Rapport d'information n° 649 (2021-2022) de M. Gérard LONGUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 juin 2022

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Synthèse du rapport (761 Koctets)


N° 649

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juin 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants ,

Par M. Gérard LONGUET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

Alors que le recrutement des enseignants français s'avère de plus en plus complexe, Gérard Longuet, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire , s'est interrogé sur la situation dans les autres pays européens. Le principal constat est le suivant : si de grandes disparités persistent s'agissant du recrutement des professeurs, de leurs missions, de leur niveau de rémunération, de leur temps de travail ou encore de la perception de leur métier, l'ensemble des pays européens est en revanche confronté à des difficultés croissantes de recrutement des enseignants, laissant présager une réelle « crise d'attractivité » européenne du métier de professeur.

Au-delà de la comparaison générale à l'échelle européenne, une analyse plus détaillée est consacrée aux enseignants de deux systèmes éducatifs européens, l'Allemagne et le Portugal , qui ont en commun de bien rémunérer leurs professeurs sans échapper à la problématique générale de la pénurie d'enseignants .

I. QUELS ENSEIGNEMENTS SUR LA SITUATION DES ENSEIGNANTS DANS LES SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS ?

A. DES TRAITEMENTS DES ENSEIGNANTS DEMEURANT TRÈS DIFFÉRENCIÉS SELON LES PAYS

Malgré une relative harmonisation au cours des dernières années, on observe des différences significatives entre les salaires statutaires des enseignants en Europe, variant de 5 000 euros par an à plus de 80 000 euros toutes catégories d'enseignants confondues . Le potentiel d'augmentation salariale au cours de la carrière varie considérablement selon les pays européens, les salaires augmentant en moyenne entre 12 % et 116 % entre le début et la fin de carrière. Il faut uniquement 12 ans à un enseignant danois pour atteindre le salaire maximum, mais une carrière complète, soit 42 ans, en Hongrie . Ce pic sera atteint après 29 ans de carrière pour un enseignant français. Les enseignants européens se retrouvent autour d'une insatisfaction globale sur leur niveau de salaire : dans le premier degré, seuls 37 % des enseignants européens déclarent être satisfaits de leur salaire .

Une part toujours importante des enseignants européens met en évidence l'inadéquation entre le métier d'enseignant et leur formation initiale . Près d'un tiers des enseignants considèrent que leur formation ne leur permet pas de se sentir concrètement bien préparés. La France ne fait pas à ce titre figure d'exemple, seule la moitié des enseignants français s'estimant « bien » ou « très bien » préparée par leur formation initiale.

B. UNE « CRISE D'ATTRACTIVITÉ » DU MÉTIER D'ENSEIGNANT COMMUNE AUX DIFFÉRENTS SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS

Le constat le plus inquiétant est celui du vieillissement rapide de la population enseignante. La part des professeurs âgés de plus de 50 ans a ainsi cru de 14 points entre 2008 et 2018 au sein de l'OCDE . Ces derniers représentent 38 % des enseignants européens. En France, entre 2008 et 2018, l'âge moyen des nouveaux enseignants a augmenté de 4 ans dans le second degré (de 27,6 ans à 31,5 ans) et de 3 ans dans le premier degré .

Les enseignants européens sont par ailleurs de plus en plus diplômés. Les enseignants n'étant titulaires que du baccalauréat ne représentaient plus en 2018 que 4,5 % du corps enseignant à l'échelle de l'UE, contre 55 % pour les titulaires d'un master.

S'agissant de la pénurie d'enseignants, la France connaît une situation comparable à celle de l'ensemble des pays développés, qui épargne peu de pays européens quel que soit le niveau de rémunération des enseignants.

En Suède, il faudrait selon l'Éducation nationale recruter 77 000 professeurs d'ici l'année prochaine pour couvrir les besoins. En Angleterre, le ministère de l'éducation offre des compléments de rémunération plus élevés pour les régions les moins attractives pour attirer les diplômés de « matières prioritaires ». Par ailleurs, le Premier ministre britannique a annoncé en octobre 2021 des augmentations de salaire pour les professeurs des matières où le manque de professeurs est le plus criant. Toute gestion prévisionnelle des ressources humaines en matière d'éducation doit impérativement tenir compte de cette crise européenne d'attractivité du métier, sous peine d'aboutir à une impasse dans le recrutement des prochaines générations d'enseignants.

II. QUEL POSITIONNEMENT DES ENSEIGNANTS FRANÇAIS ?

A. LES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS FRANÇAIS LARGEMENT INFÉRIEURES À LA MOYENNE EUROPÉENNE

Le rapporteur spécial a consacré dans son dernier rapport budgétaire une analyse détaillée aux conditions de rémunération des enseignants français, largement en deçà de la moyenne de l'OCDE et de la plupart de ses voisins. Il avait indiqué qu'une amélioration de l'attractivité du métier d'enseignant devait nécessairement passer par un rééquilibrage au profit des professeurs débutants . La France fait en effet partie des pays de l'OCDE où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière.

Ainsi, les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE, mais c'est après dix et quinze ans d'ancienneté que l'écart avec la moyenne des pays européens atteint près de 10 000 dollars annuels, soit un montant d'au moins 15 % inférieur à la moyenne de l'OCDE . Les enseignants de plus de 50 ans gagnent en moyenne 50 % de plus que leurs collègues de moins de 30 ans, et jusqu'à 62 % de plus dans le second degré.

Par rapport aux autres fonctionnaires, le salaire net des enseignants se rapproche de celui des brigadiers et gardiens de la paix . La rémunération d'un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B. En revanche, les professeurs agrégés font exception, étant en moyenne davantage rémunérés qu'un attaché d'administration.

B. COMMENT RÉPONDRE AU DÉFICIT D'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT ?

Le rapporteur spécial s'était déjà penché en détail, l'année dernière, sur les difficultés de recrutement en France dans les disciplines scientifiques. La dynamique de baisse des candidats aux concours enseignants s'est encore accentuée en 2022. Ces chiffres traduisent une chute structurelle du nombre de candidats : le nombre d'inscrits aux concours de l'enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en moins de quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020.

En nécessaire contrepoint de la baisse des candidats aux concours, le recrutement de contractuels se systématise. Le taux de recours aux contractuels a augmenté de 1,5 point dans le second degré public aux cours des cinq dernières années : en 2020, 9,2 % des enseignants y étaient contractuels, contre 7,7 % en 2015. Autre symptôme de la crise d'attractivité du métier d'enseignant en France, le nombre d'enseignants démissionnaires, loin d'être un phénomène conjoncturel, est en hausse constante depuis dix ans . Le taux de démission des enseignants stagiaires a toujours été supérieur à celui des enseignants titulaires mais l'écart atteint aujourd'hui des proportions spectaculaires : le taux de démission des stagiaires est actuellement dix fois supérieur à celui des titulaires : 3,2 % des enseignants stagiaires ont démissionné au cours de leur stage en 2020-2021, contre seulement 1 % 10 ans plus tôt.

L'enjeu est donc tout autant d'attirer les candidats vers les carrières enseignantes que de les y maintenir.

La question de l'attractivité du métier d'enseignant ne peut être déconnectée de celle de la reconnaissance sociale des enseignants. Selon l'OCDE, seuls 6,6 % des enseignants français se sentent valorisés par la société . Au niveau de l'OCDE, seuls les professeurs de Slovaquie et Slovénie s'estiment moins bien valorisés. Les aspects perçus comme les plus problématiques par les enseignants, au-delà de leur rémunération, concernent plus largement le positionnement des professeurs vis-à-vis du reste de la société , en particulier des médias et des politiques. Leur vision de leur cadre général de travail ne semble quant à elle pas particulièrement négative : 90 % des enseignants de collège rapportent aimer travailler dans leur établissement.

En revanche, les enseignants français souffrent d'un sentiment d'isolement et d'absence de collaboration . La France fait partie des pays de l'Union européenne où les enseignants collaborent le moins entre eux. Le renforcement de la collaboration entre enseignants implique la création d'espaces d'échanges, au-delà de la seule « salle des professeurs ». Il est donc impossible de se passer d'une refondation en profondeur du bâti scolaire à moyen et long terme dans cette perspective.

Une réponse aux abandons au cours des premières années d'enseignement : mettre l'accent sur l'accompagnement des professeurs débutants

L'accompagnement des jeunes professeurs reste malheureusement trop centré sur l'année de stage . Or, un jeune néotitulaire ne peut se passer d'un réel accompagnement pendant les deux ou trois premières années d'enseignement, en particulier au travers du mentorat. Le soutien financier des jeunes enseignants constitue également une réponse au déficit d'attractivité, dans le prolongement de la prime « Grenelle ».

En effet, en dépit de niveaux de rémunération peu élevés par rapport à la moyenne de l'OCDE, la France est le pays qui prévoit le plus de primes, qui représentent en moyenne 9,2 % du salaire brut des enseignants du premier degré et 15,6 % de celui des enseignants du second degré . Le calcul de la rémunération des enseignants constitue donc un exercice extrêmement complexe, sur lequel les professeurs eux-mêmes ont peu de visibilité Dans de nombreux pays européens, l'évaluation des enseignants est prise en compte pour l'attribution de primes ou autres récompenses financières (Espagne, Italie, Suisse, République Tchèque,...). L'évaluation interne, par les pairs ou le chef d'établissement, est obligatoire dans 27 systèmes éducatifs européens.

D'autres pays européens peuvent constituer des inspirations en matière de développement de l'autoévaluation et surtout de l'évaluation des enseignants par les pairs.

Il semble donc indispensable de développer l'évaluation des enseignants , sans toutefois donner l'impression que celle-ci se limite à une inspection ponctuelle qui ne traduirait qu'une vision « d'en haut », déconnectée des conditions réelles d'exercice du métier. La prise en compte de l'évaluation dans la carrière des enseignants ne peut se faire sans association constante des enseignants à la construction de cette évaluation.

III. FOCUS SUR LES ENSEIGNANTS DANS DEUX SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS : L'ALLEMAGNE ET LE PORTUGAL

A. UN SYSTÈME FÉDÉRAL AYANT OPTÉ POUR DE FORTES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS : LE « MODÈLE » ALLEMAND ET SES LIMITES

1. Des rémunérations élevées pour les enseignants dans tous les Länder

Les rémunérations des 780 000 enseignants allemands varient d'un Land à l'autre, mais sont toutes relativement élevées par rapport aux salaires de leurs homologues européens. La moyenne des salaires des enseignants allemands est ainsi la deuxième plus élevée d'Europe. D'après l'OCDE, le salaire annuel effectif moyen des enseignants allemands est en moyenne près de deux fois plus élevé que celui des enseignants de l'Union européenne en 2020.

La rémunération moyenne par Land variait entre 2 774 euros nets mensuels (Sarre) et 3 358 euros nets mensuels (Saxe-Anhalt) en 2019 pour les enseignants du cycle primaire . Et entre 3 078 euros nets mensuels (Mecklembourg-Poméranie occidentale) et 4 246 euros nets mensuels (Saxe-Anhalt) pour le cycle secondaire, soit un écart de plus de 1 100 euros. Ces différences sont liées à la complète décentralisation de l'enseignement en Allemagne : le volume horaire de cours donnés par les enseignants peut également varier

2. Des exemples allemands : la gestion de la transition démographique en cours et une meilleure performance de la dépense publique d'éducation

Malgré le niveau plus élevé de rémunération des professeurs, la dépense d'éducation par élève en parité de pouvoir d'achat est plus faible en Allemagne : en 2018, les dépenses publiques d'éducation s'établissaient à 2,6 % du PIB allemand, contre 2,93 % du PIB en moyenne dans l'Union européenne et 3,4 % du PIB en France. Ce différentiel est lié aux coûts structurels du système éducatif français, plus importants que dans le système allemand : en Allemagne, la dépense d'éducation par établissement ne découle que pour 4 % seulement des coûts auxiliaires, contre 13 % en France. Le nombre d'élèves par établissement est deux fois plus élevé en moyenne en Allemagne qu'en France , ce qui limite les coûts de gestion du fait d'un nombre plus limité d'établissements scolaires. Les rémunérations des professeurs vont donc de pair avec une plus grande efficience de la dépense d'éducation en Allemagne.

La France devra faire face au cours des prochaines années à des difficultés démographiques similaires à celles auxquelles l'Allemagne est d'ores et déjà confrontée et qui ont entraîné une forte tension sur l'offre scolaire. L'Allemagne a d'ores et déjà fermé 5 500 établissements scolaires en 10 ans (soit - 14 %). Celle-ci ayant été confrontée plus tôt à la baisse du nombre d'élèves qui va toucher rapidement la France, il convient de s'en inspirer afin d'anticiper au mieux les nécessaires évolutions pour le système scolaire français.

3. Les limites du « modèle allemand »

Si les enseignants allemands sont effectivement mieux rémunérés, cela n'en fait pas pour autant un exemple en matière de gestion des enseignants. Le système allemand se caractérise par exemple par la grande insuffisance de son système de formation continue , qui n'existe quasiment pas de façon obligatoire. En outre, contrairement au système français du concours enseignant, il n'existe pas de garantie d'emploi pour les jeunes enseignants allemands ayant terminé leur formation initiale et étant titulaires de l'examen d'État : les décisions de recrutement sont prises in fine par les établissements, sur la base d'une mise en concurrence des candidats pour le poste. Par ailleurs, la mobilité interrégionale est limitée afin d'éviter des départs trop élevés vers les Länder où la rémunération est plus élevée. Enfin, les enseignants allemands assurent de nombreuses missions annexes à l'enseignement , en particulier de remplacement ou de surveillance. Il n'existe en effet pas de vie scolaire en Allemagne, les professeurs étant eux-mêmes chargés de la discipline.

Bien que les enseignants allemands soient bien rémunérés, l'Allemagne n'échappe pas à la pénurie d'enseignants qualifiés.

À la rentrée 2019, il manquait déjà 15 000 enseignants dans le système éducatif allemand et il pourrait manquer plus de 26 000 enseignants dans le cycle primaire d'ici 2025.

Le recours aux enseignants sous contrat est donc devenu massif : en 2019, 40 000 enseignants étaient recrutés sous contrats et deux tiers des recrutements en Saxe et à Berlin étaient des recrutements sous contrats. Des rémunérations bien plus élevées qu'en France ne permettent donc pas à elles seules de résoudre le problème de l'attractivité et du vivier insuffisant.

B. LE PORTUGAL : DES CHOIX BUDGÉTAIRES FORTS AYANT PERMIS DE REDRESSER LES PERFORMANCES SCOLAIRES DU PAYS

1. Une amélioration historique des performances scolaires des élèves portugais

Le système éducatif portugais se caractérise par une évolution très rapide au cours des dernières décennies. Un cinquième des Portugais âgés de 15 à 64 ans étaient illettrés au début des années 1970. Les progrès seront rapides et massifs : le taux d'alphabétisation chez les plus de 15 ans était en 2015 estimé à 96 %. De même, le taux de décrochage scolaire a été drastiquement réduit : de 45 % des élèves portugais en 2002 à seulement 6 % en 2021 , soit un taux de décrochage scolaire inférieur à celui observable en France.

L'OCDE qualifie d'« historiques » les progrès du Portugal en matière de performances scolaires des élèves : entre 2012 et 2015, le Portugal est passé de la 31 ème place du classement international PISA à la 22 ème place (la France passait quant à elle de la 26 ème à la 27 ème place), ce qui est considéré par l'OCDE comme le fruit « d'une approche stratégique solide de réforme du système éducatif » . Ces évolutions démontrent la possibilité d'un redressement rapide des performances scolaires, dès lors qu'il va de pair avec un volontarisme politique se traduisant par des choix budgétaires .

2. Une pénurie d'enseignants malgré des rémunérations des professeurs portugais très supérieures à celles des actifs portugais et des enseignants français

Ces résultats découlent également d'un investissement budgétaire conséquent dans l'éducation au cours des quarante dernières années . Le Portugal est le troisième pays européen en matière de dépense publique d'éducation rapportée au PIB, derrière la Suède et la Belgique. En conséquence, les salaires des enseignants portugais connaissent une hausse constante et significative depuis 1989 et sont désormais largement supérieurs à ceux des enseignants français. Le salaire net de base d'un enseignant au Portugal s'élevait ainsi à seulement 467,9 euros par mois en 1989, contre 1 021,5 euros en 2021. En moyenne, les enseignants du primaire et du premier cycle du secondaire sont rémunérés 29 356 euros par an et les enseignants de la maternelle et du second cycle secondaire sont rémunérés 31 975 euros par an.

À la différence de leurs homologues français ou allemands, les salaires effectifs des enseignants portugais sont en moyenne supérieurs de 33 à 48 points à la moyenne du revenu des actifs diplômés de l'enseignement supérieur dans le pays .

Le constat des difficultés persistantes de recrutement des enseignants au Portugal n'apparaît pas lié à la concurrence avec les rémunérations ayant cours dans le secteur privé, contrairement aux explications souvent avancées dans le cas français. En 2018, le Portugal comptait la plus petite proportion d'enseignants débutants des pays de l'OCDE, avec seulement 3 % de débutants . 30 000 départs à la retraite sont à anticiper d'ici 2030, ce qui représente 20 % du contingent total d'enseignants en poste.

3. Des initiatives originales en termes d'organisation du système scolaire

Plusieurs aspects du système scolaire portugais peuvent constituer des inspirations ou tout au moins des comparaisons instructives dans le cas français. C'est par exemple le cas de la prise en compte souhaitable de la formation continue dans l'avancement de la carrière. C'est également le cas de l'importante réforme de réorganisation du réseau des écoles publiques pour les regrouper sous une direction centralisée sous forme de cités scolaires de la maternelle au secondaire , dont les chefs d'établissement ne sont pas désignés mais élus par une assemblée générale.

L'évaluation des enseignants peut au Portugal directement donner lieu à une dérogation qui permet aux enseignants d'accéder à une augmentation salariale plus rapidement ou à un salaire mensuel supplémentaire, selon leurs performances lors de deux évaluations consécutives réalisées par leurs pairs. Enfin, le système scolaire portugais se caractérise par une tendance croissante au renforcement de l'autonomie des établissements : chaque établissement peut désormais décider librement de l'utilisation de ses heures dans la limite de 25 % des horaires définis nationalement.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

(à destination du Ministère de l'Éducation nationale)

• Renforcer les moyens financiers pour soutenir
et accompagner les professeurs

1. Poursuivre la hausse des rémunérations des enseignants débutants dans la perspective d'un rattrapage avec la moyenne des enseignants européens, en étendant le principe et les montants de la prime d'attractivité du Grenelle de l'éducation.

2. Étendre l'accompagnement des professeurs débutants au-delà de leur seule année de stage, pendant les deux ou trois premières années d'enseignement, en particulier au travers du mentorat.

3. Étudier les possibilités juridiques permettant de mettre en place une bonification de la rémunération pour les enseignants dans les disciplines et les territoires où le déficit de professeurs est le plus important.

4. Simplifier le calcul de la part non indiciaire de la rémunération des enseignants.

• Réorienter la gestion des ressources humaines
pour faire face au déficit d'attractivité

5. S'inspirer d'autres expériences européennes pour développer l'autoévaluation des enseignants ou l'évaluation par leurs pairs, préalable à une prise en compte de ces évaluations dans leur parcours de carrière.

6. Conduire dès maintenant une politique proactive d'anticipation des conséquences des évolutions démographiques en cours sur le système scolaire français et le nombre d'enseignants à recruter.

7. Améliorer la consommation des crédits accordés à la formation continue des enseignants français, préalable à une hausse budgétaire.

8. Mettre en place une incitation financière à la formation continue afin d'éviter que les enseignants concernés ne soient fréquemment les mêmes.

9. Réorienter les formations continues dédiées aux enseignants afin qu'elles ciblent davantage les thèmes disciplinaires et de gestion de classe, afin de coller au mieux aux besoins des enseignants.

10. Intégrer lors de toute nouvelle construction de bâtiments scolaires la création d'espaces d'échange et de collaboration entre professeurs.

11. S'inspirer des expériences d'autres systèmes scolaires européens pour développer les activités de coopération entre enseignants.

• Développer les capacités d'analyse et de prospective
au sein du ministère de l'Éducation nationale

12. Conduire au sein du ministère de l'Éducation nationale une analyse consolidée et approfondie des motifs de démissions des enseignants.

13. Confier à l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche une mission d'évaluation des écoles de la formation dès leur mise en place.

14. S'assurer de la production par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) d'une publication statistique annuelle dédiée à la comparaison internationale ou a minima européenne des systèmes éducatifs.

15. Mettre en place au sein du ministère de l'Éducation nationale un véritable service dédié aux comparaisons internationales, au-delà du traitement et de la production de statistiques.

PREMIÈRE PARTIE
LES ENSEIGNANTS FRANÇAIS VUS AU PRISME
DES COMPARAISONS EUROPÉENNES

I. LES ENSEIGNANTS DANS LES SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS

L'analyse des conditions de travail et de rémunération des enseignants en Europe révèle les grandes disparités qui persistent s'agissant à la fois du recrutement des professeurs, de leurs missions, de leur niveau de rémunération, de leur temps de travail ou encore de la perception de leur métier. En revanche, l'ensemble des pays européens est confronté à des difficultés croissantes de recrutement des enseignants , laissant présager une réelle « crise d'attractivité » du métier de professeur au cours des prochaines années.

A. DES TRAITEMENTS DES ENSEIGNANTS DEMEURANT TRÈS DIFFÉRENCIÉS SELON LES PAYS

1. Des niveaux de rémunérations hétérogènes mais surtout des évolutions salariales très variables
a) Enseigner en Europe : une grande disparité des niveaux de salaires

Malgré une relative harmonisation au cours des dernières années, on observe des différences significatives entre les salaires statutaires des enseignants en Europe. Ceux-ci varient en début de carrière de 5 000 euros par an à plus de 80 000 euros . Dans 11 pays européens, dont les Pays-Bas, le Portugal ou encore la Pologne, tous les enseignants débutent au même salaire. Les salaires des enseignants débutants dépassent 30 000 euros bruts annuel en Belgique, en Irlande, en Espagne, Pays-Bas, en Autriche et dans les pays nordiques. Le Danemark, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg offrent quant à eux des salaires supérieurs à 50 000 euros.

On constate ailleurs des variations selon le niveau éducatif dans lequel ils travaillent, lesquelles peuvent atteindre jusqu'à 10 000 euros par an.

Salaire annuel statutaire brut des enseignants débutants
dans l'enseignement public selon les niveaux en 2019

(en euros)

Rouge : enseignement préscolaire (maternelle) ; Orange enseignement primaire ; bleu foncé : premier cycle de l'enseignement secondaire (collège) ; bleu clair : second cycle de l'enseignement secondaire (lycée).

Source : Commission européenne, Eurydice

Comment comparer des rémunérations ?

La réalisation de comparaisons internationales en matière de rémunération des enseignants implique d'avoir en amont à l'esprit plusieurs distinctions. Par commodité, le rapporteur spécial a choisi de parler de « salaires » dans la suite du présent rapport, afin de tenir compte des rémunérations des enseignants fonctionnaires comme contractuels, les statuts variant selon les pays et le terme de « traitement » n'ayant pas de sens dans un certain nombre d'entre eux. En outre, les statistiques sont un lissage sur l'année et incluent généralement les primes .

