers pourraient alors les intégrer pour piloter leurs portefeuilles de prêts et d'investissement , avant de les transmettre pour consolidation à leurs autorités de supervision respectives, AMF ou ACPR . Ces données pourraient également être intégrées au point d'accès unique européen, avec celles utilisées pour le reporting de durabilité.

Cette comptabilité pourrait aussi prendre la forme, pour reprendre l'idée défendue par Jean-Michel Beacco, directeur général de l'Institut Louis Bachelier (ILB), d'une nouvelle forme de comptabilité en partie double , avec d'un côté la partie financière et de l'autre la partie écologique. L'ILB a ainsi fondé la Maison Luca Pacioli 104 ( * ) , dont le but est de développer la recherche sur ce thème. Pour citer le directeur général, « si on fait de la finance verte, il faut bien compter ce que l'on fait en vert » . Or, sans comptabilité carbone, il sera difficile de demander d'intégrer aux entreprises les émissions de scope 3. C'est d'ailleurs tout le sens du propos tenu par le président de l'Autorité des marchés financiers devant la commission des finances : « nous manquons de données fiables pour les émissions indirectes [...] rassemblées dans le scope 3 : en leur absence, le bilan carbone d'une entreprise est complètement faussé, aucune comparaison n'est possible » 105 ( * ) .

Recommandation n° 19 (législatif puis ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de la transition écologique ) : initier, pour les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), la mise en place d'une double comptabilité carbone à compter de 2024.

Recommandation n° 20 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : prévoir que l'État mette lui aussi en oeuvre une comptabilité carbone et qu'il en présente les résultats dans le cadre du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (échéance : comptes portant sur l'année 2024).

C'est une proposition ambitieuse, mais, dans ce domaine, la France a toujours su être aux avant-postes, avec une législation en avance par rapport à celle de ses voisins et permettant « d'insuffler du progrès à l'échelle européenne » 106 ( * ) .

Dans un premier temps en effet, la mise en oeuvre de cette comptabilité carbone permettra aux entreprises et aux acteurs de la Place de disposer d'une vision claire quant à leur budget carbone et à son évolution, pour asseoir la crédibilité de leurs engagements et pour répondre aux interrogations des superviseurs. L'AMF a par exemple analysé les engagements de neutralité carbone repris dans les déclarations de performance extra-financière (DPEF) de sociétés cotées et a présenté les enjeux de la neutralité carbone des entreprises, au travers d'un rapport de la commission climat-finance durable

À terme, l'un des objectifs de la mise en oeuvre de cette comptabilité carbone pour les entreprises serait de pouvoir introduire une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés . Une partie de l'imposition due par les entreprises serait ainsi modulée en fonction du bilan carbone des entreprises, afin de les inciter à devenir les plus efficientes possibles dans leur consommation d'énergie et dans la composition de leur mix énergétique .

Recommandation n° 21 ( législatif) : introduire à moyen terme une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité.

2. La décarbonation des portefeuilles, un engagement qui doit être crédible pour mener à long terme à la neutralité carbone

Un deuxième ensemble d'actions sur le carbone porte sur la décarbonation des portefeuilles .

Comme indiqué en amont, l'article 2.1 c) de l'accord de Paris affirme que l'un des axes d'action face à la menace du changement climatique doit être de rendre « les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre ».

Les stratégies de décarbonation des portefeuilles ou des activités s'articulent généralement autour de trois axes : l'exclusion progressive des énergies fossiles (gaz, charbon), la définition d'une stratégie de zéro émission nette, qui peut s'appuyer sur des m écanismes de compensation carbone , et l'inscription de la trajectoire de décarbonation dans la perspective d'une limitation de la hausse de la température de la Terre à 1,5° C d'ici 2050. Ces trois axes doivent chacun pouvoir être vérifié, pour juger de leur crédibilité.

Or, dans leur deuxième rapport commun sur le suivi et l'évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place 107 ( * ) , l'ACPR et l'AMF relèvent qu'en dépit de leurs demandes répétées en ce sens et de la mise en place de groupes de travail visant à améliorer la comparabilité des approches en matière de sortie des énergies fossiles , peu de progrès ont été accomplis . En outre, les stratégies réelles de sortie des énergies fossiles, ainsi que les éventuelles étapes pour respecter les objectifs affichés sont dans les faits rarement décrites par les acteurs.

Ces lacunes ne sont pas de nature à pouvoir asseoir la crédibilité des trajectoires de décarbonation, d'autant qu'il n'existe pas de consensus sur ce sujet parmi les acteurs de la Place et que « les approches et les niveaux d'ambition restent encore hétérogènes d'un acteur à l'autre » 108 ( * ) . Dans ce contexte, la création d'un groupe de travail rassemblant les parties prenantes et les ministères chargés de l'énergie et de l'économie et des finances pour définir un scénario de référence sur la sortie des énergies fossiles à horizon 2025, 2030 et 2050 , objet de la recommandation n° 20 du rapport Perrier, apparait tout à fait opportune 109 ( * ) . Ce groupe de travail pourrait également trancher la question des entreprises consommatrices et non productrices d'énergies fossiles : pour le charbon, sont généralement exclues les entreprises productrices et les entreprises consommatrices (selon le degré d'exposition de leur chiffre d'affaires), mais ce n'est pas le cas pour le pétrole et pour le gaz.

Recommandation n° 22 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de l'énergie) : créer, à l'instar de ce qui est proposé par le rapport d'Yves Perrier « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », un groupe de travail chargé de définir un scénario de référence sur la sortie des énergies fossiles à horizon 2025, 2030 et 2050. Intégrer, dans ce scénario de sortie, la question des entreprises très consommatrices d'énergies fossiles . Ce groupe de travail réunirait les professionnels de la Place, ainsi que les ministères chargés de l'énergie et de l'économie et des finances.

À noter toutefois que d'autres acteurs, comme la Caisse des dépôts, se sont déjà engagés sur des trajectoires plus détaillées de décarbonation.

La stratégie de décarbonation
de la Caisse des dépôts et consignations

La Caisse des dépôts a fondé en 2019, avec la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Allianz, le Groupe Folksam, Pension Danmark et Swiss Re, la Net Zero Asset Owner Alliance (NZAOA). La NZAOA rassemble désormais 72 membres, dont 33 investisseurs institutionnels et couvre 10 400 milliards de dollars d'actifs . L'ensemble de ses membres s'est engagé à avoir des portefeuilles d'investissement “zéro émissions” d'ici 2050 et à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en dialoguant avec les entreprises et les institutions publiques, avec des points d'étape tous les cinq ans .

La NZAOA a publié le 25 janvier 2022 la seconde édition de son protocole de fixation de cibles. Le protocole prévoit la fixation de trois types de cibles parmi les quatre suivantes :

1) cibles d'engagement : nombre de valeurs engagées (obligatoires) ;

2) cibles de décarbonation par classes d'actifs ;

3) cibles de décarbonation par secteur (non obligatoires) ;

4) cibles de financements « verts » ou de transition .

Si la Caisse des dépôts n'a pas encore établi de cibles de décarbonation par secteur, elle a fixé des cibles de décarbonation par classes d'actifs, à partir des « corridors » prévus dans le protocole : décarbonation de - 22 % à - 32 % entre 2020 et 2025 et de - 49 % à - 65 % entre 2020 et 2030. Sa cible pour 2030 est ainsi de - 55 %, contre - 25 % en 2025. Il n'y a pas à proprement parler de cibles d'exclusion , même si l'ensemble des investisseurs de la NZAOA ont exclu le charbon. La Caisse des dépôts a ainsi exclu toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires dépend à plus de 10 % du charbon ou dont le chiffre d'affaires est exposé à plus de 10 % aux énergies non-conventionnelles (sable bitumeux, gaz et pétrole arctique, gaz de schiste).

Sur l'aspect actionnarial, la Caisse des dépôts agit à travers le dialogue actionnariat sur les secteurs gris, par le biais d'échanges avec les entreprises concernées et qui sont dans ce portefeuille. Ce dialogue a pour but de les amener à se décarboner et à aligner leurs activités sur le scénario d'une hausse de 1,5° C de la température d'ici à la fin du siècle.

