LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Sur les OAT vertes

Recommandation n° 1 ( ministère de l'économie et des finances) : entamer une réflexion sur l'opportunité d'émettre une OAT verte indexée sur l'inflation française , après l'émission d'une OAT verte indexée sur l'inflation en zone euro, et assurer la diversité des titres pour pouvoir placer dans les meilleures conditions la dette française , dont le volume n'a cessé de s'amplifier. S'engager en revanche à ce que les titres jumeaux ou les sustainability - linked bonds, qui ne sont pas adaptés aux spécificités des émissions souveraines françaises, soient exclus des pistes de diversification.

Recommandation n° 2 (ministère de l'économie et des finances, secrétariat général aux affaires européennes) : s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen sur les obligations vertes, à ce qu'une poche de flexibilité d'au moins 20 % des actifs soit prévue pour les émetteurs souverains . Inclure également une approche en termes généraux pour la vérification de l'alignement sur la taxinomie des crédits d'impôts et des subventions éligibles (l'émetteur souverain n'aura pas à vérifier leur utilisation par chacun des bénéficiaires).

Recommandation n° 3 (ministère de l'économie et des finances) : à la condition qu'une poche de flexibilité soit prévue, s'engager à ce que la France, pour l'émission de ses OAT vertes, mette en oeuvre d'ici trois à cinq ans le standard européen sur les obligations vertes . Pour les aspects qui ne seraient pas couverts par le standard, conserver les exigences du cadre français actuel.

Recommandation n° 4 ( ministère de l'économique et des finances, ministères chargés de la transition écologique et des collectivités territoriales, régions et départements ) : si les collectivités territoriales veulent continuer à recourir aux financements verts et bénéficier de leurs avantages, alors elles doivent procéder à l'identification, dans leurs comptes, des dépenses ayant un impact favorable sur l'environnement. Ce travail d'identification pourrait s'appuyer sur une modification de la nomenclature budgétaire.

Recommandation n° 5 ( acteurs publics et parapublics apportant des solutions de financement aux collectivités territoriales et aux petites entreprises) : intégrer, dans les rapports d'activités des acteurs publics et institutionnels ne pouvant proposer des obligations finançant des projets totalement alignés sur la taxinomie verte européenne, deux calculs de l'alignement taxinomique , le premier par rapport à la taxinomie européenne, le second par rapport à la propre grille d'analyse de l'émetteur.

Recommandation n° 6 (ministères, opérateurs publics) : demander à chaque ministère et à chaque opérateur, en vue du projet de loi de finances 2024, de réaliser en coordination avec le commissariat général au développement durable un plan à moyen terme, à horizon de trois années, permettant d'identifier l'ensemble des dépenses auxquelles pourraient être adossées les OAT vertes. Actualiser ces plans tous les ans. Intégrer cette vision prospective dans le budget vert , en mesurant et en justifiant chaque année les écarts entre les dépenses projetées et celles réalisées.

Recommandation n° 7 (responsables de programme) : inclure, pour chaque programme budgétaire pour lequel la démarche est pertinente et d'ici au projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de verdissement des crédits qu'ils portent . Ces indicateurs tiendraient compte des dépenses identifiées dans le cadre des plans de moyen terme et illustreraient la démarche éco-responsable des administrations concernées. Modifier ou ajouter, d'ici le projet de loi de finances pour 2025, des indicateurs de performance portant sur l'efficience environnementale des dépenses adossées aux OAT vertes.

Recommandation n° 8 ( ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable) : d'ici au projet de loi de finances pour 2025, prévoir que le périmètre des dépenses vertes identifiées dans le budget vert coïncide avec celui des dépenses éligibles aux OAT vertes . D'ici là, inclure dans le rapport d'allocation de l'OAT verte et dans le budget vert une « matrice de passage » entre ces deux référentiels, avec une justification des différences de périmètre.

Recommandation n° 9 (ministère de l'économie et des finances et Commissariat général au développement durable ) : aligner, à moyen terme, les dépenses éligibles aux OAT vertes, et donc les dépenses favorables à l'environnement identifiées dans le budget vert, sur la taxinomie européenne des activités durables . Cette exigence découle de la recommandation n° 3 relative à la mise en oeuvre du standard européen sur les obligations vertes par la France pour ses OAT vertes, à la condition qu'une poche de flexibilité soit bien maintenue. D'ici à cet alignement, prévoir que les rapports d'allocation des OAT vertes et d'évaluation de l'impact environnemental des dépenses éligibles qui y étaient adossées comprennent une partie consacrée à l'analyse de l'alignement avec la taxinomie.

Recommandation n° 10 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : pour garantir la qualité de la dépense verte, prévoir, à horizon de cinq à six ans, que ne soient plus retenues dans le périmètre des dépenses éligibles aux OAT vertes que celles ayant démontré leur efficience environnementale. Exclure également les dépenses de fonctionnement , à l'exception de celles relatives à l'installation ou à l'entretien d'équipements répondant à l'un des objectifs environnementaux fixés dans le document-cadre des OAT vertes.

Sur la finance verte

Recommandation n° 11 ( ministère de l'économie et des finances et secrétariat général aux affaires européennes) : à l'instar de ce qui était recommandé pour les émetteurs souverains, s'engager, dans le cadre des futures négociations sur le standard européen pour les obligations vertes, à ce que le standard demeure d'application volontaire et inclue à moyen terme (deux-trois ans) une marge de flexibilité par rapport à l'alignement taxinomique .

Recommandation n° 12 (ministère de l'économie et des finances) : instaurer, pour la vérification des obligations vertes émises par un acteur privé, une échelle de notation incluant une appréciation du vérificateur sur l'évolution probable à moyen terme de la crédibilité des engagements de l'émetteur. Pour encourager les vérificateurs à mettre en place cette nouvelle grille, organiser un groupe de travail animé par la direction générale du Trésor.