La première distinction est celle entre salaires bruts et nets . Les statistiques internationales présentent des salaires « bruts », qui correspondent au coût total pour l'employeur, moins les cotisations patronales. En revanche, la statistique publique française (DEPP, Insee, notamment) s'appuie sur les salaires nets de prélèvements sociaux mais sans déduction de l'impôt sur le revenu.

La deuxième distinction est entre salaires statutaires et salaires effectifs . Les premiers sont des salaires théoriques issus des grilles salariales. Les deuxièmes sont des moyennes de salaires effectivement perçus par les enseignants et varient par exemple selon le nombre d'enseignants à temps plein, dans la mesure où ceux à temps incomplet perçoivent des salaires plus faibles que les moyennes.

Le salaire moyen , qui prend en compte à la fois des personnes à temps plein et à temps partiel, doit donc être distingué du salaire en équivalent temps plein (EQTP) , plus élevé.

Les comparaisons effectuées par la Commission européenne sont généralement effectuées en euros. En revanche, l'OCDE convertit les données en dollars américains et en parité de pouvoir d'achat (PPA) afin de les rendre comparables en neutralisant les différences de niveaux des prix entre pays.

Source : Observatoire des rémunérations et du bien-être des personnels du ministère de l'Éducation nationale.

Au-delà de la comparaison en valeur absolue, dont la pertinence est limitée, il importe d'avoir à l'esprit l'étendue des salaires enseignants par rapport à la richesse nationale . Si l'intuition selon laquelle le salaire des enseignants est dans l'ensemble corrélé à la richesse du pays est avérée, quelques États européens se démarquent cependant. Le salaire effectif moyen des enseignants est supérieur d'au moins 40 % au PNB par habitant en Allemagne, au Portugal et pour certains enseignants en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Danemark. En revanche, dans près d'un quart des systèmes éducatifs européens, les salaires réels moyens des enseignants sont en-dessous du produit national brut (PNB) par habitant 1 ( * ) .

Écart entre les salaires réels annuels bruts moyens des enseignants
dans le secteur public et le PIB par habitant en 2019

(en euros)

En jaune : PIB par habitant. Rouge : enseignement préscolaire (maternelle) ; orange : enseignement primaire ; bleu foncé : premier cycle de l'enseignement secondaire (collège) ; bleu clair : second cycle de l'enseignement secondaire (lycée).

Source : Commission européenne, Eurydice

Enfin, le salaire moyen des enseignants ne va pas toujours de pair avec une perception positive de leur rémunération, sans que cela ne soit toujours directement relié au niveau de salaire. Dans le premier degré, seuls 37 % des enseignants européens 2 ( * ) déclarent être satisfaits de leur salaire , de forts écarts existant entre les enseignants autrichiens, dont les deux tiers se considèrent comme satisfaits, contre moins de 10 % des enseignants portugais (à noter que ceux-ci sont pourtant nettement mieux rémunérés que la plupart de leurs homologues européens, comme cela sera développé plus bas 3 ( * ) ).

Un tel écart de perception est également visible dans le second degré, comme l'indique le graphique ci-dessous. Là encore à l'exception notable de l'Autriche et, dans un moindre degré, de Chypre, les enseignants en fin de carrière sont davantage insatisfaits que leurs collègues en début de carrière , pourtant généralement moins bien rémunérés dans l'ensemble.

Proportion d'enseignants du second degré qui se déclarent satisfaits
de leur rémunération en 2018

(en %)

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Éducation nationale (DEPP), L'Europe de l'éducation en chiffres, d'après TALIS 2018

b) Des évolutions salariales également très différenciées

Au-delà des niveaux de salaire, les pays européens se caractérisent par une grande diversité quant à la trajectoire d'évolution des rémunérations au cours des dernières années.

Selon l'agence exécutive européenne pour l'éducation et la culture entendue par le rapporteur spécial, dans un quart des systèmes éducatifs, les salaires de départ des enseignants (ajustés en fonction de l'inflation) sont restés les mêmes, voire ont baissé entre 2014-2015 et 2019-2020 . C'est le cas de l'Italie, du Danemark, mais surtout du Royaume-Uni où le salaire moyen des enseignants a baissé de 13 points depuis 2012.

À l'inverse, certains pays, en particulier en Europe de l'Est, ont mis en place un rattrapage salarial qui s'est traduit par une hausse très rapide des rémunérations enseignantes au cours de la dernière décennie. À titre d'exemple, le salaire effectif moyen a cru de 32 points en Hongrie et de 34 points en République Tchèque au cours des dix dernières années . La France se situe à cet égard dans une situation intermédiaire, dans la mesure où la rémunération moyenne des enseignants a cru de 9 points selon les données de l'OCDE.

Évolution comparée des rémunérations moyennes des enseignants
depuis 2012

(base 100 en 2012)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Comme indiqué dans le graphique ci-dessous, les hausses de salaires (ou, le cas échéants, les baisses) concernent généralement l'ensemble des niveaux d'enseignement d'un même pays . C'est notamment le cas de l'Espagne ou de l'Italie. Dans d'autres pays, dont la France, le second degré bénéficie d'une hausse supérieure au premier degré, traduisant généralement des primes plus nombreuses dans le secondaire. Enfin, d'autres États européens ont relevé les salaires des enseignants de certains niveaux seulement : c'est le cas de la République Tchèque, dont la hausse est deux fois supérieure pour les enseignants de maternelle que pour les autres niveaux.

Variation des salaires des enseignants débutants
entre 2014-2015 et 2019-2020

(en % et à prix constants)

Rouge : enseignement préscolaire (maternelle) ; Orange : enseignement primaire ; bleu foncé : premier cycle de l'enseignement secondaire (collège) ; bleu clair : second cycle de l'enseignement secondaire (lycée)

Source : commission européenne, Eurydice

2. Des typologies marquées dans la gestion de la carrière des enseignants

Au-delà du niveau de rémunération, on constate de fortes disparités dans les évolutions de ces rémunérations au cours de la carrière des enseignants.

Ces différences concernent d'une part l'amplitude de la hausse salariale au cours de la carrière. Selon les données de l'Agence européenne pour l'éducation et la culture, le potentiel d'augmentation salariale au cours de la carrière varie considérablement selon les pays européens, les salaires augmentant en moyenne entre 12 % et 116 % .

Le rythme des hausses salariales est également très variable. Il faut uniquement 12 ans à un enseignant danois pour atteindre le salaire maximum, contre une carrière complète, soit 42 ans, en Hongrie. Ce pic sera atteint après 29 ans de carrière pour un enseignant français.

Différence entre les salaires statutaires des enseignants européens
dans le premier cycle du secondaire à différents stades de leur carrière
pour l'année 2019-2020

(en dollars en parité de pouvoir d'achat)

Source : Commission des finances d'après l'OCDE, Regards sur l'éducation 2021 et Eurydice

L'OCDE 4 ( * ) distingue quatre types de gestion des carrières enseignantes :

- Le premier regroupe les pays ayant fait le choix d'une hausse forte au cours des débuts de carrière, puis d'une relative stabilité salariale . C'est le cas de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Pologne.

- Le deuxième groupe inclut les pays où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière , comme en France. Cette catégorie inclut également la Grèce, le Portugal ou l'Autriche.

- Le troisième concerne les pays où les rémunérations enseignantes augmentent modestement en début de carrière puis se stabilisent . C'est le cas du Danemark, de la Norvège, de la Finlande ou de la Suisse.

- Enfin, les rémunérations des enseignants sont relativement stables tout au long de la carrière des enseignants dans un nombre conséquent de pays européens : en Allemagne, Espagne, Italie ou encore en République Tchèque. Ce sont donc des structures de carrière dites « plates » .

S'agissant des critères déterminants l'avancement dans la carrière, la France est l'un des pays pour lesquels les facteurs sont les plus nombreux, au-delà de l'ancienneté. L'OCDE note ainsi que dans presque tous les systèmes éducatifs européens ayant une structure de carrière à plusieurs niveaux, la promotion s'accompagne d'une augmentation de salaire ou d'indemnités supplémentaires, à l'exception de l'Estonie. En outre, des évaluations menées par le chef d'établissement peuvent souvent servir à identifier les bonnes performances et, ensuite, conduire à l'octroi de primes, d'augmentations de salaire ou de promotions.

Critères de promotion des enseignants à un stade supérieur de la carrière
en 2016-2017

Lecture :

premier degré ;

second degré ;

premier et second degrés. En violet, structure de carrière plate.

Source : Eurydice, Agence européenne pour l'éducation et la culture, 2021

3. Une formation initiale certes de plus en plus longue mais plus ou moins professionnalisante
a) Une élévation générale du niveau de qualification des enseignants européens

À l'instar de la France depuis la réforme de la masterisation en 2011, les enseignants européens sont en moyenne de plus en plus diplômés.

Les enseignants n'étant titulaires que du baccalauréat ne représentaient en 2018 que 4,5 % du corps enseignant à l'échelle de l'UE, contre 38 % pour les titulaires d'une licence et 55 % pour les titulaires d'un master 5 ( * ) . La part des titulaires d'une licence ou d'un master a augmenté de 7,5 points entre 2008 et 2018 . On constate là encore de fortes différences selon les pays : les titulaires d'un seul baccalauréat représentent encore 37 % des enseignants autrichiens, contre 0,2 % des enseignants hongrois . À l'inverse, la quasi-totalité des enseignants portugais (93 %) a un master, contre seulement 16 % en Belgique francophone.

Plus encore, les titulaires de doctorat constituent désormais 2,7 % des enseignants européens , soit une hausse de 0,6 point en dix ans. La France est particulièrement concernée par l'augmentation des doctorants parmi les enseignants, leur part ayant cru de 2,4 points sur la dernière décennie. En d'autres termes, la qualification des enseignants ne cesse de croître , parallèlement à l'élévation générale du niveau d'études en Europe, mais creusant un décalage entre l'exercice du métier et les compétences requises pour y accéder .

Paradoxalement, une part toujours importante des enseignants européens met en évidence l'inadéquation entre le métier d'enseignant et leur formation initiale , et ce malgré l'allongement de celle-ci. Si la plupart des formations dans l'OCDE consacrent une part aux aspects pédagogiques (92 % des formations comportant des éléments généraux à ce propos), près d'un tiers des enseignants considèrent que leur formation ne leur permet pas de se sentir concrètement bien préparés. La France ne fait pas à ce titre figure d'exemple, seule la moitié des enseignants français s'estimant « bien » ou « très bien » préparée par leur formation initiale , soit une proportion largement inférieure à la moyenne de l'OCDE.

Des lacunes se font principalement sentir s'agissant de l'informatique et des nouvelles technologies, seule une petite moitié des cursus à destination des enseignants comprenant des éléments sur ce sujet. Tout aussi inquiétant, la moitié des enseignants de l'OCDE ne se considère pas bien préparée à la gestion de la classe , élément pourtant fondamental dans leur pratique quotidienne.

Part des enseignants de l'OCDE se déclarant bien préparés
à l'issue de leur formation initiale

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE (Talis 2018)

La formation continue semble donc d'autant plus indispensable qu'elle permet tout autant une remise à niveau sur certains aspects qu'un réel prolongement de la formation initiale . Une écrasante majorité des enseignants européens suivent désormais une formation continue (92 % dans l'OCDE), celle-ci pouvant toutefois prendre une grande diversité de formes.

Part des enseignants de l'OCDE ayant déclaré suivre
des activités de formation continue

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE (Talis 2018)

b) La formation continue des enseignants français, des moyens inadaptés et des réformes à évaluer

Comme la formation initiale, la pratique d'une formation continue ne garantit pas la qualité de cette dernière et son adaptation aux enjeux. La France se détache à cet égard des autres pays européens, dans la mesure où ses enseignants participent largement moins à des activités de formation en continu et où, lorsque c'est le cas, ils en sont les moins satisfaits.

Le rapporteur spécial a pu souligner à plusieurs reprises l'insuffisance du cadre de la formation continue des enseignants français, qui se situe bien en-deçà de plusieurs exemples étrangers 6 ( * ) . Il a pu consacrer une analyse détaillé à ce propos dans le rapport budgétaire annexé au projet de loi de finances 2022.

Part d'enseignants de collège qui ont déclaré avoir participé à au moins un type d'activité de développement professionnel au cours des 12 mois précédant l'enquête TALIS 2018

Source : Commission des finances d'après Eurydice, Teachers in Europe: Careers, Development and Well-being, 2021

Le temps passé en formation reste très bas et est en réalité inférieur à 3 jours par an, en agrégeant la formation pédagogique et la formation disciplinaire. Le rapporteur spécial a souligné par le passé que, si le budget dans le premier degré a augmenté de plus de 30 % du fait des plans mathématiques et français entre 2020 et 2021, et de 7 % en 2022, il restait largement en deçà des enjeux . En effet, rapporté aux 350 000 professeurs des écoles, le budget de formation continue moyen par enseignant est de 87 euros annuels, ce qui ne permettra pas de rattraper le déficit accumulé par la France dans ce domaine par rapport aux autres pays européens .

Il ressort des différentes auditions menées par le rapporteur spécial que les enseignants volontaires pour des activités de formation continue sont fréquemment les mêmes. Afin de toucher un public plus large, la France gagnerait à intégrer cette dimension dans les questions de rémunération pour valoriser davantage la participation à des programmes de formation professionnelle continue , comme c'est déjà le cas dans un tiers des pays européens. À titre d'exemple, l'Espagne verse un supplément salarial aux enseignants qui ont effectué un nombre minimum d'heures de formation , tous les 5 ou 6 ans. Au Luxembourg et au Portugal , les enseignants qui suivent un nombre d'heures données de formation bénéficient d'une progression salariale et d'une évolution de carrière plus rapide .

Recommandation n° 8 : mettre en place une incitation financière à la formation continue afin d'éviter que les enseignants concernés ne soient fréquemment les mêmes.

Une allocation de formation aux personnels enseignants a été instituée en 2019 7 ( * ) . Elle ne constitue cependant pas une incitation financière à la formation à proprement parler, car elle s'inscrit dans le cadre de formations suivies pendant les périodes de vacances, afin de couvrir une indemnisation de 20 euros de l'heure, plafonnée à 120 euros par jour et dans la limite de cinq jours par année scolaire . Le rapporteur spécial salue la mise en place de ce dispositif, qui permet de répondre aux difficultés de remplacement des professeurs lors de leurs formations . Toutefois, le réel déploiement de cette mesure impliquera une hausse des crédits à due concurrence des ambitions affichées. Ce constat est également applicable s'agissant des formations proposées pendant les week-ends, dès lors que la perte de temps libre consentie par les enseignants doit être compensée sous peine d'une désaffection prolongée pour ces formations.

En outre, les crédits accordés à la formation initiale des enseignants sont fréquemment sous-consommés. Or, une consommation totale des enveloppes est un préalable à la hausse des financements, sous peine que ceux-ci ne relèvent entièrement de l'affichage. Le rapporteur spécial redit ici l'importance d'une amélioration de l'exécution budgétaire s'agissant de la formation continue, premier pas vers un alignement avec nos voisins européens dans ce domaine.

Recommandation n° 7 : améliorer la consommation des crédits accordés à la formation continue des enseignants français, préalable à une hausse budgétaire.

Enfin, le rapport de l'inspection de l'éducation nationale de 2018 8 ( * ) précédemment mentionné considérait que « le dispositif de suivi et d'évaluation se révèle également peu efficace pour assurer un pilotage global mais aussi local ». Le rapporteur spécial partage cette critique et espère que la mise en place du cadre de pilotage national et académique puisse rapidement y répondre. Sur ce point, le Grenelle de l'éducation a acté la création d'écoles académiques de la formation continue (ÉACF), pour lesquelles un appel à candidature a été lancé auprès de 24 académies en 2021.

Une évaluation précoce de cette mesure est indispensable, afin de s'assurer de l'harmonisation du déploiement de ces ÉACF entre toutes les académies. En outre, il faudra veiller à la pertinence et la qualité des formations rassemblées dans le cadre « ÉACF », qui doivent conserver une orientation pédagogique comme disciplinaire et ne pas se contenter d'être un « fourre-tout » rassemblant les formations existantes et considérées comme inefficaces ou non pertinentes par les professeurs.

Recommandation n° 13 : confier à l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche une mission d'évaluation des écoles de la formation dès leur mise en place.

L'étude Talis révèle un intérêt nettement moins marqué en France pour les formations portant sur la gestion de classe (- 23,9 points de pourcentage par rapport à la moyenne européenne ), la coopération parents-enseignants (- 22 points), l'enseignement des compétences transversales (- 18 pp), l'enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (- 15,8 pp) et l'analyse et l'exploitation d'évaluations d'élèves (- 15,7 pp). C'est d'autant plus dommageable que ce sont des thèmes essentiels pour l'exercice concret du métier d'enseignant, sur lesquels les enseignants français se sentent moins préparés par leur formation initiale .

Recommandation n° 9 : réorienter les formations continues dédiées aux enseignants afin qu'elles ciblent davantage les thèmes disciplinaires et de gestion de classe, pour coller au mieux aux besoins des enseignants.

B. MAIS UN DÉFICIT D'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT COMMUN AUX DIFFÉRENTS SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS

1. Une élévation globale du niveau de qualification exigé

Comme indiqué plus haut, le niveau de qualification moyen des enseignants est croissant. La quasi-totalité des pays européens exige désormais au moins un niveau licence pour les enseignants du primaire et du secondaire, à l'exception de la Pologne et de la Roumanie. La République Tchèque, l'Allemagne, la Suède, la Finlande, la Slovaquie et la Slovénie exigent également un master pour enseigner au premier comme au second degré.

La France fait toutefois partie des rares pays de l'UE, avec l'Italie et le Portugal, pour lequel un diplôme de master est indispensable pour enseigner à tous niveaux, y compris en maternelle et en primaire.

La formation initiale des enseignants européens tend également à s'allonger , comme en Angleterre, en Irlande depuis 2012 ou en Espagne depuis 2010. En France, la réforme dite de la « masterisation » a été mise en oeuvre dès 2011. Toutefois, les candidats pouvaient passer les concours de l'enseignement en étant titulaire d'une seule année de master, la deuxième étant consacrée à la réalisation du stage dit « d'induction », c'est-à-dire professionnalisant. La récente réforme du recrutement des enseignants a mis fin à cette possibilité. À compter de la session 2022, il sera nécessaire d'être titulaire d'un master pour se présenter aux concours externes de recrutement des professeurs.

2. Un vieillissement généralisé de la population enseignante

Les enseignants européens sont désormais globalement âgés. Au sein des pays de l'UE, 38 % des enseignants ont plus de 50 ans , et cette proportion atteint plus de la moitié des enseignants en Grèce et en Lituanie. À l'inverse, les enseignants de moins de 30 ans sont peu nombreux à l'échelle de l'OCDE : ils ne sont en moyenne que 12 % dans l'enseignement primaire et 11 % et 8 % respectivement dans le premier cycle et le deuxième cycle de l'enseignement secondaire. Dans ce dernier cas, qui correspond en France au lycée, la part de jeunes enseignants est même inférieure à 5 % dans 12 pays de l'OCDE, dont l'Allemagne, l'Espagne ou le Portugal .

Répartition par groupes d'âge des enseignants

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

En France, d'après le ministère de l'éducation nationale 9 ( * ) , l'ancienneté moyenne des enseignants fonctionnaires en activité était en 2019 pour les hommes de 18 ans dans le premier degré et de 17 ans dans le second degré et de 16 ans pour les femmes dans les deux cas . La masterisation au cours de la dernière décennie a eu pour effet d'élever de deux ans la moyenne d'âge des enseignants recrutés à partir de la session 2011 des concours enseignants.

Au-delà de l'âge moyen, le constat le plus inquiétant selon le rapporteur spécial est celui du vieillissement rapide de la population enseignante. La part des professeurs âgés de plus de 50 ans a ainsi cru de 14 % entre 2008 et 2018 au sein de l'OCDE. Cette trajectoire est plus ou moins marquée selon les pays, la dynamique de vieillissement étant particulièrement visible au Portugal, au Royaume-Uni ou en Suisse.

Évolution de la part des enseignants de moins de 30 ans
parmi l'ensemble des enseignants

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Ce constat est également vérifié en France : entre 2008 et 2018, l'âge moyen des nouveaux enseignants a augmenté de 4 ans dans le second degré (de 27,6 ans à 31,5 ans) et de 3 ans dans le premier degré, pour lequel l'âge moyen des néo-titulaires est passé de 27,4 ans en 2008 à 30 ans en 2018.

L'OCDE 10 ( * ) insiste sur les conséquences du vieillissement du corps enseignant sur les politiques publiques de l'éducation. La tendance démographique en cours « peut non seulement impliquer d'intensifier les efforts de formation et de recrutement pour remplacer les enseignants qui partent à la retraite, mais aussi influer sur les décisions budgétaires ». Dans la mesure où la rémunération des enseignants croît généralement avec leur ancienneté, leur coût sur les finances publiques augmente en effet en fonction de l'âge moyen de la population enseignante .

3. Des difficultés de recrutement et d'attractivité partagées au niveau européen et décorrélées de la rémunération

Ce phénomène de vieillissement de la population enseignante est à relier aux difficultés plus larges de recrutement auxquelles doivent faire face la plupart des États européens.

Le rapporteur spécial s'est penché dans un précédent rapport 11 ( * ) sur le déficit d'enseignants qui touche particulièrement certaines disciplines en France. Il indiquait que de plus en plus de postes demeurent non pourvus à l'issue des concours enseignants, faute d'un nombre suffisant de candidats. En 2020, 1 165 postes avaient ainsi été ouverts au Capes externe de mathématiques, contre 1 440 en 2015, dont 12 % n'ont pas été pourvus, contre 19 % de postes non pourvus en 2019.

La France connaît cependant à cet égard une situation comparable à celle de l'ensemble des pays développés. Peu de pays européens sont épargnés par des pénuries d'enseignants , celles-ci pouvant être structurelles ou ponctuelles, généralisées ou selon les disciplines, et ce quel que soit le niveau de rémunération des enseignants. Le cas de l'Allemagne est de ce point de vue significatif : malgré des rémunérations élevées, il pourrait y manquer plus de 26 000 enseignants dans le cycle primaire d'ici 2025 12 ( * ) . En Suède, il faudrait selon l'Éducation nationale recruter 77 000 professeurs d'ici la rentrée prochaine pour couvrir les besoins.

L'OCDE 13 ( * ) souligne que « la pénurie d'enseignants dans certaines matières constitue la principale difficulté concernant l'offre et la demande d'enseignants » et concerne plus de la moitié des systèmes éducatifs de l'organisation. Seules la Finlande et la communauté germanophone de Belgique déclarent explicitement ne rencontrer aucune difficulté liée à l'offre et à la demande d'enseignants. À l'échelle de l'OCDE, comme à celle de la France, cette difficulté est généralement liée à des matières spécifiques, et en particulier les sciences et les mathématiques . La moitié des pays mentionnent également des pénuries d'enseignants dans certaines zones géographiques, en raison de l'éloignement de certaines régions ou du contexte culturel et de la difficulté de l'environnement scolaire qui jouent également un rôle. À titre d'exemple, l'OCDE indique qu'en Belgique, le déficit d'enseignants concerne principalement Bruxelles, en lien avec un coût de la vie plus élevé et une population scolaire en plus grande difficulté.

