Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 mars 2022

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N° 570

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mars 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la situation de la SNCF
et ses
perspectives ,

Par MM. Hervé MAUREY et Stéphane SAUTAREL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 9 mars 2022, la communication de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs spéciaux pour les crédits des transports terrestres de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sur leur contrôle budgétaire concernant la situation financière et les perspectives de la SNCF.

Derrière les répercussions de la crise sanitaire se cachent en réalité des difficultés beaucoup plus structurelles de la SNCF et du secteur ferroviaire dont les modèles économiques sont dans l'impasse .

I. LES RÉFORMES RÉCENTES N'ONT PAS RÉSOLU LES PROBLÈMES DE FINANCEMENT DU SECTEUR FERROVIAIRE

A. LES DERNIÈRES RÉFORMES NE SUFFIRONT PAS À ASSURER LA VIABILITÉ ÉCONOMIQUE DE LA SNCF ET DU SYSTÈME FERROVIAIRE

Les réformes de 1997 (création de Réseau ferré de France) et 2014 (création d'un groupe ferroviaire intégré incluant SNCF Réseau) n'ont pas enrayé la spirale de la dette et la dégradation financière de la SNCF. Son endettement avait atteint 55 milliards d'euros en 2017. L'État , à travers les modalités de financement des lignes à grande vitesse (LGV) portait une grande part de responsabilité dans cette situation.

Aussi, la réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire était-elle devenue incontournable, notamment pour préparer la SNCF à la concurrence. Elle a supprimé le statut de cheminot pour les nouveaux recrutements et réorganisé le groupe en sociétés anonymes . Parallèlement, l'État s'est engagé à reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau. Réalisé en deux temps, cet engagement est pleinement mis en oeuvre depuis le 1 er janvier 2022. À travers la consolidation du circuit de financement de SNCF Réseau au moyen des bénéfices générés par SNCF Voyageurs, la réforme entend approfondir la logique d' autofinancement du secteur . Cependant, cette logique induit des relations insatisfaisantes entre les deux filiales tandis que l'indépendance réelle de SNCF Réseau n'est pas garantie . Par ailleurs, plusieurs hypothèses structurantes de la réforme de 2018 sont aujourd'hui remises en cause , la principale étant le dynamisme et la profitabilité du TGV .

B. LES RÉGIONS SONT TOUJOURS PLUS MOBILISÉES POUR FINANCER LE FERROVIAIRE

Le total des concours publics perçus par la SNCF a dépassé 17 milliards d'euros , en progression de 25 % depuis 2015. Si les transferts en provenance de l'État ont affiché une relative stabilité, ceux des collectivités locales se sont appréciés de 45 % (+ 30 % pour les contributions d'exploitation versées à SNCF Voyageurs). Dans les années à venir, les perspectives financières de la SNCF , et plus particulièrement de SNCF Réseau, reposent sur des projections d'augmentation des péages insoutenables pour les régions et des anticipations de bénéfices de SNCF Voyageurs très hypothétiques .

II. LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SNCF CONJUGUÉE AU MANQUE CRIANT D'INVESTISSEMENTS DANS LE RÉSEAU APPELLENT DES MESURES COURAGEUSES

A. LA SITUATION FINANCIÈRE DU CoeUR FERROVIAIRE DE LA SNCF RESTE DÉGRADÉE

Avant la crise, la situation financière de la SNCF présentait d'évidentes fragilités concentrées sur son coeur d'activité ferroviaire. L'atteinte des engagements de retour à l'équilibre financier pris par le groupe SNCF est incertaine et dépend largement des performances de filiales extérieures aux activités principales du groupe, au premier rang desquelles Geodis et Keolis . Par leur apport en cash, en marge opérationnelle et en termes de désendettement, ces sociétés contribuent à masquer les difficultés financières que connaît la SNCF . En 2021, ces deux seules filiales représentent 50 % du chiffre d'affaires et 37 % de la marge opérationnelle du groupe SNCF. La maîtrise de la dette de la SNCF, qui reste supérieure à 26 milliards d'euros après la reprise de 35 milliards d'euros par l'État, demeure un objectif très incertain .

Indicateurs financiers synthétiques du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

L'amélioration des perspectives financières de la SNCF passera nécessairement par une augmentation très significative de sa compétitivité . Les dernières données publiées par l'IRG-Rail 1 ( * ) révèlent qu'elle est aujourd'hui nettement inférieure à celle de ses homologues européens. Le coût des services conventionnés (TER, Transilien, intercités) est le plus élevé en Europe . Ce constat est particulièrement prononcé sur l'activité TER avec des coûts de roulage supérieurs de 60 % à l'Allemagne . Cette situation tend à s'aggraver puisqu' entre 2006 et 2018 les contributions des régions aux TER ont augmenté de 92 % en France tandis qu'elles ont baissé de 34 % en Allemagne .

Les coûts des services conventionnés en passager.km sont de 19 centimes en Allemagne, 14 centimes en Italie ou 14,4 centimes en Espagne. En France ils sont les plus élevés en Europe :

Des coûts de roulage TER supérieurs à ceux de l'Allemagne de :

Les taux de contribution publique de loin les plus élevés en Europe :

Entre 2006 et 2018, les contributions des régions aux TER ont baissé de 34 % en Allemagne quand elles ont progressé en France de :

Estimation des bénéfices socio-économiques d'un réseau régénéré et modernisé :

B. LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE SNCF RÉSEAU ET LE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES SONT DANS L'IMPASSE

1. Des investissements dans le renouvellement du réseau notoirement insuffisants et une modernisation des infrastructures ni programmée, ni financée

Après l'électrochoc provoqué par le rapport Rivier de 2005 qui a mis en exergue l'état de dégradation dramatique du réseau, les investissements dans la régénération des infrastructures ont augmenté. Cependant, depuis 2016, et alors qu'ils demeurent très inférieurs aux besoins , ces investissements stagnent en euros courants et donc décroissent en euros constants . Une telle trajectoire, que le projet de contrat de performance de SNCF Réseau promet de poursuivre, conduira à une dégradation de l'état des infrastructures . Les rapporteurs spéciaux ne peuvent se résoudre à une telle perspective et appellent à porter l'effort annuel à au moins 3,8 milliards d'euros pendant dix ans, soit une augmentation de 1 milliard d'euros par an.

Le réseau ferroviaire doit également être modernisé . Cette modernisation passe par deux programmes principaux. La commande centralisée du réseau ( CCR ) doit se traduire par la création de tours de contrôle pour centraliser la régulation des circulations. C'est un levier d'efficience considérable. Son déploiement permettrait de remplacer les 2 200 postes d'aiguillages actuels par une quinzaine de tours de contrôles et pourrait permettre de réaliser des gains de performance à hauteur de 40 % des 13 000 emplois de gestion de la circulation. L' ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'espacement entre deux trains et donc d'augmenter la cadence du trafic.

Contrairement aux pratiques de nos partenaires européens, les rapporteurs spéciaux s'étonnent qu' aucune véritable programmation ni aucun modèle de financement sérieux n'aient été prévus en France pour déployer ces programmes, notamment dans le contrat de performance de SNCF Réseau. Cette situation n'est pas tenable. Elle prive le gestionnaire d'infrastructure de perspectives de gains de productivité et accroît le retard déjà phénoménal de la France dans ce domaine. Notre pays est devenu un frein au développement de l'espace ferroviaire européen .

Les investissements supplémentaires nécessaires pour réellement régénérer et moderniser notre réseau sont certes importants mais ils doivent être relativisés au regard de leurs bénéfices socio-économiques qui pourraient atteindre les 10 milliards d'euros annuels .

2. Le modèle de financement de SNCF Réseau n'est pas viable

La situation financière du gestionnaire d'infrastructure est historiquement déséquilibrée . Elle constitue depuis des décennies le point noir du modèle économique ferroviaire . Alors que son mode de financement, très dépendant des péages ferroviaires , le rend extrêmement vulnérable aux chocs conjoncturels, sa situation financière présente des déséquilibres structurels profonds : une marge opérationnelle et une capacité d'autofinancement très insuffisantes pour couvrir ses investissements.

Indicateurs financiers synthétiques SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

La reprise de 35 milliards d'euros de sa dette par l'État doit contribuer à améliorer sa situation en allégeant le poids de ses charges financières devenues insoutenables. Cette mesure ne suffira pas à assurer la viabilité financière structurelle de SNCF Réseau, viabilité qui repose de fait sur des hypothèses d'augmentation des péages ferroviaires qui affecteraient négativement l'offre ferroviaire et pourraient ainsi se révéler contre-productives.

SNCF Réseau est moins performant que ses homologues européens . Alors que sa productivité a stagné depuis 20 ans , en France, trois fois plus d'agents sont nécessaires pour faire circuler un train qu'ailleurs en Europe. Aussi, SNCF Réseau se doit-il de réaliser des gains de productivité considérables . Ses modes de fonctionnement , encore ancrés dans l'histoire des infrastructures ferroviaires, doivent être profondément revus . Il est symptomatique que SNCF Réseau ne dispose toujours pas à ce jour de comptabilité analytique . Au-delà des seules économies réalisées sur les fournisseurs, SNCF Réseau doit enfin réaliser de véritables gains de productivité industriels . La documentation et le suivi de l'exécution de ses objectifs de performance doivent être plus rigoureux, plus fiables et plus systématiques.

De 17 ans en Allemagne, l'âge moyen du réseau français dépasse les :

Nombre d'agents pour faire circuler un train par rapport à la moyenne européenne :

Entre 2015 et 2020, le coût moyen de renouvellement d'un kilomètre de voie du réseau structurant a augmenté de :

En France des péages par train.km beaucoup plus élevés que la moyenne européenne :

Surcoûts liés à l'organisation du temps de travail et au manque de polyvalence :

C. SNCF VOYAGEURS FAIT PESER UNE MENACE SUR LE MODÈLE DE FINANCEMENT

Exposées à la concurrence, affectées par la crise, les perspectives de SNCF Voyageurs qui est, dans le modèle actuel, le principal financeur des infrastructures ferroviaires, sont préoccupantes . Elles s'avèrent fragiles et incertaines, notamment en raison des risques pesant sur le rebond de l'activité grande vitesse et de la perte structurelle de la clientèle d'affaires qui pourrait atteindre voire dépasser les 20 %. Pourtant, les régions et Île-de-France Mobilités (IDFM) ont été une vraie bouée de sauvetage financière pour SNCF Voyageurs pendant la crise. Elles ont assumé l'essentiel du déficit d'exploitation des services conventionnés (TER et Transilien).

Plusieurs risques structurels pèsent sur les perspectives financières de SNCF Voyageurs : son déficit de compétitivité qui la handicape dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, l'explosion de sa dette depuis le début de la crise (+ 80 % et 1,4 milliard d'euros en 2020), l'effondrement de ses investissements (- 908 millions d'euros en 2020) ou encore le poids croissant des péages (45 % des coûts d'exploitation du TGV avant la crise) qui pose la question de leur soutenabilité à moyen-long terme. Ces différents risques pourraient affecter les perspectives de croissance et la compétitivité de l'opérateur. Alors que l'activité TGV est le moteur financier du secteur ferroviaire et que 60 % du résultat de SNCF Voyageurs finance SNCF Réseau et la régénération du réseau, une dégradation durable de la santé financière de SNCF Voyageurs risquerait de faire dérailler le système tout entier.

D. FRET SNCF DÉPEND DES AIDES DE L'ÉTAT

Structurellement dégradée, la situation financière de Fret SNCF dépend des aides allouées par l'État au fret ferroviaire, en particulier à l'activité de wagon isolé (56 millions d'euros annuels pour Fret SNCF). Pour la première fois depuis de très nombreuses années, la marge opérationnelle et le cash-flow libre de Fret SNCF ont été positifs en 2021 . Cette nouvelle encourageante, permise à la fois par les efforts de productivité de la société et par les nouvelles aides attribuées par l'État, devra être confirmée. En 2020, la dette de Fret SNCF a été intégralement reprise par la société mère du groupe, une décision qui fait l'objet d'un recours et constitue un risque important pour les perspectives financières de la société.

L'ancienneté de son matériel roulant pèse sur la rentabilité et la compétitivité de la société et va la conduire à engager des opérations de renouvellement d'envergure et de lourdes dépenses d'investissement au cours des prochaines années. L'optimisation de la disponibilité et de la fiabilité de son parc de locomotives sera un enjeu majeur pour Fret SNCF dans les années à venir.

III. POUR ASSURER SA VIABILITÉ DANS UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT, LE MODÈLE DE FINANCEMENT DU SYSTÈME FERROVIAIRE DOIT ÊTRE RÉFORMÉ EN PROFONDEUR

A. RÉFORMER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE

Les rapporteurs considèrent que la logique du modèle de financement du secteur n'est plus adaptée aux enjeux de développement de la mobilité ferroviaire en lien avec les engagements climatiques. Un modèle de financement qui fait dépendre la situation et les perspectives financières de SNCF Réseau ainsi que le renouvellement des infrastructures ferroviaires des bénéfices de SNCF Voyageurs et du TGV n'est ni sain, ni viable et les conséquences de long terme de la crise sur la profitabilité de la grande vitesse pourraient en affecter l'équilibre.

Le coût disproportionné des péages par rapport à nos voisins constitue un frein majeur au développement du ferroviaire . Les rapporteurs spéciaux considèrent qu' il n'est ni raisonnable, ni réaliste de faire dépendre le rééquilibrage financier de SNCF Réseau sur une inflation considérable des péages acquittés par les régions sur les services TER dans les années à venir. Un maintien du statu quo conduirait à devoir rationner l'offre et la demande ferroviaire, en contradiction évidente avec les engagements environnementaux de la France. Pour éviter une telle issue et relancer véritablement la mobilité ferroviaire, ils recommandent de remettre à plat le mode de financement du réseau en s'inspirant des modèles en vigueur chez la plupart de nos partenaires européens, en révisant les équilibres financiers entre l'État, les régions et la SNCF dans la perspective de diminuer les péages.

B. COMPÉTITIVITÉ : LA SNCF DOIT FAIRE SA RÉVOLUTION

Alors qu' elle souffre de la comparaison avec ses homologues , en particulier s'agissant des coûts d'exploitation des services conventionnés, la SNCF doit réaliser d'importants gains de productivité . Le Parlement lui a ouvert la voie en votant la suppression du statut de cheminot. Cette mesure améliorera structurellement la compétitivité de l'opérateur mais ses effets seront progressifs . Aussi est-il désormais nécessaire que la SNCF actionne tous les leviers sur lesquels elle a la main pour engranger des gains de productivité.

Cela passera d'abord par une amplification de sa trajectoire de baisse d'effectifs . Nécessaire pour résorber des situations de sureffectifs récurrentes, par exemple dans les ateliers de maintenance, elle devrait être portée à au moins 2 % par an pour réaliser des économies d'au moins un milliard d'euros d'ici 2026 . La SNCF devra aussi optimiser une organisation du temps de travail beaucoup trop rigide, définie par un accord collectif de 2016 dont les surcoûts annuels pour le groupe sont estimés à 200 millions d'euros . Ce cadre ne lui permet pas de rivaliser avec ses concurrents. C'est pour cette raison que SNCF Voyageurs crée des filiales ad hoc pour répondre aux appels d'offre des régions. Cette situation ne peut pas durer et, pour faire évoluer ce cadre, la SNCF devra, contrairement à la voie qu'elle a prise en octobre 2020, s'engager dans une profonde décentralisation de sa négociation collective afin d'adapter l'organisation du temps de travail à chaque activité. Le manque de polyvalence de ses agents génère des surcoûts de 350 millions d'euros par an pour le SNCF. Aussi, celle-ci doit être développée, de même que l' externalisation . Dans le même temps, la SNCF doit amplifier la révision de sa politique tarifaire pour l'orienter résolument vers l'attractivité et la transparence.

C. L'ÉTAT DOIT TENIR LES ENGAGEMENTS QU'IL AFFICHE ET PORTER ENFIN UNE VRAIE AMBITION STRATÉGIQUE POUR LE SYSTÈME FERROVIAIRE

Alors qu'il affiche des objectifs ambitieux en termes de report modal, l'État ne donne pas au système ferroviaire les moyens de les atteindre . Au mieux, ce dernier manque cruellement de visibilité sur les engagements financiers pluriannuels de l'État (insuffisances du contrat de performance de SNCF Réseau) quand, au pire, il n'a pas à subir les renoncements (sur le financement du réseau, des infrastructures de fret ferroviaire, du développement des intercités et des trains de nuit, de l'aménagement ferroviaire du territoire, etc .) et autres injonctions contradictoires (objectifs financiers fixés à SNCF Réseau sans prévoir la modernisation des infrastructures) du Gouvernement. Le plan de relance du ferroviaire a surtout permis en réalité de sauver provisoirement un programme de renouvellement du réseau déjà beaucoup trop limité et de financer des mesures qui avaient été imposées par l'État à la SNCF (interdiction de l'usage du glyphosate sur et aux abords des voies, rénovation des ouvrages d'art et des ouvrages de terre ou encore intégration de quatorze petites lignes au réseau structurant). La reprise de 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau, aussi indispensable soit-elle, venait surtout solder a posteriori l'historique de déficits d'investissement de l'État dans ses infrastructures.

Le déficit d'engagements financiers dans les infrastructures ferroviaires est manifeste. Les graves manquements du projet de nouveau contrat de performance de SNCF Réseau en sont la parfaite illustration. C'est peu dire que le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État, qui devrait être la pierre angulaire du système, était très attendu. Prévu en 2020, il a été annoncé plusieurs fois en 2021 avant finalement d'être reporté à 2022. Le projet actuel, ne répond absolument pas à ces attentes. À l'instar de son prédécesseur mort-né, il apparaît comme une nouvelle occasion manquée et fait courir un risque majeur à nos infrastructures et aux perspectives de développement de la mobilité ferroviaire. Il ne porte aucune vision stratégique et industrielle, multiplie les renoncements, prévoit des investissements de renouvellement notoirement insuffisants sans intégrer les enjeux du green deal , fait l'impasse sur la modernisation du réseau et fonde l'hypothétique retour à l'équilibre de SNCF Réseau sur une trajectoire d'augmentation des péages manifestement insoutenable. Il doit impérativement être corrigé.

L'État pèche aussi par l'insuffisance de sa politique d'aménagement du territoire. Son désengagement manifeste du financement des petites lignes ne permettra pas d'atteindre les objectifs de renouvellement que le rapport Philizot avait fixés à horizon 2028. Si d'un côté l'État annonce des objectifs ambitieux en matière de développement des trains d'équilibre du territoire (TET) de jour comme de nuit, les financements ne suivent toujours pas . Il est temps que l'État passe de la parole aux actes, clarifie et fixe sa stratégie pour y consacrer les moyens nécessaires.

D. RENDRE SNCF RÉSEAU RÉELLEMENT INDÉPENDANT POUR QUE LE CERCLE VERTUEUX FINANCIER DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE SE CONCRÉTISE

Les rapporteurs spéciaux sont convaincus que l'ouverture à la concurrence est une chance pour le secteur ferroviaire français et qu'elle constituera un aiguillon pour stimuler les gains de performance de la SNCF . Elle doit générer un cercle vertueux financier qui rendra le système ferroviaire économiquement plus viable. Toutefois, en France , celle-ci se heurte encore à de nombreux obstacles . Qu'ils soient du ressort de l'État ou de la SNCF, ils doivent être levés.

Les interrogations persistantes, y compris du régulateur, quant à l'indépendance véritable du gestionnaire d'infrastructure ne sont pas le moindre de ces obstacles. L'organisation actuelle du groupe ferroviaire intégré , qui comprend en son sein, l'opérateur de transport historique, SNCF Voyageurs, et le gestionnaire d'infrastructure, SNCF Réseau, sous la direction d'une même entité, ne présente pas , selon les rapporteurs spéciaux, les garanties suffisantes . Ils rejoignent la position de l'Autorité de régulation des transports (ART) qui considère que « SNCF Réseau ne dispose pas des moyens financiers et de gouvernance propres à garantir la bonne réalisation, en toute indépendance, de ses missions » . Il n'est pas souhaitable que des représentants de la société mère du groupe SNCF soient membres du conseil d'administration de SNCF Réseau. En outre, le financement de SNCF Réseau par une part des résultats de SNCF Voyageurs n'est pas de nature à assurer son impartialité aux yeux des opérateurs alternatifs.

Aussi, pour concrétiser l'ouverture à la concurrence sur le marché français, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils que SNCF Réseau doit être rendu réellement indépendant de l'opérateur de transport historique (SNCF Voyageurs) en le sortant du groupe SNCF , comme cela s'est fait dans le secteur de l'électricité.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Gouvernance et performance : l'impérieuse révolution de la SNCF

Recommandation n° 1 : mettre en place une véritable culture de la performance à tous les niveaux de SNCF Réseau ainsi qu'un pilotage par objectif indispensables pour moderniser une organisation encore peu familiarisée avec les enjeux de productivité et diligenter un audit financier externe indépendant (SNCF Réseau).

Recommandation n° 2 : préciser, documenter puis assurer un suivi réel, rigoureux et transparent des objectifs de performance de SNCF Réseau pour réaliser des économies structurelles d'au moins 1,5 milliard d'euros d'ici 2026 (SNCF Réseau).

Recommandation n° 3 : accélérer la modernisation du système d'information de SNCF Réseau, le doter d'une comptabilité analytique et promouvoir avec plus de volontarisme l'innovation et la digitalisation de ses activités (SNCF Réseau).

Recommandation n° 4 : amplifier le rythme de réduction d'effectifs à un niveau de 2 % par an pour économiser au moins un milliard d'euros d'ici 2026 (SNCF).

Recommandation n° 5 : renforcer sensiblement la polyvalence des personnels, promouvoir l'externalisation, développer la rémunération au mérite et décentraliser la négociation collective afin d'optimiser l'organisation du temps de travail, pour des gains potentiels, à terme, supérieurs à 500 millions d'euros par an (SNCF).

Recommandation n° 6 : mettre en place une politique tarifaire résolument orientée vers l'accessibilité et la transparence (SNCF Voyageurs).

Remettre à plat les relations financières entre l'État,
la SNCF et les régions

Recommandation n° 7 : sortir SNCF Réseau du groupe SNCF pour que son indépendance soit réellement garantie (État).

Recommandation n° 8 : porter au moins à 3,8 milliards d'euros l'effort de régénération annuel d'ici 2030 afin d'assurer le renouvellement du réseau structurant (État).

Recommandation n° 9 : réaliser une évaluation actualisée des conséquences financières de la crise sanitaire pour la SNCF et, le cas échéant, prévoir un dispositif financier permettant de préserver ses investissements (État).

Recommandation n° 10 : révolutionner le modèle de financement du réseau en réduisant les péages au niveau des principaux pays européens pour favoriser le développement du mode ferroviaire et la baisse du prix des billets (État).

Recommandation n° 11 : programmer le déploiement rapide des projets de modernisation du réseau (la commande centralisée et la technologie de signalisation ERTMS) dont les enjeux financiers cumulés dépassent les 35 milliards d'euros mais qui sont sources d'économies pour SNCF Réseau, notamment en termes de charges de personnel, et de gains socio-économiques considérables (SNCF Réseau et État).

Recommandation n° 12 : dans le cadre de ses relations conventionnelles avec les régions, la SNCF doit réaliser des gains de productivité d'au moins 35 % afin que les coûts de roulage des services conventionnés se rapprochent des standards européens et renoncer aux sur-spécifications aussi superfétatoires que coûteuses en matière d'acquisition du matériel roulant (SNCF Voyageurs).

Recommandation n° 13 : l'engagement stratégique de l'État pour le réseau ne peut pas se réduire à un document comptable mais bien plutôt se traduire dans un contrat de performance, ambitieux, précis et crédible, fondé sur de véritables engagements réciproques lisibles à dix ans et intégrant l'ensemble des enjeux du futur de la mobilité ferroviaire, y compris la modernisation du réseau et le green deal européen (État).

Recommandation n° 14 : l'État doit être moteur pour inciter l'Union européenne à contribuer davantage au financement du secteur ferroviaire, notamment s'agissant de la modernisation des infrastructures, du fret et plus généralement dans le cadre des enjeux portés par le green deal tandis que la SNCF doit saisir toutes les opportunités de financements communautaires existantes (État et SNCF).

Relance du fret et aménagement ferroviaire du territoire :
passer de la parole aux actes

Recommandation n° 15 : prévoir le financement des 10 milliards d'euros d'investissements nécessaires dans les infrastructures de fret à horizon 2030 (État et SNCF Réseau).

Recommandation n° 16 : réaliser un bilan de l'efficacité des aides accordées aux opérateurs de fret ferroviaire et, le cas échéant, envisager de renforcer ces concours pour se donner les moyens d'atteindre l'objectif d'un doublement de la part modale d'ici 2030 (État).

Recommandation n° 17 : prévoir et planifier les financements nécessaires à l'exploitation des nouvelles lignes de trains de nuit (État).

Recommandation n° 18 : inverser la tendance au désengagement de l'État dans le financement des petites lignes et augmenter les investissements qui leur sont consacrés pour respecter la trajectoire définie à horizon 2028 par le rapport Philizot (État).

Recommandation n° 19 : clarifier la stratégie de l'État en ce qui concerne le développement des services de trains d'équilibre du territoire (TET) et le modèle de financement qui devra l'accompagner alors que les investissements nécessaires s'élèveraient à plusieurs milliards d'euros (État).

INTRODUCTION

À la fois critiquée mais aussi aimée de nos concitoyens, qui lui portent un réel attachement, la SNCF occupe une place à part dans la vie et l'imaginaire des français. Elle est également au coeur des préoccupations des pouvoir publics avec lesquels elle entretient des relations étroites. Sa situation financière déficitaire interpelle et agace nos « concitoyens contribuables » qui s'interrogent quant à savoir si la SNCF retrouvera un jour une situation financière équilibrée. Depuis deux ans, la crise sanitaire, aussi violente soit-elle pour le transport de voyageurs, a eu tendance à servir de justificatif aux difficultés récurrentes et structurelles de la société. La réalité est en fait bien différente.

Le coeur de métier de la SNCF reste dans une situation financière très délicate. Les espoirs de retour à l'équilibre financier du groupe dépendent des performances de filiales extérieures à son activité principale, au premier rang desquelles Geodis et Keolis, qui ont tendance à masquer les difficultés financières de la SNCF. La compétitivité de la SNCF reste nettement inférieure à celle de ses concurrents.

Le modèle économique de SNCF Réseau est quand-à-lui dans l'impasse. Sa situation financière est structurellement déséquilibrée et ses objectifs de retour à l'équilibre supposent une augmentation non soutenable des péages acquittés par les opérateurs et les régions ainsi qu'un rationnement de ses investissements dans les infrastructures. Par ailleurs, du fait d'un fonctionnement et d'une organisation encore largement emprunts des lourdeurs du passé, SNCF Réseau souffre de la comparaison avec ses homologues européens. Il n'a toujours pas entrepris de véritables gains de productivité et il fait porter l'essentiel de ses économies sur ses fournisseurs. Sa productivité stagne depuis 20 ans et la circulation d'un train en France requière 3 fois plus d'agents qu'ailleurs. Le déficit de performance de SNCF Réseau, ses profonds déséquilibres financiers, et l'impasse de son modèle économique se répercutent sur l'état très inquiétant des infrastructures ferroviaires françaises. Alors que l'âge moyen du réseau national (29 ans) reste nettement plus élevé qu'ailleurs en Europe (17 ans en Allemagne) et qu'il souffre d'un déficit de performance manifeste, les investissements consacrés à sa régénération sont notoirement insuffisants.

Au-delà de sa régénération, la modernisation du réseau national est un enjeu fondamental. Les rapporteurs spéciaux s'étonnent qu'aucune véritable programmation ni aucun modèle de financement sérieux n'aient été prévus en France pour développer les programmes de commande centralisées du réseau (CCR) et d'ERTMS. Cette situation prive le gestionnaire d'infrastructure de perspectives de gains d'efficience considérables. Elle promet aussi d'accroître le retard déjà phénoménal de la France dans ce domaine. Notre pays devient un frein au développement de l'espace ferroviaire européen. Il est regrettable que l'État place si souvent la SNCF devant des injonctions contradictoires. Le refus de consacrer des financements au déploiement d'un programme tel que la CCR, gisement considérable de gains de productivité, conjugué aux objectifs de performance fixés à SNCF Réseau en est un exemple manifeste.

Face aux difficultés rencontrées par la SNCF et le modèle ferroviaire français en général, l'État a abandonné toute vision stratégique. D'ailleurs, lorsqu'il affiche des objectifs de développement de la mobilité ferroviaire, comme par exemple dans la stratégie nationale bas carbone (SNBC), ceux-ci se retrouvent balayés par des engagements contradictoires. Le projet de nouveau contrat de performance de SNCF Réseau en est la démonstration la plus flagrante. Celui-ci ne porte aucune vision stratégique et industrielle, multiplie les renoncements, prévoit des investissements de renouvellement notoirement insuffisants, fait l'impasse sur la modernisation du réseau et les enjeux du green deal européen, fonde l'hypothétique retour à l'équilibre de SNCF Réseau sur une trajectoire d'augmentation des péages manifestement insoutenable, etc . Ces incohérences desservent profondément la viabilité économique d'un modèle ferroviaire appelé à être le fer de lance de l'effort de décarbonation des transports.

L'État pèche aussi par l'insuffisance de sa politique d'aménagement ferroviaire du territoire. Son désengagement du financement des petites lignes ne permettra pas d'atteindre les objectifs de renouvellement que le rapport Philizot avait fixés à horizon 2028. S'agissant des promesses de développement des trains d'équilibre du territoire de jour comme de nuit, les financements ne suivent toujours pas.

Dépendant de la bonne santé du TGV, fondé sur une logique d'autofinancement du ferroviaire devenue irréaliste compte-tenu notamment de l'ampleur des objectifs de report modal, fait de relations ambivalentes entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur historique, reposant sur un système de péages très élevés, le modèle de financement du secteur ferroviaire est dans l'impasse. Le niveau des péages ferroviaires et leurs perspectives d'évolution dans les années à venir est devenu insoutenable pour les régions et constitue une barrière à l'entrée du marché français.

Devant ce constat d'un déficit de performance, de déséquilibres financiers récurrents et alors que la gouvernance et les circuits de financements actuels du secteur sont incompatibles avec une ambition de développement de la mobilité ferroviaire à la hauteur de nos engagements climatiques, les rapporteurs spéciaux ont acquis la conviction qu'il est urgent d'agir pour remettre la SNCF sur rail.

I. LES DERNIÈRES RÉFORMES FERROVIAIRES NE SUFFIRONT PAS À RÉTABLIR LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SNCF

A. 1997-2017 : DES RÉFORMES INSUFFISANTES POUR EMPÊCHER UNE DÉGRADATION CONSTANTE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SNCF

1. La création de réseau ferré de France (RFF) n'a pas enrayé la spirale de la dette ferroviaire

Depuis sa création le 31 août 1937 et jusqu'à la réforme de 1997, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est en charge du réseau ferroviaire national et de son exploitation. Elle se constitue en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) à partir de 1983, avec pour actionnaire majoritaire l'État.

Dans le cadre de la directive européenne 91/440/CEE du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer communautaires et dans un contexte d'endettement croissant du groupe SNCF, la loi du 13 février 1997 créée l'EPIC réseau ferré de France (RFF) auquel est transféré la gestion du réseau ferroviaire. Le transfert de la propriété des voies et de la dette ayant servi à leur financement à RFF a permis d'alléger l'endettement de la SNCF de 20,6 milliards d'euros.

Cependant, le cantonnement de la gestion du réseau et de son encours de dette n'a pas permis d'endiguer le mouvement d'endettement constaté depuis la création du groupe. Au contraire, la dette d'infrastructure double entre 1997 et 2014 : elle est évaluée à 39,3 milliards d'euros en 2014 . Cette hausse s'explique principalement par le sous-investissement de l'État dans son réseau ferroviaire dans un contexte de multiplication des lignes à grande vitesse (LGV), de dépendance de RFF aux activités de la branche infrastructure de la SNCF, symptomatique de l'échec de la réforme de 1997, et de dégradation continue du réseau ferroviaire national.

De la fin des années 2000 au milieu de la décennie 2010, le développement de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) s'est fortement accéléré . Le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) élaboré en 2011 comportait quatorze projets de nouvelles LGV. Quatre de ces projets ont été réalisés au prix d'un accroissement considérable de la dette du gestionnaire d'infrastructure : la deuxième phase de la LGV Est, la LGV Bretagne-Pays de la Loire, la LGV Tours - Bordeaux, et la LGV Nîmes-Montpellier. Dans un rapport publié en 2014 2 ( * ) , la Cour des comptes a démontré à quel point les coûts de construction des LGV ont augmenté , passant de 4,8 millions d'euros par kilomètre pour la ligne Paris-Lyon à 26 millions d'euros par kilomètre pour la ligne Sud Europe Atlantique (Tours-Bordeaux), dont le coût total s'est élevé à 7,8 milliards d'euros.

Dans ce même rapport, la Cour des comptes constatait que le modèle mis en place en 1997 induisait une relation déséquilibrée entre les deux EPIC et limitait considérablement l'autonomie réelle de RFF . En pratique, RFF devait déléguer nombre de ses principales missions à la SNCF , dont le fonctionnement et l'entretien des infrastructures techniques, la sécurité ou encore la gestion opérationnelle des circulations sur le réseau. Le coût tarifaire de ces activités était régulièrement revalorisé et la délégation de missions ne permettait pas au groupe de gagner en compétitivité . Ainsi, RFF était rendu dépendant des performances de la SNCF. La Cour des comptes notait également que les redevances de la SNCF pour RFF avaient souvent été sous-estimées au regard de sa capacité contributive, une des manifestations de la relation déséquilibrée entre les deux EPIC.

L'audit réalisé par l'école polytechnique de Lausanne et publié en septembre 2005, dit rapport Rivier 3 ( * ) , avait dressé le constat accablant d'une dégradation chronique du réseau ferroviaire depuis les années 1980. Le contrat de performance de RFF pour 2008-2014 et le grand plan de modernisation du réseau (GPMR) de 2013 ont répondu en partie aux enjeux de rénovation des voies en industrialisant la politique de maintenance. Cependant, le besoin de modernisation du réseau a été laissé de côté . Aujourd'hui encore cet enjeu est négligé et le réseau français accumule retard et performance sous-optimale. Sur le plan financier, les travaux de rénovation se révèlent anormalement onéreux puisque le coût de renouvellement des voies a augmenté de 31 % entre 2010 et 2017 contre une hausse moyenne de 5 % de l'indice général des travaux publics. Cette différence s'explique notamment par une mauvaise maitrise des charges de personnel.

Si le transport de voyageurs connaît un regain dans les années 2000, la situation financière de RFF n'est plus tenable . Ses charges ont considérablement augmenté suite au développement des lignes à grande vitesse et dans le cadre des travaux de rénovation des voies, sans qu'il dispose de ressources suffisantes pour les couvrir. L'endettement croissant du gestionnaire d'infrastructure et la hausse de ses frais financiers ont amené les pouvoirs publics à questionner le modèle à deux EPIC .

2. 2014 : SNCF Réseau intègre un groupe ferroviaire unifié dont la situation financière s'aggrave dangereusement

La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire revient sur la réforme de 1997. Elle crée un groupe public ferroviaire unifié avec trois EPIC aux rôles distincts : SNCF à la tête du groupe, SNCF Mobilités, l'opérateur de transports et SNCF Réseau, le gestionnaire d'infrastructure unique et désormais de plein exercice.

Cette réforme structurelle devait permettre de maîtriser la dette du groupe et d' accompagner la SNCF dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des espaces ferroviaires européens. Mais malgré un contexte alarmant d'emballement d'une dette devenue colossale (55 milliards d'euros, détenue à 80 % par SNCF Réseau) et de charges d'intérêts proprement insoutenables (1,3 milliard d'euros pour SNCF Réseau à lui seul), les outils de maîtrise de la dette prévus par la loi de 2014 seront rendus effectifs très tardivement .

Ainsi, la règle d'or sensée mettre un terme à l'emballement de la dette du gestionnaire d'infrastructure et désormais codifiée à l'article L. 2111-10-1 du code des transports, n'est-elle instaurée par décret que le 30 mars 2017 . Elle prévoit que l'EPIC SNCF Réseau ne peut pas contribuer à des projets de développement dès lors que le ratio de son endettement net sur sa marge opérationnelle dépasse un seuil fixé par voie réglementaire. La loi du 4 août 2014 entend également renforcer la gouvernance du groupe et le pilotage par l'État du gestionnaire d'infrastructure . Aussi, en application des normes européennes, prévoit-elle l'élaboration d'un contrat de performance pluriannuelle pour SNCF Réseau . Ce contrat, aux insuffisances multiples et dont les trajectoires financières étaient irréalistes (voir infra ) ne sera signé qu'en 2017 pour la période 2017-2026.

La réforme de 2014 porte l'objectif d'un autofinancement de SNCF Réseau par la voie de gains de productivité, de péages ferroviaires élevés et le versement annuel d'une part des bénéfices dégagés par SNCF mobilités 4 ( * ) .

La réforme de 2014 a considérablement élargi les missions et les compétences du régulateur. Elle associe beaucoup plus étroitement l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) au suivi financier du secteur . L'Autorité veille ainsi au respect de la trajectoire financière de la SNCF Réseau , suit les conditions de financement de ses projets d'investissements et émet des avis conformes sur la tarification de l'ensemble des composantes de l'infrastructure. L'Autorité est consultée pour rendre des avis consultatifs sur les contrats conclus entre l'État et la SNCF, les concours financiers apportés à SNCF Réseau ainsi que sur son budget prévisionnel. Enfin, la réforme de 2014 a séparé les fonctions de poursuite et d'instruction au sein de l'Autorité.

B. RÉFORME INDISPENSABLE, LE NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE EST INSUFFISANT

1. Vertueuse d'un point de vue financier, la réforme ne règle pas toutes les difficultés de gouvernance

La loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire , l'ordonnance du 3 juin 2019 et ses décrets d'application prévoient la transformation au 1 er janvier 2020 des trois EPIC existants en une nouvelle organisation composée de cinq sociétés anonymes (SA) . La SNCF, société anonyme à capitaux publics détenue à 100 % par l'État, est la holding du groupe. Détenue par la SA SNCF, SNCF Voyageurs regroupe les différentes entreprises ferroviaires de transport de voyageurs du groupe. SNCF Réseau, également détenue par la société mère SNCF, est le gestionnaire d'infrastructure. Fret SNCF a le statut de société par actions simplifiée (SAS) et est également une filiale de la SA SNCF. Enfin, Gare et Connexions est une filiale de SNCF Réseau qui gère et exploite les gares.

L'enjeu du nouveau pacte ferroviaire est d' améliorer la compétitivité de la SNCF dans un contexte d'ouverture du marché domestique de transports de voyageurs à la concurrence en application des dispositions du quatrième paquet ferroviaire européen (présenté en annexe 1). Le nouveau pacte ferroviaire vise aussi à créer un système ferroviaire autoporteur financièrement . Pour cela, il entend notamment réformer les relations qu'entretiennent l'État et la SNCF. Cette réforme s'est notamment appuyée sur certains des constats et des conclusions du rapport sur l'avenir du transport ferroviaire du 15 février 2018, dit rapport Spinetta (présenté en annexe 1) 5 ( * ) .

Le nouveau cadre juridique suppose la conception et le suivi d'un plan stratégique établi par les organes de gouvernance du groupe. L'une des vocations de la réforme est de responsabiliser davantage le management de la SNCF . La réduction de la taille de son conseil d'administration est sensée lui conférer une plus grande agilité. Cette nouvelle organisation devait également se traduire par une meilleure gestion tandis qu'elle impose des règles financières plus rigoureuses.

Cette nouvelle gouvernance porte néanmoins en elle le risque de l'émergence d'un système en silo générant un manque de coordination entre les différentes composantes du groupe. Les rapporteurs spéciaux ont pu constater, que localement, de plus en plus souvent, ce sont les régions , fortes de leur vision globale du service, qui participent à la coordination et à fluidifier la circulation de l'information entre les différentes entités du groupe SNCF.

Un des principaux acquis de la réforme, l'extinction du statut de cheminot pour les nouveaux recrutements à compter de 2020 permettra d'améliorer la compétitivité-coût de la SNCF.

Pour prévenir la reconstitution d'une dette que l'État s'est engagé à reprendre à hauteur de 35 milliards d'euros, la réforme de 2018 prévoit de renforcer la règle d'or (présentée en annexe 2) qui doit protéger SNCF Réseau. En marge de la réforme, parce que la dette de la SNCF était devenue insoutenable , qu'elle obérait toute possibilité d'amélioration financière du groupe et qu'elle était incompatible avec le nouveau statut de société anonyme de SNCF Réseau, l'État a pris l'engagement d'en reprendre 35 milliards d'euros . Cette reprise, totalement effective depuis le 1 er janvier 2022, s'est effectuée en deux temps : 25 milliards d'euros au 1 er janvier 2020 puis 10 milliards d'euros au 1 er janvier 2022.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que cette dette avait été accumulée en raison du sous-investissement chronique de l'État dans les infrastructures ferroviaires et que sa reprise par la puissance publique était devenue indispensable, notamment pour alléger des frais financiers devenus totalement insoutenables. En 2020, les frais financiers du gestionnaire d'infrastructures ont ainsi été réduits de plus de moitié.

La réforme de 2018 a aussi fait évoluer le système de financement du réseau . En renforçant le circuit de financement de SNCF Réseau au moyen des bénéfices générés par SNCF Mobilités 6 ( * ) versés au fonds de concours et destiné à subventionner le gestionnaire d'infrastructure, la réforme porte l'ambition de créer un système ferroviaire financièrement autoporteur 7 ( * ) . Une part significative des bénéfices réalisés par l'activité voyages et, plus particulièrement par les dessertes TGV rentables, doit participer à financer la rénovation du réseau. Toutefois, cette situation ne va pas sans instaurer une relation ambivalente entre les deux filiales, la santé financière du gestionnaire d'infrastructure étant dépendante des résultats de l'opérateur de transport historique. Au-delà de cette situation ambigüe, l'indépendance véritable du gestionnaire d'infrastructure au sein du groupe ferroviaire unifié interroge . L'ambition d'autofinancement du système ferroviaire s'appuie aussi sur un système d'intégration fiscale qui permet à la société mère SNCF de percevoir l'écart entre le montant de l'impôt sur les sociétés qui lui est versé par ses filiales et l'impôt sur les sociétés dû à l'État.

Par ailleurs, l'ART , qui a notamment la mission d'accompagner l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, s'est vu octroyer de nouvelles compétences . Ainsi, l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 élargit-elle ses missions en matière de régulation des autorisations d'accès aux nouveaux services librement organisés (SLO) de transports de voyageurs, de règlement des différends en cas de non-respect des garanties d'indépendance de SNCF Réseau, de défaut de transmission d'informations, de gestion de la circulation et de saisine pour avis sur les contrats de service public. Ces missions renforcées visent à rendre effective l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs.

Si le nouveau pacte ferroviaire présente des leviers essentiels pour que la SNCF gagne en compétitivité, il risque cependant de ne pas aboutir à la révolution attendue et la situation financière du groupe reste très inquiétante.

2. Les paramètres sous-jacents de la réforme remis en cause

Trois hypothèses sous-jacentes conditionnaient les résultats de la réforme de 2018 en termes de retour à l'équilibre financier de la SNCF. Elle supposait premièrement un réseau ferroviaire rénové mais constant , c'est-à-dire sans nouveaux développements, deuxièmement un fret ferroviaire stable et, troisièmement, une activité TGV très dynamique susceptible de porter financièrement le modèle économique de l'ensemble du système.

Ces trois hypothèses sont tout ou partie remises en causes aujourd'hui. Le premier paramètre a été modifié par des décisions gouvernementales qui apparaissent comme des revirements par rapport aux engagements pris en 2017 . Outre le caractère sensiblement insuffisant des financements consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau, en 2021, le Gouvernement a annoncé des investissements importants dans de nouvelles LGV . Ces décisions vont à rebours des engagements pris par l'État et de la philosophie de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) qui entendait concentrer les investissements sur la rénovation des infrastructures existantes et les mobilités du quotidien. Ce revirement, qui participe à compromettre les équilibres du nouveau pacte ferroviaire, ne va pas sans susciter l'interrogation des rapporteurs spéciaux.

Autre paramètre qui conditionnait l'équilibre de la réforme de 2018, la stabilité du fret ferroviaire est remise en cause, cette fois pour une très bonne raison, à savoir l'annonce d'un plan ambitieux de relance de cette activité qui doit permettre de doubler sa part modale d'ici 2030. Si cette ambition est plus que vertueuse aux yeux des rapporteurs spéciaux, elle n'en remet pas moins en cause les hypothèses sur lesquelles la réforme avait été conçue.

Enfin, la troisième hypothèse forte de la réussite de la réforme de 2018, la plus déterminante de toute en raison de la dépendance de l'ensemble du modèle à la rentabilité du TGV, a été profondément bouleversée par la crise sanitaire. Incertaines du fait des conséquences structurelles de la crise sur les mobilités, les perspectives de moyen-long terme de l'activité grande vitesse font peser une menace sur les équilibres du modèle de financement de la SNCF et du système ferroviaire dans sa globalité.

II. DES CONTRIBUTIONS PUBLIQUES QUI OBLIGENT LA SNCF

A. DES CONCOURS PUBLICS EN FORTE HAUSSE ET PORTÉS PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

1. Des transferts financiers en progression depuis 2015 et émanant de plus en plus des collectivités locales

Entre 2015 et 2020, l'ensemble des transferts publics versés à la SNCF ont progressé d'environ 25 %. La hausse s'est accélérée depuis 2018 (+ 18 %). En 2020 ils ont ainsi dépassé les 17 milliards d'euros.

Transferts publics à la SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Alors que le total des contributions versées par l'État est resté relativement stable sur la période (+ 5 %), la participation financière des collectivités locales au système ferroviaire s'est fortement appréciée (+ 45 %).

Transferts publics à la SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

D'après l'association Régions de France, les régions et Île-de-France mobilités (IDFM) consacrent en moyenne 1 milliard d'euros à l'investissement dans les infrastructures ferroviaires.

2. Des contributions des régions et d'Île-de-France mobilités aux transports conventionnés en forte augmentation

Entre 2015 et 2020, les contributions publiques versées à SNCF Voyageurs ont augmenté de plus de 30 % pour atteindre les 9 milliards d'euros en 2020.

Elles sont composées à près de 80 % par les contributions à l'exploitation qui se sont accrues de près de 30 % sur la période pour franchir la barre des 7 milliards d'euros en 2020. Les subventions d'investissement , consacrées au renouvellement du matériel roulant se sont quant à elles accrues de 50 % pour avoisiner les 2 milliards d'euros depuis 2019.

Transferts publics à la SNCF au titre de ses activités de transport
de voyageurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans annuels des transports 2015 à 2020

En 2020, exploitation et investissements cumulés, les contributions des régions et de IDFM à SNCF Voyageurs représentent respectivement 49 % et 45 % du total. Elles se sont accrues de 23 % et 67 % depuis 2015. La part de l'État n'atteint plus que 6 % contre encore 11 % en 2015.

Transferts publics à la SNCF au titre de ses activités de transport de voyageurs répartis par financeurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans annuels des transports 2015 à 2020

L'annexe 3 décrit le détail des subventions d'exploitation et d'investissements versées à SNCF Voyageurs ainsi que leurs évolutions.

Il est à noter également que l'État verse chaque année à la SNCF une compensation du manque à gagner pour SNCF Voyageurs résultant de la mise en oeuvre de tarifs sociaux nationaux. Cette somme s'est élevée à 14,6 millions d'euros en 2020 et 19,4 millions d'euros en 2021.

3. Versées à SNCF Réseau, les contributions au financement des infrastructures sont bien loin d'assurer leur renouvellement et leur modernisation

En 2020, d'après le bilan annuel des transports 2020 produit par le ministère de la transition écologique, les subventions d'investissement versées à SNCF Réseau se seraient établies à environ 2,5 milliards d'euros, en progression de 60 % depuis 2015 . Les contributions assumées par les collectivités locales ont notamment augmenté de 80 % pour atteindre 1,7 milliard d'euros en 2020. En 2020, les subventions versées par l'État seraient légèrement inférieures à 800 millions d'euros.

Subventions d'investissement versées à la SNCF au titre de ses activités
de transport de voyageurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans annuels des transports 2015 à 2020

Les subventions de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en faveur du secteur ferroviaire sont présentées en annexe 4.

L'État verse à SNCF Réseau des redevances d'accès à l'infrastructure au titre des services de trains d'équilibre du territoire (TET), les anciens intercités, dont il est l'autorité organisatrice, mais aussi au titre de l'activité TER 8 ( * ) . Ces redevances ont vocation à couvrir les coûts fixes du gestionnaire d'infrastructure.

Par ailleurs, les activités de transport de marchandises par trains ne pouvant atteindre le seuil de rentabilité en s'acquittant de péages qui couvriraient ne serait-ce que le coût directement imputable à leur usage des infrastructures, c'est-à-dire le coût marginal de leur circulation sur le réseau, l'État verse une contribution au gestionnaire d'infrastructure afin de compenser l'écart entre les redevances versées par les opérateurs et le coût directement imputable aux circulation de fret ferroviaire.

Redevances d'infrastructures versées par l'État à SNCF Réseau (2015-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les rapports annuels de performance et projets annuels de performance annexés aux lois de finances

Entre 2015 et 2022 , le montant global de ces redevances devrait avoir progressé d'environ 18 % pour franchir les 2,6 milliards d'euros . Cette augmentation s'explique par le renforcement récent de la prise en charge des redevances de l'activité de fret ferroviaire en lien avec les conséquences de la crise sanitaire et les objectifs de relance du secteur 9 ( * ) mais également par la hausse des redevances d'accès au titre des TER .

Comme ils le décrivent en détail infra , les rapporteurs spéciaux considèrent que les contributions qu'SNCF Réseau perçoit de l'État sont très insuffisantes pour assurer la régénération et la modernisation du réseau. Par ailleurs, leur faiblesse conduit à faire reposer les investissements dans le réseau sur des péages exagérément élevés qui entravent le développement du mode ferroviaire ainsi que son ouverture à la concurrence. Aussi, considèrent-ils que c'est l'ensemble du modèle économique de SNCF Réseau et des infrastructures ferroviaires françaises qui doit être absolument revisité en profondeur.

4. La subvention d'équilibre versée par l'État au régime spécial de retraite de la SNCF dépasse les 3 milliards d'euros annuels

Le budget général de l'État verse chaque année une subvention d'équilibre destinée au régime spécial d'assurance retraite de la SNCF . Cette subvention d'équilibre a vocation à compenser d'une part le déséquilibre démographique de ce régime spécial qui compte un cotisant pour près de deux retraités et d'autre part à financer le coût de certains droits spécifiques permettant notamment des départs en retraite anticipés.

Subvention d'équilibre versée par l'État au régime d'assurance vieillesse
de la SNCF (2015-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les rapports de la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS)

Il est à noter que l'extinction du statut de cheminots au 1 er janvier 2020 a pour conséquence d'accroitre le déséquilibre démographique du régime dont le nombre de cotisants va progressivement se réduire.

5. Le fonds de concours versé à SNCF Réseau ou l'idée d'un autofinancement du ferroviaire devenue irréaliste

Comme indiqué supra, la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a instauré un nouveau dispositif de financement du gestionnaire d'infrastructure, destiné à contribuer au financement de la régénération du réseau. Il s'agissait à l'époque d' affecter une partie des résultats de SNCF Mobilités « au profit du redressement du gestionnaire d'infrastructures » 10 ( * ) .

Renforcé par le nouveau pacte ferroviaire de 2018, le mécanisme prévoit que 60 % du bénéfice récurrent dégagé par SNCF Voyageurs soit versé à un fonds de concours qui alimente le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget général de l'État. Ce fonds de concours est affecté à SNCF Réseau 11 ( * ) .

Sommes affectées au fonds de concours destiné à SNCF Réseau à partir des résultats du groupe SNCF (2016-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En 2021, du fait de la crise, la SNCF s'est trouvée dans l'impossibilité d'abonder le fonds de concours. En 2022 et en 2023, SNCF Réseau ne devrait percevoir que 170 millions d'euros à ce titre en raison des conséquences de la crise sur le résultat de SNCF Voyageurs.

À compter de 2024, l'État et la SNCF anticipent le versement de montants très élevés au titre de ce mécanisme. Ces hypothèses demeurent pour le moins hypothétiques et dépendantes du dynamisme de l'activité grande vitesse de SNCF Voyageurs.

Outre le fait que ce mécanisme donne lieu à des relations financières particulièrement ambivalentes entre l'opérateur de transport historique et le gestionnaire d'infrastructure , il n'apparaît plus raisonnable aux rapporteurs spéciaux de rendre le si essentiel programme de régénération du réseau totalement dépendant des fluctuations, de la vitalité et de la rentabilité économique de l'activité TGV de la SNCF , d'autant plus que celles-ci seront affectées tant par les conséquences structurelles de la crise sanitaire sur la mobilité que par l'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires domestiques de voyageurs. La rentabilité de la grande vitesse ne sera plus aussi mirobolante qu'elle a pu l'être dans le passé. Il est à noter qu'aujourd'hui déjà, seule une ligne de TGV sur deux est rentable.

Aussi, tant pour clarifier les rapports entre l'opérateur de transport historique et un gestionnaire d'infrastructure qui se doit d'être parfaitement indépendant que pour sécuriser les investissements indispensables dans la régénération du réseau, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils qu'il est devenu nécessaire de remettre en cause cet objectif devenu irréaliste d'un autofinancement du secteur ferroviaire . Cette remise cause devra être mise en oeuvre à l'occasion d' une remise à plat en profondeur du modèle de financement du réseau ferroviaire national qu'ils appellent de leurs voeux.

6. Des subventions européennes à mobiliser de façon volontariste

La SNCF perçoit des concours européens, notamment dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) . Elle a ainsi perçu environ 440 millions sur la période 2014-2020 dans le cadre de 31 conventions.

La France et la SNCF doivent s'engager de manière volontariste pour mobiliser avec le plus d'efficacité possible les financements prévus dans le cadre de la deuxième période du MIE (2021-2027), le MIE2 , qui prévoit d'ores et déjà d'amplifier les efforts dans le domaine ferroviaire. Le programme de financements du MIE2 dédié aux transports est doté de 25,8 milliards d'euros et sera majoritairement orienté vers le ferroviaire, notamment dans le cadre du green deal .

Les rapporteurs spéciaux rappellent que le mécanisme repose sur des appels à propositions concurrentiels pilotés par la commission européenne et que les financements obtenus par les États membres et les opérateurs sont directement dépendants de la qualité des propositions qu'ils soumettent à l'exécutif européen. Aussi est-il impératif que l'État et la SNCF consacrent tous les efforts nécessaires pour optimiser l'obtention de cofinancements européens au profit des investissements réalisés sur les infrastructures ferroviaires françaises.

B. UN PLAN DE RELANCE QUI N'A DE RELANCE QUE LE NOM

1. Le mal nommé plan de relance est en fait un plan de sauvetage et l'apport de fonds à des décisions de l'État non financées

En septembre 2020, le Gouvernement a annoncé un plan de relance de 4,7 milliards d'euros en faveur du secteur ferroviaire. Ce plan de relance est composé de deux parts. Une recapitalisation du groupe SNCF pour 4,05 milliards d'euros et 650 millions d'euros de crédits budgétaires pour des investissements dans le réseau et le matériel roulant nécessaire à la relance des services de trains de nuit 12 ( * ) .

Concours exceptionnels de l'État au groupe SNCF pour affronter
les conséquences de la crise

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du budget au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La recapitalisation de 4,05 milliards d'euros (dont le mécanisme est explicité en annexe 5) est en fait destinée à SNCF Réseau, après avoir transité par le fonds de concours du programme 203 « Infrastructures et services de transports » présenté supra .

Répartition du concours exceptionnel de 4,05 milliards d'euros

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Certes indispensable, mais bien loin d'être une mesure de « relance » du ferroviaire, ce concours exceptionnel a premièrement pour vocation de sauver un programme de régénération du réseau qui était en péril imminent du fait de l'effondrement des ressources de SNCF Réseau. Aussi, 2,3 milliards des 4,05 milliards d'euros ont vocation à compenser la diminution des recettes de péages et de l'affectation des bénéfices de SNCF Voyageurs causées par les répercussions du premier confinement. C'est ainsi 43 % des opérations de régénération du réseau prévues en 2021 et 2022 qui seront financées par cette manne. Les conséquences de la crise postérieures au premier confinement n'ont en revanche pas été intégrées dans ce plan qui n'a toujours pas fait l'objet d'une réévaluation à ce jour.

Deuxièmement, ce concours de 4,05 milliards d'euros a aussi pour fonction d' apporter enfin des fonds pour mettre en oeuvre des décisions imposées à la SNCF par le Gouvernement mais pour lesquelles il n'avait prévu aucun financement .

Il s'agit notamment de l'interdiction de l'usage du glyphosate sur et aux abords des voies et de la rénovation des ouvrages d'art et des ouvrages de terre , pour 1,5 milliard d'euros, ou encore de la décision d' intégrer quatorze petites lignes au réseau structurant dont la régénération est autofinancée par SNCF Réseau (250 millions d'euros).

Ces 4,05 milliards d'euros doivent être versés à SNCF Réseau de façon échelonnée sous forme de subventions d'investissement . Le premier versement , pour 1 645 millions d'euros a été réalisé en février 2021 . Le deuxième, pour 1 761 millions d'euros doit être effectué en 2022 . Aussi, en 2022, 84 % de la somme totale devrait avoir été affectée au gestionnaire d'infrastructure. Le dernier versement , pour 644 millions d'euros , est programmé en 2023 .

Au-delà du soutien exceptionnel de 4,05 milliard d'euros à SNCF Réseau, le plan du Gouvernement prévoit aussi 650 millions d'euros pour soutenir plusieurs actions : 100 millions d'euros pour le matériel roulant des trains de nuit, 250 millions d'euros en faveur des infrastructures de fret ferroviaire et 300 millions d'euros d'investissements dans les lignes de desserte fine du territoire .

Répartition des 650 millions d'euros de crédits budgétaires attribués dans le cadre du plan de relance pour le ferroviaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ce plan d'aide accordé au groupe ferroviaire intégré SNCF n'est pas dénué de contreparties , notamment en matière environnementale . Ainsi, la SNCF s'est-elle engagée à réduire de 30 % les émissions de CO 2 de ses activités ferroviaires d'ici 2030 par rapport au niveau de l'année 2015. Elle a aussi pris l'engagement de réduire de 50 % les émissions de ses activités immobilières d'ici 2030.

2. Contrairement à ses voisins, la France n'a pas jugé bon de se saisir de toutes les opportunités offertes par le droit de l'Union européenne

La réponse de l'État français à la crise décrite supra s'est concentrée sur le gestionnaire d'infrastructure et le réseau. S'il était indispensable de soutenir en priorité SNCF Réseau et notamment que le programme de régénération des infrastructures ne soit trop durement affecté, la France, contrairement à plusieurs de ses partenaires européens, a fait le choix de ne pas proposer d'aides aux opérateurs de transport de voyageurs non conventionné, secteur le plus durement affecté par la crise. Pourtant, les accommodements prévus par le droit de l'Union européenne, assoupli du fait du contexte de crise, offrent aux États membres une série d'opportunités qui ont été saisies par nombre d'entre eux (cf annexe 6).

Dans nombre de pays européens, les opérateurs de transport ferroviaire de voyageurs ont ainsi été soutenus au titre de leurs services librement organisés (SLO) à la différence de SNCF Voyageurs. Cette situation aura une incidence négative sur la compétitivité de la société, notamment vis-à-vis de ses futurs concurrents européens.

Il est à noter que SNCF Voyageurs a néanmoins pu bénéficier du dispositif d'activité partielle et que, pour les services conventionnés, les mécanismes conventionnels de partage des risques ont conduit à ce que les régions couvrent l'essentiel des pertes commerciales provoquées par la crise.

III. UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE FINANCIER INCERTAIN ET DÉPENDANT D'ACTIVITÉS ÉTRANGÈRES AU COEUR FERROVIAIRE DE LA SNCF

A. LA SITUATION FINANCIÈRE DÉGRADÉE DU CoeUR FERROVIAIRE DU GROUPE

1. Déjà très fragile avant la crise, la situation financière de la SNCF rend très incertaine l'atteinte de ses objectifs financiers

Les activités du groupe SNCF

Source : rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes

Notamment suite à la réforme pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018 et à la reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau, le groupe SNCF a pris, à l'égard de l'État actionnaire, des engagements financiers ambitieux compte-tenu de sa situation structurellement dégradée. Ces objectifs, dont certains doivent être atteints dès 2022 , ont été rendus plus exigeants encore du fait des conséquences de la crise sanitaire sur les comptes du groupe. Ces objectifs sont les suivants :

- le premier, fixé au groupe, est l'atteinte d' un cash-flow libre à l'équilibre dès 2022 . Cet objectif est la condition sine qua non pour enfin parvenir à maîtriser l'endettement de la SNCF ;

- le deuxième, initialement fixé pour 2022, mais déjà reporté à l'exercice 2023, consiste à ce que l'endettement net du groupe ne soit pas supérieur de plus de six fois à sa marge opérationnelle (MOP) ;

a) Avant la crise, la situation financière de la SNCF présentait d'évidentes fragilités concentrées sur son coeur d'activité

Indicateurs financiers synthétiques du groupe SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Avant la crise, le chiffre d'affaires du groupe affichait une légère progression et était de plus en plus tiré par des activités extérieures au coeur d'activité de la SNCF.

En hausse modérée avant la crise (+ 12 % entre 2015 et 2019), le chiffre d'affaires du groupe est dominé par l'activité de SNCF Voyageurs dont le chiffre d'affaires en 2019 avait atteint 16,8 milliards d'euros sur un total de 35,1 milliards d'euros.

Évolution du chiffre d'affaires du groupe SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Le chiffre d'affaires du groupe est également marqué par la montée en puissance des filiales Geodis et Keolis (voir infra en IV pour plus de détails sur ces filiales) qui représentaient déjà respectivement 23 % et 18 % du chiffre d'affaires du groupe en 2019.

Répartition du chiffre d'affaires du groupe SNCF en 2019

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La hausse du chiffre d'affaires du groupe entre 2015 et 2019 a été particulièrement stimulée par les croissances de Keolis (+ 32 % et 1,6 milliard d'euros) et Geodis (+ 17 % et 1,2 milliard d'euros), deux filiales qui ne relèvent pas du coeur d'activité ferroviaire de la SNCF. Sans l'apport de ces deux filiales, le chiffre d'affaires du groupe n'aurait progressé que de moins de 5 % sur la période. SNCF Voyageurs (+ 9 % et 1,4 milliard d'euros) et les gestionnaires d'infrastructure (+ 20 % et 1,3 milliard d'euros) ont aussi contribué à l'augmentation du chiffre d'affaires du groupe au contraire de l'activité de transport de marchandises (- 10 %).

Évolution de la répartition du chiffre d'affaires entre les différentes composantes du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2020, le chiffre d'affaires de la SNCF s'était effondré de 15 %, soit plus de cinq milliards d'euros. Les rapporteurs spéciaux notent qu'une condition indispensable à l'atteinte par la SNCF de ses objectifs financiers est que celle-ci retrouve et même dépasse assez significativement dès 2022 le niveau de chiffre d'affaires qu'elle avait atteint en 2019 . Notamment dépendante des développements de la crise sanitaire, cette condition, encore incertaine, ne pourra être atteinte qu'à la faveur des résultats des filiales Geodis et Keolis dont les activités sont extérieures au coeur ferroviaire de la SNCF et d'une forte reprise de l'activité grande vitesse. En 2021, grâce à la performance exceptionnelle de Geodis, le chiffre d'affaires du groupe est remonté à 34,7 milliards d'euros.

Atteignant près de 30 milliards d'euros en 2019, en hausse de près de 10 % sur cinq ans avant la crise, les charges d'exploitation du groupe SNCF sont portées par des charges de personnel qui approchent les 15 milliards d'euros , soit une augmentation de 9 % entre 2015 et 2019, et des achats et charges externes d'un montant de près de 14 milliards d'euros.

Évolution des charges d'exploitation du groupe SNCF hors dotations
aux amortissements (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Faible, tout particulièrement sur le coeur de métier de la SNCF la marge opérationnelle était orientée à la baisse jusqu'en 2018 . Cette tendance avait été enrayée en 2019 par une augmentation de 1,6 milliard d'euros, soit 40 %.

Évolution de la marge opérationnelle du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En retraitant les résultats des filiales Geodis et Keolis, entre 2015 et 2018 (respectivement + 34 % et + 20 %), la marge opérationnelle des activités constituant le coeur de métier de la SNCF s'était repliée de près de 15 %.

Évolution de la répartition de la marge opérationnelle entre les différentes composantes du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

De même, l'évolution spectaculaire constatée en 2019 doit être relativisée pour deux raisons. D'abord car elle est le contrecoup des effets du mouvement social de 2018 qui avait alors affecté à la baisse son niveau pour environ 770 millions d'euros et ensuite car elle s'explique largement par les résultats de métiers qui se situent hors du coeur ferroviaire de la SNCF. Cette augmentation est en majoritairement portée par le dynamisme de Geodis (+ 57 %), de Keolis (+ 44 %) et des activités de transport de marchandises (+ 79 %). En 2021, bien qu'en augmentation à la faveur notamment de la performance de Geodis, la marge opérationnelle du groupe (4,2 milliards d'euros), reste inférieure de près de 25 % à son niveau de 2019.

Il est à noter que le remplacement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) par une baisse de charges sociales s'est traduit par une perte de 11,7 millions d'euros pour le groupe SNCF en 2020.

Le résultat net du groupe est en chute libre depuis 2017. Entre 2017 et 2019, avant même le déclenchement de la crise, le résultat net du groupe avait plongé de 2,3 milliards d'euros pour atteindre un niveau négatif de plus de 800 millions d'euros en 2019.

Évolution du résultat net du groupe SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

La chute de près de 1,4 milliard d'euros constatée en 2018 s'explique majoritairement par les effets du mouvement social de 2018 sur la marge opérationnelle (770 millions d'euros) et dans une moindre mesure par l'évolution du résultat de cession d'actifs et des dotations aux amortissements. En 2019, le nouvel effondrement de près de 1 milliard d'euros du résultat net du groupe trouve notamment son origine dans les pertes d'exploitation de 614 millions d'euros liées à la grève de décembre 2019. En 2020 , les répercussions de la crise sanitaire prolongent l'inexorable diminution d'un résultat net de la SNCF qui plonge en territoire négatif au-delà des 3 milliards d'euros . En 2021, le résultat net nominal a retrouvé un niveau positif en raison de la cession de la filiale ermewa mais le résultat net récurent demeure quant à lui négatif de 185 millions d'euros.

