Rapport d'information n° 346 (2020-2021) de M. Pierre MÉDEVIELLE , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 février 2021

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N° 346

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 février 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires ,

Par M. Pierre MÉDEVIELLE,

Sénateur

1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Henri Cabanel, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Catherine Fournier , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Jérémy Bacchi, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Pierre Cuypers, Gilbert-Luc Devinaz, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Pierre Médevielle, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mme Elsa Schalck, M. Richard Yung .

L'ESSENTIEL

La mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires nécessite la définition de profils nutritionnels devant conditionner l'emploi de ces allégations. Ceci aurait dû être fait depuis 2009 mais ne l'a pas été en raison des différences de points de vue sur la question entre États membres.

La Commission européenne a annoncé en mai 2020, à la suite d'une évaluation de ce règlement, vouloir reprendre ses travaux sur les profils nutritionnels.

C'est à cette occasion que la commission des affaires européennes du Sénat a décidé de se saisir de ce sujet et de proposer un bilan plus complet de la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006.

1/ Un règlement pour encadrer l'utilisation des allégations nutritionnelles et des allégations de santé

Le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires vise à garantir, d'une part, une information fiable aux consommateurs , et d'autre part, le bon fonctionnement du marché intérieur . Pour cela, il encadre et harmonise à l'échelle de l'Union les conditions d'utilisation des allégations nutritionnelles et des allégations de santé qui apparaissent sur l'étiquetage, dans la présentation des denrées alimentaires et dans la publicité faite à leur sujet. L'utilisation d'une allégation nécessite une autorisation préalable accordée sur la base d'une justification scientifique.

Le règlement (CE) n° 1924/2006 permet d'éviter l'utilisation d'allégations inexactes, ambiguës ou trompeuses. Il ne vise pas à garantir la sécurité des denrées alimentaires mises sur le marché ni à réglementer l'étiquetage de celles-ci.

Ce règlement définit tout d'abord ce que sont les allégations nutritionnelles et les allégations de santé. Les allégations nutritionnelles sont définies comme un message qui affirme, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières et les allégations de santé comme un message qui affirme, suggère ou implique une relation entre la santé et une denrée alimentaire .

Ce règlement précise également les conditions dans lesquelles une allégation peut être autorisée. Ces conditions concernent notamment :

- la formulation de l'allégation pour éviter les allégations inexactes, ambiguës ou trompeuses ;

- la composition du produit avec d'une part, la présence, l'absence ou la teneur réduite d'un nutriment ou d'une substance faisant l'objet d'une allégation qui doit permettre d'atteindre l'effet nutritionnel ou physiologique allégué, et d'autre part, la composition de la denrée alimentaire en sucre, sel, matières grasses, acides gras trans et acides gras saturés qui doit correspondre à un profil nutritionnel favorable ;

- l'étiquetage du produit qui doit respecter les dispositions prévues par le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires et dont les dispositions s'appliquent également au nutriment ou à la substance faisant l'objet d'une allégation.

Le tableau ci-dessous précise les différentes procédures associées à chaque catégorie d'allégation :

Nature de l'allégation

Allégations nutritionnelles

Allégations de santé

Objet de l'allégation

Une quantité de nutriment ou substance qui permettant un effet nutritionnel bénéfique

Allégations fonctionnelles reposant sur des preuves scientifiques généralement admises

Allégations fonctionnelles reposant sur des preuves scientifiques nouvellement établies et / ou qui incluent une demande de protection de données exclusives

Allégations relatives à la réduction d'un risque de maladie et allégations se rapportant au développement et à la santé infantiles

Articles du règlement (CE) n° 1924/2006

Article 8

Article 13 paragraphe 1 et paragraphe 3

Article 13 paragraphe 1 et paragraphe 5

Article 14

Liste des allégations autorisées

Annexe du règlement (CE) n° 1924/2006

Règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission

+ registre de la Commission

Règlement de la Commission modifiant le règlement (UE) n° 432/2012
+ registre de la Commission

Règlement de la Commission

+ registre de la Commission

Initiative pour la modification de cette liste

Uniquement à l'initiative de la Commission

Pas de modification possible (demandes transmises à la Commission avant le 31 janvier 2008 par les États membres)

À la demande d'un exploitant du secteur alimentaire

À la demande d'un exploitant du secteur alimentaire

Avis scientifique de l'AESA 1 ( * )

Non

Oui

Oui

Oui

Procédure permettant de modifier cette liste

Procédure de comitologie

Sans objet

Si l'avis de l'AESA est favorable, la Commission statue seule après avoir consulté les États membres via un règlement. Si l'avis de l'AESA est défavorable, il est statué sur la demande via une procédure de comitologie

Procédure de comitologie

2/ Un règlement dont la mise en oeuvre fait l'objet de nombreuses critiques

a/ De la part des exploitants du secteur alimentaire

Sur le processus d'évaluation de l'AESA

La mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 a réduit le nombre d'allégations autorisées . Les exploitants du secteur alimentaire mettent en cause le processus d'évaluation de l'AESA. Ils estiment que les exigences sont trop élevées. En effet, l'AESA demande des preuves in vivo sur l'homme , conformément à l'article 6 et au considérant 23 du règlement (CE) n° 1924/2006 qui prévoient que les allégations de santé reposent sur des preuves scientifiques généralement admises et qu'elles ne devraient être autorisées qu'après une évaluation scientifique répondant aux exigences les plus élevées .

Le tableau suivant montre effectivement que peu d'allégations de santé ont été autorisées.

Type d'allégations

Nombre d'allégations évaluées

Nombre d'allégations autorisées

Allégations génériques reposant sur des preuves établies

4 637 envoyées à l'AESA après consolidation des 44 000 allégations reçues, mais 1 548 concernant les plantes n'ont pas été évaluées

229

Allégations génériques reposant sur des preuves nouvellement établies et/ou contenant des informations exclusives

136

5

Allégations relatives à la réduction d'un risque de maladie

41

14

Allégations relatives au développement et à la santé infantiles

57

12

Sur la qualité de l'information fournie au consommateur

Les exploitants du secteur alimentaire ont regretté l'absence de mise à jour régulière de la liste des allégations nutritionnelles pour tenir compte des évolutions scientifiques dans le domaine de l'alimentation. Selon eux, cela porte préjudice au consommateur auquel on fournirait une information qui ne serait plus pertinente.

Ils estiment également que le faible nombre d'allégations autorisées nuit à la qualité de l'information délivrée au consommateur puisque les produits restent en vente malgré l'absence d'allégation.

Sur les conditions de concurrence

Vérifier la bonne application du règlement (CE) n° 1924/2006 relève des autorités compétentes des États membres, soit en France la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Selon les exploitants du secteur alimentaire, ces autorités compétentes font appliquer ce règlement avec plus ou moins de rigueur , ce qui ne permet pas d'harmoniser les conditions de concurrence au sein du marché intérieur, alors que c'était l'un des objectifs du règlement (CE) n° 1924/2006.

Ainsi, les autorités italiennes permettent aux fabricants de produits contenant des probiotiques d'utiliser une allégation de santé qu'ils assimilent à un descripteur générique, tant que la Commission européenne ne s'est pas prononcée sur cette assimilation. Rappelons que la Commission européenne n'a pas souhaité inclure les probiotiques dans la liste de substances concernées par les allégations nutritionnelles et que l'AESA n'a validé scientifiquement aucune allégation de santé relative aux probiotiques.

Par ailleurs, l'allégation « sans sucres » peut être utilisée selon les conditions prévues par le règlement de 2006 ou selon celles prévues par un autre règlement, le règlement (CE) n° 1333/2008, qui sont moins restrictives. Ce sont les premières que les autorités françaises ont retenues.

b/ L'évaluation du règlement (CE) n° 1924/2006 par les services de la Commission européenne

Les services de la Commission européenne ont évalué le règlement (CE) n° 1924/2006 et pointent deux difficultés majeures.

