B. ...QUI NÉCESSITENT UN RENFORCEMENT ET UNE MEILLEURE COORDINATION DES DISPOSITIFS D'INGÉNIERIE

1. Les dispositifs existants : une offre diversifiée et dense mais sous-dimensionnée au regard des besoins et pas toujours facilement accessible
a) Une offre diversifiée qui tend à se développer

Les dispositifs d'ingénierie à disposition des collectivités sont nombreux et relèvent d'un double niveau : national et local.

Au niveau national, les collectivités d'outre-mer peuvent bénéficier de l'appui :

- de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) 6 ( * ) qui a pour mission de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets 7 ( * ) ;

- des agences départementales, établissements publics créés par les départements, communes et établissements publics intercommunaux (conformément aux dispositions de l'article L 5511-1 du code général des collectivités territoriales), et chargées d'apporter, aux collectivités territoriales et aux établissements publics intercommunaux du département qui le demandent, une assistance d'ordre technique, juridique ou financier. À ce jour, la DGOM n'a cependant pas eu connaissance de la création de telles agences dans les territoires d'outre-mer.

À ces dispositifs nationaux, s'ajoutent des dispositifs spécifiques au niveau local :

- des pôles d'ingénierie ont été créés au sein des services déconcentrés de l'État (directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement et secrétaire général pour les affaires régionales au sein des préfectures (Sgar)...). Ainsi,

• en Guadeloupe, une agence d'ingénierie est en phase de préfiguration au sein du Sgar ;

• en Martinique, le Sgar comprend un pôle ingénierie territoriale ;

• en Guyane, une plateforme d'appui aux collectivités territoriales (Pact) chargée du financement des collectivités territoriales, du contrôle de leurs actes et de leur accompagnement dans la mise en oeuvre de leurs projets a été créée en 2020. Sa mise en place a permis de relancer un certain nombre de projets que les collectivités ne parvenaient pas à faire aboutir seules (stade de football de Grand Santi, école à Saül) ;

• à Mayotte, une plateforme d'ingénierie territoriale a aussi été créée en 2019 pour accompagner les collectivités dans l'élaboration, le financement et le suivi de leurs projets ;

• en Polynésie française, une direction de l'ingénierie publique est rattachée au haut-commissariat et assure des missions d'ingénierie et d'expertise pour le compte de l'État, du gouvernement de Polynésie française, des communes et des établissements publics.

- l'AFD apporte un appui aux collectivités ultramarines pour la réalisation de leurs investissements . Cet appui à l'ingénierie territoriale fait l'objet d'un financement spécifique via le « fonds outre-mer » qui finance des actions d'assistance à maîtrise d'ouvrage et d'ingénierie pour les projets planifiés par les collectivités. Doté en 2019 de 17,5 millions d'euros en AE et en CP transférés à l'AFD depuis le programme 123, le fonds a été réabondé à hauteur de 30 millions d'euros en AE pour 2021 et 2022 par des crédits du plan de relance ;

- en juillet 2021, le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) s'est doté d'une direction déléguée à l'outre-mer et s'est implanté de façon pérenne à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. L'expertise du Centre est particulièrement utile en outre-mer, compte tenu de l'ensemble de ses domaines d'activité : ingénierie des territoires, performance et gestion patrimoniale des bâtiments, mobilités, infrastructures de transport, environnement et risques, mer et littoral.

b) Mais une offre sous dimensionnée, peu coordonnée et mal connue

Les dispositifs d'appui à l'ingénierie sont donc nombreux et diversifiés mais ils restent peu dotés en termes de ressources humaines. À titre d'exemple, l'ANCT ne dispose que d'un seul agent en charge de l'ensemble des collectivités d'outre-mer et intervient principalement auprès des collectivités en tant que financeur, en prenant en charge tout ou partie du financement des prestations externalisées d'ingénierie, et non en assistant directement les territoires.

Les plateformes de Mayotte et de Guyane sont, pour leur part, davantage destinées à un accompagnement de proximité mais leur dimensionnement ne permet toutefois pas de généraliser cet accompagnement à l'ensemble des besoins existants. En effet, la Pact de Guyane bénéficie de trois agents et la plateforme de Mayotte de six agents mais cette dernière doit faire face à une rotation importante de ses équipes qui se traduit par des vacances de postes récurrentes.