Pourtant, la baisse significative des frais financiers consécutive à la première étape de la reprise de dette de SNCF Réseau intervenue en 2020 pour 25 milliards d'euros a significativement amélioré son résultat financier et éclaire les perspectives financières du groupe. Ces charges financières restaient supérieures à 1,1 milliard d'euros en 2020. Elles baisseront de nouveau en 2022 après la deuxième étape de la reprise de dette pour un montant de 10 milliards d'euros.

La fragilité et le déséquilibre de la situation financière de la SNCF avant la crise se lit particulièrement dans son incapacité structurelle à couvrir le coût de ses investissements au moyen des ressources qu'elle est en mesure de leur affecter.

Évolution de la capacité d'autofinancement (CAF) du groupe SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Jusqu'en 2018, la capacité d'autofinancement (CAF) du groupe SNCF suivait une tendance à la baisse . Cette diminution était particulièrement prononcée pour la CAF nette des remboursements en capital de la dette , celle qui doit permettre de financer les investissements nets du groupe ferroviaire. Ainsi, la CAF nette a diminué de plus de 12 % entre 2015 et 2018 quand la CAF brute baissait elle de 5 %. En 2019 , la CAF du groupe SNCF s'est sensiblement appréciée , de 39 % pour la CAF brute et de 60 % pour la CAF nette. L'une comme l'autre ont connu un effondrement brutal en 2020 de respectivement 65 % et 76 %.

Entre 2015 et 2019, le montant des investissements de la SNCF a progressé de 23 % pour dépasser les 10 milliards d'euros . Les investissements nets de subventions se sont quant à eux rétractés de 7 % sur la même période, se situant à un niveau légèrement supérieur à 5 milliards d'euros. L'année 2020 s'est traduite par une diminution de plus de 10 % des investissements du groupe qui sont repassés sous les 9 milliards d'euros.

Évolution des investissements du groupe SNCF (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En dépit de la diminution du montant des investissements nets entre 2015 et 2019, la marge opérationnelle (MOP) et la CAF du groupe sont structurellement insuffisantes pour les financer . Avant 2021, la MOP n'avait été supérieure au montant des investissements nets qu'en 2019 et la CAF est toujours restée très nettement insuffisante pour le couvrir. Ce phénomène s'est observé avec une acuité renforcée sur l'exercice 2020. En 2021, la marge opérationnelle dégagée par le groupe est supérieure à des investissements nets qui poursuivent leur forte baisse.

Comparaisons entre investissements nets, CAF et MOP du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

La situation financière déséquilibrée de la SNCF se traduit par un flux de trésorerie structurellement négatif de près de trois milliards d'euros chaque année .

Évolution comparée du cash-flow libre du groupe SNCF et de
SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Ce cash-flow libre (CFL) négatif qui alimente le gonflement de la dette du groupe est très largement lié à la situation de SNCF Réseau. Parvenir à équilibrer le CFL, l'objectif poursuivi par le groupe et qu'il prévoit d'atteindre dès 2022 est la condition indispensable à la maîtrise de la dette de la SNCF.

La grève de l'hiver 2019-2020 et la crise sanitaire sont venues aggraver une situation financière déjà grandement fragilisée . Leurs répercussions sont décrites en annexe 7.

Au-delà de ses conséquences conjoncturelles sensibles sur la situation et les perspectives financières de court et moyen terme de la SNCF, la crise aura des effets structurels sur les comportements de mobilité qui affecteront de façon durable les comptes de l'entreprise . Le recul de la clientèle d'affaire est un risque majeur pour la SNCF. Dans ces conditions, un retour prochain à l'équilibre financier du groupe apparaît optimiste.

b) Une structure bilancielle très déséquilibrée avant la reprise partielle de la dette de SNCF Réseau

Depuis 2015 et une dépréciation de 9,6 milliards d'euros des infrastructures de SNCF Réseau, les capitaux propres de la SNCF étaient fortement négatifs , pour près de 9 milliards d'euros en 2019. Depuis 2020 , principalement à la faveur de la première étape de la reprise de la dette de SNCF Réseau par l'État, pour 25 milliards d'euros, les capitaux propres du groupe sont à nouveau positifs . Ils ont atteint 12,7 milliards d'euros sur l'exercice 2020 13 ( * ) .

Évolution des capitaux propres du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Au 31 décembre 2020, la situation de trésorerie du groupe a atteint 7,5 milliards d'euros.

Situation de trésorerie du groupe SNCF à la clôture de l'exercice
(2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Au cours de cette année particulière, et parce que les besoins de trésorerie ont été mis sous forte tension, une crise de liquidité majeure était anticipée pour la mi-mai 2020, la SNCF a mis en oeuvre une « gestion de trésorerie de crise » (décrite en annexe 8) qui est venue adapter la stratégie habituelle encadrée par le document portant « cadre général des risques ».

Dans les états financiers de la SNCF, des provisions pour risques et des engagements hors bilan (EHB) sont enregistrés pour des montants très significatifs . Ils sont décrits en annexe 9.

Provisions pour risques et charges au 31 décembre 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

c) Une réserve substantielle sur la certification de ses comptes fait planer une ombre sur les perspectives financières de la SNCF

La réserve des commissaires aux comptes sur les comptes 2020 témoigne des incertitudes persistantes pesant sur les perspectives financières de la SNCF et tout particulièrement sur la valeur des actifs détenus par SNCF Réseau. Les commissaires aux comptes soulignent que de nombreuses inconnues pèsent sur la rénovation et donc sur la valeur du réseau ferroviaire.

Contexte constitutif d'un indice de perte de valeur, la crise sanitaire a conduit SNCF Réseau à mettre en oeuvre un test de valeur au 31 décembre 2020. Pour autant, ce test n'a pas conduit à constater une dépréciation complémentaire des actifs relevant du réseau ferroviaire. Or, les commissaires aux comptes soulignent les nombreuses incertitudes qui pourraient remettre en cause la valeur réelle des infrastructures ferroviaires à l'actif du bilan de la SNCF. Les principales incertitudes renvoient aux engagements financiers de l'État envers SNCF Réseau, à l'atteinte des objectifs de performance du gestionnaire d'infrastructure ou encore aux perspectives d'évolution des redevances d'infrastructures.

Dans sa version actuelle, le projet d'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau semble très loin de lever ces incertitudes . Bien au contraire, il pourrait amener à remettre en cause la valeur des infrastructures ferroviaires dans les comptes de la SNCF au regard de l'insuffisance des investissements programmés pour régénérer le réseau existant alors que la part essentielle de la valeur recouvrable des infrastructures repose précisément sur l'objectif d'un réseau rénové et stabilisé en 2030. Cet objectif semble plus que jamais remis en cause .

L'atteinte des gains de performance de SNCF Réseau est quant à elle insuffisamment garantie et encadrée tandis que la trajectoire d'évolution des redevances d'infrastructures, notamment s'agissant des activités conventionnées, apparaît très hypothétique au regard de la pression exercée sur les finances des régions et des avis contraignants que rendra l'Autorité de régulation des transports (ART).

Ces aléas et incertitudes majeurs, accentués par le contexte actuel, pèsent sur les prévisions de flux de trésorerie prévisionnels actualisés retenus pour l'évaluation des actifs de SNCF Réseau figurant au bilan du groupe SNCF et, en conséquence, le montant des dépréciations afférentes pourrait être sous-évalué . Dans leur rapport sur les comptes 2020 de la SNCF, les commissaires aux comptes soulignent ainsi que « les hypothèses qui sous-tendent ces projections sont sujettes à des aléas et incertitudes majeurs » .

Pour ces raisons, ils ne sont pas en mesure d'apprécier le caractère probant de la valeur nette comptable des actifs relevant du réseau ferroviaire, une valeur qui s'élevait à près de 33 milliards d'euros au 31 décembre 2020.

d) La maîtrise de la dette de la SNCF demeure un rêve très incertain

La progression inexorable de la dette de la SNCF et, avant tout, de l'endettement porté par le gestionnaire d'infrastructure, constitue depuis plusieurs décennies le symptôme le plus manifeste des dérives financières du modèle ferroviaire français .

Évolution de la dette de la SNCF depuis 1990

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF et les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En 2018, l'État a pris l'engagement de reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF, dette dont il était très largement responsable. La première étape, pour 25 milliards d'euros, a été réalisée au 1 er janvier 2022 15 ( * ) , la seconde, pour 10 milliards d'euros s'est concrétisée le 1 er janvier 2022, sur le fondement de l'article 167 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. Le mécanisme de cette reprise de dette est décrit en annexe 10.

Les rapporteurs spéciaux se félicitent que cet engagement ait été tenu . Ils soulignent que cette reprise était devenue indispensable pour espérer sortir la SNCF du marasme financier mais également compte-tenu des nouvelles obligations qui découlent de la transformation de SNCF Réseau en société anonyme (SA) le 1 er janvier 2020.

Néanmoins, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2018 sur SNCF Réseau 16 ( * ) , l'effort consenti dans le cadre de cette reprise de dette partielle doit être largement nuancé dans la mesure où celle-ci constitue la contrepartie du sous-investissement historique et majeur de l'État dans le réseau ferroviaire. Dans sa note sur le réseau ferroviaire publiée en novembre 2021 17 ( * ) , la Cour des comptes affirme notamment que « cette reprise de la dette est revenue de fait pour l'État à accorder a posteriori les subventions d'investissement qui auraient dû être versées depuis 15 ans » .

Jusqu'en 2019, avant la première étape de sa reprise partielle, la dette de la SNCF poursuivait son inexorable ascension . Au 31 décembre 2019 elle avait ainsi dépassé les 60 milliards d'euros , en progression de 20 % et de plus de 10 milliards d'euros depuis 2015 .

Évolution de la dette nette du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Si le niveau de dette nette de la SNCF s'est rétracté en 2020 du fait de la première étape de la reprise de dette de SNCF Réseau par l'État, sa trajectoire reste orientée à la hausse . Cette augmentation préoccupante, comme le note la Cour des comptes dans son rapport public annuel publié en mars 2021 18 ( * ) , compromet la perspective d'une maîtrise de l'endettement de la SNCF sur le long terme.

Le cash-flow libre (CFL) négatif de la SNCF en 2020 explique ainsi une dynamique de la dette en progression de 2,8 milliards d'euros .

Évolution de la dette nette consolidée du groupe SNCF en 2020

(en milliards d'euros)

Source : rapport financier 2020 du groupe SNCF

La légère diminution constatée en 2021 s'explique par les cessions d'actifs réalisées par la SNCF au cours de l'exercice.

La maîtrise structurelle de la dette de la SNCF repose sur l'atteinte de l'objectif d'un CFL équilibré, une perspective incertaine et qui serait obtenue à la faveur d'activités situées hors du coeur ferroviaire de la SNCF.

Si la trajectoire prévisionnelle retenue aujourd'hui par le groupe prévoit d' inverser la tendance à la progression de l'endettement dès 2022 et de franchir à la baisse le seuil des 20 milliards d'euros à l'horizon 2030, cette perspective est à ce jour encore hypothétique.

Elle suppose un rebond très rapide et très conséquent de l'activité voyageurs, la réalisation de gains d'efficience ambitieux, repose sur le résultat de filiales telles que Geodis et Keolis, et dépendra des conséquences structurelles de la crise actuelle sur la mobilité des français.

Compte-tenu des incertitudes pesant sur la capacité réelle de la SNCF à contenir son niveau d'endettement dans les prochaines années, l'atteinte de l'objectif d'un ratio dette nette sur marge opérationnelle inférieur à six semble le plus incertain des engagements financiers de la société et ce, même s'il a déjà été reporté d'un an, à 2023 plutôt que 2022 .

D'autres opérateurs historiques en Europe, fragilisés par la crise, connaissent des difficultés . La situation financière de certains d'entre eux est présentée en annexe 11.

2. Une compétitivité insuffisante qui impose une amplification des programmes de performance
a) Un déficit de compétitivité flagrant sur les services conventionnés

Plusieurs études ont documenté le déficit de compétitivité de la SNCF par rapport à ses homologues européens. Une étude conduite par Alain Bonnafous et Yves Crozet 19 ( * ) avait montré que les gains de productivité réalisés par la SNCF entre 1996 et 2013 avaient été respectivement 5 fois et 4 fois moins importants que ceux de ses homologues allemand et suisse . Le rapport dit Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire évaluait cet écart de compétitivité à 30 % .

Le déficit de compétitivité de la SNCF au regard de ses homologues et potentiels concurrents est notamment exacerbé sur les services conventionnés . Cette situation est particulièrement inquiétante pour les perspectives financières du groupe dans la mesure où les appels d'offre portant sur ces services vont se multiplier dans les années à venir en raison de l'ouverture du marché à la concurrence.

D'après les données de l'IRG-Rail 20 ( * ) , reprises par l'Autorité de régulation des transports (ART) dans sa « comparaison France - Europe du transport ferroviaire » en 2020, le coût des services de transport ferroviaire conventionnés en France s'élève à plus de 22 centimes d'euros par passager kilomètre. Il est de loin le plus élevé en Europe , ce coût étant inférieur à 20 centimes en Allemagne, au Royaume-Uni et en Belgique et même inférieur à 15 centimes en Espagne ou en Italie 21 ( * ) .

Source : comparaison France - Europe du transport ferroviaire, Autorité de régulation des transports (ART), 2020

Si l'on déduit les coûts liés aux péages , plus élevés en France qu'ailleurs, les coûts des services conventionnés restent supérieurs dans l'hexagone d'au moins 3 centimes d'euros par rapport aux autres pays observés 22 ( * ) . Cet écart témoigne du déficit de compétitivité de la SNCF par rapport à ses homologues.

Les coûts de roulage en France pour les services conventionnés apparaissent comme très significativement supérieurs aux standards européens. Pour l'activité TER, le différentiel entre la France et l'Allemagne serait de près de 60 % (environ 25 centimes d'euros contre 16 centimes d'euros). D'après Régions de France, le coût de production unitaire par train kilomètre de l'activité TER de SNCF Voyageurs a augmenté de 80 % depuis 2002.

Source : Régions de France

Alors que le prix des billets acquitté par les clients des services conventionnés y est globalement inférieur à la moyenne européenne (7,3 centimes par passagers kilomètre contre 9,4 centimes), la France se distingue tout particulièrement par le niveau des subventions publiques (qui dépassent les 16 centimes par passager kilomètre).

Prix du train au kilomètre acquitté par les voyageurs
de services conventionnés

Source : neuvième rapport annuel (market monitoring report) de l'IRG-RAIL, avril 2021

Ainsi, en 2020, l'exploitation des services de transport ferroviaires conventionnés fait appel, en France, à un taux de concours public de 70 %, très largement supérieur à ceux observés ailleurs et à la moyenne européenne de 44 % .

Répartition du prix d'un billet de train entre le coût acquitté par les voyageurs et les contributions publiques

Source : neuvième rapport annuel (market monitoring report) de l'IRG-RAIL, avril 2021

Cette situation tend d'ailleurs à s'amplifier puisqu' entre 2006 et 2018 les contributions des régions aux TER ont augmenté de 92 % en France, elles ont baissé de 34 % en Allemagne .

b) Des programmes de performance structurels à amplifier

La SNCF s'est dotée d'un programme de performance, décliné au sein des cinq sociétés, qui vise à réaliser des économies de nature structurelle . Il repose principalement sur une optimisation de la politique d'achats et sur une rationalisation des fonctions transverses . D'après les données fournies par le groupe, ce programme a conduit à des économies de 398 millions d'euros en 2020 et de 438 millions d'euros en 2021 . Il repose à environ 80 % sur des réductions de charges de fonctionnement et à 20 % sur des dépenses d'investissement.

Le « plan de performance transverse », une composante du programme de performance global, vise à réduire les coûts des fonctions supports du groupe 23 ( * ) . D'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux par la SNCF, il aurait généré des gains de performance de l'ordre de 530 millions d'euros entre 2017 et 2020 .

Gains de performance réalisés grâce au plan performance transverse
2016-2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La SNCF a également lancé en 2017 un « programme des frais généraux et administratifs » (FGA) qui a permis de réduire les coûts FGA de 17,9 % entre 2017 et 2020. Ce résultat est en retrait par rapport à l'objectif de 20 % qui avait été fixé à l'origine. Les économies réalisées ont reposé sur une baisse des effectifs FGA de plus de 2 500 postes et une diminution des achats et charges externes FGA de l'ordre de 100 millions d'euros . Un nouveau programme FGA a été lancé en 2021. Il présente lui aussi un objectif de gains de performance de 20 % d'ici 2024 et repose toujours sur des économies en termes de masse salariale et d'achats et charges externes.

Le programme de performance de la SNCF s'est en partie appuyé sur des efforts de mutualisation des fonctions supports . Ceux-ci se sont notamment concrétisés par la création de centres de services partagés (CSP). À ce titre, d'après la SNCF, la création en 2015, au sein d'une structure baptisée « optim services » 24 ( * ) aurait générée 200 millions d'euros d'économies en cinq ans .

Évolution des charges de structure (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Entre 2016 et 2020 la diminution des charges de structure a atteint 21 % et environ 300 millions d'euros. Il apparaît néanmoins que de nouveaux gisements d'économies restent à mobiliser dans le domaine de la rationalisation des fonctions supports du groupe. Pour saisir ces opportunités, la SNCF doit lancer en 2022 un nouveau programme de simplification, actuellement en cours de définition, baptisé « optimisation des fonctions transverses » (OFT) 25 ( * ) qui se fonde sur des principes de simplification et d'allègement des processus et des organisations, de mutualisation des moyens ou d'automatisation-digitalisation. D'après la SNCF, il pourrait générer des gains d'efficience de l'ordre de 1 milliard d'euros d'ici 2024 .

Malgré les efforts de rationalisation réalisés, les coûts de structure restent supérieurs aux standards . Aussi, le programme d'optimisation des fonctions transverses devrait être approfondi pour que l'entreprise rejoigne les standards européens .

c) Un programme de cessions d'actifs à poursuivre

L'État actionnaire a demandé à la SNCF de se projeter dans un programme ambitieux de cessions d'actifs. Sans aller jusqu'à prévoir la cession des filiales dédiées au transport urbain et à la logistique, Keolis et Geodis, ce programme doit rapporter six milliards d'euros dans les dix prochaines années , dont deux milliards d'euros au titre des cessions immobilières. Cet objectif doit participer à l'ambition de maîtriser l'endettement du groupe. Entre 2018 et 2020 , la SNCF a perçu 716 millions d'euros au titre de ses cessions d'actifs.

Dans le cadre de ce programme, incitée par l'État, la SNCF a décidé de procéder à la cession d'Ermewa, sa filiale très rentable 26 ( * ) , spécialisée dans la location de wagons. Le risque de brader ses actifs pour renflouer le groupe en période de crise semble avoir été évité et la vente d'Ermewa apparaît comme une bonne affaire financière pour la SNCF. La valorisation de la filiale atteint 3,2 milliards d'euros , soit un montant très supérieur aux attentes 27 ( * ) , et la plus-value brute que la SNCF doit retirer de cette opération doit dépasser les 1,5 milliard d'euros 28 ( * ) .

La SNCF travaille désormais sur la cession d'Akiem , une autre de ses filiales, spécialisée dans la location de locomotives, dont elle détient 50 % du capital 29 ( * ) . La valorisation de la filiale pourrait se situer entre 1,1 et 1,5 milliard d'euros. Cette opération serait ainsi susceptible de rapporter entre 550 et 750 millions d'euros au groupe SNCF.

La valorisation de son patrimoine foncier constitue un enjeu déterminant pour la SNCF qui fait figure de deuxième propriétaire foncier en France après l'État 30 ( * ) . Cet enjeu est d'autant plus important aujourd'hui qu'il se trouve renouvelé dans le contexte de respect du principe de zéro artificialisation nette (ZAN) . Cette valorisation présente des perspectives financières prometteuses pour le groupe qu'il convient de mobiliser de façon optimale.

Ce n'est qu'à compter de 2015 que la SNCF a mis en oeuvre une véritable politique de valorisation de son patrimoine immobilier et des terrains qui lui sont devenus inutiles. Cette valorisation peut se traduire par des cessions comme par des locations. En moyenne, les cessions immobilières ont rapporté 150 millions d'euros par an à la SNCF sur la période 2016-2020 . Ce montant devrait augmenter sur la période 2021-2025 et le groupe a pour objectif de procéder à 2 milliards d'euros de cessions immobilières dans les dix prochaines années .

Montant des cessions immobilières du groupe SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Sources : commission des finances du sénat d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La SNCF a également entrepris des démarches d' optimisation de la gestion de son parc immobilier à travers un objectif de réduction annuel de 2 % de son volume, des déménagements dans des zones où les prix du marché immobilier sont moins élevés ou encore, plus récemment, l'adaptation du parc de bureaux au développement du télétravail .

d) Des plans d'économies de crise centrés sur des mesures de trésorerie non structurelles

En réponse à la crise, et principalement pour sécuriser son niveau de trésorerie , la SNCF a mis en oeuvre un dispositif exceptionnel en 2020. Ce « plan d'économies de crise » a représenté 2 099 millions d'euros 31 ( * ) , dont 816 millions d'euros de mesures de trésoreries sans effet structurel sur les charges de la société, 527 millions d'euros d'économies réalisées sur les dépenses d'investissement , 519 millions d'euros d'économies sur les achats et charges externes et 238 millions d'euros de réduction des charges de personnel, essentiellement liée à la baisse de l'activité et au dispositif d'activité partielle .

Répartition du plan d'économies de crise en 2020

Sources : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Si les mesures de trésorerie étaient indispensables pour que la SNCF puisse assumer ses engagements financiers au plus fort de la crise sanitaire, les rapporteurs spéciaux notent que la très grande majorité des 2 099 millions d'euros d'économies affichés par la SNCF relèvent en fait, d'une part de baisses de charges non discrétionnaires résultant soit de la baisse d'activité, soit de mesures d'aides gouvernementales et, d'autre part, de mesures destinées à améliorer à court terme le solde de trésorerie de l'entreprise.

Si l'on ajoute les reports de dépenses d'investissements, une faible part des mesures d'économies affichées auront un effet structurel et elles ne contribueront pas à améliorer la compétitivité de la SNCF .

Ainsi, dans ces 2 099 millions d'euros, 194 millions d'euros résultent du dispositif d'activité partielle et 214 millions d'euros de reports de fiscalité . La facture énergétique du groupe s'est par ailleurs réduite de près de 40 millions d'euros . Parmi les 816 millions d'euros de mesures de « trésorerie », la titrisation de sa créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a permis à la SNCF d'améliorer son solde de trésorerie en 2020 de 306 millions d'euros 32 ( * ) .

Pour 2021 , la SNCF a déployé un plan d'économies à hauteur de 774 millions d'euros reposant majoritairement sur une réduction des dépenses d'investissement , pour plus de 450 millions d'euros, et également sur une nouvelle diminution de 200 millions d'euros des achats et charges externes.

B. SNCF RÉSEAU : UN DÉFAUT DE PERFORMANCE ET UN MODÈLE DE FINANCEMENT INADAPTÉ À LA RÉNOVATION ET À LA MODERNISATION DU RÉSEAU FERROVIAIRE

1. Un réseau dégradé et peu performant

Depuis le constat accablant dressé en 2005 par le rapport Rivier et malgré un début de prise de conscience, les réponses très insuffisantes mises en oeuvre par l'État expliquent l'état profondément dégradé et vieillissant du réseau français . L'évolution récente de son état est analysée en annexe 12. L'état dégradé du réseau ferroviaire nuit gravement à sa performance qui souffre aussi de la productivité très insuffisante du gestionnaire d'infrastructure .

En France, en ce qui concerne sa mission de gestion de la circulation des trains sur le réseau, la productivité du gestionnaire d'infrastructures a stagné depuis 20 ans alors qu'elle a progressé pour ses homologues notamment suisse et allemand 33 ( * ) . Ainsi, la circulation d'un train en France requière-t-elle 3 fois plus d'agents et 1,7 fois plus de capitaux qu'en moyenne pour ses homologues européens.

Nombre de train.km par agent de circulation des gestionnaires d'infrastructure européens

(en milliers)

Source : « Pertinence des investissements ferroviaires ; relancer une politique d'investissements ciblée », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2021

Les travaux de l'économiste Florent Laroche, qui s'inscrivent dans la lignée des études réalisées par Yves Crozet et Alain Bonnafous, démontrent la stagnation de la productivité de SNCF Réseau tandis que, dans le même temps, ses homologues suisse et allemand amélioraient très sensiblement la leur . Alors qu'en 1996, le gestionnaire d'infrastructure français présentait une productivité équivalente à celle de son homologue suisse et supérieure à celle de son équivalent allemand, en 2018, sa productivité était inférieure de 33 % au premier et de 22 % au second.

Évolution de la productivité du travail concernant la gestion
des circulations

(en effectifs rapportés aux volumes de passagers et fret)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux par Florent Laroche

Les coûts d'entretien, de maintenance et de renouvellement du réseau sont en France supérieurs aux standards et en augmentation . Dans un rapport de 2018 consacré à SNCF Réseau 34 ( * ) , la Cour des comptes estimait ainsi que la maintenance d'un kilomètre de voie occupait 1,73 agent du gestionnaire d'infrastructure français contre 0,99 agent pour son homologue allemand 35 ( * ) . Dans ce même rapport, la Cour des comptes précise que les dépenses d'entretien et de renouvellement du réseau ont augmenté de 17 % entre 2013 et 2017 . Le coût moyen de renouvellement d'un kilomètre de voie du réseau structurant a augmenté de 20 % entre 2015 et 2020 alors qu'un objectif de progression de 6 % avait été fixé entre 2015 et 2021.

Les surcoûts constatés sur le projet Eole (présentés en annexe 13) sont caractéristiques des défauts de performance de SNCF Réseau , notamment s'agissant des grands travaux réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage. La couverture des besoins de financement du projet fait actuellement l'objet de discussions qui planent comme une lourde menace sur les perspectives financières de SNCF Réseau .

La performance de SNCF Réseau pourrait aussi être améliorée par une réorganisation des modalités de réalisation des chantiers ferroviaires en acceptant d'arrêter les circulations plus longtemps pour allonger les intervalles de travaux 36 ( * ) et de revoir les arbitrages entre voyageurs et fret. Cette question est un sujet de stratégie ferroviaire extrêmement sensible mais qui mérite d'être mis sur la table dans les années à venir.

Pour inciter SNCF Réseau à se montrer plus efficace, une pratique tend à se développer au niveau local. Elle consiste en la signature de contrats de performance entre le gestionnaire d'infrastructure et les régions dans lesquels le premier s'engage sur des indicateurs de qualité de service ce qui, s'ils ne sont pas atteints, l'expose à des pénalités 37 ( * ) .

2. Des investissements très insuffisants dans la régénération du réseau

L'évolution de l'état du réseau dépend en grande partie du remplacement de ses différents constituants lorsqu'ils arrivent au terme de leur durée de vie. Cette opération porte le nom de régénération ou encore de renouvellement 38 ( * ) . L'enveloppe dite de régénération porte sur le seul réseau structurant, c'est-à-dire le réseau le plus circulé 39 ( * ) , et est financée quasi exclusivement sur fonds propres par SNCF Réseau, c'est-à-dire sans subventions extérieures. Sa déclinaison en composants d'infrastructure et en segments du réseau est présentée en annexe 14. Le fonds de concours alimenté par 60 % des bénéfices récurrents de SNCF Voyageurs alimente également cette enveloppe. Aussi, le financement de la régénération du réseau ferré dépend -elle très largement des péages ferroviaires 40 ( * ) et de l'équilibre financier (en particulier de sa marge opérationnelle), plus que précaire, de SNCF Réseau .

Investissements financés directement par SNCF Réseau

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

Le rapport Rivier précité avait souligné en 2005 l'ampleur et la gravité de la dégradation du réseau causée par un sous-investissement chronique dans son renouvellement . Après sa publication, les investissements de régénération du réseau existant ont connu une progression régulière passant de moins de 1 milliard d'euros en 2005 à près de 2,7 milliards d'euros en 2016 . Cet effort croissant indispensable s'est néanmoins interrompu à compter de 2016 . Depuis cette date, on constate une stagnation des investissements de régénération entre 2,6 et 2,8 milliards d'euros annuels. En 2020, l'effort de régénération s'est même contracté à 2,5 milliards d'euros . En 2021, d'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux par SNCF Réseau en janvier 2022, l'exécution se serait élevée à 2,8 milliards d'euros.

En euros constants, depuis 2016, les investissements sont même en baisse et inférieurs aux montants qui y étaient consacrés entre 2013 et 2015 . Cette situation est d'autant plus problématique que, dans le même temps, depuis 2015, le coût de renouvellement du réseau a augmenté de 20 % .

Investissements dans le réseau (2010-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de SNCF Réseau aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En raison des arrêts de chantier lors du premier confinement, des travaux ont été annulés ou reportés . Une partie des chantiers a été reportée en 2021 mais, d'après SNCF Réseau, certaines des conséquences de ces arrêts de chantiers pourraient se faire ressentir jusqu'en 2026 . Conjuguée à une enveloppe de régénération insuffisante, cette situation contribuera à compromettre les ambitions affichées de renouvellement du réseau.

Trajectoire d'investissements de SNCF Réseau dans le réseau ferroviaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux et le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Le projet d'actualisation du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État ne prévoit pas d'évolution de l'enveloppe de régénération qui continuerait à stagner autour de 2,8 milliards d'euros jusqu'en 2030.

Qui plus est, à compter de 2024, 14 lignes de desserte fine du territoire 41 ( * ) , dites « petites lignes », intègreront le réseau structurant. De ce fait, à compter de cette date, leur renouvellement sera financé par l'enveloppe de régénération. Aussi, à périmètre constant, la trajectoire d'investissement dans la régénération sera diminuée de près de 100 millions d'euros à compter de 2024.

Trajectoire prévisionnelle des investissements de régénération à périmètre constant et avec prise en compte des petites lignes intégrées au réseau structurant à compter de 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

À travers la trajectoire prévisionnelle de l'indice de consistance de la voie (ICV) qu'il retient, l'actuel projet d'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau acte l'insuffisance des investissements dans la régénération du réseau qu'il prévoit. En effet, le contrat prévoit une dégradation de cet indicateur de 2021 à 2030.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que l'ICV est l'indicateur clé du renouvellement du réseau existant puisqu'il mesure l'évolution du vieillissement des composants de la voie.

L'évolution prévisionnelle d'un autre indicateur est elle aussi éloquente . Il s'agit de l'âge moyen des appareils de signalisation , dont la défectuosité est à l'origine des trois quarts des défaillances de l'infrastructure.

Si le contrat reconnaît que le vieillissement des appareils de signalisation constitue le « point faible » du réseau , il acte du fait que les investissements de régénération prévus au contrat se traduiront par une dégradation significative de l'indicateur mesurant leur âge moyen.

Le projet de contrat prévoit ainsi que « sur la base d'une trajectoire de régénération à un niveau proche de 2,9 milliards d'euros et d'un scénario volontariste augmentant de 50 % l'investissement en signalisation, le vieillissement du stock d'installations n'est toujours pas enrayé, ce qui conduit l'âge moyen des installations à augmenter encore de deux ans sur la période » . Il ajoute : « compte-tenu des trajectoires actuelles, un scénario d'investissement permettant de stopper le vieillissement des appareils de signalisation sur les lignes UIC 2-6 42 ( * ) semble hors de portée » .

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent se résoudre à un aveu d'échec aussi accablant qui illustre s'il le fallait, l'insuffisance des investissements dans le renouvellement du réseau existant. SNCF Réseau a confirmé aux rapporteurs spéciaux que la trajectoire de renouvellement actuelle serait à peine susceptible de stabiliser l'âge moyen de la voie .

Elle sera assurément nettement insuffisante pour éradiquer les nombreuses zones de ralentissement qui existent sur le réseau.

Les rapporteurs spéciaux notent également le risque que fait peser sur les investissements dans la régénération du réseau le dispositif prévu à l'article 23 des statuts de SNCF Réseau 43 ( * ) . Cet article subordonne les investissements du gestionnaire d'infrastructure dans le réseau , et donc principalement les dépenses de régénération, aux objectifs financiers assignés à SNCF Réseau . L'article 23 prévoit ainsi que « lorsqu'il est constaté ou anticipé un niveau de marge opérationnelle inférieur à celui prévu par la trajectoire inscrite dans le contrat de performance » , et en attendant que la situation financière de SNCF Réseau revienne à meilleure fortune, « les investissements à la charge de SNCF Réseau sont diminués par rapport au niveau prévu dans la trajectoire financière inscrite dans le contrat de performance à hauteur de l'écart entre le niveau de marge opérationnelle et le niveau prévu par cette trajectoire » . Le projet d'actualisation du contrat de performance met en exergue cette disposition et en fait le seul véritable mécanisme de correction susceptible d'être activé si SNCF Réseau ne remplit pas ses engagements de retour à l'équilibre financier.

D'après les statuts de SNCF Réseau et le contrat de performance, les investissements dans la régénération du réseau font figure de variable d'ajustement et sont subordonnés aux impératifs financiers assignés au gestionnaire d'infrastructure.

Le rapport Rivier , actualisé en 2018 44 ( * ) , préconisait au moins 3,5 milliards d'euros d'investissements annuels pour la régénération du seul réseau structurant.

En euros constants , d'après SNCF Réseau, les montants nécessaires aujourd'hui pour réellement renouveler le réseau en appliquant les recommandations de ces audits indépendants seraient de l'ordre de 3,8 à 3,9 milliards d'euros par an .

L'Autorité de régulation des transports (ART) dénonce elle aussi le manque de moyens consacrés à la régénération du réseau. Dans son récent avis sur le budget 2022 de SNCF Réseau, l'ART souligne que l'enveloppe d'investissement dans la régénération du réseau prévue en 2022 est inférieure à la trajectoire prévue dans le contrat de performance 2017-2026 45 ( * ) .

Dans son rapport de 2018 précité sur SNCF Réseau, la Cour des comptes a souligné également la diminution en euros constants des investissements dans la régénération du réseau 46 ( * ) .

Trajectoire d'investissement prévue dans le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau en euros courants et en euros constants

(en millions d'euros)

Source : le réseau ferroviaire : des évolutions significatives mais des choix nécessaires à venir, Cour des comptes, novembre 2021

Par ailleurs, comme le souligne un rapport d'octobre 2020 47 ( * ) , les rapporteurs spéciaux constatent qu'il existe un défaut flagrant de cohérence et de coordination entre les différents documents dans lesquels l'État affiche ses objectifs environnementaux et de report modal .

En effet, il apparaît manifeste que les trajectoires d'investissements dans les infrastructures ferroviaires prévues dans le contrat de performance de SNCF Réseau sont en complet décalage avec les engagements environnementaux pris par la France et les objectifs climatiques et de report modal vers le ferroviaire portés par la stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Les trajectoires d'investissements prévues aujourd'hui seront largement insuffisantes pour développer les capacités du réseau à la hauteur des cibles de report modal affichées par l'État dans la SNBC 48 ( * ) .

Sur ce sujet comme sur d'autres, les rapporteurs spéciaux font le constat du décalage flagrant entre les déclarations gouvernementales et leur concrétisation réelle . Ils plaident pour que l'État mette un terme à ces écarts regrettables entre ses paroles et ses actes et assume enfin les engagements environnementaux qu'il affiche en y consacrant les moyens adéquats.

Alors que l'état de dégradation et l'âge du réseau ferroviaire français supposeraient des efforts plus importants en France que chez ses partenaires européens, les rapporteurs spéciaux constatent que c'est l'inverse. Nos voisins ont engagé des plans de renouvellement et de modernisation massifs qui doivent accompagner leur politique climatique.

À titre de comparaison, dans le cadre de son Climate Action Program 2030, l'État fédéral allemand a prévu d'investir 62 milliards d'euros d'ici 2030 49 ( * ) dans la rénovation de son réseau ferré. Effort colossal qui s'ajoute à l'injection annuelle de 1 milliard d'euros de capital que l'État fédéral à la Deutsche Bahn (DB) entre 2020 et 2030 .

Sans une révision profonde de la trajectoire d'investissements dans le réseau et la définition d'une stratégie ambitieuse pour nos infrastructures ferroviaires, la France décrochera irrémédiablement par rapport à ses partenaires et ne sera pas au rendez-vous de ses engagements environnementaux.

3. La modernisation du réseau n'est ni financée ni programmée en France à la différence de ses partenaires européens
a) Une gestion des circulations d'un autre temps : la modernisation du réseau ferroviaire français accuse un retard considérable

Si le maintien des performances de l'infrastructure du réseau est garanti par sa régénération, celle-ci doit également être modernisée par le déploiement d'innovations susceptibles de la rendre plus performante. Cette modernisation passe notamment par deux programmes principaux : la commande centralisée du réseau (CCR) et l'ERTMS ( European Rail Traffic Management System ).

Faute d'une vision stratégique ambitieuse de l'État en la matière et en l'absence de modèle de financement, la France accuse un retard très important dans la modernisation de son réseau. En effet, alors qu'elle dispose d'un vrai savoir-faire industriel en matière de systèmes de signalisation et d'automatismes ferroviaires, la France a pris un retard considérable sur ses partenaires européens qui déploient rapidement ou ont même déjà déployé d'ambitieux programmes de modernisation de leurs systèmes d'aiguillage et d'espacement des trains. L' absence de financements publics dédiés, contrairement à ce qui se pratique ailleurs en Europe, apparaît comme la principale cause de ce retard.

Pour les rapporteurs spéciaux, cette situation très préjudiciable pour l'ensemble du secteur ferroviaire n'est pas acceptable et doit rapidement être solutionnée faute de quoi le réseau français pourrait irrémédiablement décrocher vis-à-vis de ses homologues européens. Les rapporteurs spéciaux regrettent d'autant plus cette situation qu'il s'agit pourtant d' un enjeu essentiel pour dégager des gains de productivité significatifs (voir infra ) et passer un cap décisif en matière de performance économique de l'exploitation du réseau et de son gestionnaire, SNCF Réseau.

Faute de modèle de financement et même d'une évaluation précise du coût complet des projets, les programmations du déploiement de l'ERTMS et de la CCR sont embryonnaires . En ce qui concerne la CCR, au rythme actuel, et alors qu'elle a déjà été déployée sur plusieurs réseaux européens, le réseau français ne serait équipé au mieux qu'à horizon 2040, voire 2050 . Les rapporteurs spéciaux considèrent cette échéance comme beaucoup trop tardive au regard des enjeux de performance et d'accroissement des capacités du réseau ferroviaire national. Elle est en contradiction tant avec les objectifs de retour à l'équilibre du modèle économique du gestionnaire d'infrastructure qu'avec nos engagements environnementaux et de report modal.

En outre, les rapporteurs spéciaux considèrent que le semblant de système de financement en vigueur aujourd'hui en France est particulièrement pervers puisqu'il consiste à puiser des fonds dédiés à l'enveloppe de régénération du réseau ou bien à demander des contributions supplémentaires à des opérateurs de transport ferroviaire 50 ( * ) déjà lourdement affectés par des péages très supérieurs à la moyenne européenne.

Alors que plusieurs pays européens accélèrent le déploiement des programmes de modernisation de leur réseau, voire les ont déjà accomplis, le retard français va s'accroître si des mesures ambitieuses ne sont pas décidées à court terme.

b) Beaucoup trop lent alors que c'est enjeu majeur de performance, le déploiement de la commande centralisée du réseau (CCR) n'est pas financé

La commande centralisée du réseau (CCR) doit se traduire par la création de « tours de contrôle » à grand rayon d'action permettant de centraliser la régulation des circulations . La CCR est un levier d'efficience considérable . Son déploiement permettrait de remplacer les 2 200 postes d'aiguillages actuels (1 500 pour le réseau structurant), auxquels plus de 13 000 agents sont affectés, par une quinzaine de tours de contrôle . D'après la Cour des comptes la baisse d'effectifs consécutive pourrait atteindre 40 %.

En rationnalisant la chaîne d'intervention, la CCR doit permettre de gagner en réactivité dans la régulation du trafic . Les multiples bénéfices attendus de la CCR s'étendent même bien au-delà des seuls gains d'efficience. Ils vont de l'augmentation de l'offre et l'amélioration de la sécurité à l'amélioration de l'information pour les voyageurs en passant par une meilleure régularité de circulation ou la détection anticipée des incidents d'exploitation.

L'annexe 15 décrit l'ampleur du retard pris par la France dans le déploiement de la CCR par rapport aux développements réalisés ailleurs en Europe.

Seul sept centres de commande centralisée du réseau sont aujourd'hui installés en France et la finalisation du programme n'est pas attendue avant 2040 voire 2050 , c'est-à-dire, au bas mot, avec un retard sidérant d'une quarantaine d'année sur nos voisins.

En France , aujourd'hui, sur les 1 500 postes d'aiguillage du réseau structurant, 50 % ne peuvent être télécommandés et un tiers sont des postes mécaniques très anciens commandés à la main . Au rythme de régénération des installations et de déploiement de la CCR, une centaine au moins des postes d'aiguillages vont dépasser une durée de vie de cent ans . L'archaïsme du système d'aiguillage français nuit gravement à la sécurité et à la performance des infrastructures ferroviaires .

Les dépenses consacrées au programme CCR ne se sont élevées en moyenne annuelle qu'à 160 millions d'euros au cours de la période 2015-2020 . Mais au-delà du manque cruel de moyen, les rapporteurs spéciaux ont constaté avec étonnement qu' aucun véritable modèle de financement n'existait à ce jour. Aussi, SNCF Réseau doit-elle amputer l'enveloppe dédiée à la régénération du réseau pour financer les avancées très timides du programme de CCR. Les rapporteurs spéciaux dénoncent ce mode de financement par défaut qui se fait au détriment du renouvellement indispensable du réseau ferré français.

Le gestionnaire d'infrastructure a précisé aux rapporteurs spéciaux en quoi ces modalités de financement dégradées de la CCR affectaient très directement la trajectoire des investissements de régénération du réseau. Ce phénomène provient notamment du fait que le déploiement de la CCR conduit à remplacer des installations qui n'étaient pas nécessairement arrivées à échéance de régénération mais qui se trouvent néanmoins priorisées par rapport aux vrais besoins urgents et primordiaux de renouvellement des infrastructures ferroviaires.

Cette absence d'ambition et de modèle de financement est d'autant plus regrettable que la CCR occupe une place déterminante dans les perspectives de gains d'efficience structurels de SNCF Réseau . Une part significative de ces gains proviendra d'une réduction des effectifs affectés à la gestion de la circulation des trains au sein des postes d'aiguillages, à savoir, environ 13 000 agents. En 2018, dans son rapport précité sur SNCF Réseau, la Cour des comptes estimait que la CCR pourrait se traduire par une réduction de l'ordre de 40 % des effectifs affectés à la gestion de la circulation, soit plus de 5 000 postes . Les conséquences sociales ne seront pas négligeables et devront être traitées via un accompagnement approprié.

Les rapporteurs spéciaux ont le sentiment que les craintes de ces conséquences sociales ont pu servir d'argument pour entraver le développement de la CCR en France. Sans nier cette réalité sociale, ils considèrent néanmoins que c'est là un raisonnement très regrettable, court-termiste et mortifère à long terme puisqu'il prive le réseau français d'innovation, de gains de performance et de la compétitivité atteinte par ses homologues européens. In fine, le choix de ne pas développer sérieusement la modernisation du réseau a un effet délétère sur le marché du transport ferroviaire , sur la croissance économique du secteur et les emplois et revenus qu'il draine.

En dépit de ces perspectives de gains d'efficience structurelles significatives, le programme de CCR n'a pas été inclus dans les financements du plan de relance . Or, pour déployer le programme à son rythme actuel, déjà beaucoup trop lent, quatre milliards d'euros sont nécessaires d'ici 2030 . Les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il n'est pas envisageable qu'un tel montant soit prélevé sur l'enveloppe de régénération et conduise à diminuer de façon significative une trajectoire d'investissements dans le renouvellement du réseau déjà beaucoup trop faible. Par ailleurs pour finaliser le déploiement du programme, 11 milliards d'euros supplémentaires seront nécessaires, soit un total de 15 milliards d'euros.

Le projet d'actualisation du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État ne prévoit ni financement ni accélération du programme de CCR. Il se contente d'indiquer que « si des solutions de financement se présentent », ce programme sera accéléré. Les rapporteurs spéciaux sont étonnés d'une telle absence de volontarisme politique et considèrent qu'il n'est pas raisonnable « d'attendre que des solutions de financement se présentent ». Il revient au contraire d'urgence à l'État de proposer une stratégie ambitieuse et des solutions de financement pour ce projet emblématique.

Les rapporteurs spéciaux notent par ailleurs qu'une nouvelle technologie de postes d'aiguillages, déployée par SNCF Réseau dans le cadre d'un partenariat d'innovation avec trois industriels et baptisée ARGOS, pourrait réduire de 30 % les délais de déploiement de la CCR et de 15 % ses coûts . Cette lueur d'espoir doit être appuyée d'urgence par une stratégie et un modèle de financement dignes de ce nom et soutenus par des subventions publiques.

c) L'ERTMS : aucun financement national à la différence de nos voisins et des engagements qui ne seront pas tenus

L'ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'intervalle entre les trains 51 ( * ) . Aussi permet-il d' augmenter la cadence du trafic (de quatre trains par heure sur les LGV), d'accroître la performance du réseau , d' améliorer la régularité du trafic ainsi que l'offre de sillons , en particulier aux opérateurs de fret ferroviaire.

Au-delà de ces avantages, la technologie ERTMS ouvre la voie à une dynamique plus générale de numérisation de l'exploitation ferroviaire susceptible de dégager d'importants gains d'efficience . Ce mouvement de digitalisation est une condition nécessaire pour que le modèle ferroviaire trouve enfin le chemin de la soutenabilité économique .

Les avantages attendus de l'ERTMS, les lignes équipées aujourd'hui en France ainsi que le cadre européen dans le cadre duquel s'inscrit son déploiement sont présentés en annexe 15. En France, seuls 1 000 kilomètres de lignes sont équipés de la technologie de signalisation et l'objectif actuel est d'équiper 2 000 kilomètres d'ici 2030

La moyenne d'âge des appareils de signalisation du réseau français augmente de quatre mois tous les ans. Elle dépassera les 28 ans en 2025 .

Loin de remédier à cette trajectoire inquiétante, le projet de contrat de performance de SNCF Réseau pour la période 2021-2030 prend simplement acte de cet état de fait .

Le réseau français se caractérise par des appareils de signalisation très hétérogènes qui contribuent à compliquer leur modernisation. Faute d'un plan ambitieux de déploiement de la technologie ERTMS, la politique de renouvellement actuelle , ciblée par la force des choses sur les équipements les plus anciens, aboutit à entretenir cette hétérogénéité . Profondément sous-optimale en matière de performance du réseau et de complexité pour les opérateurs, cette situation conduit à freiner encore davantage les perspectives de déploiement du système ERTMS.

Les dernières données relatives au déploiement de l'ERTMS sur le réseau central européen que la Commission européenne a transmises aux rapporteurs spéciaux montrent que la France affiche un retard significatif par rapport à ses partenaires .

SNCF Réseau a confirmé aux rapporteurs spéciaux que le retard de la France dans la mise en oeuvre du programme ERTMS va encore très fortement se creuser dans les prochaines années si aucune mesure sérieuse n'est prise par l'État pour le financer et en accélérer le déploiement.

Nos voisins , notamment l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne ont des programmes beaucoup plus ambitieux dans les années qui viennent et ont prévu d'accélérer sensiblement leur rythme de déploiement. La Commission européenne a ainsi confirmé aux rapporteurs spéciaux que de nombreux pays européens renforcent considérablement leurs objectifs en passant notamment d'une approche de déploiement sur le seul réseau central européen à un équipement complet de l'ensemble de leur réseau 52 ( * ) .

La Commission européenne considère la France comme l'un des pays les moins ambitieux en matière de déploiement de l'ERTMS et surtout ne disposant pas de programme détaillé au-delà de 2030. Elle a signalé aux rapporteurs spéciaux que si l'hexagone a été précurseur, cette période est bel et bien révolue et qu'il accuse désormais un retard significatif qui, aux dires de l'exécutif européen, a « une incidence négative sur l'interopérabilité en Europe, la compétitivité des entreprises ferroviaires internationales et le rythme de déploiement de l'ERTMS tant au sol qu'à bord dans les pays voisins » .

Le défaut d'ambition et de vision stratégique de l'État en matière de modernisation du réseau contribue à mettre la France en sérieuse difficulté dans ses relations avec ses partenaires au sujet de l'espace ferroviaire européen. Il fait de la France un élément bloquant du développement du ferroviaire en Europe. Les rapporteurs spéciaux estiment que cette situation n'est pas admissible et qu'il n'est pas dans l'intérêt national qu'elle perdure .

Si l'État ne prend pas ses responsabilités sur cette question, la France ne respectera pas, et de très loin, son engagement européen d'équiper l'ensemble des lignes du réseau central européen avant 2030. Pour respecter son engagement auprès de l'UE, la France devrait avoir équipé près de 7 000 kilomètres de voies avant 2030 alors que son objectif actuel n'est que de 2 000. La Belgique, les Pays-Bas, la Suisse ou encore l'Espagne sont les pays qui disposent de la plus large couverture et ont pris beaucoup d'avance sur la France.

Programme de modernisation et non de renouvellement, le déploiement du système ERTMS conduit à remplacer des appareils de signalisation qui n'ont pas encore atteint la fin de leur cycle de vie . Ce remplacement se traduit donc pour SNCF Réseau par la destruction de la valeur résiduelle de ces appareils. En moyenne, cette destruction de valeur correspond à 60 % du coût de déploiement de la technologie ERTMS.

Il apparaît donc nécessaire, à minima, de prévoir des financements publics pour compenser la valeur résiduelle des équipements de signalisation remplacés. Pour une valeur résiduelle estimée à environ 60 % et en tenant compte de la subvention européenne de 10 % 53 ( * ) , le besoin de financement public complémentaire serait d'environ 50 % du coût de développement. Un tel soutien financier de l'État est mis en oeuvre chez la plupart de nos voisins et la moyenne des subventions nationales qui viennent compléter les financements européens est aujourd'hui d'environ 15 %.

Si elle ne règle pas le problème de l'absence de modèle de financement, une piste pour accélérer le développement de l'ERTMS pourrait être de recourir à l'externalisation , SNCF Réseau faisant appel à des gestionnaires d'infrastructure privés pour déployer cette technologie, à l'instar de ce qui a été fait pour le GSM Rail.

d) L'urgence de concevoir un modèle de financement pour la modernisation du réseau

En premier lieu, les rapporteurs s'étonnent que des évaluations précises du coût global des programmes de modernisation du réseau n'aient pas été réalisées à ce jour. La première des urgences est donc de réaliser ces évaluations .

D'après les premières estimations communiquées aux rapporteurs spéciaux par SNCF Réseau, le coût global restant à engager pour la CCR pourrait s'élever à 15 milliards d'euros . Concernant le déploiement de l'ERTMS sur l'ensemble du réseau, 20 milliards d'euros pourraient s'avérer nécessaire, sans compter l'équipement du matériel roulant . À l'échelle européenne, une étude de la Commission européenne réalisée en 2020 évalue les coûts de déploiement de l'ERTMS à 115 milliards d'euros, dont 5 % pour l'équipement du matériel roulant. L'enjeu financier en France de ces deux programmes de modernisation du réseau pourrait donc avoisiner les 35 milliards d'euros 54 ( * ) .

Particulièrement conséquents, les coûts à mobiliser pour déployer les programmes de modernisation du réseau doivent néanmoins être relativisés par les gains socio-économiques qu'ils doivent générer à travers l'accroissement de la performance des infrastructures ferroviaires.

Lors de son audition du 15 décembre 2021 devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le président Jean-Pierre Farandou a évalué à 10 milliards d'euros annuels les gains que pourrait générer en France un réseau modernisé.

Les rapporteurs spéciaux considèrent qu' il est indispensable que l'État s'engage rapidement avec SNCF Réseau sur un programme de déploiement accéléré et ambitieux de la CCR et de l'ERTMS . L'actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau en était l'occasion mais le projet actuel ne propose qu'un statu quo délétère pour le réseau. Les rapporteurs tiennent à souligner qu'en février 2018, le rapport du comité d'orientation des infrastructures (COI) préconisait déjà de développer au plus vite les programmes de modernisation du réseau et d'adopter à court terme un plan d'ensemble détaillé pour leur réalisation. Il est plus urgent que jamais de mettre en oeuvre cette recommandation .

Ce programme de déploiement rapide de la modernisation du réseau doit s'appuyer sur un modèle de financement solide qui n'existe pas aujourd'hui. Les rapporteurs spéciaux ont pu constater que les services d'administration centrale sont divisés . Si la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) plaide pour que l'État affirme une stratégie de modernisation ambitieuse et y consacre des financements, les services du ministère de l'économie s'y refusent. Ces derniers considèrent que la modernisation du réseau devra être autofinancée par SNCF Réseau . Cette perspective n'est pas envisageable avant au mieux 2025 et dépend de très hypothétiques marges de manoeuvre financières que SNCF Réseau dégagerait à compter de cette date.

Compte tenu des enjeux majeurs de la modernisation du réseau, des objectifs environnementaux et de développement du ferroviaire de la France ainsi que des engagements financiers imposés à SNCF Réseau, les rapporteurs spéciaux estiment que cette position est profondément incohérente et pourrait mettre en péril les perspectives économiques du réseau et du système ferroviaire français en général. Elle relève en outre d' un exemple manifeste d'injonction contradictoire de l'État faite au gestionnaire d'infrastructure . L'État ne peut exiger de SNCF Réseau qu'il réalise des gains d'efficience ambitieux et qu'il améliore sensiblement la performance des infrastructures ferroviaires tout en le privant du principal levier pour atteindre ces deux objectifs fondamentaux.

Les rapporteurs spéciaux rappellent le caractère profondément pernicieux du mode de financement par défaut auquel SNCF Réseau doit recourir puisqu'il consiste à ponctionner les investissements de régénération du réseau et à mettre à contribution des opérateurs déjà affectés par des péages parmi les plus élevés en Europe .

Il est grand temps que l'État mette en cohérence ses déclarations et les objectifs qu'il affiche avec ses décisions et ses engagements financiers . Les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il n'est pas raisonnable et même dangereux pour le devenir du réseau et du système ferroviaire d'attendre que la SNCF revienne à meilleure fortune pour financer à elle seule la modernisation du réseau. L'avenir du réseau et du système ferroviaire français ne peut reposer sur ce pari hypothétique. Les programmes de modernisation ont déjà pris trop de retard pour prendre un tel risque.

Au-delà des investissements dans le réseau lui-même, sa modernisation nécessite aussi des investissements conséquents dans le matériel roulant pour lesquels les aides publiques sont très insuffisantes . L'ensemble du parc de trains doit être équipé pour pouvoir circuler sur les lignes où la technologie ERTMS a été déployée. En effet, il est inutile de déployer l'ERTMS au sol si les trains ne sont pas équipés. Il est donc absolument essentiel de développer une vision d'ensemble et de prévoir un dispositif global qui intègre à la fois le déploiement au sol et l'équipement du matériel roulant. D'après les estimations de la Commission européenne communiquées aux rapporteurs spéciaux, l'équipement du matériel roulant représenterait environ 5 % du coût de déploiement de l'ERTMS .

Les aides européennes en faveur de l'équipement du matériel roulant au standard ERTMS se sont considérablement réduites . Elles étaient passées de 50 % en 2015 à 15 % en 2019. Aujourd'hui elles sont plafonnées à 200 millions d'euros par an pour l'ensemble du continent . En France, à la différence de certains de nos voisins (Italie, Allemagne), aucune aide nationale n'est prévue . S'agissant de l'ERTMS, des aides publiques à hauteur de 60 % seraient nécessaires pour mettre à niveau le matériel roulant. Pour le seul équipement des locomotives de Fret SNCF , le coût serait de 200 à 300 millions d'euros , soit un investissement totalement hors de portée de la société sans un soutien public.

De nombreux pays européens proposent aux opérateurs ferroviaires des aides à travers une baisse de leurs redevances ferroviaires. Le Gouvernement devrait à minima envisager une telle mesure pour laquelle l'État compenserait à SNCF Réseau le manque à gagner en termes de ressources.

4. SNCF Réseau : un modèle économique à revoir
a) Une situation financière structurellement dégradée et des objectifs financiers qui pourraient porter atteinte à la rénovation et à la modernisation du réseau
(1) Le point noir du modèle ferroviaire français

Comme a pu le souligner la Cour des comptes dans son rapport précité de 2018, la situation financière historiquement dégradée du gestionnaire d'infrastructures français est largement liée aux sous-investissements de l'État dans un contexte de développement exponentiel de l'offre TGV. Aussi, le profond déséquilibre financier du gestionnaire d'infrastructure est-il de longue date la grande faiblesse du modèle ferroviaire français. SNCF Réseau perd entre deux et trois milliards d'euros par an et sa dette croit inexorablement. Avant la reprise partielle de celle-ci par l'État, les frais financiers qu'elle générait pesaient à hauteur de 1,3 milliard d'euros dans le déficit structurel de SNCF Réseau.

Indicateurs financiers synthétiques SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

L'activité de SNCF Réseau qui repose à 85 % sur des coûts fixes la rend particulièrement vulnérable aux crises. Cette fragilité est d'autant plus vraie en France du fait du mode de financement du gestionnaire d'infrastructure qui repose très majoritairement sur les redevances d'infrastructures, c'est-à-dire les péages ferroviaires. Ses homologues européens, dont les ressources reposent davantage sur les subventions publiques, disposent d'un modèle économique beaucoup plus résilient en cas de choc conjoncturel.

Avant la crise, et depuis 2015, SNCF Réseau affichait un chiffre d'affaires relativement stable , entre 6,2 et 6,5 milliards d'euros 55 ( * ) . Sa production immobilisée s'est quant à elle nettement appréciée, de plus de 3 milliards d'euros, sur la période .

Évolution du chiffre d'affaires et de la production immobilisée de
SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Le chiffre d'affaires de SNCF Réseau est essentiellement composé des péages ferroviaires.

Ventilation du chiffre d'affaires de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Les charges d'exploitation de SNCF Réseau se sont fortement appréciées au cours des dernières années. Elles ont progressé de plus de 20 % depuis 2016 pour dépasser désormais les 10 milliards d'euros. Entre 2016 et 2019 le cumul chiffre d'affaires et production immobilisé n'a quant à lui progressé que de 15 %.

La hausse constatée en 2016 relève d'un effet de périmètre et correspond au transfert des effectifs de SNCF Infra et de la direction de la circulation ferroviaire effectuée le 1 er juillet 2015 suite à la réforme de 2014.

Évolution des charges d'exploitation brutes de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Entre 2016 et 2019, le poste des achats et charges externes a augmenté de plus de 40 % pour approcher les 7 milliards d'euros quand celui des charges de personnel restait relativement stable autour de 3,5 milliards d'euros.

Évolution des charges de personnels de SNCF Réseau (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Si les charges de personnel affichent une légère diminution depuis 2016, le poste des achats et charges externes nets de la production immobilisée s'est apprécié de près de 30 % depuis 2016.

Évolution des achats et charges externes de SNCF Réseau (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

D'après les dernières données produites par l'Autorité de régulation des transports (ART) en décembre 2021 56 ( * ) , les coûts d'exploitation de SNCF Réseau liés à la gestion des circulations ainsi qu'à l'entretien et à la surveillance des infrastructures ont été relativement stables entre 2016 et 2019.

Évolution des coûts d'exploitation de SNCF Réseau liés à la gestion des circulations ainsi qu'à l'entretien et à la surveillance des infrastructures (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur le marché du transport ferroviaire en 2020 publié par l'Autorité de régulation des transports (ART) en décembre 2021

Avant même la survenue de la crise sanitaire, la valeur ajoutée (VA) comme la marge opérationnelle (MOP) de SNCF Réseau suivaient une pente descendante , se rétractant de près de 10 % entre 2016 et 2019. En 2021, la MOP (1,7 milliard d'euros) est restée inférieure de 8 % à son niveau de 2019, déjà en diminution de 9 % depuis 2016.

Évolution de la valeur ajoutée et de la marge opérationnelle
de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Structurellement négatif, le résultat net de SNCF Réseau est marqué par deux dépréciations significatives des actifs de la société en 2015 , pour un montant de 9,6 milliards d'euros, puis en 2018 , pour 3,4 milliards d'euros supplémentaires. Ces dépréciations illustrent la fragilité des perspectives financières de SNCF Réseau et du modèle de financement des infrastructures ferroviaires en général 57 ( * ) .

Évolution du résultat net de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

De façon structurelle, SNCF Réseau affiche des ressources très insuffisantes pour couvrir ses dépenses d'investissement . Cette situation constitue le noeud gordien de son déséquilibre financier et de la progression inexorable de son endettement. Sa marge opérationnelle (MOP) et sa capacité d'autofinancement (CAF) affichent des montants très insuffisants pour assurer le financement des investissements du gestionnaire d'infrastructure. Qui plus est, sa CAF était orientée à la baisse avant la crise. Ainsi, la CAF de SNCF Réseau nette de ses remboursements d'emprunt avait diminué de plus de 30 % et 300 millions d'euros entre 2015 et 2019 .

Évolution de la capacité d'autofinancement de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

D'après les derniers chiffres produits par l'Autorité de régulation des transports dans son rapport sur le marché français du transport ferroviaire en 2020 (décembre 2021), les investissements ferroviaires bruts de SNCF Réseau sont relativement stables depuis 2016.

Investissements ferroviaires de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur le marché français du transport ferroviaire en 2020 publié par l'Autorité de régulation des transports (ART) en décembre 2021

Si les investissements de SNCF Réseau nets de subventions, qui doivent donc être autofinancés par la société, suivent quant à eux une tendance à la baisse depuis 2015, la MOP et la CAF nette de la société, en diminution également, demeurent très nettement insuffisantes pour couvrir leur financement.

Comparaison entre investissements nets, CAF et MOP de
SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

De cette situation financière déséquilibrée découle un flux de trésorerie annuel structurellement déficitaire . Ainsi, le cash-flow libre (CFL) de SNCF Réseau est chaque année négatif pour un montant très significatif, qui fluctue entre 2 et 3 milliards d'euros . Ce flux de trésorerie négatif structurel considérable est à l'origine de la croissance de la dette de la société et du groupe SNCF.

Évolution du cash-flow libre (CFL) de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

L'amélioration du CFL attendue en 2021 résultera presque exclusivement du versement en février par l'État de 1 645 millions d'euros correspondant à la première tranche des 4,05 milliards du « plan de relance » ferroviaire.

La croissance non maîtrisée de la dette du gestionnaire d'infrastructure, RFF puis SNCF Réseau, symbolise depuis des décennies le déséquilibre du modèle économique du système ferroviaire français. L'emballement de cette dette s'est poursuivi jusqu'à l'orée de la crise et la première étape de sa reprise partielle par l'État.

Évolution de la dette nette de SNCF Réseau

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Ainsi, entre 2016 et 2019 a-t-elle progressé de plus de 15 % pour atteindre environ 50 milliards d'euros . Si le montant de dette nette de SNCF Réseau a fortement chuté en 2020 du fait de la première étape de sa reprise partielle par l'État, sa dynamique haussière demeure . Du fait du flux de trésorerie négatif de la société, entre le 1 er janvier 2020, date de sa reprise partielle par l'État, et le 31 décembre de la même année, sa dette s'est ainsi de nouveau appréciée de 2,6 milliards d'euros . Il est à noter que même sans la crise sanitaire, elle aurait augmenté de près de 2 milliards d'euros .

La deuxième étape de la reprise de dette, pour 10 milliards d'euros, est effective depuis le 1 er janvier 2022. Une nouvelle réduction de l'endettement de SNCF Réseau sera ainsi constatée en 2022.

Outre ses conséquences directes sur la réduction du niveau d'endettement de la société, la reprise de 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau doit se traduire par une baisse significative des frais financiers qu'elle acquitte chaque année. Les économies ont été chiffrées à plus de 700 millions d'euros en 2020 . En 2022 , au terme du processus, la diminution des charges financières acquittées par SNCF Réseau liée à la reprise partielle de sa dette devrait dépasser les 900 millions d'euros .

Évolution du coût de la dette de SNCF Réseau (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Malgré ces conséquences positives sur le compte de résultat, la marge opérationnelle potentielle qui pourrait être dégagée dans les années à venir par SNCF Réseau et son cash-flow libre, la maîtrise structurelle de l'évolution de la dette du gestionnaire d'infrastructure apparaît encore loin d'être garantie .

À ce stade, et compte-tenu des nombreuses incertitudes qui pèsent encore sur les perspectives financières de SNCF Réseau, la reprise des 35 milliards d'euros par l'État est insuffisante pour rétablir à elle seule la situation financière de la société et conjurer un nouvel emballement d'une dette qui continue toujours de se creuser.

La règle d'or renforcée depuis 2019 a vocation à éviter que ne se reproduisent les erreurs funestes du passé qui ont amené la dette du gestionnaire d'infrastructure à s'emballer pour financer des projets de développement de LGV. Alors que ce dispositif conduit également à brider les possibilités de développer les programmes de modernisation du réseau, il n'en donne pas pour autant une garantie suffisante pour enrayer la spirale de l'endettement.

Si dans la trajectoire financière prévisionnelle qu'elle retient aujourd'hui, SNCF Réseau envisage une progression très modérée de sa dette jusqu'en 2024, année à partir de laquelle elle a pris l'engagement d'équilibrer son cash-flow libre, avant d'engager une phase de lente décrue consécutive d'une situation financière rééquilibrée et de flux de trésorerie annuels positifs, ces perspectives apparaissent plus qu'hypothétiques compte tenu de l'ensemble des incertitudes qui assombrissent l'avenir financiers de la société dans son modèle économique actuel.