Tout d'abord, l'absence de définition des profils nutritionnels ne permet pas de conditionner l'emploi des allégations à la composition du produit pour lequel l'allégation est demandé à sa composition en sucre, sel, matières grasses, acides gras trans et acides gras saturés. Ces profils devaient être définis avant le 10 janvier 2009 dans le cadre d'une procédure de comitologie mais aucun accord n'a pu être trouvé entre les États membres.

De plus, les allégations de santé portant sur les plantes devaient être évaluées selon la procédure mise en place par l'AESA pour répondre aux exigences du règlement (CE) n° 1924/2006. Or, selon cette procédure, aucune allégation n'a été autorisée. La Commission a donc décidé de mettre en attente d'évaluation les allégations de santé fonctionnelles relatives aux produits à base de plantes , transmises avant 2008. Dès lors, 1 548 allégations de santé portant sur des substances végétales restent en attente d'évaluation et continuent d'être utilisées.

3/ Faciliter la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 plutôt que proposer sa refonte globale

Pour permettre une application concrète et entière du règlement (CE) n° 1924/2006, la commission des affaires européennes propose :

Sur l'établissement des profils nutritionnels

- l'établissement de profils nutritionnels en conformité avec le règlement (CE) n° 1924/2006 avec un système transversal combinant deux scores complémentaires et non compensatoires, l'un correspondant aux apports nutritionnels conseillés d'un nombre défini de nutriments qualifiants et l'autre correspondant aux limites à ne pas dépasser pour un nombre défini de nutriments disqualifiants ;

- l'établissement de dérogations aux profils nutritionnels pour permettre de tenir compte des recommandations scientifiques relatives à la consommation de certains nutriments ;

Sur les allégations portant sur les plantes

- l'établissement d'une liste des plantes autorisées pour être vendues comme complément alimentaire au sein de l'Union européenne, liste qui devra préciser la partie de la plante utilisée, le mode de préparation et le dosage maximal autorisé ;

- la définition d'une procédure spécifique d'évaluation des allégations portant sur des produits à base de plantes permettant de justifier l'allégation sur la base d'un usage traditionnel mais qui doit également inclure une évaluation de la sécurité des denrées alimentaires affichant l'allégation ;

Sur les évaluations de l'AESA

- un complément par l'AESA de ses lignes directrices en tenant compte de la nature du produit pour lequel l'allégation est demandée et des effets escomptés sur la santé ;

- la mise en place de consultations préalables permettant à l'AESA de présenter ses attentes aux exploitants du secteur alimentaire qui souhaitent soumettre une demande d'allégation, dans des conditions garantissant l'indépendance de l'AESA ;

Sur la liste des allégations nutritionnelles autorisées

- une mise à jour régulière de la liste des allégations nutritionnelles autorisées ;

Sur la politique éducative en matière alimentaire

- un renforcement des politiques d'éducation à l'alimentation au sein des établissements scolaires.

AVANT-PROPOS

Le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et les allégations de santé portant sur les denrées alimentaires fixe les conditions d'utilisation de ces allégations à l'échelle de l'Union. Il doit permettre ainsi, d'une part, de garantir au consommateur que ces allégations sont fiables, et d'autre part, d'assurer des conditions de concurrence équitables entre les exploitants du secteur alimentaire.

Les allégations nutritionnelles sont définies comme un message qui affirme, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières, et les allégations de santé comme un message qui affirme, suggère ou implique une relation entre la santé et une denrée alimentaire. Aucune allégation ne peut être utilisée sans avoir été autorisée.

Ce règlement a fait l'objet d'une évaluation par les services de la Commission européenne qui a pointé deux problèmes majeurs : il s'agit de l'absence de définition des profils nutritionnels qui, selon le règlement, doivent conditionner l'utilisation des allégations, et des difficultés d'adapter la procédure d'évaluation aux allégations portant sur les produits à base de plantes.

Toutefois, les nombreuses auditions menées par le rapporteur ont permis de faire état d'autres difficultés concernant notamment la procédure d'évaluation des allégations par l'AESA.

Dès lors, il apparaissait nécessaire d'évaluer plus globalement l'impact du règlement (CE) n° 1924/2006 quant à ses objectifs et de proposer des solutions pour une mise en oeuvre opérationnelle de ce règlement. C'est l'objet de ce rapport.

I. LE RÈGLEMENT (CE) N° 1924/2006 A PERMIS DE RÉGULER L'UTILISATION DES ALLÉGATIONS NUTRITIONNELLES ET DES ALLÉGATIONS DE SANTÉ

A. UN OBJECTIF PLUS ÉCONOMIQUE QUE SANITAIRE

1. Garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et une information fiable pour le consommateur

Le règlement (CE) n° 1924/2006 règlemente l'utilisation des allégations nutritionnelles et des allégations de santé par les exploitants du secteur alimentaire. Il prévoit une procédure d'autorisation qui doit déterminer si l'allégation est vraie ou non, et préciser dans quelles conditions celle-ci peut être utilisée .

Il a deux objectifs principaux : garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et fournir une information fiable au consommateur.

D'une part, ce règlement doit donc permettre d'harmoniser les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres pour favoriser la libre circulation des denrées alimentaires et éviter des conditions de concurrence inégales . Les exploitants du secteur alimentaire sont donc soumis aux mêmes règles pour ce qui concerne l'utilisation d'allégations nutritionnelles et d'allégations de santé pour promouvoir leurs produits.

D'autre part, ce règlement doit assurer un niveau élevé de protection pour le consommateur en lui permettant de faire son choix en toute connaissance de cause. Pour cela, il doit garantir la clarté, la précision et le bien-fondé scientifique des allégations.

2. Distinguer autorisation d'utiliser une allégation et évaluation du risque

L'objectif du règlement (CE) n° 1924/2006 n'est pas d'assurer la sécurité des denrées mises sur le marché , celle-ci étant vérifiée dans le cadre du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. Ce règlement général est complété par une règlementation sectorielle, notamment le règlement (CE) n° 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant l'adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires et le règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires.

Les denrées alimentaires sont mises sur le marché sous la responsabilité de l'exploitant, dans les conditions prévues par les règlements cités ci-dessus. Une denrée alimentaire pour laquelle une allégation n'a pas été autorisée n'est pas retirée du marché.

3. Distinguer les règles relatives aux allégations de celles relatives à l'étiquetage

Le règlement (CE) n° 1924/2006 ne fixe pas les règles relatives aux déclarations nutritionnelles et à l'étiquetage alimentaire qui sont définies par le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires.

L'allégation n'est pas obligatoire. Il revient à l'exploitant du secteur alimentaire de choisir s'il souhaite que son produit affiche une allégation ou non. En revanche, les règles en matière de déclaration nutritionnelle et d'étiquetage doivent obligatoirement être appliquées.

B. UNE DÉFINITION DES ALLÉGATIONS NUTRITIONNELLES ET DES ALLÉGATIONS DE SANTÉ

En France, avant le règlement (CE) n° 1924/2006, il n'existait pas de définition des allégations de santé. Seules les allégations nutritionnelles étaient définies d'un point de vue réglementaire. Ainsi, l'article 4 du décret n° 93-1130 du 27 septembre 1993 définit l'allégation nutritionnelle comme « toute représentation et tout message publicitaire qui énonce, suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles particulières soit en raison de l'énergie (valeur calorique) qu'elle fournit ou ne fournit pas, ou qu'elle fournit à un taux réduit ou accru, soit en raison des nutriments qu'elle contient ou ne contient pas ou qu'elle contient en proportion réduite ou accrue ». Il s'agit de mentions quantitatives factuelles.

Les allégations de santé faisant état d'un lien entre la santé et le produit ou une substance contenu dans le produit ne faisaient pas l'objet d'une définition légale ou réglementaire.

1. Les allégations nutritionnelles

Les allégations nutritionnelles sont celles qui affirment, suggèrent ou impliquent qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières. Celles-ci peuvent être liées à sa valeur énergétique ou son apport calorique, mais aussi aux substances qu'elle contient. On peut citer en exemple : « sans matière grasse » , « source de fibres » ou « riche en vitamines C » . Il s'agit d'allégations quantitatives factuelles que l'on peut vérifier assez facilement.