Le centre national d'étude du système scolaire (Cnesco) précise que « les causes sont diverses, de même que la hiérarchie des priorités pour retrouver une attractivité qui se décline sur le double plan des effectifs et de la formation des personnels. Les politiques mises en oeuvre donnent lieu à des mesures plus ou moins ciblées selon les pays, qui ne facilitent guère la comparaison et a fortiori lorsqu'elles ne font pas l'objet d'évaluation » 14 ( * ) .

Principaux facteurs des pénuries d'enseignants dans l'OCDE

Lecture :

premier degré ;

second degré ;

premier et second degrés. FIE : formation initiale des enseignants.

Source : OCDE, 2018

Ce déficit se traduit dès la constitution du « vivier enseignant », c'est-à-dire parmi les étudiants dans des formations préparatoires à l'enseignement. Plusieurs pays sont concernés par un déficit dès les inscriptions dans les filières enseignantes, auquel s'ajoute une proportion d'abandons de plus en plus importante au cours de la formation . L'OCDE indique que « outre le défi d'attirer suffisamment d'étudiants pour qu'ils s'inscrivent en FIE, il convient de veiller à ce qu'ils aillent au bout de la formation et à ce qu'ils embrassent effectivement la profession d'enseignant plutôt que de migrer vers d'autres carrières ».

Concernant la France, le nombre de candidats aux concours enseignants est en baisse constante depuis plus d'une décennie 15 ( * ) .

Lutter contre les pénuries d'enseignants :
quelques exemples internationaux

Pour lutter contre les pénuries d'enseignants, certains systèmes éducatifs ont fait le choix de proposer des incitations pour attirer les étudiants vers la profession enseignante ainsi que vers des matières spécifiques .

En Angleterre, le ministère de l'éducation offre des compléments de rémunération non imposables, plus élevés pour les régions les moins attractives pour attirer les diplômés de « matières prioritaires » (mathématiques, physique, chimie, biologie, informatique, langues et géographie) vers l'enseignement et afin d'enrayer les départs précoces. De même, au Pays de Galles, des incitations à la formation des enseignants sont offertes aux diplômés pour qu'ils se forment à l'enseignement de ces disciplines dans l'enseignement secondaire.

En outre, en Angleterre, les professeurs nouvellement titularisés, travaillant dans régions difficiles et enseignant au moins 50 % de leur temps d'enseignement une matière connaissant une pénurie d'enseignants, voient leur prêt étudiant remboursé . Le programme Returning to Teach permet aux anciens professeurs de revenir à l'enseignement après avoir quitté leur fonction. Il s'agit d'une aide dédiée, d'un abonnement à un magazine les tenant informés de l'évolution dans le monde de l'éducation, d'un support identifiant les niveaux ou disciplines dans lesquels ils pourraient de nouveau enseigner et de la possibilité de venir faire des stages d'observation au sein de classes.

Par ailleurs, le Premier ministre britannique a annoncé en octobre 2021 des augmentations de salaire pour les professeurs de mathématiques, de physique, de chimie et d'informatique . Les enseignants en début de carrière pourront bénéficier d'une hausse de salaire allant jusqu'à 3 000 livres non imposables par an. Il sera disponible pour les enseignants éligibles au cours des cinq premières années de leur carrière, et est soutenu par un engagement de financement de 60 millions de livres.

En 2015, la République tchèque a modifié la loi sur le personnel enseignant afin de prévenir la pénurie afin de prévoir plusieurs mesures visant à faciliter et à ouvrir le recrutement des enseignants , y compris grâce au recrutement de professionnels ayant différentes qualifications.

En Italie, les politiques récentes visent à remédier aux problèmes de l'offre excédentaire dans certaines matières et dans certaines zones géographiques. Un plan de recrutement spécial a été mis en oeuvre en 2015-2016 dans le but de résoudre le problème de longue date des « listes d'attente » ( graduatorie ad esaurimento ) d'enseignants qualifiés. Plus de 85 000 enseignants, jusqu'alors employés par des contrats à durée déterminée, ont été recrutés sur une base permanente après une période de stage de trois ans.

En Norvège, qui fait face à une pénurie globale, une campagne de recrutement intense a été mise en place dès 2008 . Le pays a également lancé un programme de coopération entre les professeurs, les mairies et les autorités des comtés (gestionnaires des établissements scolaires), et les syndicats. Il a également profondément remanié la formation continue, notamment autour d'un approfondissement en sciences de l'éducation.

Source : OCDE 2018 et Cnesco 2016

Aux difficultés de recrutement s'ajoutent également les abandons au cours des premières années d'enseignement. L'OCDE indiquait en 2021 16 ( * ) que les taux de départ des plus jeunes enseignants (soit entre 25 et 35 ans) étaient entre 20 et 40 points de pourcentage plus élevés que ceux des 35-44 ans .

Dans son rapport de 2021 17 ( * ) , la Commission européenne « met l'accent sur le fait qu'un investissement suffisant, réel et durable dans les enseignants constitue un investissement dans la qualité de l'éducation et la formation ». Le rapporteur spécial ne peut que reprendre à son compte cette conclusion.

II. DES ENSEIGNEMENTS INTERNATIONAUX À DAVANTAGE EXPLOITER

La comparaison avec ses voisins européens s'avère riche d'enseignements applicables au cas français, en particulier afin de répondre aux défis de l'attractivité du métier. La France est très en retrait sur de nombreux points, non seulement en matière de formation continue et de rémunérations, mais aussi dans la prise en compte des attentes spécifiques des enseignants pendant leurs débuts de carrière.

A. QUEL POSITIONNEMENT DE LA FRANCE AU REGARD DES CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION DES ENSEIGNANTS FRANÇAIS ?

Pour une analyse davantage détaillée des conditions de rémunération des enseignants français, le rapporteur spécial renvoie au rapport budgétaire sur la mission « Enseignement scolaire » paru en novembre 2021 18 ( * ) .

1. Les rémunérations des enseignants français largement inférieures à la moyenne européenne
a) Des rémunérations inférieures en parité de pouvoir d'achat

Dans l'enseignement élémentaire public, en 2019, le salaire effectif brut moyen des enseignants est plus faible en France qu'en Allemagne et dans la plupart des pays du nord de l'Europe , mais aussi qu'en Angleterre et au Portugal. Dans le premier cycle du second degré, il est en dessous de ceux en Allemagne et dans la plupart des pays d'Europe du Nord (Finlande, Danemark, Pays-Bas). Il est proche de ceux des enseignants suédois et anglais, et dépasse ceux des enseignants italiens. Dans le second cycle général de l'enseignement secondaire, les enseignants français ont toutefois un salaire effectif supérieur à celui de leurs homologues anglais et suédois , mais toujours inférieur à ceux des enseignants finlandais, danois, néerlandais et surtout allemands.

Comme indiqué plus haut, la France fait partie des pays de l'OCDE où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière, ce qui entraîne une grille salariale très défavorable aux enseignants en début de carrière. Ainsi, les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE, mais c'est après dix et quinze ans d'ancienneté que l'écart avec la moyenne des pays européens atteint près de 10 000 dollars annuels . Le salaire statutaire en fin de carrière des enseignants du primaire en France est supérieur de 76 % au salaire statutaire des enseignants en début de carrière, la moyenne OCDE étant de 66 %. Selon l'OCDE 19 ( * ) , le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d'au moins 15 % à la moyenne de l'OCDE . Par comparaison, l'écart avec la moyenne de l'OCDE se situe entre 4 % et 9 % selon le niveau en tout début de carrière.

Le rapporteur spécial a déjà indiqué qu'une amélioration de l'attractivité du métier d'enseignant devait nécessairement passer par un rééquilibrage au profit des professeurs débutants.

Recommandation n° 1 : poursuivre la hausse des rémunérations des enseignants débutants dans la perspective d'un rattrapage avec la moyenne des enseignants européens, en étendant le principe et les montants de la prime d'attractivité du Grenelle de l'éducation.

Le rapport annuel de l'agence européenne Eurydice 20 ( * ) montre que, en France, entre 2014 et 2019, les salaires statutaires bruts des enseignants en début de carrière ont augmenté de 2,3 % en euros constants pour les professeurs des écoles et 3,2 % pour les professeurs certifiés . Cette augmentation est inférieure à celle observée ailleurs en Europe.

En 2019, le salaire net en EQTP d'un enseignant de l'éducation nationale, incluant le secteur privé sous contrat, était en moyenne de 2 645 euros par mois, soit une hausse par rapport à 2018 de 81 euros . Le salaire moyen dans le premier degré est inférieur à la moyenne, autour de 2 425 euros par mois, et celui du second degré légèrement supérieur (2 843 euros ) 21 ( * ) . Par rapport à 2018, les enseignants du second degré ont vu leur salaire moyenne mensuel croître plus rapidement (+ 120 euros) que ceux du second degré (+ 57 euros).

Salaires mensuels moyens des enseignants du secteur public, 2019

(en euros)

Traitement indiciaire
brut

Primes et indemnités

Salaire
brut

Salaire
net

Salaire net EQTP

Montant

dont
heures sup.

Part de primes (en %)

Enseignants du premier degré public

Total

2 584

268

n.s.

9,2

2 915

2 343

2 425

Moins de 30 ans

2 024

238

n.s.

10,4

2 291

1 843

1 897

50 ans et plus

3 115

297

n.s.

8,6

3 449

2 767

2 821

Enseignants titulaires

2 591

266

n.s.

9,1

2 921

2 347

2 429

Moins de 30 ans

2 026

232

n.s.

10,1

2 288

1 840

1 896

50 ans et plus

3 123

295

n.s.

8,5

3 454

2 772

2 823

Professeurs des écoles

2 592

266

n.s.

9,1

2 922

2 348

2 429

Moins de 30 ans

2 026

232

n.s.

10,1

2 288

1 840

1 896

50 ans et plus

3 134

295

n.s.

8,5

3 466

2 781

2 831

Classe normale

2 458

256

n.s.

9,2

2 782

2 236

2 323

Hors classe

3 418

302

n.s.

8,0

3 756

3 012

3 057

Classe exceptionnelle

3 833

461

n.s.

10,6

4 332

3 482

3 495

Enseignants non titulaires

1 866

442

n.s.

18,8

2 356

1 903

1 936

Enseignants du second degré public

Total

2 784

525

301

15,6

3 368

2 736

2 843

Moins de 30 ans

2 005

368

232

15,3

2 410

1 956

2 070

50 ans et plus

3 346

554

315

14,0

3 944

3 194

3 286

Enseignants titulaires

2 893

544

308

15,6

3 497

2 841

2 911

Moins de 30 ans

2 067

372

236

15,0

2 479

2 013

2 085

50 ans et plus

3 446

569

320

14,0

4 059

3 287

3 353

Professeurs de chaire supérieure

4 390

2 290

1 992

33,8

6 777

5 701

5 700

50 ans et plus

4 525

2 225

1 925

32,6

6 830

5 729

5 725

Professeurs agrégés

3 501

762

551

17,5

4 345

3 546

3 626

Moins de 30 ans

2 366

492

434

17,0

2 896

2 359

2 450

50 ans et plus

4 116

760

529

15,4

4 935

4 010

4 073

Classe normale

3 194

748

547

18,5

4 033

3 298

3 382

Hors classe

4 225

773

539

15,3

5 059

4 110

4 177

Classe exceptionnelle

4 719

974

711

16,9

5 757

4 693

4 765

Professeurs certifiés

2 757

473

244

14,4

3 285

2 662

2 737

Moins de 30 ans

2 027

347

209

14,4

2 413

1 957

2 028

50 ans et plus

3 315

492

254

12,8

3 848

3 109

3 180

Classe normale

2 449

454

234

15,3

2 962

2 404

2 477

Hors classe

3 477

502

262

12,5

4 024

3 250

3 321

Classe exceptionnelle

3 773

635

311

14,2

4 463

3 614

3 673

Professeurs d'EPS

2 783

483

229

14,5

3 326

2 696

2 754

Moins de 30 ans

2 051

388

196

15,6

2 485

2 018

2 089

50 ans et plus

3 472

470

218

11,8

3 981

3 210

3 270

Classe normale

2 461

479

229

15,9

3 006

2 443

2 501

Hors classe

3 506

478

228

11,9

4 030

3 251

3 309

Classe exceptionnelle

3 786

594

243

13,4

4 425

3 575

3 644

Professeurs de lycée professionnel

2 868

595

298

16,9

3 523

2 867

2 914

Moins de 30 ans

2 029

399

265

16,1

2 473

2 012

2 082

50 ans et plus

3 285

598

284

15,2

3 924

3 182

3 233

Classe normale

2 546

581

299

18,2

3 195

2 608

2 653

Hors classe

3 520

602

290

14,5

4 164

3 372

3 429

Classe exceptionnelle

3 851

776

319

16,6

4 681

3 798

3 835

Enseignants non titulaires

1 872

369

209

16,2

2 280

1 852

2 082

Moins de 30 ans

1 744

352

210

16,6

2 116

1 719

1 973

50 ans et plus

1 987

353

218

14,9

2 373

1 927

2 153

Ensemble

2 690

404

278

12,8

3 155

2 550

2 645

Moins de 30 ans

2 015

301

210

12,8

2 349

1 898

1 978

50 ans et plus

3 251

449

301

12,0

3 740

3 019

3 094

Source : commission des finances d'après le bilan social 2020-2021 du ministère de l'Éducation nationale

Les enseignants de plus de 50 ans gagnent en moyenne 50 % de plus que leurs collègues de moins de 30 ans , et jusqu'à 62 % de plus dans le second degré. Un professeur de moins de 30 ans ne gagne ainsi en moyenne que 1 806 euros nets 22 ( * ) par mois, soit 1,2 fois le salaire minimum de croissance (Smic), contre près de 1 000 euros supplémentaires en fin de carrière .

b) Les rémunérations des enseignants inférieures aux salaires du privé comme des autres fonctionnaires

S'agissant de la comparaison avec le secteur privé, à niveau de formation équivalente, d'après l'OCDE, les salaires effectifs moyens des enseignants aux niveaux d'enseignement primaire et secondaire général représentent entre 81 % et 96 % des revenus des travailleurs diplômés de l'enseignement tertiaire en moyenne dans les pays et économies de l'OCDE. En France, cette proportion varie de 78 % dans l'enseignement primaire, à 99 % dans l'enseignement secondaire général . Comme indiqué plus haut, ce n'est pas le cas dans d'autres pays européens .

Les salaires effectifs des enseignants français sont en deçà du revenu du travail des actifs ayant atteint au moins le niveau licence . Plus précisément, les salaires des professeurs sont inférieurs à ceux des actifs du privé de 20 % dans le préélémentaire, 22 % dans l'élémentaire et 12 % au collège. En revanche, les enseignants en lycée ont un niveau de salaire effectif quasiment égal à celui de la population totale des actifs, ce qui est notamment dû au poids des professeurs agrégés.

Salaires effectifs moyens bruts des enseignants par niveau d'enseignement, rapportés aux revenus des actifs travaillant diplômés de l'enseignement supérieur en en 2019-2020

(indice des actifs diplômés en base 100)

Source : OCDE, Regard sur l'éducation 2021

Par rapport aux autres fonctionnaires, le salaire net des enseignants se rapproche de celui des brigadiers et gardiens de la paix , en dépit d'un traitement indiciaire brut des enseignants du secteur public équivalent à celui des attachés d'administration et des capitaines et lieutenants de police. Les primes représentent en effet un tiers de la rémunération de ces derniers, contre 15 à 18 % seulement pour un professeur.

La rémunération d'un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B . En revanche, les professeurs agrégés font exception, étant en moyenne davantage rémunérés qu'un attaché d'administration.

Salaire net moyen des fonctionnaires civils à temps complet en 2018

Source : Observatoire des rémunérations et du bien-être des personnels du ministère de l'Éducation nationale

2. Des différences salariales non corrélées au temps de service des enseignants français

Les enseignants en France passent en moyenne davantage de temps à enseigner devant les élèves que leurs collègues dans les pays européens.

Le temps d'enseignement réglementaire dans l'élémentaire est de 900 heures par an en France, 738 heures en moyenne dans l'UE et 691 heures en Allemagne. Au collège, il est de 720 heures en France, 660 heures dans l'UE et 641 heures en Allemagne ; au lycée, le temps d'enseignement est de 720 heures en France, 629 heures en moyenne UE-23 et 610 heures en Allemagne.

Dans le second degré , aucun volume d'heures de présence en établissement n'est défini pour les certifiés en France, en dehors du temps d'enseignement. En Europe, les situations sont très variables et dépendent souvent du degré de décentralisation du pays. Ainsi, l'Angleterre ne définit par les textes nationaux qu'un temps de travail statutaire total, l'Italie n'a pas de réglementation centrale sur le temps d'enseignement et l'Estonie ne définit que le temps d'enseignement statutaire et le temps de travail statutaire.

D'après l'enquête Talis, en intégrant les heures effectuées hors de l'établissement, les enseignants français travaillent un peu moins que la moyenne de l'UE (38,2 heures par semaine contre 39 heures).

Comparaison du temps de travail des enseignants européens

(en heures par semaine)

Source : commission des finances d'après les données Eurydice

S'agissant de la répartition sur l'année du temps d'enseignement, la France est le pays ayant le moins de jours de classe par an en élémentaire (162) . Au collège, seule la Grèce affiche un nombre de jour inférieur (160) à la France (162). Au lycée en revanche, la France est dans la moyenne des pays européens avec 180 jours de classe. Dans environ la moitié des pays, le nombre de jours de classe par an oscille entre 170 et 180 pour l'année 2021-2022 22 ( * ) . En revanche, avec 8 semaines de vacances l'été, la France se situe dans la moyenne basse des pays européens : la majorité des pays a plus de 9 semaines de vacances l'été .

B. UN DÉFICIT D'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER ENSEIGNANT QUI VA DE PAIR AVEC UN SENTIMENT GÉNÉRAL DE VALORISATION DU MÉTIER TRÈS FAIBLE

1. La crise d'attractivité du métier d'enseignant se manifeste en France par des pénuries de professeurs
a) Des inscrits aux concours de l'enseignement de moins en moins nombreux

Le manque d'attractivité de la profession enseignante se traduit par des difficultés de plus en plus grandes de recrutement, généralisées à l'échelle européenne.

Le rapporteur spécial s'est penché l'année dernière en détail sur les difficultés de recrutement en France dans les disciplines scientifiques, et en particulier les mathématiques 23 ( * ) . À cet égard, la dynamique de baisse des candidats aux concours enseignants s'est encore accentuée en 2022. Pour les mathématiques, seulement 816 candidats ont été déclarés admissibles en mai 2022, contre 1 705 en 2021, pour 1 035 postes ouverts . D'autres disciplines sont également concernées. Ainsi, en allemand, seulement 83 candidats ont été admissibles pour 215 postes.

S'il est vrai que, comme l'a indiqué le directeur général de l'enseignement scolaire à la presse en mai 2021, cette année constituait une année de transition du fait de la réforme du recrutement des enseignants, les candidats devant désormais être titulaires d'un master et non plus être seulement inscrits en master, le rapporteur spécial insiste sur le fait que ces chiffres traduisent une chute structurelle du nombre de candidats . Le nombre d'inscrits aux concours de l'enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020.

Évolution du taux de candidature (nombre d'inscrits sur nombre de postes proposés) aux différents concours de l'enseignement

Source : commission des finances d'après le bilan social du ministère de l'Éducation nationale

En nécessaire contrepoint de la baisse des candidats aux concours, le recrutement de contractuels se systématise , sans que celui-ci ne soit forcément plus aisé selon les académies. Le bilan social 2021-2021 de l'Éducation nationale indique que le taux de recours aux contractuels a augmenté de 1,5 point dans le second degré public aux cours des cinq dernières années : en 2020 : 9,2 % des enseignants y étaient contractuels, contre 7,7 % en 2015 . Si le premier degré reste relativement peu concerné par le recours aux contractuels (qui représentent dans le public seulement 1 % des effectifs), à la rentrée 2021, le nombre de professeurs des écoles contractuels recrutés était en hausse de 38 % par rapport à la seule année 2020 .

Les choix des académies de Versailles, Toulouse et Paris :
du « job dating » pour recruter des enseignants contractuels

Certaines académies, particulièrement touchées par les pénuries car moins attractives pour les jeunes diplômés, ont mis en place des systèmes de recrutement des enseignants contractuels s'inspirant des méthodes du secteur privé.

La rectrice de l'académie de Versailles a mis en place une campagne de recrutement qualifiée d'« offensive » afin de recruter les 2 035 contractuels attendus pour la rentrée 2022 (soit 2 % des effectifs de l'académie). Afin de toucher un public le plus large possible et d'accélérer la procédure de recrutement, l'académie a mis en place un « job dating », c'est-à-dire des brefs entretiens avec des inspecteurs de l'Éducation nationale et des échanges avec des contractuels en poste dans l'académie. Versailles s'inspire de l'académie de Toulouse, dont le « job dating » a permis de recruter 100 enseignants en mars 2022.

Une initiative semblable a été mise en place début juin 2022 par l'académie de Paris, devant recruter 300 contractuels pour le second degré.

Les syndicats enseignants ont très fortement critiqué ces « job dating », perçus comme un dévoiement des méthodes de recrutement dans le public et surtout une façon d'entériner l'échec des recrutements par concours. Ces processus doivent être reliés aux problèmes spécifiques des académies d'Île-de-France du fait du coût de la vie et de la population scolaire, en permettant de s'adapter à des académies plus complexes.

Si ces initiatives peuvent avoir un intérêt à court terme, le rapporteur spécial s'inquiète du fait qu'elles s'apparentent à une gestion de la pénurie, qui ne doit pas conduire à une moindre sélectivité du recrutement.

b) Un nombre de démissions en hausse, signal faible mais inquiétant

Autre symptôme de la crise d'attractivité du métier enseignant en France, le nombre d'enseignants démissionnaires est en hausse constante depuis dix ans. Chez les enseignants titulaires, le taux de démission est passé de 0,05 % en 2008-2009 à 0,32 % en 2020-2021 . Loin d'être conjoncturel, cet accroissement est continu au cours des dernières années et ne peut être relié aux difficultés éprouvées dans le cadre de la crise sanitaire, même s'il est vrai que le rebond de démissions en 2020-2021 en découle partiellement. On note par ailleurs que les enseignants du premier degré sont davantage concernés par les démissions (0,41 % des professeurs des écoles en 2020 et 0,27 % en 2019) que les enseignants du second degré (0,24 % des enseignants en 2020 et 0,18 % en 2019).

Point positif toutefois, selon l'OCDE dans son enquête Talis en 2018, les enseignants français du second degré sont encore peu nombreux à regretter d'avoir choisi cette profession (8 %), ce qui est légèrement inférieur à la moyenne européenne (9 %).

Le taux de démission des enseignants stagiaires a quant à lui toujours été supérieur à celui des enseignants titulaires, l'essentiel des départs se produisant historiquement au cours des premiers mois ou années de la carrière. Mais l'écart atteint aujourd'hui des proportions spectaculaires : le taux de démission des stagiaires est actuellement dix fois supérieur à celui des titulaires : 3,2 % des enseignants stagiaires ont démissionné au cours de leur stage en 2020-2021, contre seulement 1 % 10 ans plus tôt .