Structurellement négatifs, les capitaux propres de SNCF Réseau s'étaient notamment effondrés en 2015 en raison de la dépréciation de 9,6 milliards d'euros de la valeur comptable des infrastructures . La nouvelle dépréciation de 3,4 milliards d'euros constatée en 2018 explique la nouvelle baisse sensible constatée au cours de cet exercice. En 2020, la première étape de la reprise de sa dette par l'État a permis aux capitaux propres de la société de devenir positifs à hauteur de 7 milliards d'euros. En 2022, les capitaux propres de SNCF Réseau s'apprécieront de nouveau consécutivement à la mise en oeuvre de la deuxième étape de la reprise de dette.

Évolution des capitaux propres consolidés de SNCF Réseau (2014-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

(2) L'ampleur des conséquences financières de la crise est encore incertaine

Du fait de son mode de financement , essentiellement assuré par les péages plutôt que par les subventions publiques, SNCF Réseau et les investissements dans les infrastructures ferroviaires se retrouvent excessivement vulnérables aux chocs conjoncturels .

Ainsi, en 2020 , au regard des données prévues au budget initial, la crise sanitaire et les grèves contre le projet de réforme des retraites auraient conduit à une rétractation de plus de 1,1 milliard d'euros du chiffre d'affaires . Le premier confinement à lui seul aurait engendré une diminution des recettes de péages de 1 085 millions d'euros . La baisse de chiffre d'affaires a été intégralement répercutée dans la marge opérationnelle (MOP) du fait de la rigidité des coûts de la société. Le cash-flow libre aurait lui aussi été affecté à la baisse pour un peu plus de 1 milliard d'euros , dont un peu plus de 700 millions d'euros du fait des conséquences de la crise sanitaire. Le coût des mesures sanitaires pour SNCF Réseau se serait quant à lui élevé à 11 millions d'euros en 2020 58 ( * ) et devrait tripler en 2021 pour atteindre 33 millions d'euros.

Si les conséquences financières engendrées par le premier confinement ont bien été estimées et compensées par l'État dans le cadre du plan de relance ferroviaire, d'importantes incertitudes demeurent concernant les répercussions des développements ultérieurs de la crise . Des pertes supplémentaires allant de 700 millions d'euros à plus de 1 milliard d'euros ont été évoquées.

Alors que de telles pertes sembleraient difficilement absorbables par SNCF Réseau sauf à porter une grave atteinte aux investissements dans les infrastructures ferroviaires, le projet d'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau fait totalement l'impasse sur cet enjeu en ne prenant en considération dans les trajectoires financières prévues que les seuls effets du premier confinement 59 ( * ) . Cette situation, qui fait peser une menace évidente sur les perspectives financières de SNCF Réseau, doit être rapidement résolue.

(3) Le modèle économique de SNCF Réseau repose sur des péages élevés dont les évolutions prévues dans les années à venir n'apparaissent pas soutenables

Les redevances d'infrastructures , ou péages ferroviaires, représentent la très grande majorité des ressources de SNCF Réseau. Dans son budget 2021, elles représentent 86 % de son chiffre d'affaires .

Les redevances d'infrastructures sont encadrées par des dispositions du droit européen transposées en droit français. L'annexe 16 décrit ce cadre.

En France, le choix a été fait d'opter pour le système dérogatoire permis par la directive 2012/34/UE et de majorer les péages au-delà des exigences minimales européennes de compensation des coûts marginaux de circulation et ce, afin de les faire tendre vers un objectif de couverture des coûts complets du réseau. Ce choix implique notamment des péages ferroviaires élevés et une forte vulnérabilité financière du gestionnaire d'infrastructure . Aussi, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils que le modèle de financement du réseau doit être totalement remis à plat pour encourager le développement du ferroviaire et le report modal vers le train tout en garantissant la viabilité du modèle économique du gestionnaire d'infrastructure .

Ainsi en France, deux types principaux de péages ont-ils été instaurés. D'une part les péages répondant à l'exigence européenne de compensation des coûts directement imputables et ayant vocation à couvrir les coûts marginaux de circulation des convois sur le réseau et, d'autre part, les péages additionnels dérogatoires ayant vocation à compenser les coûts fixes de SNCF Réseau et à tendre vers une couverture des coûts complets du réseau par les péages plutôt que par des subventions publiques.

Les redevances de circulation , estimées à environ 1 milliard d'euros pour un trafic correspondant à la situation d'avant crise, sont à classer dans la première catégorie de même que la redevance de circulation électrique qui représente environ 100 millions d'euros 60 ( * ) . Ces redevances concernent aussi bien les services non conventionnés (TGV et fret) que les services conventionnés (TER, TET, Transilien). Dans la seconde catégorie, les redevances de marché , qui constituent la part la plus importante des redevances d'infrastructures, concernent les services conventionnés comme non conventionnés et, ont actuellement un potentiel situé entre 2,5 et 3 milliards d'euros avec un trafic équivalent à celui de l'année 2019. Les redevances d'accès versées à SNCF Réseau par l'État au titre de l'utilisation du réseau par les TER et les TET 61 ( * ) , relèvent également de cette seconde catégorie de péages additionnels dérogatoires 62 ( * ) .

Évolution du montant des redevances d'infrastructure
perçues par SNCF Réseau 2016-2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La tarification de l'usage du réseau ferré national est décidée par SNCF Réseau 63 ( * ) puis soumise à l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports (ART) qui peut donc en refuser les évolutions , induisant des conséquences significatives sur les ressources et l'équilibre financier du gestionnaire d'infrastructure français . Les principes de détermination de l'évolution des péages et l'historique des contentieux récents entre l'ART et SNCF Réseau sont présentés en annexe 16.

À compter de 2024, SNCF Réseau compte sur une progression très sensible de 3,6 % des péages sur les services conventionnés . Ses perspectives de rétablissement financier reposent sur cette trajectoire qui figure dans le projet d'actualisation de son contrat de performance . Pour autant, compte-tenu des avis qu'elle a rendus précédemment et de la situation financière des régions, rien ne dit aujourd'hui que l'ART validera de telles augmentations . Dans un passé récent, comme précisé en annexe 16, elle a déjà rejeté à plusieurs reprises les augmentations proposées par SNCF Réseau. Les redevances d'infrastructures acquittées par les services non conventionnés doivent quant à elles évoluer au rythme de l'inflation.

Au cours de leurs auditions, les rapporteurs spéciaux ont été frappés de constater à quel point les contributions des régions en faveur du transport ferroviaire ont augmenté et promettent de s'apprécier encore davantage dans les années à venir. Aussi, les perspectives d'augmentation des redevances sur les services conventionnés inscrites au contrat de performance et qui conditionnent le rétablissement financier de SNCF Réseau leur semblent déraisonnables et irréalistes sauf à nuire au développement de la mobilité ferroviaire et au report modal vers le train.

Trajectoire prévisionnelle des redevances d'infrastructure retenue par le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

(4) Les perspectives financières de SNCF Réseau dépendent également d'autres ressources

Le mécanisme de financement de SNCF Réseau via le fonds de concours alimenté par une part des bénéfices récurrents de SNCF voyageurs et donc, principalement de l'activité grande vitesse, joue aussi un rôle significatif dans l'équilibre du modèle économique du gestionnaire d'infrastructure et dans ses perspectives financières 64 ( * ) . Outre son caractère très discutable au regard du lien de dépendance financière qu'il créée entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur de transport ferroviaire historique, ce dispositif rend SNCF Réseau et le financement de la rénovation du réseau très dépendants de la conjoncture et de la vitalité du TGV .

Résultats du groupe SNCF affectés au fonds de concours destiné
à financer SNCF Réseau

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires annexés aux lois de finances

Si depuis 2016, et notamment après son renforcement décidé dans le cadre de la réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire 65 ( * ) , le montant de cette ressource avait fortement progressé, il a été très sévèrement affecté par la crise . Ainsi, aucun versement n'a été effectué à ce titre en 2021 et le projet d'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau prévoit que cette ressource ne rapporte qu'environ 170 millions d'euros à SNCF Réseau en 2022 et en 2023.

À plus long terme, l'évolution de cette ressource indispensable à l'équilibre du modèle économique actuel de SNCF Réseau dépendra des conséquences structurelles de la crise sanitaire sur la mobilité ferroviaire et de l'ampleur de la reprise d'une activité grande vitesse rentable. Le projet d'actualisation du contrat de performance prévoit l'affectation de montants très significatifs et très ambitieux à compter de 2024 et d'ici 2030, qui semblent à ce stade bien incertains .

Trajectoire prévisionnelle des versements du fonds de concours de l'État à SNCF Réseau retenue par le projet d'actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau 2021-2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Entre 2021 et 2023, le fonds de concours sera également alimenté par les versements des 4,05 milliards d'euros du plan de relance du ferroviaire qui ont, entre autres, pour vocation à compenser la perte de ressource issues de l'affectation du bénéfice net récurrent du groupe. Par ailleurs de 2021 à 2025 , le projet d'actualisation du contrat de performance de SNCF Réseau prévoit également l'affectation au fonds de concours de 600 millions d'euros de produits de cession du groupe SNCF 66 ( * ) .

Détail de la trajectoire prévisionnelle de l'affectation des produits de cession du groupe SNCF versés à SNCF Réseau (2021-2030)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Dans des proportions nettement inférieures aux péages et à la situation qui prévaut pour nombre de ses homologues européens, les subventions publiques perçues par SNCF Réseau contribuent également à l'équilibre de son modèle économique .

Ces subventions concernent essentiellement les projets de développement du réseau nationaux et régionaux 67 ( * ) . En 2020, les près de 2 milliards d'euros de subventions publiques étaient affectés à plus de 90 % aux projets de développement nationaux ou régionaux. En revanche , la régénération du réseau est quasi exclusivement financée par le produit des péages ferroviaires et la part du bénéfice du groupe SNCF qui transite via le fonds de concours.

Subventions reçues par SNCF Réseau en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En 2021 , en plus des subventions traditionnelles, SNCF Réseau a reçu le premier versement , à hauteur de 1 645 millions d'euros, des 4,05 milliards d'euros du « plan de relance » ferroviaire portant exceptionnellement le niveau de subventions publiques à 3,8 milliards d'euros.

b) Un taux de couverture du coût complet du réseau très partiel et dont l'augmentation ne doit pas reposer sur une trajectoire d'augmentation des péages financièrement insoutenable pour les régions

Le coût complet du réseau (décrit en annexe 17) est actuellement estimé à environ 8,4 milliards d'euros . Le taux de couverture du coût complet du réseau pour SNCF Réseau est partiel et en baisse du fait notamment de la hausse des dépenses de régénération. Ainsi, d'après les éléments fournis par la société aux rapporteurs spéciaux, est-il passé de 94 % en 2016 à 83 % en 2020 68 ( * ) .

Le déficit de couverture annuel du coût complet du réseau atteindrait 2 milliards d'euros d'après SNCF Réseau. Les rapporteurs spéciaux considèrent, comme SNCF Réseau elle-même, l'ART ou la Cour des comptes, que cet écart, qui est l'origine principale du déséquilibre de la situation financière du gestionnaire d'infrastructure , fait peser une lourde menace sur les investissements et la régénération du réseau

Pour résoudre cette situation et permettre enfin de donner au gestionnaire d'infrastructures de réelles perspectives d'amélioration de son équilibre financier, l'activation, alternative ou simultanée, de trois leviers est possible :

- la réalisation de gains de performance par SNCF Réseau ;

- la hausse des subventions publiques ;

- la hausse des redevances d'infrastructures, c'est-à-dire les péages ferroviaires.

Si la réalisation effective de gains de performance très sensibles par SNCF Réseau , y compris des gains d'efficience industriels et pas seulement des économies sur les achats, est indispensable, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il n'est pas raisonnable d'envisager d'accroitre le taux de couverture du coût complet du réseau par une augmentation des péages qui ne ferait que pénaliser le développement de la mobilité ferroviaire.

C'est pourquoi ils plaident pour une remise à plat complète du modèle économique du réseau qui se traduirait par un nouvel équilibre dans lequel les subventions publiques occuperaient une place nettement plus importante dans la couverture du coût complet des infrastructures et ce, afin de réduire le niveau des péages pour lequel la France détient le record en Europe.

À ce stade, le projet de nouveau contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau envisage une progression de 11 points du taux de couverture du coût complet du réseau d'ici 2030. Une augmentation qui, d'une part ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de 100 % et, d'autre part, repose sur une hausse très sensible des péages sur les services conventionnés , notamment les TER, qui ne semble pas être financièrement soutenable pour les régions, sauf à contraindre le développement de l'offre ferroviaire , en contradiction totale avec les objectifs environnementaux et de report modal affichés par le Gouvernement.

Actuellement, seule l'activité de transport non conventionné de voyageurs à grande vitesse couvre le coût complet de son utilisation du réseau ferroviaire via ses redevances, qui sont d'ailleurs les plus élevées en Europe. Pour toutes les autres activités de transport ferroviaire, à des degrés divers, la couverture du coût complet d'utilisation du réseau est déficitaire.

Comme décrit dans l'annexe 17, le déficit structurel de couverture des coûts complets du réseau est très significatif en ce qui concerne les infrastructures de fret. Dans le cadre de la vaste remise à plat du modèle économique du réseau qu'ils appellent de leurs voeux , et compte-tenu des enjeux renouvelés et cruciaux de développement du fret ferroviaire, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est urgent d'assurer le financement des coûts fixes des infrastructures liées à cette activité, financement qui ne peut passer que par des subventions publiques .

SNCF Réseau n'a pas à assumer des coûts fixes qui ne peuvent être couverts par les acteurs économiques au titre d'une activité pour laquelle l'État affiche des objectifs de développement ambitieux . Les rapporteurs spéciaux estiment qu' au-delà des paroles, l'État doit assumer financièrement la volonté de développement du fret ferroviaire qu'il affiche. À défaut, et au regard des exigences de rééquilibrage financier qu'il impose par ailleurs à SNCF Réseau, il s'agirait d' un exemple manifeste d'injonction contradictoire vis-à-vis du gestionnaire d'infrastructure.

D'après SNCF Réseau, le taux de couverture des coûts complets des infrastructures relevant des lignes de dessertes fines du territoire est très faible . Là encore, l'État ne doit pas placer le gestionnaire d'infrastructure devant des injonctions contradictoires en veillant d'une part à la réalisation des gains de performance nécessaires pour optimiser les coûts complets et, d'autre part, à apporter les subventions financières suffisantes pour assurer la couverture de ces coûts optimisés.

Le taux de couverture du coût complet de l'utilisation du réseau pour les activités conventionnées (TER, TET et Transilien) apparaît également partiel, de l'ordre de 70 à 80 % d'après les évaluations de SNCF Réseau. Ce constat constitue le fondement du rattrapage que l'État et SNCF Réseau exigent des régions à travers des trajectoires prévisionnelles d'augmentation des péages particulièrement fortes (3,6 % par an à compter de 2024 d'après le contrat de performance).

Au-delà du fait qu'il n'est pas garanti que les comptes des régions puissent supporter de telles augmentations, sauf à affecter leur offre, cette perspective est mortifère en termes de développement du transport ferroviaire et parfaitement contradictoire avec les objectifs nationaux et européens en matière environnementale et de report modal . Ces enjeux imposent la remise à plat des équilibres du modèle de financement du réseau proposée par les rapporteurs spéciaux .

c) Au-delà des programmes de performances et des plans d'économies, développer une véritable culture de la performance

Dans le passé , le gestionnaire d'infrastructure a réalisé des efforts insuffisants en matière d'efficience. Ainsi, dans son rapport de 2018 précité portant sur SNCF Réseau, la Cour des comptes notait « une productivité quasi absente dans le passé » et des « gains de productivité jusqu'à présent invérifiables » . Elle soulignait qu'entre 2008 et 2014 notamment, le coût de l'indicateur GOPEQ 69 ( * ) (grande opération programmée équivalent) avait augmenté nettement plus vite que l'indice général des travaux publics.

La Cour des comptes ajoutait que les objectifs de performance plus ambitieux annoncés à partir de 2015, outre leur caractère incertain, reposaient essentiellement sur une optimisation de la politique d'achat . Dans le même temps, les gains d'efficience en matière industrielle apparaissaient non seulement trop faibles mais également « hypothétiques » . Par ailleurs, les programmes de performance ne faisaient pas l'objet d'un réel suivi . Peu ambitieux, les objectifs de productivité annoncés dans le cadre du programme de performance 2017-2026 n'étaient pas documentés et dénués d'indicateurs opérationnels .

Récemment, des homologues de SNCF Réseau ont quant à eux amélioré très significativement leur efficience . À titre d'exemple, son homologue britannique a réalisé des gains de productivité supérieurs à 15 % entre 2009 et 2013.

Aujourd'hui, la stratégie de SNCF Réseau est structurée autour du projet d'entreprise à horizon 2030 « tous SNCF ambition réseau », une déclinaison du projet de groupe « tous SNCF ». Ce projet intègre le plan de performance de la société ainsi que ses objectifs de rééquilibrage financier demandés par l'État, se concentre sur des axes stratégiques tels qu'un changement de culture dans le sens d'une politique tournée vers le client, l'amélioration de la qualité, en particulier en matière de délivrance des sillons ou encore l'impératif de sécurité. À cet égard, les rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que l'impératif de sécurité, tout essentiel qu'il soit, ne doit plus être avancé comme un prétexte par SNCF Réseau pour limiter ses engagements de performance . En effet, certains de ses homologues européens sont plus efficients avec des garanties de sécurité au moins aussi fiables 70 ( * ) .

En marge de son projet d'entreprise, SNCF Réseau a lancé en 2018 un plan de réorganisation baptisé « nouvel'R » qui s'est notamment traduit par la création d'une direction générale clients et services sensée traduire la nouvelle orientation « clients », par des efforts d'optimisation de la gestion de ses actifs 71 ( * ) , un renforcement de sa politique de maîtrise d'ouvrage ou encore un pilotage décliné en onze axes.

À partir de 2017, SNCF Réseau a formalisé un plan de performance faisant l'objet d'un meilleur suivi , notamment grâce à la création d'une direction de la performance 72 ( * ) . Si ces avancées vont dans le bon sens, les rapporteurs spéciaux estiment que l'effectivité des gains d'efficience réalisés doit faire l'objet d'un suivi plus renforcé encore et surtout beaucoup plus finement encadré par un véritable contrat de performance . Cette exigence de rigueur méthodologique est d'autant plus importante que, comme le reconnaît SNCF Réseau, sa production et sa productivité sont particulièrement difficiles à mesurer 73 ( * ) .

Le plan de performance prévoit de mobiliser différents leviers . Une réduction des coûts de production est escomptée via l'automatisation de la surveillance 74 ( * ) et le développement de la gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO), la réduction des installations au sol, l'optimisation des frais de siège et des fonctions supports ou encore une nouvelle organisation des roulements des aiguilleurs. Toutefois, les plus grosses économies réalisées à ce jour par SNCF Réseau proviennent de l'optimisation de sa politique d'achats 75 ( * ) .

En 2017 , dans le cadre de son contrat de performance 2017-2026, SNCF Réseau avait pris l'engagement de réaliser 1,2 milliard d'euros de gains d'efficience d'ici 2026 . Alors que le rapport Spinetta de 2018 avait évalué les efforts de performance nécessaires à 1,4 milliard d'euros, les objectifs avaient été portés à 1,6 milliard d'euros en 2018 en contrepartie de l'engagement par l'État de reprendre 35 milliards d'euros de la dette du gestionnaire d'infrastructure. Alors que des efforts de performance significatifs de SNCF Réseau s'avèrent nécessaires, l'actuel projet de contrat de performance pour la période 2021-2030 prévoit d'en abaisser la cible à 1,5 milliard d'euros 76 ( * ) . En marge de son programme de performance structurelle, SNCF Réseau a mis en oeuvre un plan d'économies de crise, décrit en annexe 20, qui se compose principalement de réductions de dépenses automatiques et conjoncturelles liées à la baisse d'activité.

À la fin de l'année 2020, selon la méthodologie de mesure adoptée par SNCF Réseau, 544 millions d'euros de gains d'efficience auraient été réalisés depuis 2017 soit 34 % de l'objectif actuellement prévu d'ici 2026 sur 40 % de la période de la période considérée. À ce stade, la trajectoire prévisionnelle envisagée a été respectée. Néanmoins, cette trajectoire prévisionnelle s'accélère très nettement entre 2021 et 2024 en passant d'objectifs annuels moyens d'environ 130 millions d'euros à des cibles de 170 millions d'euros par an, soit une augmentation de 30 % de l'effort. Cette trajectoire accélérée d'ici 2024 a été conservée dans le projet de contrat de performance 2021-2030 . Les rapporteurs spéciaux suivront avec une particulière attention l'exécution effective de ces objectifs de performance rehaussés entre 2021 et 2024.

Trajectoire prévisionnelle des gains de performance
de SNCF Réseau (2017-2026)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

À ce jour, et malgré les progrès réalisés, les efforts et objectifs de performance de SNCF Réseau, notamment en termes de productivité industrielle, demeurent insuffisamment documentés, objectivés et suivis . L'ART a eu l'occasion de le rappeler récemment dans son avis sur le projet de budget 2022 de la société (voir annexe 18).

Comme la Cour des comptes avait pu le signaler en 2018 dans son rapport précité, l es gains de performance réalisés continuent de reposer bien davantage sur l'optimisation de la politique d'achats que sur une réduction des coûts de production , à tel point qu' il est permis de questionner la composition de ces économies et que l'on ne peut pas les considérer comme de véritables gains de productivité. Comme SNCF Réseau a pu le confirmer aux rapporteurs spéciaux, l'optimisation de la politique d'achats est la principale composante des économies réalisées en 2021 , qui devraient, d'après les informations transmises par la société, respecter l'objectif qui avait été fixé à 170 millions d'euros. L'objectif prévisionnel d'économies pour 2022 ne pourra lui-même être atteint qu'à la faveur de nouvelles mesures relatives aux achats.

Si elle peut être améliorée partiellement par une politique d'achats plus performante 77 ( * ) , l'indispensable optimisation des coûts des travaux, dépasse largement ce seul sujet et suppose de réels efforts de productivité dont les résultats doivent être précisément suivis et évalués notamment à travers l'indicateur du coût du GOPEQ (grande opération programmée équivalent), bien qu'il se limite aux travaux de renouvellement des voies ferrés.

À ce stade le projet de contrat de performance pour la période 2021-2030 prévoit deux indicateurs relatifs à la productivité de l'entretien et de la régénération du réseau par le gestionnaire d'infrastructure. La « dépense moyenne d'entretien par kilomètre de voie du réseau » 78 ( * ) doit très sensiblement progresser d'ici 2024 . La trajectoire prévisionnelle anticipe ensuite une amélioration très sensible de cet indicateur jusqu'en 2030 pour qu'il revienne à son niveau de 2018, soit environ 56 000 euros par kilomètre de voie. Cette trajectoire ne pourra se concrétiser qu'à la faveur de gains de productivité majeurs de la part de SNCF Réseau qui devront faire l'objet d'un suivi régulier et attentif. La maîtrise du « coût moyen de renouvellement d'un kilomètre de voie sur le réseau structurant » (le second indicateur) est déterminante pour assurer une régénération ambitieuse et optimale du réseau ferroviaire national 79 ( * ) .

Des gains de performance significatifs sont à attendre de la modernisation du système d'information de SNCF Réseau. Pour autant, celle-ci a pris un retard considérable au cours de ces dernières années. Ce retard très dommageable contribue aujourd'hui à l'insuffisante performance du réseau national. L'outil SIPH (système industriel de production des horaires), destiné à optimiser la gestion des capacités du réseau et de production des horaires, en est le meilleur exemple 80 ( * ) . Démarré en 2014, il n'a été déployé qu'en 2019 mais des difficultés rencontrées en production ont conduit à reporter sa finalisation à mi 2022 pour un coût total réévalué à 95 millions d'euros 81 ( * ) .

Plus généralement, les rapporteurs spéciaux considèrent que SNCF Réseau doit promouvoir avec plus de volontarisme et de conviction l'innovation et la digitalisation de ses activités qui apparaissent comme des gisements d'efficience significatifs. Ils ont le sentiment que ces évolutions conduiront à lever certains des archaïsmes et des nombreuses pesanteurs qui continuent d'entraver le fonctionnement et l'organisation du gestionnaire d'infrastructure .

Toutes les opportunités liées à l'internet des objets (IoT), à l'intelligence artificielle (IA), au bâti immobilier numérisé (BIM 82 ( * ) ) et au jumeau numérique, qui promettent d'être riches en termes de gains d'efficience, doivent être saisies par SNCF Réseau. Comme précisé en annexe 19, ces innovations sont susceptibles d'améliorer considérablement l'efficience des opérations de supervision, de maintenance et d'exploitation du réseau. Au total, d'après les données fournies par SNCF Réseau, l'optimisation de la maintenance aurait permis d'économiser 20 millions d'euros entre 2016 et 2020. Un gisement de plusieurs dizaines de millions d'euros resterait à mobiliser d'ici 2024. Les rapporteurs spéciaux estiment que les premières initiatives mises en oeuvre par SNCF Réseau doivent être amplifiées, accélérées et systématisées .

La modernisation des postes d'aiguillage est un enjeu majeur de la performance du réseau. C'est à ce titre que les rapporteurs spéciaux considèrent que le développement rapide d'une commande centralisée du réseau (CCR) généralisée constitue le principal game changer sur la voie de gains de productivité du gestionnaire d'infrastructure. En parallèle avec le développement de la CCR, et de nature à l'accélérer, la nouvelle génération de postes d'aiguillages informatiques (ARGOS) pourrait permettre de réaliser des gains d'efficience de l'ordre de 15 % par rapport aux générations précédentes de postes d'aiguillage informatiques.

Le renforcement du suivi de la réalisation des objectifs de performance de SNCF Réseau mais également plus largement la modernisation et l'optimisation de sa gestion ne peuvent être concrétisés que grâce à l'appui d'une comptabilité analytique robuste . Or, les rapporteurs spéciaux ont été surpris de constater qu'une société de la dimension de SNCF Réseau , dont le budget dépasse les 10 milliards d'euros, ne disposait toujours pas en 2021 de comptabilité analytique . Ils rappellent que dans le secteur privé, la comptabilité analytique constitue l'outil de pilotage privilégié de la gestion des entreprises.

Aussi, au-delà de la nécessité d'amplifier les programmes de performance, de mieux les suivre et les objectiver et d'être beaucoup plus ambitieux dans le développement et le déploiement des innovations, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils que SNCF Réseau doit absolument, et de toute urgence, se doter d'une comptabilité analytique moderne et robuste . Cet objectif pourrait être formalisé et suivi dans le cadre du contrat de performance de SNCF Réseau.

d) Une atteinte très incertaine des objectifs financiers fixés en 2018

Dans le cadre de la réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, SNCF Réseau s'est vu assigner par l'État deux objectifs qui doivent témoigner d'un retour à l'équilibre financier de la société. Le premier objectif est d'atteindre l'équilibre du flux de trésorerie annuel, le cash-flow libre (CFL), en 2024 , soit deux ans après l'objectif fixé au groupe dans son ensemble. Le deuxième objectif financier de SNCF Réseau est que le ratio dit « règle d'or », c'est-à-dire la marge opérationnelle (MOP) rapportée à la dette nette de la société, soit inférieur à six à compter de 2026 .

Au regard des nombreuses incertitudes qui pèsent sur les perspectives financières de la société, de sa situation financière qui demeure structurellement dégradée et malgré les répercussions positives de la reprise partielle de sa dette par l'État, les rapporteurs spéciaux demeurent très dubitatifs quant à l'atteinte effective de ces deux objectifs . Celle-ci repose notamment sur des gains de performance sensibles de SNCF Réseau, nettement plus rapides et significatifs que ceux qui ont été accomplis jusqu'ici et qui doivent aller bien au-delà de la seule performance sur les achats . Ces gains d'efficience indispensables restent à confirmer et à concrétiser alors que le projet d'actualisation du contrat de performance les documente de façon très lacunaire et ne propose ni dispositif incitatif ni mécanisme permettant d'en garantir la réalisation effective .

L'atteinte de ces objectifs repose aussi sur une trajectoire prévisionnelle d'évolution des péages très dynamique , surtout en ce qui concerne les services conventionnés. Or, il apparaît que ces évolutions seront très difficilement soutenables par les régions et que l'ART pourrait, comme elle l'a fait pour les augmentations qui étaient programmées dans le contrat signé en 2017, remettre en cause les hausses annuelles de redevances sur lesquelles comptent l'État et SNCF Réseau pour redresser les comptes de ce dernier.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux considèrent, comme l'ART dans son avis sur le budget 2022 de SNCF Réseau, que l'atteinte de ces objectifs financiers ne peut pas constituer la seule « boussole stratégique » du gestionnaire d'infrastructure . Ils estiment que parvenir à améliorer ces indicateurs financiers en réalisant des investissements de régénération des infrastructures nettement insuffisants et sans pouvoir financer la modernisation du réseau serait une véritable victoire à la Pyrrhus 83 ( * ) . Aussi, les rapporteurs spéciaux regrettent-t-ils vivement que ces objectifs de redressement financiers soient poursuivis au détriment des investissements indispensables dans le réseau et de l'ambition de développer la mobilité ferroviaire .

Trajectoire prévisionnelle du cash-flow libre (CFL) retenue par le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

De 2024 à 2030, et de façon extrêmement marquée à compter de 2026, les rapporteurs spéciaux notent que la trajectoire prévisionnelle du CFL de SNCF Réseau retenue dans le contrat de performance est nettement plus optimiste que les prévisions que la SNCF leur avait communiquées au printemps 2021. Aussi, outre les différentes réserves qu'ils ont déjà pu émettre, regardent-ils avec un grand scepticisme cette trajectoire d'amélioration.

Trajectoire prévisionnelle de l'indicateur dette / marge opérationnelle retenue par le projet de contrat de performance entre l'État
et SNCF Réseau 2021-2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Le ratio de soutenabilité de la dette dit « ratio règle d'or » sera lui encore plus difficile à atteindre en dépit de la reprise de dette et de la trajectoire affichée dans le projet de contrat de performance actualisé. Outre toutes les incertitudes et limites évoquées supra , l'atteinte, à horizon 2026, d'un ratio inférieur à six suppose que la dette se stabilise dès 2023 et reflue à compter de 2024 à la faveur d'un CFL revenu à l'équilibre. Il suppose en parallèle que la marge opérationnelle (MOP) de la société atteigne dès 2022-2023 des niveaux inédits depuis de nombreuses années pour le gestionnaire d'infrastructure et que cette MOP progresse ensuite de façon très accélérée , en particulier à compter de 2024, dans des proportions dont il est permis de douter.

Trajectoire prévisionnelle de marge opérationnelle retenue par le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Là encore, l'atteinte de cet objectif « ratio règle d'or » ne pourrait se faire, dans le modèle de financement actuel, qu'au détriment de la rénovation et de la modernisation du réseau mais aussi du développement de l'activité ferroviaire dans son ensemble en raison de l'augmentation insoutenable des redevances d'infrastructures qu'elle implique nécessairement.

5. Le projet de contrat de performance n'est ni réaliste, ni soutenable

Mort-né, le contrat de performance signé entre l'État et SNCF Réseau pour la période 2017-2026 avait été dénoncé à l'époque tant par l'Autorité de régulation des transports (ART) que par le Sénat. L'annexe 21 précise les nombreuses insuffisances qui entachent ce contrat qui n'est toujours pas actualisé à ce jour. Dans le prolongement de son prédécesseur, tout sauf à la hauteur des enjeux, le projet de nouveau contrat de performance symbolise l'absence de vision stratégique de l'État.

Les dispositions du code des transports prévoient que le contrat de performance soit actualisé tous les trois ans . Aussi, aurait-il dû être actualisé en 2020. Si l'on peut comprendre que le contexte de crise ait conduit à repousser cette échéance, depuis la finalisation de ce nouveau contrat est sans cesse annoncée puis reportée . Elle est désormais annoncée au printemps 2022. Cette situation est regrettable tant elle prive de visibilité sur l'avenir du secteur . C'est d'autant plus préjudiciable que ce contrat est au coeur du modèle économique du secteur ferroviaire et qu'il détermine très largement les perspectives financières de la SNCF . Les attentes qui pèsent sur ce nouveau contrat s'en trouvent même décuplées aujourd'hui du fait de la caducité du contrat actuel et des enjeux renforcés de report modal s'agissant du transport de voyageurs comme du fret.

Face aux risques qui pèsent sur ses perspectives et aux incertitudes liées aux évolutions des habitudes de mobilité, le système ferroviaire, et tout particulièrement le gestionnaire d'infrastructure, a un besoin impératif de visibilité concernant notamment les engagements financiers de l'État . Si cet impératif s'accommode parfois mal du principe d'annualité budgétaire, il ne s'oppose pas à ce que, sous certaines formes, des engagements crédibles soient pris et respectés. C'est notamment l'objet du contrat de performance de SNCF Réseau, véritable pierre angulaire du modèle économique ferroviaire national , qui doit traduire avec rigueur des engagements de financements ambitieux, sincères et crédibles propres à déployer une stratégie cohérente avec les engagements de long terme pris par l'État aux niveaux national comme européen et de nature à assurer une trajectoire financière fiable et équilibrée pour le gestionnaire d'infrastructure .

À l'instar des différents acteurs du secteur, et en ligne avec l'avis très critique émis le 8 février 2022 par l'Autorité de régulation des transports (ART), les rapporteurs spéciaux regrettent les profondes insuffisances du projet de nouveau contrat qui n'est pas à la hauteur des enjeux et des défis ferroviaires considérables à relever dans la prochaine décennie.

Tous les protagonistes de l'écosystème ferroviaire ont conscience que ce projet de contrat est, dans le meilleur des cas gravement insuffisant, et, pour les plus optimistes, une simple étape, une nouvelle phase transitoire de temporisation avant d'aboutir, dans trois ans peut-être, à la traduction d'une véritable stratégie ferroviaire ambitieuse. La France a déjà pris un tel retard en matière de renouvellement et de modernisation de ses infrastructures ferroviaires qu'il apparaît désormais dangereux de pécher par une nouvelle période de procrastination . Les rapporteurs spéciaux estiment que cette situation n'est pas raisonnable et mène tout droit le réseau français vers un déclassement irréversible . Dans son avis sur le contrat 84 ( * ) , l'ART alerte sur le « risque d'entraîner SNCF Réseau dans une spirale de paupérisation industrielle où le sous-investissement conduirait à une dégradation du réseau, qui entraînerait à son tour une attrition du trafic et des ressources du gestionnaire d'infrastructure » . Les rapporteurs spéciaux partagent pleinement l'inquiétude exprimée par le régulateur.

Comme ils l'ont signalé supra , les rapporteurs spéciaux regrettent profondément que le projet de contrat ne prévoit toujours aucune programmation et aucun dispositif de financement des programmes de modernisation du réseau . S'agissant du programme de commande centralisée du réseau (CCR), une phrase confondante mais néanmoins symbolique, résume à elle-seule l'absence totale d'ambition et de vision de l'État en la matière : « si des solutions de financement se présentent, ce programme de productivité et d'amélioration de la performance sera accéléré en priorité » .

Ainsi, les investissements prévus dans le projet de contrat apparaissent-ils extrêmement insuffisants au regard des objectifs climatiques portés par la France, sans parler des implications attendues de l'ambitieux projet de green deal européen qui induira des dépenses colossales dans les infrastructures ferroviaires. Les rapporteurs spéciaux constatent que manifestement, à travers ce contrat, l'État entretient une forme de déni.

Alors que le prétexte de la crise a été avancé pour reporter sans cesse la finalisation du nouveau contrat, les rapporteurs spéciaux sont particulièrement étonnés de constater que les conséquences des deuxième et troisième confinements ne sont même pas prises en compte dans les trajectoires prévues. Le projet de contrat précise ainsi que « les effets de la crise sanitaire à partir de novembre 2020 et au-delà ainsi que les éventuelles modifications durables dans les comportements de mobilité sur la trajectoire de recettes n'ont pas été intégrés à la trajectoire financière » . Ce défaut majeur, qui porte atteinte à la crédibilité du contrat lui-même, est incompréhensible pour un document qui a été négocié jusqu'à la fin de l'année 2021 et qui doit être signé au printemps 2022 . Là encore, les rapporteurs spéciaux constatent un signe de déni de la réalité pour un contrat qui pourrait ainsi se retrouver dans la même situation de caducité anticipée que son prédécesseur .

Outre cette faiblesse majeure, les trajectoires et l'équilibre financier de SNCF Réseau prévus par le projet de contrat reposent également sur une hypothèse d'augmentation des péages considérable et peu crédibles . L'ART note d'ailleurs dans son avis que la trajectoire d'augmentation de 50 % des péages sur la durée du contrat est « marquée par de fortes incertitudes ». Cette perspective de hausse des péages, concentrée tout particulièrement sur les services de transport conventionnés apparaît comme difficilement soutenable pour les régions qui l'ont notamment fait savoir dans une lettre de Régions de France datée du 21 décembre 2021 et adressée au Premier ministre.

Le seul mécanisme d'ajustement prévu en cas d'écarts dans l'atteinte des objectifs du contrat repose sur l'article 23 des statuts de SNCF Réseau 85 ( * ) et pourrait s'avérer particulièrement pervers s'il était activé puisqu'il conduirait à réduire encore davantage des opérations de renouvellement des infrastructures déjà très insuffisantes . En effet, ce dispositif correctif conduit à faire procéder les investissements de régénération du réseau des objectifs financiers fixés au gestionnaire d'infrastructure. Il prévoit que « lorsqu'il est constaté ou anticipé un niveau de marge opérationnelle inférieur à celui prévu par la trajectoire inscrite dans le contrat » et « tant que cette situation perdure, les investissements à la charge de SNCF Réseau sont diminués par rapport au niveau prévu dans la trajectoire financière inscrite dans le contrat à hauteur de l'écart entre le niveau de marge opérationnelle et le niveau prévu par cette trajectoire » . L'activation de ce mécanisme conduirait ainsi à sacrifier la trajectoire d'investissements dans les infrastructures sur l'autel des cibles de retour à l'équilibre financier imposées par l'État à SNCF Réseau. Les rapporteurs spéciaux ne peuvent se satisfaire d'une telle perspective.

Comme l'ART, les rapporteurs spéciaux regrettent également qu'à travers ce contrat, l'État ne définisse pas de vision-cible claire pour le réseau . Ils constatent que les objectifs de qualité de service sont manifestement insuffisants et incomplets, notamment s'agissant du fret ferroviaire, qu'il n'est toujours pas prévu de dispositifs incitatifs pour SNCF Réseau et qu'au-delà de leur insuffisance, les engagements de financements de l'État restent très flous.

6. Nouvelles LGV : un changement de pied à 25 milliards d'euros et une menace sur le renouvellement du réseau existant

Les rapporteurs spéciaux n'ont pas été les seuls à faire part de leur surprise quant au revirement de l'État s'agissant du développement de nouvelles lignes à grande vitesse (LGV). Alors que le Gouvernement avait déclaré vouloir mettre en suspens ces projets pour concentrer les moyens sur le renouvellement du réseau existant et les mobilités du quotidien, il est revenu sur cet engagement pour annoncer des investissements massifs dans de nouvelles LGV .

Trois nouveaux projets ont ainsi été annoncés au cours du premier semestre 2021 : le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) 86 ( * ) pour un coût estimé à 14,3 milliards d'euros, la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) dont le coût couplet est estimé à plus de 6 milliards d'euros à horizon 2040 87 ( * ) et la ligne nouvelle Provence-Côte d'Azur (LNPCA) 88 ( * ) pour un coût de 3,5 milliards d'euros, soit un total de près de 25 milliards d'euros .

Les financements consacrés à ces nouvelles lignes ne doivent en aucun cas porter préjudice au renouvellement des infrastructures existantes qui doit demeurer la priorité absolue des investissements dans le réseau. À la lumière des expériences passées qui avaient conduit à délaisser le réseau existant jusqu'à en menacer la pérennité même et à placer le gestionnaire d'infrastructure devant une équation financière insoluble, les rapporteurs spéciaux ne cachent pas leur scepticisme . Ils feront preuve de la plus grande vigilance pour que l'histoire ne vienne pas se répéter au plus grand détriment du système ferroviaire français.

Les rapporteurs spéciaux regrettent que ces nouveaux investissements colossaux dans le développement de nouvelles lignes LGV soient annoncés quand bien même l'enveloppe de régénération du réseau est notoirement insuffisante et que la modernisation de ce denier n'est toujours pas financée.

L'État a pris l'engagement de contribuer financièrement à hauteur de 40 % à ces projets, soit un montant supérieur à 9 milliards d'euros . Des montants équivalents sont censés être apportés par les collectivités territoriales. Enfin l'État espère 20 % de financements européens attribués dans le cadre de l'enveloppe 2021-2027 du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). La contribution européenne à ces projets reste à ce stade hypothétique .

La contribution des collectivités territoriales pourra être partiellement couverte par le biais de l'instauration d'une fiscalité locale affectée attribuée à des sociétés de financement locales prévues par l'article 4 de la loi d'orientation des mobilités (LOM) 89 ( * ) .

Le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau pour 2021-2030 reste pour le moins évasif quant aux conséquences des projets de développement de nouvelles LGV sur les perspectives financières de SNCF Réseau . Il se contente d'indiquer que « les révisions du présent contrat seront l'occasion de prendre en compte l'impact des décisions de l'État sur les différents paramètres de la trajectoire financière définie au moment de la signature du présent contrat » . Cet impact constitue l'une des nombreuses inconnues qui portent atteinte à la fiabilité du projet de contrat de performance de SNCF Réseau.

7. Gares et Connexions : un modèle économique à réinventer appuyé sur un État réengagé

Comme la Cour des comptes en a fait le constat en 2021 dans son rapport sur les gares ferroviaires de voyageurs 90 ( * ) , le modèle économique de la société Gares et Connexions 91 ( * ) n'est pas viable et doit être réformé . Ce modèle repose sur deux principales ressources que sont les redevances régulées versées par les opérateurs , qui doivent correspondre au coût des services rendus par la filiale, et les redevances payées par les commerces en gares qui disposent d'une concession. Les premières représentent 55 % du chiffre d'affaires et de la marge opérationnelle de la société. Les secondes, qui relèvent d'une activité qui s'était beaucoup développée avant la crise et qui affichait une forte rentabilité, représentent 16 % du chiffre d'affaires mais 40 % de la marge opérationnelle dégagée par la filiale.

Ce modèle est censé dégager une marge opérationnelle permettant de financer les investissements de la filiale avec le concours de subventions versées par les collectivités locales. Il présente aujourd'hui plusieurs faiblesses structurelles qui ont été pointées par la Cour. Il apparaît notamment que le calcul des redevances régulées 92 ( * ) n'incite pas Gares et Connexions à réaliser des gains de productivité . Par ailleurs, les transporteurs bénéficient de 50 % des bénéfices réalisés sur les activités non régulées tandis que Gares et Connexions doit supporter l'intégralité des pertes subies par ces mêmes activités. Cette situation asymétrique affecte l'équilibre financier de la filiale.

Ce modèle économique insatisfaisant est d'autant moins viable que les besoins d'investissements de Gares et Connexions ne cessent de croître et que les recettes dégagées par les activités commerciales, très affectées par la crise, atteignent leurs limites. D'après la société, en 2020, la crise sanitaire aurait occasionné une perte de 95 millions d'euros de son chiffre d'affaires.

Gares et Connexions fait face à un mur d'investissements contraints pour lequel elle ne dispose pas de suffisamment de ressources. Les montants à investir vont même s'accroître suite au transfert de la gestion des quais , des passerelles et des grandes halles voyageurs, effectif depuis le 1 er janvier 2020 93 ( * ) . Aujourd'hui, la Cour des comptes constate que Gares et Connexions, « fortement dépendante des subventions versées par les collectivités, tout particulièrement par les régions, parvient essentiellement à assurer l'entretien minimal des bâtiments et à respecter ses obligations légales en matière de mise en accessibilité » . La filiale doit investir 1,1 milliard d'euro chaque année entre 2021 et 2024 , dont 38 % sur ses fonds propres 94 ( * ) .

Les rapporteurs spéciaux constatent que, sur la question des gares, l'État est encore aux abonnés absents et ne prend pas ses responsabilités pour assurer l'entretien de ce patrimoine national. Aussi appuient-ils la Cour des comptes dans son appel à ce que « l'État assume enfin ses responsabilités à l'égard du réseau des gares. Aujourd'hui l'État ne prend pas en charge le financement d'obligations dont il est pourtant responsable pour un patrimoine qui lui appartient » 95 ( * ) . Elle signale par ailleurs que l'État français contribue dix fois moins au financement des gares que son homologue allemand (33 millions d'euros contre 362 millions d'euros).

L'engagement financier réaffirmé de l'État devra néanmoins se conjuguer avec la réalisation par Gares et Connexions de gains de de productivité significatifs. En effet, à l'instar de son actionnaire SNCF Réseau, la société reste marquée par des modes de fonctionnement éloignés des standards d'efficience .

Très récemment, à l'occasion de son avis sur le projet de budget 2022 de SNCF Réseau, l'ART s'est interrogée sur la politique actionnariale de SNCF Réseau vis-à-vis de sa filiale Gares et Connexions et du niveau très conséquent de dividendes exigé d'elle , en dépit des difficultés qu'elle rencontre et faisant fi des conséquences de la crise. L'ART « s'interroge sur la pertinence de faire autant contribuer une filiale, qui fait face elle-même à des besoins de financement importants, à l'effort de redressement financier de SNCF Réseau » 96 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux rappellent que le Sénat avait émis de sérieuses réserves au rattachement de Gares et Connexions à SNCF Réseau. Pour eux, cet exemple illustre une nouvelle fois que des pans du système ferroviaire se retrouvent sacrifiés sur l'autel de l'atteinte des objectifs de retour à l'équilibre financier de SNCF Réseau . L'État, ne plaçant pas le gestionnaire d'infrastructure dans les conditions lui permettant d'atteindre ces objectifs et le confrontant à des injonctions manifestement contradictoires, a une lourde responsabilité dans cette situation.

Très attendu, le projet de contrat de performance entre l'État et Gare et Connexions est actuellement en phase de concertation et devrait être signé dans le courant du premier semestre 2022.

C. SNCF VOYAGEURS FAIT PESER UNE MENACE SUR LE MODÈLE DE FINANCEMENT DU FERROVIAIRE

1. Au plus fort de la crise, les collectivités locales ont préservé la situation financière de la SNCF

Le transport ferroviaire de voyageurs a connu une baisse substantielle en 2020. En voyageurs par kilomètre (voyageurs.km), la fréquentation des trains a diminué de 41 % tandis que l'offre de transport s'est contractée de 21 % en trains par kilomètres (trains.km). Ainsi que le précise l'annexe 22, les différentes activités de transport de voyageurs ont néanmoins été différemment affectées.

Si SNCF Voyageurs a pris intégralement à son compte les conséquences financières de la crise sur les services librement organisés (non subventionnés), principalement la grande vitesse, elle a pu bénéficier, s'agissant des services conventionnés (les TER, les transiliens et les trains d'équilibre du territoire) d'un très large soutien financier de la part des autorités organisatrices .

En ce qui concerne les trains d'équilibre du territoire (TET) , la signature du cinquième avenant à la convention d'exploitation a conduit à en réviser la trajectoire financière pour tenir compte des conséquences financières de la crise. Ces conséquences ont été estimées à 47,8 millions d'euros en 2020, prises en charge à 55 % par l'État 97 ( * ) . Cet avenant a également prévu un mécanisme de répartition des conséquences financières de la crise au titre de la gestion 2021 au cours de laquelle l'État devait prendre à sa charge entre 90 et 100 % des pertes d'exploitation.

S'agissant de l'activité transilien une répartition paritaire des pertes d'exploitation a été négociée en 2020 entre SNCF Voyageurs et Île-de-France mobilités (IDFM). Pour 2021, IDFM devait assumer 90 % des pertes .

Concernant les services TER, des accords ont été négociés et signés au cas par cas entre les régions et la SNCF pour définir les modalités de partage des pertes d'exploitation. La SNCF considère qu'au regard des clauses des contrats, et malgré le caractère exceptionnel de la crise, les régions sont légalement tenues de prendre en charge l'intégralité des pertes d'exploitation constatées. De nombreuses régions contestent cette interprétation, considérant que l'équilibre économique des conventions s'est trouvé bouleversé par la pandémie . Cependant elles ont assumé financièrement la très grande majorité des pertes d'exploitation résultant de la crise.

Néanmoins, des négociations sur la question restent complexes entre certaines régions et SNCF Voyageurs. Les trajectoires et perspectives financières de SNCF Voyageurs, qui intègrent les ressources attendues des régions au titre des compensations des pertes d'exploitation, pourraient s'en trouver fragilisées . Le total des pertes d'exploitation de l'activité TER a atteint 300 millions d'euros en 2020 et pourrait avoir dépassé les 450 millions d'euros en 2021 .

2. Une situation financière préoccupante et une augmentation fulgurante de la dette
a) 2020 : une situation financière profondément déséquilibrée en dépit des efforts financiers considérables consentis par les régions

Significatives pour l'opérateur historique, les conséquences financières spécifiquement liées à la crise sont décrites dans l'annexe 22.

Entre 2019 et 2020, le chiffre d'affaires de la société SNCF Voyageurs a chuté de près de 30 % et 5 milliards d'euros . Le chiffre d'affaires constaté en 2020 a été inférieur de presque 6 milliards d'euros par rapport au montant inscrit dans le budget initial. En 2021, le chiffre d'affaires de la société demeure inférieur de plus de 18 % à son niveau de 2019.

Évolution du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs entre 2019 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2020, l'activité voyages s'est littéralement effondrée de 55 % et 4,4 milliards d'euros . Si la perte d'activité sur les TGV domestiques a atteint 45 %, elle a culminé à 80 % et 70 % sur l'Eurostar et le Thalys . Le chiffre d'affaires de Voyages SNCF est passé largement sous les 4 milliards d'euros, inférieur de plus d'1 milliard d'euros à celui de l'activité TER.

Si son activité open access a fait plonger le chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs en 2020, il n'en va pas de même pour les services conventionnés qui se sont maintenus à la faveur d'efforts financiers très significatifs des régions et d'Île-de-France mobilités (IDFM). Aussi, pour SNCF Voyageurs, en pleine crise sanitaire, le chiffre d'affaires des services TER ne s'est-il replié que de 4 % , pour passer légèrement sous les 5 milliards d'euros tandis que celui de Transilien a même progressé de 2 % . En revanche, l'activité intercités, plus vulnérable 98 ( * ) , a vu son chiffre d'affaires baisser de 35 %.

De par leur engagement financier exemplaire, les autorités organisatrices régionales ont assumé la majeure partie des conséquences de la crise et apporté une bouffée d'air qui a évité à SNCF Voyageurs un véritable cataclysme financier .

Répartition du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Avant la crise , de 2015 à 2019, le chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs 99 ( * ) affichait une légère progression d'environ 9 % tiré par le TER (+ 26 %), le Transilien (+ 15 %) et les activités longue distance hors intercités (+ 13 %). Le chiffre d'affaires des trains intercités s'est quant à lui effondré de près de 40 % sur cette même période.

Évolution du chiffre d'affaires des principales activités
de SNCF Voyageurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2019, les charges d'exploitation de SNCF Voyageurs approchaient les 14 milliards d'euros . En 2020, elles se sont rétractées à environ 12 milliards d'euros.

Évolution des charges d'exploitation de SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Les charges de personnel de SNCF Voyageurs s'élevaient à 4,4 milliards d'euros en 2019 , soit environ un tiers du total de ses charges d'exploitation. Leur baisse de 400 millions d'euros en 2020 s'explique principalement par le dispositif d'activité partielle et les exonérations de cotisations sociales (166 millions d'euros) ainsi que par les conséquences de la crise sur l'activité de la société. Environ 100 millions d'euros ont pour origine la baisse des effectifs.

Hors péages et énergie, les achats et charges externes représentaient près de 4,5 milliards d'euros en 2019, soit également un tiers des charges d'exploitation. Ce poste de charge s'est rétracté d'environ 450 millions d'euros en 2020 100 ( * ) , majoritairement du fait d'une réduction des volumes d'achats liés à la crise.

Les péages représentent un coût plus lourd d'année en année pour SNCF Voyageurs. Ce fardeau pèse sur la situation et les perspectives financières de la société (voir infra ). En 2019 , ils avaient atteint 3,6 milliards d'euros . Néanmoins, en 2020, en raison des répercussions de la crise sanitaire sur la circulation des trains, le montant des péages acquittés par SNCF Voyageurs a diminué de près de 700 millions d'euros (20 %).

La facture énergétique de traction représentait 3 % des charges d'exploitation en 2019. En raison de la baisse d'activité, elle a diminué de 37 millions d'euros en 2020 pour s'établir à environ 400 millions d'euros. En 2021 et en 2022, la reprise d'activité se conjuguera avec la hausse des prix de l'énergie pour entraîner une forte augmentation de ce poste de charges.

Répartition des charges d'exploitation 2019

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Si en 2019 sa capacité d'autofinancement (CAF) nette des remboursements en capital de la dette ainsi que sa marge opérationnelle (MOP) permettaient à SNCF Voyageurs de couvrir ses dépenses d'investissement, tous les indicateurs financiers de la société se sont drastiquement effondrés en 2020.

Aussi, la situation financière de la société est -elle désormais très déséquilibrée et préoccupante compte-tenu des incertitudes qui pèsent sur ses perspectives. En effet, le déficit de compétitivité persistant de l'opérateur pourrait lui faire perdre des parts de marché dans un environnement devenu concurrentiel et même si l'ouverture à la concurrence stimulera la croissance de l'offre de transport. Par ailleurs, la crise actuelle aura des effets de long terme voir permanents qui ne manqueront pas d'affecter les perspectives financières de SNCF Voyageurs.

Évolutions des principaux indicateurs financiers de SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Ainsi, la MOP de SNCF Voyageurs s'est-elle réduite de 2,4 milliards d'euros en 2020 pour tomber à un niveau négatif de 671 millions d'euros. La CAF nette (- 784 millions d'euros) comme le résultat net (- 1 257 millions d'euros) sont eux aussi passés en territoire fortement négatifs. En 2021, la MOP de SNCF Voyageurs est remontée en territoire positif (328 millions d'euros) mais à un niveau qui reste inférieur de 81 % à celui de 2019.

Enfin, le cash-flow libre (CFL) de SNCF Voyageurs qui était déjà négatif de plus de 70 millions d'euros avant la crise, a plongé de 600 millions d'euros en 2020.

Répartition de la marge opérationnelle de SNCF Voyageurs (2019-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

La diminution de la MOP de SNCF Voyageurs en 2020 ne s'explique que par les activités de Voyages SNCF, dominées par les services grande vitesse en open access . Ainsi la MOP de SNCF Voyages s'est-elle effondrée de près de 3 milliards d'euros .

Inversement, la marge opérationnelle des services conventionnés financés par les autorités organisatrices régionales a augmenté en 2020 , de 55 millions d'euros pour les TER et de 265 millions d'euros pour les Transiliens. Cette différence manifeste entre les activités conventionnées et non conventionnées vient une nouvelle fois corroborer l'effort considérable réalisé par les régions pour absorber les pertes financières liées à la crise sanitaire .

Concernant l'évolution du CFL, la même dichotomie entre services conventionnés et non conventionnés s'observe. Il apparaît en effet que cette baisse globale a été très fortement atténuée par la progression des CFL relatifs aux activités Transilien (+ 830 millions d'euros) et TER (+ 230 millions d'euros) tandis que le flux de trésorerie de Voyages SNCF se dégradait de plus de 2,2 milliards d'euros.

Les rapporteurs spéciaux constatent encore une fois à quel point les régions ont contribué à soutenir les finances de SNCF Voyageurs en 2020.

Répartition du CFL de SNCF Voyageurs (2019-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Dans la mesure où l'activité et les résultats de SNCF Voyageurs jouent un rôle absolument déterminant dans les équilibres du modèle économique du réseau ferré, le risque que sa situation financière soit durablement affectée par des stigmates provoqués par la crise fait peser une lourde menace susceptible de faire dérailler l'ensemble du système de financement du secteur ferroviaire national.

En effet, SNCF Voyageurs contribue massivement au financement de SNCF Réseau , d'une part à travers le versement des péages , directement liés au volume d'activité de l'opérateur, et, d'autre part à travers le versement d'une part de ses bénéfices au fonds de concours dédié au financement de la régénération du réseau. Cette dernière ressource, qui reste essentielle dans les équilibres économiques établis par le nouveau pacte ferroviaire de 2018, est mise en péril par l'évolution du résultat de SNCF Voyageurs. Si son résultat net s'est contracté de 1,5 milliard d'euros en 2020 pour atteindre - 1,3 milliard d'euros, l'effondrement de son résultat net récurent est plus violent encore puisqu'il dépasse les 2 milliards d'euros, son niveau plongeant en territoire négatif au-delà de 1,6 milliard d'euros.

Évolution du résultat net et du résultat net récurrent de SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

L'article 36 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 , a répondu à une demande forte et récurrente de la SNCF, partagée également par la Cour des comptes dans ses notes d'exécution budgétaire du feu compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » (SNTCV). La SNCF a ainsi obtenu la suppression , dès le 1 er janvier 2022 pour la contribution de solidarité territoriale (CST) et au 1 er janvier 2023 pour la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), de deux taxes qui avaient vocation, dans le cadre du CAS précité 101 ( * ) , à participer au financement du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET).

Créées dans une logique de péréquation et d'autofinancement du ferroviaire, ces deux taxes pesaient exclusivement sur l'activité grande vitesse de SNCF Voyageurs. La suppression du CAS SNTCV en 2020, les perspectives d'ouverture à la concurrence des transports domestiques de voyageurs et le fait que les TET relèvent d'une politique d'aménagement ferroviaire du territoire qu'il est plus cohérent de faire financer par des contributions publiques, justifiaient la suppression de ces deux taxes.

Cette suppression va se traduire par une diminution des charges fiscales annuelles acquittées par SNCF Voyageurs de plus de 240 millions d'euros (16 millions d'euros au titre de la CST et 226 millions d'euros au titre de la TREF). D'ici 2030, le gain financier pour SNCF Voyageurs s'élèvera à près de 2 milliards d'euros . Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette décision nécessaire mais non moins coûteuse pour l'État doit nécessairement se conjuguer avec des efforts de performance redoublés de la part de la SNCF .

b) Un coût des péages de plus en plus lourd qui compromet les perspectives financières de la société

Le coût des péages (3,6 milliards d'euros en 2019) pèse fortement sur l'équilibre financier de SNCF Voyageurs . Leur poids a augmenté de façon structurelle dans les coûts d'exploitation du TGV (de 35 % en 2010, cette part est passée à 45 % en 2019) et les recettes commerciales (environ 40 % avant la crise). Si les péages acquittés par SNCF Voyageurs ont sensiblement baissés en 2020 compte tenu de la diminution du trafic, rapportés aux recettes de la société, leur niveau s'est fortement apprécié, passant de 38 à 56 %. La question de la soutenabilité des péages pour SNCF Voyageurs est posée . Leur poids grandissant constitue une menace pour l'équilibre financier de la société.

Les rapporteurs spéciaux ont acquis la conviction que le niveau des péages en France est devenu aujourd'hui une entrave majeure au développement du transport ferroviaire . Au-delà des seules perspectives financières de SNCF Voyageurs, c'est l'ensemble du système ferroviaire qui en souffre. Cette situation constitue un frein à l'ouverture à la concurrence et la hausse programmée des péages sur les activités conventionnées promet un effet délétère sur l'offre de services TER du fait des contraintes financières des régions. Face à ce constat, ils souhaitent une remise à plat complète des équilibres de financement du réseau ferré national .

Pour SNCF Voyageurs, cette situation constitue également un exemple des relations ambivalentes qui prévalent au sein du groupe ferroviaire intégré. En effet, l'équilibre financier de SNCF Réseau est essentiellement dépendant de péages qui pèsent fortement sur la situation financière de SNCF Voyageurs dont dépend également SNCF Réseau puisqu'il se voit attribuer une part des bénéfices dégagés par SNCF Voyageurs via le fonds de concours.

Au-delà des questions d'indépendance du gestionnaire d'infrastructure dans le cadre d'un marché devenu concurrentiel, cette question des relations financières ambivalentes entre SNCF Voyageurs et SNCF Réseau a convaincu les rapporteurs spéciaux de recommander la séparation claire entre les deux entités à travers une sortie de SNCF Réseau du groupe ferroviaire intégré.

c) Alors qu'elle était sur le point de la voir s'éteindre, SNCF Voyageurs va être durablement affaiblie par sa dette

La dette de SNCF Voyageurs a augmenté de 1,4 milliard d'euros en 2020 pour atteindre 3,3 milliards d'euros , soit 3,1 milliards de plus que le montant prévu au budget initial 2020. En 2021, elle approche les 3,5 milliards d'euros.

Évolution de la dette de SNCF Voyageurs (2019-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

L'endettement généré par la crise mettra au moins dix ans à se résorber alors que SNCF Voyageurs était sur le point de se désendetter quasi totalement avant la crise. L'effort nécessaire de désendettement de SNCF Voyageurs va peser dans les prochaines années sur sa capacité d'investissement, ses perspectives de croissance et ainsi sur ses équilibres financiers structurels. Certains de ses homologues européens, qui ont reçu des aides publiques pour leurs services non conventionnés, ne subiront pas les mêmes contraintes.

À ce titre, les rapporteurs spéciaux rappellent que, contrairement à certains de nos voisins comme l'Italie ou l'Allemagne, le Gouvernement a fait le choix de ne pas recourir aux dérogations exceptionnelles permises par le droit de l'Union européenne 102 ( * ) pour soutenir les opérateurs de transport ferroviaire . Quand bien même le vote par le Parlement de la suppression de la contribution de solidarité territoriale (CST) et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) aura un effet sensible sur l'équilibre financier de SNCF Voyageurs, l'enjeu du poids de la dette héritée de la crise reste néanmoins entier.

d) L'effondrement des investissements de SNCF Voyageurs : une menace pour sa compétitivité et ses perspectives financières

En 2020, les investissements de SNCF Voyageurs se sont littéralement effondrés . Les investissements nets de la société ont ainsi baissé de 908 millions d'euros , soit de 80 % , passant de plus de 1,1 milliard d'euros à seulement 0,2 milliard d'euros. 353 millions d'euros de la baisse constatée s'expliquent par le plan d'économies de crise mis en oeuvre par la société. Ils concernent notamment des investissements dans le renouvellement du matériel roulant pourtant indispensables et essentiels pour améliorer la compétitivité de l'opérateur et assurer son équilibre financier de long terme .

Dépenses d'investissement de SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Au-delà des réductions de dépenses décidées dans le cadre du plan d'économies de crise, les investissements de l'ensemble des activités de la société se sont particulièrement contractés . L'activité Transilien est celle qui a été la plus touchée avec une baisse de près de 400 millions d'euros de ses investissements largement liée aux projets d'acquisition et de renouvellement du matériel roulant. La grande vitesse a vu ses dépenses se comprimer de plus de 200 millions d'euros , là encore principalement en raison de renoncements et décalages dans des projets d'acquisition et de renouvellement de matériel roulant. L'activité TER a connu une baisse de plus de 150 millions d'euros de ses dépenses d'investissements concernant tant le matériel roulant que ses installations fixes. Enfin, en raison du report d'importantes dépenses de matériel roulant, les investissements nets des services intercités ont baissé de près de 100 millions d'euros .

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces renoncements ou reports d'investissements dans le matériel roulant, associés aux enjeux du poids croissant des péages et du fardeau de la dette, sont autant de menaces qui planent sur les nécessaires gains de productivité de la société et sur ses perspectives financières à moyen - long terme.

e) Sur les activités conventionnées, SNCF Voyageurs est portée par un soutien financier toujours plus conséquent des régions

L es rapporteurs spéciaux ont été frappés par les efforts financiers consentis par les autorités organisatrices régionales pour soutenir l'équilibre économique des services conventionnés et donc, par voie de conséquences, de SNCF Voyageurs et du groupe SNCF dans son ensemble au cours de la crise sanitaire. Plus généralement, ils mesurent l'ampleur de la montée en puissance structurelle des autorités organisatrices régionales dans le modèle de financement du ferroviaire en France. La situation et les perspectives financières de la SNCF s'avèrent être de plus en plus dépendantes des contributions financières des autorités régionales.

Le déséquilibre des comptes d'exploitation de l'activité TER en 2020 et en 2021 a ainsi été, dans sa très grande majorité, absorbé par les budgets des conseils régionaux . Les dernières données diffusées par l'Autorité de régulation des transports (ART) pour l'année 2020 et présentées en annexe 23 sont à cet égard tout à fait éloquentes.

f) En revanche, la grande vitesse internationale fait peser une menace sur les perspectives financières de SNCF Voyageurs

Le chiffre d'affaires de la grande vitesse internationale s'est replié de 70 % en 2020 . Un retour à la situation antérieure à la crise n'est pas attendu au mieux avant 2023 mais l'activité pourrait être victime de stigmates beaucoup plus durables , notamment du fait d'un déclin structurel des voyages d'affaires . La situation de trésorerie des filiales de la SNCF qui opèrent ces services est sous très forte tension.

Évolution des chiffres d'affaires d'Eurostar et Thalys (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La situation et les perspectives financières d'Eurostar sont particulièrement inquiétantes . Au bord de la faillite en 2020 et en 2021, la société détenue à 55 % par la SNCF 103 ( * ) a eu besoin de deux plans de refinancement d'urgence. Au-delà des conséquences conjoncturelles liées à la crise et aux restrictions sanitaires frontalières ainsi qu'aux répercussions du Brexit, de manière plus structurelle, Eurostar doit supporter des coûts fixes importants qui pèsent sur son modèle économique 104 ( * ) .

En juin 2020 , Eurostar a bénéficié d'un premier plan de sauvetage à hauteur de 500 millions de livres ( 580 millions d'euros ) 105 ( * ) . Le second programme de refinancement, pour 250 millions de livres ( 290 millions d'euros ) est intervenu en mai 2021 106 ( * ) . En sa qualité d'actionnaire, et au prorata de ses participations, la SNCF a soutenu les deux plans de refinancement d'Eurostar à travers aussi bien les prêts d'actionnaires que les injections de fonds propres 107 ( * ) . La situation de sa filiale Eurostar est loin d'être neutre pour la SNCF , et ce d'autant plus que cette dernière a consenti une promesse d'achat irrévocable des participations dans Eurostar du consortium CDPQ/Hermès et SNCB. Cette promesse d'achat fait l'objet d'un passif financier évalué à 812 millions d'euros dans les comptes consolidés du groupe SNCF.

g) La productivité insuffisante de son matériel roulant nuit à la compétitivité de SNCF Voyageurs

SNCF Voyageurs est encore loin d'avoir optimisé l'usage de son matériel roulant et cette situation nuit à sa compétitivité , tout particulièrement s'agissant des services conventionnés .