À noter que la NZAOA fait partie de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero emissions (GFANZ), qui regroupe plusieurs alliances de banques, assureurs, gestionnaires d'actifs, etc. s'étant engagés à parvenir à la neutralité carbone d'ici 2050. La GFANZ couvre 130 000 milliards de dollars d'actifs.

Source : audition de la Caisse des dépôts et réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Pour les entreprises, dont les stratégies de décarbonation s'inscrivent généralement dans une stratégie de zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050, il est primordial de reconnaître qu'il n'est pas possible d'appliquer la même stratégie, le même cadre à l'ensemble des secteurs . Il est logique que ce processus prenne plus du temps pour les sociétés de production et de distribution d'énergie par exemple , ne serait-ce que parce qu'elles doivent à la fois concilier la sécurité des approvisionnements et le développement progressif des énergies renouvelables dans leur mix énergétique, tout en restant rentables.

Restera bien sûr ensuite à trancher la question du coût que sont prêts à assumer l'État, les entreprises et les ménages pour atteindre cette décarbonation . Selon Rexecode, il faudrait ajouter de 60 à 80 milliards d'euros par an pour que la neutralité carbone soit atteinte en 2050 110 ( * ) . Or, la crise actuelle des prix de l'énergie démontre que le seuil d'acceptabilité des effets de la transition environnementale est relativement bas, sauf à ce que l'État vienne à compenser les agents économiques, au risque de dégrader encore davantage sa situation financière.

*

Que ce soit sur les obligations vertes souveraines ou sur le marché de la finance verte de manière plus large, ces dernières années ont vu une nette accélération des efforts de l'ensemble des parties prenantes pour stabiliser les fondations de ces édifices et assurer la crédibilité des engagements des émetteurs et des participants. L'Union européenne a joué un rôle pionnier, en proposant des normes exigeantes et en oeuvrant pour l'harmonisation des standards et des normes. Elle doit désormais prendre garde à ne pas laisser s'échapper son avance et à ne pas perdre la bataille de la norme, au risque de voir ses efforts vains.

D'importants progrès demeurent encore à accomplir dans l'identification du « vert », la mise à disposition de la donnée et la réorientation des flux financiers. Les éléments présentés ici permettent d'être prudemment confiant sur les perspectives de la finance verte, mais à la condition que l'ensemble des acteurs agissent dans le même sens et rapidement. La guerre en Ukraine et ses effets sur la hausse des prix de l'énergie doivent inciter les parties prenantes à agir plus vite : il ne faut jamais « gâcher » une crise quand elle est là , mais au contraire mobiliser de nouveaux moyens d'action au service d'objectifs tout à la fois pressants et vitaux.

EXAMEN EN COMMISSION

I. EXAMEN EN COMMISSION (6 JUILLET 2022)

Réunie le mercredi 6 juillet 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes.

M. Claude Raynal , président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Jérôme Bascher, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Alors que le Gouvernement ne cesse de présenter de nouvelles mesures en réponse à l'inflation, nous assistons à un retour dans le débat public - le ministre Bruno Le Maire s'en est fait l'écho récemment - de la question de la dette publique et de son coût.

J'ai choisi de mener un travail de contrôle budgétaire sur les OAT vertes, que M. Anthony Requin, alors directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), était venu présenter devant notre commission en février 2018 après le lancement du programme. S'intéresser aux OAT vertes conduit rapidement à s'intéresser à la finance verte, avec une question primordiale, celle de définir ce qui est « vert » et ce qui ne l'est pas. C'est peut-être là le coeur du sujet.

Les obligations vertes sont en effet des obligations dont le produit de l'émission est exclusivement utilisé pour financer les projets verts. Il s'agit d'un marché mondial de 1 600 milliards de dollars qui a longtemps été tiré par les émetteurs souverains.

Si la France est le premier pays à s'être engagé à émettre une obligation verte souveraine à la suite de l'Accord de Paris en 2015, elle a été battue sur le fil par la Pologne pour sa première émission, qui a eu lieu au mois de janvier 2017, contre décembre 2016 pour la Pologne. La France est toutefois aujourd'hui le premier émetteur d'obligations souveraines vertes, pour un encours qui s'élevait au mois de janvier 2022 à 42,3 milliards d'euros. Elle a de nouveau innové en émettant au mois de mars 2022 la première obligation verte indexée sur l'inflation. Dans le contexte actuel, ce produit, qui a été émis pour quatre milliards d'euros, a été très apprécié des investisseurs.

Conserver la qualité des titres de la dette de l'État est un impératif au regard du volume de la dette française. Cet objectif implique d'une part de respecter les critères énoncés, c'est-à-dire faire du « vert », et, d'autre part, de diversifier les produits obligataires, une nécessité absolue. C'est le sens de la première recommandation que je formule.

Si les OAT vertes répondent à une demande exprimée par les investisseurs, elles présentent surtout un avantage pour la France. Émettre une obligation verte permet de bénéficier de ce que l'on désigne sous le terme de greenium, c'est-à-dire une prime verte de quelques points de base, entre un et trois, ce qui, compte tenu du volume de la dette, n'est pas négligeable. L'existence de cette prime verte repose toutefois sur la mise en place d'un cadre exigeant pour l'émission des obligations vertes.

Or la France s'est certes montrée pionnière en émettant une obligation souveraine verte, mais aussi en construisant un cadre de contrôle et d'évaluation parmi les plus rigoureux du monde. Le document-cadre des OAT vertes françaises s'appuie sur les quatre piliers identifiés par l' International Capital Market Association (ICMA) dans les Green bond principles (GBP).

Le premier pilier correspond à l'utilisation des fonds. Les dépenses éligibles aux OAT vertes doivent contribuer à l'un des quatre objectifs : atténuation du changement climatique, protection de la biodiversité, réduction de la pollution de l'air, du sol et de l'eau et adaptation au changement climatique. Elles sont réparties en six secteurs : les bâtiments, le transport, l'énergie, les ressources vivantes, l'adaptation et la pollution.

Le deuxième pilier est celui de la sélection et de l'évaluation des dépenses. En France, les dépenses éligibles sont identifiées par chacun des ministères, arbitrées par un comité interministériel, puis soumises à l'avis du Conseil d'évaluation des OAT vertes et à l'avis d'un tiers indépendant, que l'on appelle un fournisseur de « seconde opinion ». Pour la France, ce tiers est Moody's ESG Solutions.

Le troisième pilier est la gestion des fonds. L'AFT produit chaque année un rapport d'allocation des OAT vertes, soumis à une seconde opinion, tandis que les comptes présentés dans ce rapport sont soumis à un audit.

Le dernier pilier est le reporting . La France publie chaque année un rapport d'analyse de l'impact d'une dépense éligible à laquelle était adossée l'OAT verte. Ce fut le cas pour le crédit d'impôt pour la transition énergétique en 2018, pour Voies navigables de France en 2019, et ce sera le cas pour Météo France en 2022. Le rapport est rédigé sous la supervision de deux référents académiques et soumis à l'avis du Conseil d'évaluation des OAT vertes. Ce n'est donc pas l'État qui se juge lui-même.

Ce cadre est exigeant, c'est même le plus exigeant au monde. Il est vrai que nous avons une dette publique parmi les plus élevées d'Europe. Pour conserver notre niveau d'exigence, nous allons sans doute devoir adopter le standard européen sur les obligations vertes. Ce standard prévoit des modalités d'évaluation renforcées, ce que la France a déjà mis en place pour ses propres émissions, mais, surtout, il suppose un alignement sur la taxinomie européenne.

Pour rappel, une activité sera considérée comme alignée sur la taxinomie européenne des actifs durables si elle contribue à l'un des six objectifs environnementaux identifiés dans la taxinomie - atténuation et adaptation au changement climatique, protection des ressources aquatiques, économie circulaire, prévention et réduction de la pollution, biodiversité -, si elle ne cause pas de préjudice significatif sur l'un des six autres objectifs et si elle est exercée dans le respect de garanties minimales en matière de droits de l'homme et de droit du travail.