Évolution du nombre de démissions des enseignants
dans le secteur public

Source : commission des finances d'après le bilan social 2020-2021 du ministère de l'éducation nationale

Si ces chiffres restent faibles comparés à la masse salariale du ministère de l'Éducation nationale, le rapporteur spécial considère néanmoins la régularité de la hausse des démissions comme un signal extrêmement inquiétant . Les motifs de démissions des enseignants doivent impérativement être analysés en détail par le ministère, en l'absence d'étude plus approfondie menée par le ministère à ce sujet. L'enjeu est tout autant d'attirer les candidats vers les carrières enseignantes que de les y maintenir.

Recommandation n° 12 : conduire au sein du ministère de l'Éducation nationale une analyse consolidée et approfondie des motifs de démissions des enseignants.

2. Un sentiment de faible valorisation du métier d'enseignant

La question de l'attractivité du métier d'enseignant ne peut être déconnectée de celle de la reconnaissance sociale des enseignants . Le constat d'un sentiment de moindre importance du respect de l'enseignant dans la société revient de façon lancinante depuis plus d'une cinquantaine d'année.

Les chiffres sont toutefois alarmants. Selon les résultats de l'enquête Talis de l'OCDE en 2018, seuls 6,6 % des enseignants français se sentent valorisés par la société (une proportion qui est toutefois en hausse par rapport à 2013, où elle était de 4,9 %). Au niveau de l'OCDE, seuls les professeurs de Slovaquie et Slovénie s'estiment moins bien valorisés.

Il est vrai que la moyenne de l'Union européenne, où 18 % des enseignants se sentent valorisés, est faible . Celle de l'OCDE est plus élevée, mais la moyenne est tirée vers le haut par les pays asiatiques. Dans ceux-ci, la perception du métier d'enseignant est extrêmement positive : 64 % des enseignants coréens déclarent que la société a une perception positive de leur métier.

La fondation Varkey 24 ( * ) réalisé en 2013 et 2018 un « indice mondial d'état des enseignants », comprenant notamment un indice de « bonne perception » du métier de professeur allant de 0 à 100. La France fait partie d'une minorité de pays où l'indice de perception des professeurs par eux-mêmes (24) est inférieur à celui des professeurs par le reste de la société (34). En d'autres termes, si la perception des enseignants par la société est en effet relativement négative, les enseignants se sentent encore moins bien perçus qu'ils ne le sont réellement .

Indicateurs de satisfaction professionnelle des enseignants
dans le premier cycle de l'enseignement secondaire

Source : DEPP d'après l'OCDE TALIS 2018

Les aspects perçus comme les plus problématiques par les enseignants, au-delà de leur rémunération, concernent plus largement le positionnement des professeurs vis-à-vis du reste de la société, en particulier des médias et des politiques . Leur vision de leur cadre général de travail ne ressort quant à elle pas dans l'ensemble comme étant particulièrement négative. Ainsi, en France, en 2018, 90 % des enseignants de collège rapportent aimer travailler dans leur établissement et 86 % des professeurs des écoles exerçant en élémentaire indiquent que leur travail leur donne satisfaction.

Les ministres de l'éducation de l'Union européenne seraient avisés d'évaluer les systèmes permettant une meilleure coopération entre les enseignants, les parents d'élèves, les élèves et l'environnement politique et économique de chaque établissement . En un mot, il s'agit de réintroduire l'enseignant dans la société : certains pays le font, certaines formes d'enseignement y parviennent.

C. DES INSPIRATIONS INTERNATIONALES POUR LE SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS

1. Vers davantage de collaboration des enseignants
a) Un sentiment d'isolement et d'absence de collaboration qui limite la performance des professeurs français

La France fait partie des pays de l'Union européenne où les enseignants collaborent le moins entre eux . En moyenne, dans l'UE, les enseignants ont déclaré avoir participé, dans le cadre de leur développement professionnel, à des activités de collaboration et d'entraide entre collègues (37,9 %) ou d'un réseau d'enseignants (32,8 %) ou à des visites d'études dans d'autres établissements (19,8 %). L'étude Talis 2018 indique qu'un quart seulement des professeurs français déclare appartenir à une communauté apprenante, soit une proportion nettement en-deçà de la moyenne de OCDE (40 %).

Plus inquiétant, 32 % des enseignants français du second degré déclarent ne jamais assister à une réunion d'équipe, contre 1 à 2 % des enseignants dans la majorité des autres pays de l'OCDE.

Part des enseignants de collège qui déclarent se livrer au moins une fois par mois à des activités de collaboration dans leur établissement, en 2018

Source : DEPP, L'Europe de l'éducation en chiffres

Le rapporteur spécial déplore la faiblesse de ces chiffres. Les comparaisons européennes, et en particulier l'OCDE, ont montré à de nombreuses reprises que la collaboration entre enseignants contribue à l'amélioration du climat scolaire, au bien-être des enseignants et à l'amélioration de la performance des professeurs en matière pédagogique .

Recommandation n° 11 : s'inspirer des expériences d'autres systèmes scolaires européens pour développer les activités de coopération entre enseignants.

Le renforcement de la collaboration entre enseignants implique également la création d'espaces d'échanges , au-delà de la seule « salle des professeurs ». La création de laboratoires de mathématiques dans le cadre du Plan mathématiques constitue à cet égard une première étape qui gagnerait à être étendue à d'autres disciplines. Il est dans cette optique impossible de se passer d'une refondation en profondeur du bâti scolaire, ce qui, le rapporteur spécial en est bien conscient, ne peut se concevoir qu'à moyen et long terme . Il importe toutefois d'avoir à l'esprit cet aspect lors de toute nouvelle construction de bâtiments scolaires.

Recommandation n° 10 : intégrer lors de toute nouvelle construction de bâtiments scolaires la création d'espaces d'échange et de collaboration entre professeurs.

b) Une réponse aux abandons au cours des premières années d'enseignement : mettre l'accent sur l'accompagnement des professeurs débutants

La majorité des systèmes éducatifs de l'UE imposent une phase d'insertion dans la profession (phase dite d' induction dans les comparaisons internationales) aux nouveaux ou aux futurs enseignants, dont la durée est en général d'un an (à l'exception notable de l'Angleterre où elle dure désormais deux ans). La France faisait partie des rares pays d'Europe où le stage en responsabilité des professeurs stagiaires fait partie intégrante de la formation initiale, en étant jusqu'à récemment intégré en deuxième année de master.

S'agissant de la nature de cet accompagnement, la France fait partie des pays européens où les jeunes enseignants bénéficient, en plus des cours qu'ils assurent, d'un tutorat, d'un temps de d'enseignement réduit et d'un co-enseignement avec des enseignants expérimentés 25 ( * ) .

À l'inverse, cette phase d'accompagnement à la prise de fonction n'est pas règlementée dans sept systèmes éducatifs (Communautés française et germanophone de Belgique, Bulgarie, Danemark, Lettonie, Pays-Bas et République tchèque).

Exemples de composantes obligatoires dans le cadre des programmes d'accompagnement à la prise de fonction dans le premier cycle
de l'enseignement secondaire, 2019-2020

DE

EE

IE

EL

ES

FR

HR

IT

CY

LT

LU

HU

MT

AT

PL

PT

RO

SI

SK

SE

UK

Eng

Soutien d'un tuteur

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Cours / séminaires en présentiel ou en ligne

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Diminution de la charge de travail / d'enseignement

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Co-enseignement avec des enseignants plus expérimentés

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Source : Eurydice, 2021

Cet accompagnement reste malheureusement trop souvent limité et surtout, uniquement centré sur l'année de stage. Ainsi, selon l'étude Talis 2018, seuls 46 % des jeunes enseignants déclaraient être accompagnés aux cours de leurs premières années par d'autres enseignants, une proportion très faible comparée à la moyenne de l'OCDE (71 %) et 23 % d'entre eux déclaraient que leur charge de travail avait été aménagée.

Recommandation n° 2 : étendre l'accompagnement des professeurs débutants au-delà de leur seule année de stage, pendant les deux ou trois premières années d'enseignement, en particulier au travers du mentorat.

Le rapporteur spécial insiste également sur le fait que l'accompagnement financier des jeunes enseignants constitue une réponse au déficit d'attractivité . Le Grenelle de l'environnement a permis d'accorder aux jeunes professeurs une prime d'attractivité d'un montant de 100 euros net par mois lors des deux années suivant la titularisation puis dégressive pour atteindre 36 euros à la fin des quinze premières années de carrière, ce qui constitue une réponse positive. La première année, les jeunes enseignants touchent également une prime de 1 500 euros versée lors de la titularisation et une prime d'installation comprise entre 2 000 et 2 100 euros .

Enfin, se pose la question de l'affectation des enseignants débutants dans des zones réputées difficiles . De nombreuses études ont été consacrées à cet aspect, dont une analyse détaillée de la Cour des comptes 26 ( * ) , soulignant à quel point le mode d'affectation des enseignants peut s'avérer désincitatif et constituer un véritable frein à l'attractivité du métier .

2. Quelles modalités pour l'indispensable évolution de la rémunération des enseignants ?
a) Une nécessaire rationalisation du mode de calcul de la rémunération des enseignants

En dépit de niveaux de rémunération peu élevés par rapport à l'OCDE, la France est le pays qui prévoit le plus de primes (13 indemnités et primes sur les 14 comptabilisées par l'OCDE) en plus de la part indiciaire de traitement, suivi de la Slovaquie et de la Croatie (12 indemnités et primes). Dans certains pays, comme l'Ecosse ou l'Allemagne, les compensations financières sont directement intégrées au salaire des enseignants.

Les primes attribuées aux enseignants français

Certaines primes concernent en réalité l'ensemble des enseignants.

Pour les professeurs des écoles titulaires, c'est le cas de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) qui s'élève à 100 euros bruts mensuels. Dans le second degré, il s'agit de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) dont la part fixe s'élève à 101 euros bruts mensuels.

En outre, depuis 2021, les enseignants touchent les primes dites « Grenelle » dont 150 euros par an net par enseignant pour l'informatique ou une prime d'attractivité allant jusqu'à 100 euros net par mois pour les enseignants en début de carrière.

Au-delà de ces primes « générales », plusieurs types de bonifications sont intégrés à la rémunération des enseignants français. Le premier type de prime inclut les indemnités relatives aux tâches et responsabilités autres que l'enseignement :

- responsabilité de direction ou autres en plus de celles d'enseignement : l'indemnité pour mission particulière varie de 312 euros à 3 750 euros. Par ailleurs, pour les enseignants du premier degré qui assurent la fonction de directeur d'école, l'indemnité de sujétion spéciale de direction varie de 1 795 euros à 2 195 euros (hors éducation prioritaire) selon le nombre de classes de l'école ;

- Conseil aux élèves (orientation professionnelle, supervision des élèves, prévention de la délinquance...) : 1 200 euros dans le premier degré (ISAE) et 1 214 euros dans le second degré (ISOE) ;

- Contribution aux activités extrascolaires : entre 22 euros et 27 euros par heure dans le premier degré ;

- Formation des futurs enseignants et soutien aux collègues enseignants : les professeurs maîtres formateurs (1 er degré) touchent 1 250 euros brut par an, et les professeurs formateurs académiques (2 nd degré) 834 euros par an ;

- Mission de professeur principal : les professeurs principaux du secondaire bénéficient de la part variable de l'ISOE (de 906 euros à 1 426 euros, hors éducation prioritaire).

- Participation à des programmes de tutorat ou de soutien aux enseignants nouvellement diplômés : 1 250 euros brut par an ;

- Paiement des heures supplémentaires . Dans le second degré, les heures supplémentaires années (HSA) constituent une part conséquente de la rémunération : le montant de la 1 ère HSA accomplie par les enseignants au-delà de leur volume d'heure obligatoire est majoré de 20 %. Les heures supplémentaires effectives (HSE) sont rétribuées à raison de 1/36 e d'HSA, majoré de 25 %.

La France figure en revanche parmi les pays d'Europe qui accordent le moins de primes relatives aux qualifications, aux formations et aux performances des enseignants . Seule entre dans cette catégorie l'allocation de formation qui rémunère les jours de formations suivis par les enseignants pendant les vacances scolaires, plafonnée à 120 euros par jour et dans la limite de cinq jours par année scolaire.

Il existe par ailleurs plusieurs types d'indemnités liées aux conditions d'enseignement :

- Enseigner à des élèves à besoins éducatifs particuliers ( élèves en situation de handicap ) dans des classes ordinaires : 2 500 euros brut par an dans le 1 er degré. Les professeurs spécialisés bénéficient en revanche de 844 euros à 2 609 euros brut par an (tous niveaux confondus) ;

- Enseigner dans une zone défavorisée, reculée ou avec un coût de la vie élevé : la prime REP s'élève à 1 734 euros par an, et la prime REP+ à 5 114 euros bruts auxquels s'ajoute une part variable visant à reconnaître l'engagement collectif des équipes et des établissements comprise entre 200 euros et 600 euros nets par an.

Enfin, les enseignants peuvent percevoir des indemnités et allocations liées à leur situation familiale ou leur lieu de résidence.

Cela conduit à ce que, bien que la grille de rémunération indiciaire des enseignants du premier degré et des enseignants certifiés du second degré soit identique , la rémunération moyenne est plus élevée dans le second degré du fait du poids des enseignants certifiés et des heures supplémentaires. Les primes représentent en moyenne 9,2 % du salaire brut des enseignants du premier degré et 15,6 % de celui des enseignants du second degré.

Le calcul de la rémunération des enseignants constitue donc un exercice extrêmement complexe , sur lequel les professeurs eux-mêmes ont peu de visibilité. Cela conduit à une forme d'opacité des dépenses de personnel, les primes concernant parfois l'ensemble des enseignants. Le rapporteur spécial considère qu'il serait opportun à moyen terme de réfléchir à une remise à plat du système de primes superposées .

Recommandation n° 4 : rationaliser et simplifier le calcul de la part non indiciaire de la rémunération des enseignants.

b) Mieux articuler carrière enseignante et rémunération

Au-delà du nombre de primes et d'indemnités, se pose également la question de leur nature et de leur finalité. Le rapporteur spécial considère que la nature des primes accordées aux enseignants français est trop souvent peu incitative .

Dans de nombreux pays européens, l'évaluation des enseignants est prise en compte pour l'attribution de primes ou autres récompenses financières : c'est le cas de l'Espagne, l'Italie, la Suisse ou encore la République Tchèque. C'est également le cas du Portugal, comme cela sera développé plus bas.

En outre, dans la moitié des pays de l'UE, une compensation financière est allouée aux enseignants avec des qualifications plus élevées que le minimum requis pour entrer dans la profession . C'est le cas par exemple en Communauté française de Belgique : les enseignants débutants du premier degré et du premier cycle de l'enseignement secondaire perçoivent un salaire de 39 817 euros par an s'ils détiennent un master, et de 32 010 euros par an s'ils détiennent uniquement une licence.

Le rapporteur spécial a souligné dans son dernier rapport budgétaire la nécessité d'une hausse d'ampleur de la rémunération des enseignants et centrée sur les débuts de carrière, afin de parvenir à l'indispensable rattrapage de nos voisins européens. Cette hausse ne peut faire l'économie de la prise en compte de nouveaux facteurs dans l'évolution de la carrière des enseignants .

Plutôt que pour la mise en place de primes supplémentaires liées à l'évaluation de la performance des enseignants ou à l'exercice de missions complémentaires, le rapporteur spécial considère qu'il serait plus pertinent de le valoriser dans le parcours de carrière des enseignants .

Les carrières enseignantes en France se caractérisent par « un avancement globalement indifférencié dont le critère dominant demeure l'ancienneté » 27 ( * ) . En France, la performance est théoriquement prise en compte dans les rendez-vous de carrière , qui influencent l'avancement et donc l'évolution de la rémunération des enseignants. Cependant, dans le cadre du plan « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), la fréquence et le nombre de rendez-vous de carrières restent très faibles. Ainsi, la fréquence moyenne des rendez-vous de carrière est de 7 ans en moyenne.

D'autres pays européens ont fait le choix de valoriser les performances professionnelles de leurs enseignants dans le cadre de leur promotion salariale. C'est le cas du Portugal 28 ( * ) ou de l'Angleterre.

Il semble donc indispensable de développer l'évaluation des enseignants, sans toutefois donner l'impression que celle-ci ne se limite à une inspection ponctuelle qui ne traduirait qu'une vision « d'en haut » , déconnectée des conditions réelles d'exercice du métier. Le rapporteur spécial souligne les inspirations que peuvent à cet égard constituer d'autres pays européens, en particulier en matière de développement de l'autoévaluation et surtout de l'évaluation par les pairs , comme cela sera développé plus bas dans le cas spécifique du Portugal. L'évaluation interne, par les pairs ou le chef d'établissement, est obligatoire dans 27 systèmes éducatifs européens.

Le rapporteur spécial souligne que la prise en compte de l'évaluation dans la carrière des enseignants ne peut se faire sans de nombreux garde-fous, et en particulier une association constante des enseignants à la construction de cette évaluation .

Recommandation n° 5 : s'inspirer d'autres expériences européennes pour développer l'autoévaluation des enseignants ou l'évaluation par leurs pairs, préalable à une prise en compte de ces évaluations dans leur parcours de carrière.

c) Ouvrir la réflexion sur une bonification de rémunération dans les disciplines et les territoires où le recrutement est le plus tendu

Le rapporteur spécial estime qu'il est aujourd'hui nécessaire d'ouvrir une réflexion sur les possibilités de modulation de la rémunération dans les disciplines et les territoires les moins attractifs.

Il souligne l'intérêt que peuvent représenter les initiatives anglaises mentionnées plus haut 29 ( * ) , en particulier s'agissant de la rémunération. La modulation de la rémunération ne pourrait a priori passer que par une prime. Le rapporteur spécial est toutefois conscient des difficultés juridiques qui pourraient résulter des différences de rémunération entre deux enseignants de deux disciplines différentes . Il serait sans doute complexe d'envisager que les enseignants titulaires soient concernés, dans la mesure où les enseignants d'un même corps et de mêmes grade et échelon devraient juridiquement avoir le même traitement. En revanche, le rapporteur spécial souligne qu'une prime pour les contractuels permettrait de répondre en partie à la pénurie de contractuels qualifiés qui touche certaines académies, sans constituer une réponse globale au problème.

S'agissant de la modulation géographique, les primes REP et REP+ ainsi que les primes accordées aux enseignants d'outre-mer constituent une première étape. Mais les pénuries d'enseignants ne correspondant pas uniquement aux territoires REP et REP +, il serait envisageable de permettre aux académies de distinguer finement les territoires les moins attractifs.

Recommandation n° 3 : étudier les possibilités juridiques permettant de mettre en place une bonification de la rémunération pour les enseignants dans les disciplines et les territoires où le déficit de professeurs est le plus important.

D. DANS L'ADMINISTRATION FRANÇAISE, UN RECOURS AUX COMPARAISONS INTERNATIONALES EN MATIÈRE D'ÉDUCATION QUI RESTE TROP LIMITÉ

1. Les intéressantes évaluations quantitatives de la DEPP issue des réseaux européens

La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'Éducation nationale est la direction la plus impliquée dans la production de comparaisons dans le domaine de l'éducation et de la formation.

La DEPP est le correspondant français du réseau européen Eurydice, rattaché à l'agence exécutive européenne pour l'éducation et la culture (EACEA), qui produit des statistiques sur les systèmes éducatifs des différents États membres. La direction est également l'opérateur en France des enquêtes internationales de l'OCDE, à savoir PISA sur les compétences des élèves et TALIS sur les enseignants. Elle opère pour l'association internationale pour l'évaluation des rendements scolaires (IEA) les études TIMSS 30 ( * ) et PIRLS 31 ( * ) .

La DEPP publie depuis 2016 L'Europe de l'éducation en chiffres , rassemblant une soixantaine d'indicateurs sur l'éducation au sein de l'Union européenne. Cette publication est actualisée tous les deux ans .

Le rapporteur spécial souligne la qualité des études de la DEPP et insiste sur la nécessité de maintenir au sein du ministère des compétences statistiques en matière de comparaisons internationales. La publication de L'Europe de l'éducation en chiffres gagnerait cependant à être annualisée afin de permettre une actualisation plus rapide des données. Dans l'attente de la parution de l'édition 2022, les statistiques remontent pour la plupart à 2018, en rendant certaines d'autant plus caduques que la crise sanitaire a pu modifier considérablement certains chiffres .

Recommandation n° 14 : s'assurer de la production par la DEPP d'une publication statistique annuelle dédiée à la comparaison internationale ou a minima européenne des systèmes éducatifs.

2. Une ouverture sur les systèmes étrangers qui doit être davantage qualitative et approfondie par le ministère de l'Éducation nationale

Si le rapporteur ne remet pas en cause les compétences de la DEPP en matière d'analyses quantitatives, il ressort des auditions qu'il a menées que le ministère de l'Éducation nationale ne dispose pas d'un véritable service dédié au développement d'une réflexion stratégique dans le cadre de comparaisons européennes et internationales .

Théoriquement, la délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (Dreic) « coordonne les politiques européenne, internationale et de coopération relevant de la compétence du ministre chargé de l'éducation nationale. Elle contribue à l'ouverture internationale du système éducatif français et à sa valorisation à l'extérieur des frontières » 32 ( * ) . Le rapporteur spécial a cependant pu constater que la Dreic ne produisait que très peu d'études portant sur l'analyse internationale et se concentrait sur la promotion de l'enseignement français à l'étranger 33 ( * ) .

De même, le Conseil d'évaluation de l'école (CEE) a inscrit dans son programme de travail lors de sa création en 2019 une mission de « veille internationale en matière d'évaluation des politiques d'éducation ». À ce jour, aucun document n'a toutefois été publié sur ce thème par le CEE .

La commission d'enquête du Sénat sur les cabinets de conseil 34 ( * ) a récemment consacré une part de ses travaux à la mission confiée au cabinet McKinsey en 2020 portant sur « l'évolution du métier d'enseignant » facturée 500 000 euros. Ses constats, sévères pour le ministère de l'Éducation nationale, indiquent que celui-ci « n'a pas véritablement cherché à mobiliser ses propres ressources prospectives ». Cette étude, aux termes de la commission d'enquête, se résume à « une compilation - certes conséquente - de travaux scientifiques et à la production de graphiques fondés sur des données publiques ». La commission d'enquête en déduit que ces travaux auraient dû pouvoir être produits par la DEPP sans aucune difficulté : « du reste, il apparaît relativement inquiétant que la DEPP ait été regardée comme incapable de réaliser un travail d'études statistiques entre janvier et mars 2020. [...] il est difficilement compréhensible que [le ministère] n'ait pas mobilisé une fraction de l'enveloppe pour - s'il en avait vraiment besoin - mettre à disposition de la DEPP des effectifs supplémentaires, fussent-ils temporaires ».

Si le rapporteur spécial partage ce constat, il souligne que la DEPP ne peut concentrer l'ensemble des études et analyses comparatives, dès lors que sa vocation demeure la production de statistiques. Le problème est selon lui plus large et relève davantage d'un service dédié au sein de l'administration centrale . Et ce d'autant plus que le ministère de l'Éducation nationale a indiqué que le rapport de McKinsey a pu « alimenter sa réflexion sur l'accompagnement des professeurs par leurs pairs (mentorat), le besoin de repenser leur formation et la nécessité de mieux valoriser leurs compétences », notamment afin « d'être utile aux négociations sociales ». De telles compétences doivent selon lui être impérativement conservées en interne au ministère.