Cette problématique s'observe beaucoup moins pour l'activité grande vitesse sur laquelle le parc est presque utilisé à flux tendu avec une rotation intensive du matériel roulant. La productivité actuelle du parc de TGV est comparable aux meilleurs standards internationaux. Le développement de l'offre Ouigo , dont le modèle économique repose en bonne partie sur une utilisation très intensive des rames et une optimisation de la maintenance du matériel roulant a joué un rôle décisif . Ainsi, sur les cinq dernières années, la flotte TGV a-t-elle diminué d'un quart tandis que, dans le même temps, le nombre de places kilomètre a augmenté.

En revanche, l'insuffisante productivité du matériel roulant des services conventionnés, tout particulièrement s'agissant du TER, pourrait expliquer une part non négligeable de l'écart de compétitivité de la SNCF à l'égard de ses concurrents.

Le matériel roulant TER de SNCF Voyageurs roule nettement moins qu'ailleurs en Europe. Ainsi, en moyenne, en Allemagne les flottes de TER roulent 150 000 kilomètres par an pour les trains diesel et 200 000 kilomètres par an pour les trains électriques contre seulement 90 000 kilomètres et 120 000 kilomètres par an en France . Cette problématique est un enjeu essentiel d'optimisation financière dans la mesure où l'acquisition de ce matériel roulant insuffisamment productif suppose des investissements lourds à la charge des autorités organisatrices régionales .

L'une des explications de cette insuffisante productivité du matériel roulant de le SNCF tiendrait à une organisation sous-optimale de sa maintenance . En effet, la SNCF a fait le choix de privilégier une maintenance en atelier avec des ateliers de maintenance centralisés . Ce choix suppose de nombreux allers-retours vers et depuis ces ateliers durant lesquels les trains ne sont pas utilisés à des fins commerciales . Il apparaît d'ailleurs que les coûts de maintenance du matériel roulant en France sont nettement plus élevés que la moyenne européenne pour les TER. Ils s'élèvent à plus de 4 euros par train kilomètre en France contre entre 1 et 2 euros en moyenne en Europe . SNCF Voyageurs devrait faire évoluer l'organisation de la maintenance de son matériel roulant pour la rendre plus efficiente . Le développement des maintenances préventive et prédictive est une piste à exploiter de façon plus systématique.

Les coûts élevés de maintenance ainsi que le manque de productivité du matériel roulant des services conventionnés sont également la conséquence d'une tendance à la sur-spécification de SNCF Voyageur. En effet, plutôt que d'opter pour des offres sur catalogue moins coûteuses et plus fiable , les services d'ingénierie de SNCF Voyageurs ont tendance à demander aux constructeurs la production de trains sur mesure avec des développements spécifiques superfétatoires générant un surcoût financier à l'achat pour les régions, des défauts de fiabilité et des coûts de maintenance plus élevés et une baisse du taux d'engagement des matériels roulants. Cette situation sous-optimale et très coûteuse pour les régions participe à la faible productivité du matériel roulant constatée en France sur les services TER. Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces excès manifestes d'ingénierie et ce phénomène de sur-spécification qui nuit tant à la compétitivité de la SNCF qu'aux finances locales n'est pas compatible avec un modèle ferroviaire économiquement viable .

3. SNCF Voyageurs doit sensiblement amplifier son programme de performance

En 2020, SNCF Voyageurs a mis en oeuvre un plan d'économie de crise de 796 millions d'euros qui a conduit à massivement amputer ses dépenses d'investissement , à hauteur de 353 millions d'euros . Cette réduction des montants investis s'est concrètement matérialisée par des renoncements ou des décalages d'opérations portant sur l'achat et la rénovation du matériel roulant ainsi que sur les systèmes d'information .

Cette diminution drastique des investissements de SNCF Voyageurs pourrait, à terme, affecter négativement ses perspectives de croissance et sa compétitivité.

Il pourra en résulter des répercussions négatives sur les perspectives de croissance et de productivité de la société.

Plan d'économies exceptionnel 2020 mis en oeuvre par SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les répercussions de la crise se sont traduites par des baisses de charges liées à la baisse d'activité ainsi qu'au soutien de l'État dans le cadre du dispositif d'activité partielle.

Économies de charges générées par la crise sanitaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le programme de productivité structurelle déployé par SNCF Voyageurs a conduit à des économies de 177 millions d'euros en 2020 . 66 % des gains d'efficience réalisés en 2020 (116 millions d'euros) ont pour origine les baisses d'effectifs . Les 34 % restants ont été obtenus par une optimisation de la politique d'achats .

Plan de productivité 2020 mis en oeuvre par SNCF Voyageurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Afin de renforcer la compétitivité de la société qui va devoir affronter un marché de plus en plus concurrentiel dans les années à venir, son programme de productivité doit être sensiblement accéléré . Les rapporteurs spéciaux notent que SNCF Voyageurs entend renforcer ses efforts de performance dès 2022 pour viser des gains de productivité de 350 millions d'euros en moyenne annuelle jusqu'en 2030 pour un total de 3,2 milliards d'euros . Les rapporteurs spéciaux saluent cet objectif ambitieux qui implique de doubler le rythme actuel. Ils suivront avec attention l'exécution effective de ces engagements.

D. FRET SNCF : UNE SURVIE QUI DÉPEND DES AIDES DE L'ÉTAT

Depuis des décennies, l'activité de fret ferroviaire décline inexorablement en France, en contraste avec les évolutions constatées chez nos voisins européens . L'annexe 24 décrit ce déclin, l'incapacité de l'État à l'enrayer et les principaux freins qui entravent le développement de cette activité en France.

1. Fret SNCF est structurellement déficitaire et sa viabilité financière repose sur les aides publiques
a) Une situation financière structurellement dégradée et très dépendante des aides publiques

Situation financière Fret SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le chiffre d'affaires de Fret SNCF ne cesse de se dérober au gré des pertes de part de marché et du déclin de l'activité de fret ferroviaire. Avant la crise, entre 2015 et 2019, il s'était replié de près de 20 %.

Évolution du chiffre d'affaires de Fret SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La société escompte inverser la tendance au déclin de son activité et anticipe une ambitieuse trajectoire de progression de son chiffre d'affaires dès 2022 . Les rapporteurs spéciaux suivront avec attention la réalisation de cet objectif volontariste au regard de l'évolution constatée depuis de nombreuses années et en dépit des mesures de soutien que le Gouvernement s'est engagé de maintenir jusqu'en 2024.

Le secteur de la sidérurgie et le transport combiné sont les activités qui contribuent le plus au chiffre d'affaires de Fret SNCF. Avec la chimie se sont les domaines qui devraient être les plus dynamiques dans les années à venir.

Entre 2015 et 2019, les charges d'exploitation de Fret SNCF ont baissé à un rythme plus lent que le chiffre d'affaires : - 17 % contre - 19 %.

Charges d'exploitation de Fret SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de la SNCF

Les achats et charges externes ainsi que les charges de personnel se sont repliés de 14 % sur la période qui précédait la crise.

La marge opérationnelle de Fret SNCF est structurellement négative à hauteur de 10 à 20 % de son chiffre d'affaires depuis 2016. Après une amélioration significative entre 2010 et 2015, cet indicateur s'est de nouveau fortement dégradé depuis. Les conséquences de mouvements sociaux ont pu contribuer à cette dégradation 108 ( * ) .

Source : Fret SNCF

Le compte de résultat de Fret SNCF est déséquilibré de façon structurelle et, avant la crise, son résultat net était systématiquement négatif et en dégradation (- 329 millions d'euros en 2019). En 2020, la reprise de la dette de Fret SNCF par la société mère du groupe a conduit à faire disparaître le coût de cette dette historique et, par conséquent, à améliorer le résultat de la société .

Évolution du résultat net de Fret SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de la SNCF

La structure de financement de Fret SNCF est très déséquilibrée . Sa capacité d'autofinancement (CAF) nette est structurellement négative . Elle continue même de l'être en 2020 malgré la reprise de la dette de la société.

Évolution des investissements, de la MOP, de la CAF et du CFL
de Fret SNCF (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de la SNCF

La société perd chaque année entre 200 et 400 millions d'euros en raison de son cash-flow libre négatif.

Le bilan comptable de Fret SNCF reflète la fragilité de sa situation financière. Ses capitaux propres sont en baisse constante , même dans les trajectoires prévisionnelles optimistes réalisées par la société et ce, même si elle prévoit de les maintenir à un niveau supérieur à 50% de son capital social.

Le seuil de sécurité de la trésorerie est évalué à 25 millions d'euros. La garantie de ce seuil induit notamment un versement trimestriel de l'aide au wagon isolée. Les rapporteurs spéciaux veilleront à ce que l'accord de principe donné par l'État pour mettre en place ce versement trimestriel à compter de 2022 soit respecté .

À l'occasion de la réorganisation du groupe et de son changement de statut, en application de l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant réforme ferroviaire, la dette de Fret SNCF a été intégralement reprise par la société mère . Cette décision, contestée au regard de l'encadrement des aides d'État , fait actuellement l'objet d'un recours auprès de la Commission européenne dont l`issue déterminera les perspectives financières de la société 109 ( * ) . Si cette reprise de dette venait à être considérée comme une aide d'État non conforme au droit européen de la concurrence, la viabilité et la survie même de Fret SNCF en tant que société par actions simplifiée (SAS) serait menacées.

Il est à noter qu' en Allemagne, DB Cargo , l'homologue de Fret SNCF, elle aussi opérateur historique, fait l'objet d'un contentieux de même nature. Or, le 31 janvier 2022, la Commission européenne a annoncé ouvrir « une enquête approfondie sur les mesures de soutien allemandes en faveur de DB Cargo » 110 ( * ) .

Fret SNCF , qui doit couvrir seule ses besoins de financement car elle n'a pas accès à la trésorerie commune ( cash-pool ) du groupe, a pour objectif de ne pas se réendetter . Cet objectif ambitieux compte-tenu des difficultés financières structurelles de l'opérateur et de la tendance antérieure à l'augmentation de son encours de dette, reste à confirmer .

Fret SNCF, opérateur historique et ancien monopole, évolue dans un environnement de plus en plus concurrentiel, ce qui la conduit à perdre régulièrement des parts de marché au profit de ses concurrents. En 2020, d'après les dernières données de l'Autorité de régulation des transports (ART) 111 ( * ) , Fret SNCF a perdu 3 points supplémentaire pour une part de marché qui s'établit désormais à 52 % (voir pour plus de détails l'annexe 25). Il apparaît également qu' en cette période de reprise, son activité est moins dynamique que celle de ses concurrents .

L'ancienneté de son matériel roulant pèse sur la rentabilité et la compétitivité de Fret SNCF en raison des défaillances et du manque de fiabilité de celui-ci. Cette situation va conduire la société à engager des opérations de renouvellement d'envergure qui vont entrainer de lourdes dépenses d'investissement au cours des années 2021 à 2026. L'optimisation de la disponibilité et de la fiabilité de son parc de locomotives sera un enjeu majeur pour Fret SNCF dans les années à venir.

Fret SNCF n'est pas le seul opérateur historique en Europe à connaître une situation financière difficile . La plupart des grands opérateurs historiques ont présenté des résultats déficitaires au cours de la période 2015-2019 . DB Cargo , filiale du groupe Deutsche Bahn , le plus important acteur du marché en Europe, présente une situation financière très déséquilibrée . Négative pour plus de 300 millions d'euros avant la crise, sa marge opérationnelle s'est encore significativement dégradée en 2020 à - 720 millions d'euros. Pour autant, la société allemande a annoncé des investissements massifs de 1 milliard d'euros dans le renouvellement de son parc de locomotives. L'opérateur belge Lineas affiche des pertes systématiques depuis 2015 et une marge opérationnelle négative. À l'instar de celle de DB Cargo, sa situation financière s'est significativement dégradée en 2020.

b) Au sein du groupe, Fret SNCF a fait montre d'une certaine résilience face à la crise

Comparativement au groupe et en particulier à SNCF Voyageurs, Fret SNCF a fait montre d'une certaine résilience face à la crise sanitaire. Aussi, en 2020, les pertes imputables à la crise ont atteint 92 millions d'euros de chiffre d'affaires et 68 millions d'euros de marge opérationnelle 112 ( * ) . Certains de ses homologues européens ont subi plus durement la crise . C'est le cas de DB Cargo dont la marge opérationnelle a plongé de plus de 400 millions d'euros. En revanche, CFF Cargo, filiale fret des chemins de fer fédéraux suisses (CFF), a vu quant à elle son activité baisser de seulement 12 % pour des pertes de 35 millions de francs suisses.

En 2020 , pour répondre à la crise, Fret SNCF a mis en oeuvre un plan d'économies d'environ 12 millions d'euros tandis que les baisses de charges résultant mécaniquement de la baisse d'activité (charges de personnel, sous-traitance, énergie, péages) ou liées aux aides de droit commun (activité partielle) se sont élevées à 33 millions d'euros .

Économies réalisées en 2020 par Fret SNCF dans le cadre de la crise

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

c) Une perspective ambitieuse d'amélioration de ses ratios financiers qui reste à confirmer

Dans ses projections financières, Fret SNCF espère retrouver une marge opérationnelle positive dès 2023 . Au regard du caractère structurellement négatif de cet indicateur, cet objectif apparaît très ambitieux . Il n'est envisageable qu'à la condition d'une hausse sensible de l'activité dans les années à venir, ce qui suppose une inversion significative de la tendance observée depuis plusieurs dizaines d'années. La généralisation du système de production de la gestion capacitaire ainsi que le développement du transport combiné pourraient constituer les moteurs de cette croissance. Les années 2021 à 2024 seront absolument déterminantes pour l'avenir de la rentabilité financière de Fret SNCF.

En toute hypothèse, les ambitions d'amélioration de l'équilibre financier de la société ne pourront se matérialiser sans d'importants gains de performance . En outre, le retour à l'équilibre escompté par Fret SNCF dépendra très largement des concours apportés par l'État à une activité structurellement déficitaire , notamment dans sa dimension wagon isolé. Les analyses financières prospectives démontrent clairement que sans les aides complémentaires décidées par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie de relance du fret ferroviaire, la situation financière de la société se dégraderait irrémédiablement et ne serait plus viable à moyen-terme. Aussi, une aide au wagon isolé au moins équivalente à son niveau de 2021, soit 56 millions d'euros pour Fret SNCF, est une condition sine qua non de l'amélioration de ses perspectives financières . À ce jour, l'État s'est engagé à la maintenir au moins jusqu'en 2024 .

S'ils saluent cet engagement nécessaire, les rapporteurs spéciaux estiment que l'atteinte des objectifs de développement du fret ferroviaire et la pérennité financière d'un opérateur tel que Fret SNCF exigeront un effort financier renforcé et maintenu dans la durée .

Dans les hypothèses les plus optimistes et en dépit des concours publics, le cash-flow libre (CFL) de la société devrait quant à lui rester négatif ou, au mieux, très proche de zéro .

d) Un déficit de compétitivité qui reste à combler malgré des baisses d'effectifs conséquentes

Les efforts de performance de la société s'inscrivent dans le cadre du projet « Fret SNCF 2025 » , qui est lui-même une déclinaison de la stratégie de groupe « Tous SNCF ». En dépit des efforts réalisés ces dernières années, notamment en termes d'effectifs, Fret SNCF souffre toujours d'un déficit de compétitivité par rapport à ses concurrents. Elle doit poursuivre ses mesures d'efficience afin de combler progressivement cet écart et contribuer ainsi à dégager ses perspectives financières.

Fret SNCF a réalisé des gains d'efficience significatifs du fait d'une baisse d'effectifs de 52 % en dix ans , soit une réduction de 7 % en moyenne annuelle . Ces baisses d'effectifs résultent du déclin de l'activité de fret ferroviaire ainsi que de l'ouverture à la concurrence et des pertes de parts de marché régulières subies par la société.

Évolution des effectifs de Fret SNCF (2011-2021)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En 2021, Fret SNCF a réduit ses effectifs de 397 ETP. Cet effort doit se poursuivre dans les années à venir. L'évolution à la baisse des effectifs pourrait être stabilisée voire légèrement infléchie à moyen-terme si les objectifs de croissance de l'activité fret venaient à se confirmer.

Fret SNCF a pour ambition de diminuer de façon significative sa masse salariale d'ici 2024 . Celle-ci dépasse encore les 400 millions d'euros et représente près de 50 % du chiffre d'affaires de la société.

Dans le futur, l'optimisation des coûts de structure doit être particulièrement recherchée tandis que l'effort sur les effectifs de production devra être proportionné à l'évolution de l'activité. La simplification des processus transverses implique leur profonde refonte . Les coûts de structure de Fret SNCF restent nettement supérieurs aux standards . Entravés par des lourdeurs et des redondances, les processus n'ont pas évolué depuis plus de dix ans. Manifestement sous-optimaux, ils ne sont plus en phase avec les nouvelles réalités du secteur et contribuent à l'écart de coûts et de compétitivité à l'égard des opérateurs concurrents.

La société a su poser un constat lucide sur cette situation et a lancé un programme de simplification de son organisation et de son fonctionnement baptisé « Fret efficace ». Son objectif est de redéfinir les rôles, les processus et l'organisation des fonctions support et transverses et de réduire les coûts de structure. Les gains de compétitivité qui doivent résulter de ce plan d'action conditionnent les capacités qu'aura la société à tirer pleinement partie d'une éventuelle reprise de l'activité fret dans les prochaines années. D'ici 2023 , au terme de la première étape de ce plan de simplification, Fret SNCF a ainsi pour ambition de réduire de moitié l'écart de compétitivité avec ses concurrents en matière de coûts de structure. Les perspectives financières futures de la société dépendront de la réalisation effective de ce programme d'optimisation.

Les cessions d'actifs doivent aussi être mobilisées pour améliorer la situation financière structurelle de Fret SNCF. La société poursuit ainsi des programmes de cessions d'actifs immobiliers ainsi que de matériel roulant . En 2020, le total des cessions a rapporté 20 millions d'euros à Fret SNCF, 18,5 millions d'euros au titre des actifs immobiliers et 1,5 million d'euros de vente de locomotives. Ces programmes ont vocation à rester soutenus dans les prochaines années , notamment car la société entend mettre en vente une centaine de locomotives. En 2021 , les cessions d'actifs immobiliers devaient dépasser les 100 millions d'euros tandis que les ventes de matériel roulant devaient se situer à un niveau légèrement supérieur à 10 millions d'euros .

Fret SNCF a également engagé des projets de digitalisation . Cet enjeu est tout à fait majeur s'agissant de l'activité de fret ferroviaire. La société doit ainsi impérativement poursuivre et amplifier ses efforts en la matière . Très ancien, le système d'information (SI) de la société constitue pour elle un vrai handicap . Elle a pour ambition de le moderniser radicalement à l'horizon 2025. Un nouvel outil d'optimisation des ressources de production (OPR), a été lancé en 2021.

Si des gains de performance ont été réalisés au cours des dernières années, le coût de production moyen de Fret SNCF reste significativement supérieur à celui de ses concurrents . Aussi les rapporteurs spéciaux insistent-ils sur le fait que les efforts d'efficience doivent impérativement se poursuivre pour se conjuguer avec les effets de la fin du recrutement au statut.

2. La relance du fret ferroviaire : un nouveau plan pour rien ?
a) Un objectif ambitieux de doublement de la part modale du fret ferroviaire désormais inscrit dans la loi climat

Sous l'impulsion notamment de l'alliance 4F (fret ferroviaire français du futur), une coalition regroupant l'ensemble des acteurs du secteur du fret ferroviaire en France, le Gouvernement a repris à son compte l'objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire en France d'ici 2030 . Cet objectif, qui reviendrait à passer de 9 % à 18 % de part modale, a été formalisé dans la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, publiée par le Gouvernement en septembre 2021. Sous l'impulsion du Sénat, il a une portée législative à travers l'article 131 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

L'atteinte de ces objectifs est intimement liée à la numérisation des circulations de fret et au déploiement de la technologie de signalisation ERTMS , des domaines dans lesquels la France affiche un retard notable.

Le développement du transport combiné, y compris les autoroutes ferroviaires, dont la mise en route doit être soutenue par la puissance publique, sera la principale clé de l'atteinte de l'objectif. À condition de bénéficier d'aides suffisantes, cette activité pourrait tripler d'ici 2030 .

Dans le cadre de son pacte vert (le green deal ), l'Union européenne s'est également fixé des objectifs ambitieux en matière de développement du fret ferroviaire. L'objectif de la filière au niveau européen, représentée par l'alliance Rail Freight Forward, est de porter à 30 % 113 ( * ) la part modale du fret ferroviaire à horizon 2030. La Commission européenne souhaite voir s'accroître les trafics de fret ferroviaire de 50 % d'ici 2030 et de 100 % à horizon 2050 .

Ailleurs en Europe, nos partenaires ont également annoncé des objectifs de développement du fret ferroviaire. L'opérateur historique autrichien (les chemins de fer fédéraux autrichiens dits ÖBB) et sa filiale de fret Rail cargo Austria ont pour ambition d'augmenter de 50 % leur activité d'ici 2030 et d'atteindre un doublement d'ici 2040. En Allemagne, DB Cargo, filiale de la Deutsche Bahn , a pour ambition de doubler son activité fret d'ici 2030.

b) De nouvelles aides à l'exploitation qui ont fait l'objet d'engagements pluriannuels de l'État jusqu'en 2024

À compter de la loi de finances initiale pour 2021 , l'État a instauré de nouvelles aides à l'exploitation en faveur du fret ferroviaire pour un total de 170 millions d'euros . Elles se composent d'une aide à l'activité de wagon isolé, d'un soutien au paiement des péages, d'une majoration de l'aide à la pince destinée à promouvoir le transport combiné et d'un concours spécifique en faveur du démarrage des autoroutes ferroviaires.

Nouvelles aides à l'exploitation de l'État destinées au fret ferroviaire depuis 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du budget au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En annonçant le 13 septembre 2021 sa stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, le Gouvernement s'est engagé à prolonger ces aides au moins jusqu'en 2024 . Cette prorogation était une condition sine qua non à l'amélioration des perspectives financières de Fret SNCF et , plus généralement, à la relance du secteur . Ces soutiens s'ajoutent à la compensation fret qui préexistait ainsi qu'à l'aide dédiée au transport combiné qui n'atteignait que 27 millions d'euros avant 2021.

Évolution des aides à l'exploitation versées par l'État en faveur
du fret ferroviaire (2019-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les annexes budgétaires aux projets de loi de finances et de règlement des comptes

L'aide au wagon isolé était devenue incontournable pour soutenir cette activité en croissance mais structurellement déficitaire. Fret SNCF perçoit 56 millions d'euros de cette aide, soit 80 % de son montant total, qui atteint 70 millions d'euros. Elle joue un rôle absolument déterminant dans les perspectives financières de la société .

Partout où a été mise en place cette aide en Europe, elle n'a jamais été remise en cause par la suite. Il apparaît donc nécessaire de la pérenniser , d'autant que l'activité wagon isolée, du fait de la fragmentation des transports, devrait se développer plus vite que le fret ferroviaire en général.

À l'heure où la croissance du transport combiné jouera un rôle déterminant dans la relance du fret ferroviaire il était nécessaire de renforcer « l'aide à la pince » qui permet de compenser le déficit de compétitivité lié au phénomène de rupture de charge occasionné par le transbordement des marchandises lors du changement de moyen de transport. Cette aide a ainsi été majorée de 20 millions d'euros pour atteindre 47 millions d'euros .

Pour promouvoir l'objectif de report modal, il pourrait être envisagé d'indexer le montant des aides au wagon isolé et au transport combiné sur les volumes d'activité .

Instaurée dès le deuxième semestre de l'année 2020, l'aide complémentaire aux péages , qui vient s'ajouter au dispositif de compensation fret existant, doit être pérennisée pour permettre l'atteinte des objectifs de report modal. Cette aide représente un coût budgétaire pour l'État de 65 millions d'euros . Fret SNCF en perçoit environ 20 millions d'euros , soit 30 % de l'enveloppe totale.

Si cette aide était absolument nécessaire pour se donner une chance de relancer enfin le secteur, les rapporteurs spéciaux notent qu'aujourd'hui, son bénéfice risque malheureusement d'être effacé par le phénomène d'envolée des prix de l'énergie . Une hausse durable de ces derniers pourrait constituer un nouveau frein au développement du fret ferroviaire en France.

Enfin, dans le but d'atténuer les effets très préjudiciables des travaux sur l'activité de fret, le plan de relance prévoit de consacrer 210 millions d'euros pour compenser à SNCF Réseau les surcoûts occasionnés par une meilleure prise en compte des enjeux du secteur .

À l'initiative de la France, dans une déclaration commune du 30 mars 2021, seize ministres des transports de l'Union Européenne ont appelé la commission à « lancer une initiative en faveur des opérateurs de fret ferroviaire afin de promouvoir le report modal vers des transports propres » . Ils estiment que le soutien européen actuel est trop centré sur les gestionnaires d'infrastructure, laissant aux États la responsabilité du soutien aux opérateurs.

À ce stade, l'exécutif européen se montre très sceptique quant à cette initiative et n'entend pas la faire prospérer. Néanmoins, comme sur d'autres sujets tels que la modernisation du réseau et dans la perspective du green deal , les rapporteurs considèrent qu'il serait cohérent et nécessaire que l'Union européenne puisse consacrer davantage de financements en faveur du secteur ferroviaire. Aussi appellent-ils le Gouvernement à se montrer proactif, à prendre de nouvelles initiatives en la matière et à poursuivre ses efforts pour convaincre ses partenaires ainsi que la commission européenne.

c) Plus de dix milliards d'euros d'investissements dans les infrastructures de fret seront nécessaires d'ici 2030.

La vétusté des infrastructures est un gros frein pour le fret et elle explique en grande partie la mauvaise qualité des sillons qui lui sont proposés. Des investissements considérables, évalués à plus de 10 milliards d'euros en dix ans, seraient nécessaires pour pouvoir espérer atteindre l'objectif de développement de la filière fixé à horizon 2030. À ce stade, dans le cadre de sa stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, l'État ne s'est engagé que sur la première phase du programme d'investissements à hauteur d' 1 milliard d'euro d'ici 2024 (détaillés en annexe 26).

Au-delà de cette première phase dont le calendrier devra être impérativement respecté, l'État doit urgemment sécuriser le financement des investissements pour le reste de la période dite du « plan de développement » (2025-2030) au cours de laquelle 10 milliards d'euros seront nécessaires 114 ( * ) .

L'ampleur des investissements requis doit être relativisée au regard des bénéfices socio-économiques qui en résulteront. Ainsi, le un rapport de juin 2020 115 ( * ) estime que les co-bénéfices générés par des investissements dans les infrastructures de fret sont en moyenne deux fois plus importants que les dépenses initiales consenties.

La modernisation du réseau et en particulier le déploiement de l'ERTMS ainsi que la digitalisation seront aussi des paramètres déterminants pour atteindre l'objectif de report modal. La modernisation du réseau est en effet indispensable au développement du train de fret du futur, que ce soit pour automatiser les opérations de préparation des trains que pour ouvrir la voie à la circulation de trains télécommandés, voire autonomes. Le retard français en matière de modernisation du réseau constitue ainsi un frein majeur au développement du fret ferroviaire et si la situation venait à perdurer faute de financements nécessaires, l'objectif de relance du secteur serait nécessairement compromis.

d) Le projet de contrat de performance de SNCF Réseau n'est pas cohérent avec la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire

Présentée par le Gouvernement en septembre 2021, la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire comprend 72 mesures destinées à lever les freins qui bloquent l'essor du secteur en France. Outre la pérennisation jusqu'en 2024 des nouvelles aides à l'exploitation accordées par l'État depuis 2021, cette stratégie prévoit de consacrer, d'ici 2024, 1 milliard d'euros d'investissements dans les infrastructures. Si les professionnels du secteur avaient pu saluer ce premier pas , la diffusion du projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau pour la période 2021-2030 les a fait déchanter . Des incohérences apparaissent entre les deux documents stratégiques pourtant préparés simultanément et portant sur le même horizon temporel.

Le projet de contrat de performance traduit plusieurs renoncements de l'État. Insuffisamment tourné vers le fret , le projet de contrat prévoit un décalage du calendrier et des financements des investissements annoncés dans les infrastructures.

Les 250 millions d'euros d'investissements financés par le plan de relance ferroviaire et dont la réalisation est annoncée par le Gouvernement d'ici 2024 sont étalés jusqu'en 2027 sur le tableau figurant en annexe 2 du projet. Par ailleurs, les chantiers prévus dans la stratégie nationale , pour 1 milliard d'euros au total d'ici 2024, ne sont ni décrits, ni programmés, ni budgétés dans le projet de contrat. En réaction à la diffusion du projet de contrat, l'alliance 4F a déclaré craindre que cette énième tentative de relancer le fret ferroviaire n'aboutisse finalement qu'à un nouveau « plan pour rien » .

E. L'ÉTAT DOIT ASSUMER SES RESPONSABILITÉS : LE FINANCEMENT DE LA DESSERTE DES TERRITOIRES NE DOIT PAS PESER SUR LA SNCF

1. Petites lignes : des investissements insuffisants et un État désengagé

Les « petites lignes » ont longtemps été sacrifiées et les plus grandes victimes de la vétusté du réseau et du sous-investissement historique dans son renouvellement. Ces lignes de dessertes fines du territoire relèvent d'une mission de service public qui doit être assumée financièrement par l'État et les régions 116 ( * ) .

Le contrat de performance de SNCF Réseau avait prévu de limiter à 8,5 % la participation du gestionnaire d'infrastructure à la régénération des petites lignes et le rapport Spinetta de 2018 avait même préconisé de les placer entièrement sous la responsabilité des régions. Si le Gouvernement n'a pas repris à son compte cette proposition, force est de constater le désengagement progressif de l'État dans le financement de ces lignes, un désengagement qui avait notamment été matérialisé par le contrat de performance signé en 2017 avec SNCF Réseau. Ainsi, sur la période 2015-2020, plus des deux-tiers des investissements réalisés dans les lignes de dessertes fines du territoire étaient assumés par les régions , l'État en prenant à sa charge environ un quart 117 ( * ) . Dans sa note précitée de novembre 2021 sur le réseau ferroviaire 118 ( * ) , la Cour des comptes constate que l'engagement financier renforcé des régions a de fait « permis de compenser le désengagement progressif de SNCF Réseau dans les investissements de renouvellement pour les lignes les moins fréquentées, de niveau UIC 7 à 9 » .

Dans la gouvernance des petites lignes qui se structure autour d'une relation à trois trop souvent conflictuelle, entre l'État, les régions et SNCF Réseau, le premier ne doit pas s'en tenir à un rôle effacé tendant à consacrer son désengagement. Au nom de la cohésion nationale entre les territoires, l'État doit affirmer davantage sa place dans cette gouvernance tout en l'appuyant sur des moyens financiers renforcés.

Suite notamment aux recommandations du rapport Philizot 119 ( * ) de février 2020, la gouvernance des petites lignes doit évoluer à travers une répartition selon trois catégories .

Une première catégorie 120 ( * ) correspond aux lignes qui ont vocation à être reclassées au sein du réseau structurant. Le financement de leur renouvellement devra ainsi être assuré par SNCF Réseau au moyen de l'enveloppe de régénération.

Cette évolution se traduira ainsi par une augmentation, dès 2024 du périmètre de réseau à régénérer au moyen d'une enveloppe de régénération déjà insuffisante et que l'État ne prévoit pas de majorer à ce stade. Cette évolution participera ainsi à affaiblir un peu plus encore les capacités du gestionnaire d'infrastructure à régénérer le réseau structurant.

Une deuxième catégorie correspond aux petites lignes qui auront vocation à faire l'objet d'un cofinancent déséquilibré entre l'État et les régions, principalement à travers l'outil des contrats de plans État-régions (CPER).

Une troisième catégorie de voies aurait vocation à être intégralement prise en charge par les régions, en vertu des dispositions de l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités (LOM).

L'État, les régions et la SNCF ont engagé un plan de remise à niveau des petites lignes qui doit notamment se décliner au moyen de plans d'actions et protocoles régionaux aussi baptisés « contrats petites lignes ». Répondant à l'une des recommandations du rapport Philizot, ces protocoles sont en voie de généralisation . Ils constituent une vraie avancée en termes de gouvernance en ce sens qu'ils participent à clarifier les conditions de financement et la position de SNCF Réseau qui auparavant était souvent délicate entre l'État et les régions. Néanmoins les CPER demeurent le cadre réellement structurant et engageant de ces investissements.

Le rapport Philizot a mis en exergue l'ancienneté du réseau des dessertes fines des territoires, de 40 ans en moyenne. Il dresse le constat que près de 40 % de ce réseau de proximité est menacé faute de régénération. Sur la base des évaluations de SNCF Réseau, il estime nécessaires des investissements de l'ordre de 7,6 milliards d'euros d'ici 2028 , dont 6,4 milliards d'euros restaient alors à engager . La trajectoire d'investissements actuelle est insuffisante .

Il faudrait consacrer plus de 700 millions d'euros par an aux petites lignes pour espérer tenir l'objectif du rapport Philizot.

Évolution des montants investis dans les petites lignes (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Certes les montants investis ont augmenté , d'une moyenne de 225 millions d'euros par an entre 2015 et 2018 à des montants supérieurs à 400 millions d'euros à partir de 2020. Ils restent toutefois loin du compte . D'après SNCF Réseau, cette insuffisance d'investissements se traduira nécessairement par un allongement du programme au-delà de 2028, voire au-delà même de 2030.

Au rythme d'investissements prévu actuellement par le projet de contrat de performance de SNCF Réseau, et alors même que les financements annoncés restent déclaratifs, il manquerait, à horizon 2028, environ 1,7 milliard d'euros par rapport à la trajectoire recommandée par le rapport Philizot.

Trajectoire d'investissements dans les petites lignes retenue par le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 121 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Dans le cadre du plan de relance, l'État a prévu 250 millions d'euros destinés à financer la participation de SNCF Réseau au renouvellement des petites lignes. Cette somme doit être complétée par 70 millions d'euros de produits de cessions à venir du groupe SNCF. D'après SNCF Réseau, ces financements permettraient de couvrir les investissements en fonds propres qu'elle avait programmés sur les petites lignes jusqu'en 2024. Au-delà de 2024, aucun système de financement des investissements de SNCF Réseau dans les petites lignes n'est prévu à ce jour. Les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'une fois de plus regretter l'absence de visibilité dont souffre le gestionnaire d'infrastructure du fait du manque d'anticipation stratégique de l'État .

Toujours dans le cadre du plan de relance, 300 millions d'euros de crédits d'intervention du ministère des transports visent à financer la participation de l'État à des opérations de renouvellement de court terme.

Sur la période du quinquennat, le Gouvernement s'est engagé sur un programme de rénovation de 1 500 kilomètres de voies de lignes de dessertes fines du territoire. En novembre 2021, 73 % de l'objectif avait été atteint, soit 1 100 kilomètres, sur plus de 80 % de la période considérée. La DGITM considère que l'objectif de 1 500 kilomètres de voies rénovés en 2022 sera bien atteint grâce à une accélération forte du rythme du linéaire régénéré en 2022. Ce rythme doit plus que doubler entre 2017 (164 kilomètres) et 2022 (373 kilomètres). Les rapporteurs spéciaux se monteront vigilants quant à l'atteinte effective de cet objectif.

Parallèlement, SNCF Réseau doit améliorer sa performance en termes d'entretien, de maintenance et de régénération des petites lignes. Les programmes qu'il a initiés ces dernières années doivent être évalués et consolidés. Ils se sont traduits, à la demande de l'État, par le développement d'une nouvelle approche méthodologique initiée à compter de 2019 122 ( * ) . Elle a donné lieu à la production d' un guide méthodologique visant à optimiser les travaux de régénération .

La concrétisation des dispositions du guide méthodologique en gains de productivité effectifs reste cependant à démontrer du fait de la maturité hétérogène des solutions techniques qu'il prévoit. SNCF Réseau devra décliner de façon plus précise ce document et assurer une parfaite transparence des gains de productivité qu'il aura pu générer. Par ailleurs, des solutions innovantes restent à développer pour optimiser la surveillance du réseau des lignes de dessertes fines du territoire. En outre, d'après un rapport de 2019 123 ( * ) , un meilleur dimensionnement des référentiels de voies aux besoins des petites lignes serait susceptible de générer des gains de maintenance de 60 000 euros à 70 000 euros par kilomètre .

De façon générale, le pilotage des investissements réalisés dans les petites lignes doit être mieux assuré tandis que les coûts et les délais doivent être davantage maîtrisés . Au-delà même de ces questions, SNCF Réseau doit se montrer beaucoup plus transparent , notamment à l'égard des régions. À ce titre, les rapporteurs spéciaux soutiennent la recommandation formulée dans le rapport Philizot visant à ce que SNCF Réseau mette enfin en place les outils internes qui lui sont nécessaires pour présenter avec clarté et fiabilité la structure des coûts d'entretien et de gestion des petites lignes 124 ( * ) . La recommandation qu'ils formulent visant à ce que SNCF Réseau se dote enfin d'une comptabilité analytique , doit permettre de présenter ces coûts de façon plus transparente.

Les rapporteurs spéciaux regrettent qu'à ce stade, le projet de contrat de performance 2021-2030 de SNCF Réseau ne prévoit pas d'indicateur engageant s'agissant du coût de la régénération des petites lignes. Ils estiment qu' un tel indicateur doit nécessairement être ajouté au contrat et faire l'objet d'un suivi rigoureux.

Alors que la gestion de l'infrastructure de ces lignes est aujourd'hui déficitaire pour SNCF Réseau, leur transfert aux régions , permis par l'article 172 de la LOM et renforcé par le projet de loi dit « 3DS », pourrait être une opportunité d'en optimiser le coût 125 ( * ) . Après le transfert aux régions de l'infrastructure de ces lignes ainsi que de leurs gares, celles-ci pourraient en déléguer la gestion , l'entretien et la maintenance à un opérateur autre que SNCF Réseau . Outre les gains de productivité directs qui pourraient en résulter, cette situation constituera aussi un aiguillon pour SNCF Réseau en le mettant sous pression et en l'incitant à concrétiser des gains d'efficience réels dans la gestion des petites lignes. Dans le cadre de ces transferts, SNCF Réseau sera amené à verser une soulte , sous la forme d'une compensation financière versée sur une durée de vingt ans .

2. Le financement des trains d'équilibre du territoire de jour et de nuit : il est urgent que l'État passe des paroles aux actes
a) Le financement et le développement des lignes de TET dans l'attente de la concurrence, de la nouvelle convention avec SNCF Voyageurs et d'une stratégie claire de l'État

L'un des piliers de la politique d'aménagement ferroviaire du territoire , les lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) dites « intercités » ont, depuis 2011, l'État pour autorité organisatrice 126 ( * ) . Le détail des financements que l'État consacre aux services intercités est décrit en annexe 27. Son statut d'autorité organisatrice impose à l'État de financer le déficit d'exploitation des lignes ainsi que leur matériel roulant . La convention d'exploitation des « trains d'équilibre du territoire » 2016-2020 , signée le 27 février 2017, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 par un avenant signé le 30 août 2021. Cette convention devrait se solder par un déficit de 11,4 millions d'euros (18,9 millions d'euros à la fin de l'année 2020) pour SNCF Voyageurs .

Exécution de la convention TET 2016-2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Une nouvelle convention, destinée à s'appliquer à compter de 2022, est toujours en phase de négociation. Les rapporteurs spéciaux regrettent les retards accumulés dans sa finalisation .

Depuis 2019, et suite au transfert de lignes à six régions 127 ( * ) , la compensation d'exploitation annuelle versée par l'État à SNCF Voyageurs s'établit en moyenne à 230 millions d'euros pour les dessertes dont il reste l'autorité organisatrice. En tant qu'autorité organisatrice, l'État finance également le renouvellement du matériel roulant des TET. Plusieurs conventions, pour environ 3 milliards d'euros ont été signées à ce titre depuis 2013 (voir annexe 27).

Dans le cadre et selon les modalités spécifiques à chacun des accords, l'État contribue à soutenir financièrement le renouvellement du matériel roulant et prend en charge une partie du déficit d'exploitation (62 millions programmés en 2022) des lignes de TET transférées aux régions .

Les lignes de TET peuvent désormais être ouvertes à la concurrence . En 2020, l'État a lancé des appels d'offres sur les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon .

Les nouveaux entrants qui avaient manifesté leur intérêt ont retiré leurs offres dans la mesure où, selon eux, les appels d'offres ne répondaient pas à toutes les conditions d'une concurrence équitable , notamment en ce qui concerne l'accès à des ateliers de maintenance du matériel roulant.

Aussi, en décembre 2020, alors que seule SNCF Voyageurs restait en course, l'État a-t-il finalement décidé de classer sans suite l'appel d'offres .

Pour les rapporteurs spéciaux il est absolument impératif que les prochains appels d'offres réunissent toutes les conditions nécessaires à une concurrence équitable , tout particulièrement s'agissant de l'accès des nouveaux entrants aux ateliers de maintenance du matériel roulant. L'ouverture à la concurrence des autres lignes de TET devra ensuite être mise en oeuvre de manière progressive.

La finalisation de la nouvelle convention d'exploitation entre l'État et SNCF Voyageurs est sans cesse décalée dans le temps . Après avoir été annoncée pour 2020, puis 2021, elle n'est toujours signée alors qu'elle doit prendre effet au 1er janvier 2022. Une fois encore l'État n'est pas au rendez-vous de l'anticipation stratégique et place la SNCF dans une situation inconfortable, sans visibilité , en l'occurrence, même sur le très court terme puisque la future convention aura un effet rétroactif.

La nouvelle convention devra nécessairement prendre en compte les perspectives d'ouverture à la concurrence, la nouvelle organisation du groupe SNCF et la création de la société anonyme SNCF Voyageurs mais aussi et surtout les premières perspectives de développement de l'offre de TET de jour comme de nuit. Sur ce dernier point malheureusement, l'État n'a toujours pas établi de vraie stratégie de long terme et ses déclarations d'intention ne semblent pas prêtes d'être concrétisées .

La nouvelle convention devra donc prévoir l'évolution du périmètre des lignes actuellement opérée par SNCF Voyageurs et assurer le bon déroulement des appels d'offres. Outre la trajectoire pluriannuelle des contributions d'exploitation, cette nouvelle convention devra mettre en place un système de bonus - malus réellement incitatif dans le but à la fois d'accroître la qualité de service et de réaliser d'importants gains de productivité 128 ( * ) . Il conviendra également de clairement distinguer les dimensions exploitation et investissement en intégrant un véritable programme industriel.

En application d'une disposition de la LOM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a réalisé , en décembre 2020, une « étude du développement de nouvelles lignes de TET » . En ce qui concerne les TET de jour , au sein desquels il convient de distinguer les lignes structurantes qui peuvent envisager de tendre vers l'équilibre financier et les lignes d'aménagement du territoire essentielles à la connectivité des territoires, la DGITM propose un ajustement et de potentielles extensions du réseau existant 129 ( * ) . Le rapport met en exergue les enjeux exacerbés relatifs à l'apport, au financement et au renouvellement du matériel roulant dont les modalités doivent être repensées dans un contexte d'ouverture à la concurrence . Si le ministère des transports affiche une ambition de développement des lignes de TET dans une perspective de densification de l'aménagement ferroviaire du territoire, le ministère de l'économie , des finances et de la relance, affiche plus que de la circonspection quant à ces projets craignent les déficits d'exploitation structurels que pourraient générer de nouvelles lignes et les investissements nécessaires qui pourraient se chiffrer à plusieurs milliards d'euros .

La stratégie de long terme de l'État s'agissant du développement des lignes de TET et de leur financement doit absolument être clarifiée. La politique d'aménagement ferroviaire du territoire tout comme la SNCF et les autres opérateurs ferroviaires ont désespérément besoin de visibilité.

b) L'État doit clarifier et concrétiser le modèle de financement du développement annoncé des trains de nuit

L'État avait laissé dépérir les lignes de trains de nuit au point qu'il n'en subsistait plus que deux, les lignes Paris - Briançon et Paris - Cerbère 130 ( * ) . Un programme de rénovation de 71 voitures de ces deux lignes est actuellement financé par l'État pour un montant de 44,3 millions d'euros 131 ( * ) . Aujourd'hui, des modèles européens , notamment en Autriche, tendent à démontrer qu'à certaines conditions, l'exploitation de trains de nuit peut atteindre des résultats économiques raisonnables 132 ( * ) .

Dans le prolongement de ce mouvement de rebond de l'activité en Europe, le Gouvernement a pris des engagements pour infléchir la trajectoire de disparition annoncée du réseau national. À court terme , il a décidé de rouvrir deux lignes : Paris-Nice 133 ( * ) , inaugurée en mai 2021 et Paris-Tarbes en décembre de la même année. D'ici 2030, le Gouvernement a pris l'engagement de rouvrir une dizaine de lignes 134 ( * ) .

L'atteinte de l'équilibre économique est illusoire pour les trains de nuit domestiques qui doivent nécessairement faire l'objet de subventions publiques . Aucun opérateur privé n'opérera des lignes domestiques de trains de nuit sur son risque propre. Aujourd'hui, et en attendant que l'ouverture à la concurrence soit effective, ces contributions doivent être prévues par la convention d'exploitation des TET entre l'État et SNCF Voyageurs. Aussi, la nouvelle convention d'exploitation , qui se fait toujours désespérément attendre, devra-t-elle intégrer l'ensemble des financements nécessaires aux nouvelles lignes de trains de nuit, qu'il s'agisse de leur matériel roulant ou de la compensation de leur déficit d'exploitation 135 ( * ) .

L'avenir des trains de nuit dépasse nos frontières et il se joue largement à l'échelle européenne. Les longs trajets desservant les grandes métropoles européennes constituent des perspectives prometteuses pour le développement des lignes ferroviaires nocturnes. Ainsi, un partenariat a-t-il été signé le 8 décembre 2020 entre la SNCF, les ÖBB, la Deutsche Bahn (DB) et les chemins de fer fédéraux suisses (CFF) pour lancer de nouvelles lignes européennes. Ce partenariat s'est traduit par la création de la ligne Paris-Vienne en décembre 2021 136 ( * ) . Cependant, l'État français ne prévoirait pas , à ce stade, dans le cadre de la future convention d'exploitation des TET, de financement dédié au nouveau train de nuit Paris-Vienne quand bien même l'État autrichien finance quant à lui le parcours autrichien de la ligne ainsi que les investissements dans le matériel roulant. Aujourd'hui, la ligne Paris-Vienne ne bénéficie d'aucun financement public en France . De ce fait, l'équilibre économique de cette desserte est loin d'être assuré à ce stade et, à défaut d'un engagement de l'État au-delà d'une simple cérémonie d'inauguration, la ligne ne pourra être pérennisée dans la durée .

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le développement des trains de nuit se réalise dans de bonnes conditions, au premier rang desquelles la qualité de service qui implique notamment des investissements très importants dans le renouvellement du matériel roulant. Aussi, l'investissement dans un matériel roulant de qualité constitue-t-il aujourd'hui le principal enjeu de la relance des trains de nuit en France. À ce jour, la quasi intégralité du parc existant est en phase de rénovation ou sur le point de l'être.

Actuellement, le renouvellement du matériel roulant consiste à réhabiliter des rames de type « Corail couchettes » datant des années 1970 et qui étaient destinées à être radiées.

Dans le cadre du plan de relance 137 ( * ) , l'État a prévu de consacrer 100 millions d'euros de crédits budgétaires à la rénovation du matériel roulant et aux installations de maintenance des trains de nuit 138 ( * ) .

Répartition de l'utilisation des 100 millions d'euros du plan de relance dédiés aux trains de nuit

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Des financements conséquents sont nécessaires pour acquérir du matériel roulant neuf avec Siemens comme unique fournisseur. Alors que l'activité se développe dans plusieurs pays européens, le matériel roulant nécessaire au train de nuit se fait particulièrement rare . Aucune offre de location n'est disponible à court-terme. D'après la DGITM, des rames neuves de qualité ne seraient pas disponibles avant cinq ans . En décembre 2021, le Gouvernement , par la voie de son ministre des transports, s'est engagé à investir 800 millions d'euros dans le matériel roulant des trains de nuit ainsi que, à terme, la possibilité de recourir à des sociétés de location.

L'étude précitée réalisée en décembre 2020 par la DGITM au sujet du développement de nouvelles lignes de TET dresse aussi des perspectives quant au développement du réseau des trains de nuit . Le réseau envisagé par la DGITM se structure autour de 8 lignes intérieures et 7 lignes internationales 139 ( * ) . Elle estime par ailleurs les investissements requis à environ 1,5 milliard d'euros dont 1,2 milliard d'euros pour le seul matériel roulant 140 ( * ) , le développement de nouveaux dispositifs de maintenance étant estimé à 250 millions d'euros. Tous ces investissements doivent être portés par l'autorité organisatrice des trains de nuit, à savoir l'État.

À la lecture des conclusions de l'étude de la DGITM, il apparaît que les sommes envisagées par le Gouvernement à ce stade ne sont pas à la hauteur de l'enjeu financier considérable représenté par le développement pérenne d'un nouveau réseau de trains de nuit. Alors que les enjeux financiers de ces projets apparaissent comme très significatifs et que les difficultés techniques, notamment en matière de renouvellement du matériel roulant, ne le sont pas moins, les rapporteurs spéciaux restent dans l'expectative et s'interrogent sur la capacité de l'État à mener à bien l'ambition qu'il a annoncée. Ils attendent ainsi du Gouvernement qu'il précise concrètement les modalités de financement du réseau de trains de nuit qu'il s'est engagé à restaurer. Ces modalités de financement ne doivent en aucun cas porter préjudice aux priorités principales du système ferroviaire national, au premier rang desquelles la régénération du réseau.

IV. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE À TRANSFORMER EN PROFONDEUR

A. RÉFORMER UN MODÈLE DE FINANCEMENT DANS L'IMPASSE

1. Sa « TGV dépendance » fragilise le modèle de financement du ferroviaire

Les modèles économiques de la SNCF et du système ferroviaire français dépendent de la bonne santé du TGV et même des seuls 50 % de lignes à grande vitesse (LGV) rentables . Cette dépendance au TGV repose sur une triple péréquation . Premièrement les profits dégagés sur les lignes TGV rentables permettent de compenser les pertes constatées sur les autres 141 ( * ) . Deuxièmement, 60 % du résultat net récurrent de SNCF Voyageurs , lui-même dégagé par l'activité TGV 142 ( * ) , financent le programme de régénération des infrastructures de SNCF Réseau via le fonds de concours qui transite par le programme 203 du budget général de l'État. Enfin, troisièmement, au moyen de deux taxes, la grande vitesse finance le déficit d'exploitation des trains intercités . Ce système de triple péréquation va se transformer , d'ici 2023, en double péréquation du fait de la suppression de la contribution de solidarité territoriale (CST) et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) prévue par la loi de finances initiale pour 2022.

Par ailleurs, comme premier utilisateur du réseau, SNCF Voyageurs contribue substantiellement au financement de SNCF Réseau à travers le versement des péages. L'activité TGV représente ainsi entre 2 et 2,5 milliards d'euros de redevances perçues chaque année par SNCF Réseau.

Le TGV , et plus largement toutes les activités dites « librement organisées », a un modèle économique très différent de celui du transport conventionné, du fait de son exposition au risque. Dans la mesure où son financement n'est pas assuré par une autorité organisatrice, il supporte l'intégralité du risque commercial auquel il est exposé. Ses résultats financiers et sa rentabilité s'en trouvent ainsi particulièrement vulnérables à la conjoncture .

Dans son rapport public annuel de 2021, la Cour des comptes met en exergue le risque d'une dégradation durable de l'activité TGV et de ses recettes, susceptible de mettre en péril le modèle et la rentabilité de SNCF Voyageurs ainsi que, par voie de conséquence, le modèle économique de la SNCF dans son ensemble .

Dans ce même rapport, la Cour des comptes redoute notamment les effets de traine de la crise sur l'activité et la rentabilité des services librement organisés (SLO) de la filiale Voyages SNCF. Elle considère que « Voyages SNCF pourrait voir son activité durablement affectée par l'évolution des comportements » .

Pour rentabiliser le TGV Inoui, il est aujourd'hui nécessaire d'atteindre un taux d'occupation d'environ 70 % en tenant compte des passagers premiums. Pour l'offre Ouigo, le taux de rentabilité est même de 80 %. Or, les effets stigmates de la crise sanitaire sur les habitudes de mobilité vont porter atteinte à la profitabilité du TGV et conduire à un rehaussement des taux d'occupation à partir desquels l'activité atteint son seuil de rentabilité. La concomitance d'une baisse structurelle de la fréquentation des clients professionnels et d'une diminution du panier moyen , la première expliquant largement la seconde 143 ( * ) , sont les principaux déterminants à l'origine de ce phénomène.

Très affectée par la crise sanitaire, tout porte à croire que la mobilité professionnelle en sortira structurellement réduite 144 ( * ) . Une étude du cabinet Roland Berger de novembre 2021 145 ( * ) sur les conséquences de long terme de la crise sur la mobilité longue distance estime que les voyages d'affaires pourraient diminuer de 12 % en Europe . La diminution structurelle de la clientèle d'affaires sur le ferroviaire pourrait même atteindre, voire dépasser les 15 % , dont 30 % pour les voyages pendulaires en raison du développement du télétravail, et même si certains chiffres laisseraient à penser que le ferroviaire et les trajets domestiques pourraient être moins affectés que les voyages d'affaires internationaux et aériens.

Cette évolution est clairement identifiée par la SNCF comme la tendance post crise la plus dangereuse pour son chiffre d'affaires et ses performances financières . Les incertitudes qui persistent quant à l'ampleur de la perte structurelle de clientèle d'affaires mettent en danger le financement du ferroviaire en France dans la mesure où elle constitue un paramètre déterminant du modèle économique de la SNCF et de la réforme en profondeur qu'il nécessitera dans les années à venir.

En outre, avec l'ouverture à la concurrence , en particulier sur les lignes les plus rentables, et même si l'offre et la demande seront tirées vers le haut par un phénomène de report modal suscité par cette ouverture, il n'est pas exclu, si elle ne met pas en oeuvre les mesures de compétitivité nécessaires et si les investissements dans le réseau ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, que SNCF Voyageurs perde plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2030.

Cette situation particulièrement délicate a conforté la SNCF dans sa stratégie visant à développer les volumes au détriment du taux de marge dégagé par l'activité grande vitesse. Cette stratégie était déjà à l'oeuvre à travers le développement de l'offre Ouigo . Elle a été amplifiée à l'été 2021 avec la mise en oeuvre d'une nouvelle politique tarifaire . Ce pari de la relance du TGV par les volumes repose sur des objectifs très ambitieux de report au détriment de la voiture individuelle, avec une cible affichée de doublement de la part modale du transport ferroviaire baptisée « le X2 » par la communication du groupe. Pour réussir son pari, la SNCF doit notamment proposer de nouvelles offres commerciales attractives pour les clientèles loisirs mais aussi professionnelle et cibler tout particulièrement les voyageurs soucieux de maîtriser l'empreinte carbone de leur mobilité.

Du fait du système actuel qui fait prévaloir un objectif d'autofinancement du secteur de plus en plus illusoire et dangereux , les modèles économiques du groupe et du système ferroviaire dans son ensemble se trouvent ainsi suspendus au succès de cette stratégie qui, si elle semble pertinente au regard de la situation, n'en est pas pour autant dépourvue de risques . En effet, plusieurs scénarios de reprise du TGV , plus ou moins optimistes, sont anticipés. Si un scénario pessimiste venait à se réaliser, l'ensemble du système serait menacé et la SNCF pourrait en venir à remettre en cause l'exploitation des lignes non rentables .

Au-delà de « l'accident industriel » conjoncturel subi par l'activité TGV, les rapporteurs spéciaux craignent que des effets durables de la crise compromettent structurellement sa rentabilité . L'atonie des voyages d'affaires constitue une vraie menace sur la profitabilité de la grande vitesse. Aussi, il leur paraît d'autant plus déraisonnable aujourd'hui de maintenir l'illusion d'une capacité du secteur à s'autofinancer et de faire dépendre l'avenir du système ferroviaire en France, ainsi que le financement de ses infrastructures, sur le pari du rebond du TGV .

2. La nécessaire révolution du modèle de financement du réseau : pour que l'État prenne enfin réellement ses responsabilités

Le modèle de financement du réseau français suppose que le gestionnaire d'infrastructures couvre lui-même le coût complet du réseau au moyen des ressources qu'il tire des péages ferroviaires. Cette situation induit une pression financière forte sur SNCF Réseau ainsi qu'un niveau de péages élevé qui nuit à la compétitivité de la mobilité ferroviaire , bride son potentiel de développement, décourage l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché et est en passe de devenir insoutenable pour les autorités organisatrices régionales , d'autant plus en raison des augmentations considérables de redevances sur les services conventionnés envisagées dans les années à venir.

En cela, le modèle français se distingue de celui de nombre de ses partenaires européens dans lesquels la part de subventions publiques dans le financement du réseau est nettement plus importante et, en conséquence, le niveau des péages ferroviaires significativement moins élevé. Les rapporteurs spéciaux ont le sentiment que ces systèmes sont beaucoup plus favorables à la compétitivité de la mobilité ferroviaire et à ses perspectives de développement.

D'après les dernières données publiées par l'IRG-Rail146 ( * ), en France, le niveau des redevances d'accès par train kilomètre est deux fois plus élevé que la moyenne européenne (9,17 euros contre 4,50 euros).

Comparaisons européennes des niveaux de redevances d'infrastructures par train kilomètre

Source : neuvième rapport annuel (market monitoring report) de l'IRG-RAIL, avril 2021

Pour la grande vitesse , la France présente largement le niveau de redevance le plus haut en Europe (15,90 euros), 3 fois plus élevé qu'en Italie, 2,3 fois plus élevé qu'en Allemagne, 2,2 fois plus élevé qu'en Espagne, 1,5 fois plus élevé qu'en Belgique, etc .

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Ce niveau de péages extrêmement élevé est désavantageux pour la compétitivité du mode ferroviaire et constitue une véritable barrière à l'entrée qui décourage les potentiels nouveaux entrants 147 ( * ) .

Le système français de péages élevés sollicite de plus en plus lourdement les régions , mises à contribution pour subventionner les services conventionnés. Leurs contributions seraient même appelées à s'accroître encore très significativement au vu des hausses de péages envisagées par l'État et SNCF Réseau d'ici 2030. La perspective d'une augmentation de 30 % des redevances sur l'activité TER d'ici 2030, prévue dans le projet de contrat de performance, apparait difficilement soutenable pour les budgets régionaux . Dans son avis sur ce projet de contrat, l'Autorité de régulation des transports (ART) ne cache pas son grand scepticisme sur cette trajectoire prévisionnelle. Elle pourrait d'ailleurs être amenée à rejeter les augmentations projetées comme elle l'a déjà fait dans le passé, ce qui conduirait à remettre une nouvelle fois en cause les équilibres financiers affichés dans le contrat de performance du gestionnaire d'infrastructure.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que le modèle actuel de financement des infrastructures fait, d'une part reposer l'équilibre financier de SNCF Réseau sur des hypothèses très fragiles , si ce n'est irréalistes, et, d'autre part, conduit à appliquer une pression financière exagérément élevée sur les autorités organisatrices régionales qui pourraient ainsi être amenées à restreindre leur offre de transport.

Ce mode de financement a une traduction comptable : des actifs qui représentent 30 milliards d'euros dans les comptes de la SNCF et qui doivent être rentables . En effet, la possession d'un actif ne se justifie que si elle rapporte suffisamment de cash. Dans le modèle économique actuel, le réseau doit nécessairement générer sa propre rentabilité et, dans le cas contraire, être déprécié. Les rapporteurs spéciaux constatent que, dans les comptes de la SNCF, les actifs de SNCF Réseau ont ainsi fait l'objet de dépréciations d'une ampleur considérable en 2015 pour 9,6 milliards d'euros et en 2018 pour 3,4 milliards d'euros supplémentaires . Par ailleurs, les incertitudes quant à la valorisation des infrastructures ferroviaires sont l'objet des réserves significatives récurrentes formulées par les commissaires aux comptes chargés de la certification annuelle des comptes de la SNCF sur les états financiers du groupe comme sur ceux de SNCF Réseau.

Le seul avantage que les rapporteurs spéciaux concèdent au modèle « français » à péages élevés est qu'il est moins dépendant des revirements et cycles budgétaires de l'État . Mais cet « avantage » est en fait l'illustration de la grande faiblesse qui caractérise la France, à savoir le manque d'ambition stratégique de long terme de l'État pour le système ferroviaire.

Le modèle économique inadapté du secteur, qui va de pair avec le manque d'ambition stratégique de l'État pour le ferroviaire n'est pas étranger aux mauvais résultats de la France en matière d'évolution de la part modale du train. Celle-ci stagne désespérément depuis 2016.

Ainsi, d'après les statistiques mises à disposition par le ministère de la transition écologique, entre 2016 et 2019, elle n'a progressé que de 0,6 point 148 ( * ) .

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'État aurait tout intérêt à s'inspirer des modèles en vigueur ailleurs en Europe et qui, pour nombre d'entre eux, se distinguent significativement du système français.

Les rapports de la Cour des comptes comme les avis de l'Autorité de régulation des transports (ART) nous incitent fortement à tendre vers ces modèles.

Conformément aux dispositions de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, la seule obligation fixée par la réglementation européenne consiste à fixer des péages à hauteur du coût directement imputable aux circulations ferroviaires , soit le coût dit marginal. Cette obligation est remplie en France par la redevance dite de circulation . En revanche, les redevances de marché sont des majorations appliquées aux opérateurs de transport qui ne constituent pas une obligation européenne . Les recettes que génèrent en France ces majorations, qui servent à couvrir le coût complet du réseau, sont, dans de nombreux pays européens, versées par l'État au gestionnaire d'infrastructure sous forme de subventions d'investissements .

Dans ces modèles, l'État finance par des subventions les investissements consistants dans les infrastructures , dont les dépenses de renouvellement et de développement, tandis que les redevances versées par les opérateurs, calculées sur le seul coût marginal des circulations, ne servent à couvrir que les coûts d'exploitation de celles-ci. La régénération du réseau, opérée par le gestionnaire d'infrastructure est ainsi financée par l'État.

La Suisse, la Suède, l'Italie, l'Allemagne ou encore les Pays-Bas appliquent notamment ce modèle de financement. Il en va de même en Autriche , pays réputé pour la qualité de son système ferroviaire, où ÖBB-Infrastruktur , l'homologue de SNCF Réseau, est financé à 80 % par des subventions de l'État fédéral autrichien. En Suède, l'État prend en charge toutes les dépenses qui ne relèvent pas du coût directement imputable aux circulations. Les programmes de maintenance et de renouvellement du réseau y sont financés à 100 % par l'État. En Allemagne, pays qui a annoncé récemment un programme considérable d'investissements de 86 milliards d'euros en dix ans dans ses infrastructures 149 ( * ) , , c'est l'État fédéral qui assume le financement du renouvellement des infrastructures.

La logique du système de financement français est tout sauf porteuse d'une dynamique de développement ambitieuse du ferroviaire . Elle est incompatible avec l'objectif d'un développement important des capacités ferroviaires . Dans le cadre du modèle actuel, SNCF Réseau a intérêt à maximiser le niveau des redevances ferroviaires , il le reconnait et l'assume. Les rapporteurs spéciaux ont bien conscience que c'est la logique du système qui le lui impose. Ils ont ainsi acquis la conviction qu' il est nécessaire de sortir de ce modèle malthusien incompatible avec l'objectif de développer massivement le ferroviaire , seule perspective qui permettra à la France de tenir ses engagements climatiques. Ils estiment que le système français de financement des infrastructures ferroviaires se trouve dans l'impasse et qu'il ne manquerait pas d'emporter avec lui les ambitions de développement de la mobilité ferroviaire .

Ils appellent ainsi à s'inspirer des expériences de nos partenaires européens et à renverser la logique du modèle français en substituant des subventions de l'État aux majorations de péages (les redevances de marché) qui conduisent aujourd'hui à ce que les investissements lourds sur les infrastructures ferroviaires soient financièrement assumés par les opérateurs de transport et donc, in fine , par les passagers dans les prix des billets ou par les autorités organisatrices régionales dans leur contributions.

Après des décennies de sous-investissements dans son réseau et alors qu'il a pris des engagements environnementaux ambitieux pour lutter contre les dérèglements climatiques, il est grand temps que l'État français , à l'instar de ses homologues européens, assume pleinement la responsabilité qui est la sienne .

B. LES GAINS DE COMPÉTITIVITÉ DE LA SNCF PASSERONT NÉCESSAIREMENT PAR UNE FORTE CONTRACTION DE SES EFFECTIFS

1. Sources de cash et de croissance, la diversification et la mondialisation des activités de la SNCF ne doivent pas conduire à négliger son « coeur ferroviaire français »
a) Des dynamiques de diversification et de mondialisation qui occupent une place de plus en plus déterminante

L'activité de la SNCF se caractérise par une forte tendance à l'internationalisation et à la diversification qui se traduit de façon de plus en plus évidente dans la situation financière du groupe. Ainsi, les perspectives financières de la SNCF apparaissent comme de plus en plus dépendantes de ce double mouvement qui, dans une certaine mesure, a tendance à masquer les difficultés rencontrées par le coeur ferroviaire du groupe.

32 % du chiffre d'affaires du groupe a été réalisé à l'international 150 ( * ) en 2020 151 ( * ) . Les activités internationales, principalement portées par les filiales Geodis et Keolis constituent d'importants leviers de croissance pour le groupe. Malgré le contexte de crise, la SNCF n'entend pas mettre en suspens la dynamique d'internationalisation de ses activités 152 ( * ) .

La part des filiales Geodis et Keolis dans le chiffre d'affaires et la marge opérationnelle du groupe est de plus en plus significative.

Sans parler des chiffres exceptionnels de 2020 qui s'expliquent par la résilience des deux filiales face aux répercussions de la crise sanitaire, cette part avait progressé de plus de 10 % entre 2015 et 2019 en ce qui concerne le chiffre d'affaires et de plus de 200 % pour la marge opérationnelle (MOP). En 2021, ces évolutions se sont vérifiées et même amplifiées. Ces deux filiales contribuent de manière évidente à améliorer les indicateurs financiers du groupe SNCF et à éclipser la situation beaucoup moins favorable de l'ex groupe public ferroviaire .

