Rapport d'information n° 502 (2021-2022) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 février 2022

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N° 502

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture ,

Par MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné le mercredi 16 février 2022 le rapport de MM. Vincent Éblé, Sénateur de Seine-et-Marne et Didier Rambaud, Sénateur de l'Isère, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Culture, sur les résultats de leur contrôle sur le financement des services à compétence nationale du ministère de la culture dédiés à la recherche patrimoniale.

I. DES SERVICES COMPLÉMENTAIRES

La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.

Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale :

- le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ;

- le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ;

- le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

A. DEUX STRUCTURES DÉDIÉES AU PATRIMOINE MOBILIER ET IMMOBILIER

1. Le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)

Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.

Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie.

Il répond à deux objectifs :

- apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques ;

- développer une activité de recherche.

Le LRMH réalise environ 300 opérations par an. Il intervient toujours à titre gracieux.

Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique. Versée via les programme 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la dotation au LRMH s'élève à 896 425 euros en AE et 958 413 euros en CP en 2022, après mise en réserve.

2. Le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

Mis en place le 1 er janvier 1999, le C2RMF est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966. Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).

Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale. Il dispose, en matière de recherche, d'outils innovants, à l'image de l'accélérateur de particules AGLAE. Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Il ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre. Service technique compétent en matière de restauration, le C2RMF participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.

La dotation versée au Centre par le ministère de la culture, via les programmes 175 et 361 s'élève à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP en 2022, après mise en réserve. Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.

B. UNE STRUCTURE PIONNIÈRE : LE DRASSM

Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) a pour mission principale la préservation du patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Il est compétent pour toutes les recherches archéologiques impliquant un recours à la plongée. Il est l'héritier de la direction de recherches archéologiques sous-marine (DRASM), mise en place en 1966 au sein du ministère de la culture.

Son action est déclinée autour de cinq axes :

- sa principale mission consiste en l'inventaire, l'étude, la protection, la conservation et la promotion du patrimoine archéologique national subaquatique et sous-marin. Il met en oeuvre la loi du 1 er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes ;

- le DRASSM assure également une mission de conseil et de contrôle scientifique et technique sur tous les chantiers archéologiques relevant de sa compétence : ses agents peuvent ainsi intervenir sur tout chantier de fouilles en milieu immergé ;

- le Département contribue par ailleurs à l'élaboration de la carte archéologique nationale ;

- le DRASSM émet, auprès de la sous-direction de l'archéologie du ministère de la culture à laquelle il est rattaché, des propositions en vue de renforcer les relations scientifiques avec des pays tiers dans son domaine de compétence ;

- le département encadre la formation des archéologues plongeurs.

En matière d'archéologie préventive, le DRASSM peut participer aux évaluations concernant principalement la construction des champs éoliens off-shore et la pose des câbles numériques et électriques immergés d'interconnexion. Le DRASSM est en effet compétent pour prescrire des travaux d'aménagement dans ce domaine, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) intervenant en principe en tant qu'opérateur. L'insuffisance des moyens dédiés justifie aujourd'hui un décalage entre le nombre de prescriptions et le nombre des évaluations effectivement menées.

Depuis 1966, la DRASM puis le DRASSM ont dirigé l'étude ou contrôlé la fouille de plus de 1 600 sites archéologiques subaquatiques et sous-marins en France (Métropole et Outre-mer) et à l'étranger. La zone d'intervention est extrêmement étendue, comprenant 11 millions de km² de zone économique exclusive. Son champ d'intervention est large puisqu'il couvre la grotte Cosquer (- 28 000 ans) comme les épaves du Débarquement (1944). Entre 100 000 et 150 000 épaves seraient ainsi sous sa juridiction.

Le DRASSM est composé de 36 agents, chercheurs et administratifs. Après avoir occupé depuis 1966 le fort Saint-Jean de Marseille, il est actuellement implanté sur le site de l'ancien stade de l'Estaque à Marseille. Il disposait jusqu'en 2021 d'une flotte composée de l'André Malraux, navire hauturier de 36 mètres, et du Triton, navire côtier (14 mètres). Il compte, depuis le 2 juillet 2021, un second navire hauturier, l'Alfred Merlin.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 1,209 million d'euros en AE et 1,08 million d'euros en CP, versée via le programme 175 Patrimoines. Un fonds de concours abondé presque exclusivement par le produit des conventions d'évaluation archéologiques signées entre le DRASSM et les aménageurs en mer vient compléter ce financement. La loi de finances initiale 2021 prévoyait ainsi 0,93 million d'euros (AE=CP) de dotation complémentaire via ce fonds de dotation.

II. LE C2RMF ET LE LRMH S'INSCRIVENT DANS UN RÉSEAU DÉJÀ DENSE DE STRUCTURES DÉDIÉES

A. LE NOMBRE IMPORTANT DE STRUCTURES DÉDIÉES À LA RECHERCHE PATRIMONIALE INCITE À UN RENFORCEMENT DES SYNERGIES

L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.

Montants prévus au sein des programmes 175 et 361 de la mission Culture
en faveur des organismes dédiés à la recherche patrimoniale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La recherche patrimoniale associe en effet :

- établissements publics sous tutelle ou co-tutelle (Institut national d'histoire de l'art - INHA et Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP) ;

- groupements d'intérêt public à caractère culturel : Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine - (CICRP) situé à Marseille, et Arc-Nucléart installé à Grenoble ;

- universités (dont celles réunies au sein de la Fondation des sciences du patrimoine) et unités de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- services dédiés au sein des musées , à l'image du Centre de recherche sur la conservation des collections rattaché au Muséum national d'histoire naturelle ou de l'équipe de conservation et de recherche du musée de la musique ;

- services patrimoniaux dépendant de collectivités territoriales.

Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel (CICRP et Arc'Nucléart) et un laboratoire départemental (Arc'Antique) concourent ainsi à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF. Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP.

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets , sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale . Ils redoutent ainsi un morcellement des moyens accordés, rendant le soutien public insuffisant .

B. DES PROBLÉMATIQUES COMMUNES QUI INVITENT À S'INTERROGER SUR LA PERTINENCE D'UN RAPPROCHEMENT

La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale . Instituée par arrêté rectoral du 24 janvier 2013, fondée par les universités de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et de Cergy-Pontoise, elle associe le Musée du Louvre, l'établissement public du Château de Versailles et la Bibliothèque nationale de France. Le LRMH, le C2RMF et l'Institut national d'Histoire de l'art en sont membres. Fondation partenariale placée sous le haut patronage du ministère de la Culture, elle assure la mise en place de l'équipement d'excellence (EquipEx) Patrimex. Celui-ci consiste en un réseau socio-technique dédié à la caractérisation, la conservation et la restauration du patrimoine matériel sous toutes ses formes (monuments, statues, tableaux, manuscrits, archives, instruments anciens).

Ce pôle commun permettrait de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH. La saisine du C2RMF est jugé chronophage et digne d'une usine à gaz par de nombreux acteurs. Le rôle de filtre joué par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) limite, par ailleurs, l'accès au LRMH.

La mise en place d'un véritable pôle dédié, disposant d'une structure de gouvernance, permettrait aux SCN comme aux autres acteurs de répondre aux défis auxquels ils font face, qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens, sans gommer les spécificités de chacune des entités . La plupart des organismes publics dédiés à la recherche patrimoniale sont, en effet, confrontés à un manque de forces vives.

C. E-RIHS : UN ACCÉLÉRATEUR DE PARTICULES ?

Créée en 2015 et réunissant 14 Etats membres de l'union européenne, E-RIHS ( European Research Infrastructure for Heritage Sciences ) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune.

Celle-ci doit permettre de développer et soutenir la recherche dans le domaine patrimonial, via une approche pluridisciplinaire. Elle favoriserait ainsi l'accès transnational aux ressources issues de différentes plateformes européennes, qu'il s'agisse de l'ouverture aux grands instruments et aux technologies de pointe, du développement de l'interopérabilité et de la mise en commun de données, ou de la mise en place d'échanges de bonnes pratiques. Elle développe, dans le même temps, des activités de formation mais aussi de valorisation auprès du grand public.

Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.

D. DES SERVICES VICTIMES DE LEURS SUCCÈS ?

E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH, qui devraient être sollicités par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire une saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette ouverture à l'international témoigne avant tout d'une reconnaissance d'un savoir-faire français en la matière. Les SCN ne sont pas les seuls concernés. Si cette coopération internationale doit être saluée, les rapporteurs spéciaux alertent sur un risque de surexploitation des capacités de ces organismes, alors même que leurs moyens humains et matériels ne tendent pas évoluer significativement ces dernières années.

III. QUEL AVENIR POUR LE DRASSM ?

A. UNE COMPLÉMENTARITÉ À RENFORCER AVEC L'INRAP

Les évaluations archéologiques sous-marines ou subaquatiques sont divisées en deux phases :

- une analyse des données de détection électronique fournies par l'aménageur ou, le cas échéant, réalisées par le DRASSM dans le cadre d'une opération de terrain ;

- la vérification des cibles en plongée, réalisée par l'INRAP ou, si le ministère de la Culture le décide, par le DRASSM.

Jusqu'à ce jour, presque toutes les phases de vérification ont, en fait, été réalisées par le DRASSM, le plus souvent de sa propre initiative. L'INRAP ne dispose donc d'aucune visibilité sur le nombre et la programmation des projets donnant lieu à convention pour évaluation, ce qui peut apparaître contradictoire avec le rôle qui lui est, en principe, dévolu. L'INRAP devrait a minima être informé de l'ensemble des projets en cours de conventionnement et être intégré aux discussions avec le DRASSM et l'aménageur.

Par ailleurs, dès lors qu'une opération est confiée à l'INRAP, la coopération avec le DRASSM doit être optimale, en vue de déterminer les moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission. À ce titre, une mise à disposition des moyens matériels conséquents dont dispose le DRASSM via sa flotte apparaît indispensable. Si l'INRAP s'est doté d'un service des activités subaquatiques et sous-marines en juillet 2011, il ne dispose pas, cependant, de moyens nautiques ou de matériel robotique en propre. Il est donc conduit soit à conventionner avec le DRASSM pour la mise à disposition de ses moyens, soit à louer sur le marché les moyens techniques nécessaires, via des procédures d'appels d'offres.

B. LA QUESTION DU FINANCEMENT DES DIAGNOSTICS VISANT L'INSTALLATION DE CABLES NUMÉRIQUES

Les projets d'installation de câbles numériques sont exonérés de redevance d'archéologie préventive. Ils ne sont pas pour autant libérés de la procédure d'archéologie préventive, au risque de créer un réel déséquilibre financier pour l'État. L'INRAP doit en effet intervenir en cas de prescription de diagnostic par le DRASSM dans le cadre d'opérations qui engendrent des coûts non négligeables. Le DRASSM a indiqué aux rapporteurs spéciaux, dès lors qu'il est informé des projets suffisamment en amont, s'employer à négocier avec les aménageurs des conventions d'évaluation archéologique tarifées. L'exonération de RAP constitue cependant un handicap réel dans cette négociation, même si le DRASSM dispose d'atouts non négligeables : pleine maîtrise du calendrier opérationnel, possibilité d'anticiper les coûts et surcoûts éventuels de l'opération par la connaissance précise du tracé retenu et donc du métrage du câble nécessaire.

C. POUR UNE MEILLEURE ALLOCATION DES MOYENS

Le baptême de l'Alfred Merlin le 2 juillet 2021 permet au DRASSM de disposer, avec l'André Malraux, d'une flotte dédiée à l'archéologie sous-marine unique au monde. Elle peut, à ce titre, illustrer l'excellence de la recherche française dans ce domaine. Le choix de la construction d'un navire ne doit pas pour autant occulter les coûts d'entretien et d'adaptation éventuels à venir. Les travaux d'entretien et d'adaptation de cette flotte ont atteint 2,54 millions d'euros entre 2015 et 2021. Cette somme ne comprend pas les frais de carburant, de gardiennage ou de place à quai, ainsi que les produits d'entretien et alimentaires pour ravitailler les équipages à bord. Ce montant apparaît relativement important au regard de la date relativement récente d'acquisition des bâtiments. Ainsi s'agissant du Triton acquis en 2016, les coûts d'entretien représentent déjà près de 30 % du prix d'acquisition.

Coûts d'entretien de la flotte du DRASSM de 2015 à 2021

Date d'acquisition

Coût d'acquisition

(en euros)

Dépenses d'entretien

(en euros)

Ratio dépenses d'entretien (2015-2021) / Coût d'acquisition

André Malraux

2012

9 000 000

2 205 541,57

24,5 %

Nérée II

2015

56 304,50

4 786,77

8,5 %

Kerguelen

2015

97 980

12 963,3

13,2 %

Triton

2016

1 042 321,20

305 892,06

29,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Une telle flotte peut apparaitre disproportionnée au regard de l'activité du DRASSM . Les rapporteurs spéciaux relèvent un nombre limité du nombre de jours en mer de l'André Malraux depuis 2014, qui ne dépasse jamais 140 par an.