Le rapporteur spécial souligne donc qu'il est nécessaire d'aller plus loin d'un point de vue institutionnel dans l'analyse qualitative des comparaisons internationales .

Recommandation n° 15 : mettre en place au sein du ministère de l'Éducation nationale un véritable service dédié aux comparaisons internationales, au-delà du traitement et de la production de statistiques.

DEUXIÈME PARTIE
FOCUS SUR DEUX SYSTÈMES ÉDUCATIFS EUROPÉENS

Au-delà de la comparaison générale à l'échelle européenne, le rapporteur spécial a choisi de consacrer une analyse plus détaillée aux enseignants de deux systèmes éducatifs européens, l'Allemagne et le Portugal. Ces deux États ont en commun de bien rémunérer leurs enseignants. Si de nombreux dispositifs constituent des pistes intéressantes, aucun des deux pays n'échappe à la problématique générale de la pénurie d'enseignants.

I. UN SYSTÈME FÉDÉRAL AYANT OPTÉ POUR DE FORTES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS : LE « MODÈLE » ALLEMAND ET SES LIMITES

Le choix de la comparaison avec l'Allemagne reflète à la fois la mise en avant fréquente du « modèle allemand » y compris en matière éducative et la volonté de se pencher sur un système éducatif entièrement décentralisé . Si les rémunérations des enseignants en Allemagne sont sans commune mesure avec celles de leurs homologues français, et si la dépense d'éducation en Allemagne apparaît dans l'ensemble plus performante, le système éducatif allemand n'est toutefois pas exempt de limites, en particulier dans la gestion de carrière de ses enseignants.

A. UNE COMPLÈTE DÉCENTRALISATION DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA GESTION DES ENSEIGNANTS

1. L'éducation, une compétence des Länder uniquement harmonisée au niveau fédéral
a) Le fonctionnement du système scolaire allemand

Les élèves allemands suivent une scolarité obligatoire de l'âge de 6 ans à l'âge de 15 ans.

Le système allemand est un système dit « à orientation précoce » dans lequel les élèves font leur premier choix d'orientation dès l'âge de 10 ans . Le cycle primaire - qui s'effectue au sein de la Grundschule - est commun à tous les élèves de 6 à 10 ans et a pour objectif l'enseignement des fondamentaux du tronc commun.

À l'issu du cycle primaire les élèves s'orientent majoritairement vers l'un des trois établissements suivants : Gymnasium (voie générale), Realschule (voie technique) ou Hauptschule (voie professionnelle) . Les Integrierte Gesamtschulen (voie mixte) proposent les trois filières d'orientation dans leur établissement. Pendant les deux premières années du cycle secondaire, qui sont qualifiées « d'années d'orientation », les élèves peuvent bénéficier de procédures simplifiées pour changer d'orientation.

Le système éducatif allemand (système dit à « orientation précoce »)

Source : MENJS-DEPP, L'Europe de l'éducation en chiffres 2016

Pour l'année scolaire 2020-2021, l'office fédéral des statistiques allemand ( Destatis ) recensait 2,3 millions d'élèves inscrits dans un établissement secondaire général, 773 034 élèves inscrits dans un établissement secondaire technique et 333 456 élèves inscrits dans un établissement secondaire professionnel 35 ( * ) .

L'Allemagne compte actuellement 780 000 enseignants 36 ( * ) , dont 237 000 dans le cycle primaire et 543 000 dans le secondaire, dont 37 % en Gymnasium , 11,5 % en Realschule et 5,8 % en Hauptschule 37 ( * ) .

L'exercice du métier d'enseignant diffère légèrement en Allemagne et en France. D'une part, les enseignants allemands sont au moins bivalents et enseignent à ce titre au moins deux matières au sein de leur établissement. D'autre part, les enseignants allemands consacrent une partie de leur activité au fonctionnement de l'établissement . Les enseignants dans le primaire consacrent en moyenne 28 heures aux cours et les enseignants dans le secondaire assurent environ 21 heures de cours, avec quelques différences selon le Land . À côté de cette activité d'enseignement, les enseignants ont une obligation de service au sein de leur structure éducative d'accueil. À ce titre, ils assurent notamment les remplacements de leurs collègues et la surveillance des espaces de récréation.

b) Une amélioration rapide des performances scolaires de l'Allemagne

Les résultats de l'Allemagne en termes de performance scolaire se sont nettement améliorés depuis les années 2000, dans le prolongement du « choc PISA ».

Le « choc PISA » en Allemagne

La première étude PISA, publiée par l'OCDE en décembre 2000 , a montré une école allemande relativement peu performante. Ces mauvais résultats furent largement médiatisés et eurent un écho considérable dans la société allemande, à la suite de quoi l'Allemagne engagea plusieurs réformes.

Dès l'année suivante, les 16 Länder ont adopté un plan d'action dans l'optique de faire progresser les compétences de base des élèves, la formation des enseignants et d'allonger la durée des journées scolaires. L'État fédéral a également investi 4 milliards d'euros dans les infrastructures éducatives en 2003 , et s'est engagé à rehausser ses dépenses dans l'enseignement à hauteur de 10 % du PIB avant 2015. D'autres réformes, telles que des cours de langues pour les jeunes issus de l'immigration et l'accroissement de l'autonomie des établissements, ont également été déclinées dans chaque Land .

En dépit de ces évolutions, les performances scolaires des élèves allemands n'ont pas dépassé la moyenne de l'OCDE . D'après l'enquête PISA 2018, les élèves allemands obtiennent la 20 ème place pour les mathématiques, la 17 ème place pour les sciences et la 21 ème place pour la lecture. Le score moyen de l'Allemagne est de 498 points, soit 11 points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE

L'enquête TIMSS 2019 indique que les performances des élèves allemands en mathématiques et en sciences se situent en-dessous des moyennes européennes et connaissent une baisse sensible depuis 2015, avec 521 points en mathématiques (contre 522 en 2015) et 518 points en sciences (contre 528 en 2015) .

L'enquête PISA 2018 relève également que l'Allemagne est le 2 ème pays européen le plus inégalitaire (au même niveau que la Hongrie), le système scolaire allemand échouant à limiter les conséquences des inégalités géographiques et sociales sur le niveau des élèves.

2. Un rôle central des Länder dans le système éducatif allemand
a) Une harmonisation minimale du cadre enseignant au niveau fédéral

En Allemagne, l'éducation relève de la compétence des Länder en vertu du principe de « souveraineté culturelle » des États (article 30 de la Loi fondamentale allemande). Les autorités fédérales définissent des domaines prioritaires qui sont ensuite mis en oeuvre au niveau régional.

Le rôle du ministère fédéral de l'éducation nationale allemand est de s'assurer que le système éducatif respecte un cadre général et offre un niveau d'éducation comparable dans tous les Länder . Le ministère fédéral encourage une harmonisation des pratiques éducatives dans le cadre de la Conférence permanente des ministres de l'éducation des Länder , institution dont le rôle est d'encourager les Länder à coopérer dans le domaine éducatif.

Les principales réformes des conditions de fixation
de la rémunération des enseignants

Le Bundestag avait missionné la Conférence permanente des ministres de l'éducation dès 1969 pour proposer des grilles de rémunération communes pour tous les enseignants. Cette harmonisation n'a cependant jamais complètement abouti.

La révision constitutionnelle du 12 mai 1969 autorise l'État fédéral à légiférer sur la situation juridique des fonctionnaires des Länder : le statut juridique des enseignants est par la suite harmonisé en les inscrivant dans le règlement des fonctionnaires de catégorie A.

Toutefois, la révision constitutionnelle du 1 er septembre 2006 revient sur le droit de l'État fédéral de légiférer sur la situation juridique des fonctionnaires des Länder . Les enseignants allemands sont donc désormais rémunérés conformément à la convention collective négociée dans chaque Land entre le Land et le syndicat des enseignants.

Il a donc fallu attendre 2006 pour une harmonisation des conditions de fixation de la rémunération des enseignants.

b) De fortes variations selon les Länder

Depuis 2017, l'ensemble des salariés des Länder (à l'exception de la Hesse) sont rémunérés conformément à une convention collective négociée par les syndicats enseignants dans chaque Land . À ce titre, comme cela développé plus bas, les rémunérations varient d'un État à l'autre.

Les Länder affichent une certaine diversité dans l'organisation des cursus scolaires . Par exemple, certains Länder ont un cycle secondaire de 12 niveaux, d'autres de 13 niveaux, ce qui recule l'âge d'accès à l'enseignement supérieur à 19 ans. La durée et les dates des vacances sont également fixées par chaque Land . Le volume horaire de cours donnés par les enseignants peut également varier : les fonctionnaires exerçant en Hesse dans le cycle primaire effectuent ainsi 29 heures en classe par semaine, contre 23 heures en Basse-Saxe dans le cycle secondaire général.

Les établissements allemands conservent une large autonomie dans le recrutement des professeurs . Les directeurs des écoles recrutent directement les enseignants titulaires de leur diplôme, après que ces derniers ont candidaté pour leur établissement.

La diversité des systèmes éducatifs au sein du même État fédéral rend difficiles les comparaisons internationales entre le système scolaire allemand et les autres systèmes scolaires européens , l'Allemagne n'ayant par exemple pas répondu aux enquêtes TALIS de l'OCDE sur la perception des enseignants.

Perspectives d'évolutions

Depuis le début des années 2000, le débat s'intensifie entre les tenants d'une centralisation du système éducatif pour répondre aux nouveaux défis que rencontre le système allemand et ceux qui sont attachés à un modèle de gestion autonome du système éducatif. Le parti libéral-démocrate, dont la ministre fédérale de l'éducation de la nouvelle coalition est issue, s'est dit favorable a plus de pouvoir au niveau fédéral dans le domaine éducatif : le « système français a au moins cette vertu de la clarté ».

B. LE CHOIX D'UNE RÉMUNÉRATION ÉLEVÉE DES ENSEIGNANTS

1. Des principes généraux de fixation de la rémunération relativement homogènes allant de pair avec une rémunération moyenne élevée

Les salaires des enseignants allemands sont relativement élevés par rapport aux salaires de leurs homologues européens. La moyenne des salaires des enseignants allemands est ainsi la deuxième plus élevée d'Europe, juste derrière le Luxembourg. D'après les données de l'OCDE, le salaire annuel effectif moyen des enseignants allemands est en moyenne près de deux fois plus élevé que celui des enseignants de l'Union européenne en 2020.

Cet écart de salaire est encore accru pour les enseignants du cycle secondaire . En 2020, le salaire annuel effectif moyen en Allemagne pour un enseignant de niveau collège était supérieur de 80 % à la moyenne européenne, et de 75 % pour un enseignant de niveau lycée.

Comparaison des salaires annuels effectifs moyens des enseignants
dans l'enseignement public français et allemand en 2020

(en dollars)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Cet écart est déjà significatif en début de carrière , dès lors que la rémunération des enseignants débutants titulaires dans le primaire varie de 3 500 à 4 000 euros bruts mensuels , selon la grille tarifaire de chaque Land . Pour les enseignants titulaires dans le secondaire, il varie entre 4 000 à 4 500 euros .

Par la suite, les deux facteurs déterminants de la rémunération des enseignants sont l'ancienneté et le grade . Comme mentionné plus haut, l'augmentation salariale potentielle des enseignants allemands reste toutefois modeste comparativement aux autres pays européens, du fait de sa structure de carrière dite « plate » 38 ( * ) . L'échelon en début de carrière est fixé par Land .

L e salaire de base des enseignants dépend donc in fine de l'échelon, du grade et de la grille de salaire appliqué dans le Land où enseigne l'enseignant .

Exemples d'évolution des rémunérations au cours de la carrière

(en euros bruts par mois)

Land

Salaire de base à l'entrée

Salaire de base à la sortie

Hesse

3 529,90

4 714,19

Bavière

3 979,84

4 942,44

Brandebourg

4 269,23

5 494,14

Source : Commission des finances d'après Besoldungstabellen der Länder - Juin 2021 academics.de

2. Des rémunérations hétérogènes selon les Länder

Bien que le barème des rémunérations soit identique dans tous les Länder, à l'exception de la Hesse qui n'a pas adopté le même régime de fixation des grilles salariales, la grille de rémunération des enseignants varie d'un Land à l'autre, sans que ces différences ne puissent être directement corrélées à la prospérité économique de chaque Land . Les enseignants peuvent également bénéficier d'une majoration de leur salaire brut mensuel au regard de leur situation personnelle .

Pour les enseignants du cycle primaire , la rémunération moyenne par Land variait entre 2 774,84 euros nets mensuels (Sarre) et 3 358,13 euros nets mensuels (Saxe-Anhalt) en 2019. Pour les enseignants du cycle secondaire , la rémunération moyenne par Land variait entre 3 078,01 euros nets mensuels (Mecklembourg-Poméranie occidentale) et 4 246,11 euros nets mensuels (Saxe-Anhalt) en 2019, soit un écart de plus de 1 100 euros.

Rémunération moyenne des enseignants par Land en 2019

(en euros)

Professeurs du secondaire

Professeurs du primaire

Traitement brut

Traitement net avant déduction*

Net après déduction

Traitement brut

Traitement net avant déduction*

Net après déduction

Bade-Wurtemberg

4688,62

3579,96

3479,96

3917,89

3103,23

3003, 23

Bavière

4742,42

3612,09

3512,09

3979,84

3142,68

3042,68

Berlin

5701,88

3361,51

3261,51

5701,88

3361,51

3261,51

Brandebourg

4366,39

3384,31

3284,31

4366,39

3384,31

3284,31

Brême

4486,96

3458,13

3358,13

4486,96

3458,13

3358,13

Hambourg

4455,71

3439,05

3339,05

4455,71

3439,05

3339,05

Hesse

4414,17

3413,59

3313,59

3706,4

3706,4

3606,4

Mecklembourg-Poméranie-Occidentale

4035,67

3178,01

3078,01

4035,67

3178,01

3078,01

Basse-Saxe

4332,3

3363,22

3623,22

3868,33

3071,58

2971,58

Rhénanie du Nord-Westphalie

4563,79

3504,79

3404,79

3824,06

3043,15

2943,15

Rhénanie-Palatinat

4207,41

3285,83

3185,83

3670,28

2943,78

2843,78

Sarre

4275,08

3327,92

3227,92

3564,67

2874,84

2774,84

Saxe

4237,47

3304,56

3204,56

4237,47

3304,56

3204,56

Saxe-Anhalt

4346,11

3371,78

4246,11

3722,16

2977,5

2877,5

Schleswig-Holstein

4431,6

3424,27

3324,27

3868,01

3071,35

2971,35

Thuringe

4367,28

3384,78

3284,78

4367,28

3384,78

3284,78

* Traitement pour un célibataire sans enfant, sans taxe d'église avant déduction des cotisations à l'assurance privée maladie et dépendance. Source : commission des finances d'après les chiffres d'octobre 2021 publiés par le Syndicat pour l'éducation et la connaissance ( Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft ).

C. L'EXEMPLE ALLEMAND : ANTICIPER LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE POUR LIMITER LES COÛTS STRUCTURELS ET AMÉLIORER LE TAUX D'ENCADREMENT

1. Une dépense d'éducation par élève plus faible en Allemagne, malgré le niveau plus élevé de rémunération des professeurs
a) La dépense d'éducation allemande par rapport au PIB est largement inférieure à la moyenne européenne

La dépense d'éducation allemande en valeur absolue est plus élevée que la moyenne européenne. En 2018, les dépenses cumulées par élève s'établissaient à 115 747 dollars en Allemagne, contre 103 579 dollars en moyenne dans l'Union européenne et 104 300 dollars en France . La dépense totale au titre d'établissements d'enseignement par élève était de 12 774,2 dollars contre 10 670,9 dollars en moyenne dans l'Union européenne à 22 et 11 201,1 dollars en France la même année 39 ( * ) .

Toutefois, et c'est là un élément que souligne le rapporteur spécial, la dépense publique d'éducation allemande, lorsqu'elle est rapportée au PIB, est inférieure à la moyenne européenne et bien plus encore à la dépense publique d'éducation française . En 2018, les dépenses publiques d'éducation s'établissaient à 2,6 % du PIB, contre 2,93 % du PIB en moyenne dans l'Union européenne et 3,4 % du PIB en France.

Ce constat vient en outre à l'issue d'une période de dynamisme de la dépense d'éducation en Allemagne. Entre 2012 et 2018, les dépenses totales dans l'éducation augmentent de 0,9 % en Allemagne et les dépenses par élève augmentent de 1,6 % . En moyenne dans l'Union européenne, les dépenses ont augmenté sur la même période de 1,4 %, soit une évolution proche de celle de l'Allemagne.

Par ailleurs, la dépense par élève croît avec le niveau d'éducation , en Allemagne comme en France. En 2018, les dépenses au titre des établissements du primaire équivalaient à 0,7 % du PIB et les dépenses au titre des établissements du secondaire équivalaient à 2,1 % du PIB en Allemagne.

Enfin, on observe que l'étendue des dépenses entre établissements au niveau des Länder est d'environ 4 000 dollars en Allemagne . Cette étendue est relativement faible comparée aux autres systèmes décentralisés de l'OCDE.

b) Les enseignements de l'analyse de la dépense d'éducation allemande pour le système scolaire français

La dépense totale par élève au titre des établissements du primaire et du collège en pourcentage du PIB est moins élevée en Allemagne qu'en France , ce qui peut sembler paradoxal dans la mesure où les enseignants allemands sont bien mieux rémunérés qu'en France .

Dépenses totales par élève au titre des établissements d'enseignement
en 2018

(en dollars)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

La dépense par élève en valeur absolue est proche entre la France et l'Allemagne : l'écart moyen de la dépense totale par élève confondu est inférieur à 1 000 dollars. Les dépenses par élève sont également largement inférieures aux moyennes européennes pour chaque niveau d'enseignement en France et en Allemagne.

La dépense éducative (publique et privée) rapportée au PIB est largement supérieure en France : la France consacre 5,18 % de son PIB aux dépenses des établissements d'enseignement contre 4,40 % en Allemagne et 4,25 % en moyenne dans l'Union européenne. Comme indiqué plus haut, la France investit notamment plus que ses voisins européens dans les lycées.

Dépenses totales au titre des établissements d'enseignement
en pourcentage du PIB en 2018

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Les écarts de dépenses ne sont pas principalement liés au nombre d'élèves par classe ni au temps d'activité des enseignants. La taille moyenne des classes dans l'enseignement public est en effet de 20,9 élèves en Allemagne, contre 22,3 élèves en France en 2019 40 ( * ) et le temps d'instruction et d'enseignement est en moyenne inférieur à tous les niveaux d'éducation en Allemagne.

Influence de différents facteurs sur le coût salarial des enseignants par élève dans l'enseignement élémentaire
et dans le premier cycle du secondaire

(en dollar en parité de pouvoir d'achat)

Taille moyenne des classe Temps d'instruction statutaire

Salaire effectif des enseignants Temps d'enseignement statutaire

Source : DEPP d'après l'OCDE, Regards sur l'éducation 2021

Les différences de niveau dans la dépense d'éducation en Allemagne sont davantage dues aux coûts de structures, aux dépenses administratives ainsi qu'aux coûts auxiliaires, plus élevés en France qu'en Allemagne .

En Allemagne, les dépenses d'éducation par établissement dépendent pour 96 % des salaires et des coûts de gestion des infrastructures et pour 4 % des coûts auxiliaires, contre respectivement 87 % et 13 % en France 41 ( * ) . Les salaires ne représentent en France que 51 % du coût de l'éducation par élève 42 ( * ) .

La faible densité d'élèves par établissement scolaire constitue un autre facteur de coûts de structure supplémentaires en France . La France compte 61 000 établissements scolaires pour 12 millions d'élèves, soit 197 élèves par établissement en moyenne, contre 32 238 établissements scolaires pour 8,38 millions d'élèves en Allemagne, soit 257 élèves par établissement en moyenne 43 ( * ) . Cette faible densité d'élèves par établissement entraîne pour la France des coûts d'entretien, de maintenance, de personnel et de gardiennage plus élevés. Les dépenses administratives par établissement sont également plus élevées en France, puisqu'une équipe est dédiée à la direction de l'établissement tandis que l'équipe éducative consacre en Allemagne une partie de son activité à la gestion de l'établissement 44 ( * ) . Les coûts auxiliaires sont également moins élevés en Allemagne car les activités de vie scolaire ou de surveillance sont assurées par les professeurs.

L'institut Thomas More a réalisé en 2012 des simulations d'économies budgétaires pour le système éducatif français à partir des données de dépenses du système allemand 45 ( * ) , et montre que la France pourrait réaliser jusqu'à 20 milliards d'euros d'économies annuelles sur les coûts de structure et de l'administration. Ces données sont toutefois à considérer avec précaution du fait de leur relative ancienneté et des rapides évolutions démographiques et économiques intervenues sur la dernière décennie.

2. La gestion de la transition démographique, une problématique partagée avec l'Allemagne

L'Allemagne est confrontée depuis près de 50 ans à une baisse démographique continue , conduisant à une diminution constante de la population scolarisée .

Évolution de la part des moins de 15 ans dans la population

(en %)

Source : commission des finances d'après l'OCDE

En Allemagne, la population scolarisée représente 19,7 % de la population totale, soit une proportion très proche de la moyenne européenne (contre 23,3 % de la population totale en France). Cette proportion est en outre stable en Allemagne comme en Europe depuis 2015, alors que la population scolarisée a augmenté de 0,3 point en France sur la même période.

La France devra cependant faire face au cours des prochaines années à des difficultés similaires à celles auxquelles l'Allemagne est d'ores et déjà confrontée . On constate sur la décennie précédente une chute brutale du nombre de naissances, le pic ayant été atteint en 2010 avec 832 000 enfants, désormais entrés dans le second degré. La population des 6-10 ans, en grande partie scolarisés dans le premier degré, devrait connaître des baisses très marquées de 2021 à 2024 (jusqu'à - 60 200 enfants en 2024). Ainsi, le premier degré aura perdu près d'un sixième de ses élèves en cinq ans. Cette tendance concernera le second degré à partir de 2025.

Cette situation a nécessairement, en France comme en Allemagne, des conséquences sur l'organisation du système éducatif. Comme il l'a indiqué dans ses précédents rapports budgétaires 46 ( * ) , le rapporteur spécial considère qu'il est désormais impératif de tenir compte des évolutions démographiques à venir.

Il renouvelle le constat d'une nécessaire adaptation du nombre d'élèves par classe dans le premier degré et le premier cycle du secondaire. Au collège, la France compte en moyenne 25 élèves par classe contre 21 en moyenne en Europe. Cet écart est plus faible en primaire mais demeure néanmoins significatif : 22 élèves en France contre 20 en moyenne dans l'Union européenne. Cette adaptation conduirait également à aligner les taux d'encadrement sur ceux qui prévalent en Allemagne.

En Allemagne, la baisse démographique a entraîné une forte tension sur l'offre scolaire . Selon le chercheur Werner Zettelmeier 47 ( * ) , « les conséquences de l'évolution démographique se font déjà nettement sentir depuis les années 1980 et 1990, et l'évolution pendant la décennie 2006-2015 confirme, voire accentue encore l'évolution de l'offre scolaire vers une refonte progressive, mais irréversible, du paysage scolaire qui caractérisait l'Allemagne ».