Évolution de la part de Geodis et Keolis dans le chiffre d'affaires (CA) et la marge opérationnelle (MOP) du groupe SNCF (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de Geodis et de la SNCF

b) La situation financière de Geodis et Keolis est plus favorable que celle du reste du groupe
(1) Geodis : des perspectives de croissance et une santé financière florissante

Un historique des relations financières entre Geodis et la SNCF est présenté en annexe 29.

L'activité de Geodis apparaît incontestablement très dynamique. Entre 2015 et 2020 son chiffre d'affaires a progressé de 20 %. Entre 2019 et 2021, il a augmenté de 33 % pour s'établir à près de 11 milliards d'euros. Ces dernières années, l'activité de la société a notamment été stimulée par le développement rapide du e-commerce , véritable bouleversement du secteur de la distribution des produits finis. Geodis profite de ce mouvement à travers son activité d'entreposage qui l'amène à gérer de nombreux dépôts pour le compte de places de marché en ligne. Cette activité représente près d' un quart du chiffre d'affaires de la société et affiche une croissance annuelle à deux chiffres .

Évolution du chiffre d'affaires et des principaux coûts d'exploitation
de Geodis (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de Geodis

65 % du chiffre d'affaires de la société est réalisé à l'international , 28 % en Europe, 27 % sur le continent américain et 10 % en Asie. Cette caractéristique s'explique notamment par le fait que Geodis a suivi le mouvement de délocalisation de ses clients.

Activité de Geodis dans le monde

Source : réponses de Geodis au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les indicateurs financiers de la société affichent une tendance à l'amélioration depuis 2015, en particulier en 2019. Ainsi, entre 2015 et 2021, la marge opérationnelle (MOP) de Geodis a-t-elle été multipliée par 16 pour approcher les 950 millions d'euros . Sa capacité d'autofinancement (CAF) nette de ses remboursements d'emprunt, qui était encore négative en 2015 a elle aussi dépassé les 700 millions d'euros depuis 2019 . Depuis 2016, la CAF nette comme la MOP couvrent le montant des investissements nets annuels de la société. Positif à partir de 2016, le cash-flow libre (CFL) de Geodis s'est élevé en moyenne à 150 millions d'euros depuis 2017.

Principaux indicateurs financiers de Geodis (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de Geodis

Depuis 2016, Geodis a également entamé une phase de désendettement rapide . Après l'acquisition de la société américaine OHL ( Ozburn-Hessey Logistics ) en 2015 et le paiement d'une amende à l'Autorité de la concurrence l'année suivante 153 ( * ) , la dette de la filiale avait atteint un pic historique de 1 220 millions d'euros en 2016 . Depuis, celle-ci s'est contractée de plus de 45 % pour passer sous la barre des 700 millions d'euros. Sur cette période, Geodis à elle-seule a donc permis de contenir l'évolution de la dette de la SNCF de près de 550 millions d'euros .

Évolution de la dette nette de Geodis (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de Geodis

90 % de la dette brute de Geodis 154 ( * ) est souscrite auprès de la maison mère du groupe à des taux supérieurs au marché qui contribuent ainsi à améliorer la situation financière de la SNCF. En 2020 , le coût moyen de la dette moyen-long terme souscrite auprès de la SNCF s'élevait ainsi à près de 4 % . Dans le cadre de la trésorerie centralisée ( cash-pool) par la holding SNCF Participations, la SNCF assure également une large part des besoins de financement de court terme de sa filiale. Dans le même temps, dans le cadre d'un mécanisme de centralisation de la trésorerie au sein du groupe, 60 % de la trésorerie disponible de Geodis est placée auprès de la SNCF .

En 2020, Geodis a fait montre d'une capacité de résilience notable qui la distingue du reste du groupe SNCF. Alors que l'activité de Geodis a été affectée négativement en France, particulièrement au cours du premier confinement, elle a été dynamique à l'international, l es États-Unis constituant toujours le principal moteur de la croissance de la société.

Le chiffre d'affaires de la société a progressé de 2 % (172 millions d'euros 155 ( * ) ). Cette augmentation s'explique principalement par une forte croissance d'activité au second semestre 2020 156 ( * ) . En comparaison avec ses homologues européens, le logisticien est l'une des sociétés dont l'activité a été la plus dynamique en 2020.

La marge opérationnelle (MOP) de Geodis ne s'est repliée « que » de 17 millions d'euros en 2020. Selon le rapport financier de la société, à taux de change et périmètre constants, la MOP aurait même augmenté de 5 millions d'euros . Le rebond constaté au second semestre 2020 s'est nettement traduit dans l'évolution de la MOP, en progression de 50 millions d'euros par rapport au niveau constaté lors du second semestre 2019. Le CFL de la société s'est replié de 12 millions d'euros en 2020 tout en restant supérieur à 120 millions d'euros.

Pour affronter la crise, Geodis a mis en oeuvre des mesures d'économies à hauteur d'environ 70 millions d'euros mais les coûts supplémentaires directement induits par les mesures de sécurité sanitaire (achats de masques, de gels hydro alcoolique, etc .) se sont élevés à 25 millions d'euros . Geodis a pu bénéficier des mesures d' activité partielle mises en place par les États dans lesquels elle est implantée. Ces concours se sont élevés à 20 millions d'euros en 2020 dont 10 millions d'euros en France.

Les perspectives de croissance et financières de Geodis semblent prometteuses . Son plan baptisé « ambition 2023 » prévoit un accroissement significatif de son chiffre d'affaires 157 ( * ) , de sa MOP et de son CFL au cours des deux prochaines années. Geodis affiche par ailleurs l'ambition d'une quasi extinction de la dette de la société à horizon 2025.

(2) Keolis : croissance et résilience

À l'instar de Geodis, l'activité de Keolis présente une forte dynamique et sa situation financière est saine et s'améliore . Entre 2015 et 2019, le chiffre d'affaires de Keolis avait ainsi progressé de plus de 30 % pour approcher les 6,6 milliards d'euros . Dans le même temps, sa marge opérationnelle a plus que doublé , pour dépasser les 600 millions d'euros, soit un niveau plus de deux fois supérieur au montant des investissements nets de la société.

Principaux indicateurs financiers de Keolis (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2020, Keolis a fait preuve de résilience . Elle, comme ses homologues, ont vu leur chiffre d'affaires largement épargné dans la mesure où le niveau de services en matière de transports urbains a souvent été largement maintenu. Néanmoins, la baisse moyenne de chiffre d'affaires pour les entreprises du secteur s'est élevée à environ 10 % quand Keolis voyait le sien se rétracter de « seulement » 7,6 % . Au cours de cette même année, la MOP de la société s'est quant à elle contractée de 30 % .

La relative résilience de Keolis s'explique par la diversité de ses activités , à la fois du fait de leur internationalisation mais aussi de la variété des relations contractuelles que la société a pu nouer. Si ses activités open access ont souffert de la crise, ses services conventionnés , assurés pour le compte d'autorités organisatrices (90 % de ses activités), ont été fortement soutenues financièrement par ces dernières qui ont assumé les pertes d'exploitation résultant de la baisse de la fréquentation. Keolis a exécuté un plan d'économies d'environ 330 millions d'euros en 2020 permettant de contenir les conséquences de la crise sur la MOP en dessous de 200 millions d'euros.

Si la société va devoir défendre ses positions en France dans les années à venir, elle se projette à l'étranger avec une dynamique et des ambitions de croissance renouvelées 158 ( * ) .

c) Une diversification, source de résilience et de croissance, qui ne doit pas conduire à négliger le coeur ferroviaire national du groupe
(1) Une diversification, source de résilience et de croissance : le « deuxième poumon » de la SNCF ?

La maîtrise par l'État de l'actionnariat d'un grand logisticien tel que Geodis relève d'un intérêt stratégique peu contestable. En effet, la logistique est un secteur stratégique dont dépend la souveraineté d'un État dans l'approvisionnement de son économie en matières premières, en produits semi-finis et en produits finis. Une société telle que Geodis contribue à garantir le bon fonctionnement de ce secteur. Indirectement, à travers la SNCF dont il est l'unique actionnaire, l'État contrôle, avec Geodis, le seul logisticien français global de taille critique. L'État doit veiller à ce que la société conserve une stabilité actionnariale ancrée en France . La cession de Geodis l'exposerait au rachat d'un géant étranger du secteur tel que la société UPS. Une telle perspective pourrait porter un nouveau coup à la souveraineté économique nationale.

De plus en plus, avec le développement de l'offre Ouigo à l'étranger, Geodis et Keolis sont convoqués pour compenser des pertes financières constatées sur le coeur ferroviaire français de la SNCF. Ces activités, en particulier celles de Keolis et peut être plus encore de Geodis, sont de plus en plus considérées comme le « deuxième poumon » de la SNCF au côté du TGV.

Et lorsque le TGV toussote voire suffoque, ce deuxième poumon est d'autant plus mobilisé pour maintenir à flots le navire SNCF. En 2020, dans un contexte de crise, cette réalité s'est manifestée avec d'autant plus d'évidence . Keolis et surtout Geodis, de par leur résilience, ont joué un vrai rôle d'amortisseur financier pour le groupe SNCF . En ce qui concerne les perspectives financières du groupe, la SNCF considère ces activités comme ses principaux relais de croissance dans un contexte où les activités ferroviaires domestiques vont subir des pertes de marché du fait de la concurrence.

Si le groupe SNCF venait à tenir ses engagements financiers , en particulier le retour à un cash-flow libre positif en 2022, il le devra largement à Geodis et, dans une moindre mesure, à Keolis. Ainsi, depuis 2014, Geodis est-il un fort contributeur net de trésorerie au profit du groupe SNCF . Geodis est devenue une pourvoyeuse de cash pour la SNCF à travers quatre canaux.

Le premier de ces canaux est constitué des frais financiers que Geodis verse à la SNCF. En effet, depuis 2008 159 ( * ) , la SNCF assure le rôle de banquier quasiment exclusif de Geodis . Elle lui octroie des prêts moyen-long termes à conditions de marché, voire à des taux supérieurs , et l'a intégrée dans sa trésorerie commune ( cash pool ) pour financer ses besoins de financement à court terme. De ce fait, Geodis paie à SNCF des frais financiers, par nature supérieurs au coût auquel se finance la SNCF sur les marchés compte tenu de sa surface financière et de son rating . Ce différentiel se traduit par une contribution de trésorerie de Geodis à la SNCF.

Le deuxième canal correspond au produit d'intégration fiscale . Depuis 2009, Geodis a rejoint le groupe d'intégration fiscale de la SNCF et ne peut donc plus équilibrer à son niveau sa charge d'impôts en France entre ses filiales déficitaires et ses filiales bénéficiaires. Cet équilibre est réalisé au niveau du groupe SNCF. Pour Geodis, ce mécanisme se traduit par une charge d'impôt supplémentaire de 20 à 30 millions d'euros par an versée à la SNCF sous la forme d'un produit d'intégration fiscale.

Le troisième canal, plus classique, est celui des dividendes . Depuis 2017, Geodis verse des dividendes de 20 à 30 millions d'euros par an à la SNCF.

Enfin, le quatrième et dernier canal est celui de la redevance d'actionnaires ou des management fees 160 ( * ) qui s'élèvent environ à 10 millions d'euros par an .

Flux de trésorerie de Geodis vers la SNCF (2014-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de Geodis au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Ainsi, entre 2014 et 2020 , les flux de trésorerie entre sa filiale et la SNCF ont-ils représenté 750 millions d'euros 161 ( * ) . Dans le même temps, la SNCF a injecté 475 millions d'euros dans sa filiale, soit un différentiel de 275 millions d'euros au bénéfice de la SNCF. Depuis 2017, le flux de trésorerie net de Geodis vers la SNCF est de 470 millions d'euros .

De son côté, Keolis se développe fortement à l'international , où elle conclue des contrats emblématiques à forte marge . Elle participe ainsi à la dilution du risque pays et activité du groupe et, par-là, accroît sa résilience . La filiale spécialiste de mass transit contribue aussi à améliorer la compétitivité du groupe SNCF en ce qui concerne les activités conventionnées ferroviaires 162 ( * ) , notamment à travers la création de co-entreprises telles que Transkeo, une co-entreprise associant Transilien et Keolis.

Pour ces raisons, la SNCF n'envisage plus de céder Geodis et Keolis qu'elle considère comme des actifs stratégiques. La Deutsche Bahn (DB) , qui avait été plus loin encore dans la diversification et la mondialisation de ses activités, a récemment pris une orientation stratégique diamétralement opposée à celle de la SNCF. En effet, pour se désendetter, elle a récemment annoncé sa décision de céder DB Schenker , l'équivalent allemand de Geodis, dont elle détient 100 % du capital, considérant qu'il existait peu de synergie entre elle et sa filiale logistique.

De façon générale, sous l'impulsion du gouvernement fédéral et d'un rapport de la Cour des comptes d'Allemagne de 2019 , après s'être beaucoup développée à l'international, la DB a adopté une ligne stratégique tout à fait différente visant à recentrer ses activités sur l'Allemagne (voir l'annexe 29).

En réponse notamment à l'arrivée de la concurrence sur le marché domestique français, la SNCF tend à projeter à l'étranger ses activités de transport de voyageurs , en particulier à travers l'offre Ouigo. L'objectif poursuivi est d' aller rechercher de la croissance et du profit à l'étranger , sur des marchés rentables et porteurs, à l'heure où la SNCF voit ses parts de marché contestées sur son marché domestique . Le lancement de Ouigo Espagne , décrit en annexe 30, est particulièrement représentatif de cette tendance.

(2) Une stratégie légitime à la seule condition qu'elle serve le « coeur ferroviaire français » de la SNCF

S'ils notent qu'elle contribue aujourd'hui à améliorer les indicateurs financiers du groupe et à compenser les difficultés sérieuses rencontrées par ses activités naturelles, les rapporteurs spéciaux considèrent que cette stratégie d'internationalisation et de diversification n'a de légitimité qu'à la seule condition qu'elle serve les intérêts du coeur ferroviaire français de la SNCF.

Cette stratégie ne doit en aucune mesure se traduire par un effet d'éviction au détriment des activités ferroviaires domestiques , raison d'être de la SNCF, société à capital 100 % public. Ce coeur ferroviaire hexagonal doit demeurer la priorité absolue du groupe. Les rapporteurs spéciaux insistent sur le fait que la SNCF doit impérativement continuer de garantir l'effectivité de cette priorité. Ils suivront avec attention l'évolution des indicateurs qui permettent de s'en assurer, la répartition des investissements en étant le plus signifiant d'entre-eux. Ainsi, en 2020, 90 % des investissements de l'entreprise restaient concentrés sur le ferroviaire et 95 % de ces mêmes investissements étaient réalisés en France 163 ( * ) . Ce n'est qu'à la condition du maintien de cette répartition que la politique d'internationalisation et de diversification de la SNCF pourra conserver sa légitimité et sa pertinence.

2. Productivité : la SNCF doit conduire sa « révolution culturelle »
a) L'extinction du statut de cheminot va progressivement améliorer la compétitivité de la SNCF

Au 31 décembre 2020, les effectifs de la SNCF se composaient de 271 509 collaborateurs dont environ 119 000 cheminots statutaires . Les effectifs de la SNCF ont diminué de 1,8 % en 2020 , soit 5 000 postes. Au sein du coeur ferroviaire du groupe, les effectifs sont de 136 000 collaborateurs dont 85 % sont statutaires .

40 % des effectifs du groupe travaillent pour Keolis (25 %) et Geodis (15 %), ce qui témoigne une fois encore de la diversification et de la mondialisation de la SNCF. Plus d' un collaborateur sur quatre travaille pour SNCF Réseau , ce qui tend à démontrer que les gains de performance du gestionnaire d'infrastructure occupent une place déterminante dans les perspectives financières du groupe.

Répartition des effectifs du groupe SNCF au 31 décembre 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

À périmètre constant, en 2020, les baisses d'effectifs les plus importantes ont concernées Voyages SNCF (1 928 postes), Keolis (1 799 postes), l'activité corporate (1 479 postes) et le transport de marchandises (776 postes). À l'inverse, certaines activités ont connu une croissance de leurs effectifs en 2020. Il s'agit notamment de la filiale Gares et connexions (897 postes) ou de SNCF Immobilier (551 postes).

Le surcoût que le statut de cheminot induit pour la SNCF va progressivement s'éroder du fait de sa mise en extinction prévue dans le cadre de la réforme pour un nouveau pacte ferroviaire. Le coeur ferroviaire du groupe compte déjà environ 25 000 contractuels dont 20 000 contrats à durée indéterminée (CDI), la SNCF ayant commencé à recourir depuis dix ans à ces recrutements. Ils devraient être 50 000 d'ici dix ans puis au moins 80 000 dans vingt ans .

Si la SNCF estime ne pas pouvoir comparer les coûts d'un personnel statutaire et d'un personnel contractuel du fait de paramètres multiples 164 ( * ) à prendre en compte, il ne fait pas de doute que les rigidités et avantages liés au statut de cheminot entravent significativement sa compétitivité.

b) Le rythme de réduction d'effectifs doit être amplifié
(1) Une trajectoire de réduction d'effectifs à amplifier en dépit de la diminution des départs volontaires

Entre 2011 et 2021, les effectifs du coeur ferroviaire du groupe SNCF ont diminué de 11 % selon une moyenne annuelle de - 1,9 % .

Évolution des effectifs du coeur ferroviaire de la SNCF (2011-2020)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Pour que la SNCF se rapproche des standards de compétitivité de ses homologues et potentiels concurrents, il est impératif que ce rythme de décroissance des effectifs soit amplifié dans les années à venir. Les rapporteurs spéciaux considèrent que la SNCF devrait viser une diminution d'effectifs annuelle supérieure à 2 % et 3 000 équivalents temps plein (ETP). Cette trajectoire serait notamment en ligne avec les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de 2019 portant sur la gestion des ressources humaines de la SNCF 165 ( * ) .

Cette trajectoire de réduction de postes est rendue nécessaire par la persistance de situations de sureffectifs . Même si cette méthode sous-estime leur ampleur effective, elles peuvent être en partie estimées au regard du nombre de salariés en phase de transition professionnelle, c'est-à-dire des salariés officiellement sans postes effectifs . Ils sont plus de 1 500 en 2021. Ils se situent encore majoritairement chez SNCF Voyageurs mais également chez SNCF Réseau et Fret SNCF.

À titre d'exemple, les effectifs au sein des ateliers de maintenance du matériel roulant semblent surdimensionnés par rapport aux standards. Il en résulte des coûts de maintenance plus élevés que la moyenne qui pèsent sur la compétitivité de la SNCF.

Il est indispensable de maintenir un rythme soutenu de baisse d'effectifs et ce, même si l'exercice sera rendu de plus en plus compliqué dans les années à venir du fait de la baisse significative des départs naturels . Ces derniers ont déjà diminué de 35 % depuis 2016.

Le rythme annuel de départs à la retraite est passé de plus de 6 000 salariés sur la période 2015-2017 à moins de 3 500 agents en 2020, puis 2 700 en 2021. Entre 2016 et 2020, la baisse du nombre de départs à la retraite approche les 60 %. Ce rythme devrait encore ralentir fortement sur les cinq prochaines années pour osciller entre 1 500 et 2 500.

Causes de départs (2016-2020)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Dans le même temps, les ruptures conventionnelles (+ 145 %) et les démissions (+ 90 %) ont fortement augmenté, de même que les départs pour cause de fin de contrat (+ 200 %) en raison de la progression du recrutement d'agents contractuels. La moyenne annuelle de licenciements sur la période 2016-2020 s'est établie à 400.

Les non remplacements de départs à la retraite ont représenté une part essentielle des réductions d'effectifs passées . Néanmoins, la vague des grands départs à la retraite est désormais derrière la SNCF, qui va devoir actionner de façon beaucoup plus systématique d'autres leviers .

Si leur ampleur reste suspendue aux résultats des appels d'offre dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des transports domestiques de passagers, les transferts de personnel à d'autres opérateurs ferroviaires n'interviendront pas immédiatement et ne suffiront pas, d'autant qu' ils s'accompagneront de pertes de chiffre d'affaires.

Pour tenir ses cibles de réduction d'effectifs et compte-tenu de la tendance à la baisse des départs à la retraite, la SNCF sera nécessairement amenée à diminuer très sensiblement ses recrutements . De plus de 6 000 en 2016-2017, les recrutements ont déjà diminué de plus de 40 % pour passer sous la barre des 4 000 en 2020.

Recrutements de la SNCF (2016-2020)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La contrepartie de l'impératif d'une réduction d'effectifs sensible pour la SNCF doit être un accompagnement renforcé des personnels et des conséquences de cette évolution sur leur carrière. La mobilité interne est un levier qui doit être utilisé de façon plus systématique 166 ( * ) .

Les dispositifs en la matière doivent être développés. Les initiatives prises en ce sens par la SNCF (décrites en annexe 31) telles que le « programme solidarité emploi », les « agences territoriales de la mobilité » ou encore la « bourse des missions », doivent être consolidées, pérennisées et renforcées . Compte-tenu de la tendance à la baisse des départs naturels, les reconversions et mobilités internes diverses, qu'elles soient géographiques, entre sociétés, entre activités ou métiers, doivent significativement monter en puissance. Il s'agit notamment de développer significativement les parcours de reconversion professionnelle dirigés vers les métiers actuellement les plus porteurs 167 ( * ) . L'accompagnement des démarches de départs volontaires doit également être renforcé compte-tenu du poids accru qu'ils sont amenés à prendre dans la trajectoire de réduction d'effectifs que doit accomplir la SNCF dans les années à venir.

Les charges de personnel du groupe SNCF approchent les 15 milliards d'euros et ont augmenté de près de 10 % entre 2015 et 2020.

Évolutions des charges de personnel du groupe SNCF (2016-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Sur le périmètre de l'ex groupe public ferroviaire, les charges de personnel représentent 9,1 milliards d'euros. Après une hausse sensible de 10 % entre 2012 et 2016 , leur tendance est légèrement orientée à la baisse (- 7 %) malgré un sursaut en 2021 lié notamment aux différentes mesures et primes décidées par le groupe et ses filières.

Évolutions des charges de personnel du coeur ferroviaire de la SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

D'ici 2026, les charges de personnel pourraient diminuer de plus de 2 % par an à condition que la trajectoire de baisse des effectifs soit respectée. Les économies attendues pourraient approcher les 200 millions d'euros .

L'effet haussier du glissement vieillesse technicité (le GVT positif ou « GVT + ») sur la masse salariale est stable mais élevé , autour de 2 % , depuis 2012. Les avancements en échelon et en rémunération automatiques, prévus notamment par le statut de cheminot, représentent la majeure partie de ce GVT + 168 ( * ) . Ces évolutions de rémunération mécaniques ne sont pas pilotables pour la SNCF et contribuent à rigidifier sensiblement ses charges d'exploitation. Malgré la fin du recrutement au statut, l'évolution du GVT + semble devoir se maintenir à ce niveau élevé dans les années à venir.

L'effet noria a quant à lui baissé en raison de la diminution du rythme des départs à la retraite . La poursuite de ce phénomène va se conjuguer avec la hausse du niveau des rémunérations à l'embauche résultant de la fin du recrutement au statut pour induire une diminution de l'effet noria qui est déjà passé sous les 1 % depuis 2019.

Évolution du GVT solde (2016-2020)

(en % de la masse salariale)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Aussi, l'effet inflationniste du GVT s'est-il accru entre 2012 et 2020, le GVT solde passant de + 0,3 % à + 1,2 %. Du fait des perspectives négatives de l'effet noria, le phénomène va donc se poursuivre et s'amplifier dans les années à venir et peser de plus en plus fortement sur l'évolution de la masse salariale de la SNCF.

L'évolution de la rémunération moyenne a été maîtrisée au cours des cinq dernières années, avec un pic de +2,8 % en 2018 qui s'explique par la compensation de l'augmentation de la CSG pour les salariés statutaires.

Évolution mensuelle de la rémunération moyenne (2016-2020)

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'augmentation du salaire à l'embauche qui découle de la fin du recrutement au statut et la diminution des départs à la retraite pourraient contribuer à des augmentations plus sensibles de la rémunération moyenne dans les années à venir.

Entre 2016 et 2021, l'évolution annuelle de la rémunération des personnels en place (RMPP) s'est située entre 2 % et 2,8 % sur les cinq dernières années, excepté le pic de + 3,2 % de 2018. L'augmentation moyenne sur la période s'établit ainsi à + 2,5 % . La SNCF anticipe un maintien de rythme d'évolution dans les années à venir 169 ( * ) .

Évolution de la rémunération de personnels en place (2016-2021)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'accord sur les salaires négocié dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, à la fin de l'année 2021 a prévu plusieurs mesures qui se traduiront par une hausse de la rémunération des effectifs de la SNCF dans les années à venir 170 ( * ) .

Héritée d'un vieux monopole historique, la SNCF en a conservé nombre de pesanteurs et de carcans qui pèsent grandement sur sa compétitivité et bride son potentiel de gains de performance. Les rapporteurs spéciaux estiment que, sur bien des aspects, il est nécessaire pour la société de s'affranchir de ces barrières et de s'extraire de son cadre sclérosant . Pour stimuler l'efficience d'une structure telle que la SNCF, la rémunération au mérite est un levier qu'il convient de mobiliser . Or, celle-ci ne représente encore aujourd'hui que 2,8 % de la masse salariale 171 ( * ) . Depuis 2015, des accords d'intéressement ont été mis en place au sein des différentes sociétés du groupe 172 ( * ) . Le groupe entend encourager le renforcement de ces dispositifs d'intéressement et une augmentation de leurs montants 173 ( * ) .

Dans la mesure où ils sont de nature à améliorer la compétitivité d'un groupe qui en manque encore cruellement et qu'ils doivent participer à la révolution copernicienne de la SNCF dirigée vers l'impératif de performance de gestion, les rapporteurs spéciaux estiment que tant la rémunération au mérite que les dispositifs d'intéressement méritent d'être encouragés et sensiblement renforcés .

Les efforts de réduction d'effectifs réalisés ces dernières années par la SNCF doivent être relativisés par le développement du recours aux heures supplémentaires et à l'intérim 174 ( * ) . Alors que la Cour des comptes signalait déjà son augmentation significative sur la période précédente, le recours aux heures supplémentaires et l'intérim a progressé respectivement de 16 % et de 53 % entre 2016 et 2019 175 ( * ) , avant le déclenchement de la crise sanitaire, soit près de 1 400 équivalents temps plein (ETP) et près de 20 % de la baisse d'effectifs constatée sur la même période 176 ( * ) .

Évolution du recours à l'intérim et aux heures supplémentaires (2016-2020)

(en ETP)

Source : réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

(2) Des évolutions très variables selon les différentes entités du groupe et une absence d'efforts réalisés par SNCF Réseau

Au cours des dix dernières, les évolutions d'effectifs ont été très variables entre les différentes entités du groupe. Alors que les effectifs de Fret SNCF et de SNCF Voyageurs ont été réduits de respectivement 52 % et 15 %, ceux de SNCF Réseau ont augmenté de 3 % . Dans le même temps, les effectifs administratifs ont été réduits de 22 % 177 ( * ) .

La baisse d'effectifs conséquente observée chez Fret SNCF s'explique par le déclin du fret ferroviaire, les pertes de parts de marché de la société et des gains de productivité 178 ( * ) . En ce qui concerne SNCF Voyageurs , la digitalisation des canaux de distribution et les gains de productivité en gares ont été les principaux moteurs des réductions de postes. Au cours des prochaines années, la baisse des effectifs de SNCF Voyageurs devrait rester soutenue et significativement supérieure à la moyenne du groupe en raison de la dynamique d' ouverture à la concurrence et de la perte d'appels d'offre sur les services conventionnés 179 ( * ) .

Outre l'absence de véritables gains de productivité , l'augmentation des effectifs du gestionnaire d'infrastructure peut en partie s'expliquer par le renforcement du programme de régénération du réseau jusqu'en 2015 et, surtout, par le retard considérable de déploiement des programmes de modernisation du réseau, au premier rang desquels la commande centralisée du réseau (CCR) 180 ( * ) .

Évolution des effectifs de SNCF Voyageurs et SNCF Réseau (2011-2020)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Alors qu'il n'a absolument pas été concerné par les efforts de réduction au cours de ces dernières années, il est absolument impératif que SNCF Réseau , en mal de productivité et de performance, engage enfin une diminution sensible de ses effectifs .

Dans son rapport précité de 2019, la Cour des comptes soulignait déjà les « différences entre les efforts faits pour réduire les effectifs dans l'exploitation (transport de voyageurs et fret) et l'insuffisance des gains de productivité dégagés dans la branche infrastructure » 181 ( * ) . La trajectoire de réduction d'effectifs de SNCF Réseau devrait à minima atteindre le taux de 2 % par an . La baisse d'environ 1 000 postes constatée en 2021 est un premier signal à confirmer sur la voie des indispensables gains d'efficience du gestionnaire d'infrastructure. La trajectoire prévisionnelle de réduction d'effectifs de SNCF Réseau sera néanmoins affaiblie, entre 2021 et 2023, par la décision de ré-internaliser 500 emplois relevant de compétences et métiers techniques tels que l'entretien des voies ou la signalisation.

En ce qui concerne les effectifs des fonctions transverses , les rapporteurs spéciaux estiment que les efforts entrepris jusqu'à aujourd'hui doivent être poursuivis de façon volontariste . Des marges de manoeuvre demeurent disponibles, elles doivent être mobilisées.

c) Une nécessaire optimisation de la négociation collective et de l'organisation du travail

Alors que la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire prévoyait que les accords collectifs devaient être négociés au niveau de l'ex EPIC SNCF pour l'ensemble des établissements publics de l'ancien groupe public ferroviaire , la réforme pour un nouveau pacte de 2018 a ouvert de nouvelles perspectives et des opportunités de flexibilité renforcées pour le dialogue social à la SNCF.

Aussi, la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ainsi que l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 ont-elles modifié l'article L.2101-6 du code de transports pour prévoir que les négociations obligatoires prévues par le code du travail pouvaient se tenir non plus à l'échelon du groupe mais au niveau de chacune des sociétés qui le composent (cette évolution est décrite en annexe 32). La répartition des thèmes de négociations entre le groupe et les sociétés devait être définie par un accord négocié au niveau du groupe 182 ( * ) .

Cette opportunité de décentralisation de la négociation collective offrait à la SNCF des perspectives prometteuses en termes d'optimisation de son organisation du travail et d'adaptation de celle-ci aux réalités de chaque société et de chaque métier. Elle donnait à la SNCF la perspective de s'affranchir d'une organisation du travail beaucoup trop rigide et standardisée qui affecte sensiblement sa compétitivité. Pourtant, force est de constater, et les rapporteurs spéciaux le regrettent vivement, que l'occasion a été manquée . Par un souci de préservation de la paix sociale au sein du groupe, la SNCF ne s'est pas saisie de ce levier de compétitivité .

En effet, l'accord de groupe destiné à répartir les échelons de négociation , « l'accord relatif à l'unité sociale et à l'évolution du dialogue social sur le périmètre des cinq sociétés SNCF » , a été signé par la direction et l'ensemble des organisations syndicales 183 ( * ) de la SNCF le 29 octobre 2020. Cet accord consensuel et unanime est très conservateur en ce qui concerne la répartition des thèmes de négociation entre le niveau du groupe et celui des sociétés. Il maintient le statu quo antérieur, ce qui n'est pas de nature à permettre à la SNCF de réaliser des gains de productivité par l'optimisation de son organisation du travail.

L'accord négocié réaffirme en effet « l'objectif partagé d'unité sociale » et définit « un large socle de droits et de garanties, commun aux cinq sociétés » . Il précise ainsi que le corpus relevant du socle commun des droits et des garanties du personnel SNCF est « constitué du statut et des éléments connexes, des accords collectifs de niveau ex groupe public ferroviaire et des référentiels prescriptifs de même niveau » .

Alors que la décentralisation des négociations collectives en son sein constitue pour elle un vecteur déterminant de performance , l a SNCF a pourtant souhaité procéder de façon progressive et ne pas passer immédiatement, comme la loi le lui permet, d'accords d'entreprise à l'échelle du groupe à des accords spécifiques à chaque société. La direction des ressources humaines de la SNCF a clairement assumé le fait que cette décision n'avait pour seule motivation que d'apaiser le climat social au sein du groupe, invoquant notamment « une attente très forte des cheminots d'être rassurés quant à leur appartenance à un groupe commun et une unité sociale » ou « une vraie inquiétude des organisations syndicales à l'idée que l'on allait commencer à diverger » .

Cela signifie notamment que l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail signé le 14 juin 2016 continue d'être applicable à l'ensemble du personnel de la SNCF 184 ( * ) . La direction des ressources humaines de la SNCF a signifié aux rapporteurs spéciaux que cet accord sur l'organisation du temps de travail avait constitué un point extrêmement sensible de la négociation de l'accord d'octobre 2020, les syndicats représentant le personnel en faisant un marqueur emblématique de l'unité du groupe ferroviaire.

Or, les règles issues de l'accord sur le temps de travail de 2016 sont particulièrement handicapantes pour la compétitivité de la SNCF. Il en résulte une organisation du travail trop rigide et peu propice à incorporer les gisements existants de gains d'efficience au sein de chaque activité. Selon la Cour des comptes 185 ( * ) , cet accord, duquel résulte « une organisation du travail inadaptée aux métiers » , entraine une perte de productivité substantielle pour la SNCF et la handicape en perspective de l'ouverture à la concurrence . Ce handicap est d'autant plus pénalisant qu'il est tout particulièrement prononcé s'agissant de l'activité TER qui souffre d'un déficit de compétitivité exacerbé du fait de cet accord et d'une organisation du temps de travail largement sous-optimale.

Or, dans les années à venir, c'est sur les services TER que la SNCF sera le plus exposée à la concurrence à travers le lancement des appels d'offre par les autorités organisatrices régionales. À ce titre, il est loin d'être anodin que SNCF Voyageurs ait décidé de créer des filiales ad hoc pour répondre à chacun de ces appels d'offres . Ces sociétés dédiées seront amenées à renégocier localement les accords applicables à la SNCF , y compris l'accord de 2016 relatif au temps de travail. La raison de ce choix est l'impératif , pour la société, d'échapper à ses règles d'organisation du travail trop rigide afin d'atteindre un niveau de compétitivité susceptible de lui permettre de rivaliser avec ses concurrents. La Cour des comptes estime le surcoût lié à cet accord pour la SNCF à 200 millions d'euros par an en comparaison d'une application de l'accord de branche 186 ( * ) .

Par crainte d'un mouvement social, la SNCF a ainsi décidé d'opter pour une stratégie des tous petits pas . Notamment du fait du calendrier de l'ouverture à la concurrence, les rapporteurs spéciaux considèrent cependant que le temps est désormais compté pour la SNCF. Elle doit rapidement et sensiblement améliorer sa compétitivité .

Aussi estiment-ils nécessaire que celle-ci se dirige dès que possible, c'est-à-dire à l'issue de la validité des accords actuels 187 ( * ) , vers une décentralisation beaucoup plus volontariste de la négociation collective au sein du groupe. La direction des ressources humaines de la SNCF a notamment indiqué aux rapporteurs spéciaux que l'accord d'octobre 2020 ne devait être qu'une étape vouée à « préparer le terrain pour évoluer progressivement vers une négociation collective différenciée » et le principe d'accords spécifiques à chaque société. Dans la mesure où ils considèrent que la SNCF ne peut plus se payer le luxe de différer cette réforme indispensable pour garantir sa compétitivité et sa pérennité financière, les rapporteurs spéciaux suivront attentivement l'évolution de la négociation collective à la SNCF.

Les multiples accords locaux, plus favorables encore que l'accord de groupe sur le temps de travail, constituent un autre héritage qui entrave la compétitivité et les perspectives financières de la SNCF. Leur coût annuel est estimé à environ 100 millions d'euros . Même si leur suppression suscite parfois de fortes mobilisations sociales 188 ( * ) , les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est essentiel que le groupe achève la dénonciation des derniers accords locaux existants. Or, la SNCF ne dispose toujours pas d'un programme de dénonciation de ces accords . Elle a signalé aux rapporteurs spéciaux qu'elle ne réalise aucun suivi spécifique de ces accords et qu'elle ne dispose d' aucun recensement exhaustif de ces derniers.

d) Développer la polyvalence des personnels, en particulier chez SNCF Réseau, et faire monter en puissance l'externalisation
(1) Une polyvalence à promouvoir davantage, tout particulièrement chez SNCF Réseau

Comparativement aux standards d'opérateurs de transport (en ce qui concerne SNCF Voyageurs) et de gestionnaires d'infrastructure ferroviaire (en ce qui concerne SNCF Réseau) comparables, la SNCF se distingue par une polyvalence insuffisante de ses personnels . En 2019, la Cour des comptes 189 ( * ) notait que le défaut de polyvalence des personnels de la SNCF était « source de rigidité » et un « point faible majeur pour le groupe public ferroviaire » .

Si certains progrès peuvent être notés du côté de SNCF Voyageurs, ce manque de polyvalence est marqué chez SNCF Réseau et explique une part de son déficit de performance . Aussi, les rapporteurs spéciaux considèrent-ils que la polyvalence des agents, tout particulièrement chez SNCF Réseau, gagnerait à être très sensiblement renforcée.

Des efforts en ce sens sont d'autant plus nécessaires que le coût de ce manque de polyvalence est loin d'être négligeable. Il a été évalué à 350 millions d'euros par an par la Cour des comptes 190 ( * ) , c'est à dire un montant supérieur aux surcoûts cumulés engendrés par l'accord de 2016 sur le temps de travail et aux accords locaux plus favorables à ce dernier.

Si aucun dispositif spécifique formalisé n'est réellement prévu au sein de SNCF Réseau, le plan stratégique ouvre néanmoins certaines pistes pour développer la polyvalence entre certaines spécialités et la société a lancé un programme de développement de passerelles inter-métiers . Au sein du groupe, les progrès réalisés jusqu'ici ont surtout concerné les métiers commerciaux , à bord comme au sol. Pour que SNCF Réseau améliore sensiblement sa performance, il est absolument indispensable qu'elle dispose d'agents polyvalents, formés à différents métiers et capables d'intervenir sur différentes installations ainsi que différents appareils de voie . À titre d'exemple, les agents affectés à l'entretien de la signalisation pourraient également intervenir sur les voies.

Le développement de la polyvalence au sein de la SNCF reste entravé par une classification des emplois datée, figée dans une approche en silos des métiers et qui n'est plus du tout en phase avec les références développées au sein de la branche ferroviaire . Le dictionnaire des filières datant de 1991 et mis à jour pour la dernière fois en 2005 est complètement obsolète . Il doit être mis à jour en 2022 (voir pour plus de détails l'annexe 33), sous forme d'emplois-types et de familles professionnelles, via la transposition de la nouvelle classification des emplois négociée au sein de la branche ferroviaire. Les rapporteurs spéciaux seront vigilants à la concrétisation de cette perspective indispensable qui intervient malheureusement tardivement.

(2) Promouvoir une montée en puissance progressive de l'externalisation

Le développement de l' externalisation , principalement en ce qui concerne les chantiers d'infrastructures, représente un gisement d'efficience à ne pas négliger même si son bilan est aujourd'hui contrasté. L'accroissement du recours à l'externalisation est une piste pour réduire les coûts d'emploi et bénéficier des innovations techniques des sous-traitants. Les interventions réalisées en propre par SNCF Réseau seraient 20 à 25 % plus chères que les standards des entreprises privées .

Si le recours à l'externalisation s'est accru, son impact sur les effectifs reste en deçà du potentiel . SNCF Réseau s'était fixé comme objectif d'atteindre 30 % d'externalisation sur la maintenance des infrastructures et 40 % sur l'ingénierie. La Cour des comptes 191 ( * ) a constaté que la mise en oeuvre de cet objectif ne s'est pas accompagnée, sur la période 2015-2017, d'une réduction des effectifs dans les métiers de maintenance.

SNCF Réseau externalise 25 % de ses activités de maintenance , soit une part inférieure à l'objectif de 30 % qu'elle s'était fixé même si ce taux est deux fois plus élevé que ce qu'il était il y a dix ans. Le gestionnaire d'infrastructure sous-traite par ailleurs 70 % des grands travaux . Dans les années qui viennent, SNCF Réseau ne prévoit pas de promouvoir davantage le recours à la sous-traitance, au contraire, un programme de réinternalisation de 500 postes est prévu d'ici 2023 sur des métiers techniques relatifs à l'entretien des voies et à la signalisation.

Les rapporteurs spéciaux ont appris que SNCF Réseau avait envisagé de recourir à l'externalisation pour la maintenance et la régénération du réseau . Un marché de partenariat avec des gestionnaires d'infrastructure privés a aussi été envisagé pour la sécurisation des passages à niveaux , sur le modèle du développement de la technologie du GSM-Rail 192 ( * ) confié à Synerail.

Le défaut de visibilité financière à long terme de SNCF Réseau dû aux engagements insuffisants de l'État freine néanmoins la société dans ce type d'externalisation .

Compte tenu des autres besoins d'investissements structurels et des financements insuffisants dont ils font l'objet, notamment s'agissant de la régénération du réseau, SNCF Réseau n'est pas prêt à prendre des engagements financiers de longs termes avec des co-contractants et ce, même si cette perspective est source de gains d'efficience .

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que regretter que les ambitions insuffisantes de l'État en faveur des infrastructures ferroviaires privent SNCF Réseau de sa capacité à opter pour des choix stratégiques susceptibles d'améliorer la performance du réseau tout en ayant une incidence positive sur les perspectives financières de la société.

L'externalisation apparaît aussi comme un bon moyen d'accélérer le développement des innovations dans la maintenance et l'entretien des infrastructures. Des gestionnaires d'infrastructure privés , acteurs plus petits et plus agiles que SNCF Réseau, apparaissent plus susceptibles d'intégrer les innovations vectrices de gains d'efficience dans la gestion du réseau ferré. C'est particulièrement le cas en ce qui concerne la maintenance des infrastructures avec le développement rapide de solutions nouvelles.

En ce qui concerne les grands projets de construction de nouvelles lignes , d'après une étude réalisée par Ernst & Young en 2017 193 ( * ) à la demande de l'association française des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires indépendants (AGIFI), 70 % des projets réalisés en maîtrise d'ouvrage privée respectent les délais initialement prévus, contre 30 % des projets réalisés en maîtrise d'ouvrage publique . Par ailleurs, lorsqu'ils surviennent, les surcoûts constatés en cours de réalisation seraient en moyenne de moins de 5 % en maîtrise d'ouvrage privée, contre près de 20 % pour la maîtrise d'ouvrage publique.

Au-delà du seul gestionnaire d'infrastructure, les opportunités d'externalisation doivent être saisies par le groupe si elles présentent un bilan financier positif et ne risquent pas de se traduire par des pertes de compétences stratégiques 194 ( * ) . La SNCF a notamment procédé à une sous-traitance poussée de son activité numérique , externalisée à 60 % 195 ( * ) . Elle entend aujourd'hui réinternaliser une partie de ces prestations informatiques sous-traitées. Pour le groupe, des pistes d'externalisation restent à rechercher dans les prestations d'entretien des bâtiments tertiaires .

e) Un ajustement nécessaire d'un système de facilités de circulation qui coûte plus de 100 millions d'euros par an à la SNCF

Si pour maintenir la paix sociale la direction de la SNCF a renoncé à toucher aux facilités de circulation, les rapporteurs ont le sentiment que le système , fruit d'une sédimentation de textes successifs depuis 1938, mériterait d'être interrogé . Quand bien même leur coût n'apparaît pas extravagant, les facilités de circulation accordées par la SNCF à ses agents et à leurs ayants droits n'en sont pas moins très généreuses et étendues .

S'il n'est pas question de les abolir, à l'heure où l'ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs se profile, la SNCF ne devrait pas s'interdire de réfléchir à y apporter certains ajustements. Les rapporteurs spéciaux ont bien conscience de l'enjeu symbolique des facilités de circulation à la SNCF, considérées par certains comme un acquis, partie intégrante de l'identité de l'entreprise. Aussi, ne s'agit-il pas d'en contester le principe. D'ailleurs, quand on regarde ce qui existe dans d'autres grandes entreprises comparables, la SNCF ne fait pas vraiment figure d'exception.

Son système se distingue néanmoins par le cumul d'avantages tarifaires très généreux et d'un périmètre de bénéficiaires très large. En effet, ce périmètre inclut, pour les agents actifs, comme pour les agents retraités, non seulement leurs ayants droits directs mais aussi un spectre très étendu d'ayants droits indirects , à savoir les parents et grands-parents de l'agent et de son partenaire de couple. Aussi, les rapporteurs spéciaux considèrent qu' il serait raisonnable de songer à restreindre le nombre des bénéficiaires d'autant plus que la légalité de l'inclusion des ascendants pourrait être mise en doute d'après une récente mission interministérielle menée par l'inspection générale des finances (IGF), l'inspection générale des affaires sociales (IGASS) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 196 ( * ) .

Mais au-delà de cette réflexion nécessaire, la première des priorités est de rendre le système plus transparent . Aujourd'hui, il ne l'est pas suffisamment. Les systèmes d'information de la SNCF ne permettent pas d'assurer un suivi de l'utilisation des facilités et, d'ailleurs, certaines d'entre elles ne donnent même pas lieu à prise de billets.

Les difficultés à estimer le coût de ces avantages pour la SNCF sont tout à fait symptomatiques du manque de transparence du système. Alors que la Cour des comptes estime le manque à gagner à 220 millions d'euros, la SNCF se contente de constater « l'effet d'éviction » pour les seuls trains complets, soit 30 millions d'euros . En intégrant un effet élasticité prix, la mission interministérielle de juillet 2021 précitée a évalué la perte de chiffres d'affaire pour la SNCF à 105 millions d'euros .

Enfin, la réforme du système est aussi une question d'équité . Aujourd'hui, notamment du fait de l'absence de suivi individualisé des facilités, le régime fiscal et social qui leur est appliqué n'est pas conforme au droit commun . D'une part la SNCF assume le paiement des cotisations sociales sur ces avantages en nature et, d'autre part, ils ne font pas l'objet de déclaration au titre de l'impôt sur le revenu.

Dans son rapport précité de 2019 la Cour des comptes jugeait elle aussi qu'elles sont « excessives du point de vue du périmètre des bénéficiaires et du niveau de réduction » . Elle estimait qu'il s'agit d'un « avantage à recentrer et mieux contrôler » .

3. Une politique tarifaire tournée vers l'accessibilité et la transparence pour bannir le phénomène « d'exclusion ferroviaire »
a) Des enjeux d'attractivité renouvelés qui supposent une nouvelle stratégie commerciale

Alors que pour tenir ses engagements climatiques la France devra considérablement développer la mobilité par train , la SNCF envisage une perspective ambitieuse d'augmentation de 30 % de la demande de transport ferroviaire entre 2019 et 2030 . Cela revient à passer de 115 millions à 200 millions de voyages sur la période. D'ici 2030 , elle poursuit l'objectif de doubler la part modale du transport ferroviaire de voyageur. Aujourd'hui , le transport ferroviaire de voyageurs ne compte que pour 12 % de la part modale au sein des transports terrestres. Indispensable pour que la France donne corps à ses engagements en faveur de la transition écologique, cet objectif ambitieux ne pourra cependant avoir une chance d'advenir qu'à condition que le transport ferroviaire gagne en accessibilité et soit véritablement à la portée financière de tous .

Nul ne peut nier aujourd'hui qu'il existe un vrai phénomène d'exclusion ferroviaire qui conduit des ménages modestes ou issus de la classe moyenne à se détourner du train. La proposition défendue par les rapporteurs spéciaux de réduire drastiquement les péages ferroviaires en supprimant les redevances dites de marché, soit une baisse de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an, a pour objet de contribuer à réduire fortement le prix des billets. L'ouverture à la concurrence du marché domestique aura également un effet déflationniste . La conjugaison de ces deux phénomènes pourra enfin lancer la mobilité ferroviaire sur les voies de la démocratisation et de la massification .

Au-delà même des seuls prix des billets, c'est l'absence de transparence sur leur formation qui est dénoncée de longue date par les voyageurs. La mise en place du yield management 197 ( * ) à la SNCF depuis 1993 a été un échec , source d' incompréhension pour les voyageurs, de méfiance et, in fine, d'une certaine forme de rejet à l'égard du groupe ferroviaire et du train en général. Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette situation défavorable au développement de la mobilité ferroviaire doit absolument cesser . Les enjeux de la transition écologique en France en dépendent.

Il semble que la SNCF ait pris conscience du phénomène et ait commencé à infléchir sa politique tarifaire . En développant son offre Ouigo , SNCF Voyageurs a offert aux clients des prix plus bas au sein d'une gamme tarifaire plus simple et transparente. À l'été 2021 , à travers son programme baptisé « easy TGV », SNCF Voyageurs a entrepris de réformer sa politique tarifaire pour infléchir, encore très timidement, la pratique du yield management , offrir des prix et des offres plus attractives et rendre plus lisible l'offre tarifaire . Sans remettre en cause la politique de yield management , cette réforme s'est notamment traduite par l'instauration de prix plafonnés en seconde classe sur les TGV Inoui et les Intercités. Elle visait aussi à simplifier les offres promotionnelles à travers leur fusion en une seule baptisée « carte avantage » qui, outre des réductions de tarifs, devait garantir des places en seconde classe plafonnées à 39 euros pour un trajet de moins d'une heure et trente minutes, à 59 euros jusqu'à trois heures et à 79 euros au-delà de trois heures. La réforme a aussi prévu la création d'un abonnement spécial télétravailleurs, permettant deux allers-retours par semaine sur un même trajet. Par ailleurs, en novembre dernier, le PDG de SNCF Voyageurs s'est engagé à ce que le prix des billets de TGV n'augmente pas en 2022.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que pour tenir compte des effets structurels de la crise sanitaire sur les comportements de mobilité, en particulier concernant les voyages d'affaires, et pour intégrer une conscience environnementale croissante au sein de la population, la SNCF doit continuer à faire évoluer sa politique commerciale . Elle doit proposer de nouvelles offres adaptées et attractives à destination tant de la clientèle loisirs que de la clientèle affaires, des abonnés comme des voyageurs occasionnels, en ciblant tout particulièrement les voyageurs sensibles à la cause environnementale 198 ( * ) .

Les rapporteurs spéciaux considèrent que la réforme tarifaire de l'été 2021 n'a pas été assez loin. Le yield management demeure la pratique de droit commun et l'opacité sur la formation des prix des billets est loin d'avoir été dissipée. Ils souhaitent que la SNCF poursuive ses efforts pour développer une politique commerciale plus attractive et plus transparente afin de développer l'usage de la mobilité ferroviaire et d'atteindre les objectifs ambitieux de report modal.

Leur recommandation d'une révolution du modèle de financement du réseau qui doit se traduire par une diminution sensible des péages doit aussi oeuvrer en ce sens.

b) L'innovation doit aussi contribuer à redresser la situation financière de la SNCF

L'innovation dans le domaine ferroviaire présente des opportunités de gains d'efficience dont la SNCF doit se saisir et qui doivent contribuer, sur le moyen-long terme, à améliorer sa compétitivité et à dégager ses perspectives financières . Comme démontré supra , les innovations en matière d'exploitation, de maintenance ou de renouvellement des infrastructures ferroviaires sont tout à fait essentielles pour résoudre les problèmes structurels de performance du réseau ferroviaire et assurer la viabilité économique de SNCF Réseau. Au-delà des infrastructures ferroviaires, des innovations dans le domaine des matériels roulants sont aussi riches de promesses. Elles sont présentées en annexe 34.

Le « TGV du futur », dit TGVM, constitue l'un des axes de la SNCF en ce qui concerne l'innovation de ses matériels roulants. Il devrait permettre de rendre plus performante l'activité grande vitesse en raison de prix d'acquisition inférieur de 15 % au TGV duplex actuel, de coûts de possession et de maintenance diminués de 30 %, d'une consommation énergétique réduite de 20 % et d'une capacité d'accueil augmentée de 10 %. SNCF Voyageurs a d'ores et déjà commandé cent rames de ce nouveau TGV pour près de 3 milliards d'euros . Les premières doivent être livrées en 2024.

Les innovations en termes de matériel roulant sont également très avancées en ce qui concerne l'activité TER grâce notamment à l'engagement financier des régions. Le train à hydrogène semble être l'option la plus indiquée pour remplacer les locomotives diesel sur les lignes non électrifiées. Ces innovations sont entièrement financées par les régions . Plusieurs d'entre-elles ont déjà lancé des programmes d'acquisition de trains hydrogène 199 ( * ) soutenues à hauteur de seulement 47 millions d'euros d'avances remboursables par l'État. La question de l'opportunité financière , sur le long terme, de recourir à la location plutôt qu'à l'acquisition pourrait se poser, notamment en raison des compétences et moyens à consacrer en termes d' asset management afin de s'assurer que l'entretien et la maintenance sont optimales et permettent de préserver, sur un cycle de vie de plusieurs dizaines d'années, la valeur de cet actif très coûteux.

C. GÉNÉRATRICE D'UN CERCLE VERTUEUX FINANCIER, L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DOIT ÊTRE CONCRÉTISÉE PAR LA SÉPARATION DU GESTIONNAIRE D'INFRASTRUCTURE D'AVEC LA SNCF

1. La concurrence génère un cercle vertueux qui contribue à l'équilibre du modèle économique ferroviaire

L'ouverture à la concurrence du transport domestique de passager est une opportunité pour l'ensemble de l'écosystème ferroviaire français ainsi que pour tous les acteurs qui le composent. Les exemples étrangers nous montrent qu'elle se traduira tant par un développement de l'offre de transport que par des gains de productivité pour les opérateurs, une baisse des besoins de contributions publiques, une diminution du prix des billets pour les passagers et un accroissement sensible de la demande . Les exemples allemands et suédois , dont l'ouverture à la concurrence sur les lignes régionales a débuté il y a plusieurs décennies, illustrent ce cercle vertueux. Concernant la grande vitesse, l'exemple italien , plus récent, est également éloquent.

En Allemagne, l'offre de services conventionnés a progressé de 19 % entre 2000 et 2019 . Le transport régional de passagers à lui seul a progressé de 8 % entre 2006 et 2018. Dans le même temps, la fréquentation des trains régionaux a augmenté deux fois plus vite qu'en France (+ 19% contre + 10 %). Entre 1990 et 2012, le trafic a progressé de 50 % en Suède .

Évolution de l'offre et de la demande de services conventionnés en Allemagne depuis la libéralisation du marché (2000-2019)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'Autorité de régulation des transports (ART)

L'Autorité de régulation des transports (ART) constate que, si le degré d'ouverture des marchés ferroviaires européen est variable d'un pays à l'autre, il est corrélé à l'offre ferroviaire . En ce qui concerne l'offre de transports conventionnés, et en se basant sur les derniers chiffres publiés par l'IRG-Rail, l'ART note ainsi que celle-ci, nettement plus élevée qu'en France, progresse dans les pays qui ont libéralisé leur marché de longue date (en Allemagne ou au Royaume-Uni) alors qu'elle stagne (en Espagne ou en Belgique) ou régresse (en France) dans les autres . L'ART constate le même phénomène concernant l'évolution de la fréquentation des trains. Ainsi, depuis 2010, la fréquentation des services conventionnés progresse en moyenne de 2,5 % et 2,6 % par an en Allemagne ou au Royaume-Uni contre seulement 0,5 % par an en France.

Au regard de ces exemples étrangers, la baisse des coûts d'exploitation résultant de l'émergence d'un marché concurrentiel en France pourrait se situer entre 20 % et 30 % . En Allemagne , où la concurrence sur les transports régionaux existe depuis 25 ans, le coût de roulage des TER est inférieur de plus de 30 % à celui qui prévaut aujourd'hui en France .

Mise sous tension par l'ouverture à la concurrence, SNCF Voyageurs est fortement incitée à gagner en compétitivité , ce qui contribuera à rééquilibrer sa situation et ses perspectives financières . Le développement rapide de l'offre Ouigo reposant sur des prix attractifs, notamment grâce à un système de rotation très rapide du parc permettant d'optimiser la rentabilité du matériel roulant, est fortement stimulé par la perspective de l'arrivée de la concurrence .

La création par SNCF Voyageurs de filiales dédiées pour répondre aux appels d'offre des régions est un autre exemple de l' adaptation de l'opérateur historique au nouvel environnement de concurrence. À travers ces filiales ad hoc, la SNCF entend gagner en compétitivité en se libérant du carcan des règles d'organisation du travail trop lourdes et rigides qui la régissent . Ce n'est qu'à cette condition que l'opérateur peut avoir une chance de rivaliser avec ses concurrents. Aussi, un enjeu prioritaire de l'ouverture à la concurrence pour la SNCF sera-t-il de définir le cadre social applicable à ces futures sociétés.

Il est également intéressant de noter qu' entre 2002 et 2018, les contributions publiques au service ferroviaire régional de passagers ont diminué de 34 % en Allemagne quand, sur la même période, elles progressaient de 92 % en France. L'ouverture à la concurrence, à travers les gains de productivité qu'elle suscite, rend le modèle ferroviaire économiquement plus viable et moins dépendant des subventions publiques.

Évolution des concours publics aux activités de transport ferroviaire conventionnées en Allemagne (2005-2019)

Source : Autorité de régulation des transports (ART)

Plusieurs études universitaires, réalisées notamment au cours de la deuxième moitié de la décennie 2010, ont démontré que le fait que les positions de l'opérateur historique soient devenues contestables a entraîné une baisse des prix des billets . Le phénomène a notamment pu être observé en Italie, en Suède ou en République Tchèque avec des diminutions à deux chiffres. L'Italie a libéralisé son marché de la grande vitesse il y a près de quinze ans. Depuis, l'offre a explosé. Le marché du TGV a doublé tandis que les prix des billets ont baissé de plus de 40 % .

Dans la mesure où elle doit générer une dilatation globale du marché ferroviaire et qu'elle doit constituer un aiguillon favorable aux gains d'efficience, l'ouverture à la concurrence est une opportunité plus qu'un risque pour la SNCF , à condition qu'elle en prenne toute la mesure et qu'elle s'emploie à mettre en oeuvre tous les efforts de compétitivité nécessaires. De plus, l'histoire montre que les positions de l'opérateur historique ne seront pas immédiatement et massivement ébranlées . Ainsi, au regard des expériences étrangères, les opérateurs alternatifs n'envisagent-ils qu'une part de marché de l'ordre de 10 % d'ici dix ans et de 50 % à l'issue du processus .

L'exemple allemand est illustratif. S'agissant de l'activité TER , après 25 ans d'ouverture à la concurrence et des gains de productivité considérables, la Deutsche Bahn (DB) conserve 67 % des parts de marché en termes de contrats régionaux et 83 % si l'on résonne en passagers.km . En Allemagne, la concurrence a développé le marché et généré des gains de productivité sans porter atteinte à la croissance et à l'équilibre financier de l'opérateur historique. En Suède , le marché des TER est ouvert à la concurrence depuis 1988 et l'opérateur historique conserve 54 % des parts de marché en trains.km. En Italie, Trenitalia domine toujours le marché ferroviaire avec environ 60 % de parts de marché .

2. Au-delà des discours, rendre la concurrence effective en assurant l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure

En Europe, la France est l'un des pays les plus en retard dans le processus d'ouverture à la concurrence. En effet, elle est l'un des derniers pays à libéraliser son marché domestique. Plusieurs (Allemagne, Suède, Royaume-Uni, etc .) on fait ce choix il y a déjà plus de vingt ans. Dans son rapport de suivi sur l'évolution du marché ferroviaire, la Commission européenne observe « qu'en ce qui concerne le marché de services de transport des voyageurs librement organisés, en 2018 la France se situe aux dernières places (environ 8% du marché national ouvert aux concurrents) parmi les États membres considérés » .

Les fruits de l'ouverture à la concurrence ne pourront être obtenus que si les barrières à l'entrée sur le marché sont levées . Or, il apparaît que de nombreux freins entravent encore la concrétisation de l'ouverture à la concurrence en France.

Certaines barrières techniques persistent tels que les systèmes de signalisation et de sécurité embarqués. Le défaut d'interopérabilité du réseau , notamment du fait du retard considérable dans le déploiement de la technologie ERTMS 200 ( * ) , complique considérablement la tâche des opérateurs alternatifs. La concurrence sur les sillons horaires et pour l'accès aux gares est inégale dans la mesure où la SNCF occupe déjà les sillons les plus rentables. Les conditions actuelles d'accès à l'infrastructure ferroviaire constituent aujourd'hui un frein indéniable pour l'arrivée sur le marché des nouveaux entrants. L'Autorité de régulation des transports (ART) souligne à ce titre le manque de transparence persistant dans le processus d'allocation des sillons. L'État devrait se saisir du contrat de performance de SNCF Réseau pour impulser et imposer au gestionnaire d'infrastructure une vraie amélioration de l'efficacité du processus de répartition des capacités . Au-delà du seul réseau, c'est l'accès aux installations de service qui porte un réel préjudice à l'ouverture à la concurrence.

L'enjeu de l'accès aux installations de service

La qualité de l'accès aux installations de service doit encore progresser. D'une part, l'accès à des installations de maintenance des matériels roulants peut s'avérer incontournable, en particulier dans une phase de démarrage d'activité. La possibilité d'investir dans de telles installations repose sur la possibilité de disposer d'un niveau d'activité suffisant pour générer les économies d'échelle requises et la disponibilité de surfaces foncières dont le positionnement est cohérent par rapport au plan de transport envisagé. C'est pourquoi, même si d'importants progrès ont été faits ces dernières années, la mise à disposition d'une offre régulée de maintenance appropriée s'avère aujourd'hui incontournable.

D'autre part, l'accès à des voies de garages est crucial pour permettre l'exploitation de services dans des conditions satisfaisantes. Sur ce sujet également, la mise à disposition d'une offre régulée adaptée et complète apparaît incontournable.

Source : réponses de l'Autorité de régulation des transports (ART) au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'accès au matériel roulant n'est pas la moindre des difficultés pour les nouveaux entrants potentiels. Aussi, le développement d'un marché de l'occasion et de la location , via des ROSCO ( rolling stock company ), serait-il de nature à favoriser la concurrence.

Le niveau des péages en France constitue un frein majeur à l'ouverture à la concurrence que les rapporteurs spéciaux entendent lever grâce à leur proposition de réforme du modèle de financement du réseau. D'après l'ART, la structure des tarifs des gares , des installations d'entretiens de matériels roulants , des voies de manoeuvre et de stationnement des matériels roulants, ainsi que des stations d'approvisionnement en combustible entrave également les perspectives d'ouverture à la concurrence . La tarification des installations de services et des prestations fournies manque de lisibilité et ne permet pas aux entrants potentiels d'avoir accès à une information transparente sur les coûts d'exploitation.

L'accès transparent aux données détenues par la SNCF constitue un enjeu majeur du processus d'ouverture à la concurrence. Les données liées à l'exploitation, la fréquentation, la maintenance ou le personnel sont indispensables aux autorités organisatrices pour établir les cahiers des charges des appels d'offre et conditionnent la capacité des candidats à proposer des offres adaptées. Or, il apparaît que la SNCF s'est montrée particulièrement réticente ces derniers mois pour fournir les informations requises.

Des régions ont dû saisir l'ART qui a enjoint l'opérateur historique à s'exécuter. À titre d'exemple, en février 2022, l'ART a mis en demeure la SNCF de transmettre les informations nécessaires à la région Hauts-de-France. Selon l'exécutif régional, les tergiversations de la SNCF ont conduit à décaler d'un an le calendrier d'ouverture à la concurrence des TER.

Un autre frein majeur à l'ouverture à la concurrence et au développement du secteur ferroviaire réside dans l'accessibilité des référentiels de sécurité . Aujourd'hui, les règles de sécurité qui s'imposent dans le secteur ferroviaire en France sont celles qui ont été mises en place , au cours de sa longue histoire, par la SNCF . Or, celle-ci les considère comme faisant partie intégrante de son savoir-faire et ne garantit pas aux autres opérateurs une accessibilité complète à ces données pourtant essentielles à la gestion ferroviaire. Qui plus est, il n'est pas satisfaisant que les opérateurs en concurrence avec la SNCF soient obligés de s'en remettre à elle et de faire appel à sa bonne volonté pour déployer l'offre ferroviaire en France.

Notamment pour garantir les conditions d'une ouverture effective à la concurrence, il apparaît indispensable que des référentiels si importants ne soient pas attachés à un seul acteur du marché mais partagés entre l'ensemble des opérateurs. Il apparaît nécessaire que de tels référentiels soit à la fois dynamiques, accessibles et libres. Les gestionnaires d'infrastructure privés regroupés au sein de l'association française des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires indépendants (AGIFI) ont ainsi demandé à la DGITM de créer un groupe de travail pour résoudre cette problématique essentielle. Il apparaît nécessaire que l'État prenne ses responsabilités sur ce sujet et impose qu'un organisme indépendant porte ces référentiels et en assure un accès libre .

Les relations financières qui existent entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs s'avèrent aussi problématiques et sont susceptibles d'instiller un doute dans l'esprit des nouveaux entrants quant à la totale impartialité de SNCF Réseau . En effet, le fait qu'une partie des financements de SNCF Réseau dépendent directement des résultats de SNCF Voyageurs , et donc de son activité et de ses performances financières, n'est pas de nature à éliminer les interrogations des opérateurs alternatifs, bien au contraire.

La meilleure des assurances d'une ouverture à la concurrence effective reste l es garanties d'indépendance du gestionnaire d'infrastructure . Or, comme l'Autorité de régulation des transports (ART), les rapporteurs spéciaux considèrent que cet enjeu constitue l'une des principales faiblesses de la réforme pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018. L'organisation actuelle du groupe ferroviaire intégré, qui comprend en son sein, l'opérateur de transport historique, SNCF Voyageurs, et le gestionnaire d'infrastructure, SNCF Réseau, sous la direction d'une même entité, la société anonyme (SA) SNCF, ne présente pas , selon les rapporteurs spéciaux, toutes les garanties suffisantes , à tout le moins, elle ne respecte pas la théorie des apparences .

L'ART considère ainsi que la réorganisation du groupe SNCF, effective depuis 2020 et issue de la réforme de 2018, n'a pas renforcé l'indépendance de SNCF Réseau. Au contraire, « il apparaît même qu'elle a reculé avec la réforme », notamment car SNCF Réseau a perdu la capacité de se financer de manière autonome sur les marchés, la maison mère étant l'émetteur unique d'obligations du groupe.