Je ne propose évidemment pas une mise en oeuvre « aveugle » de ce standard européen, qui est trop exigeant. Il est notamment très important qu'une poche de flexibilité soit conservée pour les émetteurs souverains. Les discussions à l'échelon européen portaient sur un ordre de grandeur de 20 % des émissions ; c'est un minimum.

Le contenu du texte, à l'issue des discussions en commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen, ne semble pas aller dans ce sens. Les députés européens ont une vision, je le crains, trop restrictive en la matière, ce qui risque de mettre à mal la finance verte. À force de vouloir être « plus vert que vert », l'on risque de voir fleurir de nouveaux standards moins exigeants mais plus faciles à mettre en oeuvre par les acteurs financiers et non financiers.

Il faut, me semble-t-il, des étapes intermédiaires. C'est notamment le cas s'agissant des collectivités territoriales ou des établissements publics qui émettent de la dette verte, et pour qui le standard européen n'est pas forcément le plus adapté.

Je l'ai indiqué, les OAT vertes fonctionnent et sont prisées des investisseurs. Elles doivent servir à financer non pas uniquement ce qui est vert, mais tout ce qui permet la transition écologique, dont le coût est colossal. Étant moins efficace économiquement, la transition écologique est plus chère et source d'inflation.

Mes recommandations n os 6 à 10 insistent donc sur un double impératif pour l'émission des OAT vertes : faire plus et faire mieux.

Faire plus, c'est demander à l'ensemble des administrations et des opérateurs publics de présenter un plan de moyen terme permettant d'identifier toutes leurs dépenses qui pourraient être éligibles aux OAT vertes. Pour l'instant, elles ne le font pas. Sachant qu'en 2021, 60 % des dépenses de l'État ont été financées par des recettes et 40 % par de la dette, il serait intéressant d'examiner les dépenses vertes que l'on pourrait financer par une dette moins chère.

Faire mieux, c'est faire coïncider les dépenses éligibles aux OAT vertes avec celles qui sont évaluées comme favorables à l'environnement dans le budget vert. J'estime que la dette est faite pour financer de l'investissement et je préconise donc également d'exclure des dépenses éligibles aux OAT vertes les dépenses de fonctionnement, à l'exception de celles qui sont destinées à installer ou à entretenir des infrastructures favorables à l'environnement. Je pense par exemple à des dépenses de protection de la biodiversité.

Globalement, la France se comporte bien. L'État doit se comporter mieux.

Mon travail sur les OAT vertes m'a conduit à m'intéresser aux définitions qui existaient aujourd'hui du « vert », aux données disponibles pour identifier ces dépenses dites vertes et les certifier ainsi qu'aux instruments financiers à même d'accompagner les acteurs financiers et non financiers dans leur transition. Je vais présenter cette problématique autour de trois axes.

Le premier axe concerne la donnée et sa certification. La taxinomie européenne est, en quelque sorte, le dictionnaire de ce qui est « vert ». Nous ne disposons toutefois pas, mondialement, de toute la donnée nous permettant de dire qu'une activité est verte et de mesurer son impact environnemental. Nous avons besoin de travailler sur la disponibilité de la donnée pour avoir une notation extra-financière qui soit standardisée.

La Commission européenne a tenté d'apporter une première réponse à cette difficulté, avec la future directive sur le reporting de durabilité des entreprises. Les entreprises de plus de 250 salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 40 millions d'euros devront, à compter de 2024, détailler leur stratégie environnementale et sociale, se fixer des objectifs sur les six axes environnementaux retenus dans la taxinomie européenne et réaliser un bilan carbone de leurs activités. Simplement, là encore, il nous faut disposer de standards harmonisés pour procéder à ce reporting enrichi.

Deux acteurs sont en concurrence pour assurer la standardisation. D'un côté, l' European Financial Reporting Advisory Group (Efrag) travaille déjà sur le sujet. De l'autre côté, le bureau international des normes comptables pour le reporting durable, créé au sein de l'organisme des normes comptables internationales, les International financial reporting standards (IFRS), devrait faire ses propositions au mois de novembre. Il y a un véritable risque de concurrence des normes, avec des conséquences potentiellement fortes sur les acteurs financiers et sur les entreprises.

Les deux organismes s'opposent sur le choix de la simple ou de la double matérialité. La simple matérialité consiste à tenir compte de l'impact des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance sur l'entreprise tandis que la double matérialité prend en plus en compte l'impact des activités de l'entreprise sur l'environnement et sur la société. Il nous faut gagner cette bataille de la norme, la double matérialité étant plus à même de permettre d'apprécier les engagements des acteurs financiers et non-financiers en faveur de la transition environnementale.

La directive sur le reporting de durabilité des entreprises prévoit en outre que celui-ci soit soumis à l'avis d'un tiers indépendant, qui pourra être l'auditeur habituel de l'entreprise ou un auditeur différent. Les commissaires aux comptes (CAC) pourraient certifier ces données. Mais, pour cela, il faut qu'eux-mêmes soient formés. Aujourd'hui, tout est « vert », mais personne n'est formé pour savoir ce qui est « vert » et comment le définir. Il faut donc mettre en place des formations et des certifications.

Le deuxième axe recouvre la mobilisation des produits financiers les plus appropriés pour les investisseurs et les entreprises. Ce sont les recommandations n os 14, 15, 17 et 18. Le principe est simple : la politique financière doit démontrer la transformation d'un acteur. Il me semble à cet égard que les sustainability linked bonds (SLB) constituent l'un des meilleurs outils, à condition d'être encadrés. Les SLB sont des obligations par lesquelles l'émetteur s'engage à atteindre des cibles d'impact environnemental et, s'il ne les atteint pas, à payer plus cher les investisseurs. Simplement, comme il fixe lui-même ses objectifs, le risque est qu'il opte pour un objectif déjà atteint, et fasse ainsi du greenwashing, c'est-à-dire de l'écoblanchiment. Il faut donc encadrer encore plus ces SLB. Je propose que l'Autorité des marchés financiers (AMF) joue un rôle plus important en la matière.

Sur les produits également, il ne me semble pas forcément nécessaire de créer aujourd'hui de nouveaux labels, avec le risque de contribuer à un manque de lisibilité. Il existe aujourd'hui un label pour la finance durable : le label ISR. Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) a conclu voilà plus d'un an que ce label ne fonctionnait pas bien et qu'il fallait le réformer. La réforme engagée est prometteuse : chaque investisseur devrait ainsi respecter des exigences minimales sur les trois dimensions de l'ESG que sont l'environnement, le social et la gouvernance, mais pourrait ensuite s'engager à être plus ambitieux sur un objectif donné, tel que le climat ou la transition. Ce système par « brique » semble plus judicieux, ne serait-ce que pour conserver une certaine lisibilité pour les épargnants.

Le troisième axe concerne le carbone. C'est la seule chose que nous sachions parfaitement mesurer et pour laquelle les pays ont pris des engagements, avec l'objectif de limiter la hausse de la température de la Terre à 1,5° C maximum d'ici la fin du siècle. Le carbone ne peut plus être aujourd'hui considéré simplement comme une externalité, mais doit être intégré au bilan de l'entreprise. Je propose - et d'autres l'ont suggéré avant moi, y compris des gens très libéraux - que toutes les entreprises, en commençant par les plus grandes, adoptent une comptabilité carbone. C'est essentiel pour assurer la transparence et la crédibilité des engagements des entreprises, et pour soutenir les efforts entrepris pour décarboner les portefeuilles. L'introduction d'une comptabilité carbone ouvre par ailleurs un « champ des possibles ». On pourrait ainsi envisager, à terme, de moduler l'impôt sur les bénéfices dû par les entreprises en fonction de leur efficience énergétique et de leur trajectoire en la matière. Il y a des modalités nouvelles à inventer.

Pour conclure, je rappellerai les mots de Mark Carney en 2015, qui, lorsqu'il était gouverneur de la Banque d'Angleterre, avait appelé à « briser la tragédie des horizons ». C'est aujourd'hui tout à fait nécessaire si nous voulons financer la transition écologique et notre dette, qui, à défaut, sera plus chère et moins efficace.