Le premier axe d'adaptation est la diminution globale du nombre d'établissements au niveau national . Selon l'auteur mentionné ci-dessus, en 2014-2015, on comptait environ 33 600 établissements d'enseignement général, soit une fermeture de 5 500 établissements en 10 ans (- 14 %). Cette diminution se traduit pour les écoles élémentaires par un recul d'un peu plus de 1 000 établissements.

Cette tendance a pour conséquence immédiate un desserrement du maillage scolaire et une mise en concurrence des collectivités locales pour le maintien de leurs établissements . Mais la fermeture des établissements accueillant un nombre trop limité d'élèves est aussi un moyen de limiter les coûts de structure du système éducatif, comme indiqué plus haut. Elle ne peut en tout état de cause qu'être prise en concertation avec les collectivités concernées : « Si la décision d'ouverture ou de pérennisation d'un établissement scolaire repose sur une concertation entre le niveau du Land et celui de chaque collectivité locale concernée dont les modalités sont fixées par les lois scolaires de chaque Land , les Länder ont procédé ces dernières années à des modifications importantes relatives à cette concertation pour essayer de tenir compte des évolutions démographiques ». Cette concertation a été inscrite comme une obligation législative dans le Land de Bade-Wurtemberg depuis 2015. Le rapporteur spécial souligne l'intérêt de cette méthode dans le contexte français .

Deuxième axe de recomposition, la fusion de certaines filières au sein des mêmes établissements : les filières les plus longues ( Gymnasien et Integrierte Gesamtschulen essentiellement) en profitent, au détriment des établissements proposant seulement des filières courtes, dès lors que la tendance est à un désintérêt croissant des élèves allemands pour les filières techniques et professionnelles dans le secondaire. Des établissements mixtes se sont également développés afin d'accueillir plusieurs filières dans un même établissement.

Répartition des élèves allemands par établissements
dans le cycle secondaire

2003

2012

2021

Hauptschule

22,4 %

14,4 %

6,2 %

Realschule

24,5 %

22,7 %

14,4 %

Gymnasium

30,1 %

36,2 %

41,2 %

Integrierte Gesamtschulen

8,7 %

12,5 %

30,2 %

Source : commission des finances d'après les chiffres de la Conférence des ministres de la culture.

La proportion des élèves voie professionnelle ( Hauptschule) est passée en 10 ans de près d'un quart des élèves à seulement 6 %. En Rhénanie-Palatinat, la Hauptschule n'existe plus depuis la rentrée 2014 suite à son intégration au sein la Realschule . Cette tendance de concentration des filières de l'enseignement secondaire est à l'opposé de l'extrême modulation introduite en France par la réorganisation du lycée, dont le rapporteur spécial a plusieurs fois souligné dans ses rapports budgétaires l'absence d'efficience et le coût budgétaire.

Le rapporteur spécial souligne l'intérêt d'une observation fine des conséquences démographiques et des adaptations qui en découlent en Allemagne , afin d'anticiper au mieux les nécessaires évolutions pour le système scolaire français.

Recommandation n° 6 : conduire dès maintenant une politique proactive d'anticipation des conséquences des évolutions démographiques en cours sur le système scolaire français et le nombre d'enseignants à recruter.

D. LES LIMITES DU « MODÈLE ALLEMAND » : MALGRÉ LES RÉMUNÉRATIONS ÉLEVÉES, LA FAIBLE ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER DE PROFESSEUR

1. Un parcours de formation long allant de pair avec une faiblesse de la formation continue

Le parcours de formation des enseignants implique un choix précoce dans l'orientation vers le supérieur : le cursus universitaire pour se préparer à enseigner démarre dès la première année de licence. Être enseignant en Allemagne doit donc se décider beaucoup plus en amont qu'en France , où la professionnalisation n'intervient que plus tardivement, lors de l'entrée en master « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF).

Le niveau de formation minimum requis pour enseigner en cycle primaire est le niveau licence, et le niveau minimum requis pour enseigner dans le cycle secondaire est le niveau master. Pour le secondaire, les enseignants doivent obtenir au moins deux masters disciplinaires en parallèle pour être bivalents , doublés dans certains Länder d'un master d'enseignement. Le débat sur la fin de la bivalence est par ailleurs récurrent en Allemagne, les opposants à la bivalence considérant que celle-ci limite le niveau des enseignants dans leurs matières du fait d'un temps de formation moindre par discipline. Le rapporteur spécial considère quant à lui que la bidisciplinarité constitue une alternative intéressante, en particulier alors que les programmes scolaires français consacrent une part croissante à l'interdisciplinarité .

Le parcours de formation des enseignants allemands ne se réduit pas à l'obtention du diplôme universitaire. Les étudiants doivent d'abord obtenir un premier examen d'État puis effectuer un stage préparatoire d'une durée d'un an et demi, partagé entre une demi-année d'observation et une année d'exercice en responsabilité . À l'issu de ce stage, ils se présentent à l'examen final d'enseignant, soit 6 ans et demi après le début de leurs études pour enseigner dans le secondaire et 5 ans et demi pour le primaire.

Le parcours de formation est donc long et implique un engagement continu des futurs enseignants allemands, accroissant le risque de déperdition du vivier au fur et à mesure des études.

La réforme en cours de la formation initiale des professeurs en France en master en 2021-2022 conduit également à allonger le parcours de formation, en renvoyant la titularisation des enseignants à 6 ans après le baccalauréat . En outre, la France a récemment créé une licence préparatoire au professorat des écoles (le parcours préparatoire au professorat des écoles ou PPPE), qui rapproche le parcours français du cursus allemand. Les conséquences de ces réformes en termes d'attractivité doivent être étudiées attentivement.

Au-delà de la formation initiale, le système allemand se caractérise par la grande insuffisance de sa formation continue , qui constitue « le maillon très faible des Länder » selon le professeur Olivier Mentz 48 ( * ) . Il n'existe pas de règle générale s'agissant de la formation continue, qui n'existe quasiment pas de façon obligatoire , même si certains Länder développent un système de bonification afin de valoriser les enseignants suivant régulièrement des formations. Cela conduit à ce que certains enseignants allemands puissent mener toute leur carrière sans jamais suivre de formation continue.

2. Au-delà de la rémunération, des carrières enseignantes plus contraintes et moins protégées qu'en France...
a) Un recrutement incertain à l'issue de la formation initiale

Contrairement au système français du concours enseignant, il n'existe pas de garantie d'emploi pour les jeunes enseignants allemands ayant terminé leur formation initiale et étant titulaires de l'examen d'État . En d'autres termes, cet examen n'est qu'un diplôme qui permet de postuler mais ne constitue pas une garantie de poste.

Selon le nombre de postes, les futurs enseignants ayant postulé seront classés selon leurs qualifications et leur réussite à l'examen d'État, puis affectés en fonction de ce classement. Les décisions de recrutement sont cependant prises in fine par les établissements, sur la base d'une mise en concurrence des candidats pour le poste . Les candidats peuvent donc être sans emploi si les besoins des établissements ne correspondent pas aux matières qu'ils peuvent enseigner, risque encore accru du fait de la bivalence.

Ensuite, après avoir postulé à un emploi permanent auprès d'un établissement, le candidat peut faire l'objet d'une période d'essai plus au moins longue dans son établissement d'accueil. Un enseignant ne peut en tout état de cause donc pas être titularisé comme fonctionnaire avant ses 27 ans. En outre, Berlin, la Saxe et la Thuringe recrutent d'abord les enseignants comme non-titulaires, ce qui y augmente encore les délais de titularisation.

Une précarisation accrue des jeunes enseignants

Chaque année au moment des vacances scolaires estivales, plusieurs milliers d'enseignants non-titulaires sont mis au chômage par leur établissement d'accueil. À Hambourg, en Bade-Wurtemberg et en Bavière, plus de 50 % des professeurs non-titulaires ont vu leur contrat suspendu durant l'été 2017 49 ( * ) .

Ce phénomène s'est exacerbé ces dernières années. Les enseignants non-titulaires au chômage étaient 609 en juin, 5 215 en août, et 1 549 en septembre 2020. Parmi ces enseignants au chômage, 54 % avaient moins de 35 ans. En 2021, 5 012 enseignants étaient au chômage en juin, puis 5 918 en juillet 50 ( * ) .

b) Des perspectives de mobilité limitées

Si les diplômes d'État pour devenir enseignant sont reconnus d'un Land à l'autre, les futurs enseignants doivent choisir de postuler dans un seul Land . Dans ce cas, ils doivent être disponibles pour tout le Land pour ne pas perdre le bénéfice du concours .

La mobilité géographique des enseignants est également retreinte après leur titularisation. Officiellement, depuis 2001, les enseignants fonctionnaires peuvent exercer dans un autre Land , sous condition de l'obtention d'une autorisation du ministère du Land d'origine et du Land de destination. Cette possibilité a entraîné une compétition entre Länder , qui, afin de maintenir leur vivier d'enseignants, ont instauré des systèmes de frein à la mobilité interrégionale . S'il existe un système de mutation globale d'un Land à l'autre, changer de Land implique de perdre 3 à 5 ans d'ancienneté 51 ( * ) . Ce système est suffisamment désincitatif pour que les différences de rémunération entre Länder n'aient qu'un impact marginal dans les demandes de mutation des enseignants. En revanche, les enseignants peuvent être transférés sans leur accord vers une école du même Land .

c) Un poids important des tâches annexes à l'enseignement et un temps de service plus élevé

Si leur rémunération est supérieure à celle des enseignants français, les enseignants allemands sont tenus à un temps de service plus élevé , ce qu'il importe de prendre en compte dans la comparaison.

Les enseignants allemands sont théoriquement tenus d'enseigner de 24 à 28,5 heures hebdomadaires , en fonction du Land et du type d'établissement Mais le temps effectif d'enseignement diffère selon les disciplines, les niveaux et les Länder . Il est donc inférieur au temps hebdomadaire règlementaire français. Le temps d'enseignement réglementaire dans l'élémentaire est de 900 heures par an en France, 738 heures en moyenne dans l'UE et 691 heures en Allemagne.

Toutefois, au-delà des heures devant élèves, les enseignants allemands doivent effectuer un temps de service plus élevé. Selon une récente note de la fondation Ifrap 52 ( * ) , les enseignants allemands travaillent 40 semaines par an contre 36 en France. S'agissant du temps de service (et non d'enseignement uniquement), les enseignants allemands du premier degré assurent par rapport aux enseignants français un service annuel plus important de 10,7 %, et ceux du second degré un service annuel supérieur de 12 % à 29 % .

Une analyse du temps de travail réalisée en 2018 par un organisme indépendant à la demande du ministère de l'éducation de Basse-Saxe indiquait que les enseignants à temps plein dans les écoles primaires, les écoles générales et les lycées travaillaient en moyenne 48 heures et 18 minutes par semaine scolaire . En intégrant les heures effectuées hors de l'établissement, les enseignants français travaillent quant à eux un peu moins que la moyenne de l'UE (38,2 heures par semaine contre 39 heures).

Si la différence entre temps d'enseignement et temps de service est plus importante en Allemagne qu'en France, c'est que les enseignants allemands doivent effectuer de nombreuses missions, en particulier de remplacement ou de surveillance . Il n'existe en effet pas de vie scolaire en Allemagne , les professeurs étant eux-mêmes chargés de la discipline, notamment lors de la récréation. Il est à noter que l'Allemagne fait partie des seuls 5 pays européens ne prévoyant pas de paiement des heures supplémentaires pour les enseignants.

En outre, les enseignants effectuant des missions supplémentaires ne bénéficient pas de compensations financières , à la différence du système français. La position de coordinateur de discipline, de niveau ou de section confiée à un enseignant qui participe au groupe de direction n'entraîne pas de prime, contrairement aux professeurs principaux français. L'Allemagne est le pays de l'Union européenne qui offre le moins de primes et bonifications au-delà du seul salaire.

S'il est indéniable que le salaire plus élevé en Allemagne constitue un facteur d'attractivité et de reconnaissance bien supérieur à la France, il importe d'avoir à l'esprit les différences dans l'exercice du métier qui, sans la nier, permettent de relativiser la supériorité salariale allemande.

3. ... qui contribuent à la pénurie globale d'enseignants qualifiés en Allemagne

Bien que les enseignants allemands soient bien rémunérés, l'Allemagne n'échappe pas à la pénurie d'enseignants qualifiés qui touche l'ensemble des États européens. À la rentrée 2019, il manquait déjà 15 000 enseignants dans le système éducatif allemand . En raison de la baisse du nombre de candidats à l'examen d'enseignant, il pourrait manquer plus de 26 000 enseignants dans le cycle primaire d'ici 2025 , d'après les projections de la fondation Bertelsmann 53 ( * ) . 45 % des enseignants allemands ont aujourd'hui plus de 50 ans .

Les Länder de l'Est sont plus particulièrement touchés par la pénurie des enseignants (27 % de postes non pourvus dans le cycle primaire en 2018 54 ( * ) ), tout comme les filières professionnelles.

Tout comme en France, il existe de fortes variations selon les disciplines, le déficit se faisant davantage sentir en physique-chimie ou en biologie, contrairement au surplus d'enseignants en langues. O n observe même une offre excédentaire d'enseignants dans les matières générales de l'enseignement du cycle secondaire. La nécessité de faire coïncider les profils bivalents ou trivalents conduit à ce que, paradoxalement, certains jeunes enseignants soient au chômage alors même que l'Allemagne est confrontée à une pénurie d'enseignants.

Des rémunérations bien plus élevées ne permettent donc pas à elles seules de résoudre le problème de l'attractivité et du vivier insuffisant.

Conséquence de ces difficultés de recrutement, le recours aux enseignants sous contrat est devenu massif. En 2019, 40 000 enseignants étaient recrutés sous contrats et deux tiers des recrutements en Saxe et à Berlin étaient des recrutements sous contrats 55 ( * ) . Cette évolution soulève toutefois la question de la qualification de certains de ces professeurs, dès lors que, selon la fondation Bertelsmann, un quart des professeurs contractuels seraient non diplômés pour leur poste.

D'autre part, les emplois sous contrat se révèlent plus précaires et moins bien rémunérés. Ainsi, en Thuringe, un débutant diplômé de l'université, mais sans formation d'enseignant, est rémunéré environ 400 euros bruts de moins par mois en début de carrière qu'un enseignant titulaire en début de carrière .

II. LE PORTUGAL : DES CHOIX FORTS AYANT PERMIS DE REDRESSER LES PERFORMANCES SCOLAIRES DU PAYS

Tout comme l'Allemagne, le Portugal a connu un « choc PISA » au début des années 2000. S'en est ensuivi une transformation complète du système de recrutement des professeurs, des évaluations de tous les établissements, évaluation des enseignants et une augmentation des salaires. L'amélioration consécutive démontre la possibilité d'un redressement rapide des performances scolaires, dès lors qu'il va de pair avec un volontarisme politique se traduisant par des choix budgétaires . En revanche, la perception de leur métier par les enseignants portugais reste très négative.

A. UNE AMÉLIORATION « HISTORIQUE » DES RÉSULTATS SCOLAIRES DES ÉLÈVES PORTUGAIS

1. Une massification scolaire récente
a) Une organisation scolaire mise en place au cours des années 1980

Le système éducatif portugais se caractérise par une évolution très rapide au cours des dernières décennies. La population portugaise accumule un retard important par rapport aux autres pays européens en matière d'éducation jusqu'au début des années 1970 : un cinquième des Portugais âgés de 15 à 64 ans étaient alors illettrés et moins de 5 % achevaient un deuxième cycle dans l'enseignement secondaire 56 ( * ) .

Les progrès seront rapides et massifs : le taux d'alphabétisation chez les plus de 15 ans était en 2015 estimé à 96 %.

Cette évolution est particulièrement visible au cours des deux dernières décennies, et notamment du fait de l'introduction de l'obligation de suivre le second cycle dans l'enseignement secondaire depuis 2009, qui porte désormais à 12 années le temps d'instruction obligatoire au Portugal . Le cycle secondaire est partagé entre deux filières orientées vers la poursuite d'études (sciences et littérature) et trois filières professionnelles.

Le système éducatif portugais

Source : DEPP

L'allongement du temps d'instruction est également dû à l'augmentation substantielle du temps d'enseignement dans le primaire suite à l'introduction de nouveaux curricula en 2018. Pour l'année scolaire 2020-2021, le temps d'enseignement scolaire obligatoire annuel pour un élève inscrit dans le cycle élémentaire est de 905 heures au Portugal, contre seulement 766 heures en moyenne dans l'Union européenne et 865 heures en France.

Évolution du nombre d'heures d'instruction annuelles obligatoires
dans l'enseignement élémentaire

Source : Commission des finances d'après l'OCDE

En revanche, le nombre d'heures d'instruction obligatoire est légèrement inférieur à la moyenne européenne dans le premier cycle secondaire. Le nombre d'heures d'instruction obligatoires dans le premier cycle secondaire est de 835 heures par an au Portugal, contre 886 heures en moyenne dans l'Union européenne et 958 heures en France.

b) Une réduction drastique des taux de décrochage

Le retard du Portugal en matière d'accès à l'éducation n'était pas encore complètement résorbé au début du XXI e siècle. En 2002, 45 % des élèves portugais étaient en situation de décrochage scolaire , contre 17 % en moyenne dans l'Union européenne.

La massification scolaire a permis de diviser par trois le taux de décrochage scolaire sur les dix dernières années. En 2010, 28,3 % des 18-24 ans quittaient prématurément le système éducatif. Grâce à des réformes d'ampleur et une accélération du rattrapage au cours de la dernière décennie, ce taux sera réduit à seulement 8,9 % en 2020 et 6 % en 2021 , soit un taux de décrochage scolaire inférieur à celui observable en France. À titre de comparaison, la France comptait 8,2 % de décrocheurs scolaires en 2020.

2. Des résultats PISA « historiquement » en hausse...

Le succès des réformes est également visible s'agissant des performances scolaires des élèves portugais. L'OCDE qualifie ces performances d'« historiques » 57 ( * ) : entre 2012 et 2015, le Portugal est passé de la 31 ème place du classement international PISA à la 22 ème place . La France passait quant à elle de la 26 ème à la 27 ème place sur la même période.

La progression des résultats du Portugal est forte dans toutes les matières évaluées dans les classements PISA entre 2006 et 2009, puis se stabilise entre 2009 et 2018. Le Portugal reste parmi les pays ayant connu la plus forte évolution positive depuis le début des années 2000 : selon la DEPP, « lorsque l'on calcule sur une période de temps longue, le Portugal est l'un des rares pays avec une trajectoire positive de progrès dans les trois matières » 58 ( * ) .

Évolution des performances du Portugal en compréhension écrite, mathématiques et sciences dans les classements PISA

Lecture Mathématiques Sciences

En bleu : moyenne de l'OCDE. En rouge : Portugal. En noir : tendance pour le Portugal

Source : PISA 2018

D'après l'ambassade française à Lisbonne entendue par le rapporteur spécial, ces progrès sont notamment le fruit de plusieurs programmes portant notamment sur la maîtrise des savoirs fondamentaux , tels que le programme du réseau des bibliothèques scolaires en 1996, trois programmes pour les territoires d'éducation d'intervention prioritaire (TEIP) depuis 1996, le plan national de l'enseignement du portugais de 2006 à 2010 et le plan d'action pour les mathématiques de 2006 à 2009. En 2018, l'OCDE saluait l'établissement par le Portugal d'un « plan stratégique cohérent » et indique que « le Portugal a fait le choix d'une approche stratégique solide de réforme du système éducatif », au travers de « consultations, de débats et de communications », qualifiés de « bien réalisés et réussis » 59 ( * ) .

3. ... corrélés à un fort investissement public dans l'éducation

La hausse rapide du niveau est aussi la traduction de choix budgétaires forts . Les dépenses d'éducation portugaises connaissent une évolution positive à partir de 1972, presque sans interruption jusqu'à la crise économique de 2008-2009. En 2002 la dépense publique d'éducation atteignait 5,4 % du PIB .

Évolution de la dépense publique d'éducation portugaise

(en % du PIB)

Source : commission des finances d'après l'Unesco

À la suite de la crise financière, les dépenses d'éducation se sont fortement contractées, puis sont reparties à la hausse après 2014, pour atteindre 3,8 % du PIB en 2018 60 ( * ) . Le Portugal est le troisième pays européen en matière de dépenses scolaires rapportées au PIB , derrière la Suède et la Belgique, et se place désormais juste devant la France, dont les dépenses s'élevaient à 3,7 % du PIB en 2018.

Ces dépenses ont permis de financer plusieurs plans nationaux ( cf. supra ) pour l'innovation pédagogique, la lutte contre le décrochage scolaire, l'amélioration des apprentissages des fondamentaux et contre les inégalités scolaires.

Le précédent ministre de l'éducation, Tiago Brandão Rodrigues, avait annoncé au début de l'année 2022 que les dépenses en éducation allaient à nouveau augmenter pour atteindre 7,8 milliards d'euros en 2022 . Ces nouveaux investissements permettront notamment de financer le plan de rattrapage des 21/23 Escola + lancé en juin 2021 pour rattraper le retard pris sur les apprentissages lors de la crise sanitaire et dont le coût est estimé à plus de 900 millions d'euros.

B. QUELLE SITUATION MATÉRIELLE DES ENSEIGNANTS PORTUGAIS ? DES RÉMUNÉRATIONS AVANTAGEUSES

1. Des niveaux de rémunération des enseignants portugais très supérieurs à la moyenne européenne
a) Une hausse des salaires enseignants au début des années 2000 interrompue au cours de la décennie suivante

Le salaire des enseignants portugais connaît une hausse constante et significative depuis 1989 . Le salaire net de base d'un enseignant au Portugal s'élevait ainsi à seulement 467,9 euros par mois en 1989, contre 1 018,5 euros en 2009 et 1 021,5 euros en 2021 61 ( * ) .

Cette trajectoire a cependant été brutalement interrompue par la crise financière de 2008 : le salaire statutaire des enseignants a alors chuté de près de 20 % pour la seule année scolaire 2011/2012 . L'ensemble des salaires de la fonction publique ont ensuite été gelés jusqu'en 2019.

Une réduction drastique et conjoncturelle de la rémunération
des enseignants portugais en 2011

Le projet de loi de finances pour 2011 portugais prévoyait une réduction progressive de 3,5 % à 10 % des salaires pour les employés de la fonction publique dont les salaires dépassent 1 500 euros nets par mois. Les jeunes enseignants dont la rémunération est inférieure à 1 500 euros nets par mois sont pour leur part moins touchés par la décision budgétaire, qui a particulièrement concerné les enseignants en fin de carrière.

De plus, le paiement du 14 ème mois pour 2011 est diminué de 50 %. L'année suivante, les enseignants ne percevront pas de 13 ème ni de 14 ème mois.

À l'heure actuelle et comme l'indique le graphique ci-dessous, le salaire statutaire des enseignants au Portugal n'a toujours pas retrouvé le niveau des salaires de 2010 . Ce constat vaut tout autant pour le premier que pour le second degré.