L'ART estime ainsi que « SNCF Réseau ne dispose pas des moyens financiers et de gouvernance propres à garantir la bonne réalisation, en toute indépendance, de ses missions » . Cette situation participe potentiellement à rendre tributaires les investissements de SNCF Réseau de la stratégie de financement définie par la holding du groupe SNCF. Les rapporteurs spéciaux partagent les craintes et la vigilance de l'ART concernant le fait qu' en aucun cas cette perte d'autonomie financière de SNCF Réseau ne doit conduire la société mère du groupe SNCF a influer sur l'appréciation de l'opportunité de satisfaire des besoins de financement nécessaires à la réalisation d'investissements et, par ce biais, intervenir pour différer ou bloquer la réalisation de projets d'infrastructures.

Selon l'ART, l'organisation actuelle ne doit être qu'une phase transitoire avant la concrétisation d'une nouvelle organisation donnant davantage de garanties d'indépendance au gestionnaire d'infrastructures. Les opérateurs alternatifs, représentés notamment par l'association française du rail (AFRA), considèrent que du temps de réseau ferré de France (RFF), qui était séparé de l'opérateur de transport ferroviaire historique, des progrès significatifs avaient été réalisés en termes de gouvernance, de qualité de service et de relation clients, progrès en partie remis en cause depuis la reformation d'un groupe ferroviaire intégré.

Aux yeux des rapporteurs spéciaux, y compris en vertu de la théorie des apparences, il n'apparaît pas souhaitable que des représentants de la société mère du groupe SNCF soient membres à part entière du conseil d'administration de SNCF Réseau .

Les rapporteurs spéciaux ne se satisfont pas des mesures mises en oeuvre actuellement au sein du groupe SNCF pour assurer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure. Le code de bonne conduite relatif aux fonctions essentielles, contrôlé par l'ART, le dispositif d'alerte permettant à tout agent de SNCF Réseau de signaler toute violation dudit code, ou le plan de gestion des informations confidentielles (PGIC) ne sont pas suffisants à leurs yeux.

Cette question d'indépendance se répercute également au niveau déconcentré puisque la mission de coordinateur local du groupe SNCF a été confiée aux directeurs régionaux TER . Il n'est pas concevable que les directeurs territoriaux de SNCF Réseau ou de Gares et Connexions puissent être placés, même très partiellement, sous la responsabilité d'un représentant de SNCF Voyageurs .

Pour ces raisons, et pour que l'ouverture à la concurrence puisse servir le modèle économique du secteur ferroviaire, les rapporteurs spéciaux estiment nécessaire de rendre le gestionnaire d'infrastructure pleinement indépendant de l'opérateur de transport historique en le sortant du groupe ferroviaire intégré actuel.

CONCLUSION

Il est encore temps de remettre sur rail la SNCF et le système ferroviaire français. Les rapporteurs spéciaux en sont convaincus, les difficultés financières de la SNCF et le déséquilibre du modèle économique ferroviaire en France ne sont pas une fatalité. Toutefois, la SNCF et le secteur ferroviaire français se trouvent à la croisée des chemins. Il est temps d'apporter des réponses aux défis qui se dressent devant eux avec pour perspective un développement considérable de l'offre et de la demande ferroviaire pour répondre aux enjeux climatiques ambitieux et renouvelés par le green deal européen. Pour cela il faudrait mettre en place les mesures structurantes proposées par les rapporteurs.

Ils tiennent d'abord à souligner que, aussi importants soient-ils, les objectifs de retour à l'équilibre financier de la SNCF ne doivent pas être considérés comme l'alpha et l'oméga de la bonne santé du secteur ferroviaire national. Une SNCF financièrement équilibrée mais opérant sur un réseau vétuste et déclassé ne serait pas satisfaisant. Le premier des défis à relever est celui du renouvellement et de la modernisation de nos infrastructures vieillissantes. Sans un engagement financier beaucoup plus massif de l'État, le réseau français va irrémédiablement décrocher de ses homologues européens. Car les rapporteurs ne peuvent se résoudre à un tel scénario, ils recommandent donc de porter à 3,8 milliards d'euros annuels pendant dix ans l'effort de régénération du réseau et de financer un déploiement accéléré des programmes de modernisation du réseau.

De façon plus générale, il leur paraît impératif que l'État conçoive et applique enfin une véritable stratégie ferroviaire ambitieuse, se réengage financièrement, tienne ses promesses et donne de la visibilité au secteur. Cette exigence impose notamment que soit révisé le projet de contrat de performance de SNCF Réseau pour qu'il traduise une vraie vision à dix ans et des engagements pluriannuels réels et fiables de la part de l'État.

La SNCF doit faire sa part du chemin. Elle doit combler son déficit de compétitivité pour rééquilibrer sa situation financière. Pour se faire, elle devra amplifier sa trajectoire de réduction d'effectifs pour la porter à environ 2 % par an. La SNCF doit conduire une véritable révolution culturelle. Les gains d'efficience qu'elle doit réaliser passeront aussi par une optimisation de l'organisation du temps de travail, un développement de la polyvalence de ses personnels ou encore une promotion de l'externalisation.

Les gains de productivité les plus essentiels à la performance du secteur ferroviaire doivent être réalisés par SNCF Réseau qui doit enfin réaliser de vrais gains de productivité industriels. Ses modes de fonctionnement doivent être revus pour s'acculturer à la notion de performance et au pilotage par les résultats. Le suivi de l'exécution de ses objectifs de performance doit être plus rigoureux, plus fiable et plus systématique. Il est symptomatique que SNCF Réseau ne dispose toujours pas à ce jour de comptabilité analytique. Il est urgent qu'il remédie à cette lacune.

Les rapporteurs spéciaux sont convaincus que l'ouverture à la concurrence est une chance pour le secteur ferroviaire français et qu'elle constituera un aiguillon utile pour stimuler les gains de performance de la SNCF. Elle doit générer un cercle financier vertueux qui rendra le système ferroviaire économiquement plus viable. Pour la concrétiser, les rapporteurs spéciaux considèrent que SNCF Réseau doit être rendu réellement indépendant de l'opérateur de transport historique (SNCF Voyageurs) en le sortant du groupe SNCF, comme cela s'est fait dans le secteur de l'électricité.

Plus globalement, les rapporteurs spéciaux ont acquis la conviction que la logique même du modèle de financement du secteur en France n'est plus adaptée aux enjeux de développement de la mobilité ferroviaire en lien avec nos engagements climatiques. Un modèle qui fait dépendre la situation et les perspectives financières de SNCF Réseau ainsi que le renouvellement des infrastructures des bénéfices de SNCF Voyageurs et du TGV n'est ni sain, ni viable et les conséquences structurelles de la crise sur la rentabilité de la grande vitesse pourraient affecter cet équilibre bancal. En outre, ce modèle repose sur un coût disproportionné des péages par rapport à nos voisins, un frein majeur au développement du ferroviaire. Un maintien du statu quo conduirait à rationner l'offre et la demande ferroviaire, en contradiction évidente avec nos engagements environnementaux.

Aussi, constatant son caractère insoutenable, les rapporteurs spéciaux recommandent-ils la remise à plat de ce modèle. Ils proposent de s'inspirer des systèmes en vigueur chez nos voisins pour faire évoluer les équilibres financiers entre l'État, les régions et la SNCF dans la perspective de diminuer les péages et le prix des billets afin de rendre possible un essor décisif du secteur ferroviaire. De son côté, la SNCF doit affirmer avec plus de volontarisme une politique tarifaire fondée sur la transparence et l'accessibilité.

Les rapporteurs spéciaux considèrent ainsi que la réforme du mode de financement du secteur, un engagement stratégique renouvelé de l'État en faveur des investissements dans la régénération et la modernisation du réseau, des gains de productivité significatifs et une réorientation tarifaire plus affirmée de la SNCF doivent se conjuguer pour contribuer à l'émergence d'un modèle économique viable et propice au développement massif de la mobilité ferroviaire.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 mars 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs spéciaux pour les crédits des transports terrestres de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sur leur contrôle budgétaire concernant la situation financière et les perspectives de la SNCF.

M. Claude Raynal , président . - Nous poursuivons notre réunion par la présentation du contrôle de nos collègues Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, rapporteurs spéciaux sur les crédits des transports terrestres de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Ce contrôle porte sur la situation financière de la SNCF et ses perspectives.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Après un point d'étape en septembre dernier, nous vous présentons aujourd'hui les conclusions définitives de notre mission de contrôle.

Pourquoi nous paraît-il si urgent de remettre sur les rails le modèle économique de la SNCF ? Les conséquences conjoncturelles de la crise occupent la majorité des discours sur les finances de la SNCF. Loin de nous l'idée d'en nier l'ampleur, mais la crise n'explique pas à elle seule les difficultés financières de la SNCF et plus particulièrement celles de son coeur ferroviaire.

Nous avons porté notre attention sur les déterminants structurels de la situation de la SNCF. Il nous est apparu que les réformes qui se sont succédé au cours des trois dernières décennies ne sont pas suffisantes pour assurer la viabilité économique du modèle ferroviaire, dans un contexte où il doit considérablement se développer pour que nous respections nos engagements climatiques.

Nous appelons ainsi à la fois à une remise à plat de la gouvernance et du modèle de financement du réseau, à un engagement stratégique réel, sincère et ambitieux de l'État en faveur du ferroviaire, mais aussi à des efforts de productivité importants de la SNCF. Ces trois conditions doivent être réunies pour que le modèle ferroviaire puisse se développer massivement dans des conditions économiques structurellement soutenables.

Depuis trois décennies, une série de réformes ont eu pour ambition de restaurer la soutenabilité financière de la SNCF et du modèle ferroviaire. Après sa création par la réforme de 1997, Réseau ferré de France (RFF) a vu sa dette doubler en un peu plus de quinze ans pour atteindre 40 milliards d'euros en 2014. Cette situation résultait largement des décisions de l'État visant à lui faire financer le développement massif des lignes à grande vitesse (LGV).

La loi du 4 août 2014 devait restaurer la soutenabilité économique du secteur. Unifié au sein de l'EPIC SNCF Réseau, le gestionnaire d'infrastructure revient alors dans le giron d'un groupe ferroviaire intégré. La mise en oeuvre de cette réforme a pris beaucoup de retard et, en 2017, la dette de la SNCF approchait les 55 milliards d'euros.

La réforme de 2018 était donc indispensable. Elle a notamment réorganisé le groupe en sociétés anonymes et supprimé le statut de cheminot. En parallèle, l'État s'est engagé à reprendre 35 milliards d'euros de la dette de SNCF Réseau. En augmentant la contribution de SNCF Mobilités au fonds de concours, elle portait aussi l'ambition d'un système financièrement autoporteur.

Aujourd'hui, plusieurs des hypothèses sous-jacentes de la réforme sont remises en cause. Par ailleurs, il est devenu clair que, pour tenir nos engagements climatiques, il est nécessaire de développer massivement l'offre et la demande ferroviaires. À l'issue de nos travaux, et alors que les conséquences de long terme qu'aura la crise sur la mobilité ajoutent un paramètre nouveau, nous pensons que la réforme de 2018 ne sera pas suffisante pour assurer l'équilibre financier de la SNCF et du système ferroviaire.

Même en faisant abstraction des conséquences de la crise, la situation financière structurelle du groupe SNCF reste à ce jour déséquilibrée et l'atteinte de ses objectifs incertaine. Ce constat est tout particulièrement vrai pour le coeur ferroviaire du groupe. En effet, évolution majeure observée ces dernières années, le moteur du groupe est dorénavant extérieur au coeur de métier de la SNCF : Geodis et Keolis représentent 50 % de son chiffre d'affaires. Geodis a vu son activité et sa marge opérationnelle progresser d'un tiers depuis 2019. Autant dire que la relative embellie actuelle, ainsi que l'espoir du groupe d'atteindre ses objectifs de retour à l'équilibre, dépend très largement des performances exceptionnelles de son logisticien. La dynamique financière de ses activités périphériques, pourvoyeuses de croissance, de marge opérationnelle et de cash, masque les faiblesses structurelles de la SNCF.

Sans parler de la gestion des infrastructures, sur laquelle nous reviendrons, la compétitivité de la SNCF est très insuffisante. Entre 1996 et 2013, les gains de productivité réalisés par la SNCF avaient été de quatre à cinq fois moins importants que ceux de ses homologues allemand et suisse. En 2018, le déficit de compétitivité de la SNCF par rapport à ses homologues était estimé à 30 %. L'extinction du statut de cheminot comblera partiellement cet écart, mais ses effets seront progressifs et la SNCF doit impérativement actionner d'autres leviers de compétitivité dès maintenant. L'opérateur a conscience de cette faiblesse, due notamment aux rigidités de son organisation du travail. C'est pour cette raison qu'il a fait le choix de créer des filières ad hoc pour répondre aux appels d'offres TER lancés par les régions. Pour l'activité TER, le constat est sans appel : les coûts de roulage de la SNCF sont supérieurs de près de 60 % à ce qu'ils sont en Allemagne, par exemple. Alors que le processus d'ouverture à la concurrence des TER est en marche, cette réalité fait peser une ombre sur les perspectives financières de SNCF Voyageurs.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Nos travaux nous ont convaincus que le mode de financement des infrastructures et la performance de SNCF Réseau constituent le noeud gordien de l'équilibre économique de la SNCF et du système ferroviaire.

Le réseau français présente un état de dégradation et de vieillissement inquiétant. Le sursaut intervenu après le rapport alarmant de 2005 sur le dépérissement des infrastructures a laissé place à une stagnation en euros courants autour de 2,7 milliards d'euros et donc, en réalité, à une réduction de l'effort de renouvellement du réseau depuis 2016. Cette réduction est d'autant plus préoccupante que le rapport de 2005 et ses actualisations estimaient le niveau d'investissements nécessaires à au moins 3,5 milliards en euros constants ! C'est cette même trajectoire de renoncement que nous promet le projet de nouveau contrat de performance de SNCF Réseau, puisque la trajectoire des investissements prévus dans la régénération des infrastructures est établie en euros courants et à un niveau bien inférieur à ce que l'ensemble des spécialistes considèrent comme nécessaire. D'autant plus qu'à compter de 2024, 14 petites lignes intègreront le réseau structurant et viendront ainsi en élargir le périmètre. Le projet de contrat de performance assume d'ailleurs explicitement une poursuite de la dégradation du réseau national, en parfaite contradiction avec l'ensemble des engagements pris par ce Gouvernement pour augmenter le report modal et lutter contre le changement climatique. Nous considérons que 1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires chaque année pendant dix ans sont nécessaires pour réellement infléchir la tendance à la dégradation de nos infrastructures. À défaut, notre réseau « décrochera » irrémédiablement par rapport à ceux de nos voisins et les engagements du Gouvernement de diminution des émissions de CO 2 des transports ne seront pas tenus.

Nous avons été particulièrement étonnés de constater qu'à la différence de nos partenaires européens, il n'existait aujourd'hui ni programmation sérieuse ni financement des projets de modernisation du réseau. Je vous rappelle qu'il existe deux principaux programmes de modernisation. La commande centralisée du réseau (CCR) doit considérablement optimiser la gestion des circulations, en remplaçant les 2 200 postes d'aiguillage actuels par une quinzaine de tours de contrôle ferroviaires. L'archaïsme du système d'aiguillage en France est tel qu'un tiers des 1 500 postes d'aiguillage du réseau structurant sont encore actionnés à la main ! 40 % des 13 000 postes affectés à la gestion des circulations pourraient être économisés, ce qui représente quand même 5 000 postes, ce n'est pas rien ! Le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) est quant à lui un système de signalisation européen, interopérable, qui permet d'augmenter la fréquence de circulation des trains et donc la performance du réseau. Cette technologie est notamment cruciale pour le développement du fret ferroviaire mais aussi pour l'ouverture à la concurrence.

Alors que ces programmes doivent permettre des gains de productivité significatifs et sont indispensables pour développer la mobilité ferroviaire, la France accuse un retard considérable promis à se creuser dans des proportions importantes si l'État continue d'ignorer cet enjeu. S'agissant de la CCR, la plupart de nos partenaires ont équipé entre 70 % et 100 % de leur réseau, quand notre calendrier de déploiement doit s'étaler jusqu'en 2040, voire en 2050 ! Pour l'ERTMS, la France a pris des engagements au niveau européen qu'elle ne respectera pas et la Commission européenne nous considère comme l'un des plus mauvais élèves du continent. La France devient un obstacle au développement de l'interopérabilité ferroviaire en Europe. En freinant ainsi le développement d'un espace ferroviaire européen, elle maintient, par la même occasion, l'une des principales barrières à l'entrée du marché français.

La principale explication de ce retard vient du fait que, à la différence de nos partenaires européens, l'État n'a prévu aucun financement pour ces programmes. Actuellement, le gestionnaire d'infrastructure en est réduit à amputer l'enveloppe destinée à la régénération du réseau. Je rappelle que cette enveloppe est déjà très insuffisante. Fixer à la SNCF des objectifs de retour à l'équilibre financier sans intégrer l'enjeu de la modernisation du réseau est un non-sens. À ce titre, le projet de nouveau contrat de performance de SNCF Réseau a plutôt les allures d'un contrat de contre-performance !

Les coûts de déploiement de ces programmes sont élevés, estimés à 15 milliards d'euros pour la CCR et 20 milliards d'euros pour l'ERTMS. Ils doivent néanmoins être relativisés par les gains de performance et les bénéfices socio-économiques qu'ils induiront, jusqu'à 10 milliards d'euros par an si l'enveloppe de régénération du réseau est bien réévaluée en parallèle. Ces programmes ne sont pas envisageables sans un soutien public ambitieux.

La situation financière structurellement dégradée du gestionnaire d'infrastructure reste encore aujourd'hui la principale faiblesse du modèle économique ferroviaire même si la reprise de la dette a allégé le poids de ses frais financiers, qui représentaient 1,3 milliard d'euros. Ce fardeau s'en trouve allégé à condition que la dette ne se reconstitue pas. Le modèle de financement actuel de SNCF Réseau, qui repose essentiellement sur les recettes des péages, est extrêmement vulnérable aux chocs conjoncturels. Sans une subvention exceptionnelle de l'État, attribuée dans le cadre du plan de relance ferroviaire, le programme de régénération des infrastructures n'aurait pas pu être assuré. Toutefois, le plan de relance n'a compensé que les effets du premier confinement. Or les conséquences de la crise sur la circulation des trains et les recettes de SNCF Réseau ne se sont pas limitées à cette seule période. En aucun cas ce déficit ne doit conduire à limiter encore davantage les ambitions de régénération déjà très insuffisantes. Il est nécessaire d'évaluer les pertes occasionnées sur les ressources de SNCF Réseau pour, le cas échéant, prévoir un dispositif destiné à préserver ses capacités d'investissement.

Au cours de nos travaux, nous avons pu constater que l'organisation et le fonctionnement de SNCF Réseau demeuraient empreints d'archaïsmes. Cet opérateur souffre de la comparaison avec ses homologues européens. Sa productivité a stagné depuis vingt ans et, par rapport à la moyenne européenne, trois fois plus d'agents sont nécessaires pour faire circuler un train en France. Les coûts d'entretien, de maintenance et de renouvellement sont également supérieurs aux standards européens. Ainsi, la viabilité de long terme du modèle économique ferroviaire n'est pas atteignable sans une amélioration très significative de la performance de SNCF Réseau. Aujourd'hui, le gestionnaire d'infrastructure s'est concentré sur ses fournisseurs en optimisant sa politique d'achats, mais il n'a toujours pas mis en oeuvre de vrais gains de productivité industriels. Nous avons été surpris d'apprendre qu'il ne disposait toujours pas de comptabilité analytique.

Le projet de contrat de performance prévoit un objectif de 1,5 milliard d'euros de gains d'efficience entre 2017 et 2026 contre 1,6 milliard d'euros fixés en 2018. Comme vient de le signaler l'Autorité de régulation des transports (ART), ces objectifs restent insuffisamment documentés et objectivés. Par ailleurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'État complique largement l'équation en plaçant SNCF Réseau devant des injonctions contradictoires. La première d'entre elles étant d'exiger des gains de performance ambitieux tout en lui refusant toute possibilité de financements pour le programme qui porte les principaux gisements en la matière, à savoir, la commande centralisée du réseau.

Ce dernier exemple illustre l'impasse du modèle de financement actuel de SNCF Réseau, dont l'atteinte des objectifs financiers repose, d'une part, sur des gains de performance très incertains faute de financement de la modernisation du réseau et, d'autre part, sur une trajectoire d'augmentation des péages et sur un rationnement des investissements dans les infrastructures absolument mortifère pour le ferroviaire.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Les perspectives financières de la SNCF ainsi que celles du modèle économique du secteur ferroviaire reposent très largement sur le contrat de performance de SNCF Réseau. Le contrat actuel, mort-né, devait être actualisé en 2020. Les négociations se sont éternisées et un projet a été diffusé en fin d'année dernière seulement. Les acteurs sont unanimes pour en dénoncer les insuffisances. Il ne porte absolument aucune vision et aucune ambition stratégiques. Il balaie nombre d'engagements pris par l'État, notamment dans la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Les trajectoires d'investissements dans les infrastructures sont grandement insuffisantes et en complet décalage avec les objectifs de report modal affirmés par le Gouvernement. Par ailleurs, le redressement financier de SNCF Réseau repose sur des trajectoires d'évolution des péages peu réalistes et probablement insoutenables pour les régions qui les dénoncent.

Ses relations financières compliquées avec les régions, l'ouverture à la concurrence et les conséquences de la crise nous amènent à considérer avec la plus grande attention la situation de SNCF Voyageurs. D'autant plus que, dans le modèle actuel, elle est le principal financeur de SNCF Réseau, par les péages, mais aussi par ses résultats qui viennent abonder le fonds de concours dédié au programme de régénération. Pour affronter la crise, SNCF Voyageurs a considérablement réduit ses dépenses d'investissement. Cette décision pourrait déclencher un cercle vicieux susceptible de menacer sa compétitivité. Et pourtant, la situation aurait pu être plus grave si les régions et Île-de-France Mobilités (IDFM) n'avaient pas assumé, presque à elles seules, les conséquences de la crise sur le solde d'exploitation des activités TER et Transilien.

Les perspectives financières de SNCF Voyageurs sont assombries par le poids grandissant des péages, les plus élevés en Europe : 45 % des coûts d'exploitation du TGV avant la crise ! Ce phénomène illustre l'ambivalence des relations financières entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. La principale ressource de SNCF Réseau, dont l'augmentation dynamique est la condition de son rétablissement financier, devient insoutenable pour SNCF Voyageurs et menace ses perspectives financières. Ce modèle de financement n'est plus soutenable, tout comme la cohabitation des deux sociétés au sein d'un groupe intégré.

Structurellement déficitaire jusqu'en 2021, Fret SNCF connaît une situation et des perspectives très dépendantes des aides que l'État consacre au transport ferroviaire de marchandises. Pour la première fois depuis de très nombreuses années, Fret SNCF a dégagé une marge opérationnelle et un flux de trésorerie d'exploitation positifs en 2021. Cette amélioration est le résultat des efforts de performance réels de la société, notamment en termes de baisse d'effectifs, ainsi que des nouvelles aides accordées par l'État, notamment en faveur des wagons isolés. Cependant, et compte tenu du déséquilibre financier historique de la société, nous attendrons de voir si cette tendance se confirme.

En ce qui concerne la politique d'aménagement ferroviaire du territoire, là aussi le bât blesse. L'État se désengage du financement des petites lignes et les objectifs de renouvellement recommandés par le rapport Philizot ne seront pas tenus. S'agissant des trains d'équilibre du territoire de jour comme de nuit, si, d'un côté, l'État est prompt à annoncer des objectifs ambitieux, de l'autre, les financements ne suivent pas et nous attendons toujours la nouvelle convention.

La « TGV dépendance » du modèle ferroviaire qui, dès avant la crise, ne reposait que sur les seules 50 % de LGV rentables, est aujourd'hui une source de fragilité. Outre « l'accident industriel » lié à la crise, la perte structurelle de la clientèle affaires, peut-être supérieure à 20 %, affectera la profitabilité du TGV. C'est, de l'aveu même de la SNCF, la « tendance post-crise la plus dangereuse ». Dans ce contexte, l'opérateur a décidé d'amplifier sa stratégie visant à miser sur les volumes au détriment des marges. Elle passe notamment par le développement de l'offre Ouigo. Si elle est probablement adaptée à la situation actuelle, cette stratégie n'est pas sans risque et il est dangereux de faire reposer tout l'édifice du ferroviaire en France sur la réussite de ce pari commercial.

Au-delà même de ce sujet de dépendance financière au TGV, le modèle français de financement du réseau, à la différence de nombre de ses partenaires européens, repose très majoritairement sur le gestionnaire d'infrastructure qui doit en couvrir le coût complet et non le seul coût marginal des circulations. Ce modèle induit une lourde pression financière sur SNCF Réseau, mais aussi, et surtout, les péages les plus élevés en Europe. La trajectoire prévisionnelle, prévue dans le projet de contrat de performance, et nécessaire pour équilibrer la situation financière de SNCF Réseau dans le cadre actuel, pourrait ne pas être soutenable pour les régions et/ou être invalidée par l'ART. Ce modèle de financement constitue un frein à l'ouverture à la concurrence et pénalise la compétitivité de la mobilité ferroviaire.

Nous faisons le constat que ce modèle est dans l'impasse et qu'il est nécessaire de le réviser en profondeur. Nous recommandons de s'inspirer des systèmes en vigueur chez nos voisins pour faire évoluer les équilibres financiers entre l'État, les régions et la SNCF, dans la perspective de diminuer les péages et les prix des billets afin de rendre possible un essor véritable du secteur ferroviaire.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Notre mission de contrôle nous a aussi convaincus que la SNCF a encore beaucoup de chemin à parcourir pour gagner en compétitivité. C'est à une véritable révolution culturelle qu'elle doit s'atteler.

Les pesanteurs du passé, notamment en termes d'organisation du travail, continuent d'être pour elle un handicap. Le législateur a fait sa part du travail en votant l'extinction du statut de cheminot, une mesure nécessaire, qui améliorera sa compétitivité, mais qui ne produira ses effets que progressivement. Désormais, la SNCF a toutes les cartes en main pour engager des réformes ambitieuses en matière de ressources humaines. Nos travaux nous ont permis de constater qu'elle disposait de marges de manoeuvre dans ce domaine. Pour résorber ses sureffectifs, elle devra amplifier le rythme de ses réductions de postes pour le porter à environ 2 % par an.

Le programme d'optimisation des fonctions transverses devrait être approfondi, pour que la SNCF se rapproche des standards européens. La polyvalence des agents et l'externalisation devraient être davantage développées. Je rappelle que le Cour des comptes a évalué à 350 millions d'euros les gains escomptés d'une amélioration de la polyvalence à la SNCF.

Comme le lui permet la loi depuis 2018, la SNCF devrait décentraliser les négociations sociales, notamment sur l'organisation du temps de travail. Dans le but de préserver le climat social en son sein, ce n'est pas la voie qu'a suivie la SNCF lorsqu'elle a conclu un accord de groupe en octobre 2020. Ainsi, les règles rigides de l'accord collectif sur l'organisation du temps de travail de 2016 continuent de s'appliquer à l'ensemble du personnel de la SNCF. Elles handicapent sérieusement SNCF Voyageurs, d'autant plus que le déficit de compétitivité lié à cet accord est exacerbé sur le TER. Ce n'est pas un hasard si l'opérateur répond aux appels d'offres des régions par des filiales dédiées échappant à ce cadre rigide qui ne lui permettrait pas de rivaliser avec ses concurrents.

L'ouverture à la concurrence est une chance pour le secteur ferroviaire. Elle fera office d'aiguillon pour améliorer la compétitivité de la SNCF. Elle enclenchera un cercle financier vertueux favorable à la viabilité économique du secteur.

Cependant, pour que l'ouverture à la concurrence offre tous ses bénéfices au système, il ne suffit pas de la proclamer. Il faut la concrétiser en levant les freins qui l'entravent.

Les interrogations quant à l'indépendance réelle du gestionnaire d'infrastructure en font partie. L'organisation issue de la réforme de 2018, qui fait cohabiter SNCF Voyageurs et SNCF Réseau au sein d'un même groupe intégré et conduit des dirigeants de la société mère à siéger au conseil d'administration de SNCF Réseau, n'est pas de nature à donner toutes les assurances d'impartialité du gestionnaire d'infrastructure. Or celles-ci sont absolument indispensables pour instaurer le climat de confiance nécessaire au développement de la concurrence.

Par ailleurs, le fait que les résultats de SNCF Voyageurs déterminent le niveau des recettes de SNCF Réseau peut amener les opérateurs à s'interroger.

Aussi, pour permettre une réelle ouverture à la concurrence, nous recommandons de rendre SNCF Réseau parfaitement indépendant en le sortant du giron du groupe SNCF, sur le modèle de ce qui a été fait dans le secteur de l'énergie.

Après de nombreuses tentatives infructueuses et afin de remettre enfin sur rails les modèles économiques de la SNCF et du système ferroviaire, nous vous soumettons une série de recommandations qui demandent des efforts conséquents tant à l'État qu'à la SNCF. Nous sommes convaincus que ce n'est qu'à ce prix qu'il est réaliste d'envisager une massification économiquement viable du mode ferroviaire.

Nos recommandations, au nombre de dix-neuf, sont structurées autour de trois axes : premièrement, la SNCF doit faire sa part du chemin et agir résolument pour améliorer sa gouvernance et sa performance ; deuxièmement, l'État a affiché des objectifs en matière de relance du fret ferroviaire et de la desserte des territoires, il doit désormais les concrétiser ; troisièmement, nous pensons que les équilibres financiers entre l'État, la SNCF et les régions doivent être remis à plat et que l'engagement financier de l'État en faveur du réseau doit être renforcé.

M. Claude Raynal , président . - J'ai pour ma part une interrogation quant à la répartition des flux de financement. Quels sont les montants nécessaires pour rétablir l'équilibre financier du modèle ? Dans les autres pays européens, en fonctionnement « naturel », quelle est la part de l'État dans le fonctionnement du système ? On comprend bien qu'un financement incombant uniquement au client ne soit pas possible. Ainsi, pour le transport routier, c'est la collectivité nationale, État ou collectivités locales, qui paie les routes. Quelle est la bonne répartition entre l'État et l'usager au regard des modèles étrangers les plus vertueux ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La SNCF au sens large - desserte ferroviaire, offre ferroviaire, fret ferroviaire - est un puits sans fond : on y investit des milliards depuis des années, sans observer d'amélioration notable.

La ligne TGV Est est la première à avoir été financée par les collectivités territoriales...

M. Gérard Longuet . - À hauteur de 30 % !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'était déjà un premier coup de canif.

Les rapporteurs ont évoqué l'offre Ouigo : celle-ci a été supprimée au mois de décembre pour les destinations situées dans la région Grand Est. Force est de constater que notre modèle est dans l'impasse. Comment en sortir ?

En termes d'aménagement du territoire, si la desserte ferroviaire n'est pas améliorée, la confiance des Français ne sera pas rétablie, surtout pour ceux qui sont éloignés des lignes. Par ailleurs, l'offre sera loin d'être compétitive par rapport à celle de l'automobile. Or notre économie doit être de plus en plus décarbonée : il faudra bien être au rendez-vous des objectifs affichés. Le nouveau rapport du GIEC vient de nous alerter à nouveau sur la gravité de la situation. Quelles sont, selon vous, les perspectives dans ce domaine ?

M. Roger Karoutchi . - Depuis quinze ou vingt ans, j'entends parler du caractère insoutenable du mode de financement de la SNCF. Régulièrement, on nous annonce des réformes qui s'avèrent impossibles à mettre en oeuvre, parce que la SNCF est un État dans l'État. Ses présidents successifs estiment que leur mission première est d'assurer la régularité du transport, c'est-à-dire la paix sociale. Toute réforme interne est inapplicable, parce qu'elle provoquera une grève dure et que l'autorité de tutelle demandera qu'on y mette fin au plus vite.

Ensuite, la SNCF refuse l'ouverture à la concurrence, bien que celle-ci ait été votée par le Parlement, puis décalée, reportée... L'ouverture à la concurrence est très faible chez nous, nous y sommes très mal préparés. Si la Commission européenne imposait une ouverture forcée, la situation serait dramatique.

Depuis au moins vingt ans, la SNCF se comporte très mal. J'ai siégé au conseil d'administration du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu Île-de-France Mobilités (IDFM) : la SNCF Île-de-France nous expliquait qu'elle ne nous communiquerait jamais ses comptes et que les moyens nécessaires à l'amortissement du réseau et du matériel d'Île-de-France, où la clientèle est captive, étaient transférés au TGV.

La solution ne serait-elle pas la nomination d'un ministre des transports suicidaire, qui accepterait de faire la révolution à la SNCF en sachant que sa carrière politique est terminée ?

M. Bernard Delcros . - Le constat dressé par nos rapporteurs est inquiétant, mais ne me surprend pas.

Monsieur Sautarel, vous avez estimé l'effort d'investissement nécessaire à 1 milliard d'euros par an : pouvez-vous préciser au service de quel objectif ? Plus globalement, combien devrions-nous investir pour tout remettre en ordre de marche, et combien de temps faudrait-il pour y parvenir ?

Dans le Massif central, nous sommes bien placés pour savoir que les petites lignes n'ont pas été suffisamment entretenues. Résultat : le service n'est plus du tout attractif. Pensez-vous possible de remettre à niveau ce réseau, et à quel coût ? Ce serait un moyen d'offrir une solution de mobilité attractive aux habitants des territoires peu denses.

M. Sébastien Meurant . - Nos rapporteurs ont raison d'appeler à une révolution : oui, c'est une révolution dont nous avons besoin, maintenant ! Si la SNCF est un État dans l'État, comme l'a dit Roger Karoutchi, il nous faut un Richelieu...

Le désastre financier n'a d'égal que le désastre du service rendu - et voilà des années que cela dure. Il est temps d'agir !

Quand l'État demande à la SNCF de commander des TGV pour rouler sur des lignes classiques, maintient pendant seize ans le même président pour assurer la paix sociale ou décide la construction d'une liaison Bordeaux-Toulouse qui ne sera pas rentable au détriment de la remise à niveau d'autres infrastructures, il y a de quoi s'interroger.

De même quand on pousse à la concurrence au risque de condamner à la mort les petites lignes, non rentables. En Île-de-France aussi, des petites lignes ferment, entraînant des problèmes de mobilité.

Enfin, l'absence de transparence dénoncée par M. Karoutchi est terrible.

Les pouvoirs publics doivent agir de manière déterminée, car les enjeux sont colossaux !

M. Claude Raynal , président . - Inutile d'être provocateur en évoquant la ligne Bordeaux-Toulouse en ma présence... (Sourires)

M. Marc Laménie . - Passionné de longue date par le rail, je félicite nos rapporteurs pour ce travail très complet.

Plus le temps passe, plus j'ai du mal à m'y retrouver dans les acteurs en présence. Or les enjeux financiers sont considérables : 35 milliards d'euros de reprise de dette, nombreux investissements nécessaires dans les infrastructures...

La SNCF, c'est aussi un patrimoine : des gares et des milliers d'hectares de foncier.

M. Gérard Longuet . - Absolument ! C'est le deuxième patrimoine foncier après celui de l'armée.

M. Marc Laménie . - Les gares à l'abandon ne sont pas forcément vendues, alors que certaines collectivités territoriales sont intéressées. Quelle est votre analyse de la situation sur ce plan patrimonial ?

Par ailleurs, vous appelez à des réductions d'effectifs, mais ne perdons pas de vue qu'il y a de moins en moins de gares actives et de guichets ouverts. Les agents qui tiennent les guichets ont aussi un rôle de conseil, et ne perçoivent pas de gros salaires...

Comment envisagez-vous le rôle de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), étant entendu que l'État, SNCF Réseau, les régions, les départements et les intercommunalités participent au financement des infrastructures ?

Les régions, en particulier, font beaucoup, au point que les élus régionaux se transforment parfois en super-chefs de gare. Mais quid des élus nationaux ? Quelle est leur place dans la gouvernance ?

Enfin, le fret capillaire doit être encouragé. On parle d'environnement et d'aménagement du territoire, mais il y a des camions partout : quelle contradiction ! Or les petites lignes sont sous-utilisées - les voies navigables aussi.

M. Gérard Longuet . - Nos deux rapporteurs ont réalisé un travail remarquable : ils ont ouvert portes et fenêtres, l'air a circulé... C'est en de telles circonstances qu'on est heureux d'être parlementaire et de travailler à faire bouger le pays.

Roger Karoutchi a raison sur le plan historique. J'ai un souvenir précis des grèves de 1995, pour les avoir vécues au Gouvernement.

Ce que j'aurais peut-être aimé trouver dans votre étude, ce sont les grandes contraintes pesant sur le système ferroviaire, à commencer par la densité de population. Par rapport à la moyenne européenne, la nôtre est faible. J'ai présidé une région frontalière : du côté allemand, la densité est de 350 habitants au kilomètre carré, contre 110 côté français... C'est une donnée qu'on ne peut négliger.

J'ai été fort intéressé d'entendre parler de « tours de contrôle ». De fait, notre système est viscéralement rigide, pour des raisons de sécurité qu'on peut parfaitement comprendre. C'est ainsi que la durée d'un trajet en TGV peut être multipliée par trois parce qu'un animal a été repéré sur la voie...

Le ferroviaire est une technologie d'une époque. La seule révolution qui y ait été apportée, c'est l'offre TGV, qui a suscité une demande qu'on n'imaginait pas - il suffit de prendre un TGV vers l'ouest ou le midi en fin de semaine pour s'en rendre compte.

Une offre sans demande est inutile. Je suis frappé, à propos du ferroviaire local, de constater que ceux qui en parlent avec le plus de passion ne le prennent jamais - quand il existe encore. La raison ? C'est que, si le système est rigide, le mode de vie de nos compatriotes va, au contraire, vers la souplesse et la différenciation. Il est révolu, le temps où les michelines collectaient tous les ouvriers prenant leur poste à 7 heures 30...

Le problème, tout particulièrement en Île-de-France, c'est de gérer la pointe : il faut beaucoup d'offre quatre heures par jour, et le reste du temps il n'y a pas de clients.

Il ne suffit pas de dire : le ferroviaire, c'est formidable. Il faut prendre en compte les contraintes physiques, techniques et économiques qui pèsent sur lui, pour les surmonter.

La force du ferroviaire, c'est le transport de masse de point à point. Si le fret disparaît, c'est parce que, dans une économie industrielle moins pondéreuse, avec plus de valeur ajoutée au mètre cube ou à la tonne, il faut des systèmes très souples. Le ferroviaire, pour l'instant, n'a pas été en mesure de répondre à cette nécessité.

La concurrence peut-elle favoriser l'émergence de technologies nouvelles et de nouveaux modes de gestion d'un outil technique ancien, qui a l'avantage de la sécurité, mais l'inconvénient de la rigidité ? Conservatrice, la SNCF n'a en rien diminué le second. Or, sans réduction de la rigidité, les services ferroviaires resteront, compte tenu de notre densité démographique et de notre histoire, un tonneau des Danaïdes dans lequel nous continuerons indéfiniment à verser de l'argent.

Permettez-moi d'ajouter une remarque pour finir : quand on fait son plein, on paie 50 % de taxe ; quand on s'assied dans un TER, on reçoit 75 % de subventions ! Il y a tout de même un jour où ça finit par poser problème.

M. Didier Rambaud . - Je salue à mon tour nos rapporteurs pour la vision d'ensemble qu'ils nous offrent.

Jean-François Husson a parlé d'un puits sans fond. Mais, avec les propositions qui sont avancées, on est mal parti pour maîtriser la dépense publique...

Par ailleurs, j'ai entendu parler d'effets d'annonce. Je sais bien que, depuis quelques mois, le milliard n'impressionne plus personne, mais tout de même : 35 milliards d'euros de reprise de dette, c'est du concret !

S'agissant d'Île-de-France Mobilités, rappelons qu'elle bénéficie d'un soutien important de l'État, notamment dans le cadre du plan de relance.

Nous avons un choix d'aménagement du territoire à faire. Après des décennies de priorité donnée au TGV, un retour a été amorcé vers les transports de proximité. On peut, en effet, s'interroger sur l'utilité de la ligne TGV Bordeaux-Toulouse, quand des millions de Français ont besoin de transports de proximité. Entre Lyon et Grenoble, c'est un vrai problème.

Quant à l'ouverture à la concurrence, monsieur Karoutchi, elle est désormais effective : des TGV italiens circulent sur la ligne Paris-Lyon-Italie. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Quelles seront les conséquences de cette concurrence sur les finances de la SNCF ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Le travail de nos rapporteurs est roboratif. Les comparaisons européennes, en particulier sont éloquentes : trois fois plus d'agents en France pour faire circuler un train par rapport à la moyenne européenne, un réseau français âgé de 29 ans contre 17 ans pour le réseau allemand.

La réforme de 2018 n'a-t-elle pas encore produit ses fruits ? Ou faut-il considérer qu'elle n'est pas suffisante ? J'ai l'impression que nos rapporteurs penchent plutôt pour la seconde option...

Relance du fret, trains d'équilibre du territoire : tout cela coûte. Bien sûr, nous aimons la SNCF, et le train est essentiel pour nos territoires, ruraux comme métropolitains. Mais nous devons veiller à la bonne utilisation de l'argent public. SNCF Voyageurs est-elle condamnée, par rapport à des filiales qu'elle crée spécialement pour répondre aux appels d'offre des régions et qui prendront le pas sur elle ? Avec la concurrence, les choses vont-elles se régler d'elles-mêmes ?

M. Charles Guené . - Voiture taxée, train subventionné : la formule de Gérard Longuet est assez heureuse... Dans mes contrées assez reculées, les habitants font entre 50 et 100 kilomètres de voiture par jour pour aller travailler. Dans quelle mesure la transition énergétique modifie-t-elle l'équation ?

M. Jean-Marie Mizzon . - M. Longuet a raison : la densité de population est un facteur central dans l'économie du transport.

Historiquement, les gares sont situées dans les centres-villes, alors que les emplois d'aujourd'hui sont en périphérie. C'est une raison de la perte d'attractivité du ferroviaire.

Pour prendre régulièrement le train, comme nombre d'entre vous, je constate qu'on rencontre à bord un nombre croissant d'agents de sécurité : leur présence rassure les voyageurs, mais elle a aussi un coût. S'agit-il de personnels de la SNCF ou de salariés de prestataires ?

Mme Christine Lavarde . - J'ai visité hier une entreprise de logistique urbaine. Alors même qu'une de ses plateformes est installée sur un hub ferroviaire, recourir au train pour son dispatching lui coûterait 1 million d'euros de plus qu'utiliser des camions. Elle est prête à absorber un surcoût de 200 000 ou 300 000 euros, mais certainement pas de 1 million d'euros. Le contexte actuel de fort renchérissement du pétrole n'est-il pas de nature à accélérer la transition ? Pour des raisons tout autres, le prix du pétrole atteint les niveaux auxquels l'aurait conduit la trajectoire de taxe carbone votée en 2017...

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - De façon générale, j'ai le sentiment que l'État est plus responsable de la situation que la SNCF.

La dette reprise par l'État, c'est l'État qui l'a causée, en ne jouant pas son rôle de financeur des infrastructures. Dans nombre de pays, les infrastructures sont payées par l'État. SNCF Réseau a dû le faire, ce qui a produit cette dette et provoqué le déficit de renouvellement du réseau, dont la remise à niveau nécessite aujourd'hui des sommes considérables. De même, aujourd'hui, c'est l'État qui ne donne pas à SNCF Réseau les moyens de cette régénération : les sommes prévues dans le contrat de performance - ou plutôt, de contre-performance - vont conduire à une nouvelle dégradation du réseau...

C'est aussi l'État qui fait sans arrêt des annonces non financées. Je pense au fret ou aux trains de nuit : quand l'État autrichien annonce qu'il financera une part du déficit du Paris-Vienne, l'État français ne prévoit aucun financement, ce qui conduira à fermer la ligne si elle n'est pas excédentaire.

C'est encore l'État qui impose un modèle de financement insoutenable, avec des péages très élevés qui freinent l'ouverture à la concurrence. Une part importante du financement du réseau pèse sur les régions : le contrat de performance prévoit une hausse de leur participation de plus de 3 % chaque année.

Ce contrat doit être la pierre angulaire de la relation entre l'État et la SNCF. Or le premier ne tenait absolument pas la route, nous l'avons tous dit. Aujourd'hui, nous n'avons qu'un projet de nouveau contrat, dans lequel rien n'est prévu sur la modernisation. On se moque un peu du monde !

Certes, cette modernisation, essentielle, coûte 35 milliards d'euros. Mais, selon le président de la SNCF lui-même, elle dégagera 10 milliards d'euros d'économies par an si on la conjugue avec un réel effort de régénération.

En plus d'entériner une dégradation de l'état du réseau, ce contrat de performance ignore les engagements liés au Green Deal et ne prévoit aucun investissement d'ampleur. Ce n'est pas sérieux, et tout le monde le sait...

Rappelons enfin que la SNCF a pour actionnaire l'État, lequel ne fait rien pour qu'elle entreprenne les réformes et sa modernisation nécessaires.

Roger Karoutchi a raison comme souvent - pour ne pas dire toujours : ce n'est pas une maison simple.

Reste que, à un moment, il faut faire preuve de courage. Songez qu'il n'y a même pas de comptabilité analytique : c'est fou !

Les retards sont parfois dus à un manque de polyvalence. Un de nos anciens collègues m'avait rapporté que, à la suite de la chute d'une branche sur la voie, il avait fallu attendre deux heures l'arrivée d'un agent avec une tronçonneuse. Dans d'autres systèmes, il y a une tronçonneuse dans la locomotive...

Oui, la SNCF a beaucoup à faire ; mais l'État, encore plus !

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - L'État doit être envisagé dans trois dimensions : comme actionnaire, d'abord ; comme financeur, ensuite, à travers le contrat de performance, piloté par Bercy ; comme ministère des transports, enfin, lequel donne le sentiment de regarder passer les trains... C'est pourquoi nous estimons que ce contrat dit de performance est en réalité un contrat comptable.

M. Maurey l'a rappelé : si l'on investit 35 milliards d'euros dans la modernisation et un milliard de plus dans la régénération, c'est pour réaliser 10 milliards d'euros de bénéfices socio-économiques annuels. Cette approche économique et financière des investissements fait aujourd'hui défaut.

La France est l'un des seuls pays européens à appliquer, outre le péage de maintenance, un péage complémentaire destiné au financement des investissements. Ce second péage représente environ 3 milliards d'euros annuels transférés de SNCF Voyageurs vers SNCF Réseau. La charge de SNCF Voyageurs est ainsi accrue de 3 milliards d'euros sur un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros, sans que SNCF Réseau dispose pour autant d'une capacité d'investissement à la hauteur des enjeux.

Aujourd'hui, la puissance publique injecte chaque année 17 milliards d'euros dans la SNCF : 10 milliards d'euros pour les régions, 7 milliards d'euros pour l'État. J'entends que les choses ne sont pas simples, mais nous pourrions envisager une autre approche systémique : déplacer ces 3 milliards d'euros de péages dans le budget de l'État pour financer les investissements, avec une visibilité pluriannuelle. Les Allemands, par exemple, financent directement les infrastructures sur le budget de la Nation, dans le cadre d'un engagement pluriannuel.

En 1984, le ferroviaire représentait 25 % du fret dans notre pays. Aujourd'hui, cette part modale n'est plus que de 9 %, contre 18 % en moyenne en Europe. Nous nous sommes engagés à la doubler d'ici à 2030 : mais, même en la doublant, nous serons encore largement à la traîne en Europe... En la matière, il faut péréniser le financement public du wagon isolé et résoudre le problème des noeuds ferroviaires ne permettant pas la circulation du fret. Par ailleurs, un autre problème est que, parce que le réseau a souffert historiquement d'un déficit de régénération, les chantiers sont nombreux et réalisés de nuit, ce qui bloque les trains de marchandises.

J'ajoute, à l'intention de Bernard Delcros, que le milliard d'euros supplémentaire concerne la régénération du réseau : ce volet devrait être porté de 2,8 milliards à 3,8 milliards d'euros par an pendant dix ans. En plus de ces 38 milliards d'euros, 35 milliards d'euros sont nécessaires pour la modernisation. Au total, l'effort à fournir est donc de l'ordre de 7 milliards d'euros par an sur dix ans.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Monsieur Karoutchi, l'ouverture à la concurrence existe déjà. S'agissant des lignes conventionnées, la région Sud a choisi un prestataire autre que la SNCF, et les régions Grand Est et Hauts-de-France pourraient faire un choix similaire. En ce qui concerne les lignes non conventionnées, les premiers TGV italiens circulent entre Paris et Lyon.

Reste que ce n'est pas simple, notamment parce que les péages sont dissuasifs. SNCF Voyageurs fait aussi un peu de rétention d'informations. Il y a également des obstacles techniques, SNCF Voyageurs ayant seule la maîtrise de certains équipements de signalétique.

On en revient à la question de la séparation de SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Certains élus régionaux se disent : si nous choisissons un autre prestataire que la seconde, la première ne nous attribuera peut-être pas aussi facilement des sillons...

En ce qui concerne les petites lignes, ce n'est pas à la SNCF de les financer. On ne peut pas lui demander à la fois d'être une entreprise gérée comme telle et d'assumer des missions de service public. Celles-ci sont tout à fait nécessaires, mais c'est à la puissance publique de les financer. Or les moyens qui devaient être consacrés aux petites lignes selon le rapport Philizot ne sont pas au rendez-vous : on est à 400 millions d'euros par an, sur les 700 millions d'euros prévus - d'ici à 2028, l'écart se monte à 1,7 milliard d'euros.

Voilà qui accrédite notre constat : il y a des effets d'annonce, et puis les moyens ne suivent pas.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Sans compter qu'on finance sur ces crédits d'investissement la fin du glyphosate pour le désherbage et l'entretien de proximité - comme l'évacuation des feuilles... J'insiste : il y a un problème systémique en matière de financement.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Monsieur Laménie, la SNCF fait un effort pour se séparer de certaines gares, mais ces bâtiments ne sont pas toujours exploitables par les collectivités territoriales, notamment pour des raisons d'accessibilité aux personnes en situation de handicap. Des cessions ont lieu régulièrement, certes à un rythme un peu lent.

S'agissant de la place des élus nationaux dans la gouvernance, je souligne qu'aucun parlementaire ne siège plus dans les instances de la SNCF, contrairement à ce qu'avait promis Mme Borne, en réponse à l'une de mes interventions, lors du débat sur la loi d'orientation des mobilités (LOM). Cette situation inédite est tout à fait regrettable.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Au regard de l'objectif « zéro artificialisation », la remise sur le marché d'un certain nombre de terrains et bâtiments de la SNCF est un enjeu important. Or cette gestion n'est, pour l'heure, pas du tout optimisée.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Je ne sais pas, monsieur Longuet, si l'ouverture à la concurrence amènera des technologies nouvelles, mais, d'après les exemples étrangers, elle devrait avoir des effets vertueux : réduction des coûts et augmentation du volume global du ferroviaire, donc aussi de l'activité de l'opérateur historique. De notre point de vue, il faut aller résolument dans cette direction.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - C'est la logique de l'offre qui joue sur ce marché, comme on le voit sur la ligne Marseille-Nice, où la fréquence a été doublée avec un coût équivalent.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Certaines dépenses seront sources d'économies. Ainsi, la modernisation et une véritable régénération du réseau généreront 10 milliards d'euros par an et densifieront le trafic, ce qui favorisera le fret ferroviaire. Il ne faut pas avoir une approche exclusivement comptable, « bercyenne », comme dans le contrat de performance.

Au début du quinquennat, le Gouvernement a donné la priorité à la régénération du réseau d'abord, au transport de proximité ensuite. J'ai soutenu cette démarche. Un conseil d'orientation des infrastructures (COI) a été mis en place pour faire le tri dans les projets de ligne TGV annoncés, sans financement, lors des quinquennats précédents. Mais, il y a quelques mois, le Premier ministre a sorti de son chapeau des lignes nouvelles, dont nul ne sait comment elles seront financées... Ce type d'injonction contradictoire et de revirement sans explication n'est pas du tout positif.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Monsieur Luc Lallemand, le président de SNCF Réseau a mené, comme responsable du réseau belge, une modernisation et une optimisation dans une logique industrielle. Aujourd'hui, il se trouve face à un contrat de performance qui ne donne absolument pas les moyens à la SNCF d'être performante.

L'ouverture à la concurrence est décidée - simplement, elle ne sera pleinement effective pour les TER qu'en 2033. Le problème, c'est que l'état du réseau ne permet pas de la supporter...

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Monsieur Capo-Canellas, la réforme de 2018 était nécessaire, mais elle n'a pas été suffisante. Elle a produit aujourd'hui tous les effets qu'elle pouvait produire. Il faut aller beaucoup plus loin si l'on veut vraiment sauver la SNCF et le système ferroviaire.

Les 10 milliards d'euros pour le fret ne sont pas à la seule charge de l'État. L'État s'est engagé à fournir 250 millions d'euros sur un premier milliard, mais le contrat de performance en reporte le versement. Nous n'avons aucune visibilité sur le financement des 9 milliards d'euros restants. Un exemple de plus d'annonce non financée...

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - L'association Fret ferroviaire français du futur, ou 4F, se plaint de la difficulté d'accès au marché et des réponses très technocratiques de la SNCF. Pour utiliser un sillon qui va du nord-est au sud-ouest de la France, il faut s'adresser à chaque direction régionale concernée...

SNCF Voyageurs doit opérer un certain nombre de mutations, en grande partie engagées. Une question demeure : le coût du transport et la transparence de la politique tarifaire. Une expérience de modification de la politique tarifaire a d'ailleurs été conduite l'année dernière.

Avant la pandémie, il avait pu être envisagé de céder Geodis et Keolis, aujourd'hui les deux filiales les plus rentables de la SNCF. Pour des raisons stratégiques aussi, il est bon qu'elles soient restées dans le giron public : Geodis a été notre grand logisticien pendant la crise sanitaire.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Oui, monsieur Guené, la transition énergétique doit inciter à développer le ferroviaire. Le Gouvernement a fait beaucoup d'annonces, mais les moyens doivent suivre.

Enfin, monsieur Mizzon, les agents de sûreté sont bien des personnels de la SNCF.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Les opérateurs de fret sont prêts à payer un peu plus pour passer par le ferroviaire, mais pas dans la proportion aujourd'hui proposée, comme l'a expliqué Christine Lavarde. Le soutien public au wagon isolé est indispensable. L'intégration croissante de la préoccupation environnementale dans les investissements peut aussi contribuer à l'absorption de ce surcoût, au moins en amorçage.

M. Claude Raynal , président . - Il nous reste à nous prononcer sur les dix-neuf recommandations des rapporteurs spéciaux.

Je m'abstiendrai sur la quatrième recommandation, visant à amplifier le rythme de réduction des effectifs ; ne sachant pas si c'est ou non faisable, j'opte pour la prudence.

La commission adopte les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorise la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

SNCF - Direction

- M. Jean-Pierre FARANDOU, président-directeur général ;

- M. Raphaël POLI, directeur de la stratégie et de la transformation du groupe SNCF ;

- M. Pierre HAUSSWALT, directeur de la stratégie du groupe SNCF ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

Fret SNCF

- M. Frédéric DELORME, président ;

- Mme Laure Paillet, directrice financière Rail Logistics Europe et Fret SNCF ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

SNCF Réseau

- M. Luc LALLEMAND, président-directeur général ;

- M. Alain QUINET, directeur général exécutif Stratégie et Affaires corporate ;

- Mme Zélia CÉSARION, directrice de cabinet ;

- Mme Anne BOSCHE-LENOIR, directrice générale adjointe Finances et Achats ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

SNCF Voyageurs

- M. Christophe FANICHET, président-directeur général ;

- M. Antoine de ROCQUIGNY, secrétaire général ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

SNCF - Direction des ressources humaines

- M. François NOGUÉ, directeur des ressources humaines ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire.

Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer (DGITM)

- M. Marc PAPINUTTI, directeur général ;

- M. Bruno DICIANNI, sous-directeur des réseaux ferroviaires et des voies navigables ;

- M. Julien MATABON, sous-directeur des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains ;

- M. François LAVOUÉ, adjoint au sous-directeur des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains ;

- M. Julien PAVY, conseiller parlementaire et territoires.

GEODIS

- Mme Marie-Christine LOMBARD, présidente du directoire ;

- Mme Virginie GUÉRIN, directrice des Affaires Publiques et directrice de cabinet.

Agence des Participations de l'État (APE)

- M. Martin VIAL, commissaire aux participations de l'État ;

- Mme Auréliane LABOURDETTE, chargée de participations.

Cour des comptes

- M. André LE MER, conseiller-maître, rapporteur ;

- M. Bernard LEJEUNE, conseiller-maître.

Commission européenne

- M. Maurizio CASTELLETTI, chef d'unité "Espace ferroviaire européen".

Commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes de la SNCF

- M. François GUILLON, PricewaterhouseCoopers (PWC) Audit ;

- M. Philippe VOGT, PricewaterhouseCoopers (PWC) Audit ;

- Mme Valérie DESCLÈVE, Ernst & Young Audit ;

- M. Nicolas PFEUTY, Ernst & Young Audit.

Transdev

- M. Thierry MALLET, président-directeur général ;

- M. Laurent MAZILLE, directeur des Relations Institutionnelles.

Association française du Rail (AFRA)

- M. Franck TUFFEREAU, délégué général ;

- M. Claude STEINMETZ, président de l'AFRA (Directeur ferroviaire France Transdev) ;

- M. Alexandre GALLO, vice-président (PDG Euro Cargo Rail) ;

- Mme Solène GARCIN-BERSON, directrice juridique.

Direction du Budget

- M. Laurent PICHARD, sous-directeur ;

- M. Adrien BICHET, chef du bureau des transports ;

- Mme Roxane MESTRIUS, adjointe au chef du bureau ;

- M. Mathieu di CRISTO, adjoint au chef du bureau.

Autorité de régulation des Transports (ART)

- M. Bernard ROMAN,président ;

- M. Joël DEUMIER, responsable des affaires européennes et des relations institutionnelles.

Région Normandie

- M. Frédéric OLLIVIER, directeur général des services ;

- M. Laurent MARY, directeur général adjoint Transports, Aménagement du territoire ;

- M. Didier PASTANT, directeur général adjoint Transports, Aménagement du territoire ;

- Mme Magali RAGOT HADJALI, directrice adjointe Mobilités et infrastructures.

Régions de France

- M. Franck DHERSIN, vice-président en charge des mobilités, des infrastructures de transport et des ports en région Hauts-de-France, et vice-président de la commission mobilité, transports, infrastructures de Régions de France.

Association Française des Gestionnaires d'Infrastructures Ferroviaires Indépendants (AGIFI)

- M. Loïc DORBEC, président ;

- M. Adrien MAURY, délégué général.

Alpha Trains France

- M. Vincent POUYET, directeur.

Enseignant-chercheur

- M. Florent LAROCHE, docteur en sciences économiques, maître de conférences à l'Université Lumières Lyon 2.

Ex PDG de SNCF Réseau et président du directoire du groupe Keolis

- M. Patrick JEANTET, administrateur de SPIE SA.

ANNEXES

ANNEXE 1 : LE QUATRIÈME PAQUET FERROVIAIRE EUROPÉEN ET LE RAPPORT SPINETTA

A. LE QUATRIÈME PAQUET FERROVIAIRE A ÉTÉ À L'ORIGINE DE LA RÉFORME DE 2018 POUR UN NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE

Le 14 décembre 2016 , le parlement européen a adopté le quatrième paquet ferroviaire relatif à l'ouverture à la concurrence des marchés nationaux et à la gouvernance des acteurs du système ferroviaire. Cet ensemble normatif a pour principale vocation d' éliminer les derniers obstacles à la création d'un espace ferroviaire unique européen . Il se compose de cinq textes visant à organiser l'ouverture du marché des services de transport domestiques de voyageurs conventionnés (TER, TET, Transilien, etc) et non conventionnés (les services dits open access comme le TGV). Pour les premiers, à compter de 2023, la règle de l'attribution concurrentielle par appel d'offre devient la règle. En ce qui concerne les seconds, l'ouverture à la concurrence doit être effective dès décembre 2019 pour l'horaire de service 2021.

Un premier volet politique du paquet prévoit l'ouverture à la concurrence des transports de voyageurs, la passation de marchés pour l'exécution des missions de service public et la séparation entre les opérateurs historiques de transports ferroviaires et les gestionnaires d'infrastructure.

Les négociations entre États membres ont abouti à l'adoption de contre-mesures visant à protéger les obligations de service public relative au secteur ferroviaire. Il est ainsi prévu que les États membres peuvent restreindre le libre accès à leur infrastructure ferroviaire lorsque l'organisme national de contrôle ferroviaire décide que le nouveau service causerait un préjudice important à l'équilibre économique du contrat de service public existant. Aussi, les contrats de service public peuvent-ils être attribués de façon directe, dès lors qu'un « tel contrat aurait pour effet d'améliorer la qualité des services » . Une attribution directe doit s'accompagner d'exigences de performance dont le respect est vérifié par une autorité compétente.

Un second volet, technique, prévoit l'homogénéisation de la gestion du trafic dans l'ensemble de l'Union européenne et l'extension des compétences de l'Autorité ferroviaire européenne (AFE) qui centralise notamment les procédures d'homologation.

Le paquet étend également le domaine de contrôle des régulateurs nationaux aux activités de gestion de la circulation et de programmation des travaux.

B. LE RAPPORT SPINETTA DU 15 FÉVRIER 2018 SUR L'AVENIR DU TRANSPORT FERROVIAIRE A INSPIRÉ LA RÉFORME POUR UN NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE

Le rapport Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire (2018) fait le constat de l'échec des réformes successives à redresser les finances de la SNCF et à améliorer sa compétitivité. Il constate l'impasse du modèle de financement du ferroviaire. En effet, le transport ferroviaire connait un déficit de rentabilité que les réformes de 1997 et de 2014 n'ont pas permis de résorber . En 2016, le coût du ferroviaire pour les finances publiques est de 10,5 milliards d'euros auxquels il faut ajouter 3,2 milliards d'euros de subvention d'équilibre au régime des retraites de la SNCF.

Or, la dette de la SNCF ne cesse de progresser. Elle a augmenté de 15 milliards d'euros entre 2010 et 2016. Sur la période 2010-2016, la réalisation de lignes à grande vitesse, à hauteur de 3 milliards d'euros, la hausse des dépenses d'exploitation, pour 1 milliard d'euros, des investissements, pour 1,5 milliard d'euros et des frais financiers (250 millions d'euros) expliquent les déficits constatés. Le TGV souffre d'un parc de matériel surdimensionné et le trafic TER baisse depuis 2012. La situation de Fret SNCF souffre du déclin du fret ferroviaire en France et sa dette atteint les 4,3 milliards d'euros.

Le rapport insiste sur la nécessité de redéployer le transport ferroviaire dans son domaine de pertinence et de mettre en place des mécanismes financiers incitatifs pour accroître la rentabilité du groupe . L'extinction du statut des cheminots est aussi présentée comme nécessaire pour améliorer la compétitivité prix de la SNCF avant l'ouverture à la concurrence. L'offre de transport ferroviaire a reculé entre 2013 et 2016 alors que les concours publics n'ont jamais été aussi importants. Le réseau ferroviaire est sous-utilisé tandis qu'un tiers du réseau concentre 90 % des voyageurs-km.

Le rapport Spinetta recommande une refonte de la tarification, une réforme du statut de cheminot et une transformation de la SNCF en société par action à capitaux publics .

ANNEXE 2 : L'ÉVOLUTION DE LA RÈGLE D'OR DE SNCF RÉSEAU SUITE À LA RÉFORME POUR UN NOUVEAU PACTE FERROVIAIRE

Suite à la réforme de 2018, les nouvelles conditions d'application de la règle d'or ont ainsi été précisées dans le décret n° 2019-1582 du 31 décembre 2019 pour application de l'article L. 2111-10-1 du code des transports. Cette règle prévoit qu' à compter du 1 er janvier 2027, le ratio entre la dette nette de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle ne pourra être supérieur à six . D'ici à cette date, le ratio doit converger vers cet objectif.

Le dispositif de la règle d'or est accompagné par des principes visant à encadrer les modalités de financements des investissements de SNCF Réseau.

Ainsi, lorsque l'objectif du ratio aura été atteint, le financement par SNCF Réseau d'investissements de renouvellement ou de développement du réseau à la demande de tiers devra être limité de façon à ce que le taux de retour pour SNCF Réseau sur chaque investissement soit au moins égal à son coût pondéré du capital.

Durant la période transitoire qui précède l'atteinte de l'objectif , ce principe est renforcé par la règle selon laquelle SNCF Réseau ne peut contribuer au financement d'investissements de développement du réseau à l'exception des investissements de modernisation.

ANNEXE 3 : L'ÉVOLUTION DES CONTRIBUTIONS PUBLIQUES VERSÉES À SNCF VOYAGEURS

Les subventions d'exploitation versées par les régions au titre des services de TER se sont élevées à 3,6 milliards d'euros en 2020 . Ces subventions sont en hausse de près de 10 % par rapport au montant versé en 2019. Elles représentent 52 % du total des contributions d'exploitations versées à SNCF Voyageurs au titre des services conventionnés. S'agissant de l'activité Transilien , les contributions d'exploitation versées par IDFM se sont élevées à plus de 3 milliards d'euros en 2020 (43 % du total), en hausse de 30 % par rapport à 2019 et de 55 % depuis 2015 . En 2020, l'État a quant à lui versé 231 millions d'euros de contributions d'exploitation au titre des activités de trains d'équilibre du territoire (TET) dont il est l'autorité organisatrice et 77 millions d'euros au titre des lignes intercités transférées à six régions.

Subventions d'exploitation versées à la SNCF au titre de ses activités
de transport de voyageurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans annuels des transports 2015 à 2020

Consacrées au renouvellement de la flotte de matériel roulant, les subventions d'investissement versées à la SNCF au titre de ses activités de transport de voyageurs conventionnées approchent les 2 milliards d'euros depuis 2019. Elles ont progressé de 53 % depuis 2015.