Nombre de jours en mer de l'André Malraux entre 2014 et 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Au-delà du coût de la flotte, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'importance des versements effectués aux associations. Le DRASSM subventionne certaines opérations menées par des associations qui disposent de moyens plus légers, notamment sur l'estran et dans les outremers, là où il n'a pas forcément les capacités pour se déployer. Reste que le montant des subventions versées par le DRASSM entre 2015 et 2020 atteint 791 664 euros. Il s'élevait à 124 960 euros en 2020, soit 14 % des crédits de fonctionnement du DRASSM lors de cet exercice .

Subventions accordées par le DRASSM entre 2015 et 2020

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

14,27 % des subventions versées entre 2015 et 2020 sont concentrées sur une seule association, en l'occurrence, l'Association pour le développement et la recherche en archéologie maritime (ADRAMAR), ce qui peut interroger sur l'opportunité d'une internalisation des missions qui lui sont dévolues.

LES RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Recommandation n° 1 (ministère de la culture) : Les dotations budgétaires accordées au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) sont réparties entre le programme 175 « Patrimoines » et le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » alors que le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) est intégralement financé, depuis la loi de finances pour 2022, via le seul programme 175 « Patrimoines ». Un regroupement des dotations du LRMH et du C2RMF au sein du seul programme 175 apparaît plus que pertinent au regard des objectifs qui lui sont confiées et des missions assignées à ces organismes. Il renforcerait également la clarté des documents budgétaires.

Recommandation n° 2 (ministère de la culture, Laboratoire de recherche des monuments historiques, Centre de recherche et de restauration des musées de France) : Pour compenser la relative stabilité des dotations budgétaires d'une année sur l'autre, développer les ressources propres, à l'image de celles du DRASSM, et le mécénat, sur le modèle de l'ancien Cercle des partenaires du patrimoine, qui appuyait jusqu'en 2018 l'action du LRMH.

Recommandation n° 3 (ministère de la culture) : La multiplicité des acteurs dédiés à la recherche patrimoniale financés en tout ou partie par l'État incite à un rapprochement de ces structures au sein d'un pôle dédié, permettant de définir un programme de recherche national et de favoriser les échanges, humains et matériels, entre les laboratoires afin de répondre aux cas de carence constatés et au manque de moyens. Cette coordination existe déjà dans le cadre du programme européen E-RIHS et pourrait donc être facilement développée. La Fondation des sciences du patrimoine pourrait jouer ce rôle d'agrégateur.

Recommandation n° 4 (ministère de la culture) : Prendre en compte la réalité des dotations budgétaires et des ressources à disposition avant de répondre favorablement aux sollicitations nationales ou internationales.

Recommandation n° 5 (ministère de la culture, département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) : Au regard du rôle opérationnel de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), la coopération entre cet opérateur et le DRASSM doit être renforcée en vue d'éviter tout phénomène de concurrence entre les deux structures et permettre ainsi à tous les acteurs publics de disposer d'une véritable visibilité sur les projets d'évaluation archéologique sous-marine.

Recommandation n° 6 (ministère de la culture) : L'exonération, depuis 2019, de redevance d'archéologie préventive pour les projets d'installation de câbles numériques crée les conditions d'un déséquilibre financier pour l'État, appelé à intervenir via l'INRAP pour réaliser un diagnostic d'archéologique préventive aux coûts importants, sans bénéficier en retour d'une ressource. La systématisation de conventions d'évaluation archéologique tarifées entre les opérateurs et le DRASSM permettrait de répondre à ce risque d'intervention à perte pour l'INRAP.

Recommandation n° 7 (ministère de la culture, département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) : Compte-tenu de l'importance des coûts de gestion de la flotte et du choix de la développer, une mise en commun des moyens du DRASSM au profit de l'INRAP apparaît opportune afin de répondre à l'extension de ses activités maritimes et subaquatiques et de rentabiliser, dans le même temps, l'investissement de l'État.

Recommandation n° 8 (ministère de la culture, département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) : Le recours aux associations pour mener à bien certaines opérations contraste avec la majoration des moyens techniques obtenue par ailleurs. La question de l'internalisation de certaines missions, à l'image de l'Atlas des biens culturels maritimes du Ponant, doit être posée.

AVANT PROPOS

La défense des patrimoines constitue un des trois grands axes, avec la création artistique et la transmission des savoirs, de la mission « Culture ». Elle passe par le biais de dispositifs de soutien aux opérateurs - à l'image des musées nationaux - aux collectivités territoriales ainsi que, dans une moindre mesure, aux propriétaires privés. La mise en avant du Loto du patrimoine, destiné à compléter l'action de l'État dans ce domaine, la mobilisation de la générosité nationale en faveur de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou l'affectation de crédits conséquents au sein du Plan de relance (614 millions d'euros répartis sur les exercices 2021 et 2022) ont illustré au cours du quinquennat qui s'achève la prégnance de cette politique au sein du débat public.

La richesse du patrimoine français, mobilier comme immobilier, induit un effort particulier en sa faveur, qui ne saurait cependant se limiter au seul financement de sa restauration. L'État ou les collectivités territoriales ont su, en effet, développer un certain nombre de structures appelées à exercer une expertise en matière de recherche dans ce domaine. Le ministère de la culture gère directement trois d'entre elles, rassemblées sous le statut de services à compétence nationale (SCN) : le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Ces trois organismes bénéficient aujourd'hui d'une renommée internationale

Le DRASSM avait fait l'objet en 2010 d'une mission de contrôle budgétaire de la commission des finances 1 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux ont souhaité compléter ce travail en étudiant les deux autres SCN et en évaluant le suivi des recommandations visant le DRASSM. Ce nouveau travail vise également à préciser le rôle de ces services au sein d'un réseau dense de structures dédiées aux questions patrimoniales, au sein duquel il peut apparaître difficile de se repérer.

I. DES SERVICES COMPLÉMENTAIRES

Le réseau des services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture est composé :

- des dix-sept musées nationaux répartis en douze SCN ;

- du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ;

- du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ;

- de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAPA) ;

- du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) ;

- des trois services d'Archives nationales : les Archives nationales (AN), les Archives nationales d'outre-mer (ANOM) et les Archives nationales du monde du travail (ANMT).

La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.

L'activité tourne autour de trois axes :

- faire progresser les connaissances et les méthodes ;

- organiser les données descriptives en garantissant leur qualité et leur homogénéité sur le territoire ;

- disposer de moyens techniques performants de datation, d'analyse et d'évaluation des procédés de conservation et de restauration.

La recherche en faveur des patrimoines vise également à :

- élaborer des instruments de recherche pour les fonds et les collections ;

- moderniser les outils de stockage, de traitement, de recherche et de diffusion des ressources numérisées ;

- éclairer les décisions en étudiant les besoins et usages des utilisateurs.

Elle peut s'inscrire dans le cadre de projets européens, financés par l'Union européenne, via la Commission européenne. Celle-ci pilote en effet le projet d'infra-structures de recherche « E-RISH » pour les sciences du patrimoine. Elle coordonne également les Initiatives de programmation conjointe de recherche à l'image de l'initiative conjointe ( Joint programming initiative - JPI) « Patrimoine culturel et changement global : un nouveau défi pour l'Europe ».

Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale :

- le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ;

- le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) ;

- le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

A. DEUX STRUCTURES DÉDIÉES AU PATRIMOINE MOBILIER ET IMMOBILIER

1. Le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)

Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.

Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie.

Il répond à deux objectifs :

- apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques ;

- développer une activité de recherche.

Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique . La direction de l'établissement est confiée à des membres du corps des conservateurs du patrimoine.

La loi de finances pour 2022 prévoit, pour cet établissement et après mise en réserve, une dotation de 788 072 euros (AE = CP) au titre du programme 361 :

- 634 458 euros au titre des frais de fonctionnement ;

- 153 614 euros dédiés à l'acquisition ou à l'entretien de matériels techniques de recherche.

Elle est complétée par une dotation du programme 175 provenant de l'enveloppe dédiée à la recherche en faveur des patrimoines, soit 139 876 euros en AE et 201 864 euros en CP, après mise en réserve, dont 46 488 euros en CP au titre des crédits d'investissement .

La dotation versée par le ministère de la culture en 2022 s'élève au total à 896 425 en AE et 958 413 euros en CP, après mise en réserve. Cette dotation n'intègre pas les frais de personnels.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette dotation a pu, par le passé, être complétée par le mécénat d'entreprise, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le Cercle des partenaires du patrimoine, qui a notamment participé à la mise en place d'un pôle bétons ou d'un programme plâtre a vu son activité s'arrêter en 2018. Aucune structure ne l'a depuis relayé, faute de réel appui du ministère. La révision en loi de finances pour 2020 du régime fiscal du mécénat d'entreprise ne favorise pas aujourd'hui une implication d'un acteur privé. Cette situation contraste avec celle constatée au sein des partenaires européens du LRMH, en particulier en Allemagne ou en Italie, où les grandes entreprises sont associées aux travaux des laboratoires.

a) L'assistance technique

Le LRMH peut être saisi par les architectes en chef des monuments historiques (ACMH) et les conservateurs régionaux des monuments historiques (CRMH) au titre de sa mission d'assistance technique.

Le LRMH peut réaliser tout ou partie de la gamme des interventions scientifiques, tout au long du chantier, et ce jusqu'à son achèvement. Il peut être amené, ponctuellement, à proposer un recours à des laboratoires extérieurs pour des analyses qu'il ne peut assurer lui-même.

En ce qui concerne les monuments historiques publics comme privés n'appartenant pas à l'État, le laboratoire intervient dans le cadre du contrôle scientifique et technique de l'État. Il donne accès à ses archives concernant le monument, peut participer à un pré-diagnostic, suggérer des protocoles d'études scientifiques et techniques qui serviront de base à la consultation de laboratoires privés, évaluer les résultats que ces derniers produisent et assister ainsi les maîtres d'ouvrage et d'oeuvre.

S'agissant des interventions, 298 opérations ont été réalisées en 2018, visant 177 monuments historiques. Le volume est resté quasiment identique en 2019 , le laboratoire étant par ailleurs mobilisé sur les travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. La mobilisation du laboratoire sur ce dernier chantier n'a pas débouché sur une augmentation de ses effectifs. Une dotation visant l'acquisition d'équipements adaptés (résistance au plomb notamment) a, néanmoins, été accordée, en 2019 (47 096 euros).

Le LRMH intervient toujours à titre gracieux .

b) L'activité de recherche

L'activité de recherche du LRMH est centrée sur :

- l'amélioration de la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres patrimoniales et de leurs mécanismes d'altération ;

- l'optimisation ou l'évaluation des techniques et produits de la conservation et de la restauration ;

- le développement de nouvelles instrumentations spécifiques.

L'activité de recherche est financée sur fonds propres. Le LRMH est également partenaire de projets nationaux (ANR, programme national de recherche sur la conservation du patrimoine, DIM MAP). Le LRMH est par ailleurs membre de deux laboratoires d'excellence (LabE) : MATISSSE et PATRIMA. Il participe à la gestion de la plateforme d'équipements mobiles (EquipEx PATRIMEX) et au réseau OXYMORE.

Le LRMH est également associé aux grands organismes internationaux traitant de la conservation des biens culturels :

- Comité de conservation du Conseil international des musées (ICOM) ;

- Institut international de conservation (IIC) ;

- Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) ;

- Corpus Vitrearum, organisme international regroupant des historiens du vitrail pour le recensement et l'étude des vitraux anciens.

2. Le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

Mis en place le 1 er janvier 1999, le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF ), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966 2 ( * ) . Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).

Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.

Le programme 361 prévoit, en 2022, après mise en réserve, une dotation de 0,72 millions d'euros (AE=CP) pour le C2RMF :

- 438 000 euros (AE=CP) au titre des frais de fonctionnement hors dépenses de personnels ;

- 285 625 euros (AE=CP) dédiés à l'acquisition ou à l'entretien de matériels techniques et notamment à la maintenance de l'accélérateur de particules AGLAE.

Elle est complétée par une dotation du programme 175 de 3,97 millions d'euros en AE et 3,37 millions d'euros en CP après mise en réserve, dont 2,67 millions d'euros (AE=CP) au titre des frais de fonctionnement

La dotation versée par le ministère de la culture en 2022 s'élève au total à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP, après mise en réserve.

416 985 euros (AE=CP) de fonds de concours sont, en outre, prévus en 2022 en faveur du C2RMF dans le cadre du programme Domaine d'intérêt majeur - Matériaux anciens et patrimoniaux (DIM-MAP), mené conjointement par le CNRS, le muséum d'histoire naturelle, l'école des hautes études en sciences sociales et la région Ile-de-France.

Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale.

Service technique compétent en matière de restauration, il participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.

Le C2RMF est composé de quatre départements :

- le département recherche , qui réunit cinq groupes : objets (métal, verre, céramique, pierre), peinture (peinture de chevalet, polychromie, arts graphiques), datation (carbone 14, thermoluminescence), AGLAE 3 ( * ) + (microscope électronique à balayage / fluorescence X, diffraction) et imagerie (photographie, radiographie, apparence, imagerie informatique)

- le département restauration , qui regroupe six filières : archéologie et ethnographie, arts décoratifs, art contemporain, peinture, sculpture et arts graphiques ;

- le département conservation préventive , qui comprend deux filières : expertise en conservation préventive et régie des oeuvres ;

- le département archives et nouvelles technologies de l'information , qui comprend également deux filières : archives, documentation et bibliothèques et nouvelles technologies de l'information.

Le C2RMF ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre.

L'Institut national du patrimoine (Inp)

L'Institut national du patrimoine (Inp) est un établissement d'enseignement supérieur du ministère de la culture créé par le décret n°90-406 du 16 mai 1990. Il a pour mission le recrutement par concours et la formation initiale des conservateurs du patrimoine de l'État, de la fonction publique territoriale et de la Ville de Paris (50 conservateurs formés chaque année) ainsi que la sélection, également par concours, et la formation de restaurateurs du patrimoine habilités à travailler sur les collections publiques (20 restaurateurs diplômés chaque année).

L'Inp propose également des formations permanentes pour les professionnels du patrimoine, français et étrangers. 80 sessions de formation permanente rassemblent environ 1 200 participants chaque année. Il est aussi un lieu de diffusion culturelle à travers des conférences et des colloques qui sont autant d'occasions de travailler avec d'autres institutions patrimoniales et universitaires, françaises et étrangères.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 7,41 millions d'euros (AE=CP) au titre du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ».

Il dispose de 41 ETPT rémunérés par le ministère de la Culture et 47 ETPT rémunérés directement.

Source : commission des finances du Sénat

Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette mission a pu être élargie avec l'expertise, en avril 2018, de l'oeuvre attribuée à Léonard de Vinci, Salvatore Mundi , qui ne fait pas partie desdites collections. Le tableau a en effet été acquis par la famille régnante d'Arabie Saoudite lors d'une vente aux enchères pour un montant de 383 millions d'euros en novembre 2017. L'accélérateur de particules AGLAE a ainsi été utilisé afin de déterminer l'origine de l'oeuvre. Cette expertise n'a pas donné lieu à une rétribution du C2RMF. Elle a été réalisée aux termes d'un accord passé avec le Musée du Louvre, signé le 13 juin 2018. Elle s'inscrivait dans le cadre d'un éventuel prêt au musée de cette oeuvre en vue de sa présentation au sein de l'exposition temporaire dédiée au peintre italien montée au deuxième semestre 2019. Cette expertise qui servait tout à la fois le Musée du Louvre et le propriétaire n'a pas donné lieu à rétribution.

Sans contester le bien-fondé d'une opération qui souligne la qualité et la réputation de l'expertise du Centre à l'international, les rapporteurs spéciaux regrettent que cette opération n'ait pas permis de dégager des ressources supplémentaires pour le C2RMF alors même qu'il dérogeait à sa vocation première.

B. UNE STRUCTURE PIONNIÈRE : LE DRASSM

1. Une structure ancienne disposant d'une zone d'intervention exceptionnelle

Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) a pour mission principale la préservation du patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Il est compétent pour toutes les recherches archéologiques impliquant un recours à la plongée.

Il est issu de la fusion, en 1996 , de deux entités :

- la direction de recherches archéologiques sous-marine (DRASM), mise en place en 1966 au sein du ministère de la culture, chargée de la sauvegarde et de la protection juridique et physique du patrimoine archéologique sous-marin de l'ensemble des eaux territoriales. Elle menait à cette fin des opérations de recensement, d'expertise et de cartographie. Elle était également chargée de délivrer les autorisations de prospection après instruction des demandes et contrôlait l'exécution de ces opérations ;

- le centre national de recherches archéologiques subaquatiques (CNRAS), créé en 1980 et installé à Annecy, qui exerçait une mission de conseil auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) s'agissant des recherches subaquatiques, de la formation des plongeurs, du contrôle scientifique des opérations archéologiques et de traitement des mobiliers.

La création du DRASSM répond de fait à une volonté de mutualiser matériels et compétences. Ses missions sont définies par un arrêté daté du 16 décembre 1998 4 ( * ) , ce texte octroyant le statut de service à compétence nationale au département. Son action est déclinée autour de cinq axes :

- sa principale mission consiste en l'inventaire, l'étude, la protection, la conservation et la promotion du patrimoine archéologique national subaquatique et sous-marin. Il met en oeuvre la loi du 1 er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes 5 ( * ) ;

- le DRASSM assure également une mission de conseil et de contrôle scientifique et technique sur tous les chantiers archéologiques relevant de sa compétence : ses agents peuvent ainsi intervenir sur tout chantier de fouilles en milieu immergé ;

- le Département contribue par ailleurs à l'élaboration de la carte archéologique nationale ;

- le DRASSM émet, auprès de la sous-direction de l'archéologie du ministère de la culture à laquelle il est rattaché, des propositions en vue de renforcer les relations scientifiques avec des pays tiers dans son domaine de compétence ;

- le département encadre la formation des archéologues plongeurs.

En matière d'archéologie préventive, le DRASSM peut participer aux évaluations concernant principalement la construction des champs éoliens off-shore et la pose des câbles numériques et électriques immergés d'interconnexion. Le DRASSM est en effet compétent pour prescrire des travaux d'aménagement dans ce domaine, l'INRAP intervenant en principe en tant qu'opérateur. L'insuffisance des moyens dédiés justifie aujourd'hui un décalage entre le nombre de prescriptions et le nombre des évaluations effectivement menées.

Depuis 1966, la DRASM puis le DRASSM ont dirigé l'étude ou contrôlé la fouille de plus de 1 600 sites archéologiques subaquatiques et sous-marins en France (Métropole et Outre-mers) et à l'étranger. La zone d'intervention est extrêmement large, comprenant 11 millions de km² de zone économique exclusive. Son champ d'intervention est large puisqu'il couvre la grotte Cosquer (- 28 000 ans) comme les épaves du Débarquement (1944). Entre 100 000 et 150 000 épaves seraient ainsi sous sa juridiction.

2. Une dotation budgétaire complétée par un fonds de concours

Le DRASSM est composé de 36 agents, chercheurs et administratifs. Après avoir occupé depuis 1966 le fort Saint-Jean de Marseille, le DRASSM est actuellement implanté sur le site de l'ancien stade de l'Estaque à Marseille.

Il disposait jusqu'en 2021 d'une flotte composée de l'André Malraux, navire hauturier de 36 mètres, et du Triton, navire côtier (14 mètres). Le DRASSM compte, depuis le 2 juillet 2021, un second navire hauturier, l'Alfred Merlin.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 1,209 million d'euros en AE et 1,08 million d'euros en CP, versée via le programme 175 Patrimoines 6 ( * ) . Un fonds de concours abondé presque exclusivement par le produit des conventions d'évaluation archéologiques signées entre le DRASSM et les aménageurs en mer vient compléter ce financement. La loi de finances initiale 2021 prévoyait ainsi 0,93 million d'euros (AE=CP) de dotation complémentaire via ce fonds de dotation.

Recommandation n° 1 : Les dotations budgétaires accordées au Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) sont réparties entre le programme 175 « Patrimoines » et le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » alors que le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) est intégralement financé, depuis la loi de finances pour 2022, via le seul programme 175 « Patrimoines ». Un regroupement des dotations du LRMH et du C2RMF au sein du seul programme 175 apparaît plus que pertinent au regard des objectifs qui lui sont assignés et des missions confiées à ces organismes. Il renforcerait également la clarté des documents budgétaires.

Recommandation n° 2 : Pour compenser la relative stabilité des dotations budgétaires d'une année sur l'autre, développer les ressources propres, à l'image de celles du DRASSM, et le mécénat, sur le modèle de l'ancien Cercle des partenaires du patrimoine, qui appuyait jusqu'en 2018 l'action du LRMH.

II. ... QUI S`INSCRIVENT DANS UN RÉSEAU DÉJÀ DENSE DE STRUCTURES DÉDIÉES

A. LE NOMBRE IMPORTANT DE STRUCTURES DÉDIÉES À LA RECHERCHE PATRIMONIALE INCITE À UN RENFORCEMENT DES SYNERGIES

L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.

Montants prévus au sein des programmes 175 et 361 de la mission Culture
en faveur des organismes dédiés à la recherche patrimoniale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La recherche patrimoniale associe en effet :

- établissements publics sous tutelle ou co-tutelle (Institut national d'histoire de l'art - INHA et Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP) ;

- groupements d'intérêt public à caractère culturel : Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine - (CICRP) situé à Marseille, et Arc-Nucléart installé à Grenoble ;

- universités (dont celles réunies au sein de la Fondation des sciences du patrimoine) et unités de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- services dédiés au sein des musées, à l'image du Centre de recherche sur la conservation des collections rattaché au Muséum national d'histoire naturelle ou de l'équipe de conservation et de recherche du musée de la musique ;

- services patrimoniaux dépendant de collectivités territoriales.

Montants spécifiquement dédiés à la recherche en faveur des patrimoines au sein du programme 361 (hors dépenses de personnels, SCN et opérateurs) en 2022

(en euros, AE=CP)

Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine

213 580

Recherche patrimoniale

698 108

Total

911 688

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans ces conditions, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets , sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale . Ils redoutent ainsi un morcellement des moyens accordés rendant le soutien public insuffisant .

1. Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel et un laboratoire départemental concourent également à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF
a) Le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine

Créé en 1993 à la suite d'une décision d'un comité interministériel d'aménagement du territoire, le Centre interrégional de conservation et de restauration du patrimoine (CICRP) est géré par un groupement d'intérêt public à caractère culturel constitué de l'État (ministère de la Culture), de la Ville de Marseille, du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte-D'Azur et du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône.

Il est implanté sur l'ancien site des Manufactures des tabacs de Marseille, mis à disposition par l'État et la ville de Marseille. Il y dispose d'une surface de 6 600 m², dont 2 000 m² dédiés aux ateliers de restauration.

Le CICRP intervient dans les domaines de la conservation préventive , de la conservation curative et de la restauration du patrimoine culturel relevant du domaine public ou du domaine privé protégé au titre des Monuments Historiques . Ces interventions peuvent ainsi concerner les musées de France, les monuments historiques, les archives, les bibliothèques, les centres d'art, les fonds régionaux d'art contemporain ou toute autre institution conservant des biens culturels.

Son activité porte sur :

- l'art et les matériaux contemporains ;

- les arts graphiques ;

- le patrimoine écrit ;

- la peinture de chevalet ;

- la peinture murale ;

- la pierre ;

- la conservation préventive, notamment les problématiques de contaminations biologiques (moisissures et infestation).

Le CICRP apporte aux propriétaires et responsables des biens culturels, collections ou monuments, une assistance et une expertise scientifique et technique . Il propose conseils, préconisations et démarches méthodologiques. Il peut réaliser des diagnostics et des études préalables. Il accompagne les maîtres d'ouvrages dans les opérations de conservation et de restauration.

À l'image du C2RMF, il accueille des oeuvres en restauration et accompagne ces opérations en mettant à la disposition de l'oeuvre des équipements et les moyens humains qui permettent à des restaurateurs libéraux choisis par les maîtres d'ouvrage de mener leurs travaux dans les meilleures conditions possibles.

Le CICRP mène, en outre, des études et des recherches liées aux problématiques de la conservation et de l'altération des matériaux du patrimoine . Le CICRP a, dans ce contexte, constitué en 2017 un LABCOM avec une unité mixte de recherche du CNRS dédiée à la modélisation pour l'architecture et le patrimoine (UMR 3495 - MAP), avec pour objectif le développement de l'imagerie scientifique numérique au service de la conservation du patrimoine.

Le CICRP a intégré en 2018 la Fondation des Sciences du Patrimoine (FSP - cf infra ) et fait également partie depuis 2017 du réseau European Research Infrastructure for Heritage Science (E-RIHS - cf infra ).

Le montant des financements publics du CICRP est établi à 3,097 millions d'euros en 2021, près de 60 % des crédits étant apportés par l'État. Le CICRP bénéficie ainsi d'une subvention en 2022 de 213 850 euros (AE=CP) au titre du programme 361 « Transmission et démocratisation de la culture ».