M. Claude Raynal , président . - Malgré la qualité de vos travaux, le sujet est d'une complexité rare. Vous proposez vingt-deux recommandations, et je vous ai trouvé un certain talent pour passer de la mission « Engagements financiers de l'État » à une vision mondiale de la question.

Votre intervention sera suivie de l'audition de M. Ophèle, président de l'AMF, qui reviendra sur les difficultés posées par le marché des obligations vertes.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je vous remercie pour ce rapport dense, qui mêle une satisfaction toute française à une certaine prudence. Il vise peut-être, si vous me permettez cette image, à faire de M. Bascher l'architecte permettant de passer d'un jardin à l'anglaise à un jardin à la française, où les enjeux seraient clairement énoncés.

Je veux également saluer le travail réalisé par l'Agence France Trésor sur les OAT vertes.

Notre commission a organisé plusieurs auditions au sujet de la finance verte, dont le ton était souvent celui de la satisfaction. Pour autant, pour certains, dans la presse économique en particulier, il y a un décalage entre cette satisfaction et l'efficacité réellement constatée de cette finance verte.

Nous partageons la plupart de vos recommandations, en particulier les recommandations n os 6 et 10.

Je voudrais toutefois émettre une alerte sur la recommandation n° 4, au terme de laquelle les départements de plus d'un million d'habitants et les régions devraient produire un « budget vert ». Pourquoi, au lieu d'une telle obligation, ne pas mettre en place une expérimentation dans quelques départements volontaires avant de généraliser cette exigence ?

Pouvez-vous également nous en dire plus sur la mise en oeuvre par les entreprises d'une comptabilité carbone, qui s'ajouterait à la comptabilité des recettes et des dépenses ? Nous dirigeons-nous vers une simplification, avec une évaluation menée par un tiers indépendant sur leur reporting de durabilité, ce qui me semble positif, ou ajoute-t-on d'autres contraintes alors que les produits financiers ne sont dans le même temps pas encore parvenus à maturité ?

Pourriez-vous enfin nous préciser comment pourrait être concrètement mise en oeuvre la recommandation n° 21, qui vise à introduire une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés ?

Nous devons être attentifs aux aspects opérationnels de ces dispositifs complexes.

M. Claude Raynal , président . - Je propose que notre débat se concentre sur les questions du budget et des OAT vertes françaises, les questions plus larges pouvant être conservées pour l'audition de M. Ophèle.

M. Pascal Savoldelli . - Une phrase du rapport m'a particulièrement plu : « les capitaux existent, mais ils ne sont pas à la bonne place. »

Le rapport est clair : la finance verte est un nouveau marché. M. Bascher nous dit qu'il y aurait un problème de standardisation et d'objectivité des critères, mais la loi objective de tous les marchés financiers, c'est d'abord de se développer et de créer des profits.

Favoriser le financement des marchés est susceptible d'aggraver les déséquilibres, au détriment de trois ensembles d'acteurs : les petites collectivités territoriales voulant s'investir dans l'écologie, les très petites entreprises (TPE), qui souffrent face aux plus grosses entreprises et enfin les ménages. Parler de « verdissement » n'est pas suffisant et n'est pas au niveau des enjeux climatiques auxquels nous devons répondre.

Il faudrait qu'une évaluation des conséquences de la finance verte sur le niveau de l'emploi soit réalisée. Il faut sept fois moins de chiffre d'affaires pour créer un emploi dans une TPE que dans une très grande entreprise ! Si les petites entreprises pouvaient accéder au dispositif des obligations vertes, cela pourrait avoir des conséquences positives pour l'emploi, comme le développement de filières professionnelles dans des secteurs liés aux enjeux écologiques.

M. Vincent Delahaye . - Plusieurs questions demeurent après la présentation de ce rapport. Les obligations vertes permettent-elles à l'État de réaliser des économies par rapport aux obligations « conventionnelles » ? Par ailleurs, sont-elles assorties de contraintes réelles, ou s'agit-il simplement d'un affichage permettant de réunir davantage d'investisseurs ? Des agences comme Moody's ont-elles évalué les coûts de ces obligations ?

Si elle ne sert qu'à renforcer encore les obligations des collectivités, je partage les réserves du rapporteur général concernant la recommandation n° 4. S'il s'agit de rajouter encore davantage de contraintes, cela vaut-il en effet la peine de promouvoir l'émission d'obligations vertes ou durables ?

Je souhaiterais par ailleurs que le qualificatif « vert » soit placé entre guillemets.

M. Roger Karoutchi . - Ma question sera simple : depuis que ces obligations vertes existent, en quoi ont-elles réellement participé à la transition écologique ? S'agit-il simplement d'un marché financier supplémentaire, ou ces obligations ont-elles des effets mesurables pour la transition écologique ?

M. Michel Canévet . - Certains acteurs financiers ont annoncé leur intention d'orienter leurs investissements vers la finance verte. Le fait d'avoir proposé une obligation verte indexée sur l'inflation ne comporte-t-il pas le risque de conduire à une augmentation de la charge de la dette française ? Pour l'année 2022, l'inflation provoquerait une augmentation de la charge de la dette de près de 15 milliards d'euros.

Le rapporteur a indiqué qu'il fallait promouvoir le financement par les obligations vertes, en identifiant le maximum de dépenses éligibles. La recommandation n° 10 indique toutefois que les dépenses de fonctionnement ne doivent plus être éligibles aux OAT vertes. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

M. Christian Bilhac . - Je m'interroge également sur l'efficacité réelle de ces fonds : quelles sont leurs véritables conséquences sur l'environnement ?

Une approche particulière doit concerner les petites communes rurales, où les artisans sont souvent désemparés face à cette politique de lutte contre le réchauffement climatique. Il ne faut pas leur faire subir de nouvelles contraintes, alors que leurs moyens sont bien inférieurs à ceux des grandes entreprises.

Quelle est l'efficacité réelle des aides écologiques ? Laissez-moi vous donner deux exemples : il y a une dizaine d'années, j'ai installé des panneaux photovoltaïques sur mon toit. Au cours des travaux, une aide de l'État de 4 000 euros a été supprimée, mais le prestataire m'a proposé de réduire sa facture de la même somme, du jour au lendemain. Autre exemple : les viticulteurs sont poussés à acheter des interceps afin de nettoyer entre les pieds de vigne. Ces outils sont facturés le double de leur prix, mais les fournisseurs nous disent que ce n'est pas grave, car il est possible de bénéficier d'une aide de l'État pour compenser.

Il y a là matière à réflexion : il faut aider pour financer la transition écologique, mais cela ne doit pas devenir un puits sans fonds pour les finances de l'État, et les subventions devraient être limitées.

Mme Christine Lavarde . - Je souhaiterais revenir sur la recommandation n° 4. La collectivité de Boulogne-Billancourt, à laquelle j'appartiens, a mis en place un « budget vert », en suivant la dernière nomenclature budgétaire travaillée en particulier par l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, France urbaine et d'autres associations directement concernées.

Le travail demandé par la recommandation n° 4 a déjà été réalisé il me semble. À Strasbourg, ville dirigée par des écologistes, et à Boulogne-Billancourt, les structures d'investissement sont identiques : moins de 20 % des dépenses d'investissement ont un impact négatif sur l'environnement, les seules dépenses considérées comme négatives étant des dépenses informatiques, que la nomenclature a décidé de classer ainsi.

Cette recommandation ne me semble donc pas pertinente. Pour l'appliquer, il faudrait à nouveau changer la nomenclature budgétaire des collectivités, alors qu'elle vient d'être modifiée. Il me paraît difficile de voter cette recommandation en l'état.

L'idée de mettre en place une comptabilité carbone dans les entreprises s'éloigne de l'action des entreprises. Durant l'intersession, pour la commission des affaires européennes, j'ai étudié la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. On demande beaucoup aux entreprises, y compris aux PME, alors que nous n'avons aucun standard permettant d'évaluer les conséquences positives ou négatives des actions sur l'environnement ou le droit des travailleurs.

Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : nous devons d'abord disposer d'un cadre discuté au moins au niveau européen, et dans l'idéal à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les intentions sont louables, mais avant de faire ces recommandations, notre commission devrait engager le travail sur ce sujet.

M. Jean-François Rapin . - Sommes-nous sûrs qu'il existe un lien étroit entre l'émission d'obligations vertes et la fameuse souveraineté européenne, que l'on attend toujours sur l'industrie et sur le vert ? Est-il certain que les financements ne sont pas dirigés vers un simple verdissement à l'extérieur de l'Union européenne ?

M. Jean-Claude Requier . - Les mécanismes en jeu sont très complexes. Comment les expliquer aux citoyens, et comment rendre l'écologie populaire ?

Par ailleurs, je crains que nous n'ajoutions de la réglementation à la réglementation, comme on l'a vu avec les certificats d'économies d'énergie (CEE).

Enfin, quelle est l'efficacité réelle de ces politiques ? Il faut faire du vert, mais vu le coût des dispositifs, je n'y vois que du bleu...

Mme Isabelle Briquet . - Le sujet est en effet si complexe qu'il en devient presque opaque. Selon le rapport, il faut « définir le vert ». Mais comment, d'un point de vue administratif ou légal, déterminer la valeur verte d'un placement financier ?

M. Albéric de Montgolfier . - La question est en effet complexe. Je souscris à l'idée de faire de la France un émetteur d'OAT vertes, ce qui permettrait d'atténuer les coûts des émissions, mais je suis dubitatif concernant le fait d'imposer des contraintes nouvelles aux entreprises, dès lors qu'elles ne seraient que nationales. Obliger les entreprises à tenir une double comptabilité verte aurait des conséquences en matière de compétitivité, d'autant que la recommandation n° 19 s'appliquerait à 50 000 entreprises, et descendrait au niveau des PME ou d'entreprises intermédiaires. Je suis réticent vis-à-vis de cette recommandation. Pour l'État, les OAT permettent effectivement de diminuer les coûts et de rendre compétitive la place financière de Paris. Mais prendre des décisions unilatéralement pourrait avoir des conséquences pour les entreprises.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Je ne suis pas un ayatollah vert, cela se saurait !

Oui, il y a bien une différence entre grandes et petites entreprises. Mais c'est la banque qui prête de l'argent aux gros comme aux petits. Comme la banque serait tenue de préciser les investissements verts qu'elle a réalisés, les petits pourraient aussi bénéficier de ces investissements.

Pour pouvoir se financer, les États ont eux aussi un intérêt à proposer des OAT vertes. Soit les États et les banques démontrent que leurs investissements sont verts, soit ils payent plus cher : voilà la vérité qui est en train de se mettre en place, avec ou sans nous.

J'ai entendu les critiques et les points d'alerte sur la double comptabilité carbone. La Banque centrale européenne (BCE) a indiqué en début de semaine qu'elle tiendra compte, à partir de l'automne prochain, du changement climatique dans ses achats d'obligations d'entreprise, puis dans son dispositif de garantie et dans ses exigences de déclaration et de transparence en matière climatique applicables aux garanties reçues lors de ses opérations de crédits.

Nous pouvons tous nous mettre la tête dans le sac, et dire que cela coûte trop cher ou que c'est trop contraignant. Mais alors que nous étions en avance sur ce sujet, nous risquerions de voir l'Union européenne nous imposer des critères beaucoup plus sévères !

Si nous ne sommes pas les premiers à aller vers des comptabilités vertes certifiées et à montrer que cela marche, nous serons forcés soit de le faire - avec l'imposition à terme d'exigences européennes très élevées et qui mettront un coup de massue aux entreprises européennes et au système bancaire européen - soit de laisser la place aux standards américains qui nous dépasseront. Ces standards permettront bien de faire du vert, mais je crains que ce ne soit davantage des billets verts que des projets écologiques.

Il y a des injonctions paradoxales dans l'écologie. Nous sommes en pleine contradiction : tous les pays se sont engagés sur des objectifs climatiques dans le cadre de l'Accord de Paris et des conférences de parties (COP) mais, en vérité, nous ne mettons rien en place, et nous nous exposons à des condamnations coûteuses. Nous avons peut-être signé ces engagements trop vite, en choisissant des dates que nous ne sommes pas capables de tenir, et cela nous pose problème aujourd'hui.

Je suis tout à fait ouvert à l'idée de modifier certaines recommandations en enlevant, par exemple, des dates qui ne doivent pas être considérées comme des impératifs.

À combien s'élève la prime verte perçue sur les OAT vertes par rapport aux OAT « conventionnelles » ? L'Agence France Trésor nous a indiqué que la « prime » verte était de l'ordre de deux à trois points de base, ce qui n'est pas négligeable au regard du volume de notre dette. J'ai bien sûr en tête le fait qu'il faille décompter, pour obtenir l'avantage net, le coût de la certification et du cadre mis en place par la France pour ses OAT vertes. Il est par ailleurs tout aussi important de proposer des titres diversifiés. Tous les moyens sont bons pour assurer la qualité de la dette et trouver des astuces pour ne pas qu'elle nous coûte trop chère !

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur l'efficience de la finance verte. Elle est certaine, mais des progrès peuvent encore être accomplis pour l'encadrer et minimiser le risque d'écoblanchiment. Reprenons l'exemple des SLB, ces obligations par lesquelles les émetteurs s'engagent sur des cibles de performance en matière environnementale ou sociale. Certains groupes ont choisi d'émettre des SLB sur des maturités très courtes, de trois ans par exemple, alors même que cela ne semble pas être l'horizon temporel d'une transition. Ils s'engagent en réalité sur des objectifs qu'ils sont sûrs d'atteindre ou qui sont déjà quasiment atteints, pour payer moins cher leurs titres. Nous devons mieux encadrer ces produits.

Là est bien le sujet : si nous ne définissons pas les standards du vert, les grands groupes et les grands pétroliers expliqueront faire du vert alors que rien n'aura finalement été fait pour lutter contre le réchauffement climatique. On peut choisir de se mentir, ce n'est pas mon choix. Il faudra certes plus de temps et de remontées d'informations pour évaluer les choses, mais on le saurait si la transition pouvait prendre cinq ans !

On retrouve cet enjeu des standards et des normes sur la double comptabilité carbone. La Société du Grand Paris émet des obligations vertes. Mais comment faire sans standard ? Les tunneliers qui creusent les nouvelles lignes de métro ne sont pas forcément électriques, et fonctionnent peut-être avec des énergies fossiles. Mais leur efficacité est certaine : ils limiteront à terme les émissions de carbone en permettant un report des voyageurs de la voiture vers les transports collectifs.

Tout l'intérêt de la double matérialité par rapport à la simple matérialité réside bien dans cette capacité, et cet impératif, de pouvoir mesurer les conséquences des activités des acteurs sur la société. Si l'on ne choisit pas cette norme, on pourra appeler vert tout ce qu'on veut, sans vraiment tenir compte de l'impact des produits, des actifs ou des activités dits « verts ».

Il faut être honnête sur ce sujet : soit on mesure vraiment, soit on dit qu'on ne sait pas le faire, et qu'il nous faut davantage de temps pour établir ces critères.

Certes, monsieur de Montgolfier, cela signifie plus de normes, mais passer à une comptabilité carbone est la seule façon d'objectiver l'affaire. Tout le reste n'est que littérature... C'est vrai, les échéances que je propose sont sans doute trop proches ; c'était une forme de provocation destinée à susciter des réactions. Mais, je le répète, sans comptabilité carbone, toutes les déclarations ne sont que du mensonge, nous nous mentons à nous-mêmes, à tous les échelons. Pour assurer la transition écologique, il faut des bilans complets, respectant les scopes d'émissions 1, 2 et 3, ainsi que la double matérialité.

Vous déplorez, monsieur Requier, que l'on « ajoute de la réglementation à la réglementation » ; c'est exact, mais c'est parce que nous ne sommes pas cohérents dans nos réglementations. Je le regrette autant que vous. C'est uniquement parce qu'on ne fait rien et que tout le monde prétend verdir son activité pour payer moins cher que nous sommes obligés de distinguer clairement ce qui est vert de ce qui ne l'est pas.