2. Les allégations de santé

Les allégations de santé correspondent aux allégations qui affirment, suggèrent ou impliquent l'existence d'une relation entre, d'une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l'un de ses composants et, d'autre part, la santé . Parmi les allégations de santé, on distingue :

- les allégations fonctionnelles ou génériques qui décrivent ou mentionnent le rôle d'un nutriment ou d'une substance dans la croissance, le développement et les fonctions de l'organisme. Elles peuvent également faire référence aux fonctions psychologiques ou comportementales d'un nutriment ou d'une substance. Enfin, elles peuvent aussi faire état d'un impact sur le contrôle du poids sans faire référence au rythme ou à l'importance de la perte de poids. Ces allégations ne peuvent pas faire référence à une maladie. Par exemple, on peut citer : « le calcium est nécessaire pour une structure osseuse normale » ;

- les allégations faisant référence à la réduction du risque de maladie qui peuvent seulement mentionner la réduction d'un facteur de risque de maladie . Ainsi, on peut écrire « telle substance réduit le cholestérol. Un taux de cholestérol élevé est un facteur de risque de développement d'une maladie coronarienne » ;

- les allégations se rapportant au développement et à la santé infantile qui mentionnent les bienfaits d'un nutriment ou d'une substance pour le développement et la santé des enfants . On peut citer : « la vitamine D est nécessaire au développement des os chez les enfants » .

Les sujets atteints de maladie ne peuvent pas être la population cible des allégations de santé.

C. UN ENCADREMENT STRICT DES CONDITIONS D'UTILISATION DES ALLÉGATIONS

1. Des allégations justifiées par des preuves scientifiques

L'article 6 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que l'exploitant du secteur alimentaire qui souhaite utiliser une allégation la justifie par des preuves scientifiques .

Selon le considérant 17 du règlement (CE) n° 1924/2006, une allégation devra être scientifiquement justifiée en prenant en compte l'ensemble des données scientifiques disponibles et en mettant en balance les éléments de preuve.

Selon le considérant 23, les allégations de santé ne devraient être autorisées qu'après une évaluation scientifique répondant aux exigences les plus élevées. Pour garantir une évaluation harmonisée, celle-ci sera effectuée par l'AESA.

2. Des conditions relatives à la formulation de l'allégation
a) Des principes généraux applicables à toutes les allégations

L'article 3 pose des conditions quant à la formulation des allégations . Il prévoit que ces allégations ne doivent pas être inexactes, ambiguës ou trompeuses. Elles ne doivent pas encourager la consommation excessive d'une denrée alimentaire et ne doivent pas suggérer qu'une alimentation équilibrée et variée ne peut fournir des nutriments en quantité appropriée. S'il s'agit d'un nutriment pour lequel une alimentation variée et équilibrée ne peut effectivement pas fournir une quantité suffisante, des dérogations peuvent être demandées. En outre, les allégations ne doivent ni susciter des doutes quant à la sécurité ou l'adéquation nutritionnelle d'autres aliments ni inspirer des craintes aux consommateurs. Ces dispositions sont complétées par l'article 5 point 2 qui prévoit que le consommateur moyen doit pouvoir comprendre les effets bénéfiques exposés dans l'allégation.

b) Des conditions spécifiques aux allégations de santé

L'article 10 paragraphe 2 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que les allégations de santé ne sont autorisées que si les informations suivantes sont communiquées au consommateur : une mention indiquant l'importance d'une alimentation variée et équilibrée et d'un mode de vie sain ; la quantité de la denrée alimentaire concernée et le mode de consommation requis pour obtenir l'effet bénéfique allégué ; s'il y a lieu, une indication à l'attention des personnes qui devraient éviter de consommer la denrée alimentaire en question ; et un avertissement approprié pour ce qui concerne les produits susceptibles de présenter un risque pour la santé en cas de consommation excessive.

La décision 2013/63/UE de la Commission du 23 janvier 2013 précise les conditions d'application de cet article.

3. Des conditions relatives à la composition de la denrée alimentaire affichant une allégation
a) Pour le nutriment ou la substance faisant l'objet de l'allégation

L'article 5 du règlement (CE) n° 1924/2006 pose des conditions relatives au nutriment ou à la substance faisant l'objet d'une allégation. Ainsi, la présence, l'absence ou la teneur réduite d'un nutriment ou d'une substance faisant l'objet d'une allégation doit avoir un effet nutritionnel ou physiologique bénéfique et scientifiquement admis . De plus, la quantité de ce nutriment ou de cette substance doit permettre d'atteindre cet effet nutritionnel ou physiologique. Enfin, le nutriment ou la substance doit être sous une forme directement consommable.

b) Pour la composition globale de la denrée alimentaire

L'article 4 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que la Commission doit définir des profils nutritionnels permettant de déterminer quels produits peuvent faire l'objet d'une allégation en fonction de leur composition notamment en sucre, sel, matières grasses, acides gras trans et acides gras saturés . Pour afficher une allégation, le produit doit donc avoir un profil nutritionnel favorable. Il s'agit d'éviter qu'une allégation ne masque l'impact nutritionnel global d'un aliment, ce qui induirait en erreur le consommateur.

Le considérant 11 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que les profils nutritionnels devraient prendre en compte, d'une part, les différences en ce qui concerne les habitudes et traditions alimentaires , et d'autre part, le fait que des produits, considérés individuellement, peuvent jouer un rôle important dans le cadre d'un régime alimentaire global .

L'article 4 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit des dérogations possibles pour les allégations nutritionnelles qui pourront être adoptées par la Commission après avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA).

4. Des conditions relatives à l'étiquetage du produit

L'article 7 du règlement (CE) n° 1924/2006 dispose que, pour pouvoir utiliser une allégation, l'exploitant du secteur alimentaire doit respecter les dispositions prévues par le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires. Ce règlement permet d'harmoniser les informations qui doivent figurer sur toutes les étiquettes des denrées alimentaires commercialisées dans l'Union et destinées au consommateur final. La valeur énergétique et les quantités de lipides, d'acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel doivent apparaître, ensemble dans le même champ de vision, dans un tableau lisible placé sur l'emballage. Faute de place suffisante, ces informations obligatoires peuvent être présentées de manière linéaire. L'ensemble de ces informations doit être exprimé pour 100 g ou 100 ml.

En outre, l'article 7 prévoit que la quantité du nutriment ou de la substance faisant l'objet d'une allégation devra être mentionnée dans ces mêmes conditions.

D. TOUTE ALLÉGATION DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE AUTORISATION

Toute allégation doit faire l'objet d'une autorisation pour pouvoir être utilisée . Le règlement (CE) n° 1924/2006 précise la procédure d'autorisation selon le type d'allégation.

En France, avant l'entrée en vigueur du règlement (CE) n° 1924/2006, les allégations ne faisaient pas l'objet d'une autorisation a priori mais d'un contrôle a posteriori . Les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) étaient chargés de vérifier la véracité des allégations utilisées. Ils pouvaient solliciter l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), aujourd'hui Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation) pour un avis scientifique.

Toutefois, les allégations nutritionnelles et les allégations de santé devaient respecter l'obligation générale de publicité non trompeuse, énoncée par l'article L. 121-1 du Code de la consommation. De plus, l'article R. 112-7 du Code de la consommation interdisait, pour une denrée alimentaire, de faire état de propriétés de prévention, de traitement ou de guérison de maladies humaines.