Financements du CICRP en 2021

( en euros )

Partenaire

Subvention

Investissement

Personnels

Foncier (coût de la mise à disposition gracieuse)

Total

Répartition

Ville de Marseille

420 000

110 000

454 848

984 848

30,38 %

État

400 000

110 000

1 250 000

177 000

1 937 000

59,75 %

Conseil régional Provence - Alpes - Côte d'Azur

225 000

35 000

260 000

8,02 %

Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

60 000

60 000

1,85 %

Total

1 105 000

145 000

1 360 000

631 848

3 241 848

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments transmis par le CICRP

Il emploie 24 fonctionnaires de l'État et de la ville de Marseille : conservateurs, géologues, chimistes, entomologiste, chef de travaux d'art, photographes-radiologue, personnel administratif, documentalistes, installateurs et techniciens. 4 contractuels ont également été recrutés, 3 étant financés par le biais d'une compensation de la ville de Marseille.

Fonctionnaires mis à disposition du CICRP

Origine

Nombre

Coût annuel
(en euros)

État

22 fonctionnaires (4 non pourvus)

1 250 000

Ville de Marseille

2

110 000

Total

24

1 360 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments transmis par le CICRP

Des contributions financières peuvent être demandées aux solliciteurs selon la nature des demandes (études, conseil, accueil d'oeuvres). Les sollicitations émanant du territoire couvert par le conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur sont exonérées de contribution. Des conventions globales et forfaitaires ont été établies avec la Conservation régionale des Monuments Historiques d'Occitanie et de Corse ainsi qu'avec le Centre des Monuments Nationaux. L'ensemble de ces contributions permet au CICRP de bénéficier d'un apport en fond propres d'environ 80 000 euros par an.

b) L'Atelier de recherche et de conservation (ARC) -Nucléart

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a engagé en 1970 le programme « Nucléart » avec pour objectif d'appliquer, dans le domaine de la conservation du patrimoine culturel, certaines des propriétés spécifiques du rayonnement gamma . Il s'agissait de pouvoir ainsi procéder à :

- la destruction des organismes vivants par irradiation à dose appropriée (désinsectisation et désinfection) ;

- la polymérisation de résines radiosensibles (procédé « Nucléart »).

Les méthodes de traitement se sont depuis diversifiées (imprégnation de polyéthylène glycol, lyophilisation) et des travaux de restauration des bois archéologiques sont désormais effectués.

Le CEA a également noué en 1981 un partenariat avec la direction des Musées de France et la Ville de Grenoble en vue de la création d'un Centre d'études et de traitement des bois gorgés d'eau (CETBGE).

Le CETBGE et Nucléart sont regroupés depuis 1989 au sein de l'atelier de recherche et de conservation Nucléart (ARC-Nucléart). ARC-Nucléart devient en 1997 un Groupement d'intérêt public à but culturel (GIP) réunissant le CEA, le ministère de la Culture et de la Communication, la Région Rhône-Alpes, la Ville de Grenoble et l'Association ProNucléart. La Région Auvergne - Rhône-Alpes n'est plus membre du GIP depuis juin 2017.

ARC-Nucléart assure la conservation-restauration des biens culturels en matériaux organiques et poreux (bois, cuirs et peaux, composites bois/métal ou autres, vanneries, cordages). Il mène également des actions de formation et de recherche . Il transfère au secteur privé les procédés issus de ces recherches.

Ses domaines d'intervention sont les suivants :

- interventions sur les sites archéologiques pour conseils et/ou extraction de vestiges en bois gorgés d'eau de grandes dimensions ;

- conservation et restauration des matériaux organiques archéologiques (bois, cuir, fibres, etc.) ;

- désinfection et désinsectisation de collections en matériaux organiques ;

- consolidation et restauration d'objets historiques et ethnographiques en bois avec ou sans polychromie ;

- consolidation et restauration du patrimoine culturel artisanal et industriel en bois ;

- consolidation de parquets historiques ;

- conception et réalisation de conditionnements spécifiques de transport et de conservation, et de supports muséographiques.

Arc Nucléart est éligible à une partie des crédits prévus au sein du programme 361 pour la recherche patrimoniale : 0,7 million d'euros en loi de finances pour 2022.

c) Le laboratoire de conservation-restauration et de recherche Arc'Antique

Intégré depuis 2015 au service Grand Patrimoine du département de Loire-Atlantique, Arc'Antique est un laboratoire de conservation-restauration et de recherche spécialisé sur le patrimoine archéologique terrestre et sous-marin. Créé en 1989, avec le soutien de l'État et du département, 4 missions lui sont assignées :

- l'étude et la conservation-restauration des objets archéologiques ;

- le développement de programmes de recherche appliquée ;

- la formation à la préservation du patrimoine ;

- l'information et le partage des connaissances.

Il a développé à ces fins des activités d'imagerie et d'analyse des matériaux. Il procède également à des études préalables en conservation préventive.

Ces missions sont centrées autour de 4 secteurs :

- la céramique et le verre ;

- les métaux ;

- les matériaux organiques : bois, cuir, os, fibres végétales ou animales ;

- le patrimoine sous-marin.

Il a aussi développé des activités complémentaires :

- imagerie ;

- analyse des matériaux

- étude préalable en conservation préventive et en formation des professionnels

L'équipe d'Arc'Antique regroupe 11 personnes aux compétences complémentaires. Les conservateurs-restaurateurs sont diplômés et habilités à intervenir sur des collections publiques.

2. La Fondation des sciences du patrimoine : un écosystème de recherche associant acteurs publics et privés

La Fondation des sciences du patrimoine (FSP) a été créée par arrêté rectoral du 24 janvier 2013. Fondée par les universités de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et de Cergy-Pontoise, elle associe le Musée du Louvre, l'établissement public du Château de Versailles et la Bibliothèque nationale de France. Le LRMH, le C2RMF et l'Institut national d'Histoire de l'art en sont membres.

Fondation partenariale placée sous le haut patronage du ministère de la Culture, elle a été créée pour assurer la mise en place de l'équipement d'excellence (EquipEx) Patrimex et jusqu'en 2018, la gouvernance du laboratoire d'Excellence (LabEx) Patrima 7 ( * ) .

Patrimex et Patrima

L'équipement d'excellence Patrimex consiste en un réseau socio-technique dédié à la caractérisation, la conservation et la restauration du patrimoine matériel sous toutes ses formes (monuments, statues, tableaux, manuscrits, archives, instruments anciens).

Il rassemble des outils d'étude utilisant les interactions ondes-matière, répartis autour de quatre pôles : plateforme laser, plateforme mobile, plateforme Synchrotron et Base de données Data H.

Les outils de Patrimex sont mis à la disposition de la communauté scientifique et des institutions partenaires de la FSP, ainsi que d'entités publiques et privées oeuvrant dans le secteur de la protection et de la sauvegarde du patrimoine. Ils ont également vocation à s'ouvrir à d'autres secteurs socio-économiques.

Le laboratoire d'excellence Patrima constitue un pôle de recherche et de formation. Il regroupe spécialistes des sciences humaines et sociales, des sciences de l'information et des sciences physico-chimiques et du vivant et réunit laboratoires de recherche et institutions culturelles autour de projets fédérateurs. Il répond à trois objectifs : recherche fondamentale, recherche appliquée et amélioration de la transmission des connaissances.

Source : commission des finances du Sénat

Définie comme un écosystème de recherche, la Fondation des sciences du patrimoine est censée concourir à la structuration et au financement de la recherche autour du patrimoine culturel matériel. Son action se décline autour de trois axes :

- la connaissance intime du patrimoine ;

- l'amélioration des procédés de conservation et de restauration ;

- l'amélioration des techniques de diffusion des connaissances.

La FSP vise la promotion de nouvelles synergies et habitudes de travail, convoquant l'ensemble des disciplines : anthropologie, histoire, sciences physico-chimiques, mathématiques, droit et informatique. Elle est à l'origine de 164 projets de recherche ou actions de diffusion scientifique et accompagne ou a accompagné 77 projets de thèses. 167 enseignants chercheurs et 36 conservateurs du patrimoine sont associés.

Patrimex comme Patrima font l'objet de financements dans le cadre du programme investissements d'avenir, sur la base d'appels à projets. Les projets sélectionnés par le Conseil scientifique de la FSP bénéficient ensuite d'une dotation décennale. Les universités porteuses de projets, les institutions partenaires et d'autres acteurs par le biais du mécénat viennent ensuite abonder le financement versé par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI). La FSP a ainsi annoncé le financement de 9 projets en 2020 pour un montant global de 564 500 euros .

La FSP est, par ailleurs, au même titre que des universités, des grandes écoles, des établissements publics, d'autres fondations ou des associations, éligible aux crédits prévus pour les recherches pluridisciplinaires au sein du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Une enveloppe globale de 2,53 millions d'euros (AE = CP) est ainsi prévue en loi de finances pour 2022 8 ( * ) .

3. Le rôle des établissements publics

Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP ( cf infra ).

a) L'institut national d'histoire de l'art (INHA)

Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), l'INHA a été créé en 2001 9 ( * ) . Il est placé sous la tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Bénéficiant de la dénomination de Grand établissement, il est dédié au développement de l'activité scientifique et à la coopération scientifique internationale dans le domaine de l'histoire de l'art et du patrimoine il s'articule autour de deux départements :

- le département des études et de la recherche (DER) ;

- le département de la bibliothèque et de la documentation (DBD).

L'unité de service et de recherche In Visu (Information visuelle et textuelle en histoire de l'art : nouveaux terrains, corpus, outils) rattaché au CNRS (USR3103) complète le dispositif.

Les principales missions du département des études et de la recherche consistent à :

- contribuer à la réalisation des programmes scientifiques et définir les orientations et moyens nécessaires à la production des outils documentaires ;

- faire émerger et animer des réseaux nationaux et internationaux ;

- former des chargés d'études et de recherche, des boursiers et des moniteurs-étudiants ;

- accueillir des chercheurs français et étrangers et favoriser l'insertion des chercheurs français dans les milieux scientifiques internationaux ;

- renforcer la diffusion des connaissances en histoire de l'art par l'organisation et l'accueil de colloques et de journées d'étude, la présentation d'expositions, ainsi que par le soutien et le développement d'une activité éditoriale diversifiée ;

- proposer une information sur les formations d'enseignement et de recherche, sur les institutions qui participent au développement de l'histoire de l'art et sur les programmes de bourses auxquels peuvent prétendre les historiens de l'art ;

- mettre en place une veille d'information sur l'actualité de la recherche en histoire de l'art en France et dans le monde ;

- assurer une mission de conseil et d'expertise pour la programmation des activités.

L'INHA bénéficie de deux financements au titre de la mission « Culture » pour subvention pour charges de service public :

- 3,89 millions d'euros (AE = CP) au titre du programme 175 « Patrimoines » ;

- 283 848 euros (AE = CP) au titre du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

En ajoutant les crédits en provenance du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur et ses ressources propres, l'établissement dispose d'un budget de 11,26 millions d'euros. Il convient de relever que ce budget n'intègre pas toutes les dépenses de personnels : une partie des personnels de l'INHA relève, en effet, des tutelles du ministère de la Culture et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Les montants correspondants atteignent 4,35 millions d'euros s'agissant des personnels relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et 2,3 millions d'euros pour les personnels relevant du ministère de la Culture. Les dépenses de personnel couvertes par l'INHA s'élèvent de leur côté à 3,9 millions d'euros.

L'INHA comptait 234 agents en poste , soit le plafond de 195,32 emplois équivalent temps plein annuel travaillé (ou ETPT, financés par la dotation de l'Etat) et 5,20 ETPT hors plafond (financés par des fonds extérieurs). Ces chiffres n'intègrent pas l'équipe du laboratoire InVisu , 10 chercheurs invités, 20 boursiers, les stagiaires et les vacataires concourant aux expertises scientifiques et documentaires.

L'INHA travaille en coopération avec le LRMH et le C2RMF. 3 programmes sont ainsi directement concernés à l'initiative de l'INHA :

- une étude sur les icônes grec-byzantines XIII e siècle menée avec le C2RMF, le LRMH étant associé à un groupe de travail mensuel ;

- l'élaboration d'un répertoire des sculptures allemandes avec le C2RMF ;

- le développement d'un programme de recherche sur les colorants datant du mitan du XIX ème siècle, avec le LRMH.

b) L'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

Créé par la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2011 relative à l'archéologie préventive, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) est un établissement public administratif chargé d'exécuter les opérations d'archéologie préventive prescrites par les services de l'État en charge de l'archéologie. Cette mission est partagée avec les services archéologiques des collectivités territoriales pour les diagnostics et les fouilles ainsi qu'avec les structures de droit privé pour les fouilles uniquement.

L'INRAP procède également à l'exploitation scientifique de ses activités et à la diffusion de leurs résultats. Il conventionne à cet effet avec des établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur.

