III. UNE INFORMATION SUR LES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN OUTRE-MER DES PARLEMENTAIRES À AMÉLIORER PAR UNE REFONTE DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE (DPT) MAIS ÉGALEMENT PAR D'AUTRES OUTILS

A. LES INSUFFISANCES STRUCTURELLES DU DPT DANS SA CONFIGURATION ACTUELLE

1. Structuration et objectifs du DPT outre-mer

Le document de politique transversale (DPT) outre-mer, comme les autres DPT, est une annexe au projet de loi de finances prévue par l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 modifié par la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 19 ( * ) .

Dans sa configuration actuelle ce document comporte les éléments suivants :

- une présentation stratégique de la politique transversale. Cette partie du document expose les objectifs de la politique transversale et les moyens qui sont mis en oeuvre pour les atteindre dans le cadre interministériel. Outre le rappel des programmes budgétaires qui concourent à la politique transversale, sont détaillés les axes de la politique, ses objectifs, les indicateurs de performance retenus et leurs valeurs associées. S'agissant des politiques transversales territorialisées (par exemple : Outre-mer, Ville), les indicateurs du document de politique transversale sont adaptés de façon à présenter les données relatives au territoire considéré ;

- une présentation détaillée de l'effort financier consacré par l'État à la politique transversale pour l'année à venir 2022, l'année en cours (LFI + LFRs 2021) et l'année précédente (exécution 2020), y compris en matière de dépenses fiscales et de prélèvements sur recettes, le cas échéant ;

- une présentation de la manière dont chaque programme budgétaire participe, au travers de ses différents dispositifs, à la politique transversale.

Ce document répartit les programmes et leurs crédits consacrés à la politique transversale selon les axes de cette politique au nombre de neuf 20 ( * ) .

Ainsi, le DPT outre-mer répond au double objectif :

- de décrire les grands axes de la politique transversale de l'État outre-mer en les déclinant par territoire selon une gamme d'objectifs auxquels peuvent se rattacher des indicateurs de performance ;

- de présenter le panorama le plus exhaustif possible des dépenses budgétaires, sociales et fiscales de l'État.

Il s'agit d'un document évolutif qui est complété chaque année en fonction des éventuels nouveaux programmes contributeurs. Ainsi, en 2021, cinq nouveaux programmes ont été intégrés dans le DPT : les trois programmes de la mission Investissement d'avenir ainsi que les deux programmes relevant du Plan d'urgence face à la crise sanitaire. À l'inverse, le programme 833 Avances aux collectivités territoriales a été retiré du DPT, la DGOM considérant qu'il ne reflétait pas un réel effort financier à destination des territoires ultramarins mais une simple avance de fiscalité locale.

Il ne peut cependant être totalement exhaustif dans la mesure où certaines données budgétaires, notamment les dépenses dites « de guichet » ou certaines dépenses d'intervention, ne peuvent faire l'objet d'une répartition territoriale, puisqu'il est impossible de préjuger des demandes qui seront présentées.

2. Le biais de la territorialisation des dépenses de l'État en outre-mer

Avant d'analyser les insuffisances structurelles du DPT outre-mer , il convient en premier lieu de mettre en exergue son biais de construction et les conséquences que cela engendre.

En effet, alors même qu'un DPT a vocation à présenter les crédits alloués à une politique transversale, le DPT outre-mer vise une présentation exhaustive des crédits alloués par l'Etat à l'outre-mer en dehors de toute considération de la notion de politique transversale sauf à estimer que l'outre-mer est une politique en soi.

Ce parti pris génère une présentation de tous les crédits destinés à l'outre-mer, y compris des crédits qui sont alloués de manière similaire et sur les mêmes bases légales et règlementaires aux autres départements de métropole.

Ainsi, peut-on y trouver les crédits en provenance des missions enseignement scolaire, gestion des finances publiques et des ressources humaines, sécurités, santé.... sans distinction entre les crédits de « droit commun » également alloués à toutes les autres collectivités de métropole et les crédits « exceptionnels » spécifiquement destinés à des politiques propres à l'outre-mer et contribuant particulièrement au rattrapage des écarts entre la métropole et l'outre-mer.

En ce sens, il y a un dévoiement de l'objectif du DPT qui en se voulant un document exhaustif des dépenses réalisées par l'Etat en outre-mer stigmatise ces territoires en pointant les crédits qui y sont alloués alors même que les autres communes, EPCI, départements et régions de métropole bénéficient de ces mêmes crédits .

Il en résulte une approche et une présentation des outre-mer comme un centre de coûts pour l'Etat sans mise en parallèle avec les richesses créées par les territoires d'outre-mer.

Par ailleurs, dans cette configuration, le document ne permet pas de mettre en exergue la politique de l'État et les efforts financiers déployés dans le seul objectif de mettre l'économie des territoires d'outre-mer au niveau de celle de la métropole.