1. Les allégations nutritionnelles

Les seules allégations nutritionnelles autorisées sont inscrites à l'annexe du règlement (CE) n° 1924/2006 . Cette liste a été mise à jour en 2012 avec le règlement (UE) n° 1047/2012. La formulation et les conditions d'utilisation sont précisées. Ainsi, pour un produit contenant peu de sucres, l'allégation autorisée sera « faible teneur en sucres » et ne pourra être utilisée que si le produit ne contient pas plus de 5 g de sucres par 100 g dans le cas des solides ou 2,5 g de sucres par 100 ml dans le cas des liquides

Les modifications de cette annexe sont adoptées dans le cadre d'une procédure de comitologie à l'initiative de la seule Commission , éventuellement après consultation de l'AESA et des parties intéressées. Il en fut ainsi du règlement (UE) n° 1047/2012 qui est un règlement de la Commission du 8 novembre 2012 modifiant le règlement (CE) n° 1924/2006 en ce qui concerne la liste des allégations nutritionnelles. Le règlement (CE) n° 1924/2006 ne prévoit pas de procédure de demande de modification de l'annexe par les exploitants du secteur alimentaire.

La procédure de comitologie applicable au règlement (CE) n° 1924/2006

La procédure de comitologie se déroule selon les conditions fixées par la décision 1999/468/CE du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission 2 ( * ) , notamment l'article 5.

Article 5 de la décision 1999/468/CE

1- La Commission est assistée par un comité de réglementation composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission (Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale).

2- Le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 205 du traité pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants des États membres sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3- La Commission arrête, sans préjudice de l'article 8, des mesures envisagées lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité.

4- Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité, ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans tarder au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre et en informe le Parlement européen.

5- Si le Parlement européen considère qu'une proposition présentée par la Commission en vertu d'un acte de base adopté selon la procédure prévue à l'article 251 du traité excède les compétences d'exécution prévues dans cet acte de base, il informe le Conseil de sa position.

6- Le Conseil peut, le cas échéant à la lumière de cette position éventuelle, statuer à la majorité qualifiée sur la proposition, dans un délai qui sera fixé dans chaque acte de base, mais qui ne saurait en aucun cas dépasser trois mois à compter de la saisine du Conseil.

Si, dans ce délai, le Conseil a indiqué, à la majorité qualifiée, qu'il s'oppose à la proposition, la Commission réexamine celle-ci. Elle peut soumettre au Conseil une proposition modifiée, soumettre à nouveau sa proposition ou présenter une proposition législative sur la base du traité.

Si, à l'expiration de ce délai, le Conseil n'a pas adopté les mesures d'application proposées ou s'il n'a pas indiqué qu'il s'opposait à la proposition de mesures d'application, les mesures d'application proposées sont arrêtées par la Commission.

2. Les allégations de santé

La procédure permettant l'autorisation d'une allégation de santé diffère selon l'objet de l'allégation et la nature des preuves scientifiques attestant celle-ci. On distinguera d'une part, les allégations qui font référence à la réduction du risque de maladie et celles se rapportant au développement et à la santé des enfants (article 14 du règlement (CE) n° 1924/2006), et d'autre part, les autres allégations (article 13 du règlement (CE) n° 1924/2006) que l'on qualifiera d'allégations fonctionnelles ou génériques . Parmi ces dernières, on distingue les allégations qui reposent sur des preuves scientifiques généralement admises et qui sont bien comprises par le consommateur moyen (article 13.1 du règlement (CE) n° 1924/2006) et celles qui reposent sur des preuves scientifiques nouvellement établies et/ou contiennent une demande de protection des données relevant de la propriété exclusive du demandeur (article 13.5 du règlement (CE) n° 1924/2006).

a) Les allégations de santé génériques ou fonctionnelles reposant sur des preuves scientifiques généralement admises

Les articles 13.2 et 13.3 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoient que les allégations de santé fonctionnelles ou génériques reposant sur des preuves scientifiques généralement admises et bien comprises par le consommateur, et qui sont utilisées dans les États membres de l'Union, sont recensées par les États membres et transmises à la Commission européenne avant le 31 janvier 2008.

À cette date, la Commission avait reçu 44 000 allégations de santé. Celles-ci ont pu être regroupées en 4 637 allégations qui ont été transmises à l'AESA pour avis. La Commission a alors adopté, selon une procédure de comitologie, la liste des allégations génériques ou fonctionnelles reposant sur des preuves généralement admises. Ces allégations autorisées sont recensées dans l'annexe du règlement (UE) n° 432/2012 3 ( * ) . Sont précisées dans ce règlement la formulation de l'allégation et les conditions particulières d'utilisation. Par exemple, dans le cas de l'amidon résistant, l'allégation de santé autorisée est la suivante : « le remplacement d'amidon digestible par de l'amidon résistant dans un repas contribue à atténuer la hausse de la glycémie après ce repas » . Il est précisé que cette allégation ne peut être utilisée que si la teneur en amidon résistant dans le produit représente au moins 14% de la teneur totale en amidon.

b) Les allégations de santé reposant sur des preuves scientifiques nouvellement établies

Lorsqu'un exploitant souhaite être autorisé à utiliser une allégation de santé reposant sur des preuves scientifiques nouvellement établies et/ou contenant éventuellement une demande de protection de données relevant de sa propriété exclusive, l'article 18 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit une procédure simplifiée lorsque l'AESA rend un avis favorable.

La demande est transmise par l'exploitant du secteur alimentaire à la Commission par l'intermédiaire de l'autorité compétente de l'État membre (la DGCCRF en France). La demande est ensuite transmise à l'AESA pour avis.

Pour faciliter l'innovation, l'article 18 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que si l'AESA rend un avis favorable, la Commission statue sur la demande, après avoir consulté les États membres, en tenant compte de cet avis et de tout autre élément qu'elle jugerait légitime et pertinent. On éviterait ainsi la procédure de comitologie qui est plus longue. En revanche, en cas d'avis défavorable, une décision est prise dans le cadre d'une procédure de comitologie.

c) Le cas particulier des allégations « relatives à la réduction d'un risque de maladie » ou « se rapportant au développement et à la santé infantiles »

Ces allégations font l'objet d'une procédure d'autorisation particulière encadrée par les articles 15, 16 et 17 du règlement (CE) n° 1924/2006. La demande d'autorisation répond à un formalisme précisé par l'article 15 qui énumère la liste des informations à fournir. Cet article est complété par le règlement (CE) n° 353/2008 de la Commission du 18 avril 2008 et le règlement (CE) n° 1169/2009 de la Commission du 30 novembre 2009.

La demande est transmise par l'exploitant du secteur alimentaire à la Commission par l'intermédiaire de l'autorité compétente de l'État membre (la DGCCRF en France). La demande est ensuite transmise à l'AESA pour avis. En cas d'avis favorable, celui-ci doit mentionner notamment une proposition de libellé pour l'allégation de santé ainsi que les conditions spécifiques éventuelles d'utilisation. Sur la base de cet avis, la Commission prépare un projet de décision. Lorsque celui-ci n'est pas conforme à l'avis de l'AESA, la Commission en fournit les raisons. Il est ensuite statué sur le projet de décision dans le cadre d'une procédure de comitologie.

II. UN RÈGLEMENT NÉCESSAIRE MAIS DONT LA MISE EN OEUVRE EST CRITIQUÉE ET DEMEURE INCOMPLÈTE

La Commission européenne a présenté, le 20 mai 2020, les conclusions de l'évaluation de la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 réalisée par ses services (document SWD(2020) 96 final 4 ( * ) ). Si cette évaluation reconnaît que les objectifs de ce règlement restent pertinents, elle fait état de difficultés d'application , mais seulement en ce qui concerne la définition des profils nutritionnels et les critères d'évaluation des allégations relatives aux plantes .

A. UN RÈGLEMENT NÉCESSAIRE QUI A PERMIS DE RESTREINDRE LE NOMBRE D'ALLÉGATIONS AUTORISÉES

1. Le caractère commercial des allégations rend nécessaire leur encadrement

Pour l'association UFC-Que choisir, les allégations nutritionnelles et les allégations de santé ne sont que des arguments de vente utilisés par les exploitants du secteur alimentaire . Elles ne correspondent ni à une demande du corps médical ni à un besoin du consommateur. Elles n'ont donc aucune utilité, sauf en cas de carences. C'est ce que le professeur Ambroise Martin, professeur de biochimie et de nutrition à la faculté de médecine de Lyon, a confirmé à votre rapporteur.