Il est également tenu de concourir à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie.

Afin de financer ses missions, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 88,09 millions d'euros. 87,6 millions sont versés via le programme 175 « Patrimoines » et 0,49 million d'euros via le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit en outre 5 millions d'euros afin de soutenir l'activité de l'Institut, 15 millions d'euros ayant déjà été versés en 2021.

4. Des problématiques communes qui invitent à s'interroger sur la pertinence d'un rapprochement

La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale.

Ce pôle commun permettrait également de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH . L'Association des Conservateurs des Collections Publiques de France a pointé lors de son audition par les rapporteurs spéciaux les difficultés pour saisir le C2RMF, la procédure étant jugé chronophage et digne d'une usine à gaz. L'Association des architectes du patrimoine regrette, quant à elle, le rôle de filtre joué par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui limite son accès au LRMH.

a) Une mutualisation des moyens techniques et humains nécessaire

La mise en place d'un véritable pôle dédié, disposant d'une structure de gouvernance, permettrait aux SCN comme aux autres acteurs de répondre aux défis auxquels ils font face qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens , sans gommer les spécificités de chacune des entités. Le CICRP insiste ainsi régulièrement sur la mise à disposition d'outils pour mener à bien ses missions d'assistance.

La plupart des organismes publics dédiés à la recherche patrimoniale sont confrontés à un manque de forces vives . Relayée par les responsables des laboratoires, cette situation est également relevée par des acteurs extérieurs, à l'image de l'Association des architectes du patrimoine qui a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir observé un manque de personnels au sein du LRMH. L'Association des Conservateurs des Collections Publiques de France note, quant à elle, certaines carences au sein du C2RMF (climaticiens, manque de ressources sur la datation du bois) et souligne un problème de disponibilité des personnels dès lors que le C2RMF est sollicité pour une grosse opération à l'image de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou d'une participation à un projet européen.

De son côté, le CICRP est confronté à la fragilité inhérente à un groupement d'intérêt public s'agissant du recrutement : un quart du personnel est concerné par un départ en retraite dans les cinq ans alors que la mise à disposition d'ingénieurs s'avère délicate. Les partenaires pourvoyeurs de postes au sein du CICRP - ministère de la culture et ville de Marseille - ont toujours confirmé les renouvellements des postes, le ministère ayant même assoupli les modalités de candidature en ouvrant les postes aux agents d'autres ministères, aux fonctionnaires territoriaux et à des contrats à durée indéterminée Les difficultés constatées sont liées essentiellement à un manque de candidatures provenant de la fonction publique d'État et au différentiel de rémunération «fonctionnaires État et territoriaux». Elles débouchent sur une carence chronique qui entraîne des vacances longues compensées par des contrats à durée déterminée pris sur le budget du CICRP. Ceux-ci alourdissent sa masse salariale. À l'aune de ce défi, une réflexion sur un changement de statut et une évolution vers un établissement public de coopération culturelle (EPCC) est envisagée.

La création d'un pôle national dédié à la recherche patrimoniale pourrait en partie répondre à cette question , en fluidifiant les échanges de personnels et de moyens entre les laboratoires, SCN ou non, dont l'action s'inscrirait dans un programme de recherche défini au niveau national.

b) Le projet E-RIHS : un accélérateur de particules pour un rapprochement ?

L'étude des matériaux anciens a bénéficié de financements européens récurrents depuis 1999, à travers les projets LabS-TECH, EU-ARTECH, CHARISMA ou IPERION CH 10 ( * ) .

Créée en 2015, E-RIHS ( European Research Infrastructure for Heritage Sciences ) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune. Celle-ci doit permettre de développer et soutenir la recherche dans le domaine patrimonial, via une approche pluridisciplinaire. Elle favoriserait ainsi l'accès transnational aux ressources issues de différentes plateformes européennes, qu'il s'agisse de l'ouverture aux grands instruments et aux technologies de pointe, du développement de l'interopérabilité et de la mise en commun de données, ou de la mise en place d'échanges de bonnes pratiques Elle développe, dans le même temps, des activités de formation mais aussi de valorisation auprès du grand public.

Elle réunit 14 Etats membres : Allemagne, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Irlande Italie, Pays-Bas, Portugal Slovénie et République tchèque. Le Royaume-Uni et Israël sont également associés au dispositif. La mise en place d'une structure juridique lui permettant de mettre en oeuvre ces activités sur le moyen et long terme est envisagée à l'horizon 2023. Cet organisme pérenne devra être soutenu pour une durée minimale de 5 ans par les Etats membres.

Le coût de la mise en oeuvre de l'infrastructure était estimé, en 2018, à 20 millions d'euros dans la feuille de route sur les infrastructures de recherche 11 ( * ) . Le budget de fonctionnement est évalué à 5 millions d'euros par an.

Le CNRS, les SCN du ministère de la culture, des universités, le Muséum national d'histoire naturelle, l'Inria et la Fondation des Sciences du Patrimoine sont, en France, partie prenante à ce projet. Le C2RMF assure, avec l'Université de Saclay, la coordination de la participation française à E-RIHS.

Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.

Recommandation n° 3 : La multiplicité des acteurs dédiés à la recherche patrimoniale financés en tout ou partie par l'État incite à un rapprochement de ces structures au sein d'un pôle dédié, permettant de définir un programme de recherche national et de favoriser les échanges, humains et matériels, entre les laboratoires afin de répondre aux cas de carence constatés et au manque de moyens. Cette coordination existe déjà dans le cadre du programme européen E-RIHS et pourrait donc être facilement développée. La Fondation des sciences du patrimoine pourrait jouer ce rôle d'agrégateur.

c) Des SCN Victimes de leurs succès ?

E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH , qui devraient être sollicité par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire de saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.

La part croissante des opérations à l'international est déjà un sujet d'inquiétude pour les associations rencontrées par les rapporteurs spéciaux qui relèvent les incidences en matière de gestion des personnels. Les rapporteurs spéciaux relèvent avant tout que cette ouverture à l'international témoigne d'une reconnaissance d'un savoir-faire français en la matière. Les SCN ne sont pas les seuls concernés. La FSP coordonne ainsi une initiative de programmation conjointe européenne sur le patrimoine ( JPI Cultural Heritage ). Elle a également mis en place un partenariat avec les institutions patrimoniales de la province du Shaanxi (Chine). De son côté, le musée du Guandong (Chine) a noué une convention avec le CICRP en 2019.

Si cette coopération internationale doit être saluée, les rapporteurs spéciaux relèvent un risque de surexploitation des capacités de ces organismes, alors même que leurs moyens humains et matériels ne tendent pas évoluer significativement ces dernières années.

Recommandation n° 4 : Prendre en compte la réalité des dotations budgétaires et des ressources à disposition avant de répondre favorablement aux sollicitations nationales ou internationales.

B. QUEL AVENIR POUR LE DRASSM ?

1. Une complémentarité à renforcer avec l'INRAP

L'INRAP s'est doté d'un service des activités subaquatiques et sous-marines en juillet 2011. Celui-ci se structure depuis la fin 2018. Il ne dispose pas, cependant, de moyens nautiques ou de matériel robotique en propre. Il est donc conduit soit à conventionner avec le DRASSM pour la mise à disposition de ses moyens, soit à louer sur le marché les moyens techniques nécessaires, via des procédures d'appels d'offres.

En 2020, le pôle des activités subaquatiques de l'INRAP a reçu 22 prescriptions de diagnostic, soit deux fois plus qu'en 2019. Elles correspondent à 21 projets d'aménagement :

- 13 étaient situés dans le domaine public maritime (Méditerranée, Atlantique, mer des Caraïbes, Saint-Pierre-et-Miquelon, océan Indien) ;

- 8 dans le domaine fluvial.

24 prescriptions ont, par ailleurs, été réalisées en 2020, 4 d'entre elles impliquant des moyens d'intervention mixtes, terrestres et subaquatiques, ont été réalisées en collaboration avec des équipes régionales.

Les rapporteurs spéciaux notent cependant que le rapport d'activité 2020 de l'INRAP ne fait pas référence à une coopération avec le DRASSM et s'interrogent sur les relations entre les deux organismes pourtant complémentaires.

Il convient de rappeler à ce stade que les évaluations archéologiques sous-marines ou subaquatiques sont divisées en deux phases :

- une analyse des données de détection électronique fournies par l'aménageur ou, le cas échéant, réalisées par le DRASSM dans le cadre d'une opération de terrain ;

- la vérification des cibles en plongée, réalisée par l'INRAP ou, si le ministère de la Culture le décide, par le DRASSM.

Jusqu'à ce jour, presque toutes les phases de vérification ont, en fait, été réalisées par le DRASSM, le plus souvent de sa propre initiative. Seule la plus récente d'entre elles a été confiée à l'INRAP, avec la mise à disposition des moyens nautiques du DRASSM. Il en résulte que l'INRAP ne dispose d'aucune visibilité sur le nombre et la programmation des projets donnant lieu à convention pour évaluation, ce qui peut apparaître contradictoire avec le rôle qui lui est, en principe, dévolu. L'INRAP devrait a minima être informé de l'ensemble des projets en cours de conventionnement et être intégré aux discussions avec le DRASSM et l'aménageur.

Par ailleurs, dès lors qu'une opération est confiée à l'INRAP, la coopération avec le DRASSM doit être optimale, en vue de déterminer les moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission. À ce titre, une mise à disposition des moyens matériels conséquents (cf infra ) dont dispose le DRASSM via sa flotte apparaît indispensable.

Recommandation n° 5 : Au regard du rôle opérationnel de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), la coopération entre cet opérateur et le DRASSM doit être renforcée en vue d'éviter tout phénomène de concurrence entre les deux structures et permettre ainsi à tous les acteurs publics de disposer d'une véritable visibilité sur les projets d'évaluation archéologique sous-marine.

2. La question du financement

Instituée en 2001 12 ( * ) et prévue à l'article L. 542-2 du code du patrimoine, la redevance d'archéologie préventive (RAP) permet de financer les diagnostics archéologiques réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et par les collectivités territoriales qui ont choisi d'exercer cette compétence.

La redevance, qui répond au principe de l' « aménageur-payeur », est due par les aménageurs qui projettent de mettre en oeuvre des travaux affectant le sous-sol, qu'il soit terrestre ou marin. Le taux de cette redevance est fixé à :

- 0,40 % de la valeur d'un ensemble immobilier si celui-ci est soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ;

- 0,58 euro par mètre carré lorsqu'elle cible des travaux donnant lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ou, dans le cas des autres travaux d'affouillement, lorsqu'ils sont soumis à une déclaration administrative préalable. Ce montant est indexé sur l'indice du prix de la construction.

Les travaux et aménagements dont la surface au sol est inférieure à 3 000 mètres carrés ne donnent pas lieu au paiement de cette redevance.

Prenant acte du caractère disproportionné du montant de la redevance s'agissant des travaux maritimes, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a précisé les modalités de calcul et d'établissement de la RAP pour les opérations d'aménagements réalisées en mer 13 ( * ) . Deux zones sont distinguées :

- la zone côtière, soit la zone située jusqu'au premier mille marin à compter de la laisse de basse mer 14 ( * ) ;

- la zone de pleine mer, soit la zone au-delà du premier mille marin et la zone contigüe.

Au sein de la zone côtière, le montant de la redevance est établi à 0,58 euro par mètre carré. Ce montant est identique à celui applicable aux opérations terrestres, compte tenu de la facilité d'accès de cette zone dite « côtière » et de la probabilité élevée de découvertes archéologiques en son sein. S'agissant de la zone de pleine mer, deux options sont ouvertes :

- l'opération peut être exonérée si elle est située dans cette zone et si elle fait l'objet d'une opération d'évaluation archéologique réalisée dans le cadre d'une convention conclue entre l'État et l'aménageur, les moyens mis en oeuvre étant à la charge de l'aménageur. La loi de finances pour 2019 précise que cette exonération s'applique dans « tout ou partie » de cette zone ;

- en l'absence d'une évaluation archéologique réalisée dans le cadre de la convention visée plus haut, le montant de la redevance est fixé à 0,10 euro par mètre carré ;

La loi de finances pour 2019 prévoit également d'exonérer de RAP l'installation des câbles sous-marins numériques qui contribue à la résilience des communications en France, à la continuité des activités vitales, et sont des atouts majeurs en matière de souveraineté numérique et d'autonomie stratégique sur les télécommunications.

La redevance est établie par les services de l'État chargés de l'archéologie sous-marine, en l'espèce le DRASSM. La liquidation de la RAP maritime a commencé de manière effective en octobre 2020, faute de ressource interne pour le faire avant cette date. D'octobre 2020 à octobre 2021, le total des montants liquidés s'élève à 2 316 898,50 euros.