3. La décorrelation entre le DPT et la politique de l'État en outre-mer

La politique de l'État en outre-mer a été largement définie et encadrée par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer (EROM) qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec la métropole. La tenue des assises de l'Outre-mer en 2017 et l'adoption du livre bleu outre-mer en 2018 a également permis de cadrer cette politique en ciblant quatre axes prioritaires :

- des territoires à vivre avec pour objectif : la sécurité, l'accès aux services publics essentiels, l'amélioration du cadre et du niveau de vie ;

- des territoires accompagnés : cet accompagnement doit prendre la forme de moyens financiers appropriés et d'un cadre juridique adapté aux spécificités des territoires d'outre-mer ;

- des territoires pionniers en donnant aux territoires d'outre-mer la capacité de jouer un rôle majeur dans les enjeux environnementaux, sanitaires, agricoles et économiques de leur zone géographique ;

- des territoires de rayonnement et d'influence en mettant en valeur le patrimoine matériel et immatériel de ces territoires tant dans les pays voisins qu'auprès des citoyens de métropole.

Le rôle du DPT devrait donc être de suivre les moyens affectés à cette politique et à ces priorités plutôt que de prétendre à une compilation difficile et incomplète des crédits des missions budgétaires de l'État, que l'on retrouve sur l'ensemble des autres départements français.

Or, à ce jour, le DPT outre-mer ne fait que peu, voire pas le lien entre les objectifs de la loi EROM et du livre bleu et les moyens qui y sont consacrés. Si les axes du DPT couvrent en partie certaines de ces problématiques les développements littéraires ne permettent pas toujours de cibler les crédits spécifiques à ces objectifs.

De même, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, « bien que l'on distingue quelques développements mentionnant au fil du DPT les actions mises en oeuvre par les différents programmes dans le cadre du Livre bleu, ceux-ci ne font l'objet d'aucune identification chiffrée ni de suivi précis des actions. L'articulation entre les ambitions identifiées dans le Livre bleu, les CCT conclus dans chaque territoire et les actions conduites par les responsables de programme sur les territoires outre-mer ne sont pas identifiées en tant que telles dans le DPT ».

Enfin, les contributions des programmes aux CCT n'apparaissent pas distinctement au sein des axes et sont agrégés avec des mentions qui ne sont pas spécifiques aux outre-mer. Parallèlement, l'annexe relative aux CCT récapitule les crédits de chaque programme à l'ensemble des CCT mais pas à chaque CCT pris individuellement ce qui réduit considérablement son utilité. Il en est de même pour les contributions des programmes aux différents plans d'urgence en faveur des outre-mer.

La Cour fait donc le constat, partagé par les rapporteurs spéciaux, d'une absence d'articulation précise entre la stratégie de l' É tat en outre-mer telle qu'elle ressort de la loi EROM et du Livre bleu et leur traduction budgétaire.

4. Un document lourd, des données peu fiables qui rendent son exploitation limitée par les parlementaires

Les modalités de confection de ce document (contributions de près de 100 programmes) coordonné par la seule DGOM dont les moyens pour cette mission restent relativement limités engendrent des fragilités et des inconvénients.

Premièrement, le DPT étant l'agglomération de toutes les contributions des programmes est un document très dense (plus de 400 pages) qui nécessite un temps long de rédaction, de vérification et de mise en forme et ce malgré les améliorations apportées par Tango 21 ( * ) par rapport au précédent outil Farandole. Dès lors, la publication du document est souvent tardive (à titre d'exemple 14 octobre 2022 pour un passage en commission à l'Assemblée nationale le 22 octobre) et qui laisse peu de temps pour l'exploiter pleinement.

Par ailleurs, ces mêmes contraintes relatives à l'élaboration du DPT génèrent des données peu fiables, des incohérences, des redondances ou le maintien de paragraphes obsolètes.

Enfin, les 41 indicateurs de performance présents dans le DPT ne sont pas tous renseignés et seuls 14 sont territorialisés c'est-à-dire exposent l'impact des politiques publiques par territoire.


* 19 Et complété par l'article 169 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, par l'article 104 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, par l'article 183 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre de finances pour 2009, par l'article 137 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, par l'article 7 de la loi n° 2010-832 du 22 juillet 2010 de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2009, par l'article 159 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, par l'article 160 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 20 1/ développer l'emploi, la production et l'investissement outre-mer 2/ offrir une véritable égalité des chances à la jeunesse outre-mer 3/ garantir la sécurité des citoyens outre-mer 4/ améliorer les conditions de vie des citoyens outre-mer 5/ promouvoir un aménagement durable et la transition écologique des territoires ultramarins 6/ valoriser les atouts outre-mer 7/ plan d'urgence face à la crise sanitaire et plan de relance 8/ fonctionnement des administrations publics 9/ dotations aux collectivités territoriales et aux institutions.

* 21 Tango est l'outil utilisé par la direction du budget dans lequel tous les ministères rédigent les PAP, RAP, jaunes et DPT : cette application est accessible par habilitation aux ministères responsables de programmes (RPROG), aux responsables de la fonction financière ministériel (RFFIM) et enfin à la direction du budget qui effectue la validation définitive via un système de jetons transmis d'un acteur à l'autre pour rédaction et correction.

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