Utilisées dans les années 60, notamment par les producteurs de céréales pour le petit déjeuner, les allégations se sont imposées comme un moyen d'améliorer l'image d'un produit. Toutefois, l'ajout de vitamines ne permet pas de garantir la qualité nutritionnelle d'un produit. En effet, celui-ci peut contenir une quantité trop importante de sucre, de sel ou d'acides gras notamment. C'est le cas de céréales pour le petit déjeuner qui contiennent généralement trop de sucres. En outre, sans contrôle indépendant, ces allégations peuvent être inexactes, ambigües ou trompeuses.

Dans son article intitulé « how package design and packaged-based marketing claims lead to overeating » 5 ( * ) , Pierre Chandon, professeur de marketing à l'Insead qualifie les allégations nutritionnelles et les allégations de santé d'allégations marketing. Il démontre que celles-ci entraînent une consommation plus élevée .

Pour les exploitants du secteur alimentaire, le risque est de voir des allégations s'afficher sur les produits des concurrents qui seront alors perçus comme plus sains.

Selon la FNSEA que le rapporteur a auditionné, ces allégations n'ont pas d'utilité et pourraient être supprimées .

Pour garantir une information de qualité au consommateur, il était donc nécessaire soit de réglementer l'utilisation des allégations, soit de les interdire. En 2006, la Commission a fait le choix d'encadrer leur utilisation.

2. Un encadrement qui aboutit à une limitation du nombre des allégations autorisées

L'annexe du règlement (CE) n° 1924/2006 propose 24 formulations devant permettre d'exprimer une allégation nutritionnelle. Cette annexe pose également les conditions quantitatives relatives à l'emploi de ces allégations.

Concernant les allégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction d'un risque de maladie ou au développement et à la santé infantiles, les paragraphes 2 et 3 de l'article 13 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoient que les États membres transmettent à la Commission les allégations qu'ils souhaitent voir autoriser. Dans ce cadre, la Commission a reçu plus de 44 000 allégations sur lesquelles elle a effectué un travail de consolidation pour en transmettre 4 637 à l'AESA pour avis. 1 548 d'entre elles concernant les plantes n'ont pas fait l'objet d'une évaluation à la demande de la Commission. Parmi les allégations évaluées, seules 229 ont été autorisées.

S'agissant des allégations reposant sur des preuves scientifiques nouvellement établies, on constate, dans le registre de l'Union européenne des allégations de santé, que 136 demandes d'autorisation concernant ce type d'allégations ont été évaluées et que seulement 6 ont été autorisées.

Pour les allégations faisant référence à la réduction d'un risque de maladie, 41 ont été évaluées et 14 autorisées. Enfin, concernant les allégations faisant référence au développement et à la santé infantiles, 57 ont été évaluées et 12 autorisées.

La mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1924/2006 a donc harmonisé mais aussi considérablement réduit le nombre d'allégations utilisées au sein de l'Union européenne.

B. UNE MISE EN oeUVRE CRITIQUÉE DU RÈGLEMENT (CE) N° 1924/2006

Les critiques sont particulièrement vives du côté des exploitants du secteur alimentaire qui regrettent que l'évaluation du règlement (CE) n° 1924/2006 faite par la Commission européenne n'ait pas mis en évidence l'ensemble des difficultés liées à la mise en oeuvre de ce règlement. Pour l'ANIA (Association nationale de l'industrie alimentaire), le Synadiet (Syndicat national des compléments alimentaires) et le Synpa (Association regroupant les fabricants d'ingrédients de spécialité), il importe de s'intéresser à l'impact de ce règlement sur l'innovation, les conditions de concurrence au sein de l'Union et l'information du consommateur.

Compléments alimentaires et ingrédients de spécialité

Les compléments alimentaires sont définis par la directive 2002/46/CE du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires. Ceux-ci sont des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal. Ils constituent une source concentrée de nutriments, vitamines et minéraux, plantes, ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés. Ils sont commercialisés au grand public principalement en pharmacie, sous forme de doses généralement sous la forme de gélules, pastilles ou comprimés.

Les ingrédients de spécialité sont vendus à l'industrie alimentaire qui les utilise pour différentes fonctions. Ce sont des ingrédients comme la cire d'abeille utilisée autour des mangues pour éviter qu'elles ne pourrissent, des vitamines et des minéraux, des probiotiques, des plantes ou encore des enzymes comme la lactase qui permet de réduire la teneur en lactose du lait. Il s'agit souvent de produits innovants régis par le règlement (UE) n° 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments dit « règlement novel food ».

1. Un processus d'évaluation qui freine l'innovation
a) Le processus d'évaluation de l'AESA inadapté selon les exploitants du secteur alimentaire

Devant le faible nombre d'autorisations accordées, les exploitants du secteur alimentaire remettent en cause le processus d'évaluation de l'AESA qu'ils considèrent comme inadapté tant en raison du manque d'informations sur les exigences de l'AESA qu'en raison du niveau de ces exigences.

Tout d'abord, les exploitants du secteur alimentaire estiment que les données scientifiques devant accompagner une demande d'autorisation ne sont pas suffisamment précisées par l'AESA. Ils souhaitent que les critères d'évaluation soient davantage formalisés pour éviter qu'une entreprise ne s'engage dans une démarché coûteuse et vouée à l'échec. Aujourd'hui, le Synadiet dénonce des critères d'évaluation qui varient d'une demande à l'autre, sans que l'on comprenne pourquoi. La plupart des entreprises de ce secteur sont des petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas nécessairement des moyens pour financer des études nombreuses et coûteuses. Il est donc important pour elles de comprendre quelles études favorables sont pertinentes pour permettre l'autorisation d'une allégation.

De plus, les exploitants du secteur alimentaire estiment que les critères d'évaluation utilisés par l'AESA sont proches de ceux utilisés pour les médicaments et qu'ils ne sont pas adaptés pour l'évaluation d'effets nutritionnels . En effet, il est difficile de montrer un effet clinique bénéfique chez des personnes en bonne santé. Si l'on considère les allégations de santé reposant sur des preuves scientifiques nouvelles, 65 % des allégations refusées le sont en raison de preuves cliniques insuffisantes. Pour la canneberge par exemple, l'Afssa, agence française de sécurité sanitaire des aliments, aujourd'hui Anses, avait refusé en 2003 l'allégation de santé « la canneberge favorise le maintien en bonne santé des voies urinaires par réduction significative de la présence de germes » 6 ( * ) , mais a autorisé en 2004 l'allégation « la canneberge contribue à diminuer la fixation de certaines bactéries E.coli sur les parois des voies urinaires » 7 ( * ) . Cette allégation soumise à l'AESA au titre de l'article 13.1 du règlement (CE) n° 1924/2006 n'a pas été autorisée 8 ( * ) . Si l'AESA a bien identifié que les données in vitro montrent que la consommation de canneberge a un effet anti-adhésion des bactéries contenues dans l'urine sur des cellules de la paroi du tractus urinaire, elle souligne que les données in vivo ne permettent pas de conclure quant à la validité d'un tel effet. En 2011, l'Anses a confirmé l'avis de l'AESA 9 ( * ) qui considère qu'une allégation ne peut être autorisée que si l'effet clinique est prouvé par des données in vivo .

Les représentants du Synadiet ont expliqué au rapporteur que le dépôt d'une demande d'autorisation d'une allégation de santé avait un coût compris entre 500 000 et 1 000 000 d'euros, ce qui est conséquent pour une PME. Le retour sur investissement étant limité compte tenu du faible nombre d'allégations autorisées, l'investissement en recherche et développement des membres du Synadiet a été divisé par 10 depuis 2006.

b) Un processus d'évaluation que l'AESA considère comme respectueux des exigences du règlement (CE) n° 1924/2006

Le considérant 23 du règlement (CE) n° 1924/2006 précise qu'une allégation de santé ne devrait être autorisée qu'après une évaluation scientifique répondant aux exigences les plus élevées. De plus, l'article 5 du règlement (CE) n° 353/2008 de la Commission fixant les dispositions d'exécution relatives aux demandes d'autorisation d'allégations de santé prévues à l'article 15 du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil 10 ( * ) indique que les études pertinentes à fournir sont faites principalement sur l'être humain, incitant ainsi l'AESA à privilégier les données pertinentes in vivo .