Cela étant dit, je suis prêt à discuter pour modifier les trois recommandations qui ont suscité des difficultés.

Mme Christine Lavarde . - Je me fais la porte-parole du groupe Les Républicains pour demander que le vote n'ait lieu que dans une semaine, afin de nous laisser le temps de lire cette communication, qui est extrêmement complexe. Nous ne sommes pas sûrs d'avoir compris l'intégralité des enjeux et nous avons des difficultés à l'égard de certaines recommandations.

Cela permettra d'obtenir un consensus sur ces questions.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Je suis tout à fait d'accord.

M. Claude Raynal , président . - Le rapporteur y étant favorable, j'accède à votre demande, ma chère collègue. Nous aurons d'ici là une proposition du rapporteur pour modifier ou préciser certaines recommandations.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - Je transmettrai ces éléments en amont de notre réunion de commission.

II. EXAMEN EN COMMISSION (13 JUILLET 2022)

Réunie le mercredi 13 juillet 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial, sur les obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes - adoption des recommandations et autorisation de publication du rapport

M. Claude Raynal , président . - La semaine dernière, notre collègue Jérôme Bascher avait présenté une communication sur les obligations assimilables du trésor (OAT) vertes. Compte tenu de la densité du sujet et de la nécessité de disposer de temps pour examiner les propositions du rapporteur spécial, dont quelques-unes avaient soulevé des questions, il avait été proposé de reporter l'adoption des recommandations et l'approbation de publication du rapport. Je lui laisse donc la parole.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - J'ai tenu compte de nos échanges la semaine dernière et proposé d'apporter des ajustements à quatre recommandations.

Christine Lavarde avait tout d'abord fait remarquer que la recommandation n° 4 n'était pas opérante dans certaines communes et qu'il pouvait être trop contraignant d'imposer une nouvelle nomenclature budgétaire aux collectivités, alors qu'elles se préparent déjà à mettre en oeuvre, d'ici au 1 er janvier 2024, la nomenclature M57. Je propose donc que, sur la base d'une démarche volontaire, l'identification des dépenses vertes au sein du budget des collectivités territoriales repose sur la méthode déployée par l' Institute for Climate Economics (I4CE) , plutôt que de prévoir une nouvelle nomenclature budgétaire.

Mme Christine Lavarde . - L'État devrait renforcer la méthodologie de l'I4CE, qui est employée par diverses collectivités, comme Strasbourg ou Boulogne. Cette méthodologie considère par exemple les dépenses de ressources humaines comme neutres, alors même que celles-ci représentent 50 % du budget des collectivités. Pour que la méthodologie ait du sens, nous devons aller vers une granularité plus fine des dépenses de personnel. Les pouvoirs publics devraient davantage accompagner les collectivités, puisqu'il s'agit d'une démarche volontaire.

M. Jérôme Bascher , rapporteur spécial . - La recommandation n° 19, qui porte sur la double comptabilité carbone, est reformulée pour prévoir une entrée en vigueur plus progressive, sans obligation immédiate. Ne seraient concernées que les entreprises déjà soumises à d'importantes obligations de reporting dans le cadre de la future directive sur le reporting de durabilité des entreprises, la directive dite « CRDS ». Cette directive prévoit par ailleurs une entrée en vigueur différée, avec une dérogation pouvant aller jusqu'à 2028 pour les PME cotées.

L'instauration d'un vrai bilan carbone est absolument nécessaire. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la semaine dernière qu'elle allait renforcer dès le mois d'octobre ses exigences quant à ses avoirs en obligations d'entreprises et aux garanties acceptées pour leurs emprunts, avec un renforcement en parallèle de la transparence demandée aux acteurs sur leurs engagements climatiques.

Enfin, j'attire votre attention sur deux modifications plus mineures.

La première concerne la recommandation n° 7 et l'instauration d'indicateurs de performance relatifs au verdissement des crédits des programmes budgétaires, qui ne s'appliquerait qu'aux programmes pour lesquels cette démarche serait pertinente.

La seconde modification porte sur la recommandation n° 13, qui s'adresse également désormais au Haut Conseil du commissariat aux comptes, et non plus seulement à l'Autorité des marchés financiers.

La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Agence France Trésor (AFT)

- M. Cyril ROUSSEAU, directeur général ;

- M. Alexandre VINCENT, responsable OAT vertes.

Voies navigables de France (VNF)

- M. Thierry GUIMBAUD, directeur général ;

- M. Anthony PETITPREZ, responsable de la mission « Développement durable » ;

- Mme Muriel MOURNETAS, chargée des relations institutionnelles.

Commissariat général au développement durable (CGDD)

- M. Salvatore SERRAVALLE, chef du service de l'économie verte et solidaire.

Moody's ESG Solutions

- Mme Émilie BERAL, directrice exécutive « Méthode, innovation et qualité ».

Climate Bond Initiative

- M. Sean KIDNEY, co-fondateur et président.

Autorité des marchés financiers (AMF)

- M. Robert OPHÈLE, président ;

- Mme Laure TERTRAIS, conseillère parlementaire et législation.

WWF

- M. Jochen KRIMPHOFF, spécialiste senior « Finance environnementale » ;

- Mme Cécile RECHATIN, responsable « Finances vertes ».

Deutsche Bank

- M. François BLEINES, managing director au sein du département Debt Capital Markets (DCM) ;

- Mme Anne-Sophie BEAUMONT, director au sein du département DCM ;

- M. Arnaud LENGELE, director au sein du département des activités de marchés.

Agence France Locale

- M. Yves MILLARDET, président du directoire ;

- M. Jérôme BESSET, directeur exécutif, structuration et management d'émissions durables.

International Capital Market Association

- M. Nicholas PFAFF, responsable du bureau France (et finance durable), directeur principal et secrétaire général des Green Bond Principles ;

- Mme Valérie GUILLAUMIN, director , Finance durable.

Crédit agricole

- M. Pierre BLANDIN en charge de l'origination auprès des trésors, en particulier du trésor Français, chez CACIB ;

- M. Tanguy CLAQUIN, en charge du département Sustainable Banking de CACIB.

SFIL

- M. Philippe MILLS, directeur général ;

- M. Florent LECINQ, directeur financier (Finance & marchés financiers)

Conseil d'évaluation des OAT vertes

- M. Manuel PULGAR VIDAL, président.

Direction générale du Trésor

- M. Pierre CHABROL, sous-directeur FinEnt (Financement des entreprises et marché financier) ;

- M. Arthur CAMPREDON, adjoint au chef du bureau finance durable.

Standard & Poor's

- M. Rémy CARASSE, directeur des notations souveraines ;

- Dr Sylvain BROYER, économiste en chef pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) ;

- Mme Florence DEVEVEY, responsable analytique Finance Durable, EMEA ;

- Mme Solange FOUGERE, juriste.

Société du Grand Paris

- M. Frédéric BREDILLOT, membre du Directoire ;

- M. Xavier PLEE, directeur financier ;

- M. Alexandre MARCHAL, directeur des relations institutionnelles.

Institut Louis Bachelier

- M. Jean-Michel BEACCO, directeur général.

Caisse des dépôts et consignations

- Mme Nathalie LAYANI, directrice de la politique durable ;

- Mme Claire ABBAMONTE, responsable investissement responsable ;

- M. Philippe BLANCHOT, directeur des relations institutionnelles.

Finance for Tomorrow

- Mme Pauline BECQUEY, directrice générale.

Amundi

- M. Yves PERRIER, président du conseil d'administration d'Amundi et auteur du rapport « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions » (rapport au ministre de l'économie, des finances et de la relance, mars 2022) ;

- M. Stanislas Pottier, Senior Advisor to the General Management.

Autorité des normes comptables

- M. Patrick DE CAMBOURG, président.

Comité du label ISR

- Mme Michèle PAPPALARDO, présidente.


* 1 Selon la définition de référence de l'International Capital Market Association.