Évolution des salaires statutaires des enseignants portugais ayant 15 ans d'ancienneté entre 2009 et 2020

Indice de variation (2010 = 100)

Source : Commission des finances d'après la DEPP et l'OCDE

Si, à l'échelle de l'Union européenne, le Portugal n'a pas été le seul État à mettre en place une baisse de traitement des enseignants pendant la crise financière, le Portugal se caractérise par une reprise beaucoup plus lente. Le salaire statutaire moyen des enseignants européens a quant à lui retrouvé son niveau de 2009 depuis 2014.

b) Des niveaux de rémunération élevés par rapport à la France

En moyenne, les enseignants du primaire et du premier cycle du secondaire sont rémunérés 29 356 euros par an et les enseignants de la maternelle et du second cycle secondaire sont rémunérés 31 975 euros par an .

Rémunération moyenne annuelle des enseignants portugais

(en euros)

Source : commission des finances d'après Eurydice

Tout comme la France, le Portugal fait partie des pays qui augmentent les salaires des enseignants principalement en fin de carrière.

Comparaison du salaire statutaire des enseignants entre la France et le Portugal en 2019-2020 en parité de pouvoir d'achat

(en dollars US PPA)

Élémentaire

Premier cycle du secondaire

Salaire débutant

Salaire après 15 ans d'expérience

Salaire en haut de l'échelle

Salaire débutant

Salaire après 15 ans d'expérience

Salaire en haut de l'échelle

France

31 803

39 049

56 009

34 833

42 079

59 340

Portugal

34 701

44 802

74 902

34 701

44 802

74 902

Moyenne UE-22

35 220

48 015

58 530

36 587

50 226

61 412

Différence France /

Portugal

- 2 898

- 5 753

- 18 893

132

- 2 723

- 15 562

Source : Commission des finances d'après l'OCDE

Principal enseignement de la comparaison, les salaires statutaires des enseignants au Portugal sont supérieurs aux salaires en France à tous les stades de leur carrière , à l'exception du salaire des enseignants débutants au niveau collège 62 ( * ) . En parité de pouvoir d'achat, l'écart de rémunération annuelle selon les données de l'OCDE, entre un enseignant français et un enseignant portugais atteint 18 893 dollars de rémunération supplémentaire dans l'élémentaire en fin de carrière et à 15 562 dollars de rémunération supplémentaire annuelle pour le premier cycle du secondaire.

Autre particularité au niveau européen, les enseignants portugais en maternelle sont mieux rémunérés que ceux enseignant à des niveaux supérieurs . Les salaires pratiqués au Portugal sont ainsi identiques pour les enseignants de maternelle et du deuxième cycle secondaire.

En outre, la progression des salaires est plus rapide au Portugal . Le salaire des enseignants augmente ainsi de 115,9 % entre le salaire débutant et le dernier échelon, contre 76 % en France . Cela entraîne mécaniquement un creusement des différences de salaires entre les deux pays au cours de la carrière.

Au-delà des rémunérations en valeur absolue ou par rapport au PIB, l'aspect le plus significatif de la comparaison est qu' à la différence de leurs homologues français ou allemands, les salaires effectifs des enseignants portugais sont en moyenne très supérieurs à ceux des actifs diplômés de l'enseignement supérieur .

Pour l'année 2019-2020, le salaire effectif moyen des enseignants au Portugal est supérieur de 33 à 48 points à la moyenne du revenu des actifs diplômés de l'enseignement supérieur dans le pays , selon le niveau d'enseignement. A contrario , en France et dans les pays de l'UE-22 en moyenne, le salaire des enseignants est inférieur à celui des actifs diplômés, et ce tous niveaux d'enseignement confondus. Dès lors, le constat des difficultés persistantes de recrutement des enseignants au Portugal ( cf. infra ) n'apparaît pas lié à la concurrence avec les rémunérations ayant cours dans le secteur privé , contrairement aux explications souvent avancées dans le cas français.

Comparaison du salaire effectif moyen des enseignants rapporté aux revenus du travail des actifs diplômés de l'enseignement supérieur, 2019-2020

(100 % = revenu des actifs diplômés)

Source : commission des finances d'après la DEPP et d'après l'OCDE, Regards sur l'éducation 2021

Les différences de rémunération des enseignants entre le Portugal et la France ne s'expliquent pas par une différence de service mais bien par des choix budgétaires.

En effet, le personnel enseignant portugais est tenu à un service total de 35 heures par semaine , enseignement et temps hors la classe confondus. Les enseignants portugais dédient en moyenne 22 heures de leur emploi du temps à l'enseignement en classe et 13 heures au travail individuel, aux tâches administratives ou au lien avec les familles . Au fur et à mesure que les enseignants avancent dans leur carrière, le nombre d'heures qu'ils dédient à l'enseignement en classe diminue et le nombre d'heures qu'ils dédient aux activités extra-pédagogiques augmente.

2. Des spécificités s'agissant de la gestion de la carrière des enseignants
a) Une place laissée à l'établissement dans le recrutement des enseignants

Les enseignants portugais doivent avoir au minimum un diplôme de niveau master d'études supérieures en éducation, après avoir réussi une formation initiale d'enseignant proposée dans les écoles supérieures d'éducation (ESE) et les universités .

S'agissant du recrutement, le Portugal ne fonctionne pas suivant la logique de concours à l'oeuvre en France. Deux systèmes coexistent. D'une part, les enseignants portugais peuvent être recrutés par le système dit de « liste » de candidats. Les candidats à l'enseignement soumettent leurs candidatures à l'autorité éducative nationale, qui les classe selon les notes obtenues au diplôme, la durée du service d'enseignement et la mention de l'évaluation des performances d'enseignement puis les affecte à un établissement.

D'autre part, les établissements sont également libres de recourir à des recrutements dits « ouverts » pour pourvoir des postes temporaires ou recruter des spécialistes dans un domaine particulier, à condition qu'il n'y ait plus aucun candidat sur la liste de candidats. Les établissements sont alors libres de recruter les profils qu'ils souhaitent.

b) L'impact de l'évaluation des enseignants sur l'évolution de la carrière

Contrairement à la France, où l'évaluation des enseignants permet de valider la progression salariale de la carrière, elle peut au Portugal directement donner lieu à une bonification de la rémunération . Plus précisément, l'évaluation des enseignants peut donner lieu à une dérogation, qui permet aux enseignants d'accéder à une augmentation salariale plus rapidement ou à un salaire mensuel supplémentaire. Cette possibilité n'est ouverte que lorsque leur performance est qualifiée de « très bonne » ou d'« excellente » lors de deux évaluations consécutives .

Il s'agit d'une innovation relativement récente, puisqu'elle n'a été mise en place qu'en 2007 . Elle est réalisée tous les quatre ans par les pairs et prend en compte les normes d'enseignement, les critères et les instruments d'évaluation, et les conséquences sur la progression de la carrière.

Si le rapporteur spécial considère cet usage de l'évaluation comme intéressant dans le cas français, il souligne qu'il ne doit pas conduire à oublier la diversité des classes et des situations auxquelles font face les enseignants selon les niveaux et les établissements.

c) Une prise en compte souhaitable de la formation continue dans l'avancement de la carrière

À la différence de l'Allemagne, où la formation continue est très lacunaire, et de la France où le rapporteur spécial a fréquemment indiqué qu'elle était largement insuffisante, le Portugal se caractérise par une large place laissée à la formation continue des enseignants . Celle-ci est régulièrement évaluée et valorisée dans la progression de carrière des enseignants.

La formation continue fait l'objet d'une planification au niveau national par le Conseil scientifique et pédagogique de la formation continue (CCPFC). Le Portugal distingue d'une part les formations à des fins d'évaluation, qui comptent pour 20 % de l'évaluation finale de l'enseignant ; et d'autre part les formations obligatoires à des fins de progression dans la carrière .

Un enseignant a ainsi l'obligation de suivre au moins 25 heures de formation dans la cinquième année et au minimum 50 heures au cours des étapes suivantes de sa carrière. Dans ce cadre, il est exigé que la formation continue porte au moins à 50 % sur la dimension scientifique et pédagogique .

Le rapporteur spécial considère que la valorisation de la formation continue dans la carrière des enseignants constitue un véritable exemple dans le cas français, au vu des limites françaises dans ce domaine exposées plus haut. Cela implique toutefois de s'assurer de l'adéquation des formations proposées avec les problématiques des enseignants , sous peine de vider l'obligation de formation de son intérêt.

d) Malgré une rémunération supérieure à la moyenne des actifs, le défi de l'attractivité des enseignants, signe d'un métier en crise

Malgré les fortes rémunérations dont bénéficient les professeurs, le Portugal n'échappe pas au phénomène de pénurie des enseignants qui touche l'ensemble de l'Europe. Le nombre d'enseignants a fortement baissé au cours de la dernière décennie 63 ( * ) en raison du vieillissement du corps enseignant et du déficit de recrutements, phénomène accentué par la crise économique.

Évolution du nombre d'enseignants dans le premier degré au Portugal

(en milliers)

Source : Banque mondiale d'après l'Unesco

La pénurie des enseignants risque encore de s'aggraver dans les années à venir. En 2018, le Portugal comptait la plus petite proportion d'enseignants débutants des pays de l'OCDE, avec seulement 3 % de débutants , contre 19 % en moyenne parmi les États membres. Au regard du vieillissement du corps enseignant, 30 000 départs à la retraite sont à anticiper d'ici 2030, ce qui représente 20 % du contingent total des 150 000 enseignants en poste . Pour que les écoles ne manquent pas d'enseignants au cours des prochaines années, 34 500 recrutements seraient à prévoir.

L'OCDE relève que les établissements portugais signalent un manque de personnel plus important que la moyenne des pays de l'OCDE en 2018 64 ( * ) , et ce dans les établissements favorisés comme défavorisés. Le rapporteur spécial souligne que ce constat est extrêmement inquiétant. Dès lors que la rémunération des enseignants ne semble pas être un frein au recrutement, dans la mesure où être enseignant au Portugal garantit un pouvoir d'achat supérieur à la moyenne, les raisons du manque d'attractivité du métier ne peuvent être que profondes . En d'autres termes, si la rémunération peut être un facteur explicatif de la pénurie des enseignants en Europe, cela ne saurait être le seul, puisque les pays où les salaires enseignants sont élevés sont confrontés aux mêmes difficultés.

Toute gestion prévisionnelle des ressources humaines en matière d'éducation doit impérativement tenir compte de cette crise européenne du métier, sous peine d'aboutir à une impasse dans le recrutement des prochaines générations d'enseignants.

C. DES INITIATIVES ORIGINALES EN TERMES D'ORGANISATION DU SYSTÈME SCOLAIRE

Plusieurs particularités du système scolaire portugais constituent selon le rapporteur spécial des orientations intéressantes pour l'Éducation nationale française, en particulier s'agissant de l'autonomie croissante laissée aux établissements scolaires.

1. Un dispositif intéressant : la mise en place des « cités » scolaires

Le Portugal a mis en place depuis 2006 une importante réforme de réorganisation du réseau des écoles publiques . Celle-ci vise à regrouper des établissements scolaires de niveaux différents de la maternelle au secondaire sous une direction centralisée sous forme de « clusters d'établissements » ou « cités scolaires » Agrupamentos de Escolas » en portugais). Il en existe aujourd'hui plus de 800.

Le premier objectif de ces regroupements scolaires est de faciliter la transition entre les différents niveaux d'enseignement. Ils visaient également à favoriser une plus grande collaboration entre les enseignants, à améliorer l'organisation du travail et à offrir de plus grandes possibilités d'apprentissage aux élèves en permettant par exemple la poursuite d'options tout au long de la scolarité.

La création des cités scolaires a également permis une réorganisation plus large de l'implantation territoriale des établissements scolaires. L'État a fermé des écoles isolées dont l'état du bâti ou les taux de réussite étaient inférieurs aux moyennes nationales et au « cluster » dont elles faisaient partie. Les élèves de ces écoles ont été transférés dans des écoles plus grandes, souvent nouvellement construites.

Les cités scolaires permettent également de limiter les coûts de structure en mutualisant notamment les fonctions dites « support ». Le rapporteur spécial souligne donc l'intérêt de ce type de système qui devrait constituer un support de réflexion dans le cas français.

L'élection des chefs d'établissement

Les chefs d'établissement ne sont pas désignés mais élus par une assemblée générale au niveau de chaque cité scolaire ou de chaque école . Le mandat est de quatre ans, renouvelable une fois. Le directeur est ensuite chargé de représenter le groupement scolaire ou l'école.

Cette assemblée est constituée de représentants élus, d'enseignants, de personnels, d'élèves et d'acteurs locaux.

Le chef de la cité éducative peut ensuite choisir ses adjoints ainsi que d'éventuels coordinateurs, pour les écoles de plus de 250 élèves, parmi les enseignants du groupement.

2. Une spécificité du système scolaire portugais : la forte autonomie des établissements scolaires

Le système scolaire portugais se caractérise par une tendance croissante au renforcement de l'autonomie des établissements , en particulier dans le cadre de ces cités scolaires. Selon la formulation d'un rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale 65 ( * ) , « dès la fin des années 1990, le nouveau modèle d'établissements autonomes se fondait sur le paradigme de la territorialisation des politiques éducatives ». Cette orientation a été poursuivie après 2012 dans le cadre des cités éducatives.

Un nouveau seuil d'autonomisation a été atteint en 2017, en axant sur les adaptations pédagogiques au niveau de l'établissement. Cette réforme prévoit notamment une « flexibilité des cursus » : chaque établissement peut désormais décider librement de l'utilisation de ses heures, hors portugais et mathématiques, dans la limite de 25 % des horaires définis nationalement. Une expérimentation en cours va plus loin et donne à ce jour à huit cités éducatives pilotes, une liberté totale en matière pédagogique . Le rapport mentionné ci-dessus cite ainsi l'exemple d'une école publique travaillant maintenant sans classes de niveau.

La réforme de 2017 permet également aux groupements d'établissements une certaine latitude d'organisation des emplois du temps, par exemple la possibilité de semestrialiser les enseignements, de moduler le temps sur l'année, voire de moduler les horaires selon les disciplines.

En outre, les établissements peuvent librement choisir les critères comptant pour moitié dans la note de fin de scolarité au collège , qui conditionne, avec un examen supplémentaire, le passage dans le secondaire supérieur.

Le rapporteur spécial souligne là encore l'intérêt que peut avoir le suivi de ces réformes, encore récentes pour la plupart, voire en cours d'expérimentation.

3. Un accent mis sur l'évaluation des établissements

Au Portugal, depuis 2002 , l'évaluation des écoles publiques et privées se fait par le biais d'une évaluation interne (auto-évaluation par de l'école) et d'une évaluation externe par l'inspection générale de l'Éducation (IGEC), elle-même basée sur l'auto-évaluation.

Trois organes sont chargés de l'évaluation interne : le conseil général de l'école, le chef d'établissement et le conseil pédagogique. Leurs conclusions sont reprises dans un rapport d'auto-évaluation de l'école, document interne qui contient une évaluation du degré de réussite du projet éducatif de l'école, des activités entreprises, de l'organisation et de la gestion de l'établissement, des résultats scolaires et de la provision de services éducatifs.

En parallèle de l'autoévaluation, une évaluation régulière des établissements scolaires a été introduite en 2006, chaque établissement étant évalué tous les cinq ans. Les deux premiers cycles ont eu lieu en 2006-2011 et 2011-2017.

Cette démarche rejoint celle qui est en cours de mise en place en France, et dont le rapporteur spécial a souligné à plusieurs reprises l'intérêt . Le Conseil d'évaluation de l'école (CEE), créé en 2019, est désormais chargé de l'évaluation des établissements. Le ministère avait indiqué aux recteurs de programmer l' évaluation de 20 % des établissements par année scolaire, soit environ 2 000 établissements du second degré par an, afin de viser l'évaluation de tous les établissements tous les cinq ans, soit un dispositif identique à celui préexistant au Portugal. Le rapporteur spécial sera attentif à ce que ces objectif soient tenus, ce qui permettra de combler un angle mort des évaluations et de laissera à chaque chef d'établissement la possibilité de pouvoir se comparer à des établissements possédants les mêmes caractéristiques. Ce faisant, il sera possible de mesurer la valeur ajoutée de chaque établissement. La dimension auto-évaluative gagnerait à être approfondie dans le cas français, à l'image de ce qui a cours au Portugal.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juin 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons à présent entendre une communication de notre collègue Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », sur la comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Nous avons plusieurs constats sur ce sujet au coeur de l'actualité. Premièrement, nos enseignants sont plutôt mal rémunérés par rapport aux moyennes européennes ; c'est peut-être une explication, même si elle n'est pas suffisante, des difficultés de recrutement. Deuxièmement, le mode de rémunération des enseignants français fait une part très large à l'ancienneté et au diplôme d'entrée : les différences entre professeurs certifiés et agrégés sont significatives, et elles durent toute la carrière. Troisièmement, on ne prend pas suffisamment en compte l'extrême diversité géographique : un même salaire ne correspond pas partout au même pouvoir d'achat.

L'enseignement est un secteur où le lien entre la demande et l'offre de formation n'a aucune conséquence en termes de rémunération. Il y a une forte concurrence du secteur privé dans les disciplines scientifiques et, parfois, dans les langues pour attirer de jeunes diplômés. Pour un licencié en mathématiques, devenir professeur n'offre pas les mêmes perspectives salariales qu'intégrer une entreprise d'informatique.

Je rends hommage à l'ancien ministre Jean-Michel Blanquer pour s'être soucié voilà quelques années du niveau de rémunération des jeunes enseignants débutants installés dans des secteurs difficiles.

Tous les pays d'Europe ont le même problème que nous. Recruter des enseignants est une difficulté dans tous les pays développés, à l'exception des pays asiatiques, mais où les enfants subissent une pression à la réussite scolaire extrêmement forte. Il y a les mêmes problèmes de recrutement en Europe et aux États-Unis. Les besoins ne sont pas satisfaits, y compris en Allemagne.

La France consacre 3,4 % de son PIB aux dépenses publiques d'enseignement, contre 2,6 % en Allemagne. Pour autant, les enseignants allemands sont beaucoup mieux payés que les nôtres. Cela tient à des frais de structures plus élevés en France, pour des raisons liées en grande partie à la démographie et à la répartition géographique. Nous avons d'ailleurs une responsabilité en tant qu'élus, puisque nous défendons les établissements existants. Or, en moyenne, les établissements scolaires en Allemagne sont deux fois plus grands que les établissements français, ce qui diminue les frais de structure.

Les situations des enseignants en Europe se rapprochent, notamment s'agissant de leur niveau de qualification. Seulement 5 % d'entre eux n'ont que le baccalauréat quand 55 % ont un master. Mais ce ne sont pas nécessairement les mêmes masters. En France, nous avons des masters essentiellement disciplinaires ; dans d'autres pays, il y a des masters à la fois de discipline et d'enseignement, où le futur professeur est formé à la pédagogie et à la maîtrise de la classe.

L'âge d'entrée dans le métier a augmenté. Les enseignants débutants du primaire et du secondaire sont en moyenne quatre ans plus vieux que ceux d'il y a quinze ans. Cela pose toute une série de problèmes en termes de satisfaction personnelle et d'organisation de la vie.

Il y a des écarts significatifs de rémunération dans l'espace européen. Les moyennes de rémunération annuelle sont plutôt autour de 35 000 euros, soit plus qu'en France.

Les systèmes de carrière sont assez différents. Le modèle français, c'est-à-dire la prime à l'ancienneté, a le mérite de fidéliser les enseignants et l'inconvénient de décourager ceux que l'on appelle les « jeunes enseignants », mais qui ne sont plus forcément des jeunes gens, puisqu'ils ont commencé à travailler assez tard. Les salaires de début sont assez faibles, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres pays. Je vous renvoie aux éléments qui figurent dans le rapport écrit. Il faudrait avoir le courage de se demander si nous avons la meilleure politique.

L'immense majorité des pays européens accordent de plus en plus leur confiance aux dispositifs d'évaluation à l'échelle des établissements d'enseignement. L'évaluation des professeurs est effectuée dans le cadre de l'établissement, souvent par les collègues, avec - c'est très intéressant - une part d'autoévaluation, et en tenant compte du temps consacré à la formation, pouvant déboucher soit sur une rémunération, soit sur une promotion, soit sur les deux.

En France, nous avons la particularité d'ignorer la collectivité enseignante, sauf dans les écoles sous contrat, où les conceptions sont différentes et les résultats souvent meilleurs. Le professeur est isolé, et l'accompagnement dont il bénéficie au cours de sa première année cesse trop rapidement ; dans l'immense majorité des autres pays, il existe au sein de l'établissement un tutorat ou un mentorat pouvant s'étendre sur les trois premières années d'activité professionnelle.

Nous avons donc un chantier à explorer, en lien évidemment avec la commission des affaires culturelles. Les conséquences budgétaires sont considérables. Il faudrait se poser la question de l'organisation du travail. Dans la plupart des pays où ils sont mieux payés, les enseignants ont moins d'heures de cours, mais beaucoup plus d'heures de présence dans l'établissement, avec des activités très différentes : surveillance de devoirs, conseil aux familles et aux élèves, etc. Dans ces pays, les établissements sont mieux organisés pour offrir un cadre de travail individuel et collectif aux enseignants.

Nous devons donc nous poser des questions de fond. La commission des finances le fait à partir de préoccupations budgétaires, mais la productivité du système est la clé de l'avenir de l'éducation nationale. Nous avons 93 % de dépenses de salaires. Si l'organisation du travail est mauvaise, mal encadrée, le système continuera d'être peu satisfaisant, avec des classements PISA désobligeants pour un grand pays comme le nôtre.

Il serait bien de nous inscrire dans la continuité d'une longue histoire en matière éducative - je salue la mémoire de René Monory - plutôt que d'être réduits à rivaliser avec la Slovénie et la Slovaquie, pays certes intéressants, mais qui sont en train de nous doubler.

Je souhaite continuer à travailler sur le sujet, et je vous invite à faire de même. Il y a tout de même 60 milliards d'euros en jeu. Pour réaliser des économies, il faudrait avoir un système productif efficace, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie notre collègue Gérard Longuet de son travail. Le sujet est effectivement au coeur de l'actualité et des préoccupations de chacun.

Disposons-nous de statistiques sur la durée moyenne entre l'entrée dans la carrière et la sortie ? Observe-t-on une tendance à la réduction de la durée d'exercice du métier d'enseignant ? Si oui, cela touche-t-il principalement les jeunes venant de terminer leur cursus universitaire ou également des personnels plus expérimentés ?

Si la rémunération des enseignants relève de l'Éducation nationale, le financement des écoles primaires, des collèges et des lycées est assuré, respectivement, par les communes ou leurs groupements, par les départements et par les régions. À mon sens, en plus du sentiment d'isolement dont souffrent les enseignants, sont soulevées aussi des questions sur ces modes de financement et la décentralisation.

Il faut par exemple des mètres carrés supplémentaires pour accueillir les activités périscolaires, la cantine, le sport, etc. L'État a tendance à buter sur le regroupement et à encourager des fermetures sur des unités considérées comme trop petites, compte tenu de l'éparpillement des communes.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Les questions que vous abordez sont essentielles. Si les démissions sont marginales, leur augmentation est spectaculaire ; elles ont quadruplé, voire quintuplé dans le secteur public. Il faudrait faire des comparaisons à l'échelon européen, par exemple avec des pays où les logiques de carrières sont différentes, comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Nous sommes sans doute le seul pays d'Europe à avoir un tel système. La France a fait le choix de la carrière au sein de la fonction publique, avec une retraite avantageuse, mais des salaires de départ plus bas. Or les enseignants débutants ont souvent un âge déjà avancé. Jadis, l'instituteur n'était pas bachelier et commençait à enseigner à 18 ans ou 20 ans. Aujourd'hui, les jeunes enseignants ont cinq ans, six ans ou sept ans de plus, avec évidemment des exigences en termes de revenus plus élevées. Pour l'instant, le système de la carrière, que nous avons choisi, fonctionne, mais je ne suis pas certain que ce soit le seul possible, notamment dans l'enseignement professionnel.