Subventions d'investissement versées à la SNCF au titre de ses activités
de transport de voyageurs (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans annuels des transports 2015 à 2020

Les subventions d'investissements versées par les régions et IDFM se sont très fortement appréciées depuis 2015, respectivement de 20 % et de 130 % . En 2020, elles approchent les 800 millions d'euros pour les premières et le milliard d'euros pour les secondes . Elles représentent respectivement 38 % et 49 % du total des subventions d'investissements attribuées à SNCF Voyageurs.

Fluctuantes sur la période, et en moyenne de 388 millions d'euros, les subventions de l'État se sont quant à elles établies à 260 millions d'euros en 2020 , soit 13 % du total.

L'État finance le renouvellement du matériel roulant des lignes TET dont il est l'autorité organisatrice . Les engagements qu'il a pris à cet égard s'élèvent à 4,6 milliards d'euros .

En décembre 2013, une convention de financement signée entre l'État, l'AFITF et SNCF Mobilités prévoyait une subvention de 510 millions d'euros en faveur du renouvellement du matériel roulant des lignes intercités. En février 2017, une nouvelle convention a été signée pour 362 millions d'euros. Le 4 décembre 2019 une dernière convention, complétée par un avenant en 2021, porte de nouveaux engagements à hauteur de 800 millions d'euros pour le matériel roulant des lignes structurantes Paris-Limoges-Toulouse et Paris-Clermont-Ferrand. 400 millions d'euros pourraient s'ajouter pour la ligne Bordeaux-Toulouse-Marseille tandis que 125 millions d'euros étaient prévus dans le cadre de la convention d'exploitation des TET sur la période 2016-2020.

Un nouveau programme industriel comprenant des engagements de l'État en matière de renouvellement du matériel roulant est attendu dans le cadre de la nouvelle convention dont la conclusion a été repoussée en 2022.

En vertu des accords qu'il a conclus avec six régions dans le cadre du transfert de certaines lignes intercités , il s'est également engagé à contribuer à une part de l'exploitation de ces lignes mais aussi au renouvellement de certains de leurs trains . Pour le renouvellement du matériel roulant l'État s'est notamment engagée à hauteur de 720 millions d'euros pour la Normandie, 484 millions d'euros pour le Centre-Val-de-Loire et 250 millions d'euros pour les Hauts-de-France.

ANNEXE 4 : LES SUBVENTIONS DE L'AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE (AFITF) EN FAVEUR DU SECTEUR FERROVIAIRE

Les participations en termes d'investissements dans le secteur ferroviaire transitent par l'AFITF. Les subventions d'investissement de l'AFITF en faveur du secteur ferroviaire concernent ainsi principalement les contributions de l'État aux projets de développement du réseau de lignes à grande vitesse (LGV), sa participation dans le cadre des CPER ou encore ses contributions à la rénovation du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET) . Elles dépassent donc les seules subventions versées à SNCF Réseau.

Elles ont sensiblement augmenté depuis 2012 et devraient dépasser les 1,4 milliards d'euros en 2022 .

ANNEXE 5 : 4,05 MILLIARDS D'EUROS DE SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENTS EXCEPTIONNELLES POUR SNCF RÉSEAU

L'aide du plan de relance s'est traduite par une augmentation du capital de la société anonyme SNCF , holding du groupe ferroviaire intégré, de 4,05 milliards d'euros, qui est venue renforcer d'autant ses fonds propres . Cette augmentation de capital a été intégralement souscrite par l'État en sa qualité d'actionnaire unique de SNCF.

Dans un deuxième temps, la société anonyme SNCF a versé l'intégralité de cette somme au fonds de concours de SNCF Réseau porté par le programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget général de l'État. Comptablement , ce versement prend la forme d' une distribution de réserves à titre de dividendes, faite en 2020 à l'État actionnaire, ce dernier y renonçant pour l'affecter au fonds de concours.

Dans un troisième temps, ces 4,05 milliards d'euros ont vocation à être progressivement reversés à SNCF Réseau en fonction des besoins de financement des opérations de régénération . Ces versements sont comptabilisés au bilan de SNCF Réseau en subventions d'investissement . Au 31 décembre 2020 , ce montant était présenté en engagements hors bilan (EHB) reçus dans les états financiers de la société.

Un premier versement de 1,645 milliards d'euros a été attribué à SNCF Réseau le 23 février 2021. Deux nouveaux versements doivent être réalisés en 2022, pour 1,8 milliard d'euros, puis en 2023, pour 0,6 milliard d'euros .

Calendrier prévisionnel de versements à SNCF Réseau
du concours exceptionnel de 4,05 milliards d'euros

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 6 : CONTRAIREMENT AU CHOIX FAIT PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS, DE NOMBREUX PAYS EUROPÉENS ONT ACCORDÉ DES AIDES EXCEPTIONNELLES AUX OPÉRATEURS DE TRANSPORT FERROVIAIRE

L'encadrement des aides d'État prévu dans le cadre du droit de l'Union européenne a été assoupli en raison de la situation de crise. Cet assouplissement a notamment été traduit dans le règlement (UE) 2020/1429 du Parlement européen et du Conseil du 7 octobre 2020 « arrêtant des mesures pour un marché ferroviaire durable compte tenu de la propagation de la COVID-19 » .

Par ailleurs, et toujours dans l'objectif d'adapter la politique de la concurrence de l'Union à la situation de crise, le 19 mars 2020, la Commission européenne a adopté un nouvel encadrement temporaire des aides d'État. Ce cadre temporaire a ensuite été adapté à plusieurs reprises pour l'étendre à de nouvelles mesures de soutiens.

L'Italie a mis en oeuvre une aide de 511 millions d'euros destinée à indemniser les prestataires de services commerciaux de transport ferroviaire de voyageurs sur de longues distances pour les pertes subies entre le 8 mars et le 30 juin 2020 du fait de la crise.

Au Royaume-Uni le Gouvernement a décidé de prendre en charge l'ensemble des pertes des opérateurs franchisés. Au 19 septembre 2020, le coût de ces mesures s'élevait à 4 milliards de livres . Le 15 mai 2021, le également décidé de verser à Transport for London une subvention exceptionnelle de 1 095 millions de livres à laquelle s'est ajouté un emprunt garanti de 505 millions de livres.

En Autriche , le gouvernement a accordé une aide aux opérateurs de services de transport ferroviaire de voyageurs par la renonciation des redevances d'accès aux voies pour la période du 8 octobre au 31 décembre 2020 (pour 9 millions d'euros) et par la prolongation d'une aide existante de prise en charge des frais d'accès au réseau au profit des services librement organisés (pour 20 millions d'euros).

La Pologne a compensé les pertes subies par l'opérateur PKP Intercity SA à hauteur de 695 millions d'euros, soit 23 % de son chiffre d'affaires 2019. Le Danemark a mis en place une compensation du préjudice subi par les opérateurs pour 134 millions d'euros. La Slovénie a proposé une mesure de soutien comparable.

En Allemagne , les autorités publiques ont soutenu le système ferroviaire à hauteur de 10 milliards d'euros . Au sein de cette enveloppe, 5 milliards d'aides de l'État fédéral ont permis d'augmenter les fonds propres de la Deutsche-Bahn (DB) et ainsi de compenser 80 % de ses pertes financières liées à la crise. Par ailleurs, le Gouvernement fédéral et les Länder ont chacun déployé 2,5 milliards d'euros pour combler les pertes des opérateurs des transports régionaux de voyageurs. L'aide allemande a été validée par la Commission européenne en août 2021.

ANNEXE 7 : LA GRÈVE DE L'HIVER 2019-2020 ET LA CRISE SANITAIRE ONT AGGRAVÉ UNE SITUATION FINANCIÈRE DÉJÀ GRANDEMENT FRAGILISÉE

A. LE COMPTE DE RÉSULTAT DE LA SNCF S'EST CONSIDÉRABLEMENT DÉGRADÉ EN 2020

L'exercice 2020 a été marqué par deux évènements conjoncturels qui sont venus aggraver les indicateurs financiers déjà fragiles du groupe SNCF. La grève de l'hiver 2019-2020 contre la réforme des retraites a affecté l'activité de la SNCF avant que la crise sanitaire, à compter du mois de mars 2020 ne porte un coup brutal et inédit à la situation financière du groupe.

Évolution d'indicateurs financiers du groupe SNCF entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

Entre 2019 et 2020, le chiffre d'affaires consolidé de la SNCF s'est contracté de 15 % pour descendre sous les 30 milliards d'euros. Les activités du groupe ont connu des fortunes diverses . En 2020, la SNCF a perdu l'équivalent de près de six années de croissance organique.

Si l'activité de SNCF Voyageurs s'est effondrée en raison de la contraction drastique des déplacements, celles des gestionnaires d'infrastructure, de l'activité fret ou de Keolis ont été plus résilientes tandis que Geodis voyait son chiffre d'affaires progresser à la faveur d'un second semestre 2020 exceptionnel.

Évolution du chiffre d'affaires du groupe SNCF par activité
entre 2019 et 2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2020, le chiffre d'affaires du groupe SNCF a été affecté à hauteur de 300 millions d'euros par les conséquences de la grève et de plus de 6,8 milliards d'euros du fait des répercussions de la crise sanitaire, soit un total de plus de 7 milliards d'euros .

Là encore, les différentes activités du groupe ont été exposées à des degrés divers, SNCF Voyageurs représentant environ 80 % de l'effet de la crise sur le chiffre d'affaires du groupe et près de 90% des conséquences de la grève.

Conséquences de la crise et des grèves sur le chiffre d'affaires des activités du groupe SNCF en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'évolution contrastée du chiffre d'affaires des activités du groupe en 2020 s'est traduite par une nouvelle répartition des parts représentées par les différents métiers dans l'activité globale du groupe. La montée en puissance des activités de Geodis , passant de 23 % à 28 % du chiffre d'affaires de l'ensemble, est à ce titre très illustrative.

Les effets de la crise sur la répartition du chiffre d'affaires
entre les activités du groupe

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Entre 2019 et 2020, la marge opérationnelle de la SNCF s'est effondrée de 65 % pour tomber sous les 2 milliards d'euros . La marge opérationnelle de SNCF Voyageurs est devenue négative en 2020 (pour 0,7 milliard d'euros) tandis que celle de SNCF Réseau se repliait de presque 50 % pour descendre sous le milliard d'euros. Symbole de la résilience de la filiale durant la crise, la marge opérationnelle de Geodis s'est quant à elle stabilisée.

Évolution de la marge opérationnelle du groupe SNCF par activité
entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents financiers de la SNCF

La marge opérationnelle de la SNCF en 2020 a subi les effets de la crise à hauteur de 5,5 milliards d'euros et ceux de la grève pour près de 260 millions d'euros. SNCF Voyageurs pèse à elle seule pour environ 70% de ces effets.

Conséquences de la crise et des grèves sur la marge opérationnelle
des activités du groupe SNCF en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Pour les années 2020 et 2021 , les conséquences financières de la crise pour la SNCF pourraient atteindre 11 milliards d'euros en termes de chiffre d'affaires et 9 milliards d'euros en ce qui concerne la marge opérationnelle .

Le budget initial 2021 était trop optimiste et son scénario le plus dégradé ne faisait l'hypothèse que d'un confinement court en début d'année.

B. LES INVESTISSEMENTS DU GROUPE N'ONT PAS ÉTÉ ÉPARGNÉS

En 2020, les investissements bruts de la SNCF ont diminué de plus de 1 milliard d'euros pour passer sous les 9 milliards d'euros. Cette diminution s'explique principalement par la très nette contraction des investissements de SNCF Voyageurs qui a été mobilisée par la société comme un levier pour réagir aux conséquences financières de la crise (voir infra dans la partie consacrée à SNCF Voyageurs).

Évolution des investissements bruts du groupe SNCF par activité
entre 2019 et 2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

C. UN FLUX DE TRÉSORERIE NÉGATIF DE PRÈS DE 3 MILLIARDS D'EUROS EN 2020

Structurellement négatif, le cash-flow libre (CFL) du groupe SNCF a diminué de plus de 20 % en 2020, s'éloignant encore un peu plus de l'objectif d'équilibre en 2022. Si 80 % du CFL négatif continue d'avoir pour origine la situation financière déséquilibrée de SNCF Réseau, l'évolution constatée en 2020 a pour principale origine Voyages SNCF et principalement l'activité grande vitesse. Alors qu'il était légèrement positif en 2019, le CFL de Voyages SNCF a été négatif de plus de 2 milliards d'euros en 2020.

Évolution du cash-flow libre du groupe SNCF par activité
entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

D. PERCEPTIBLE AU COURS DU PREMIER SEMESTRE 2021, LA TENDANCE VERS UN RETOUR AUX CONDITIONS D'AVANT CRISE EST ENCORE TRÈS PARTIELLE

Au cours du premier semestre 2021 , si les indicateurs se redressent par rapport à 2020, ils restent nettement dégradés au regard des données constatées en 2019.

Évolution d'indicateurs financiers du groupe SNCF
entre les premiers semestres 2019, 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

À l'exception notable de Geodis, le chiffre d'affaires des différentes activités du groupe reste inférieur au niveau atteint au cours du premier semestre 2019 .

Évolution du chiffre d'affaires du groupe SNCF par activité
entre les premiers semestres 2019, 2020 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

Le constat est le même pour la marge opérationnelle qui reste nettement plus faible qu'en 2019 excepté pour Geodis.

Évolution de la marge opérationnelle du groupe SNCF par activité entre les premiers semestres 2019, 2020 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

ANNEXE 8 : FINANCEMENT ET GESTION DE TRÉSORERIE DE LA SNCF

La SNCF a adapté sa stratégie de gestion de trésorerie aux impératifs de la crise sanitaire. Les procédures de prévision de trésorerie ont été adaptées pour anticiper différents scénarii en fonction des développements de la crise tandis qu'un suivi quotidien détaillé a été créé 201 ( * ) . Dans le même temps, dans le cadre du cash pool , la remontée de cash des différentes entités du groupe a été accélérée et de nouvelles filiales génératrices de cash y ont été intégrées . L'objectif était notamment de conserver une trésorerie disponible au jour le jour d'au moins un milliard d'euros .

Plusieurs mesures exceptionnelles d'optimisation de la trésorerie ont été appliquées telles que la titrisation de certaines créances. La principale opération de cette nature, la titrisation de la créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) du groupe s'est traduite par un effet de trésorerie de 306 millions d'euros .

La SNCF a gardé la confiance des investisseurs compte-tenu du soutien de l'État français au groupe même si S&P et Fitch ont émis des perspectives négatives sur le long terme. Si cette dégradation de perspective ne semble pas avoir eu d'effets significatifs à ce jour, une dégradation, même d'un cran, de la SNCF par une ou plusieurs agences de notation se traduirait par une augmentation de ses taux d'intérêts défavorable à ses perspectives financières.

Après que le conseil d'administration avait accepté de relever à 7 milliards d'euros le plafond annuel du programme de financement long terme 202 ( * ) , la SNCF a levé 6,8 milliards d'euros sur les marchés financiers en 2020 , dont 4,3 milliards d'euros pour la seule émission du 30 juin 2020 203 ( * ) , alors que seuls 4 milliards d'euros étaient prévus initialement au budget. Elle a néanmoins pu se financer à des taux très bas . La SNCF devait lever 4,4 milliards d'euros en 2021.

À titre de comparaison, ayant atteint ses capacités maximales d'endettement, la Deutsche Bahn (DB) a levé 5 milliards d'euros sur l'année 2020, aussi sa dette s'élevait-elle à 29,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2020.

Les programmes de financement dont dispose la SNCF

- un programme Euro Commercial Paper (ECP) d'un montant maximum de 5 milliards d'euros ;

- un programme de titres négociables à court terme (NEU CP) d'un montant maximum de 3 milliards d'euros ;

- un programme Euro Medium Term Note (EMTN) d'un montant maximum de 12 milliards d'euros ;

- une facilité de crédit renouvelable (Revolving Credit Facility - RCF) d'un montant de 3,5 milliards d'euros contractée auprès des 20 banques.

Source : Rapport financier annuel 2020 du groupe SNCF

Suite à l'engagement de reprise par l'État d'une partie de la dette de SNCF Réseau, la SNCF a révisé sa stratégie de financement en termes de maturité . Pour diminuer le coût de sa dette, elle a décidé de diminuer l'objectif de maturité moyenne de ses nouvelles émissions. Le gain financier attendu s'élèverait à plus de 500 millions d'euros en dix ans . En conséquence, la maturité moyenne du stock de dette de la SNCF devrait passer sous les dix ans d'ici 2030 mais son besoin de financement annuel augmentera significativement faisant peser un risque à la société en cas de remontée des taux d'intérêts .

ANNEXE 9 : LES PROVISIONS ET ENGAGEMENTS HORS BILAN (EHB) DU GROUPE SNCF AU 31 DÉCEMBRE 2020

Au 31 décembre 2020, près de 1,5 milliards de provisions pour risques et charges étaient inscrits dans les comptes consolidés du groupe SNCF. Ils sont dominés par les provisions pour risques environnementaux qui représentent environ 800 millions d'euros dont plus de 600 millions d'euros pour le seul risque amiante .

Les états financiers de la SNCF révèlent également des EHB donnés de presque 30 milliards d'euros dont près de 22 milliards sont des engagements qui doivent se concrétiser d'ici 2025. Les EHB reçus s'élèvent quant à eux à un peu plus de 30 milliards d'euros.

Près de 10 milliards d'euros d'engagements d'investissements ont été pris auprès de constructeurs de matériel roulant 204 ( * ) . Plus de 10 milliards d'euros d'engagements d'investissements dans les infrastructures doivent faire l'objet de subventions d'investissements. C'est le cas notamment des opérations dont le financement a vocation à être couvert par les 4,05 milliards d'euros dudit « plan de relance ». Ces 4,05 milliards d'euros ainsi que les autres subventions d'investissements attendues sont inscrits dans les EHB reçus 205 ( * ) .

ANNEXE 10 : LA REPRISE PAR L'ÉTAT DE 35 MILLIARDS D'EUROS DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU

Le mécanisme retenu pour les deux étapes de la reprise de dette a été calqué sur la méthode employée lors de la reprise de la dette du service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF (SAAD) qui a eu lieu en 2007. Il s'est traduit par la conclusion de prêts croisés identiques entre la Caisse de la dette publique (CDP) et SNCF Réseau. L'État s'est ensuite substitué à SNCF Réseau comme débiteur de la CDP . Aussi, chaque année l'État règle-t-il les échéances en principal et en intérêts des contrats de prêts qui le lient désormais à la CDP tandis que cette dernière procède de même au bénéfice de SNCF Réseau. Les échéances d'intérêts versés par l'État sont inscrits au programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Dans les comptes de SNCF Réseau, les intérêts versés par la CDP sont comptabilisés en produits financiers qui viennent réduire le coût de l'endettement financier net à la hauteur de la charge financière supportée par SNCF Réseau pour la quote-part de 35 milliards d'euros de sa dette historique qui a été reprise par l'État.

Il est à noter qu'à compter de l'exercice 2016, et suite à une décision de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prise en 2018 206 ( * ) , la dette de SNCF Réseau est considérée comme faisant partie intégrante de la dette publique au regard des critères de Maastricht.

La dette de SNCF Réseau fait partie intégrante de la dette publique
à compter de l'exercice 2016

En date du 6 septembre 2018, l'INSEE a décidé, en accord avec Eurostat, de reclasser SNCF Réseau en administration publique (APU) à compter de l'année 2016. Ce reclassement est issu de la prise en compte de nouvelles préconisations européennes pour le calcul de la consommation de capital fixe, qui recommande ainsi de mieux prendre en compte les dépenses d'investissement de l'entreprise pour compenser l'usure et l'obsolescence des lignes en service. Ce nouveau calcul conduit à établir que la part des coûts de production de SNCF Réseau est couverte par moins de 50 % de ses recettes marchandes à compter de 2016, ainsi qu'en 2017.

L'intégralité de la dette de SNCF Réseau est donc, depuis 2016, intégrée au calcul de la dette publique. Au regard des critères d'Eurostat, la dette des autres entités du groupe SNCF n'est pas consolidée dans la dette publique au sens du traité de Maastricht, dans la mesure où elles n'appartiennent pas au secteur des administrations publiques.

Source : réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

ANNEXE 11 : LA SITUATION FINANCIÈRE DES OPÉRATEURS HISTORIQUE EUROPÉENS

A. LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA DEUTSCHE BAHN (DB) EST FRAGILE ET SA DETTE S'ACCROIT

Jusqu'en 2019, le chiffre d'affaires de la Deutsche Bahn (DB) progressait en moyenne de 2,5 % par an et la société dégageait une marge d'exploitation de 12 %. La crise l'a durement frappée . Elle pourrait connaître des pertes de 11 à 14 milliards d'euros du fait de celle-ci. En 2020, ses pertes se sont élevées à 5,7 milliards d'euros. Son chiffre d'affaires a baissé de 10 % pour tomber sous les 40 milliards d'euros. Les graves inondations intervenues en Allemagne en juillet 2021 devraient également coûter 1,3 milliard d'euros à l'entreprise ferroviaire allemande. La DB ne compte pas faire des bénéfices avant 2022 .

La dette de la DB progresse dangereusement. Elle atteignait 29,3 milliards d'euros en 2020, en hausse de 5 milliards d'euros en un an. Son plafond d'endettement, fixé par le Bundestag, a dû être relevé.

En Allemagne, la DB suscite bien souvent les mêmes critiques qui peuvent être adressées à la SNCF en France : spirale d'endettement non maîtrisée, problèmes de ponctualité, gestionnaire d'infrastructure insuffisamment performant, accusations des opérateurs alternatifs de distorsions de concurrence du fait des concours publics perçus par la société, etc .

B. APRÈS 15 ANS DE BÉNÉFICES, LES CCF SUISSES (CFF) SONT DUREMENT FRAPPÉS PAR LA CRISE

Les chemins de fer fédéraux suisses (CFF) ont connu des pertes exceptionnelles en 2020 à hauteur de 617 millions de francs suisses, les premières depuis 2005 207 ( * ) . La dette des CFF progresse et atteint 10,9 milliards de francs suisses , soit 1,5 % du PIB national. Le ratio dette sur marge opérationnelle approche 18 pour un objectif fixé à 6,5. Au premier semestre 2021 , les CFF ont connu des pertes supérieures à celles enregistrées au cours du premier semestre 2020. Ces pertes ont atteint 389 millions de francs suisses . La société escompte un retour à l'équilibre financier en 2025.

C. AIDÉ PAR L'ÉTAT AUTRICHIEN, ÔBB A MIEUX RÉSISTÉ

Les chemins de fer fédéraux autrichiens (les ÖBB) ont été résilients dans la crise. Malgré une chute de plus de 10 % (700 millions d'euros) de leur chiffre d'affaires (6,9 milliards d'euros en 2019), un plan d'économies exceptionnel de 380 millions d'euros et des aides de l'État fédéral de 200 millions d'euros ont permis au groupe de présenter des comptes de résultats équilibrés sur ses branches fret, voyageurs et infrastructure .

ANNEXE 12 : UN RÉSEAU ANCIEN ET DÉGRADÉ

En 2005, le rapport Rivier précité avait démontré l'ampleur des conséquences du sous-investissement historique de la France dans son réseau. Son actualisation en 2012 puis l'audit réalisé en 2018 par SNCF Réseau ont confirmé ses constats et mis en exergue les réponses très insuffisantes mises en oeuvre depuis par l'État .

Alors qu'au début des années 1980 , environ 1 000 kilomètres de voies ferrés étaient renouvelées chaque année , c'est seulement 500 kilomètres de voies qui étaient régénérées en moyenne chaque année entre la fin des années 1980 et 2005 . La prise de conscience provoquée par le constat accablant dressé par le rapport Rivier a conduit à un sursaut salvateur, sans quoi le réseau français courrait à sa perte.

Évolution de la longueur de voies régénérée chaque année

(en kilomètres)

Source : « Pertinence des investissements ferroviaires ; relancer une politique d'investissements ciblée », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2021

Même si son âge a légèrement diminué depuis le sursaut intervenu à compter de 2006, les données les plus récentes 208 ( * ) montrent que le réseau français reste très ancien , beaucoup plus vieux que ses homologues européens. Son âge moyen est légèrement inférieur à 30 ans (28,9 ans) alors qu'il avait culminé à 33 ans en 2005. L'âge moyen du réseau local , le plus durement affecté par la pénurie d'investissements, reste quant à lui de 36,3 ans après avoir dépassé les 45 ans au début des années 2000.

Évolution de l'âge moyen des différents segments du réseau

(en années)

Source : « Pertinence des investissements ferroviaires ; relancer une politique d'investissements ciblée », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2021

L'indice de consistance de la voie (ICV) est l'indicateur synthétique qui permet de rendre compte de la manière la plus complète de l'état du réseau ferroviaire. Les voies sont côtés de 0 à 100, 100 correspondant au début de leur cycle de vie, 10, la fin de leur cycle de vie et l'intervalle entre 0 et 100 signifie que la voie a dépassé sa durée de vie et qu'elle est « hors d'âge ». 55 est l'objectif à atteindre pour assurer la pérennité du patrimoine ferroviaire. En 2018, dans son rapport précité sur SNCF Réseau, la Cour des comptes précisait que « un ICV inférieur à cette valeur conduit à une situation où le patrimoine se détériore irréversiblement et à un risque futur de ne pas savoir faire face, d'un point de vue industriel, à un programme réaliste de régénération » .

Or, d'après les derniers chiffres produits par l'Autorité de régulation des transports (ART), l'ICV moyen de l'ensemble des voies reste inférieur à l'objectif. Quand bien même il a légèrement progressé depuis 2016 (46,5), il n'a atteint que 47,4 en 2020 . En moyenne, aucune des catégories de voies du réseau français n'atteint l'objectif de 55. L'ICV a même nettement diminué sur la période pour les LGV (44,6) et reste faible pour les petites lignes (les voies de catégories 7 à 9).

Évolution de l'ICV par catégorie de voie (2018-2020)

Source : « le marché français du transport ferroviaire en 2020 », Autorité de régulation des transports (ART), décembre 2021

Les derniers chiffres de l'ART indiquent aussi que plus d'un cinquième (21 %) des voies du réseau 209 ( * ) sont encore considérées comme « hors d'âge » , c'est-à-dire qu'elles ont dépassé la limite de leur durée de vie 210 ( * ) .

9 % des kilomètres du réseau subissent des ralentissements ou des arrêts de circulation . Ce phénomène est même en augmentation et concentré à 70 % sur les petites lignes.

Nombre de kilomètres de ralentissement sur le réseau

(en kilomètres)

Source : SNCF Réseau, des réformes à approfondir, Cour des comptes, décembre 2018

Comme l'illustre le dernier rapport de l'Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) 211 ( * ) , la France demeure mal classée en matière de ponctualité . Ainsi, en 2019, toutes activités confondues, la France se situait en queue de peloton, à la onzième place sur les seize pays européens observés. L'AQST note que le positionnement de la France dans le panel n'a pas évolué depuis 2014. Les services conventionnés sont ceux pour lesquels les taux de ponctualité en France sont les plus mauvais relativement à ses partenaires européens.

D'après une étude d'octobre 2021 commandée par l'UFC-Que Choisir à des économistes spécialistes des transports ferroviaires 212 ( * ) , 38 % des retards sur le réseau français sont liés à des évènements maîtrisables par le gestionnaire d'infrastructure . L'état du patrimoine ferroviaire aurait causé la perte de 340 millions de minutes en 2017.

ANNEXE 13 : LES SURCOÛTS DU PROJET EOLE

Le 24 janvier 2020, en comité des financeurs, la SNCF présentait déjà une facture accrue à hauteur de 641 millions d'euros. Depuis, de nouveaux aléas et autres évènements non couverts par la provision pour risques initiale du projet 213 ( * ) qui avait déjà été intégralement consommée, ont conduit à rehausser encore très significativement le montant des surcoûts du projet.

Ainsi, en septembre 2021, SNCF Réseau a présenté une nouvelle augmentation très sensible du coût du chantier. Aux 641 millions d'euros déjà annoncés et expertisés par IDFM sont venus s'ajouter 340 millions d'euros de nouveaux surcoûts et plus de 700 millions d'euros de provisions pour risque, soit un total de près de 1,7 milliard d'euros (une hausse de 45 % ) qui est venu s'ajouter à l'estimation initiale de 3,7 milliards d'euros réalisée en 2012.

ANNEXE 14 : LA DÉCOMPOSITION DE L'ENVELOPPE DE RÉGÉNÉRATION DU RÉSEAU

L'enveloppe de régénération est ventilée entre les différents types de composants du réseau ferroviaire : les voies, elles-mêmes composées des rails, des traverses et du ballast, les ouvrages en terre, les ouvrages d'art, les installations de signalisation (postes d'aiguillage et systèmes de cantonnement), les installations de télécommunication (au cycle de vie très court) les installations de traction électrique (particulièrement anciennes 214 ( * ) et dont les besoins de renouvellement vont aller croissant), les installations de service, etc .

Détail des investissements de régénération du réseau (2015-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

L'enveloppe de régénération est répartie entre les différents segments du réseau . En 2021, les investissements dans les LGV représentent environ 7 % de l'enveloppe et le réseau de l'Île-de-France encore près de 30 %.

Répartition des investissements de régénération
entre sous-réseaux en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Au-delà des seules dépenses de régénération, la répartition des investissements du gestionnaire d'infrastructure entre les différents segments du réseau est présentée dans le graphique ci-après.

Répartition des investissements de SNCF Réseau (2015-2020)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de SNCF Réseau aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 15 : LA FRANCE ACCUSE UN RETARD SENSIBLE DANS LA MODERNISATION DE SON RÉSEAU FERROVIAIRE

A. LA COMMANDE CENTRALISÉE DU RÉSEAU

Or, dès l'origine la CCR a pris du retard en France . En effet, la France n'a démarré , et par ailleurs très timidement, le déploiement de son programme qu'il y a dix ans . L'Allemagne l'avait entamé dès 1995 , pour un réseau aujourd'hui équipé à plus de 90 % , la Suisse et le Royaume-Uni en 2004 , pour des réseau équipés respectivement à 100 % et 60 % et l'Italie en 2007 pour un réseau équipé à 70 % aujourd'hui.

Aussi le retard de la France en matière de modernisation des systèmes d'aiguillage est absolument patent . En Belgique comme en Suisse, les postes d'aiguillage mécaniques et les postes électriques ont presque tous disparus . Sur le réseau Suisse, le trafic n'est géré qu'à partir de quatre centres de commande qui peuvent même être fusionnés en un seul. Tandis que le réseau italien régule l'ensemble de son trafic grandes lignes à partir d' un seul centre de contrôle , le réseau allemand est doté de quelques centres qui télécommandent de très vastes zones du territoire national.

En France , aujourd'hui, sur les 1 500 postes du réseau structurant, 50 % ne peuvent être télécommandés, un tiers sont des postes mécaniques très anciens commandés à la main par les aiguilleurs à l'aide de vieux leviers en acier et seuls 15 % sont complètement informatisés 215 ( * ) . Au rythme de régénération des installations et de déploiement de la CCR, une centaine au moins des postes d'aiguillages vont dépasser une durée de vie de cent ans . L'archaïsme du système d'aiguillage français nuit gravement à l'appréhension des situations en cas de perturbation de trafic . Ce système d'exploitation du réseau d'un autre âge limite considérablement la remontée et la diffusion de l'information. Il en résulte un caractère profondément sous-optimal des prises de décisions en matière de régulation du trafic qui portent atteinte à la performance du réseau ferroviaire français.

Seul sept centres de commande centralisée du réseau sont aujourd'hui installés en France, à Bordeaux, Dijon, Lyon, Rennes, Pagny-sur-Moselle, Vigneux et Strasbourg. De nouveaux centres à Lille, Marseille et Pantin sont en phase de développement plus ou moins avancées. Aujourd'hui, seuls 42 des 277 secteurs de circulation du réseau sont équipés. En l'état actuel du déploiement excessivement lent de la CCR, l'objectif est de mettre en service 105 secteurs en 2029 et 166 en 2032. La finalisation du programme n'est pas attendue avant 2040 voire 2050 , c'est-à-dire, au bas mot, avec un retard sidérant d'une quarantaine d'année sur nos voisins.

Dans son rapport de 2018 sur SNCF Réseau précité, la Cour des comptes avait déjà alerté les pouvoirs publics sur la succession de retards majeurs dans les développements du programme de CCR au regard des objectif s qui avaient été fixés en 2013 dans le grand plan de modernisation du réseau de RFF, les développements ayant notamment fait l'objet de sous-exécution de 8 à 26 % entre 2013 et 2015.

Source : rapport « SNCF Réseau, des réformes à approfondir », Cour des comptes, 2018

Les dépenses consacrées au programme CCR se sont élevées en moyenne annuelle à 160 millions d'euros au cours de la période 2015 - 2020 . Il est envisagé de les porter à 300 millions d'euros d'ici 2025.

B. L'ERTMS

Le système ERTMS présente de nombreux avantages. Il donne au conducteur des informations en temps réel concernant l'occupation de la ligne, le poids du train, sa vitesse limite, sa capacité de décélération et de freinage. En fonction de ces données, le conducteur ajuste son comportement, connaît sa vitesse optimale et stoppe le train en cas d'urgence. La régularité et la ponctualité des trains sont nettement améliorées sur les voies équipées de la technologie ERTMS. Les répercussions des incidents et des ralentissements dus aux travaux sont nettement amoindries .

L'ERTMS est essentiel pour homogénéiser le trafic entre pays et gagner en fluidité. Il a vocation à remplacer les 27 systèmes de signalisation en vigueur dans l'Union européenne (UE). Cette interopérabilité constituerait une avancée significative en évitant que les trains n'aient à embarquer autant de systèmes de signalisation que de pays traversés sur leur parcours. Sur la base notamment de l'expérience italienne, la Direction générale du Trésor (DGT) a souligné, dans une note datée de 2019 216 ( * ) , la pertinence du programme ERTMS.

Le déploiement de l'ERTMS en Europe

Le déploiement de l'ERTMS est encadré par des objectifs européens qui doivent servir d'aiguillon pour les programmes nationaux qui sont par ailleurs partiellement financés par des crédits de l'Union européenne (UE). Sur la période 2014-2020, l'UE a consacré 2,7 milliards d'euros au déploiement de l'ERTMS (1,2 milliard entre 2007 et 2013). L'installation de cette technologie est obligatoire pour toutes les nouvelles lignes.

En 2017, un rapport de la Cour des comptes européenne dénonçait un déploiement « limité et décousu » et soulignait la réticence des gestionnaires d'infrastructure à réaliser des investissements onéreux, sans retour économiques immédiats, et dont le coût global n'était que très peu couverts par les financements européens. Elle remettait sérieusement en cause la possibilité d'atteindre les objectifs de déploiement que l'Union s'était fixée à horizon 2030. Elle dénonçait aussi l'absence d'une évaluation du coût global du déploiement de l'ERTMS. Elle recommandait que cette évaluation soit enfin réalisée et que les plans nationaux de déploiement soient harmonisés et leur exécution mieux suivie.

En 2017, la commission européenne a adopté un plan d'action et un plan de déploiement de l'ERTMS. Il fixe notamment les délais d'installation de la technologie sur certains des tronçons des corridors du réseau central. Le règlement d'exécution (UE) 2017/6 de la Commission européenne du 5 janvier 2017 fixe aux États membres l'obligation de déployer l'ERTMS sur la partie centrale des neufs corridors transeuropéens (TEN-T) d'ici 2030, l'ensemble du réseau transeuropéen devant être équipé avant 2050. En mars 2021, seul 14 % du réseau central était équipé mais d'ici 2023, plus de 40 % de l'objectif 2030 devrait être atteint.

Le 24 février 2021, la députée européenne Izaskun Bilbao (Renew) a signé une proposition de rapport sur le déploiement de l'ERTMS. Elle évoque « un déploiement lent et fragmenté ». Elle propose de renforcer les crédits et le rôle de l'Agence ferroviaire européenne ainsi que du coordonnateur européen de l'ERTMS. Elle affirme qu'il est indispensable d'accélérer le rythme de déploiement pour atteindre l'objectif d'un déploiement sur le réseau central en 2030 et propose de fixer un objectif en 2040 pour l'ensemble du réseau. Elle propose également une stratégie commune de déclassement des systèmes de signalisation nationaux, une disposition contraignante pour garantir la compatibilité des plans nationaux avec les objectifs européens, l'harmonisation des exigences techniques ou encore une procédure d'appels d'offre standardisée. Dans la mesure où les financements européens ne couvrent pas le coût global, le rapport propose d'oeuvrer à rendre ces investissements plus attractifs et juridiquement sûrs.

Dans le prolongement, la commission européenne a fait une déclaration le 15 mars 2021. Mme Élisabeth Werner, secrétaire générale adjointe de la Direction de la mobilité (Move), a annoncé que le remplacement obligatoire des systèmes de signalisation ferroviaire pourrait faire partie d'un paquet sur les spécifications techniques d'interopérabilité que la Commission européenne doit présenter en 2022. Selon Mme Werner, le déploiement de l'ERTMS le long du seul réseau de transport central de l'UE, associé à l'équipement des trains, nécessitera des investissements de l'ordre de 15 milliards d'euros d'ici à 2030.

Source : commission des finances du Sénat

Historique de la réglementation européenne sur l'ERTMS

Source : note de la Direction générale du Trésor (DGT) sur « La migration vers la nouvelle génération de signalisation ferroviaire européenne (ERTMS), une opportunité pour l'amélioration des liaisons transfrontalières », septembre 2019.

En France, seuls 1 000 kilomètres de lignes sont équipés de la technologie de signalisation ERTMS. Ils concernent les LGV Tours Bordeaux, Est européenne, Perpignan-Figueras, Le Mans-Sablés ainsi que le contournement Nîmes-Montpellier. L'objectif actuel est d'équiper près de 2 000 kilomètres de ligne 217 ( * ) d'ici 2030 , avec des projets portant sur la LGV Paris-Lyon, Paris-Nord, la ligne nouvelle Roissy-Picardie, ou encore la ligne classique Thionville-Metz-Sarrebourg-Mulhouse-Saint Louis. À horizon 2025, cette technologie doit être déployée sur la ligne Marseille-Vintimille et sur la LGV Lyon-Paris. Pour cette dernière, le déploiement de l'ERTMS pourrait permettre de faire circuler trois voire quatre trains supplémentaires par heure.

ANNEXE 16 : LES REDEVANCES D'INFRASTRUCTURES OU PÉAGES FERROVIAIRES

A. LES RÈGLES EUROPÉENNES

La directive 2012/34/UE fixe quatre principaux objectifs à la tarification de l'infrastructure:

- Assurer l'équilibre des comptes du gestionnaire d'infrastructure sur une période raisonnable, compte tenu des concours publics ;

- Assurer aux différentes entreprises ferroviaires les conditions d'un accès équitable et non discriminatoire ;

- Inciter le gestionnaire d'infrastructure à optimiser l'utilisation de son infrastructure ;

- Émettre des signaux clairs et cohérents pour que les entreprises ferroviaires prennent des décisions rationnelles en termes d'usage du réseau.

Le droit européen 218 ( * ) prévoit que le coût de l'usage tarifé du réseau doit être directement imputable à l'exploitation du service ferroviaire . Autrement dit, la norme européenne prévoit que les péages doivent à minima couvrir les coûts directement imputables à l'usage du réseau , c'est-à-dire, les coûts marginaux de circulation . Cet optimum de premier rang ne permet pas au gestionnaire d'infrastructure de couvrir ses coûts fixes . Ces derniers, selon le choix fait dans chaque État membre, peuvent être couverts soit par des subventions publiques soit par la mise en place d'une tarification additionnelle.

Ainsi, la réglementation européenne admet-elle, de façon dérogatoire, que les redevances d'infrastructures puissent être majorées pour couvrir tout ou partie des coûts fixes du gestionnaire d'infrastructure. Ces péages complémentaires dérogatoires doivent être fixés selon les capacités contributives des segments de marché des services de transport et à la condition qu'aucun de ces segments n'en vienne à être écarté du réseau 219 ( * ) .

L'encadrement des péages dérogatoires additionnels aux redevances minimales définies par la norme européenne

La tarification additionnelle dérogatoire permise par le droit de l'Union européenne consiste à identifier des segments pertinents des marchés de services de transport ferroviaire selon leur capacité économique à contribuer à la couverture des coûts fixes du gestionnaire d'infrastructure, sans toutefois exclure les segments qui ne peuvent s'acquitter que des coûts marginaux, et à leur appliquer des majorations tarifaires inversement proportionnelles à leur élasticité-prix de la demande. Autrement dit, les segments de marchés les moins sensibles aux variations de prix sont ceux qui contribuent le plus.

Cette tarification additionnelle doit permettre de couvrir tout ou partie des coûts fixes du gestionnaire d'infrastructures tout en garantissant l'absence de rente de monopole.

Source : réponses de l'ART au questionnaire des rapporteurs spéciaux

B. LA DÉTERMINATION DE L'ÉVOLUTION DES PÉAGES FERROVIAIRES EN FRANCE

Les principes de détermination de l'évolution des péages ferroviaires par SNCF Réseau

SNCF Réseau détermine les différentes redevances applicables aux utilisateurs du réseau sur la base des textes applicables et des principes économiques suivants :

- la redevance de circulation est établie en application des dispositions relatives au coût directement imputable, sur la base d'une analyse économétrique des coûts variables, de leur projection et de leur répartition entre utilisateurs du réseau ;

- la redevance de marché est établie pour le transport non conventionné de voyageurs (trafics grande vitesse et trafic longue distance sur lignes classiques) sur la base d'une analyse de la capacité des différents segments de marché à en supporter le niveau. Cette analyse s'appuie sur la modélisation des coûts d'une entreprise ferroviaire et sur une analyse des potentiels de marché ferroviaire et de la concurrence intermodale. Elle tient également compte de l'exigence légale que la desserte des territoires par les services à grande vitesse puisse être assurée, ce qui donne lieu à une minoration de la redevance ;

- la redevance de marché pour les activités conventionnées et la redevance d'accès pour Île-de-France mobilités (IDFM) a été justifiée, à la demande de l'ART, par une analyse de la capacité financière des régions à la supporter ou à la répercuter en hausse de prix sur les voyageurs ;

- les redevances d'accès, versées par l'État pour les TER et TET, sont établies sur la base du contrat conclu entre SNCF Réseau et l'État.

Source : réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La détermination de l'évolution des péages par SNCF Réseau a été émaillée par plusieurs contentieux avec l'ART, particulièrement en ce qui concerne les redevances applicables aux services conventionnés.

Ainsi, dans son avis du 7 février 2019 relatif à la fixation des redevances d'infrastructure pour l'horaire de service 2020, l'ART avait émis un avis défavorable concernant les redevances de marché des services conventionnés, considérant que l'augmentation de 2,4 % n'était pas soutenable pour les régions. Elle avait demandé à SNCF Réseau de limiter cette hausse à 1,8 %.

SNCF Réseau a contesté cet avis devant le Conseil d'État. Dans sa décision du 27 novembre 2020, ce dernier a annulé l'avis de l'ART pour un défaut de motivation visant à démontrer la capacité financière des autorités organisatrices à faire face aux majorations projetées.

L'ART a ainsi formulé un nouvel avis le 28 janvier 2021 dans lequel elle a maintenu son rejet de l'évolution demandée par SNCF Réseau et le plafonnement de l'augmentation à 1,8 %. Les motivations de son avis ont quant à elles été mises en conformité avec les exigences posées dans la décision du Conseil d'État.

Cet exemple, dont les conséquences financières de long terme ne sont pas négligeables pour SNCF Réseau, illustre la fragilité des trajectoires financières projetées par la société et définies dans son contrat de performance avec l'État. En effet, la trajectoire d'amélioration des indicateurs financiers de SNCF Réseau repose très largement sur une augmentation très significative, de 3,6 % par an à compter de 2024 à 2030 , des redevances acquittées au titre des services conventionnés.

Or, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans sa décision, l'ART a pour mission de veiller à ce que les hausses de redevances proposées par le gestionnaire d'infrastructures ne remettent pas en cause l'équilibre économique des contrats conclus entre les régions et les opérateurs ferroviaires et ne se traduisent pas par une réduction de l'offre de transport ferroviaire.

Décision du Conseil d'État concernant l'évolution des redevances sur les services conventionnés

Dans sa décision du 27 novembre 2020, le Conseil d'État a précisé le cadre méthodologique d'appréciation de la soutenabilité des majorations tarifaires applicables aux services conventionnés.

La Haute Assemblée a ainsi précisé qu'il appartient à l'Autorité, dans ce cadre, « de s'assurer que les tarifs projetés ne remettent pas en cause l'équilibre économique des contrats de service public du segment de marché considéré en faisant peser sur les entreprises ferroviaire des majorations qu'elles ne peuvent pas supporter ou, en cas de compensation des redevances par les autorités organisatrices, en prévoyant des majorations à un niveau de nature à conduire celles-ci à prendre des mesures susceptibles d'affecter sensiblement l'utilisation de l'infrastructure sur ce segment » .

Ainsi, l'appréciation de la soutenabilité consiste à vérifier que le tarif des redevances liées à l'utilisation de l'infrastructure, majorations tarifaires comprises, répercuté intégralement aux autorités organisatrices, n'est pas tel que, compte tenu de l'impact de ce tarif sur l'équilibre économique des contrats de service public passés avec l'entreprise ferroviaire, il conduirait les autorités organisatrices à renoncer à tout ou partie des circulations ferroviaires relatives aux services conventionnés.

Source : réponses de l'ART au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Dans ses avis du 30 juillet 2020 et du 9 février 2021, l'ART a validé les évolutions de redevances proposées par SNCF Réseau au titre des années 2021, 2022 et 2023. Ces propositions d'évolution étaient nettement moins élevées que la trajectoire prévisionnelle retenue dans le contrat de performance de SNCF Réseau signé en 2017. Les augmentations retenues pour 2022 et 2023 sont ainsi respectivement de + 2,2 % et + 2,4 % contre des évolutions de + 3,2 % et + 3,4 % prévues initialement au contrat.

L'approche de l'ART concernant la détermination de l'évolution des redevances des services conventionnés

Dans le cadre de ses orientations stratégiques 2021-2022, l'Autorité a pour objectif, dans le secteur ferroviaire, de contribuer à poursuivre l'instauration d'un cadre tarifaire pertinent pour l'utilisation des infrastructures et installations de service régulées, afin de permettre au transport ferroviaire d'atteindre pleinement son potentiel modal, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs.

Dans le cadre de la préparation du cycle tarifaire 2024 2026, l'Autorité travaille ainsi avec SNCF Réseau, pour les services conventionnés de voyageurs, à la mise en place d'une tarification régulée de l'accès aux infrastructures fondée sur la capacité contributive des segments pertinents des marchés des services utilisant ces infrastructures. Cette approche, conforme à la jurisprudence récente du Conseil d'État en la matière, fait notamment suite aux avis défavorables rendus en 2019 et 2020 par l'Autorité sur les majorations tarifaires applicables aux services conventionnés dans le cadre de l'examen des projets de tarification proposés par SNCF Réseau pour les horaires de service 2020 (avis n° 2019-005 du 7 février 2019) et 2021 2023 (avis n° 2020-016 du 6 février 2020 et avis n° 2020-049 du 30 juillet).

Source : réponses de l'ART au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 17 : LA COUVERTURE DU COÛT COMPLET DU RÉSEAU

A. DÉFINITIONS

Le coût complet du réseau et le calcul de son taux de couverture

Le coût complet du réseau doit être calculé en tenant compte de l'ensemble des charges du réseau, y compris l'amortissement des investissements (nets des subventions reçues) et une juste rémunération des capitaux investis sous la forme d'un coût moyen pondéré du capital. Cela signifie que le coût complet de SNCF Réseau reflète à la fois le coût des investissements engagés par l'entreprise et les risques encourus pour les réaliser.

L'évaluation du taux de couverture du coût complet prend en compte l'ensemble des ressources de SNCF Réseau (subventions, recettes de redevances d'infrastructure, recettes sur activités non ferroviaires, etc .) afin de rendre compte aussi fidèlement que possible de l'équilibre financier de la gestion du réseau.

Source : projet de contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau 2021-2030

Évolution du taux de couverture du réseau (2016-2020)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

B. LE DÉFICIT STRUCTUREL DE LA COUVERTURE DES COÛTS COMPLETS DES INFRASTRUCTURES DE FRET ET DES PETITES LIGNES

Le déficit structurel de couverture des coûts complet du réseau est très significatif en ce qui concerne les infrastructures de fret. D'après les éléments que SNCF Réseau a communiqué aux rapporteurs spéciaux, pour ces infrastructures, le taux de couverture du coût complet du réseau ne s'élève qu'à 30 % , soit environ 250 millions d'euros de recettes pour un coût complet d'environ 950 millions d'euros et un déficit annuel estimé à plus de 600 millions d'euros . Ainsi, d'après la société, chaque train de fret coûte-t-il à SNCF Réseau près de quatre fois ce qu'il lui rapporte.

Compte tenu de l'intense concurrence modale et que, comme l'a objectivé récemment la direction générale du trésor dans une note 220 ( * ) , les modes de transport de marchandise concurrents ne s'acquittent pas de l'intégralité du coût de leurs externalités négatives, il apparaît évident que les opérateurs de fret ferroviaire ne seront jamais en mesure de couvrir le coût complet du réseau via leur péages . Aussi, sauf à condamner l'activité de fret ferroviaire, la couverture du coût du réseau pour cette activité ne peut passer que par un système de subventionnement public.

Actuellement, en France, les opérateurs de fret n'acquittent même que 60 % du coût marginal d'utilisation du réseau , l'État couvrant l'écart, dans le cadre de la « compensation fret » et pour un montant d'environ 80 millions d'euros par an, pour atteindre cette exigence minimale européenne. Pour répondre aux enjeux liés à la crise sanitaire, en 2020 puis en 2021, l'État a pris en charge une part plus importante des péages dus par les entreprises de fret au titre de la couverture des coûts marginaux de leur circulation. Mais ces montants sont bien loin de couvrir les coûts complets du réseau assumés par le gestionnaire d'infrastructure au titre des activités de fret ferroviaire.

ANNEXE 18 : DES OBJECTIFS DE PERFORMANCE DE SNCF RÉSEAU QUI RESTE INSUFFISAMMENT DOCUMENTÉS

Pour l'ART, les objectifs de performance de SNCF Réseau demeurent insuffisamment documentés

SNCF Réseau a engagé, ces cinq dernières années, une stratégie d'optimisation des coûts sur un certain nombre de postes, tels que les achats, les volumes d'entretien et de régénération ou encore les fonctions siège. Si cette démarche va dans le bon sens, l'Autorité ne saurait toutefois se prononcer, dans les délais d'instruction impartis, d'une part sur le champ ou la pertinence de tels indicateurs, d'autre part sur leur conformité à la trajectoire prévue par le projet de contrat en l'absence d'indicateurs quantitatifs non financiers permettant de mesurer le volume des réalisations industrielles

Interrogés sur les nouveaux indicateurs de performance, SNCF Réseau a souligné que la mise en oeuvre du suivi des indicateurs du nouveau contrat de performance était en cours au travers d'un tableau de bord qui sera produit deux fois par an. L'Autorité sera amenée à se prononcer notamment sur la pertinence de ces indicateurs dans le cadre de son avis sur le projet de contrat 2021-2030.

Source : avis de l'ART sur le projet de budget 2022 de SNCF Réseau

ANNEXE 19 : L'INNOVATION DANS LA MAINTENANCE ET L'ENTRETIEN DU RÉSEAU RECÈLE DES GISEMENTS DE PRODUCTIVITÉ SIGNIFICATIFS

Le développement de la maintenance prédictive , avec l'identification optimisée des précurseurs de dégradation par une collecte et un traitement de données réalisés avec moins de ressources et moins d'interventions sur le réseau doivent notamment permettre de réaliser des gains de productivité significatifs sur l'activité de maintenance . SNCF Réseau a initié des actions dans cette direction, et notamment le programme « surveillance et supervision » qui vise à automatiser au maximum le processus de surveillance du réseau.

Le programme Surveillance & Supervision de SNCF Réseau

Le programme Surveillance & Supervision permet de collecter des informations en temps réel depuis les installations équipées de capteurs intelligents, mais aussi grâce à la circulation de trains de mesure ou par des moyens spécifiques embarqués à bord des trains commerciaux.

Ce programme permettra à terme de réduire drastiquement le recours aux tournées à pied pour détecter les anomalies potentielles mais aussi d'envisager de substituer une maintenance conditionnelle à l'actuelle maintenance systématique en particulier dans le domaine de la signalisation en recourant aux technologies de pointe comme les objets connectés et l'intelligence artificielle, le but ultime étant l'intervention en « juste à temps » avant qu'une panne ne risque de se produire.

Source : réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le déploiement de la gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO) est aussi un facteur d'efficience. Malheureusement , comme l'avait souligné la Cour des comptes dans son rapport de 2018 précité, ce déploiement est intervenu avec retard.

Le BIM et le jumeau numérique constituent de nouveaux modes de production prometteurs et susceptibles de générer des gains de productivité importants dans la conception des projets d'infrastructure . Ils pourraient permettre d'en réduire les coûts et d'éviter une grande partie 221 ( * ) des surcoûts intervenants en cours de réalisation des projets.

Des gains sont également à attendre du côté de la numérisation des essais et certifications des composants de l'infrastructure ferroviaire.

ANNEXE 20 : LES PLANS D'ÉCONOMIES DE CRISE DE SNCF RÉSEAU

En 2020 , SNCF Réseau a déployé un plan d'économies de crise qu'il évalue à 130 millions d'euros . Néanmoins, ce plan est principalement composé d'économies automatiques dues à la baisse d'activité liée à la situation sanitaire ainsi qu'aux dispositifs de soutien gouvernementaux . Ainsi, 61 millions d'euros des économies recensées dans le plan relèvent des dispositifs d'activité partielle et des remboursements de cotisations sociales .

Composition du plan d'économies exceptionnel mis en oeuvre
par SNCF Réseau en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

23 millions du plan ont porté sur les investissements, concernant pour l'essentiel les dépenses immobilières, pour environ 20 millions d'euros, et dans les systèmes d'information, pour 2 millions d'euros.

En 2021 , SNCF Réseau a déployé un nouveau plan d'économies de crise qu'il évalue à 74 millions d'euros , composé à 40 % d'une diminution des dépenses d'investissement.

Composition du plan d'économies exceptionnel mis en oeuvre
par SNCF Réseau en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Réseau au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 21 : MORT-NÉ, LE CONTRAT 2017-2026 AVAIT ÉTÉ DÉNONCÉ TANT PAR L'AUTORITÉ DE RÉGULATION
DES TRANSPORTS (ART) QUE PAR LE SÉNAT

Prévu par la réforme de 2014, le nouveau contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau n'a finalement été conclu qu'en avril 2017. L'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) ainsi que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat avaient exprimé à l'époque leurs très fortes réserves sur ce contrat dont la trajectoire financière était irréaliste et les orientations tarifaires déconnectées des réalités économiques . Dès 2018 , la remise en cause de la trajectoire des péages a consacré la caducité des hypothèses sous-jacentes et des perspectives financières définies dans le contrat.

Multiples, les insuffisances de ce contrat allaient bien au-delà du caractère irréaliste de sa trajectoire financière. Il avait ainsi souffert de l'absence de bilan détaillé du contrat qui avait été défini pour la période 2008-2014 et de la très insuffisante association des parties prenantes à son élaboration. La conception du contrat n'avait pas donné lieu au travail de documentation et d'approfondissement nécessaire. S'agissant des indicateurs et des objectifs de performance, de qualité et de sécurité des infrastructures fixés à SNCF Réseau, les lacunes étaient manifestes . Pour des problématiques aussi importantes que la productivité de l'entretien du réseau, la qualité de l'infrastructure par axes, la qualité de service des circulations ou encore la maitrise des besoins capacitaires, aucun indicateur n'était prévu. Les efforts de productivité et d'économies inscrits dans le contrat apparaissaient très incertains dans la mesure où ils n'étaient pas documentés et que les plans d'actions destinés à les accompagner n'étaient pas finalisés .

Par ailleurs, le contrat ne prévoyait aucun mécanisme incitatif pour SNCF Réseau ni aucune mesure corrective à activer en cas d'écarts par rapport aux engagements pris par l'État et le gestionnaire d'infrastructure. Rien n'était prévu non plus s'agissant des conditions de renégociation en cas de circonstances exceptionnelles .

Ce contrat de performance , dont les équilibres ont volé en éclats à peine quelques mois après sa signature, symbolise les manquements cruels de l'État dans le domaine ferroviaire : d'une part l'insuffisance du pilotage exercé sur SNCF Réseau 222 ( * ) et d'autre part l'absence d'une vision stratégique ambitieuse en matière d'infrastructures .

Face aux insuffisances manifestes du contrat de performance 2017-2026, l'ARAFER , devenue depuis Autorité de régulation des transports (ART) avait identifié trois points cardinaux auxquels doit nécessairement répondre une actualisation sérieuse du contrat de performance. Premièrement un cadrage plus fin des objectifs de performance de SNCF Réseau, deuxièmement l'allocation de moyens suffisants pour qu'il puisse accomplir ses missions et, troisièmement, un contrôle régulier et renforcé de la réalisation de ses efforts de productivité en contrepartie des appuis financiers supplémentaires qui doivent lui être attribués.

Comme, l'ensemble des acteurs de l'écosystème ferroviaire, les rapporteurs spéciaux sont au regret de constater qu'en l'état, le projet de nouveau contrat ne coche absolument aucune de ces cases.

ANNEXE 22 : LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE POUR SNCF VOYAGEURS

A. UNE FRÉQUENTATION DES TRAINS FORTEMENT AFFECTÉE PAR LA CRISE

Le transport ferroviaire de voyageurs a connu une baisse substantielle en 2020. En voyageurs par kilomètre (voyageurs.km), la fréquentation des trains a diminué de 41 % tandis que l'offre de transport s'est contractée de 21 % en trains par kilomètres (trains.km). les différentes activités de transport de voyageurs ont néanmoins été différemment affectées.

Évolution de la fréquentation ferroviaire entre 2019 et 2020
selon le type d'activité

Source : commission des finances du Sénat, d'après le marché français du transport ferroviaire en 2020, Autorité de régulation des transports (ART), décembre 2021

Les activités TER ont diminué significativement au deuxième trimestre 2020 (- 74 %) mais la baisse constatée au troisième trimestre était sensiblement moins significative en raison des demandes de maintien de service (- 10 %), ce qui explique une baisse de fréquentation moins importante que pour les autres activités. La fréquentation des transiliens a chutée de 48 % en 2020. L'activité ferroviaire internationale connaît la baisse la plus forte, étant donné que les mesures sanitaires relatives au franchissement des frontières nationales ont été plus strictes. Les voyages d'affaires ont diminué de plus de 60 % entre 2019 et 2020.

Évolution de la fréquentation ferroviaire au cours de l'année 2020 pour les activités TGV, TER et Transilien

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de SNCF Voyageurs au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La baisse de fréquentation constatée au cours du premier trimestre 2020 résulte des conséquences du mouvement social contre le projet de réforme des retraites.

Au-delà de ses effets sur la fréquentation des trains, la crise s'est également traduite par des conséquences que les pratiques de réservation qui ne sont pas sans lien sur les équilibres financiers et les perspectives de SNCF Voyageurs. Les réservations de dernière minute 223 ( * ) ont augmenté de quinze points pour atteindre 75 % des voyages et le nombre d'annulation a augmenté de 15 %. Surtout, le panier moyen a diminué de 19 euros.

B. SNCF VOYAGEURS A ÉTÉ LA SOCIÉTÉ DU GROUPE LA PLUS FORTEMENT AFFECTÉE PAR LA CRISE

En raison des restrictions aux déplacements, la situation financière de SNCF Voyageurs a été très affectée par la crise.

En 2020, d'après les estimations communiquées par SNCF Voyageurs aux rapporteurs spéciaux, la crise sanitaire aurait causé une perte de chiffre d'affaires de 5,5 milliards d'euros pour la société tandis que les effets de la grève contre la réforme des retraites l'aurait affecté à hauteur de 258 millions d'euros. Voyages SNCF explique à elle seule près de 90 % de la perte de chiffre d'affaires provoquée par la crise (4,9 milliards d'euros).

Conséquences négatives de la crise et de la grève sur le chiffre
d'affaires en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En raison de l'effondrement de l'activité open access liée à la crise, la répartition du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs a été profondément bouleversée en 2020. Le graphique ci-après illustre la résilience des activités conventionnées TER et Transiliens qui tranche avec le recul historique des services non conventionnés de transport de voyageurs.

Évolution de la répartition du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs
par activité entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

La crise aurait affecté la marge opérationnelle (MOP) de SNCF Voyageurs à hauteur de 3,8 milliards d'euros 224 ( * ) et plus de 90 % de cette perte (3,5 milliards d'euros) aurait été concentré sur Voyages SNCF. La grève aurait quant à elle réduit le chiffre d'affaires de 170 millions d'euros.

Conséquences négatives de la crise et de la grève sur
la marge opérationnelle en 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents financiers de la SNCF

En 2020, les conséquences de la crise sanitaire ont été particulièrement marquées sur l'activité grande vitesse internationale, les marges opérationnelles des services Eurostar et Thalys étant respectivement affectées à hauteur de près de 700 et 250 millions d'euros.

ANNEXE 23 : LORS DE LA CRISE ET DE FAÇON STRUCTURELLE, LE SOUTIEN GRANDISSANT DES AUTORITÉS ORGANISATRICES RÉGIONALES À SNCF VOYAGEURS

Source : le marché français du transport ferroviaire en 2020, Autorité de régulation des transports (ART), décembre 2021

En 2020, les recettes perçues par SNCF Voyageurs au titre des activités TER et Transilien ont été stables grâce des augmentations respectives de 9 % et de 16 % des subventions versées par les régions et IDFM. Cette hausse très significative des concours publics a presque intégralement compensé les baisses de recettes commerciales de 29 % et 31 %.

Source : le marché français du transport ferroviaire en 2020, Autorité de régulation des transports (ART), décembre 2021

En raison de la forte diminution du taux d'occupation, due notamment au maintien d'un plan de transport élevé, les recettes par passagers ont même fortement augmentées en 2020 pour les services TER (+ 41 %) et transilien (+ 82 %), portés par les hausses des subventions publiques de 55 % et 111 %.

Au-delà de cet effort financier conjoncturel pour absorber les pertes d'exploitation liées à la crise, les autorités organisatrices régionales prennent à leur charge des montants d'investissements de plus en plus considérables qui viennent alléger les engagements de fonds propres de SNCF Voyageurs . Le taux de prise en charge des investissements peut même aller jusqu'à 100 % comme le prévoit le nouveau contrat signé entre SNCF Voyageurs et IDFM .

Ce contrat signé , le 14 décembre 2020 pour la période 2021-2023, est déterminant pour les perspectives financières de SNCF Voyageurs. Son volet exploitation atteint 12 milliards d'euros . Il est doublé d'un programme d'investissements de 8 milliards d'euros . Au sein de ce programme les 6,4 milliards d'euros d'investissements « transporteur » (matériel roulant, ateliers de maintenance, etc .) seront pris en charge à 100 % par IDFM .

Le contrat prévoit également un nouveau modèle de rémunération, et des dispositifs d'incitation à la performance renforcés (des systèmes de bonus/malus, d'intéressement, de réfaction de charges, etc .). Il contient également un système innovant de remboursement des voyageurs intégralement supporté par SNCF Voyageurs en cas de « ponctualité inacceptable » .

ANNEXE 24 : L'INEXORABLE DÉCLIN DU FRET FERROVIAIRE : HISTOIRE D'UNE ANOMALIE FRANÇAISE

A. UN DÉCLIN QUE L'ÉTAT N'A PAS SU ENRAYER

En France, depuis des décennies, le fret ferroviaire décline au profit du transport routier de marchandises. Entre 1984 et 2020 , le volume 225 ( * ) de transport de marchandises par train a diminué de 47 % tandis que le transport routier de marchandises a progressé de 126 %. La croissance du transport routier a été captée par les transporteurs étrangers dont le volume de marchandises transportées a été multiplié par 11 au cours de la même période.

Transports intérieurs terrestres de marchandises en France, depuis 1984

(en milliards de tonnes-km)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'INSEE

Dans un contexte de sous-investissement de l'État dans les infrastructures ferroviaires et de gains en compétitivité du transport routier, la part modale du fret ferroviaire n'a cessé de diminuer en France . Il ne représentait en 2020 qu' à peine 9 % des transports de marchandises (pour une moyenne européenne de l'ordre de 18 % ) contre 25 % en 1984 . Les plans de soutien successifs mis en oeuvre par l'État n'ont pas été à la hauteur et illustrent une prise de conscience très insuffisante de ce déclin par les autorités publiques, qui ont privilégié une volonté de redressement financier à de réels investissements dans la relance de l'activité.

Le plan fret 2004-2007 , dont l'objectif était la rentabilité de l'activité à horizon 2007 et dans lequel l'État avait investi 800 millions d'euros entérine l'existence de liaisons de fret structurellement non-rentables et n'apporte que quelques touches de modernisation au secteur, comme par exemple l'informatisation des réservations de sillons horaires. Cette stratégie de soutien est un échec puisque la branche accuse un déficit courant de 220 millions d'euros en 2005, puis de 250 millions d'euros en 2006 . Dans le même temps son volume d'activité poursuit son inexorable diminution.

Le plan Marembaud de 2007 apporte aux mêmes problèmes les mêmes solutions, et les résultats ne sont pas meilleurs . Ce plan tend à réduire l'activité du wagon isolé, plutôt qu'à en développer le potentiel , en organisant leur regroupement en trains complets. Ainsi, entre 2003 et 2009, 3,5 milliards d'euros ont été investis par l'État et la SNCF sans que l'activité ne soit relancée .

Le plan d'action pour la relance du fret ferroviaire de 2016 a eu beau faire le bon diagnostic, il n'a pas suffisamment impliqué les acteurs du fret ferroviaire et a souffert d' une démarche étatique trop peu concertée . Le plan prévoyait que l'amélioration du réseau, de la circulation et des infrastructures soit financièrement portée d'une part par l'État, à hauteur de 90 millions d'euros en 2016, et, d'autre part, par une hausse très forte des péages , de l'ordre de 4,6 % par an, entre 2018 et 2027. Cette perspective irréaliste et déraisonnable car susceptible d'affecter très négativement la compétitivité d'un secteur très exposé à la concurrence intermodale, a fait long feu, l'évolution des redevances de fret étant désormais indexée sur l'inflation .