Recommandation n° 13 (législatif, puis Autorité des marchés financiers et Haut conseil du commissariat aux comptes) : sauf à ce qu'une accréditation soit prévue au niveau européen, imposer aux commissaires aux comptes désignés par les entreprises pour certifier leur reporting de durabilité de disposer d'une certification de l'Autorité des marchés financiers et du Haut conseil du commissariat aux comptes à cet effet . Ce certificat serait délivré pour une durée de trois ans.

Recommandation n° 14 ( Autorité des marchés financiers ) : rendre obligatoire au 1 er janvier 2024 la présence d'un module de certification « finance durable » au sein du parcours de certification professionnelle proposé par les organismes de formation certifiés par l'Autorité des marchés financiers pour les conseillers en investissement participatif et pour les collaborateurs ou les futurs professionnels des prestataires de services d'investissement.

Recommandation n° 15 ( comité du label ISR, ministère de l'économie et des finances) : revoir les critères et le fonctionnement du label ISR a minima tous les trois ans , en tenant compte des meilleures pratiques du marché et des évolutions règlementaires intervenues au niveau européen.

Recommandation n° 16 (ministère de l'économie et des finances) : valider les modifications du référentiel du label ISR proposant d'introduire des exigences minimales sur les trois dimensions E (environnement), S (social) et G (gouvernance) ainsi que des exigences optionnelles sur certaines dimensions, préalable à la transformation du label ISR en un label « par brique ».

Recommandation n° 17 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances) : préparer, par le biais d'un engagement de la Place, les gestionnaires de fonds et de produits d'épargne à pouvoir disposer d'un pourcentage d'investissements d'entreprises s'engageant de manière crédible à se conformer à la taxinomie verte européenne à une échéance précisée dans leur stratégie environnementale .

Recommandation n° 18 ( Autorité des marchés financiers) : engager dans les six prochains mois une étude d'impact et de faisabilité sur l'opportunité de confier à l'Autorité des marchés financiers un droit d'appréciation des indicateurs clés de performance choisis par les émetteurs dans leur cadre des sustainability-linked bonds . Si les résultats sont probants, modifier les dispositions législatives et règlementaires afférentes d'ici au 1 er juillet 2023.

Recommandation n° 19 (législatif puis ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de la transition écologique ) : initier, pour les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), la mise en place d'une double comptabilité carbone à compter de 2024 .

Recommandation n° 20 (ministère de l'économie et des finances, Commissariat général au développement durable) : prévoir que l'État mette lui aussi en oeuvre une comptabilité carbone et qu'il en présente les résultats dans le cadre du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (échéance : comptes portant sur l'année 2024).

Recommandation n° 21 ( législatif) : introduire à moyen terme une composante d'efficience énergétique au sein du calcul de l'impôt sur les sociétés dû par les entreprises couvertes par la directive sur le reporting de durabilité.

Recommandation n° 22 (acteurs de la Place, ministère de l'économie et des finances et ministère chargé de l'énergie) : créer, à l'instar de ce qui est proposé par le rapport d'Yves Perrier « Faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique : un cadre d'actions », un groupe de travail chargé de définir un scénario de référence sur la sortie des énergies fossiles à horizon 2025, 2030 et 2050 . Intégrer, dans ce scénario de sortie, la question des entreprises très consommatrices d'énergies fossiles . Ce groupe de travail réunirait les professionnels de la Place, ainsi que les ministères chargés de l'énergie et de l'économie et des finances.

« Briser la tragédie des horizons » 15 ( * ) . C'est par ces mots qu'en 2015, Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d'Angleterre, alertait le monde financier sur les risques que le changement climatique ferait peser ces prochaines décennies sur la stabilité financière et, au-delà, sur l'ensemble de nos sociétés. Alors que les conséquences du changement climatique seront bien plus dramatiques pour les générations futures, il appelait à dépasser les horizons économiques, politiques et technocratiques.

Quelques mois plus tard, l'adoption le 12 décembre 2015 de l'accord de Paris sur le climat catalysait les initiatives des États, des agences publiques et des acteurs financiers privés comme institutionnels en faveur de la lutte contre le changement climatique et de la réorientation des flux financiers vers le soutien à la transition. La France se montrait pionnière en étant le premier État à envisager l'émission d'un titre de dette publique « vert », exemple suivi depuis par plusieurs dizaines d'États.

Pour autant, et au-delà des seules obligations vertes, le cadre de la finance verte est encore loin d'être achevé, alors que le coût du changement climatique pour les générations futures ne cesse de s'alourdir. De multiples interrogations demeurent sur ce qui constitue un actif ou une activité verte, sur la transparence des engagements des acteurs financiers et non-financiers et sur notre capacité, à un horizon proche, de réorienter les flux financiers en faveur de la transition environnementale.

L'Union européenne, longtemps à l'initiative dans ce domaine pour proposer un cadre règlementaire harmonisé, est aujourd'hui menacée de se voir dépasser par d'autres États, au risque de voir la portée de ses normes amoindries et les engagements de ses acteurs financiers affaiblis.

C'est dans ce contexte que ce rapport, écrit à la suite d'auditions d'acteurs très divers, entend rechercher un point d'équilibre, une conciliation de points de vue différents, mais accordés sur l'urgence à agir. Le rapporteur spécial se doit cependant d'alerter sur l'absence de solution miracle ou incontestable, en particulier dans un domaine où les connaissances scientifiques et les avancées techniques nous amènent constamment à repenser nos modèles et nos instruments financiers.


* 15 Discours de Mark Carney devant les membres du Lloyd's of London au mois de septembre 2015.

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