Pour qu'une allégation soit autorisée, celle-ci doit concerner un composant caractérisé, c'est-à-dire bien défini avec son nom scientifique et les modalités de préparation. L'effet bénéfique revendiqué est établi sur la base de preuves scientifiques généralement admises ou mesuré in vivo chez l'homme. Enfin, il est établi une relation de cause à effet entre la consommation du composant et l'effet revendiqué sur une population cible dans les conditions d'utilisation proposées. La population cible ne peut être malade. Des études sur des patients peuvent être utilisées pour étayer les allégations si l'extrapolation à la population cible se justifie scientifiquement, c'est-à-dire que le mécanisme physiologique est le même chez les patients et la population cible. Ainsi, les allégations portant sur la fonction articulaire ne peuvent être étayées par des études portant sur des patients souffrant d'arthrose alors que l'allégation « réduit la glycémie postprandiale » peut être étayée par des études réalisées sur des patients diabétiques traités avec des mesures diététiques uniquement.

L'AESA reconnaît que l'absence d'études appropriées sur l'homme reste l'une des principales raisons de refus des demandes d'autorisation d'allégation. Elle estime que les critères développés dans ses lignes directrices pour l'évaluation des allégations sont conformes à la réglementation.

Concernant les allégations de santé reposant sur des preuves généralement admises visées à l'article 13.1 du règlement (CE) n° 1924/2006, l'AESA regrette de ne pas avoir pu demander de compléments d'information aux entreprises ayant fait les demandes d'autorisation car celles-ci ont été transmises par les États membres, sans information sur ces entreprises.

Pour aider les exploitants du secteur alimentaire à présenter leurs demandes, l'AESA projette de publier des lignes directrices spécifiques selon l'effet revendiqué par l'allégation. Trois ont déjà été finalisées et trois autres devraient l'être prochainement.

Les six lignes directrices spécifiques préparées par l'AESA concernent :

- le système immunitaire, le tractus gastro-intestinal et la défense contre les microorganismes pathogènes ;

- les antioxydants et la santé cardiovasculaire ;

- la fonction musculaire et les performances physiques ;

- l'appétit, la gestion du poids et les concentrations de glycémie ;

- l'os, les articulations, la peau et la bouche ;

- le système nerveux et les fonctions psychologiques.

2. Des conditions de concurrence qui demeurent inégales
a) Des différences d'appréciation selon les États membres

Les exploitants du secteur alimentaire ont dénoncé une mise en oeuvre différenciée, selon les États membres, des dispositions du règlement (CE) n° 1924/2006, occasionnant ainsi des distorsions de concurrence.

(1) Des règlements européens qui peuvent se contredire

Tout d'abord, le Synpa a indiqué à votre rapporteur que deux règlements européens donnent des définitions différentes des produits autorisés à porter la mention « sans sucres ajoutés ». En effet, l'annexe du règlement (CE) n° 1924/2006 réserve cette allégation aux produits ne contenant ni monosaccharides ou disaccharides ajoutés, ni « toute denrée alimentaire utilisée pour ses propriétés édulcorantes », et le règlement (CE) n° 1333/2008 11 ( * ) du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires indique que la mention « sans sucres ajoutés » signifie sans ajout de monosaccharides ou disaccharides ni d'aucune « denrée alimentaire contenant des monosaccharides ou disaccharides utilisée pour ses propriétés édulcorantes ». Dès lors, ce règlement de 2008 permet d'utiliser la mention « sans sucres ajoutés » en cas d'ajout d'édulcorants non caloriques, comme la stévia.

Sur ce point, la France a retenu la définition la plus restrictive , celle du règlement de 2006, privant les entreprises françaises de l'avantage commercial qu'elles pourraient tirer de l'usage de cette mention alors que leurs concurrentes d'autres États membres de l'Union peuvent y recourir. Cette difficulté avait été signalée dans le rapport 12 ( * ) présenté par M. René Danesi, au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation aux entreprises relatif aux surtranspositions préjudiciables aux entreprises d'actes législatifs européens en droit interne.

(2) Une appréciation plus ou moins souple des dérogations possibles offertes par le règlement (CE) n° 1924/2006 au bénéfice des descripteurs génériques

Le considérant 5 du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que les descripteurs génériques qui sont utilisés habituellement pour indiquer une propriété d'une denrée alimentaire ou d'une boisson susceptible d'avoir un effet sur la santé humaine devraient être exclus de l'application de ce règlement. Il est cité en exemple des pastilles « contre la toux » et des pastilles « digestives ». La dérogation qui peut être ainsi accordée est liée à un produit et à une marque particulière.

Conformément à l'article premier, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1924/2006, la Commission a publié le 20 septembre 2013 le règlement (UE) n° 907/2013 13 ( * ) fixant les règles applicables aux demandes concernant l'utilisation de descripteurs génériques. Les demandes relatives à ces descripteurs génériques sont soumises par les exploitants du secteur alimentaire à l'autorité nationale compétente qui les transmet à la Commission et à tous les États membres. Ceux concernés par la demande communiquent leur avis sur ce sujet à la Commission. Après réception d'une demande valable et des avis des États membres concernés, la Commission peut ouvrir la procédure d'approbation du descripteur générique via un acte de comitologie. Le règlement (UE) n° 2019/343 14 ( * ) de la Commission a ainsi autorisé l'utilisation de certains descripteurs génériques. C'est le cas de « biscotto salute » (biscuits de santé) autorisé en Italie et à Malte à la demande de la société Monviso SpA.

Le Synpa a indiqué à votre rapporteur que les exploitants du secteur alimentaire italien souhaitant faire valoir l'intérêt des probiotiques au travers d'un descripteur générique se sont fédérés en association pour transmettre une demande en ce sens.

Rappelons que la Commission européenne n'a pas souhaité inclure les probiotiques dans la liste de substances concernées par les allégations nutritionnelles et que l'AESA n'a validé scientifiquement aucune allégation de santé relative aux probiotiques.

Toutefois, les autorités italiennes considèrent que tant que la Commission ne s'est pas prononcée, via un acte de comitologie, sur la demande des entreprises italiennes de faire valoir l'intérêt des probiotiques via un descripteur générique, celles-ci peuvent communiquer sur les bienfaits des probiotiques sur la santé sans être en infraction.

(3) Des listes de produits autorisés à la vente différentes d'un État membre à l'autre

La liste des produits qu'il est possible de vendre, avec ou sans allégation, n'est pas harmonisée à l'échelle de l'Union. C'est le cas notamment pour les plantes. Le Synadiet plaide pour une véritable application du principe de reconnaissance mutuelle à l'échelle de l'Union. En effet, pour le Synadiet, les États membres n'appliquent pas le principe de reconnaissance mutuelle. Ceci crée des distorsions de concurrence et nuit au bon fonctionnement du marché unique.

Toutefois, les États membres peuvent restreindre la commercialisation de certains biens lorsque ces restrictions sont justifiées par les motifs énoncés à l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou par d'autres raisons impérieuses d'intérêt public, et lorsqu'elles sont proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent.

En France, c'est la DGCCRF qui pilote l'évaluation des biens soumis au principe de reconnaissance mutuelle. Elle estime ne pas avoir à appliquer la reconnaissance mutuelle si l'opérateur ne fournit pas les informations nécessaires qui conditionnent cette reconnaissance, à savoir que le produit est sûr et autorisé dans un autre État membre.

Le principe de reconnaissance mutuelle

Dans les domaines dépourvus de législation d'harmonisation, le principe de la reconnaissance mutuelle qui découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne permet d'assurer la libre circulation des produits dans le marché intérieur. En vertu de ce principe, les États membres ne peuvent pas interdire la vente sur leur territoire des biens qui sont commercialisés légalement dans un autre État membre.