Les plans envisagés pour inverser la tendance au déclin du fret ferroviaire n'ont pas porté une attention suffisante à la qualité du réseau et n'ont pas permis de combler l'écart de compétitivité qui existe entre le fret ferroviaire et le transport routier en France.

Pourtant, si l'on compare la France à ses voisins, il apparait clairement que la situation difficile dans laquelle se trouve le secteur du fret ferroviaire hexagonal n'est pas une fatalité . En effet, depuis 2009, alors que le fret ferroviaire poursuit son déclin en France, il reprend de la vigueur ailleurs en Europe . Ainsi, les frets ferroviaires allemand (+ 3 %), polonais (+ 3,5 %), autrichien (+ 2,4 %), italien (+ 2,4%) ou encore espagnol (+ 3,5 %) ont progressé en volume entre 2009 et 2018. Il y a donc bien dans le déclin du fret ferroviaire une anomalie française .

Trafics ferroviaires de marchandises par pays, 2005-2018

Source : réponse de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Contrairement à ses voisins européens, la France n'a pas su profiter pleinement de l'ouverture à la concurrence . Dans son étude sur l'évolution du fret ferroviaire 226 ( * ) , l'économiste Florent Laroche note que l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire en 2006 a profité de façon générale au fret ferroviaire européen. Sa part modale est passée de 14,1 % en 2005 à 16,8 % en 2015 dans l'Union européenne . Cette progression s'explique d'une part par l'augmentation de l'activité concurrentielle qui a permis une baisse des prix et une hausse des volumes et, d'autre part, par une externalisation croissante qui a entraîné une diminution du coût du capital.

Le déclin du fret ferroviaire français, constaté depuis plusieurs dizaines d'années, n'a pas été enrayé par des mesures suffisamment efficaces des pouvoirs publics. Aujourd'hui, les coûts nécessaires à son redressement n'en sont que plus importants.

B. LE DIAGNOSTIC DU RETARD FRANÇAIS

1. Un problème de compétitivité hors coût lié au déficit de performance du réseau et du gestionnaire d'infrastructure

Le fret ferroviaire en France souffre principalement d'un problème de compétitivité hors coût lié au manque de performance d'un réseau vétuste et du gestionnaire d'infrastructure . L'insuffisante performance du réseau de fret provient notamment de son vieillissement. La problématique des noeuds ferroviaires est particulièrement pénalisante pour le fret qui a le plus grand mal à franchir les grandes agglomérations et autres lieux de connexions ferroviaires multiples. Le retard de la France en matière de modernisation du réseau constitue également un frein majeur au développement du fret ferroviaire. Le développement insuffisant du programme ERTMS pénalise grandement l'activité fret. Il en va de même de la trop faible digitalisation du réseau qui ne permet pas de répondre à l'enjeu de la traçabilité des convois. Afin de faire circuler des trains plus longs et plus lourds, les gabarits des infrastructures ferroviaires doivent être rehaussés. Cet enjeu majeur doit constituer une priorité en matière d'investissements dans les infrastructures. Les conditions d' accès difficiles aux sites de triage ainsi que le faible maillage des plateformes de transport combiné constituent également d'autres insuffisances des infrastructures qui nuisent à l'activité de transport de marchandises par voie ferroviaire. La gestion capacitaire du réseau est un autre enjeu de compétitivité.

Le système d'allocation des sillons en France est très défavorable au fret . Variables d'ajustements dans la gestion des circulations sur le réseau, les sillons de fret sont d'une qualité bien inférieure aux sillons alloués au transport de voyageurs. Le fret ferroviaire se voit principalement allouer des horaires de nuit qui induisent un coût du travail majoré qui affecte la compétitivité de l'activité. Mais le principal problème lié à ces sillons nocturnes est qu'ils sont les plus exposés aux travaux réalisés sur les voies, très majoritairement organisés de nuit. Du fait du programme de régénération du réseau, ces chantiers se sont multipliés et dégradent significativement la qualité des sillons alloués au fret et, par voie de conséquence, la compétitivité du secteur. Les 210 millions d'euros prévus par l'État pour atténuer l'impact des chantiers sur l'activité de fret ne suffiront pas à résoudre cette problématique structurelle.

De ces problèmes de fiabilité des infrastructures résulte de nombreux retards très pénalisants pour les opérateurs. En 2018, le taux de ponctualité moyen des trains de fret était inférieur 64 %, dont 27 % de la responsabilité directe du gestionnaire d'infrastructure.

Par ailleurs, le système actuel d'allocation des sillons tend à favoriser les entreprises dont les besoins sont stables et récurrents et manque cruellement de réactivité et d'agilité pour s'adapter à la variabilité des flux. Un opérateur a le plus grand mal à obtenir un sillon s'il ne l'a pas réservé des mois à l'avance. Cette situation pénalise grandement le développement de l'activité des entreprises ferroviaires et des opérateurs de transport combiné.

2. Des aides publiques indispensables pour une activité structurellement déficitaire

En tenant compte des compensations publiques 227 ( * ) , les opérateurs de fret ne paient des redevances qu'à hauteur de 60 % du coût marginal de leur circulation sur le réseau , soit des montants de péages inférieurs à ceux en Allemagne. Ce taux a même diminué du fait des nouvelles aides aux péages accordées par l'État à compter du second semestre 2020. Toutefois, en 2017, les péages en France étaient certes inférieurs à ceux en vigueur en Allemagne mais ils restaient encore plus élevés que ceux de nombre de nos partenaires :

Source: IRG-Rail 2017

L'activité de fret ferroviaire n'est pas rentable sans subventions , tout particulièrement pour ce qui concerne les services de wagon isolé et le transport combiné . Pourtant , ces deux activités sont indispensables pour répondre à une demande de plus en plus fragmentée et une tendance à la démassification des flux de marchandises. Bien que structurellement déficitaire, l'activité du wagon isolé est indispensable pour maintenir une offre de fret ferroviaire qui irrigue les territoires et pour répondre aux besoins des chargeurs. Pourtant, jusqu'en 2021, la France, contrairement à certains de ses partenaires européens (tels que l'Autriche, l'Allemagne, la Belgique ou encore la Hongrie), ne prévoyait aucune aide à cette activité. Par ailleurs, l'aide au transport combiné ne s'élevait qu'à 27 millions d'euros par an.

Dès avant la crise, la plupart des pays européens avaient mis en place différentes aides directes aux opérateurs (aides aux péages, aides au wagon isolé, aides au transport combiné, aides aux autoroutes ferroviaires, aides à l'innovation, etc .) parfois complétées d'aides indirectes destinées au gestionnaire d'infrastructure (soutien aux installations terminales embranchées, aide aux gares de triages, financement des travaux ERTMS et des unités-bord pour les locomotives, etc .). Les pays qui ont mis en place des mesures fortes en faveur du fret ferroviaire font partie de ceux dans lesquels la part modale du fret ferroviaire est la plus élevé . Cette corrélation se vérifie tout particulièrement dans le cas de l'Allemagne , de l'Autriche ou de la Suisse .

Corrélation entre part modale du fret ferroviaire et soutiens publics

Source: réponses de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les aides au fret dans les pays européens

Il existe différents types d'aide dans les pays européens :

Aides directes aux opérateurs :

- aides aux péages (Allemagne, Italie) ;

- aides au transport combiné (Slovaquie, Belgique, Allemagne) ;

- aides aux autoroutes ferroviaires (Autriche, Suisse) ;

- soutien au wagon isolé (Belgique, Autriche, Hongrie, Allemagne) ;

- mesures de soutien à l'innovation via différents financements des programmes de recherche (Suisse) ;

- énergie verte non taxée (Allemagne).

Aides indirectes pour les opérateurs mais directes pour les Gestionnaires d'Infrastructures :

- soutien aux installations terminales embranchées (Allemagne, Suisse) ;

- aide aux gares de triages (Allemagne) ;

- financement des travaux ERTMS et des unités-bord pour les locomotives (Allemagne, Luxembourg, Belgique, Italie, Danemark, Suède, Suisse) ;

- compensation aides aux péages ;

- remise à niveau de tunnels au standard P400 pour permettre le chargement de semi-remorques sur les trains (Suisse).

Source : réponses de Fret SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 25 : LES PERTES DE PARTS DE MARCHÉ RÉGULIÈRES DE FRET SNCF

Évolution des parts de marché de Fret SNCF (2017-2020)

Source : commission des finances du Sénat d'après les bilans du marché français de transport ferroviaire de l'ART

En France, les principaux concurrents de Fret SNCF sont Euro Cargo Rail, Europorte, Lineas et CFL. L'entreprise Captrain France (ex-VFLI), filiale du groupe SNCF à 100 %, opère également sur le marché ferroviaire national et présente dans un certain nombre de situations des offres alternatives à celles de Fret SNCF. Au niveau européen la concurrence est représentée par DB Cargo, PKP Cargo, SBB Cargo, Lineas, Mercitalia, Renfe Mercancias, ou Rail Cargo Group. Les acteurs historiques continuent de dominer à des degrés divers leur marché d'origine et ont renforcé leur positionnement sur les autres pays européens par acquisitions à la suite de l'ouverture à la concurrence, en parallèle de sociétés privées locales.

ANNEXE 26 : 1 MILLIARD D'EUROS POUR LES INFRASTRUCTURES DE FRET FERROVIAIRE D'ICI 2024

Dans le cadre de la présentation de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire le Gouvernement, par la voie du Premier ministre, a précisé la répartition du milliard d'euros investissements que l'État prévoit de dédier au fret ferroviaire d'ici 2024 :

- 250 millions d'euros doivent être consacrés aux installations terminales ;

- 160 millions doivent financer des voies de service et des installations de tri de wagons ;

- 250 millions d'euros doivent permettre une amélioration de gabarit sur le réseau ferré national et les ports fluviaux ;

- 50 millions d'euros devraient être dédiés à l'aménagement de voies pour la circulation des trains longs (850 mètres) ;

- la modernisation des lignes capillaires devrait se voire consacrer 205 millions d'euros ;

- le développement d'outils digitaux dans le secteur du fret ferroviaire doit mobiliser 85 millions d'euros d'investissements.

ANNEXE 27 : LE FINANCEMENT DES SERVICES INTERCITÉS PAR L'ÉTAT

Après la publication du rapport de la commission « TET d'avenir » en mai 2015 228 ( * ) , une réforme des lignes de TET a été engagée. Elle s'est notamment traduite par une concertation avec les régions en vue d'aboutir à une meilleure articulation entre les offres intercités et TER. Des accords conclus avec six régions 229 ( * ) ont organisé le transfert à celles-ci de seize lignes de TET d'intérêt local . En contrepartie, et selon des modalités propres à chaque accord signé avec les six régions, l'État s'est engagé à contribuer, via l'AFITF (agence de financement des infrastructures de France), au financement du renouvellement d' une partie de leur matériel roulant et à prendre en charge une fraction de leur déficit d'exploitation .

Les lignes de TET affichent un déficit d'exploitation structurel . Avant la crise, la ligne la moins déficitaire ne couvrait que 70 % de ses charges par les produits du trafic. Jusqu'au 31 décembre 2020, les dépenses de l'État en faveur des lignes TET étaient retracées au sein du compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Depuis cette date, les crédits qui y étaient retracés sont désormais inscrits au programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le dispositif de compensation par l'État du déficit structurel des lignes TET dont il est l'autorité organisatrice est précisé au titre VI de la convention 2016-2020.

Contributions versées par l'État au titre de l'exploitation des TET

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Depuis 2019, et suite au transfert de lignes à six régions, il s'établit en moyenne à 230 millions d'euros en faveur des dessertes pour lesquelles l'État reste l'autorité organisatrice.

En tant qu'autorité organisatrice, l'État finance également le renouvellement du matériel roulant des TET. En 2013, un programme de renouvellement d'ampleur a été engagé. Il a été traduit dans une convention de financement signée en décembre de cette même année entre l'État, l'AFITF et SNCF Mobilités. Destinés à l'origine à financer 34 rames destinées aux liaisons Paris-Troyes-Belfort, Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux, elle prévoyait des investissements de l'État à hauteur de 510 millions d'euros .

Une autre convention a été négociée en février 2017 pour financer 30 nouvelles rames 230 ( * ) pour un montant de 362 millions d'euros .

Une nouvelle convention de 687,5 millions d'euros a été signée en décembre 2019 231 ( * ) , complétée en 2021 à hauteur de 81 millions d'euros supplémentaires. La convention d'exploitation prévoyait en outre un programme d'investissement d'environ 125 millions d'euros sur la période 2016-2021 pour financer les opérations nécessaires à la révision, à la transformation et à la modernisation du matériel roulant. Le plan de relance a quant à lui ouvert 100 millions d'euros de crédits au titre de la rénovation du matériel roulant et des installations de maintenance nécessaires à la réouverture des lignes de trains de nuit Paris-Nice et Paris-Tarbes .

Engagements de dépenses de l'État pour le renouvellement
des TET 232 ( * ) depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Dans le cadre et selon les modalités spécifiques à chacun des accords, l'État contribue à soutenir financièrement le renouvellement du matériel roulant et prend en charge une partie du déficit d'exploitation des lignes de TET transférées aux régions .

Les contributions versées par l'État aux régions au titre de l'exploitation des lignes de TET doivent atteindre 62 millions d'euros en 2022 en diminution de 9,8 millions d'euros en raison de la contraction de la contribution versée à la région Centre-Val de Loire en application de l'accord conclu avec cette région.

L'accord avec la région Normandie prévoyait ainsi la participation de l'État au renouvellement du matériel roulant à hauteur de 720 millions d'euros , versés entre 2017 et 2021. Pour la région Centre-Val-de-Loire , l'État s'est engagé à contribuer à une part du déficit d'exploitation des lignes transférées, à hauteur de 24,5 millions d'euros par an à compter de 2022, ainsi qu'au renouvellement du matériel roulant pour 483,5 millions d'euros . L'accord conclu avec la région Hauts-de-France prévoit aussi une aide à l'investissement de 250 millions d'euros ainsi qu'une contribution d'exploitation de 15 millions d'euros. Les régions Grand-Est, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine bénéficie aussi de concours de l'État pour compenser les déficits d'exploitation des lignes qui leur ont été transférées.

ANNEXE 28 : LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE GEODIS ET LA SNCF

Historique des relations financières entre Geodis et la SNCF

Geodis, à travers son ancêtre Calberson, fait partie du groupe SNCF depuis plus de 60 ans. Sa création sous sa forme actuelle est initiée en 1995 par SNCF qui regroupe alors la plupart de ses filiales de transport de marchandises par route dans un même groupe qu'elle baptise Geodis et qu'elle détient alors à 100 %.

En 1997, la SNCF procède à la mise en bourse d'une majorité du capital de Geodis tout en conservant un rôle d'actionnaire principal avec une participation légèrement inférieure à 50 %. Cette phase de cotation de Geodis avec la SNCF en actionnaire principal permet à la filiale de se développer par croissance externe, notamment dans des métiers internationaux de type commission de transport aérien et maritime. Elle prend fin en 2008 avec l'OPA de la SNCF visant à racheter 100 % du capital. La SNCF détient aujourd'hui Geodis à travers sa holding SNCF Participations.

À partir de 2008, la SNCF participe activement au développement de sa filiale, notamment en la soutenant dans le contexte de crise aigüe de 2008-2009 et en finançant sa croissance externe (acquisition de IBM Logistics, Giraud, Ciblex, Cooljet, Bertola etc .). La situation financière très difficile dans laquelle se trouve Geodis en 2012. Depuis cette date une phase de redressement financier s'est amorcée. Redressement soutenu par la SNCF, via SNCF Participations, qui mène une première opération de reconstitution des fonds propres de Geodis en 2014 à hauteur d'une augmentation de capital en numéraire de 175 millions d'euros et d'un apport nature d'actif immobilier pour 100 millions d'euros. L'année suivante, la SNCF a accompagné Geodis dans l'acquisition d'OHL via une nouvelle augmentation de capital en numéraire de 300 millions d'euros.

Source : réponses de Geodis au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 29 : LE RECENTRAGE STRATÉGIQUE DE LA DEUTSCHE BAHN

S ous l'impulsion du gouvernement fédéral et d'un rapport de la Cour des comptes d'Allemagne de 2019 , après s'être beaucoup développée à l'international, la Deutsche Bahn (DB) a adopté une ligne stratégique tout à fait différente de celle de la SNCF pour recentrer ses activités sur l'Allemagne.

Avant l'annonce de la cession de DB Schenker, ce revirement stratégique majeur avait été engagé par la décision de la DB de se séparer de sa filiale britannique Arriva qui regroupe ses activités de transport de passagers à l'international . La décision de céder ces deux filiales emblématiques de la DB est un tournant décisif dans la mesure où elles représentent à elles-deux la moitié du chiffre d'affaires du groupe.

Dans le cadre de ce recentrage stratégique, la DB diminue ses effectifs affectés hors d'Allemagne pour renforcer sa présence domestique . Les filiales DB Arriva et DB Shenker subissent des baisses d'effectifs drastiques avant leur cession. En 2020, environ 65 % des effectifs de la DB étaient affectés en Allemagne.

La Cour des comptes allemande recommande à la DB de mettre un terme à son expansion internationale et de se recentrer sur ses activités ferroviaires domestiques

Dans son rapport de 2019, la Cour des comptes allemande (la Bundesrechnungshof ) a signalé que le gouvernement fédéral avait autorisé la DB à conduire une politique d'expansion internationale dynamique dans pas moins de 140 pays. À tel point que 73 % des filiales du groupe DB se trouvent domiciliées hors d'Allemagne. La Cour des comptes dénonce le fait que la DB et indirectement l'État fédéral, fréquemment mobilisé pour la renflouer, assume le risque économiques de ces filiales étrangères, sans que leurs bénéfices ne soient réinvestis dans le système ferroviaire allemand.

Cette situation est devenue intenable alors que la situation financière de la DB est très déséquilibrée et que se dette se creuse dangereusement chaque année. Pour ces différentes raisons, la Cour des comptes estime nécessaire que la DB revoit ses priorités et son modèle économique. Cette révolution stratégique copernicienne doit passer par un renoncement de la DB à ses ambitions internationales pour lui permettre de se recentrer sur son seul marché domestique. La Cour des comptes s'appuie notamment sur le mandat de la DB, qui figure à l'article 87 de la loi fédérale et qui prévoit qu'elle assure le bon fonctionnement du système ferroviaire allemand. Aussi, la Cour des comptes recommande-t-elle que la DB cède les sociétés qu'elle détient et qui ne sont pas indispensables au coeur de métier de l'entreprise.

Si elle prend note de la décision de la DB de céder sa filiale Arriva, elle estime que cette vente sera insuffisante. En conséquence, elle recommande d'envisager la cession de sa filiale logistique DB Schenker.

Source : commission des finances du Sénat

ANNEXE 30 : ALLER CHERCHER DE LA CROISSANCE ET DU PROFIT À L'ÉTRANGER, L'EXEMPLE DU LANCEMENT DE OUIGO ESPAGNE

En réponse notamment à l'arrivée de la concurrence sur le marché domestique français, la SNCF tend à projeter à l'étranger ses activités de transport de voyageurs , en particulier à travers l'offre Ouigo. L'objectif poursuivi est d' aller recherche de la croissance et du profit à l'étranger , sur des marchés rentables et porteurs, à l'heure où la SNCF voit ses parts de marché contestées sur son marché domestique .

Le lancement de Ouigo Espagne en est l'exemple le plus parfait. Il s'agissait pour SNCF Voyageurs de se positionner sur un nouveau marché européen à fort potentiel . En effet, le réseau des LGV espagnoles est l'un des plus grands au monde par habitant mais il est encore largement sous-utilisé à ce jour et l'ouverture du marché, effective depuis la fin de l'année 2020, est susceptible de générer un doublement du trafic passagers au cours des dix prochaines années sur les principales LGV.

Depuis son lancement en mai 2021, l'offre Ouigo Espagne, qui opère cinq allers-retours quotidiens sur la ligne Madrid - Barcelone, connaît un succès indéniable. En seulement quelques mois, Ouigo a dépassé le million de voyageurs et totalise environ 30 % des passagers sur cette ligne avec des taux d'occupations d'environ 90 %. Ouigo envisage de poursuivre sa dynamique en Espagne en diversifiant progressivement son offre vers Valence et Séville.

Si l'offre Ouigo en Espagne devrait afficher un taux de profitabilité intéressant, le développement à l'étranger n'en est pas pour autant indolore financièrement pour la SNCF. Ainsi, avant de lancer son offre, Ouigo a-t-il dû investir 500 millions d'euros pour adapter son matériel roulant au réseau espagnol .

Au-delà de Ouigo Espagne, la SNCF envisage de nouveaux projets et considère avec intérêt le potentiel de croissance à l'étranger de ses offres de transport de voyageurs.

Des opérateurs historiques étrangers poursuivent aussi de telles logiques d'expansion hors de leurs frontières. En décembre 2021 Trenitalia est ainsi arrivé sur le marché domestique de la grande vitesse en France en proposant une offre sur la LGV la plus rentable de l'hexagone, à savoir, Paris - Lyon. L'opérateur italien entend également se développer sur le marché de la grande vitesse espagnole dès 2022. L'espagnol Renfe , s'il a rencontré de sérieuses difficultés pour équiper son matériel roulant aux standards de signalisation exigés sur le réseau français, devrait proposer des offres sur les LGV françaises d'ici 2023. Par ailleurs, l'opérateur espagnol se positionne en concurrence de SNCF Voyageurs dans de nombreux appels d'offre TER dans l'hexagone.

ANNEXE 31 : LA MOBILITÉ INTERNE À LA SNCF

Les nouveaux dispositifs de mobilité interne à la SNCF

Le programme « solidarité emploi » et les agences territoriales de la mobilité :

Depuis 2020, le programme « solidarité emploi » a vocation à déployer une gouvernance territoriale dans les domaines de l'emploi et des mobilités. Il se traduit notamment par la constitution de viviers par les lignes métiers. Il passe ainsi par la mise en place de plans spécifiques sur les métiers qui recrutent. C'est aujourd'hui le cas du numérique, domaine pour lequel un accès à un parcours de formation qualifiant sur les métiers de développeurs a été ouvert. Dans un avenir proche, des dispositifs similaires doivent être créés pour des métiers d'expertise comme l'exploitation des gares ou la maintenance du matériel roulant.

Le programme « solidarité emplois » se décline au sein des agences territoriales de la mobilité, des structures rattachées à la direction des ressources humaines (DRH) du groupe. Elles ont pour objet de traiter les mobilités avec changement de métier dites « complexes », qu'il s'agisse de mobilités volontaires ou du repositionnement d'agents en transition professionnelle. À ce titre, elles assurent deux types de missions :

- des missions d'ordre stratégique/fonctionnel : elles interviennent en appui du coordinateur régional groupe dans le pilotage territorial de l'emploi à travers la mise en oeuvre locale du programme « solidarité emploi » et la contribution aux réunions sociales territoriales en déclinaison de l'accord d'entreprise ;

- des missions opérationnelles : elles accompagnent individuellement certains salariés en transition professionnelle afin de faciliter leur retour à l'emploi.

Le programme repose sur une coordination étroite des différentes entités du groupe et d'un partage poussé des données de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) dans ses dimensions locales et nationales.

La bourse des missions :

La bourse des missions est une nouvelle fonctionnalité offerte dans l'outil actuel de la bourse de l'emploi pour permettre aux managers et acteurs RH de mettre en ligne des offres de missions. Le partage ainsi plus transparent et la valorisation de ces missions permettent de les rendre plus attractives et fluidifier ainsi la mobilité interne.

Les missions reprises correspondent à un besoin exprimé par l'activité, sont créatrices de valeur ajoutée et peuvent permettre de limiter de recourir à des ressources externes. Les missions ont une durée allant de 3 mois minimum à 3 ans maximum. Mise en place fin avril 2021, il y a actuellement environ 300 missions publiées.

Source : réponses de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 32 : LA NÉGOCIATION COLLECTIVE À LA SNCF

La modification de l'article L.2101-6 du code des transports par la réforme pour un nouveau pacte ferroviaire de 2018

Rédaction de l'article L.2101-6 du code des transports issue de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire :

« Les négociations obligatoires prévues par le code du travail se déroulent au niveau de la SNCF pour l'ensemble du groupe public ferroviaire.

Les accords collectifs négociés au niveau de la SNCF pour l'ensemble des établissements publics du groupe public ferroviaire sont soumis au régime des accords d'entreprise. »

Rédaction de l'article L.2101-6 du code des transports issue de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 et de l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019, en vigueur depuis le 1 er janvier 2020 :

« Les négociations obligatoires prévues par le code du travail se déroulent soit au niveau du périmètre défini au I de l'article L. 2101-5 [le groupe composé des cinq sociétés issues de l'ancien groupe public ferroviaire] du présent code pour l'ensemble des sociétés qui le composent, soit au niveau de chacune des sociétés le composant.

La répartition des thèmes de négociations en tout ou partie entre les niveaux prévus au deuxième alinéa du présent article, selon que les mesures envisagées concernent une ou plusieurs des sociétés, est fixée par voie d'accord conclu dans les conditions fixées à l'article L. 2232-33 du code du travail au niveau du périmètre défini au I de l'article L. 2101-5 du présent code. »

Source : commission des finances du Sénat, d'après le code des transports

ANNEXE 33 : UNE CLASSIFICATION DES EMPLOIS OBSOLÈTE À METTRE À JOUR

L'actualisation indispensable d'une classification
des emplois devenue obsolète

Le dictionnaire des filières est le référentiel qui décrit actuellement les filières de la SNCF, et les « grades » qui y sont attachés, ainsi qu'un certain nombre de règles pour évoluer vers un autre grade (dans une autre filière ou pour progresser au sein d'une même filière).

Il ne s'applique qu'au personnel au statut. Il date de 1991 et sa dernière révision date de 2005. Obsolète, il décrit une vision silotée des métiers de l'entreprise.

Du fait des nouveaux repères en matière de classification issus de la branche, les précédentes références deviennent caduques : tous les postes de la SNCF ont donc vocation à être positionnés sur des emplois-types et des familles professionnelles, en lieu et place des actuels grades et filières.

Le dictionnaire a donc vocation à largement évoluer pour intégrer ces nouvelles références.

Celles-ci sont issues d'échanges approfondis qui ont eu lieu au cours de la négociation au niveau de la branche ferroviaire avec les organisations syndicales représentatives. La nouvelle classification s'appuie ainsi sur un référentiel de 144 emplois-type, qui décrivent la réalité des métiers actuels de la branche ferroviaire.

Cette nouvelle classification permet de disposer de références communes à l'ensemble des entreprises de la branche, mais aussi de donner des perspectives accrues et plus lisibles pour les salariés pour évoluer professionnellement.

Des travaux importants de transposition de la classification de la convention collective (reprise dans le décret du 25 août 2021) sont actuellement en cours, et devraient permettre une transposition de cette nouvelle classification à la mi-2022.

Source : réponse de la direction des ressources humaines de la SNCF au questionnaire des rapporteurs spéciaux

ANNEXE 34 : INNOVATIONS DES MATÉRIELS ROULANTS ET COMPÉTITIVITÉ DE LA SNCF

La SNCF consacre chaque année environ 50 millions d'euros à l'innovation. Elle participe à la stratégie d'innovation de la filière ferroviaire pensée avec la fédération des industries ferroviaire (FIF), Alstom, RATP et Thales, dans le cadre du plan de relance et du PIA4. Son programme baptisé Tech4Rail a aussi vocation à accélérer son effort d'innovation.

Le « TGV du futur » (TGV M), avec un prix d'acquisition réduit de plus de 15 % (25 millions d'euros pour une rame de TGV M contre 30 millions d'euros pour un TGV duplex actuel), des coûts de possession et de maintenance diminués de 30 %, une consommation d'énergie en baisse de 20 %, une capacité d'accueil augmentée de 10 % par rapport aux rames des TGV de dernière génération 233 ( * ) et des opportunités de modularité renforcées, pourrait rendre l'activité grande vitesse plus compétitive à l'avenir. En 2018, SNCF Voyageurs a commandé cent rames de TGV M pour près de 3 milliards d'euros . Les premières doivent être livrées en 2024.

Les perspectives de développement d'innovations en termes de matériel roulant sont particulièrement avancées en ce qui concerne les services TER avec des locomotives hybrides, à batteries ou propulsées au biocarburant, à l'hydrogène, au biogaz, etc . Si aujourd'hui l'enjeu tient à la structuration d'une filière hydrogène susceptible de produire cette source d'énergie à un prix abordable, à long terme, le train à hydrogène apparaît comme la solution la plus prometteuse pour remplacer les locomotives diesel sur les lignes non électrifiées.

Ces innovations sont entièrement financées par les régions qui procèdent à des investissements massifs pour acquérir. Plusieurs d'entre elles ont déjà lancé des programmes d'acquisition de trains hydrogène 234 ( * ) soutenues à hauteur de seulement 47 millions d'euros d'avances remboursables par l'État. La question de l'opportunité financière , sur le long terme, de recourir à la location plutôt qu'à l'acquisition pourrait se poser, notamment en raison des compétences et moyens à consacrer en termes d' asset management afin de s'assurer que l'entretien et la maintenance sont optimales et permettent de préserver, sur un cycle de vie de plusieurs dizaines d'années, la valeur de cet actif très coûteux.

Des projets de trains autonomes sont également à l'étude. La SNCF a prévu d'y engager plus de 20 millions d'euros d'ici 2023.


* 1 L'Independant regulators' group - rail.

* 2 La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence, Cour des comptes, octobre 2014.

* 3 Audit sur l'état du réseau ferré national français, laboratoire d'intermodalité des transports et de planification de l'école polytechnique fédérale de Lausanne, septembre 2005.

* 4 40 % de son résultat net récurrent.

* 5 Rapport au Premier ministre portant sur « l'avenir du transport ferroviaire » de la mission conduite par Jean-Cyril Spinetta, 15 février2018.

* 6 Mécanisme créé par la réforme de 2014.

* 7 Désormais, le montant des résultats du groupe SNCF affectés au fonds de concours destinés à SNCF Réseau correspondra à 60 % de son bénéfice net récurent et non plus au 40 % prévu par la réforme de 2014.

* 8 En vertu des dispositions du décret n° 97-446 du 5 mai 1997 relatif aux redevances d'utilisation du réseau ferré national perçues au profit de SNCF Réseau.

* 9 À hauteur de 65 millions d'euros en 2021. Pour plus de détails, voir infra dans la partie dédiée au fret ferroviaire.

* 10 Exposé des motifs de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

* 11 Et, plus précisément, au programme de régénération du réseau ferré national.

* 12 À ce concours conjoncturel exceptionnel accordé par l'État peut être ajouté le coût pour celui-ci des mesures de droit commun mises en oeuvre pour faire face à la crise, au premier rang desquelles le dispositif d'activité partielle dont la SNCF a pu bénéficier à hauteur d'environ 200 millions d'euros.

* 13 Dans le détail, l'évolution des capitaux propres du groupe en 2020 est affectée à la hausse par la reprise de dette de 25 milliards d'euros et la recapitalisation de 4,05 milliards d'euros accordée par l'État. Elle a en revanche été affectée à la baisse par le cumul du résultat négatif de l'exercice à hauteur 3 milliards d'euros, le versement des 4,05 milliards au fonds de concours destiné à SNCF Réseau et l'attribution de 762 millions d'euros de dividendes 14 à ce même fonds de concours. Pour rappel, en 2019, ce dividende avait atteint 537 millions d'euros.

* 15 En application de l'article 229 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 16 SNCF Réseau, des réformes à approfondir, Cour des comptes, décembre 2018.

* 17 Le réseau ferroviaire français : des évolutions significatives mais des choix nécessaires à venir, Cour des comptes, novembre 2021.

* 18 « La SNCF face à la crise sanitaire » dans le rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes, mars 2021.

* 19 Intervention d'Alain Bonnafous et Yves Crozet (Laboratoire d'économie des transports de Lyon) au Forum International des Transports - OCDE (décembre 2014).

* 20 L'Independant regulators' group - rail.

* 21 Les publications les plus récentes de l'IRG-Rail, datée de 2021, confirment cette situation qui se trouve même accentuée.

* 22 En euros par train, l'ART fait le même constat concernant les services conventionnés. Leur coût en France s'élève à 28 euros par train kilomètre, un montant très largement supérieur à tous les autres pays observés. Après déduction des péages la France demeure de très loin le pays le moins compétitif pour les activités conventionnées, l'écart avec ses homologues observés allant de 23 % à 90 %.

* 23 À travers la réduction des effectifs du corporate et des fonctions support administratives des activités, la baisse des achats et charges externes (renoncements de dépenses d'honoraires, de formations, de séminaires, d'études et recherches, d'achats de matériels bureautiques, de dépenses liées aux systèmes d'information, de dépenses immobilières, etc.) ou encore une amélioration de la performance achat portée par la renégociation de contrats de prestations, la massification des achats et les gains sur les pénalités et les rabais, remises et ristournes, etc.

* 24 Qui regroupe 3 000 agents, de CSP dédiés à différentes fonctions supports (ressources humaines, finances, système d'information et immobilier).

* 25 Ce programme concerne sept filières métiers (ressources humaines, finance, achats, juridique, communication, sécurité - sureté et relations internationales) et a pour ambition d'accroitre significativement la contribution des fonctions support du groupe à l'effort global de maîtrise des coûts de la SNCF.

* 26 Elle a réalisé une marge opérationnelle de 27 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 489 millions d'euros en 2020.

* 27 Alors que la SNCF l'estimait à environ 2,5 milliards d'euros.

* 28 Le 22 avril 2021, la SNCF et un consortium composé de la caisse de dépôt et placement du Québec et de l'un des fonds infrastructure géré par l'acteur allemand DWS Group sont entrés en négociations exclusives pour la cession de 100% du capital d'Ermewa Holding SAS. Réalisée sous la pression de l'État, la cession semble finalement avoir été réalisée au bon moment car le parc de wagon était vieillissant. Il aurait été nécessaire de les remplacer à brève échéance.

* 29 Les 50 autres % étant détenus par DWS Group .

* 30 Un patrimoine qui représenterait, hors gares, environ 8,5 millions de mètres carrés de bâti, 1 million de mètres carrés de bureaux, 24 000 bâtiments et 30 000 hectares de terrains.

* 31 Supérieur au montant de 1 800 millions d'euros envisagé par la SNCF à l'origine.

* 32 En effet, en 2020, pour améliorer sa situation de trésorerie, la SNCF a procédé à la titrisation de sa créance de CICE sur l'État. La totalité des risques et avantages liés à cette créance ont ainsi été transférés à l'établissement bancaire contrepartie de l'opération et la SNCF a constaté une amélioration de sa situation de trésorerie de 306 millions d'euros. En diminuant l'actif circulant de la SNCF, l'opération a eu un effet à la baisse sur la variation du BFR.

* 33 Cette situation s'explique notamment par la diminution du trafic de fret qui ne s'est pas traduite par des baisses d'effectifs au sein de SNCF Réseau.

* 34 SNCF Réseau, des réformes à approfondir, Cour des comptes, décembre 2018.

* 35 D'après l'association française des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires indépendants (AGIFI), sur les tronçons de voie qui ont été délégués à des gestionnaires d'infrastructure ferroviaire privés, le coût de maintenance de ces gestionnaires demeure inférieur aujourd'hui aux coûts de maintenance qui avaient été anticipés par SNCF Réseau au moment du lancement des appels d'offre.

* 36 Actuellement, en Île-de-France, ces intervalles sont d'environ quatre heures, soit deux heures et trente minutes de temps utile.

* 37 Après la signature d'un contrat entre SNCF Réseau et les Hauts-de-France le 26 janvier 2022, ce sont désormais quatre régions qui ont contracté avec le gestionnaire d'infrastructure.

* 38 Les cycles de régénération dépendent à la fois de l'âge des composants, de leur éventuelle obsolescence technique, ou encore des sollicitations du trafic.

* 39 Les LGV, les principales lignes classiques ainsi que les installations de services qui leur sont associées.

* 40 Qui représentent près de 90 % des ressources de SNCF Réseau.

* 41 Les lignes concernées sont : Lison - Cherbourg, Rennes - Saint-Malo, L'Arbesle - Le Coteau, Sathonay - Bourg-en-Bresse, Crépy-en-Valois - Laon, Blainville - Remiremont, Saint-Dié - Raon-l'Étape, Caen - Alençon - Le Mans - Tours, La Roche-sur-Yon - Bordeaux, Coutras - Périgueux - Bussière-Galant, Bourges - Montluçon, Nevers - Montchanin, Foix - Latour-de-Carol et Brive - Turenne - Rodez.

* 42 Les voies du réseau structurant hors LGV.

* 43 Approuvés par le décret n° 2019-1587 du 31 décembre 2019.

* 44 « Audit sur le réseau ferré national » pour le compte de SNCF Réseau, IMDM Infra Consulting, 2018.

* 45 Elle considère cet écart d'autant plus regrettable qu'il fera suite à deux autres exercices (2020 et 2021) au cours desquels cette trajectoire n'avait pas non plus été respectée. Le retard accumulé en matière d'investissements de régénération prend une ampleur d'autant plus conséquente que la trajectoire fixée était déjà, comme le souligne également l'ART dans son avis, très en retrait par rapport aux 3,5 milliards d'euros d'investissements annuels recommandés par les experts.

* 46 Les trajectoires d'investissement du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau sont fixées en euros courants et non en euros constants.

* 47 « Transport ferroviaire : sommes-nous sur les rails ? Propositions pour une véritable relance du transport ferroviaire », Réseau action climat France, Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme, France Nature Environnement, octobre 2020.

* 48 L'étude précitée exprime le hiatus entre les objectifs de la SNBC et les moyens dévolus au réseau ferré en GVK (giga voyageurs kilomètres), une unité qui correspond à la multiplication d'un voyage par sa distance sommé sur une année. Elle évalue ainsi que la trajectoire d'investissements actuelle ne permettrait de développer le trafic que de 7 GVK d'ici 2030 alors que l'objectif de la SNBC est de 28 GVK, soit 4 fois supérieur. À l'horizon 2050, dans l'hypothèse d'un maintien du rythme d'investissements actuel le différentiel est estimé à 2,4 (35 GVK pour un objectif de 83 GVK).

* 49 86 milliards d'euros en ajoutant la contribution des Länder.

* 50 Ainsi le DDR 2021 prévoit une redevance spéciale sur la ligne Paris-Lyon pour couvrir 194 millions d'euros des 820 millions d'euros nécessaires à la modernisation de la ligne.

* 51 L'ERTMS gère en temps réel l'espacement entre deux trains grâce à des capteurs radio GOC 2.0 ou GPRS qui transmettent les données en temps réel entre le sol, l'infrastructure et le train. L'ERTMS de niveau 3 est aujourd'hui le standard technologique le plus évolué.

* 52 Ainsi, avant 2040, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, la Suède, la Suisse, le Luxembourg, la République Tchèque, l'Estonie ou encore la Norvège ont prévu d'équiper l'intégralité de leur réseau. À titre d'exemple, le gestionnaire d'infrastructure allemand, DB Netz prévoit d'équiper tout son réseau d'ici 2035. Son homologue italien, RFI (Rete ferroviaria italiana), a le même objectif à horizon 2036. Ces programmes sont appuyés par des subventions massives de leurs États respectifs.

* 53 190 000 euros par kilomètre de pleine ligne double voie de type LGV et 500 000 euros par kilomètre pour des lignes avec noeuds ferroviaires.

* 54 Sur la seule ligne Marseille - Vintimille, le déploiement de l'ERTMS coûtera environ 600 millions d'euros, soit plus de 1,9 million d'euros par kilomètre de voie. Pour la LGV Paris-Lyon, le déploiement de l'ERTMS aurait coûté environ 1 millions d'euros par kilomètre, le coût total de la modernisation de cette ligne atteignant 800 millions d'euros.

* 55 Il est remonté à 6,6 milliards d'euros en 2021.

* 56 Dans le rapport sur le marché du transport ferroviaire en 2020.

* 57 Il est à noter que les commissaires aux comptes, à travers leur réserve significative récurrente sur les états financiers de SNCF Réseau, soulignent que, compte tenu des lourdes incertitudes qui pèsent sur les perspectives financières de la société et du modèle économique du réseau ferroviaire, ils ne sont pas en mesure d'estimer le caractère suffisant de ces dépréciations déjà significatives. Aussi, précisent-ils dans leur rapport sur les états financiers 2020 de SNCF Réseau : « nous ne sommes pas en mesure d'apprécier le caractère probant des projections utilisées, et donc de nous prononcer sur la valeur nette comptable des actifs concernés ».

* 58 Dont 8 millions d'euros d'achats de fournitures tels que des masques ou du gel hydro alcoolique.

* 59 Voir infra pour plus de détails sur le projet d'actualisation du contrat de performance.

* 60 Les premières ont vocation à compenser le coût marginal d'entretien, et d'exploitation du réseau quand les secondes doivent couvrir le coût marginal d'entretien des installations électriques.

* 61 Encadrées par les dispositions du décret n° 97-446 du 5 mai 1997 relatif aux redevances d'utilisation du réseau ferré national perçues au profit de SNCF Réseau.

* 62 Les annexes au projet de loi de finances pour 2022 prévoient que leurs montants atteignent 1 892 millions d'euros au titre des TER et 537 millions d'euros au titre des TET.

* 63 Et formalisée dans le document de référence du réseau (DRR).

* 64 Ce mécanisme doit financer l'enveloppe de régénération du réseau ferroviaire.

* 65 Le montant de l'affectation étant passé de 40 % à 60 % du bénéfice net récurrent du groupe SNCF.

* 66 Le versement prévisionnel de ces produits de cession est affecté à différentes opérations d'investissement visant notamment à financer la sécurisation des passages à niveau ou les sillons de fret ferroviaire.

* 67 Les principaux financeurs sont les collectivités territoriales, au premier rang desquels les régions, IDFM ainsi que la Société du Grand Paris (SGP) et dans une moindre mesure l'État, à travers l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), et l'Union européenne (UE).

* 68 Compte-tenu des nouvelles modalités de calcul du coût complet du réseau demandées par l'ART et qui incluent désormais une juste rémunération des capitaux investis sous la forme d'un coût moyen pondéré du capital estimé à 5,7 %, le projet d'actualisation du contrat de performance retient même un taux de couverture de 75 % en 2021.

* 69 Cet indicateur correspond à une unité d'oeuvre fictive pour les travaux?de renouvellement de la voie qui correspond à la dépense moyenne?d'un kilomètre de renouvellement de l'ensemble des composantes de la voie : rails, traverses et ballast.

* 70 Les rapporteurs notent d'ailleurs que de nouveaux outils digitaux permettent de réduire le temps consacré aux procédures de sécurité sans incidence sur le niveau de cette dernière. À ce titre, les gains de productivité peuvent aussi conduire à renforcer les conditions de sécurité.

* 71 À travers la mise en place d'une vraie politique d'asset management.

* 72 Pour remédier aux insuffisances manifestes du passé la structure de pilotage du programme a ainsi été renforcée et le plan a été construit de façon plus rigoureuse à travers sa déclinaison en une quarantaine de projets considérés comme prioritaires par le comité de direction. Ces projets font l'objet d'un reporting systématique ainsi que d'un suivi hebdomadaire.

* 73 En effet, la production d'une activité d'infrastructure est moins évidente à saisir qu'une production industrielle en sortie d'usine.

* 74 Mesurée notamment par l'indicateur du nombre de kilomètres de tournées à pied.

* 75 À travers notamment la renégociation de marchés, la limitation des prescriptions à l'égard des fournisseurs ou la réduction du nombre de références.

* 76 Le plan de performance actuel devra être mis à jour des objectifs formalisés dans le contrat de performance actualisé et documenter dans le détail les actions à entreprendre pour mener à bien ces gains d'efficience indispensables.

* 77 À travers le coût d'achat des matières premières, des prestataires, etc.

* 78 Portée notamment par de nouvelles obligations réglementaires telles que notamment la fin du glyphosate ou les dispositions de la loi Didier.

* 79 La trajectoire retenue actuellement dans le projet de contrat de performance 2021-2030 prévoit une augmentation régulière de ce coût.

* 80 Cet outil est essentiel dans la perspective d'améliorer la qualité des sillons alloués aux opérateurs.

* 81 En 2018, dans son rapport précité sur SNCF Réseau, la Cour des comptes avait déjà pointé les conséquences regrettables du retard pris dans le développement de l'outil ainsi que les surcoûts constatés.

* 82 Pour building information modeling.

* 83 À ce titre, à l'occasion de plusieurs auditions qu'ils ont menées, les rapporteurs spéciaux ont noté que des interlocuteurs et clients réguliers de SNCF Réseau leur ont signalé que la société se retranchait déjà fréquemment derrière ces objectifs financiers pour justifier son incapacité à contribuer à des investissements pourtant indispensables dans les infrastructures ferroviaires, en particulier concernant les lignes de desserte fine du territoire ou le fret ferroviaire.

* 84 https://www.autorite-transports.fr/actualites/lautorite-adopte-son-avis-sur-le-projet-de-contrat-de-performance-2021-2030-entre-letat-et-sncf-reseau/.

* 85 Qui figurent dans le décret n° 2019-1587 du 31 décembre 2019.

* 86 Reliant Bordeaux à Toulouse et Bordeaux à Dax.

* 87 2 milliards d'euros à horizon 2030 pour la première phase.

* 88 Entre Marseille et Nice.

* 89 À ce titre, l'article 103 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a prévu d'instituer une taxe spéciale d'équipement au profit de la société de financement locale qui aura pour mission de contribuer au financement du projet GSPSO.

* 90 « Les gares ferroviaires de voyageurs », rapport public thématique de la Cour des comptes, avril 2021.

* 91 Devenue filiale de SNCF Réseau depuis le 1er janvier 2020.

* 92 Qui assure une couverture intégrale des coûts d'exploitation.

* 93 Ils étaient précédemment gérés par SNCF Réseau.

* 94 Les principales opérations d'investissements portent sur la mise en accessibilité des gares, la rénovation des coeurs de gares et des quais, la rénovation des très grandes gares ou encore le projet Eole.

* 95 Et la Cour d'ajouter : « l'État doit désormais mobiliser des moyens budgétaires suffisants pour assurer le financement des investissements nécessaires à la modernisation des gares ainsi qu'au maintien en condition d'un patrimoine historique qu'il a décidé de préserver ».

* 96 Avis n° 2021-065 du 7 décembre 2021 relatif au projet de budget de SNCF Réseau pour l'année 2022, Autorité de régulation des transports (ART).

* 97 La compensation d'exploitation de l'État au titre de l'année 2020 inclut donc une contribution liée à la crise de 26,3 millions d'euros.

* 98 Dans la mesure où son modèle économique repose sur un ratio plus important de recettes d'exploitation.

* 99 SNCF Mobilités jusqu'en 2019.

* 100 En retraitant les effets de périmètre.

* 101 Supprimé le 31 décembre 2020.

* 102 Notamment au travers du règlement européen du 7 octobre 2020 sur le soutien aux opérateurs ferroviaires ou des lignes directrices sur les aides d'État dans le secteur ferroviaire.

* 103 Le reste du capital étant partagé entre Patina (40 %), un consortium composé de la Caisse de dépôt et placement du Québec et du fonds Hermes, et l'entreprise ferroviaire publique belge SNCB (5 %).

* 104 Ils sont liés à l'infrastructure du tunnel sous la Manche et de la ligne à grande vitesse HS1 au Royaume-Uni.

* 105 Répartis entre 400 millions de livres (464 millions d'euros) de prêts commerciaux bancaires et 100 millions de livres (116 millions d'euros) de prêts d'actionnaires.

* 106 Il se compose de 50 millions de livres (58 millions d'euros) de capitaux propres des actionnaires à hauteur de leur parité respective, de 150 millions de livres (174 millions d'euros) de nouveaux prêts bancaires, garantis par les actionnaires et de 50 millions de livres (58 millions d'euros) de facilités de crédit existantes restructurées.

* 107 Elle a également renoncé à ses dividendes pour les prochaines années.

* 108 Contre la réforme du droit du travail en 2016, contre la réforme ferroviaire en 2018 et contre le projet de réforme des retraites en 2019.

* 109 Il est à noter qu'en Allemagne, DB Cargo, l'homologue de Fret SNCF, elle aussi opérateur historique, fait l'objet d'un contentieux similaire.

* 110 Cette enquête cible notamment l'accord par lequel la maison mère du groupe Deutsche Bahn s'engage à couvrir intégralement et de façon structurelle les pertes de sa filiale DB Cargo. D'après le communiqué de presse de la Commission du 31 janvier 2022, ce soutien pourrait constituer « une aide d'État incompatible avec le marché intérieur en faveur de l'entreprise ».

* 111 « Le marché français du transport ferroviaire en 2020 », ART, décembre 2021.

* 112 L'automobile et la sidérurgie ont été les secteurs les plus touchés.

* 113 Environ 18 % aujourd'hui.

* 114 Les financements devront permettre d'investir dans la mise au gabarit P400 (des remorques de quatre mètres de hauteur) des ouvrages d'art et des axes structurants du réseau, la résorption des noeuds ferroviaires, les terminaux de transport combiné, la rénovation des lignes capillaires, les autoroutes ferroviaires, le développement de trains plus longs et plus lourds, le renforcement de l'intégration du réseau français aux corridors du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), les voies de service et de triage, etc.

* 115 « Les co-bénéfices du fret ferroviaire, éléments d'évaluation et propositions », Altermind, juin 2020.

* 116 Classées entre les catégories 7 et 9 au sens de l'union internationale des chemins de fer (l'UIC), ces lignes sont essentiellement concernées par la circulation des TER et des trains de fret. Elles représentent environ 40 % du réseau national exploité.

* 117 Les 8 % restants étaient financés par SNCF Réseau.

* 118 Le réseau ferroviaire français : des évolutions significatives mais des choix nécessaires à venir, Cour des comptes, novembre 2021.

* 119 Devenir des lignes de desserte fine des territoires, février 2020.

* 120 14 lignes pour environ 1 500 kilomètres de voies.

* 121 À partir de 2024, le projet de contrat de performance prévoit qu'une partie de l'enveloppe de régénération soit consacrée aux petites lignes dans la mesure où quatorze d'entre-elles doivent être transférées au réseau structurant.

* 122 Celle-ci passe notamment par la conception de fiches diagnostic de lignes ou de budgets prévisionnels plus rigoureux.

* 123 « De nouveaux référentiels pour les petites lignes ferroviaires », Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), décembre 2019.

* 124 Sur ce thème, le rapport Philizot appelait notamment SNCF Réseau à « sortir des approximations actuelles ».

* 125 La région Grand Est est la plus avancée sur le sujet à travers le lancement d'un appel d'offre portant à la fois sur la circulation et la gestion de l'infrastructure ferroviaire. Des gestionnaires d'infrastructure privés se sont déjà manifestés pour répondre à l'appel d'offre.

* 126 Ce dernier a ainsi la responsabilité de définir les plans de transport mis en oeuvre par SNCF Voyageurs, aujourd'hui seule entreprise ferroviaire à opérer les lignes intercités.

* 127 Les régions Normandie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France, Grand-Est et Occitanie.

* 128 La convention 2016-2020 prévoyait la réalisation de 50 millions d'euros de gains de productivité de la part de SNCF Voyageurs.

* 129 En retenant cinq nouveaux corridors pour lesquelles elle a réalisé des estimations prévisionnelles de leur modèles économiques.

* 130 Trois lignes internationales fonctionnaient également : Paris - Venise, Paris - Moscou et Nice - Moscou.

* 131 À parité entre le plan de relance et le programme industriel de la convention d'exploitation des TET pour la période 2016-2020.

* 132 Une demande semble émerger, notamment parmi les jeunes générations sensibles aux questions environnementales. Le Royaume-Uni, la Suisse ou les pays scandinaves développent leur offre tandis que l'Union européenne souhaite revitaliser les trains de nuit transfrontaliers. Souvent cités comme référence en la matière, les chemins de fer fédéraux autrichiens (les ÖBB), ont ainsi prévu d'ajouter sept nouvelles lignes à leur 19 liaisons de nuit actuelles.

* 133 Les débuts de l'exploitation de la nouvelle ligne de Paris-Nice semblent plutôt prometteurs puisque, depuis son ouverture, d'après la DGITM, le taux d'occupation des rames atteint 90 %.

* 134 Le 12 décembre 2021, par la voie de son ministre des transports, il a encore réaffirmé cet engagement. Des appels à projet doivent être lancés en 2022 pour de nouvelles lignes européennes. En janvier 2022, le Premier ministre a annoncé la réouverture de la ligne de nuit Paris - Aurillac d'ici deux ans.

* 135 Ce dernier est estimé à plus de 20 millions d'euros pour les deux nouvelles lignes rouvertes en 2021.

* 136 L'ouverture de deux autres lignes est programmée en décembre 2023 entre Zürich et Barcelone et entre Paris et Berlin.

* 137 Via l'action 07 « Infrastructures et mobilité vertes » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » du budget général de l'État.

* 138 88 millions d'euros de ces crédits doivent être affectés à la réouverture des lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes, le reste étant dédié à la rénovation du matériel roulant des deux dernières lignes qui restaient en fonctionnement.

* 139 Si la DGITM considère que l'exploitation de nouvelles lignes de trains de nuit domestiques pourrait être rentable globalement à condition d'organiser un système de péréquation, elle insiste sur le caractère très fragile de cette hypothèse qui restera à confirmer.

* 140 Les équipements de 600 nouvelles voitures et de 60 locomotives pour respectivement 925 millions d'euros et 275 millions d'euros.

* 141 Il en va ainsi par exemple de la péréquation qui s'exerce entre la très rentable ligne Paris-Lyon et la desserte Paris-Bordeaux ou de la péréquation pour financer les « bouts de lignes » TGV.

* 142 Qui représente structurellement les deux-tiers de la marge opérationnelle de SNCF Voyageurs.

* 143 Le panier moyen des clients professionnels étant nettement supérieur au panier moyen de l'ensemble des voyageurs.

* 144 Au plus fort de la crise la clientèle professionnelle était tombée à 40 % de son niveau habituel et, aujourd'hui, elle ne se situe encore qu'à environ 70 % de son niveau de 2019.

* 145 All change, how Covid-19 has disrupted the future of long-distance mobility, Roland Berger, novembre 2021.

* 146 Présentées dans le neuvième rapport annuel (market monitoring report) de l'IRG-RAIL, avril 2021.

* 147 À titre d'exemple, en avril 2021, Flixtrain a invoqué le coût élevé des infrastructures en France comme principale explication de son renoncement à investir le marché français.

* 148 Pour s'établir à 11,4 %.

* 149 Pris en charge aux trois quarts par l'État fédéral et pour le restant par les Länder.

* 150 Majoritairement en Europe.

* 151 Cette part était de 30 % en 2019.

* 152 Aussi, lors du conseil d'administration de janvier 2022, le groupe a-t-il confirmé son intention de racheter, pour 1,3 à 1,5 milliard d'euros, le commissionnaire de transport américain, Pilot Freight Services.

* 153 Intégralement financée par la dette.

* 154 1 485 millions d'euros au 31 décembre 2020.

* 155 Cette croissance atteint même 368 millions d'euros une fois retraités l'effet de l'évolution des taux de change et les changements de périmètre.

* 156 Portée par les activités e-commerce de logistique contractuelle et de Freight forwarding stimulée par le dynamisme du fret aérien.

* 157 En France, les perspectives de croissance de la société devraient être tirées par le e-commerce et la distribution de produits de santé. En Europe, Geodis attend beaucoup du dynamisme de la zone Pays-Bas Allemagne Pologne tandis que dans le monde, le e-commerce aux États-Unis et le transport intercontinental avec l'Asie devraient être porteurs.

* 158 Récemment, elle poursuivi le développement international de ses activités avec le gain ou la prolongation de contrats majeurs à Londres, au Danemark, en Suède ou encore aux États-Unis. Le segment du métro automatique constitue pour elle une perspective prometteuse de développement à l'international.

* 159 Année où elle rachète 100 % du capital de sa filiale.

* 160 Les frais de gestion payés par Geodis à la maison mère au titre de services administratifs mutualisés.

* 161 Dont 370 millions d'euros de frais financiers, 220 millions d'euros de produit d'intégration fiscale, 90 millions d'euros de dividendes et 70 millions d'euros de management fees.

* 162 Qui souffrent d'un manque de compétitivité marqué et qui s'ouvrent à la concurrence.

* 163 2 % en Europe hors de France et 3% dans le reste du monde.

* 164 Elle invoque notamment des écarts en matière de cotisations salariales, de retraite, de dispositifs spécifiques en matière de couverture santé ou d'action sociale, etc.

* 165 La gestion des ressources humaines du groupe public ferroviaire SNCF, Cour des comptes, juin 2019.

* 166 La mobilité entre sociétés au sein du groupe a concerné 1 500 salariés en 2019 et 1 800 en 2020.

* 167 comme l'informatique, la conduite des trains, la sûreté ferroviaire ou encore la gestion des gares ;

* 168 Dans son rapport de 2019 précité sur la gestion des ressources humaines de la SNCF, la Cour des comptes évaluait cette part à 2/3 du GVT positif.

* 169 A l'occasion de son audition du 15 décembre 2021 devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, Jean-Pierre Farandou s'est notamment engagé à maintenir à 2,7 % la progression de la RMPP en 2022.

* 170 De façon ponctuelle les personnels dont le salaire est inférieur ou égal à 1,5 SMIC bénéficieront ils d'une prime de pouvoir d'achat de 600 euros. Une autre prime de 600 euros a été accordée aux agents de SNCF Voyageurs. D'autres mesures auront en revanche des conséquences structurelles. Il s'agit du déplafonnement de la grille statutaire et de l'introduction d'un échelon d'ancienneté supplémentaire.

* 171 Si pour les encadrants, elle peut représenter de 3 à 10 % de leur rémunération de base, sa part dans la masse salariale n'a pas évoluée depuis le rapport de la Cour des comptes précité de 2019 qui soulignait que les moyens pour rémunérer la performance individuelle et collective étaient beaucoup trop limités.

* 172 Ils reposent sur des objectifs en termes de marge opérationnelle, de satisfaction client, de régularité, de réduction des événements de production, etc. Le montant de l'intéressement est ensuite réparti entre les bénéficiaires, au prorata de la présence de chaque salarié sur l'exercice. Le montant prévu par les accords à objectifs peut atteindre jusqu'à 400 euros par an et par salarié.

* 173 À ce titre, la société Gares et Connexions a signé en 2021 un accord d'intéressement susceptible, en cas de résultats conformes aux objectifs budgétaires, de représenter de 7 à 8% du salaire annuel.

* 174 La Cour des comptes constatait déjà ces risques de contournement dans son rapport de 2019 précité sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 175 La hausse du recours à l'intérim s'explique notamment les besoins saisonniers en gares dans un contexte de réduction de 50 % des contrats à durée déterminée (CDD) qui servaient auparavant à les couvrir.

* 176 7 760 ETP.

* 177 Et de 20 % depuis 2016.

* 178 La société adapte ainsi son outil de production à l'évolution de son marché. La baisse d'effectifs chez Fret SNCF doit se poursuivre encore plusieurs années et pourrait être infléchie à moyen-terme si, comme la société l'anticipe, son activité se consolide.

* 179 Les trajectoires vont néanmoins diverger selon les métiers entre ceux qui sont clairement excédentaires tels que l'escale, la distribution commerciale ou les fonctions supports et ceux qui sont en tension tels que la conduite et l'entretien du matériel roulant.

* 180 En outre, dans son rapport précité de 2018 sur SNCF Réseau, la Cour soulignait l'augmentation des charges de personnel de SNCF Réseau et notamment l'évolution « très dynamique », et très supérieure à l'inflation, de sa rémunération moyenne des personnels en place (RMPP).

* 181 Un constat qu'elle et des recommandations qu'elle avait déjà formulé dans son rapport de 2018 sur SNCF Réseau dans lequel elle soulignait la nécessité pour le gestionnaire d'infrastructure « de réduire ses coûts en établissant un programme d'actions fixant des objectifs physiques de gains de productivité, lesquels devront conduire à des réductions d'effectifs ».

* 182 Dans les conditions fixées par l'article L.2232-33 du code du travail.

* 183 CGT, Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et CFDT.

* 184 La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoyait par ailleurs la continuité d'application des accords collectifs négociés dans le cadre de l'ex groupe public ferroviaire, en vigueur au 31 décembre 2019, dans l'ensemble des cinq sociétés issues de la réorganisation intervenue le 1er janvier 2020. Ces accords collectifs ont ainsi acquis la nature d'accords de groupe et ont continué de s'appliquer tels quels dans les cinq sociétés.

* 185 Dans son rapport précité de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 186 Elle en conclue que le levier de l'organisation du travail à la SNCF est porteur « d'importants gisements de gains de productivité ». Cet accord offre en effet des conditions d'activité très avantageuses au personnel relativement à ce qui peut être pratiqué dans d'autres pays. À titre d'exemple, un agent roulant de la Deutsche Bahn réalise plus de 230 jours de service par an contre 211 pour un agent français.

* 187 Quatre ans.

* 188 Cela a par exemple été le cas en 2021 à l'infrapôle Paris-Nord.

* 189 Dans son rapport précité sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 190 Dans son rapport précité de 2019 sur la gestion des ressources humaines de la SNCF.

* 191 Dans son rapport précité de 2018 sur SNCF Réseau.

* 192 Le GSM-R est un standard de communication sans fil basé sur le GSM, et développé spécifiquement pour les applications et les communications ferroviaires.

* 193 « Étude sur l'apport potentiel du secteur privé sur le développement et la modernisation de l'infrastructure ferroviaire », Ersnt & Young, 2017.

* 194 En 2019, dans son rapport sur la gestion des ressources humaines de la SNCF, la Cour des comptes soulignait ainsi qu'en dépit des opportunités existantes, SNCF Mobilités recourait trop peu à la sous-traitance.

* 195 En particulier en ce qui concerne le développement et la maintenance de ses applications informatiques.

* 196 Facilités de circulation dans la branche ferroviaire, juillet 2021.

* 197 Une pratique commerciale qui consiste à faire varier les prix en fonction du comportement de la demande des consommateurs.

* 198 Cette nouvelle politique commerciale devra nécessairement passer par un développement volontariste d'offres combinant, avec un seul et unique billet, différents modes de transport. Elle impliquera aussi de nouveaux types d'abonnements plus flexibles pour la clientèle d'affaires et les nouvelles habitudes de mobilité post-crise qui la caractériseront.

* 199 Les premières à s'engager, pour un total cumulé de 12 rames et 232 millions d'euros, ont été les régions Auvergne-Rhône Alpes, Bourgogne Franche Comté, Grand-Est et Occitanie.

* 200 « Un obstacle sérieux » à l'ouverture à la concurrence selon l'ART.

* 201 Pour compléter le reporting hebdomadaire habituel.

* 202 Qui avait initialement été fixé à 4,1 milliards d'euros.

* 203 Une nouvelle émission obligataire de 2 milliards d'euros a été réalisée le 23 octobre 2020.

* 204 Pour un peu plus de 6 milliards de subventions attendues inscrites en EHB reçus au titre des « engagements de financement d'investissements pour l'exploitation de matériel ferroviaire ».

* 205 Dont 12,4 milliards d'euros inscrits au titre des « engagements de financement d'achat d'immobilisations autre que matériel ferroviaire ».

* 206 https://www.insee.fr/fr/information/3607979.

* 207 Année au cours de laquelle ils avaient connus une perte de 166 millions de francs suisses.

* 208 Issues du rapport sur « le marché français du transport ferroviaire en 2020 », Autorité de régulation des transports (ART), décembre 2021.

* 209 Hors LGV.

* 210 SNCF Réseau détermine une durée de vie théorique pour chaque composant de la voie. La qualification « voie hors d'âge » est déterminée sur la base des composants de la voie dont l'âge est au-delà du seuil de régénération défini dans la politique de régénération qui les concerne.

* 211 Comparaison européenne de la ponctualité des services ferroviaires de voyageurs en 2018, 2019 et éclairages 2020, Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST), novembre 2021.

* 212 « Pertinence des investissements ferroviaires ; relancer une politique d'investissements ciblée », étude de l'UFC-Que Choisir, octobre 2021.

* 213 Fixée à un niveau faible de 6,5 %.

* 214 Elles sont principalement issues de deux vagues d'électrification qui ont eu lieu avant et après la seconde guerre mondiale.

* 215 Les aiguilles anciennes étant commandées à la main et les plus récentes à distance, mais au sein d'un périmètre restreint, par impulsion électrique.

* 216 « La migration vers la nouvelle génération de signalisation ferroviaire européenne (ERTMS), une opportunité pour l'amélioration des liaisons transfrontalières », Direction générale du Trésor (DGT), septembre 2019.

* 217 1948 kilomètres précisément.

* 218 En l'occurrence, l'article 31 de la directive 2012/34/UE.

* 219 Ces conditions sont définies à l'article 32 de la directive 2012/34/UE.

* 220 « Les usagers de la route paient-ils le juste prix de leur circulation », Trésor-Eco, direction générale du trésor, avril 2021.

* 221 Environ 65 % d'après SNCF Réseau.

* 222 À titre d'exemple, certains des indicateurs prévus au contrat ne sont toujours pas définis.

* 223 Moins de 14 jours.

* 224 Il est à noter que les conséquences de la crise se sont aussi traduites par une baisse des péages de près de 900 millions d'euros.

* 225 En milliards de tonnes par kilomètre.

* 226 « Dix ans après la libéralisation du marché européen de fret ferroviaire : quel bilan et quels enseignements pour la France ? », Florent Laroche, 2017.

* 227 Compensation fret versée par l'État à SNCF Réseau.

* 228 « TET : agir pour l'avenir », Philippe Duron, mai 2015.

* 229 Les six accords de reprises de ligne TET conclus à ce jour concernent les régions Normandie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France, Grand-Est et Occitanie.

* 230 Destinées aux lignes Toulouse-Hendaye, Paris-Boulogne, Bordeaux-La Rochelle, Bordeaux-Limoges, Bordeaux-Ussel, Clermont-Ferrand-Nîmes et à la desserte de Montluçon.

* 231 Pour le renouvellement du matériel roulant des deux lignes structurantes Paris-Limoges-Toulouse et Paris-Clermont-Ferrand.

* 232 Hors plan de relance.

* 233 Soit jusqu'à 740 passagers.

* 234 Les premières à s'engager, pour un total cumulé de 12 rames et 232 millions d'euros, ont été les régions Auvergne-Rhône Alpes, Bourgogne Franche Comté, Grand-Est et Occitanie.

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