* 2 Si la France est le premier pays à s'être engagé après l'Accord de Paris à émettre une obligation verte souveraine, la Pologne a émise la première au mois de décembre 2016, contre janvier 2017 pour la France.

* 3 Moody's ESG Solutions.

* 4 KPMG.

* 5 Quatre rapports d'analyse des impacts environnementaux des dépenses éligibles aux OAT vertes ont déjà été publiés : sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique, sur Voies navigables de France, sur l'Office national des forêts et sur le programme d'investissement d'avenir. Trois autres sont à venir sur Météo France, l'éco-prêt à taux zéro et les subventions aux énergies renouvelables.

* 6 Indice européenne des prix à la consommation harmonisé, hors tabac.

* 7 Une obligation verte est lancée en même temps qu'une obligation identique (maturité, coupon) mais conventionnelle. Les investisseurs peuvent à tout moment exercer une option de convertibilité du vert en conventionnel.

* 8 Ce sont des obligations par lesquelles l'émetteur s'engage à atteindre une cible d'impact environnemental ou social, mais sans lien avec l'utilisation des fonds. En revanche, s'il n'atteint pas sa cible, l'émetteur doit s'engager à compenser financièrement les investisseurs, en augmentant le prix du coupon.

* 9 Pour rappel, une activité sera considérée comme alignée avec la taxinomie si elle a) contribue à l'un des six objectifs environnementaux identifiés dans la taxinomie (atténuation et adaptation au changement climatique, protection des ressources aquatiques, économie circulaire, prévention et réduction de la pollution, biodiversité) ; b) ne cause pas de préjudice significatif sur l'un des six autres objectifs ; c) est exercée dans le respect de garanties minimales en matière de droits de l'homme et de droit du travail.

* 10 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

* 11 Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes, dite directive « NFRD » (Non Financial Reporting Directive).

* 12 Dans le cadre de la future directive dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui a fait l'objet d'un accord à l'issue des trilogues le 21 juin 2022.

* 13 Chiffre d'affaire réalisé au sein de l'Union européenne (ou entreprises disposant d'un bilan supérieur à 20 millions d'euros).

* 14 Aux termes de l'accord intervenu à l'issue des trilogues sur la CSRD, l'entreprise pourra bien choisir de confier son audit extra-financier à son auditeur financier, sauf si les actionnaires s'y opposent.

* 15 Discours de Mark Carney devant les membres du Lloyd's of London au mois de septembre 2015.

* 16 Ces données proviennent de la Climate Bond initiative « Sustainable Debt - Global state of the market 2021 », 22 avril 2022.

* 17 Pour rappel, les États européens se sont engagés à ce que 30 % du plan de relance européen, d'environ 750-800 milliards d'euros, soit financé par l'émission d'obligations vertes.

* 18 Selon les estimations de l'ICMA, qui précise qu'il ne s'agit là que des émetteurs se référant à ces principes, sans contrôle par l'organisation de leur mise en oeuvre effective.

* 19 Les spécialistes en valeur du Trésor conseillent et assistent l'Agence France Trésor sur sa politique d'émission et de gestion de la dette. Au nombre de 15, ils participent aux adjudications et aux syndications de dette et ont la responsabilité de placer les valeurs du Trésor et d'assurer la liquidité du marché secondaire.

* 20 Communiqué de presse de l'Agence France Trésor en date du 24 janvier 2022 : « OAT verte : annonce du montant des dépenses vertes éligibles pour l'année 2022 ».

* 21 Suppression du compte d'affectation spéciale « Transition écologique » au 1 er janvier 2021.

* 22 Un constat repris dans le rapport de la Climate Bond Initiative sur la France en 2018.

* 23 Communiqué de presse de la Commission européenne en date du 12 octobre 2021 : « NextGenerationEU : La Commission européenne lance avec succès la première émission d'obligations vertes pour financer une reprise durable ».

* 24 Pour rappel, les quatre piliers des Green Bond Principles de l'International Capital Market Association sont l'utilisation des fonds, le processus de sélection et d'évaluation des projets, la gestion des fonds et le reporting.

* 25 Pour reprendre la définition donnée par la Commission européenne, un fournisseur de seconde opinion est une entité professionnelle externe qui évalue de manière indépendante l'alignement du cadre de l'émetteur pour les obligations vertes sur les lignes directrices auxquelles il doit se conformer. Le fournisseur peut également donner son avis sur la cohérence du cadre avec la stratégie globale de l'émetteur en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG), en veillant à ce que l'émission d'obligations s'inscrive correctement dans le contexte plus large.

* 26 Pour rappel, les plans de relance nationaux des États membres doivent consacrer au moins 37 % de leurs dépenses à des investissements et à des réformes utiles au climat. Il revient à chaque État d'informer la Commission des dépenses vertes effectuées.

* 27 Les sept objectifs sont les suivants : énergie propre et d'un coût abordable (7), industrie, innovation et infrastructure (9), villes et communautés durables (11), consommation et production responsables (12), mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques (13), vie aquatique (14), vie terrestre (15).

* 28 WWF, « Les obligations vertes doivent tenir leurs promesses ! », 2016.

* 29 D'après les réponses transmises par le Commissariat général du développement durable au questionnaire du rapporteur spécial.

* 30 C'est également à ce cabinet qu'avait été confié une étude en septembre 2021 portant sur l'évaluation socioéconomique du renouvellement des supercalculateurs de Météo France en 2025 ( Rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021).

* 31 Pour rappel, la France avait déjà été le premier pays à placer un titre de dette indexé sur l'inflation française en 1998 puis un titre de dette indexé sur l'inflation en zone euro en 2001.

* 32 Pour des éléments plus détaillés sur les émissions par syndication et les enjeux autour du taux de souscription et du prix, se reporter au rapport d'information n° 607 (2020-2021) de M. Jérôme Bascher, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 mai 2021.

* 33 Pour reprendre le constat de Pierre Blandin, en charge de l'origination auprès des trésors, en particulier du trésor Français, chez CACIB, auprès de l' Agefi (27 mai 2022).

* 34 Le Danemark a également adopté ce modèle.

* 35 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, « Plan d'investissement pour une Europe durable - Plan d'investissement du pacte vert pour l'Europe », 14 janvier 2020.

* 36 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088 .

* 37 EU Technical Expert Group on Sustainable Finance, « Usability guide - EU Green Bond Standard », mars 2020.

* 38 Dans le rapport précité, le TEG prend l'exemple d'une compagnie pharmaceutique qui souhaiterait construire son nouveau siège, aux dernières normes environnementales, ou d'une entreprise de distribution d'énergie qui souhaiterait construire des éoliennes pour accroître la part de ses énergies renouvelables dans son mix énergétique.

* 39 CBI a donné au rapporteur spécial l'exemple de l'Australie, qui aurait perdu quelques points de base sur ces obligations au regard des lacunes de sa stratégie visant la neutralité carbone à horizon 2050.

* 40 La Banque centrale européenne a publié le 24 mai 2022 un extrait de son rapport sur la stabilité financière, consacré aux risques liés au climat pour la stabilité financière.

* 41 Commission européenne, « Impact assessment report accompanying the document `proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on European Green bonds », 6 juillet 2021.

* 42 Commission européenne. Questions et réponses : NextGenerationEU : cadre pour les obligations vertes et mise à jour du plan de financement , 7 septembre 2021.

* 43 Ibid.

* 44 Rapport de la Climate Bond Initiative sur la France en 2018.

* 45 Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil .

* 46 Ce seuil pourrait éventuellement être abaissé à 250 salariés si la nouvelle directive sur le reporting de durabilité des entreprises était adoptée.

* 47 Agence France Trésor, « OAT Verte. Rapport d'allocation et de performance 2020 ».

* 48 Agence France Trésor, « OAT Verte. Rapport d'allocation et de performance 2020 ».

* 49 Article 206 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 50 L'OCDE a lancé lors du One Planet Summit du 12 décembre 2017 le « Collaboratif de Paris sur les budgets verts », auquel la France s'est engagée à participer activement.

* 51 Ces dernières sont désormais désignées sous l'expression de dépenses non cotées, pour bien les différencier des dépenses cotées neutres.