Les conditions de mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle sont précisées dans le règlement (UE) n° 2019/515 du 19 mars 2019 relatif à la reconnaissance mutuelle des biens commercialisés légalement dans un autre État membre et abrogeant le règlement (CE) n° 764/2008. Celui-ci doit améliorer la mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle. Pour cela, il instaure notamment une procédure d'évaluation des biens pour s'assurer qu'ils sont bien en vente dans un autre État membre et une procédure amiable de résolution des conflits entre États et entreprises permettant notamment de solliciter l'avis de la Commission.

b) Un règlement difficile à faire respecter sur Internet

Si le règlement (CE) n° 1924/2006 harmonise les conditions de concurrence à l'échelle de l'Union, il est difficile d'empêcher la vente via internet de produits bénéficiant d'une allégation non autorisée sur le marché européen.

En France, par exemple, 160 équivalents temps plein travaillent au sein de la DGCCRF pour vérifier la loyauté de l'information alimentaire, que ce soit sur Internet ou dans les commerces. Lorsqu'une allégation est employée avec la volonté manifeste de tromper le consommateur, l'article 121-6 du code de la consommation prévoit jusqu'à 300 000 euros d'amende et deux ans de prison.

S'il opère en France, c'est le producteur qui est sanctionné. Dans le cas contraire, c'est celui qui a introduit le produit en France.

Malgré les efforts de la DGCCRF, il est difficile de faire appliquer la législation dans le cadre de la vente sur Internet. Pour contourner la législation, les opérateurs affichent les allégations directement sur le site Internet et pas sur l'étiquetage. À cela s'ajoute le fait qu'il est difficile d'identifier les opérateurs derrière les sites internet en question, de même qu'il est difficile de déterminer leur chiffre d'affaires pour établir la sanction civile proportionnée prévue par la loi. Lorsque les sites sont fermés, ils sont rapidement rouverts avec une nouvelle adresse.

Il est également compliqué d'identifier et donc de sanctionner l'acheteur qui a acquis via internet un produit porteur d'une allégation non autorisée, malgré les contrôles aléatoires des services des douanes.

Les contrôles de la DGCCRF concernant les allégations

En 2019, 322 établissements ont été contrôlés. 44% de ces contrôles ont révélé une anomalie. La DGCCRF a dressé 17 procès- verbaux. Elle a également fait 61 avertissements et 71 injonctions, principalement pour demander la modification d'une dénomination.

3. Un règlement qui n'atteint pas ses objectifs en matière d'information du consommateur

Lors de leur audition par le rapporteur, les exploitants du secteur alimentaire ont expliqué que le règlement (CE) n° 1924/2006 n'atteignait pas ses objectifs en ce qui concerne l'information du consommateur.

a) Le nombre restreint d'allégations autorisées limite l'information donnée au consommateur

Pour les exploitants du secteur alimentaire, le processus d'évaluation de l'AESA a diminué de manière drastique le nombre d'allégations utilisées . Toutefois, ce n'est pas parce qu'un produit ne peut afficher une allégation qu'il est retiré du marché. Dès lors, de nombreux compléments alimentaires sont vendus sans allégation et donc sans information pour le consommateur . Ceci est d'autant plus problématique que seuls 50 % des compléments alimentaires sont vendus en pharmacie.

b) La mise à jour de la liste des allégations nutritionnelles doit permettre d'informer le consommateur en tenant compte des évolutions de la science

L'ANIA et le Synpa ont plaidé pour une mise à jour régulière de la liste des allégations nutritionnelles autorisées pour tenir compte de l'arrivée sur le marché de nouvelles substances résultant d'innovations récentes ou des évolutions des connaissances scientifiques en matière de nutrition . C'est le cas notamment de la lactoferrine ou de certains acides gras comme le DHA qui sont aujourd'hui reconnus comme ayant un impact positif sur la santé. Des allégations nutritionnelles pourraient donc porter sur ces substances. L'ANIA et le Synpa estiment que cela permettrait d'améliorer l'information du consommateur.

Or l'annexe du règlement (CE) n° 1924/2006 listant les allégations nutritionnelles utilisées n'a été modifiée qu'une seule fois par le règlement (UE) n° 1047/2012 de la Commission du 8 novembre 2012 15 ( * ) . Cette mise à jour était marginale dans la mesure où elle ne concernait que deux allégations.

Seule la Commission peut initier une modification de cette liste des allégations nutritionnelles et elle a indiqué à votre rapporteur que cela n'était pas l'ordre du jour.

C. UN RÈGLEMENT MIS EN oeUVRE PARTIELLEMENT

L'évaluation réalisée en mai dernier par la Commission européenne fait apparaître deux difficultés particulières : l'absence de définition des profils nutritionnels et le défaut d'évaluation des allégations relatives aux plantes .

1. L'absence de définition des profils nutritionnels
a) L'opposition des États membres

Selon le règlement (CE) n° 1924/2006, la Commission européenne devait définir les profils nutritionnels au plus tard le 19 janvier 2009 dans le cadre d'une procédure de comitologie. Un profil satisfaisant en ce qui concerne les quantités de sucre, sel, matières grasses, acides gras trans et acides gras saturés est une condition nécessaire pour pouvoir utiliser une allégation. Toutefois, les discussions sur cette question n'ont pas permis d'aboutir à un consensus entre les États membres .

La défense de produits locaux peu transformés et le besoin d'une alimentation variée devant être appréciée de manière globale et non produit par produit sont les principaux arguments avancés par les États opposés à une définition de profils nutritionnels trop restrictifs. La question culturelle a également été mise en avant, faisant apparaître une différence dans la manière d'appréhender l'alimentation entre les pays dits du Nord et les pays dits latins. Ces derniers ont affirmé craindre une uniformisation des habitudes alimentaires, remettant en cause un aspect important de leur culture.

En France, la commission des affaires européennes du Sénat avait adopté une proposition de résolution 16 ( * ) , le 12 mars 2009, à l'initiative de M. Jean Bizet, pour contester la fixation d'un seuil général en acides gras saturés, alors que tous les acides gras saturés ne sont pas de mauvais acides, et rappeler que l'effet sur la santé dépend de la dose totale absorbée par le consommateur et non de la dose unitaire par produit. La commission des affaires européennes s'inquiétait également des conséquences pour les fromages français qui, compte tenu des seuils envisagés, ne pourraient plus prétendre à bénéficier d'une allégation.

b) Le profilage nutritionnel pourtant plébiscité par les consommateurs

Des systèmes d'étiquetage nutritionnel se sont de fait développés, au sein des États membres, mais pas à l'échelle de l'Union , pour aider les consommateurs à faire des choix alimentaires plus sains. Il s'agit en fait de systèmes de profilage nutritionnel.

En France, l'article 14 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 prévoit que les pouvoirs publics recommandent un système d'étiquetage nutritionnel synthétique, simple et accessible pour tous. C'est ainsi que le Nutri-Score a été mis en place par un arrêté du 31 octobre 2017 17 ( * ) . Il s'agit d'un système d'étiquetage nutritionnel facultatif à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d'un produit alimentaire. Il a pour but de favoriser le choix de produits plus sains par les consommateurs et ainsi de participer à la lutte contre les maladies cardiovasculaires, l'obésité et le diabète. Il a ensuite été repris par la Belgique, l'Espagne, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg, ainsi que la Suisse. Son utilisation est également recommandée par l'Organisation mondiale de la santé. L'Italie est en revanche très opposée à ce système.

D'autres systèmes ont été développés. C'est le cas de la plateforme Yuka qui a mis au point un système de notation des produits alimentaires disposant d'un code-barres. Ce système propose une note sur 100 pour chaque produit. Entre dans la notation son Nutri-Score à hauteur de 60 %, sa composition en additifs alimentaires pour 30 % et sa composition en produits bio pour 10 %. Cette application a été téléchargée 15 millions de fois. En parallèle, Carrefour et Intermarché se sont appuyés sur la société Innit pour proposer un système de notation qui prend en compte le profil et les objectifs du consommateur.