Enfin, le Cerema dont l'implantation à la Réunion, en Guyane et à Mayotte est encore récente devrait compléter ses effectifs à l'horizon mi-2022 (avec quatre agents et un directeur d'agence Océan Indien affectés à La Réunion).

Au-delà de la faiblesse des moyens humains alloués à ces structures d'ingénierie ces dernières pâtissent :

- d'un manque de visibilité : en effet, les élus locaux n'ont pas toujours connaissance de l'existence de ces structures et de leurs missions ce qui s'explique pour certaines structures par l'absence ou la faiblesse de communication institutionnelle sur le sujet. Ce manque de visibilité s'accompagne d'un manque de connaissance de la part des élus sur le modèle d'intervention de ces différentes structures ;

- d'un manque de coordination : les structures d'ingénierie sont disparates et rattachés à de multiples acteurs (préfectures, ANCT, AFD, Cerema, Cici 8 ( * ) ...) et leurs actions et missions respectives ne sont pas coordonnées.

Si le préfet de la Guyane se félicite des actions conduites au cours des deux dernières années par la Pact, il estime néanmoins que certains points mériteraient d'être améliorés. Il regrette ainsi que le modèle méthodologique d'intervention de la Pact ne soit pas pleinement connu des collectivités et que les partenariats entre les services de l'État en charge de l'accompagnement manquent de coordination. Pour répondre à cette difficulté inhérente au fonctionnement de ses propres services ou organismes qui lui sont rattachés, le Préfet a indiqué à la Cour des comptes envisager la mise en oeuvre de mesures concrètes dès 2022, à savoir :

- des interventions majoritairement concentrées sur des opérations déjà financées par l'État (notamment dans le cadre du plan de relance) ;

- la création d'une commission départementale, placée sous l'autorité du sous-préfet territorialement compétent, regroupant les services de la préfecture (direction générale des territoires et de la mer et direction générale de la coordination et de l'animation territoriale), la DRFiP, la banque des territoires, l'AFD et la Cici, et chargée d'optimiser ainsi que de prioriser les financements et actions d'accompagnement et de suivi des collectivités territoriales ;

- un renforcement de la communication, notamment institutionnelle, autour de la Pact ;

- la signature avec les collectivités partenaires de conventions de services déterminant le niveau d'intervention de la plateforme, les projets accompagnés et le calendrier de mise en oeuvre ;

- le renforcement des effectifs sous plafond d'emploi.

2. Un renforcement nécessaire de l'ingénierie locale

En premier lieu, il conviendrait donc de renforcer les moyens humains alloués aux structures d'ingénierie. Parallèlement, la Cour dans son rapport note qu' « il est regrettable que certains chargés de projets au sein de la plateforme de Mayotte aient pu penser que leurs missions ne s'étendaient pas au-delà de la simple signature de convention ». À cet égard, il conviendrait de formaliser dans un document les missions de ces structures afin d'y lister l'accompagnement exact qui peut être apporté aux collectivités dans la réalisation de leurs projets.

En deuxième lieu, il parait nécessaire de développer la communication sur l'existence de ces structures, leurs moyens et leurs missions afin de sensibiliser le plus largement possible les collectivités susceptibles d'y recourir.

Enfin, une coordination entre ces structures devra être mise en place. À cet égard, la création d'une commission pour chacun des territoires d'outre-mer et réunissant tous les acteurs de l'ingénierie pourrait utilement être créée afin d'analyser les dossiers, les orienter aux mieux vers la structure adéquate au regard de la nature du projet et calibrer le soutien à mettre en oeuvre au regard des besoins. Dans cette même logique de coordination, la création d'un guichet unique auprès duquel les collectivités pourraient se renseigner pour connaitre les aides en ingénierie dont elles peuvent bénéficier pourrait faciliter, en amont, le travail de coordination entre les différents acteurs.


* 6 Créée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 7 Les programmes de l'ANCT ne bénéficient pas aux collectivités d'outre-mer, hormis ceux relevant de la politique de la ville.

* 8 Cellule d'ingénierie aux communes de l'intérieur : structure mise en place par le parc amazonien de Guyane afin d'accompagner les collectivités dans la réalisation de leurs projets, notamment en matière d'amélioration du cadre de vie et d'accès aux services de base.

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