La mise en place d'un régime alternatif pour le domaine maritime et l'extension des possibilités d'exonération en 2019 n'a pas conduit à une diminution des ressources du DRASSM. La RAP ne constitue plus une taxe affectée depuis la loi de finances pour 2016. Elle ne l'était pas pour autant avant, le DRASSM n'ayant pas, à la différence de l'INRAP, le statut d'opérateur.

Par ailleurs, si les projets d'installation de câbles numériques sont exonérés de RAP, ils ne sont pas pour autant libérés de la procédure d'archéologie préventive, au risque de créer un réel déséquilibre financier pour l'État. L'INRAP doit en effet intervenir en cas de prescription de diagnostic par le DRASSM dans le cadre d'opérations qui engendrent des coûts non négligeables. Le DRASSM a indiqué aux rapporteurs spéciaux, dès lors qu'il est informé des projets suffisamment en amont, s'employer à négocier avec les aménageurs des conventions d'évaluation archéologique tarifées. L'exonération de RAP constitue cependant un handicap réel dans cette négociation, même si le DRASSM dispose d'atouts non négligeables : pleine maîtrise du calendrier opérationnel, possibilité d'anticiper les coûts et surcoûts éventuels de l'opération par la connaissance précise du tracé retenu et donc du métrage du câble nécessaire.

Recommandation n°6 : L'exonération, depuis 2019, de redevance d'archéologie préventive pour les projets d'installation de câbles numériques crée les conditions d'un déséquilibre financier pour l'État, appelé à intervenir via l'INRAP pour réaliser un diagnostic d'archéologique préventive aux coûts importants, sans bénéficier en retour d'une ressource. La systématisation de conventions d'évaluation archéologique tarifées entre les opérateurs et le DRASSM permettrait de répondre à ce risque d'intervention à perte pour l'INRAP.

3. La question d'une meilleure allocation des moyens
a) Le choix de la construction d'un nouveau navire

Le baptême de l'Alfred Merlin le 2 juillet 2021 permet au DRASSM de disposer, avec l'André Malraux, d'une flotte dédiée à l'archéologie sous-marine unique au monde. Elle peut, à ce titre, illustrer l'excellence de la recherche française dans ce domaine.

Ce lancement laisse songeur quant au suivi des recommandations de la commission des finances exprimées en novembre 2010 s'agissant de la mise à disposition de navires auprès du DRASSM 15 ( * ) . Le rapport ciblait précisément la construction de l'André Malraux.

Recommandations du rapport Archéologie subaquatique et sous-marine : un havre abrité de la rigueur ?

11. Depuis le désarmement du navire Archéonaute en 2005, le DRASSM est dépourvu d'équipement opérationnel pour mener à bien ses missions. Le 30 octobre 2009, le ministre de la culture et de la communication a ainsi annoncé la construction d'un nouveau navire baptisé André-Malraux .

12. Le nouveau navire est un équipement particulièrement performant, disposant d'un système de positionnement dynamique et permettant de fouiller des épaves profondes. Des interrogations persistent sur le dimensionnement de ce projet, dans la mesure où l'archéologie sous-marine s'opère avant tout sur la frange côtière. La location ponctuelle d'un navire perfectionné, assortie de la construction d'un navire côtier plus léger et moins coûteux, aurait donc pu constituer une solution alternative.

13. La décision de construire le nouveau navire a relevé du seul ministère de la culture et de la communication. Le Secrétaire général de la mer confirme néanmoins que l'intégration de l' André-Malraux à la fonction garde-côtes, son utilisation mutualisée et son concours à la conduite d'une politique maritime intégrée ne seraient pas conditionnés au bon vouloir du DRASSM ou à la disponibilité du navire hors missions archéologiques, et qu'il « n'était pas question que le bateau échappe » à cette démarche.

14. Le coût total du projet est estimé à 8,6 millions d'euros. Cet investissement induira vraisemblablement des coûts complémentaires, liés à l'équipement du navire et à son fonctionnement. Il conviendra que le DRASSM y pourvoie à moyens constants.

15. Il est particulièrement regrettable que les recherches de mécénat se soient révélées infructueuses pour le financement de l' André-Malraux , alors même que les prédécesseurs de l'actuel ministre de la culture avaient manifesté le souhait de limiter la contribution du budget de l'État au projet.

16. La construction du navire a débuté en 2010 à La Ciotat. 8,6 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été consommées. Ces crédits ont été redéployés en gestion à partir de dotations initialement dévolues aux centres de conservation et d'études archéologiques. La décision de construire l' André-Malraux n'a donc, à ce stade, jamais été retracée dans les projets et rapports annuels de performance soumis au Parlement.

17. 5,6 millions d'euros de crédits de paiement complémentaires devraient être demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Compte tenu des modalités de budgétisation retenues en AE, il semble plus opportun de financer le projet par des CP entièrement redéployés en gestion. Il n'est, en effet, pas de bonne méthode de solliciter du Parlement l'ouverture de crédits destinés à « payer la facture » d'un projet parvenu à son terme et qu'il n'a pas autorisé expressément.

Source : commission des finances du Sénat

L'Alfred Merlin est issu des travaux du bureau d'études (Mauric) et du chantier naval (iXblue) qui avaient déjà précédemment développé l'André Malraux. Son développement s'est inscrit dans le cadre d'un appel à projets lancé par l'Agence de la transition écologique (ADEME) sur les « navires du futur ». Il a ainsi été labellisé et sa construction a pu bénéficier des subventions afférentes. Le coût de la construction du navire est évalué pour l'État à 15,01 millions d'euros.

Le choix de sa construction, effectué par le ministère de la culture en février 2019, résulte des conclusions adoptées en ce sens par le comité interministériel de la mer.

Le recours à des solutions alternatives, à l'image de la reconversion de bateaux existants (militaires ou de pêche), de l'utilisation de bâtiments d'autres administrations de l'État ou de la location d'un navire océanographique auprès de prestataires privés, a été écarté au regard des particularités propres aux missions accomplies dans le cadre des opérations de recherche archéologique sous-marine. Celles-ci induisent des spécifications techniques contraignantes : un navire de recherche archéologique sous-marine devant assurer à la fois des fonctions de transport, de base de plongée et de base vie pour une quinzaine de personnes.

La reconversion de navires ne permettrait pas ainsi de répondre à ces exigences :

- l'absence de système de positionnement dynamique limite la manoeuvrabilité et réduit fortement la stabilité du navire durant les opérations de recherche ;

- l'absence de portique (dédié à la manutention) ou de plate-forme adaptée (permettant le stockage d'un ou deux containers, d'un robot et une installation de plongée) affecte directement les opérations robotisées ;

- l'absence d'équipements particulièrement utilisés (pompe archéologique, grue de manutention etc.) contraignent fortement la flexibilité d'utilisation d'un navire reconverti ou renchérissent sensiblement son réaménagement.

Le DRASSM disposait d'un chalutier reconverti en 1967, l'Archéonaute, qui est aujourd'hui complètement obsolète.

L'inadaptation des unités aux missions du service ou leur disponibilité faible et en tout cas insuffisante ont conduit à écarter l'option d'un recours aux navires d'autres administrations de l'État. Les rapporteurs spéciaux relèvent que cette option n'a même pas été chiffrée.

La location de bâtiments existants auprès de partenaires privés a enfin été écartée du fait de son coût, du manque de disponibilité et des limites en termes de spécifications des navires sur le marché. Les rapporteurs spéciaux relèvent qu'elle a cependant été expérimentée en novembre 2021 pour mener une opération urgente au large de la Corse, alors que l'André Malraux naviguait dans la Manche et que l'Alfred Merlin était immobilisé pour travaux. Le coût journalier d'utilisation et le coût d'entretien et d'armement de cette location pour 8 jours s'est élevé à 76 626 euros, alors que le coût estimatif de la même opération si elle avait été réalisée avec l'Alfred Merlin et le matériel robotique du DRASSM aurait atteint 44 993 euros.

b) Une progression attendue des coûts de gestion de la flotte

Si ces éléments peuvent justifier le choix de la construction d'un navire, ils ne doivent pas occulter les coûts d'entretien et d'adaptation éventuels à venir pour ce navire.

La flotte du DRASSM est actuellement composée de 5 bâtiments :

- l'André Malraux mis à l'eau en 2012 ;

- la Nérée II, embarcation dédiée aux eaux intérieures, acquise en 2015 ;

- le Kerguelen, embarcation adaptée pour le travail en eaux froides, à laquelle est adjoint un conteneur aménagé, l'ensemble ayant été acheté en 2015 ;

- le Triton, vedette commandée et livrée en 2016 ;

- l'Alfred Merlin.

Les travaux d'entretien et d'adaptation de cette flotte ont atteint 2,54 millions d'euros entre 2015 et 2021. Cette somme ne comprend pas les frais de carburant, de gardiennage ou de place à quai, ainsi que les produits d'entretien et alimentaires pour ravitailler les équipages à bord. Ce montant apparaît relativement important au regard de la date relativement récente d'acquisition des bâtiments. Ainsi s'agissant du Triton acquis en 2016, les coûts d'entretien représentent déjà près de 30 % du prix d'acquisition.

Coûts d'entretien de la flotte du DRASSM de 2015 à 2021

Date d'acquisition

Coût d'acquisition

(en euros)

Dépenses d'entretien

(en euros)

Ratio dépenses d'entretien (2015-2021) / Cout d'acquisition

André Malraux

2012

9 000 000

2 205 541,57

24,5 %

Nérée II

2015

56 304,50

4 786,77

8,5 %

Kerguelen

2015

97 980

12 963,3

13,2 %

Triton

2016

1 042 321,20

305 892,06

29,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Cette somme est appelée à progresser avec l'intégration de l'Alfred Merlin dans la flotte du DRASSM. À l'aune de ces éléments, la pertinence du choix de la construction peut s'avérer moins prégnante.

L'importance de la flotte laisse également songeur quant au rôle de prescripteur dévolu au DRASSM , l'INRAP ayant en principe la charge de mener les opérations de vérification. Une telle flotte peut apparaitre disproportionnée au regard de l'activité du DRASSM . Les rapporteurs spéciaux relèvent un nombre limité du nombre de jours en mer de l'André Malraux depuis 2014, qui ne dépasse jamais 140 par an.

Nombre de jours en mer de l'André Malraux entre 2014 et 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Recommandation n° 7 : Compte-tenu de l'importance des coûts de gestion de la flotte et du choix de la développer, une mise en commun des moyens du DRASSM au profit de l'INRAP apparaît opportune afin de répondre à l'extension de ses activités maritimes et subaquatiques et de rentabiliser, dans le même temps, l'investissement de l'État.

c) Le recours aux associations

Jugeant impossible de couvrir l'entièreté du domaine public maritime (11 millions de km²), le DRASSM subventionne certaines opérations menées par des associations qui disposent de moyens plus légers, notamment sur l'estran et dans les outremers, là où il n'a pas forcément les capacités pour se déployer. 58 associations ont ainsi bénéficié de fonds de la part du DRASSM entre 2009 et 2021. Le DRASSM verse également des subventions à des chercheurs (personnes physiques), à des unités de recherche du CNRS, à des collectivités territoriales et à des universités.

Le DRASSM considère que les subventions versées aux associations constituent un levier incitatif pour celles-ci, afin de pouvoir bénéficier d'autres dotations de la part des collectivités territoriales où elles sont implantées et au large desquelles ont lieu ces opérations.

Le montant des subventions versées par le DRASSM entre 2015 et 2020 atteint 791 664 euros. Il s'élevait à 124 960 euros en 2020, soit 14 % des crédits de fonctionnement du DRASSM lors de cet exercice.

Subventions accordées par le DRASSM entre 2015 et 2020

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause le bien-fondé de cette logique de subventionnement. Ils s'interrogent cependant sur la concentration de 14,27 % des subventions versées entre 2015 et 2020 sur une seule association, en l'occurrence, l'Association pour le développement et la recherche en archéologie maritime (ADRAMAR). 113 000 euros ont ainsi été versés à cette association sur cette période. Le montant atteint 639 550 euros entre 2009 et 2020.

Le DRASSM justifie ce montant en indiquant que l'ADRAMAR a en charge l'élaboration de l'Atlas des biens culturels maritimes du Ponant, cumulant 428 000 euros de subventions à cette fin sur la période 2009-2020. Les rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause l'expertise de cette association en la matière. Ils relèvent cependant qu'au regard des coûts, une internalisation aurait pu être envisagée. Ils s'interrogent par ailleurs sur le fait que l'ADRAMAR, créée en 1993, ait été fondée par Michel L'Hour, directeur du DRASSM entre 2006 et 2021, même s'il n'y exerçait plus de responsabilité.