* 52 En réintégrant les crédits du plan de relance.

* 53 Rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État , annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 54 Mais dont le contenu pourrait évoluer selon les discussions engagées au Parlement européen.

* 55 Concernant le secteur privé, le rapporteur spécial y reviendra en deuxième partie.

* 56 Agence France Trésor, Rapport d'activité 2020 , 27 juillet 2021.

* 57 Cet acte délégué est également celui qui prévoit de couvrir certaines activités des secteurs du gaz et du nucléaire au regard de l'atténuation du changement climatique et de l'adaptation au changement climatique. Les projets gaziers et nucléaires seraient ainsi inclus dans la taxinomie en tant qu'activités transitoires.

* 58 Commission européenne. Questions et réponses : NextGenerationEU : cadre pour les obligations vertes et mise à jour du plan de financement , 7 septembre 2021.

* 59 D'après les données publiées par la Commission européenne, les obligations vertes ne représenteraient encore qu'environ 4 % de l'ensemble des obligations sur le marché européen, mais avec une plus forte dynamique.

* 60 Le rapporteur spécial partage ici le constat du président de l'Autorité des marchés financiers (audition).

* 61 Voir par exemple Serena Fatica et Roberto Panza, « Green bonds as a tool against climate change ? », 10 novembre 2020 ; Flammer, « Green Bonds : effectiveness and implications for public policy », 2020.

* 62 Pour reprendre le constat du président de la Climate Bond Initiative en audition .

* 63 D'autres actions sont prévues, telles que d'obliger les entreprises d'assurance et d'investissement d'informer leurs clients sur la base de leurs préférences en matière de durabilité, d'intégrer la durabilité dans les exigences prudentielles ou encore de créer deux nouvelles catégories d'indice de référence « Transition climatique » et « Accord de Paris ».

* 64 Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes .

* 65 Commission européenne, communiqué de presse « Financer la transition verte: le plan d'investissement du pacte vert pour l'Europe et le mécanisme pour une transition juste » , 14 janvier 2020.

* 66 WWF, « Les obligations vertes doivent tenir leurs promesses ! », 2016.

* 67 Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l'établissement d'un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088

* 68 Exemple tiré de Flammer, «Green Bonds : effectiveness and implications for public policy », 2020.

* 69 Rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 70 Deuxième rapport commun ACPR/AMF sur le suivi et l'évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place , décembre 2021.

* 71 AMF et ACPR, Rapport d'activité 2021 du pôle Assurance - Banque - Épargne , juin 2022.

* 72 Cité dans Les Échos, « Assurance-vie : le greenwashing dans le viseur des autorités financières », 14 juin 2022.

* 73 Le sujet de la régulation de la finance verte et plus généralement de la finance durable a été abondamment abordé lors du déplacement d'une délégation du bureau de la commission des finances aux États-Unis (voir la communication en commission du 11 mai 2022 ).

* 74 Selon le rapport d'analyse d'impact produit par les services de la Commission européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les obligations vertes européennes (6 juillet 2021).

* 75 Jean Boissinot, alors représentant de la direction générale du Trésor, lors du Climate Finance Day 2017. Il a été nommé secrétaire général du Network for Greening the Financial System (NGFS) au mois de juin 2021.

* 76 Banque centrale européenne, « Avis du 5 novembre 2021 sur une proposition de règlement sur les obligations vertes européennes », 19 janvier 2022.

* 77 Autorité des marchés financiers, « L'AMF répond à la consultation publique européenne sur le nouveau standard européen pour les obligations vertes », 9 décembre 2020.

* 78 Les divergences politiques demeurent néanmoins très fortes sur l'opportunité d'appliquer un cadre plus contraignant aux acteurs financiers et aux entreprises.

* 79 Selon le constat de l'Inspection générale des finances, « Bilan et perspectives du label « investissement socialement responsable (ISR) », décembre 2020.

* 80 Audition du président de la Climate Bond Initiative par le rapporteur spécial.

* 81 Discours de Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), lors de la présentation du rapport annuel 2021 de l'AMF, 18 mai 2022.

* 82 Discours de Robert Ophèle, président de l'AMF - Colloque du Conseil scientifique de l'AMF : « Reportings extra-financiers en Europe », 8 juin 2022.

* 83 Autorité des marchés financiers et Autoriteit Financiële Markten, « Position Paper: Call for a European Regulation for the provision of ESG data, ratings, and related services », 15 décembre 2020.

* 84 Par opposition à la simple matérialité, qui ne tient compte que de l'impact des risques ESG (environnement, social, gouvernance) sur l'entreprise et sur sa valeur.

* 85 Audition du président de l'Autorité des marchés financiers par le rapporteur spécial.

* 86 Selon les chiffres repris dans le rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 87 Pour rappel, ces objectifs sont l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et la réduction de la pollution, et enfin la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

* 88 Une mise en oeuvre au 1 er janvier 2024 pour les entreprises déjà soumises à la directive sur la publication d'informations non financières, au 1 er janvier 2025 pour les grandes entreprises non soumises aujourd'hui à la directive sur la publication d'informations non financières, et au 1 er janvier 2026 pour les PME cotées, sauf dérogation, ainsi que pour les établissements de crédit de petite taille et non complexes, et pour les entreprises captives d'assurance.

* 89 Deuxième rapport commun ACPR/AMF sur le suivi et l'évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place , décembre 2021.

* 90 Serena Fatica et Roberto Panza, « Green bonds as a tool against climate change ? », 10 novembre 2020; Flammer, «Green Bonds : effectiveness and implications for public policy », 2020.

* 91 Rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 92 Il s'agissait plus précisément des armes non-conventionnelles, du tabac, des activités liées à la déforestation, de l'extraction et de la production de charbon et de fossiles non-conventionnels ainsi que de la production de chaleur et d'électricité incompatible avec un scénario d'évolution de la température de la Terre d'au moins 2° C.

* 93 Pierre Bui Quang, Jean-Brieux Delbos, Simon Perillaud, Clément Bourgey, « En plein essor, le marché des obligations vertes nécessite d'être mieux mesuré », Bulletin de la Banque de France 226/6, novembre-décembre 2019.

* 94 Rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 95 Cette approche du rapporteur spécial s'appuie sur son audition avec la Caisse des dépôts.

* 96 Un point rappelé lors de son audition par Pauline Becquey, directrice générale de Finance For Tomorrow.

* 97 Audition par le rapporteur spécial de représentants du Crédit agricole.

* 98 Autorité des marchés financiers, rapport d'activité pour l'année 2021 , 18 mai 2022.

* 99 Autorité des marchés financiers, « L'AMF approuve, pour la première fois, un prospectus obligataire permettant l'admission sur Euronext Paris de `Sustainable Linked Bonds' », 17 décembre 2021.

* 100 Selon les prévisions d'Ostrum Asset Management, reprises dans Les Échos, « Obligations durables : un tri s'impose pour les gérants d'actifs », 31 mai 2022.

* 101 La Caisse des dépôts a par exemple développé le « Global Biodiversity Score », qui permet à des entreprises de mesurer leur empreinte biodiversité. Cette empreinte est à la fois statique (liée au patrimoine et aux activités passées de l'entreprise) et dynamique (dégâts infligés en cours de l'année). Toutefois, il y a encore un manque de recul sur les résultats de cette méthodologie et un manque de données disponibles.

* 102 Audition de M. Yves Perrier par le rapporteur spécial.

* 103 Rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 104 Mathématicien italien (1445-1517), considéré comme le fondateur de la comptabilité.

* 105 Audition de Robert Ophèle, président de l'Autorité des marchés financiers, par la commission des finances du Sénat le 6 juillet 2022.

* 106 Ibid.

* 107 Deuxième rapport commun ACPR/AMF sur le suivi et l'évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place , décembre 2021.

* 108 Ibid.

* 109 Rapport Perrier, « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », remis au ministre de l'économie et des finances le 10 mars 2022.

* 110 Rexecode, « Enjeux économiques de la décarbonation en France : une évaluation des investissements nécessaires », 16 mai 2022.

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