Je vous rejoins sur le sentiment d'isolement. L'établissement public est un peu une illusion. D'aucuns disent, sur le ton de la boutade, que l'éducation nationale est la première des professions libérales dans notre pays. Cela reste en partie vrai. La contrepartie, c'est l'isolement que l'enseignant ressent dans son établissement, faute de travail collectif et de relations avec la hiérarchie. Les statistiques montrent que les enseignants se sentent plus mal-aimés qu'ils ne le sont en réalité.

Le mode de financement des bâtiments est sans doute le problème le plus difficile à régler. Notre densité est l'une des plus faibles d'Europe. Nous ne pouvons pas regrouper facilement. Sans doute ne faut-il pas le faire à tout prix. En milieu rural, l'école communale est souvent devenue l'école de l'intercommunalité, avec des bâtiments assez bien adaptés. Mais il manque des mètres carrés pour donner envie aux enseignants de rester dans leur bureau. Je pense que les collectivités locales seraient partantes en échange d'une certaine responsabilité sur l'établissement et de la possibilité de donner leur point de vue sur la pédagogie. Le Président de la République avait exprimé cette idée avant le premier tour de l'élection présidentielle. Je ne l'entends plus en parler. Mais je ne désespère pas...

M. Antoine Lefèvre . - La situation du métier d'enseignant est effectivement difficile à appréhender. On a toujours tendance à en avoir une mauvaise perception, notamment sur le temps de travail. Le rapport est très éclairant. Le fait qu'il y ait eu en 2022 moins de candidats à certains concours de l'enseignement que de postes à pourvoir illustre le manque d'attractivité.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - En une dizaine d'années, nous avons perdu quelque 20 000 candidats aux concours.

M. Antoine Lefèvre . - Il faudrait également s'interroger sur les problèmes disciplinaires et les actes de violence des élèves et des parents vis-à-vis des enseignants.

Des campagnes de communication pourraient-elles être mises en oeuvre pour renforcer l'attractivité du métier ?

M. Roger Karoutchi . - J'ai l'impression d'entendre les mêmes choses depuis que j'ai quitté l'enseignement, voilà vingt-neuf ans. Mais je crois sincèrement que l'on ne changera pas le statut des enseignants tant que l'on ne construira pas les établissements scolaires différemment. Il n'est pas possible de travailler sereinement dans une salle des profs à côté de soixante-dix personnes ! Il faut changer complètement le rapport entre l'État et les collectivités locales sur la construction des établissements scolaires.

Avoir moins d'enseignants permettrait peut-être de relever le niveau. Il n'est pas admissible d'organiser des entretiens de trente minutes ou quarante minutes pour décider qui pourra enseigner à la rentrée prochaine.

Peut-on envisager la préparation d'un texte avec le ministère de l'Éducation nationale, en lien avec les associations représentatives des municipalités, des départements et des régions, pour changer globalement la donne ? Aujourd'hui, le niveau des concours de recrutement est lamentable, et il n'y a pas de formation pédagogique derrière.

M. Vincent Delahaye . - On retrouve dans l'école les problèmes de l'hôpital : malgré des moyens très importants, les gens sont mal rémunérés et peu motivés. Je pense qu'il faut déconcentrer le système, réduire le volet administration et tenir compte des différences territoriales.

J'aime bien les comparaisons, à condition de comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire en tenant compte du temps de travail, de la durée des carrières et du PIB par habitant. Le PIB par habitant étant supérieur de 10 % en Allemagne, il est normal que les enseignants puissent être mieux payés outre-Rhin. Je me suis rendu en Finlande, et j'avais beaucoup apprécié ce qui s'y pratiquait en matière d'éducation. Peut-être pourrions-nous nous en inspirer...

M. Dominique de Legge . - Pourriez-vous nous apporter quelques éléments chiffrés sur la durée, hebdomadaire ou mensuelle, du travail des enseignants dans les autres pays ? Auriez-vous un ratio sur la part des effectifs de l'éducation nationale qui assurent une présence auprès des élèves ? Avez-vous observé un lien entre le déficit des effectifs et la rémunération des personnels ?

Nous nous inquiétons de voir les enseignants démissionner, mais le phénomène existe aussi dans l'armée. En tant qu'ancien ministre de la défense, pensez-vous que l'on puisse envisager toute une carrière au sein de l'éducation nationale ? La solution n'est-elle pas d'organiser la mobilité au lieu de la subir en la déplorant ?

Disposez-vous d'éléments qui illustreraient des différences entre l'enseignement public et l'enseignement privé ?

M. Marc Laménie . - Je salue l'expertise et la passion de notre collègue Gérard Longuet.

Le budget de l'éducation nationale est le premier de l'État. Mais, au-delà de la dimension financière, il faut souligner l'agressivité des élèves vis-à-vis des enseignants ou des parents qui viennent expliquer aux professionnels comment il faudrait faire cours. En plus, les professeurs sont soumis à de multiples procédures.

Jadis, pour susciter les vocations - vous me pardonnerez ce moment de nostalgie -, il y avait le concours d'entrée à l'école normale. Les postes étaient pourvus, et le métier était attractif. Ne pourrait-on pas envisager de revenir à un tel système ?

Quel est le salaire de début de carrière d'un enseignant en France ?

M. Bernard Delcros . - Les comparaisons entre les pays sont toujours très intéressantes, mais je me méfie des moyennes.

Être enseignant suppose des compétences à la fois académiques, dans une discipline spécifique, mais également pédagogiques. Or, au fil du temps, le volet pédagogique de la formation des enseignants, pourtant essentiel, a été fortement réduit. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait réintroduire cette dimension ?

En outre, ne faudrait-il pas faire machine arrière sur le recrutement de plus en plus important de vacataires et de contractuels et véritablement former des enseignants, avec un modèle plus en adéquation avec les besoins du métier ?

La rémunération diffère selon les diplômes : un professeur certifié est moins bien payé et fait plus d'heures qu'un agrégé, alors que c'est le même travail, avec les mêmes élèves. Ne faudrait-il pas la fixer selon la fonction occupée, et non selon un diplôme obtenu vingt ans ou trente ans plus tôt ? Quel serait à vos yeux le niveau de salaire convenable pour un professeur certifié débutant ?

M. Vincent Segouin . - Si les enseignants français sont moins bien payés que leurs homologues allemands alors que notre pays consacre une part plus importante de son PIB à l'éducation nationale, c'est que les effectifs doivent être plus nombreux. A-t-on un indice du nombre de personnels en relation avec les élèves ? Quel est le nombre d'équivalents temps plein travaillé par rapport au nombre d'élèves ?

M. Jean-François Rapin . - Est-on capable d'évaluer ce que le numérique a apporté dans l'instruction de nos plus jeunes citoyens durant les confinements ? Est-ce une pratique à développer dans les déserts d'instruction ?

Mme Christine Lavarde . - Face aux difficultés de recrutement, tandis que l'enseignement public met en place du job dating pour recruter des professeurs, l'enseignement catholique demande aux parents d'élèves si certains sont intéressés par une reconversion professionnelle et assure la formation de ces nouveaux enseignants. L'une de ces méthodes de recrutement fait-elle plus ses preuves que l'autre ?

Sachant que la rémunération dépend des diplômes, sur quelle base rémunère-t-on les nouveaux enseignants ne disposant pas des diplômes qui étaient à l'origine nécessaires pour exercer une telle profession ?

M. Sébastien Meurant . - Comment s'effectuent les affectations ? Nous sommes souvent appelés par des enseignants qui ne savent pas où ils seront affectés.

M. Claude Raynal , président . - Si vos recommandations s'intègrent globalement dans un rapport financier, votre présentation déborde très largement de ce cadre. Un travail de réorganisation en amont s'impose, faute de quoi l'effet des mesures budgétaires resterait marginal. De même, il ne sert à rien d'augmenter les surfaces des établissements scolaires en gardant les mêmes modes de fonctionnement.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - La bonne question est effectivement celle de l'articulation entre les commissions spécialisées et la commission des finances. Le coût de l'éducation nationale est essentiellement un coût salarial. Nous devons nous demander si les gens travaillent dans des conditions leur permettant de produire des résultats comparables à ceux d'autres systèmes. Notre réflexion est à l'échelon européen. L'OCDE a fait un énorme effort de comparaison.

Que voulons-nous ? Des jeunes formés pour réussir leur vie. Quel système le permet ? Ma conviction est que sans une reconnaissance de l'établissement, sans une très forte décentralisation et sans l'implication d'adultes responsables, à commencer par les élus locaux, l'enseignement ne peut pas marcher. Le modèle idyllique de la III e République est aujourd'hui irréaliste et absurde. Ce sont les élus, les parents, les enseignants et, accessoirement, les élèves qu'il faut rendre un peu plus responsables.

L'OCDE établit un indice du climat disciplinaire à l'école : seuls l'Argentine et le Brésil ont un indice plus défavorable que le nôtre ! Ce mauvais climat disciplinaire explique en grande partie l'hésitation des adultes à devenir enseignants dans le secteur public.

Madame Lavarde, la force de l'enseignement libre sous contrat, catholique ou non, tient à une forme de rente de situation - un peu comme celle dont les grandes surfaces ont bénéficié après la loi Royer.

Les accords qui ont conduit à la loi Debré prévoient 20 % de moyens publics au maximum pour le privé sous contrat. Or la demande est très forte, notamment en région parisienne, dans toute l'Île-de-France et dans les métropoles : partout où il y a des problèmes, les parents sont prêts à payer un peu plus pour scolariser leurs enfants dans l'enseignement libre - où les établissements ont plus de libertés, notamment dans le choix et la gestion des enseignants.

Dans ces conditions, les établissements privés sous contrat peuvent hausser le niveau, celui des enseignants comme celui des élèves. Au reste, quand on monte l'un, on monte aussi l'autre...

Résultat : l'enseignement privé, autrefois l'école de la deuxième chance, est aujourd'hui celle de la première chance, à la faveur de la rente de situation que l'État lui a accordée. Le jour où l'enseignement libre sous contrat verra ses effectifs augmenter, il sera obligé de s'intéresser enfin à des élèves qui posent des problèmes.

Le fait que les parents paient rejaillit aussi sur la discipline : celle-ci est beaucoup plus facile à tenir quand les parents sont impliqués dans l'éducation de leurs enfants. Il y a, certes, ceux qui paient pour s'en débarrasser, mais ce ne sont pas des parents...

La campagne de communication suggérée par M. Lefèvre est une excellente idée. Les gardiens de prison ont bien droit à une campagne de valorisation de leur métier. Et on mène des campagnes publiques dont on pourrait se passer ! Dire du bien des enseignants ne coûterait pas bien cher et porterait peut-être des fruits.

En effet, monsieur Karoutchi, tout ce que nous disons est connu depuis quarante ans. Seulement voilà : on a fait uniquement du quantitatif au lieu de s'intéresser aux problèmes qualitatifs - François Hollande a été exemplaire de cette erreur.

On construit des lycées avec des ambitions architecturales, mais qu'on ne peut pas entretenir parce que l'architecture est absurde. On conçoit des lycées avec une ouverture sur la pédagogie ou le travail collectif, en prévoyant un centre de documentation ou des bâtiments économes. Tout cela est fort bien, mais les plus mal traités sont les enseignants, alors que ce sont eux qui font tourner la boutique...

La formation pédagogique est essentielle. C'est une erreur d'envisager l'école comme l'université. À l'université, on a affaire à des adultes motivés pour apprendre : on peut donc faire un cours disciplinaire. Pour payer mes études, j'ai été professeur de français : parler du français à des gamins qui s'en moquent, c'est infernal... L'aptitude pédagogique est donc un prérequis. Pour enseigner des choses simples à des gens non motivés, il faut être très compétent.

Monsieur Delahaye, je suis d'accord avec votre comparaison avec l'hôpital. On a des structures, mais on ne réfléchit pas à leur finalité, et pas assez au rôle des personnels.

En ce qui concerne la Finlande, les professeurs y sont, en effet, un peu mieux payés que chez nous - 40 000 euros par an en moyenne. Le nombre d'élèves par classe est très inférieur à ce qu'il est en France, de l'ordre de la quinzaine. Surtout, la fraternité entre l'enseignant et les élèves est beaucoup plus forte. Les seconds respectent le premier, en sorte que celui-ci peut établir un lien avec chaque élève. En France, au contraire, le professeur est souvent en situation défensive : pour asseoir son autorité, il s'efforce de marquer sa différence, quitte parfois à dégrader l'élève. Dans les systèmes anglo-saxons, les enseignants motivent davantage les élèves et leur donnent confiance en eux.

J'ajoute, quitte à choquer, que la population finlandaise est relativement homogène et partage des valeurs communes. C'est déjà plus compliqué en Suède.

Monsieur de Legge, les études statistiques existent toutes. S'agissant du nombre d'heures par professeur, il est plus élevé en France - 900 heures par an - que dans la plupart des autres pays européens. Ces heures sont en revanche réparties sur moins de jours de classe : 160, contre 180 en moyenne européenne. Nos enseignants travaillent donc beaucoup devant leurs élèves et ont une moindre disponibilité pour le travail annexe, que, de surcroît, les bâtiments ne permettent pas.

Or ce travail est essentiel pour motiver les élèves. Motiver un élève, cela prend parfois un quart d'heure, mais cela sert toute l'année ; et l'on évite d'avoir un chahuteur qui décourage les autres. Il y a trop d'heures de classe et pas assez d'heures de contact, de présence dans l'établissement et de recadrage de chaque élève. À cet égard, les établissements libres sous contrat peuvent et savent faire mieux.

Le problème, en matière de rémunération, c'est qu'on ne peut pas la différencier par discipline. Dans certaines disciplines, si on veut des bons professeurs, il faut faire le nécessaire.

Il a été question de l'armée. On peut imaginer des retours vers l'enseignement : l'enseignement libre sous contrat le pratique, mais on ne sait pas le faire dans l'enseignement public, sauf dans les lycées professionnels.

Je suis d'accord avec M. Delcros sur la densité de peuplement. En France, ça coûte plus cher, parce qu'on est moins nombreux au kilomètre carré... Une fois qu'on le sait, on en tient compte.

Pour motiver des bons, il faut des agrégés. Comment les gérer, c'est un peu plus compliqué. Les établissements pourraient avoir la liberté de choisir entre un agrégé, qui coûte davantage, et un certifié. Je ne sais pas régler cette question au plan national.

M. Segouin, le taux d'encadrement est d'un enseignant pour 19 élèves dans le primaire, et d'un pour 23 dans le secondaire. Ce serait tout à fait honorable si nous savions établir des liens entre les professeurs, les élèves et les parents.

Comme un orateur l'a souligné, les relations avec les parents sont l'un des facteurs les plus fortement perturbateurs. Certains parents ne s'occupent pas de leurs enfants, ce qui est une erreur. Sans parler de ceux qui s'en occupent mal et agressent les enseignants, avec des motivations très dangereuses pour la société française. Il y en a aussi qui s'occupent bien de leurs enfants et jouent le jeu avec les enseignants.

Le job dating , pourquoi pas ? Le recours au contrat est une nécessité absolue, une question de survie, en Île-de-France, notamment dans les académies de Créteil et de Versailles. Le taux de recours au contrat a crû de 7,7 à 9,2 % au cours des cinq dernières années. C'est inévitable, même si cela peut surprendre, voire choquer. Pour l'instant, on ne sait pas faire autrement.

S'agissant des affectations, monsieur Meurant, il y a une sorte d'« amphi de garnison », mais aussi des aléas. C'est un facteur d'autorité majeur des syndicats de faire croire qu'ils gèrent les affectations, et parfois de les gérer effectivement.

Quant au numérique, monsieur Rapin, mon temps de parole étant dépassé, je dirai simplement que ça ne marche pas trop mal... En la matière, le confinement a été plus efficace que les programmes ministériels !

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

• Commission européenne - Agence exécutive européenne pour l'éducation et la culture

- Mme Téodora PARVEVA, auteure du rapport Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe 2019/20 ;

- M. BIRCH, chef d'équipe ;

- Mme MONDIN, cheffe de l'unité « Plateformes, études et analyses » ;

- Mmes BALCON et NIKOLOVA ; M. RIHELAINEN, chargés d'études.

• Ambassade de France en Allemagne

- M. Cyril BLONDEL, conseiller culturel à l'ambassade de France à Berlin ;

- M. Philippe GUILBERT, attaché de coopération ;

• Ambassade de France à Lisbonne

- M. Dominique DEPRIESTER, conseiller de coopération et d'action culturelle et directeur de l'Institut français du Portugal

- Mme Clarisse BOUDARD, attachée de coopération linguistique et éducative

• Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)

- Mme Fabienne ROSENWALD, directrice ;

- M. Yann FOURNIER, collaborateur du chef de la mission internationale.

• Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

- M. Éric CHARBONNIER, analyste de l'éducation et des compétences de l'OCDE.

• Délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (DREIC)

- Mme Nathalie NIKITENKO, cheffe de service.

• Université de Freiburg

- M. Olivier MENTZ, président de l'Université franco-allemande (UFA), professeur et responsable de la formation des enseignants.


* 1 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe 2019/20 , Commission européenne, octobre 2021.

* 2 OCDE, enquête Talis 2018.

* 3 Cf. deuxième partie, II.

* 4 OCDE 2018 : Les carrières enseignantes en Europe

* 5 OCDE, enquête Talis 2018.

* 6 Projet de loi de finances pour 2022 : Enseignement scolaire, Annexe au rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021.

* 7 Décret n° 2019-935 du 6 septembre 2019.

* 8 La formation continue des enseignants du second degré. De la formation continue au développement professionnel et personnel des enseignants du second degré ? Inspection générale de l'éducation nationale et inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, septembre 2018.

* 9 Bilan social du ministère 2019-2020 : La carrière des personnels fonctionnaires relevant de l'enseignement scolaire public : ancienneté, avancement (chapitre 4) - décembre 2020.

* 10 OCDE, Regards sur l'éducation 2021.

* 11 Réagir face à la chute du niveau en mathématiques : pour une revalorisation du métier d'enseignant , Gérard Longuet, rapport fait au nom de la commission des finances, juin 2021.

* 12 Cf. infra.

* 13 OCDE 2018, Les carrières enseignantes en Europe.

* 14 Attractivité du métier d'enseignant : état des lieux et perspectives, Conseil national d'évaluation du système scolaire, 2016.

* 15 Cf. infra.

* 16 OCDE, Regards sur l'éducation, 2021.

* 17 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe 2019/20 , Commission européenne, octobre 2021.

* 18 Projet de loi de finances pour 2022 : Enseignement scolaire, Annexe au rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, novembre 2021.

* 19 OCDE, Regards sur l'éducation 2021.

* 20 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe - 2019-2020, Eurydice, octobre 2021.

* 21 État de l'école 2020, DEPP.

* 22 Eurydice, The Organisation of School Time in Europe - Primary and General Secondary Education - 2021/22 ; septembre 2021.

* 23 Réagir face à la chute du niveau en mathématiques : pour une revalorisation du métier d'enseignant , Gérard Longuet, rapport fait au nom de la commission des finances, juin 2021.

* 24 Fondation Varkey, Indice mondial d'état des enseignants, 2018.

* 25 Commission européenne, Eurydice, Teachers in Europe: Careers, Development and Well-being , 2021.

* 26 Cour des comptes, Gérer les enseignants autrement : une réforme qui reste à faire, 2017.

* 27 Rapport d'information n° 690 (2017-2018) de M. Max Brisson et Mme Françoise Laborde, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, juillet 2018.

* 28 Cf. infra.

* 29 Cf. supra « Lutter contre les pénuries d'enseignants : quelques exemples internationaux ».

* 30 Trends in Mathematics and Science Study - Tendances en mathématiques et en sciences.

* 31 Programme international de recherche en lecture scolaire.

* 32 Site internet du ministère de l'éducation nationale.

* 33 Audition de la délégée aux relations européennes et internationales et à la coopération (Dreic) par le rapporteur spécial, 17 mars 2022.

* 34 Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques - Rapport de Mme Éliane Assassi, fait au nom de la commission d'enquête Cabinets de conseil, n° 578 tome I (2021-2022) - 16 mars 2022.

* 35 Données de l'office fédéral des statistiques allemand (Destatis) pour l'année scolaire 2020/2021.

* 36 Syndicat DBB - Beamtenbund und Tarifunion.

* 37 Statista, LehrerInnen in Deutschland nach Schulart 2020/2021.

* 38 Cf supra.

* 39 OCDE, Les indicateurs de Regards sur l'éducation 2021.

* 40 Regards sur l'éducation, OCDE.

* 41 Regards sur l'éducation 2021, DEPP.

* 42 DEPP, réponses au questionnaire tranmis par le rapporteur spécial.

* 43 Statista : Statistiken zum Thema Schule | Statista .

* 44 Cf. infra.

* 45 Éducation : analyse comparative de la dépense publique en France et en Allemagne, institut Thomas More, février 2012.

* 46 Projet de loi de finances pour 2022 : Enseignement scolaire, Annexe au rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, novembre 2021.

* 47 Zettelmeier, W. (2016). Conséquences des mutations démographiques sur le système d'éducation et de formation en Allemagne. Allemagne d'aujourd'hui , 218, 139-155.

* 48 Audition de M. Olivier MENTZ, professeur à l'Université de Freiburg, responsable de la formation des enseignants, 2 mars 2022.

* 49 Agence fédérale du travail.

* 50 Ausburger Allgemeine, 16 août 2021.

* 51 Audition de M. Olivier Mentz, professeur à l'Université de Freiburg, responsable de la formation des enseignants, 2 mars 2022.

* 52 Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), octobre 2021.

* 53 Fondation Bertelsmann, Ehrkräfte dringend gesucht - Bedarf und Angebot für die Primarstufe (Enseignants recherchés en urgence - besoins et offre pour l'enseignement primaire), janvier 2018.

* 54 Données Eurydice, 2018.

* 55 Heinz-Peter Meidinge, président de l'association des enseignants allemands.

* 56 Audition de l'ambassade de France à Lisbonne,12 avil 2022 et réponse au questionnaire transmis par le rapporteur spécial.

* 57 OCDE, PISA 2018.

* 58 OCDE, PISA 2018.

* 59 Curriculum Flexibility and Autonomy in Portugal - an OECD Review, 2018.

* 60 Unesco.

* 61 Audition de l'ambassade de France à Lisbonne,12 avil 2022 et réponse au questionnaire transmis par le rapporteur spécial.

* 62 DEPP.

* 63 Ministère de l'éducation du Portugal, direction générale des statistiques de l'éducation et des sciences.

* 64 Note par pays, PISA 2018, OCDE.

* 65 L'autonomie des établissements scolaires : pratiques, freins et atouts pour une meilleure prise en compte des besoins des élèves, rapport annuel des inspections générales 2019, ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

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