Recommandation n°8 : Le recours aux associations pour mener à bien certaines opérations contraste avec la majoration des moyens techniques obtenue par ailleurs. La question de l'internalisation de certaines missions, à l'image de l'Atlas des biens culturels maritimes du Ponant, doit être posée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 février 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de MM. Vincent Eblé et Didier Rambaud sur les services à compétence nationale du ministère de la culture dédiés à la recherche patrimoniale.

M. Albéric de Montgolfier , président . - Nous en venons maintenant à la communication de Vincent Éblé et Didier Rambaud sur les résultats de leurs travaux de contrôle sur le financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture et sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Dans la lignée de notre rapport sur l'enseignement supérieur en arts plastiques, qui reprenait une partie des conclusions de l'enquête menée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , nous avons souhaité mener, avec Vincent Éblé, un contrôle budgétaire sur l'enseignement supérieur des disciplines du spectacle vivant, en ciblant plus précisément les quatre opérateurs du ministère de la culture chargés de cette mission : les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, et le centre national des arts du cirque, implanté à Châlons-en-Champagne.

L'enseignement supérieur de la musique et de la danse repose aujourd'hui sur deux conservatoires nationaux supérieurs situés à Lyon et Paris (constitués en établissements publics administratifs) et sur 13 pôles d'enseignement supérieur dont trois pôles pluridisciplinaires Arts Plastiques et Spectacle Vivant (Isdat à Toulouse, Hear à Strasbourg, Esal à Metz).

S'agissant de l'enseignement de l'art dramatique et de la marionnette, 13 établissements y participent : le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris (constitué en établissement public administratif), l'école du Théâtre national de Strasbourg (constituée en établissement public industriel et commercial), l'école nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), placée sous tutelle du ministère de l'éducation nationale, et dix écoles sous statut associatif (9 écoles d'art dramatique et l'Institut international de la Marionnette-IIM).

En ce qui concerne le cirque, trois établissements sont habilités à délivrer le diplôme national supérieur professionnel : le Centre national des arts du cirque (CNAC) opérateur sous statut associatif, l'Académie Fratellini et l'école supérieure des arts du cirque Toulouse-Occitanie (Ésacto'Lido).

La subvention apportée par le ministère de la culture aux quatre opérateurs s'élève, au sein de la loi de finances pour 2022, à 48,6 millions d'euros (AE=CP), soit 19,25 % des crédits dédiés aux opérateurs de l'enseignement supérieur culture au sein du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Le programme 361 retrace également les financements du ministère de la culture en direction des autres structures dédiées à l'enseignement du spectacle vivant : établissements d'enseignement supérieur en musique, danse et théâtre, conservatoires territoriaux, pôles d'enseignement supérieur, et organismes de formation aux techniques du spectacle.

L'ensemble forme un réseau dense de structures de formation réparties partout sur le territoire et dont les quatre opérateurs du ministère de la culture peuvent apparaître, à des degrés divers, comme les plus beaux fleurons.

Les 380 conservatoires territoriaux relèvent, en principe, de la compétence des collectivités territoriales. La participation de l'État à leur financement est motivée par une dynamique d'aménagement culturel du territoire, dans un souci de développer un véritable maillage territorial et de favoriser l'accès aux contenus culturels pour le plus grand nombre. Dans ces conditions, le réseau des conservatoires est soutenu directement par le ministère de la culture, qui exerce un contrôle pédagogique.

La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), adoptée en 2016, a, en principe, clarifié le cadre juridique applicable aux conservatoires. La crise sanitaire n'a cependant pas permis d'engager les transformations réglementaires sur les établissements d'enseignement spécialisé relevant des collectivités territoriales.

En attendant, la loi de finances pour 2022 prévoit différents financements pour les conservatoires territoriaux, dont le montant total atteint 27,3 millions d'euros. Si le montant versé demeure relativement stable d'une année à l'autre, les modalités d'attribution des aides semblent cependant manquer de clarté et sont jugées inégales selon les directions régionales des affaires culturelles.

La mise en place de « pôles d'enseignement supérieur » constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux participe, quant à elle, du processus de structuration juridique, administrative, financière et scientifique de l'enseignement supérieur du spectacle vivant souhaité par le ministère de la culture. 13 établissements sont concernés. 11,3 millions d'euros sont dégagés pour le financement de ces pôles en loi de finances pour 2022.

Restent plusieurs écueils s'agissant de ces pôles.

Le premier tient à leur identité et à leur positionnement par rapport aux conservatoires nationaux et aux conservatoires territoriaux à rayonnement régional (CRR).

Le second écueil tient à leurs moyens : les pôles ont ainsi additionné les missions, sans réelle consolidation des moyens, au risque de connaitre une réelle crise de croissance.

Enfin, la principale difficulté de ces pôles concerne l'absence de locaux dédiés ou de locaux en propre. Il en résulte un éclatement des activités préjudiciable à la bonne organisation des cursus mais aussi à l'identité et à la visibilité de ces pôles.

Mais revenons aux quatre opérateurs. Nous avons identifié trois défis communs à ces structures.

Le premier a trait à l'insertion professionnelle. Selon les prévisions du ministère, 94 % des diplômés de l'enseignement supérieur dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma devaient obtenir un emploi dans leur secteur de compétence en 2021 dans les trois ans suivant l'obtention de leur titre, contre 89 % en 2020.

Le ralentissement de l'activité culturelle lié à la crise sanitaire fragilise bien évidemment l'entrée sur le marché du travail. Les incertitudes entourant une reprise pleine et entière de l'activité dans le domaine du spectacle vivant supposeraient un suivi renforcé de cette question. Nous relevons qu'aucun dispositif particulier n'a été proposé au sein de la mission « Culture » ou de la mission « Plan de relance ».

Le taux global d'insertion doit par ailleurs être affiné et mieux documenté, s'agissant des revenus perçus notamment. Le Jeune théâtre national (JTN), chargé du suivi de l'insertion professionnelle des élèves issus du 1 er cycle du CNSAD pourrait à ce titre constituer un exemple à suivre pour les autres enseignements.

Le deuxième sujet tient à l'ouverture sociale de ces opérateurs. Elle ne peut simplement être saisie au travers du sujet des bourses. Le nombre de préparations publiques permet d'affiner en effet ce raisonnement. Le ministère a octroyé son agrément à une quarantaine d'établissements proposant des cycles préparatoires aux concours des écoles d'enseignement supérieur. Ils sont pour l'essentiel publics.

L'offre publique ne saurait occulter l'attractivité des formations privées. Ainsi pour le CNSAD, les candidatures pour l'entrée en 1 er cycle sont en moyenne issues à 55 % des cours privés et à 45 % des cours publics. Cette attractivité reste cependant insuffisamment documentée pour en tirer des conclusions. Les établissements ne communiquent pas en effet sur le parcours des candidats acceptés aux concours. Il en résulte une difficulté à apprécier l'efficience de l'offre préparatoire publique.

Dernier sujet, et non des moindres, celui de la mise à niveau des sites. Les quatre opérateurs ont en commun un recours significatif aux fonds publics en vue de financer d'importants investissements destinés à la mise à niveau de sites parfois anciens et à leur extension : 14,5 millions d'euros ont ainsi été consommés entre 2017 et 2020. Le Plan de relance prévoit par ailleurs 18,9 millions d'euros pour mener à bien des projets jusqu'alors non financés.

Cette somme ne couvre pas le très coûteux projet de Cité du théâtre, destiné à rassembler sur le site des Ateliers Berthier dans le 17 ème arrondissement de Paris, les salles de la Comédie Française et de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique.

Le projet est financé sur les crédits du programme 131 « Création ». Le budget travaux de la Cité du théâtre a été initialement évalué à 86 millions d'euros toutes dépenses confondues (TDC) hors-taxe. Cette somme couvre l'acquisition d'une partie du terrain auprès de la Ville de Paris qui a évalué son prix à 12 millions d'euros. La livraison des travaux est prévue à l'horizon 2025. Reste que l'avant-projet sommaire (APS) consolidé, remis en avril 2021 par les architectes sélectionnés en 2018, laisse apparaître un montant d'opération plus élevé que l'estimation initiale. Les origines de ces surcoûts sont diverses, liées en grande partie à la prise en compte de diagnostics remettant en cause des hypothèses d'études initiales trop optimistes. Des pistes d'économies sont donc en cours d'examen par la maîtrise d'ouvrage.

Un état des lieux précis nous semble indispensable dans l'optique de la prochaine loi de finances comme nous souhaitons que soit détaillée l'utilisation des crédits du Plan de relance.

Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - La deuxième mission de contrôle budgétaire que nous avons souhaité mener relève d'un tout autre sujet.

La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.

Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale : le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.

Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie. Il répond à deux objectifs : apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques et développer une activité de recherche.

Le LRMH réalise environ 300 opérations par an. Il intervient toujours à titre gracieux.

Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique. Versée via les programme 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la dotation au LRMH s'élève à 0,89 million d'euros en AE et 0,96 million d'euros en CP en 2022, après mise en réserve.

Mis en place le 1 er janvier 1999, le C2RMF est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966. Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).

Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale. Il dispose, en matière de recherche, d'outils innovants, à l'image de l'accélérateur de particules AGLAE. Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Il ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre. Service technique compétent en matière de restauration, le C2RMF participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.

La dotation versée au Centre par le ministère de la culture, via les programmes 175 et 361 s'élève à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP en 2022, après mise en réserve. Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.

Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) a pour mission principale la préservation du patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Il est compétent pour toutes les recherches archéologiques impliquant un recours à la plongée. Il est l'héritier de la direction des recherches archéologiques sous-marines (DRASM), mise en place en 1966 au sein du ministère de la culture.

En matière d'archéologie préventive, le DRASSM peut participer aux évaluations concernant principalement la construction des champs éoliens off-shore et la pose des câbles numériques et électriques immergés d'interconnexion. Le DRASSM est en effet compétent pour prescrire des travaux d'aménagement dans ce domaine, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) intervenant en principe en tant qu'opérateur. Sa zone d'intervention est extrêmement étendue, comprenant 11 millions de km² de zone économique exclusive. Son champ d'intervention est large puisqu'il couvre la grotte Cosquer (- 28 000 ans) comme les épaves du Débarquement (1944). Entre 100 000 et 150 000 épaves seraient ainsi sous sa juridiction.

Le DRASSM est composé de 36 agents, chercheurs et administratifs. Après avoir occupé depuis 1966 le fort Saint-Jean de Marseille, il est actuellement implanté sur le site de l'ancien stade de l'Estaque à Marseille. Il disposait jusqu'en 2021 d'une flotte composée de l'André Malraux, navire hauturier de 36 mètres, et du Triton, navire côtier (14 mètres). Il compte, depuis le 2 juillet 2021, un second navire hauturier, l'Alfred Merlin.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 1,209 million d'euros en AE et 1,08 million d'euros en AE, versée via le programme 175 « Patrimoines ». Un fonds de concours abondé presque exclusivement par le produit des conventions d'évaluation archéologiques signées entre le DRASSM et les aménageurs en mer vient compléter ce financement. La loi de finances initiale 2021 prévoyait ainsi 0,93 million d'euros (AE=CP) de dotation complémentaire via ce fonds de dotation.

L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.

Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel (CICRP et Arc'Nucléart) et un laboratoire départemental (Arc'Antique) concourent ainsi à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF. Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP.

Il y a, dans ces conditions, lieu de s'interroger sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets, sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale. Nous redoutons ainsi un morcellement des moyens accordés, rendant le soutien public insuffisant.

La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale. Ce pôle commun permettrait de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH. Il répondrait aux défis auxquels ils font face, qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens, sans gommer les spécificités de chacune des entités.

Créée en 2015 et réunissant 14 États membres de l'union européenne, E-RIHS ( European Research Infrastructure for Heritage Sciences ) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune. Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.

E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH, qui devraient être sollicités par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire une saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.

S'agissant du DRASSM, trois points ont retenu notre attention.

Le premier a trait à sa complémentarité à parfaire avec l'INRAP, dès lors qu'une opération de vérification lui est confiée. Une mise à disposition des moyens matériels conséquents dont dispose le DRASSM via sa flotte apparaît indispensable. Il s'agirait ainsi de rentabiliser celle-ci. Les travaux d'entretien et d'adaptation de cette flotte ont atteint 2,54 millions d'euros entre 2015 et 2021. Ce montant apparaît relativement important au regard de la date relativement récente d'acquisition des bâtiments. Ainsi, s'agissant du Triton acquis en 2016, les coûts d'entretien représentent déjà près de 30 % du prix d'acquisition. Une telle flotte peut d'ailleurs apparaitre disproportionnée. Nous avons ainsi un nombre limité du nombre de jours en mer de l'André Malraux depuis 2014, qui ne dépasse jamais 140 par an.

Au-delà du coût de la flotte, nous nous interrogeons également sur l'importance des versements effectués aux associations. Le DRASSM subventionne certaines opérations menées par des associations qui disposent de moyens plus légers. Reste que le montant des subventions versées par le DRASSM entre 2015 et 2020 atteint 791 664 euros. Il s'élevait à 124 960 euros en 2020, soit 14 % des crédits de fonctionnement du DRASSM lors de cet exercice.

Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci Monsieur le Président, et merci à nos deux rapporteurs qui ont réalisé un vrai travail d'immersion dans ce secteur, avec un certain nombre d'acronymes et, en ce qui me concerne, en tous les cas, d'instituts et d'institutions dont je découvre pour une part la réalité et l'existence.

J'aurai des questions à la fois pour le rapporteur Didier Rambaud et pour le rapporteur Vincent Éblé.

Pour M. Rambaud, au sujet des pôles d'enseignement supérieur constitués en établissements publics de coopération culturelle, qu'ils soient régionaux ou interrégionaux, il est souligné qu'une des difficultés majeures relève du fait qu'ils ne disposent pas de locaux dédiés ou propres. Au-delà de la recommandation, quel choix serait, du point de vue du rapporteur spécial, le plus judicieux, et je pose la question puisque nous sommes en commission des finances : qui devrait être l'opérateur et notamment le financeur ? Je pose la question en allant encore plus loin, puisque cela me rappelle les équipements culturels ou sportifs des années 60, avec des biens qui, une fois payés, sont dévolus à une collectivité. Alors on est content quand le bien est neuf mais quand on le récupère et qu'il faut, au-delà de l'entretenir, le rénover ou faire une grosse remise en état, souvent les moyens manquent.

Je souscris par contre complètement à l'axe 3 sur la question de l'ouverture sociale. Je pense qu'il serait intéressant d'aller un peu plus loin pour voir à la fois comment le rayonnement se fait bien dans le territoire et comment, cela a été évoqué, il y a une accessibilité à l'ensemble des Français, dans leur diversité de moyens et de condition sociale.

Et pour Vincent Éblé, je vois dans la recommandation n° 6 qu'il y a une exonération qui existe depuis 2019 de la redevance d'archéologie préventive pour les projets d'installation de câbles numériques. Je voulais savoir quelle était la raison et surtout l'origine de cette exonération qui, en 2022, me paraît assez atypique. Je ne suis pas spécialement favorable aux taxes multiples et diverses mais on sait que dans ce secteur d'activité, comme pour le gaz et l'électricité, ce n'est pas illogique qu'il y ait une taxe puisqu'au fil du temps, les opérateurs, un peu comme dans le foncier, tiennent le lien et notamment là le câble, ce qui me paraît être un moyen pour eux d'avoir des rentrées économiques liées au droit de passage ou de location. Cela ne risque-t-il pas, ce qui serait dommage, de mettre en difficulté l'équilibre économique et notamment celui de l'INRAP ?

M. Rémi Féraud . - J'ai une question sur la partie du rapport présenté par Didier Rambaud sur la Cité du théâtre dans le 17 ème arrondissement de Paris. C'est un projet qui, je crois, date de la présidence de François Hollande et qui aujourd'hui a pris beaucoup de retard dans sa mise en oeuvre. Donc en tant qu'élu parisien, cela m'intéresse de voir que cela est dû aussi à une dérive des coûts qui étaient évalués de manière très optimiste au début. J'ai bien vu la recommandation n° 8 qui est d'avoir un point actualisé au moment de la présentation du PLF 2023 et je crois que c'est en effet important. Cependant, j'ai une question sur la remise en question de ce projet si son coût s'avérait déraisonnable par rapport aux finances publiques et par rapport aux besoins ou si le ministère de la culture, en tout cas aujourd'hui, y accorde suffisamment d'importance pour dégager à l'avenir les crédits nécessaires ? C'est par ailleurs un très beau projet qui faisait consensus.

M. Albéric de Montgolfier , président . - Concernant l'enseignement supérieur de la musique, existe-t-il des financements privés qui lui seraient affectés, venant par exemple du téléchargement (« streaming ») ?

S'agissant de l'organisation de la recherche patrimoniale, je partage l'idée d'un regroupement des compétences, même si certaines d'entre elles ne doivent pas être concernées. Un grand laboratoire de recherche ne serait pas forcément plus pertinent. En revanche, les synergies avec les universités, avec le CNRS et les laboratoires de collectivités locales doivent être encouragées. On a le sentiment d'un fonctionnement cloisonné, qui pourrait être surmonté par davantage d'axes communs de recherche.

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Comme vous l'avez relevé, Monsieur le rapporteur général, les pôles d'enseignement supérieur sont constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux. Leur financement associe collectivités territoriales et État. La volonté de les faire rayonner et de favoriser la mise en place d'une nouvelle cartographie de l'enseignement supérieur du spectacle vivant suppose aujourd'hui un soutien plus important de l'État.

S'agissant de l'insertion professionnelle, les chiffres de 2020 et ceux attendus en 2021 sont bons. Reste désormais à mesurer l'impact de la crise sanitaire et notamment les conditions de recrutement dans un secteur pour partie sinistré.

En ce qui concerne le projet de Cité du théâtre qu'a abordé Rémi Féraud, nous ne pouvons que constater retard et surcoûts. Il n'existe pas pour autant de réelle alternative, la surélévation actuelle du bâtiment du Conservatoire national supérieur d'art dramatique serait ainsi génératrice de coûts très importants, alors que le gain de fonctionnalité est jugé réduit.

Une des raisons du retard tient notamment aux tensions entre la ville de Paris et le ministère de la culture au sujet du prix du terrain sur lequel une partie de la Cité devrait être bâtie... Le projet n'est pas pour autant remis en cause, comme nous l'avaient confirmé les représentants de la direction générale à la création artistique lorsque nous les avions auditionnés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.

Enfin, pour répondre à Albéric de Montgolfier, il n'existe pas, dans le domaine de la musique en géneral et de son enseignement en particulier, de dispositif proche de celui mis en place récemment pour la production audiovisuelle et cinématographique, qui prévoit la participation des plateformes au financement de la création.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - S'agissant de la redevance d'archéologie préventive (RAP), j'en rappellerai brièvement les contours. Mise en place en 2001, elle permet de financer les diagnostics archéologiques réalisés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et par les collectivités territoriales qui ont choisi d'exercer cette compétence.

La redevance répond au principe de l'« aménageur-payeur ». Elle est due par les aménageurs qui projettent de mettre en oeuvre des travaux affectant le sous-sol, qu'il soit terrestre ou marin. Le taux de cette redevance est fixé à 0,40 % de la valeur d'un ensemble immobilier si celui-ci est soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme. Ce taux passe à 0,58 euro par mètre carré lorsqu'elle cible des travaux donnant lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ou, dans le cas des autres travaux d'affouillement, lorsqu'ils sont soumis à une déclaration administrative préalable. Ce montant est indexé sur l'indice du prix de la construction.

Les travaux et aménagements dont la surface au sol est inférieure à 3 000 mètres carrés ne donnent pas lieu au paiement de cette redevance.

Prenant acte du caractère disproportionné du montant de la redevance s'agissant des travaux maritimes, la seconde loi de finances rectificative pour 2017 a précisé les modalités de calcul et d'établissement de la RAP pour les opérations d'aménagements réalisées en mer .

Deux zones sont distinguées. Au sein de la zone côtière, le montant de la redevance est établi à 0,58 euro par mètre carré. Ce montant est identique à celui applicable aux opérations terrestres, compte tenu de la facilité d'accès de cette zone dite « côtière » et de la probabilité élevée de découvertes archéologiques en son sein. S'agissant de la zone de pleine mer, deux options sont ouvertes : l'opération peut être exonérée si elle est située dans cette zone et si elle fait l'objet d'une opération d'évaluation archéologique réalisée dans le cadre d'une convention conclue entre l'État et l'aménageur, les moyens mis en oeuvre étant à la charge de l'aménageur. La loi de finances pour 2019 précise que cette exonération s'applique dans « tout ou partie » de cette zone ; en l'absence d'une évaluation archéologique réalisée dans le cadre de la convention précitée, le montant de la redevance est fixé à 0,10 euro par mètre carré.

La loi de finances pour 2019 prévoit également d'exonérer de RAP l'installation des câbles sous-marins numériques qui contribuent à la résilience des communications en France, à la continuité des activités vitales, et sont des atouts majeurs en matière de souveraineté numérique et d'autonomie stratégique sur les télécommunications. Cette exonération a été adoptée par voie d'amendement à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

La redevance est établie par les services de l'État chargés de l'archéologie sous-marine, en l'espèce le DRASSM. La liquidation de la RAP maritime a commencé de manière effective en octobre 2020, faute de ressource interne pour le faire avant cette date. D'octobre 2020 à octobre 2021, le total des montants liquidés s'élève à environ 2,32 millions euros.

La mise en place d'un régime alternatif pour le domaine maritime et l'extension des possibilités d'exonération en 2019 n'ont pas conduit à une diminution des ressources du DRASSM. La RAP ne constitue plus une taxe affectée depuis la loi de finances pour 2016. Elle ne l'était pas pour autant avant, le DRASSM n'ayant pas, à la différence de l'INRAP, le statut d'opérateur.

Pour en revenir à l'exonération des projets d'installation de câbles numériques, ceux-ci ne sont pas pour autant libérés de la procédure d'archéologie préventive, au risque de créer un réel déséquilibre financier pour l'État. L'INRAP doit en effet intervenir en cas de prescription de diagnostic par le DRASSM dans le cadre d'opérations qui engendrent des coûts non négligeables. C'est pourquoi nous demandons la systématisation de conventions d'évaluation archéologique tarifées entre les opérateurs et le DRASSM.

La remarque d'Albéric de Montgolfier rencontre notre préoccupation sur le manque de synergies entre les établissements dédiés à la recherche patrimoniale. Sans gommer les spécificités de chacun d'entre eux, il convient d'oeuvrer à un rapprochement entre ces structures afin d'éviter un morcellement des soutiens financiers et mettre en commun les ressources.

M. Albéric de Montgolfier , président . - Je vous remercie pour ces réponses.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et a autorisé la publication de leurs communications sous la forme de deux rapports d'information.

- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH)

- Mme Aline MAGNIEN, cheffe.

Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM)

- M. Michel LHOUR, directeur.

Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

- Mme Isabelle PALLOT-FROSSARD, directrice ;

- Mme Astrid MOITRIEUX, secrétaire générale.

Centre Interdisciplinaire de Conservation et de Restauration du Patrimoine (CICRP)

- M. Roland MAY, directeur.

ARC-Nucléart

- Mme Karine FROMENT, directrice.

Institut national de recherches archéologiques (Inrap)

- M. Dominique GARCIA, président.

Institut National d'Histoire de l'Art (INHA)

- M. Éric DE CHASSEY, directeur général.

Association des Conservateurs des Collections Publiques de France (AGCCPF)

- Mme Catherine CUENCA, présidente.

Association des architectes du patrimoine

- M. Christian LAPORTE, président.


* 1 Archéologie subaquatique et sous-marine : un havre abrité de la rigueur ? Rapport d'information de M. Yann Gaillard fait au nom de la commission des finances n° 109 (2010-2011) - 16 novembre 2010.

* 2 Arrêté du 16 décembre 1998 érigeant divers services de la direction des musées de France en services à compétence nationale.

* 3 AGLAE est le nom de l'accélérateur de particules dont dispose le C2RMF.

* 4 Arrêté du 16 décembre 1998 érigeant le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines en service à compétence nationale.

* 5 Loi n° 89-874 du 1 er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et modifiant la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques.

* 6 Les crédits affectés au DRASM transitaient jusqu'en 2021 par le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

* 7 Les activités du LabEx Patrima ont été, en 2018, pérennisées dans le cadre de l'École Universitaire de Recherche Paris Seine Graduate school Humanities, Creation and Heritage.

* 8 Le CNRS bénéficie sur cette somme d'une ligne de crédit de 1,21 million d'euros.

* 9 Décret n° 2001-621 du 12 juillet 2001.

* 10 Le C2RMF bénéficie ainsi d'un financement de 442 501 euros au titre du projet IPERION pour la période 2020-2023.

* 11 European Strategy Forum on Research Infrastructures, Strategy report on Research Infrastructures - Roadmap 2018.

* 12 Loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

* 13 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 14 La notion de laisse de basse mer a été substituée à la ligne de base de la mer territoriale en loi de finances pour 2019 à l'initiative du Sénat. Le recours à la ligne de base pouvait en effet conduire, compte tenu des différences de configuration géographique des côtes, à une répartition hétérogène de la zone côtière et de la zone de pleine mer d'un secteur géographique à l'autre.

* 15 Archéologie subaquatique et sous-marine : un havre abrité de la rigueur ? Rapport d'information de M. Yann Gaillard fait au nom de la commission des finances n° 109 (2010-2011) - 16 novembre 2010.

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