Toutefois, aucune de ces solutions n'est aujourd'hui utilisée pour conditionner l'emploi des allégations. Une allégation peut donc aujourd'hui être affichée sur un produit ayant un profil nutritionnel défavorable.

2. La question des plantes en suspens

Les plantes et préparation de plantes sont disponibles au sein de l'Union européenne sous forme de denrée alimentaire ou de médicament. Mais leur classement dans telle ou telle catégorie relève de la responsabilité des États membres, ce qui a des conséquences sur la procédure suivie pour leur mise sur le marché.

Le règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que les allégations de santé portant sur les denrées alimentaires, y compris sur les plantes, ne doivent être autorisées qu'après la réalisation par l'AESA d'une évaluation scientifique dans le cadre de laquelle les études d'intervention constituent un élément essentiel. Les études d'intervention ont un caractère expérimental et visent à évaluer l'efficacité ou l'impact d'une substance. En 2009, aucune allégation de santé portant sur des substances végétales utilisées dans des denrées alimentaires n'a fait l'objet d'une évaluation favorable de la part de l'AESA, principalement en raison de l'absence d'études d'intervention, ce qui a conduit à une suspension de la procédure d'autorisation en 2010. En 2012, la Commission a établi une liste d'«attente» sur laquelle figurent aujourd'hui 1 548 allégations de santé portant sur des substances végétales, qui, dans l'attente d'une décision définitive, peuvent encore être utilisées sur le marché de l'Union sous la responsabilité des exploitants du secteur alimentaire.

Dès lors, on peut noter plusieurs difficultés :

- les consommateurs sont toujours exposés à des allégations de santé non étayées figurant sur la liste d'attente et ils peuvent croire que les effets bénéfiques indiqués ont fait l'objet d'une évaluation scientifique, alors que ce n'est pas le cas ;

- l'industrie pharmaceutique doit faire face à des coûts de mise sur le marché plus élevés alors que ce n'est pas le cas pour les fabricants de compléments alimentaires dont les produits sont parfois proches des médicaments en terme de composition ;

- l'absence d'une réglementation harmonisée de l'Union sur l'utilisation des plantes dans les denrées alimentaires contraint les exploitants du secteur alimentaire à adapter leurs produits à la réglementation de chaque État membre ;

- dans l'attente, les allégations peuvent être utilisées selon les règles nationales en vigueur, à condition de respecter les prescriptions générales du règlement (CE) n° 1924/2006, ce qui pérennise une situation de distorsion de concurrence selon les marchés.

Sur ce sujet, l'évaluation commandée par les services de la Commission européenne recommande une harmonisation de la liste des plantes autorisées dans les denrées alimentaires au sein de l'Union. Cette évaluation recommande également de s'intéresser à la notion d'usage traditionnel pour étayer les allégations de santé, comme c'est le cas pour la mise sur le marché de médicaments à base de plantes.

La mission commune d'information du Sénat sur les plantes médicinales et l'herboristerie 18 ( * ) , dans son rapport de 2018, s'est prononcée pour l'établissement, au niveau européen, d'un cadre d'évaluation graduée des allégations de santé concernant les plantes utilisées comme denrées ou compléments alimentaires, fondé sur la reconnaissance de leur usage traditionnel et les avancées des connaissances scientifiques.

III. FACILITER LA MISE EN OEUVRE DU RÈGLEMENT (CE) N° 1924/2006 PLUTÔT QUE LE REMETTRE EN CAUSE GLOBALEMENT

A. CONDITIONNER L'EMPLOI D'UNE ALLÉGATION À UN PROFIL NUTRITIONNEL FAVORABLE

1. L'établissement de profils nutritionnels

L'objectif poursuivi par la mise en place de profils nutritionnels est de réserver l'emploi d'une allégation nutritionnelle ou d'une allégation de santé aux seuls produits dont la composition en sucre, sel, matières grasses, acides gras trans et acides gras saturés est jugée acceptable pour la santé du consommateur. Cet objectif reste donc pertinent et nécessaire pour permettre au règlement (CE) n° 1924/2006 d'assurer un niveau élevé de protection du consommateur.

La Commission européenne a affirmé son intention de parvenir à un accord sur ce sujet et compte lancer une consultation publique pour recueillir l'avis des parties intéressées. Elle souhaite encourager la reformulation de la composition des produits et limiter la promotion de denrées alimentaires riches en matières grasses, sel et sucres, comme elle l'indique dans sa communication du 20 mai 2020 19 ( * ) intitulée « Une stratégie de la ferme à la table ». Pour sa part, le Gouvernement français est favorable à la reprise des travaux en vue de l'établissement de profils nutritionnels. Selon le professeur Ambroise Martin, professeur de biochimie et de nutrition à la faculté de médecine de Lyon, les profils nutritionnels sont indispensables pour assurer une information de qualité au consommateur. Même s'ils présentent l'inconvénient de laisser croire que l'équilibre d'une alimentation peut être atteint produit par produit, l'Anses aussi considère nécessaires les profils nutritionnels car une allégation encourage la consommation.

L'ANIA estime quant à elle que l'établissement de profils nutritionnels ne doit pas se faire au détriment des productions artisanales. Elle juge également important que toute décision visant à conditionner l'utilisation des allégations se prenne à l'échelle de l'Union.

Pour la FNSEA, en revanche, le système même des allégations produit des effets pervers. Il induit la création de profils nutritionnels qui sont difficiles à mettre en oeuvre. Si l'on prend le cas du Nutri-Score, l'évaluation est faite pour une quantité consommée de 100 g ou de 100 ml alors que certains aliments ont vocation à être consommés en petite quantité. C'est le cas notamment de l'huile d'olive. De plus, les acides gras saturés pour lesquels on souhaite établir des seuils ne seraient pas, selon les dernières études scientifiques, tous mauvais pour la santé.

La résolution du Sénat n° 83 (2008-2009) sur le projet de règlement tendant à fixer les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires 20 ( * ) demandait au Gouvernement de s'opposer fermement à des propositions de seuils de nutriments qui tendraient à promouvoir la consommation des seuls produits standardisés issus de l'industrie agroalimentaire , ou qui demeureraient inadaptés pour certaines denrées, par exemple pour des catégories de produits dont la composition est définie par des réglementations propres pour répondre à des objectifs spécifiques. L'objectif de cette résolution est de permettre aux produits dits de première transformation comme les fromages ou les huiles de continuer à afficher des allégations nutritionnelles. Elle tient compte du fait que la fabrication de certains produits répond à un cahier des charges précis : c'est le cas notamment des produits bénéficiant d'une AOC (Appellation d'origine contrôlée). Enfin, elle vise à éviter tout profil nutritionnel aux produits qui ne s'adressent pas à la population générale comme les aliments pour sportifs ou pour bébés.

2. Une transversalité des profils et des exceptions à prévoir

Pour le Gouvernement français, l'utilisation des profils nutritionnels doit être la plus large possible avec un système à score global qui s'applique de façon transversale et non par catégories de produits. Cela doit permettre une meilleure lisibilité pour les consommateurs et une mise en oeuvre facilitée pour les exploitants du secteur alimentaire. L'Anses et l'AESA se sont également prononcés en faveur d'un profilage transversal.

Pour l'ANIA et la FNSEA, en revanche, il est important de prendre en compte le rôle qu'un produit alimentaire spécifique joue dans le régime alimentaire en fonction des portions habituellement consommées et de la fréquence de consommation qui ne sont pas les mêmes d'un produit à l'autre. Une approche par catégorie est donc préférable selon eux.

Selon l'UFC-Que choisir, il faut opter pour un système transversal mais certaines familles de produits comme les corps gras ou les fromages peuvent avoir des seuils qui leur sont propres en raison d'apports essentiels pour une alimentation équilibrée.

Le Conseil agriculture et pêche de l'Union européenne, dans ses conclusions des 15 et 16 décembre 2020, invite toutefois la Commission à évaluer si les profils doivent être établis de manière transversale ou par produits.

L'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit des dérogations permettant l'utilisation d'allégations nutritionnelles sans remplir les conditions fixées par les profils nutritionnels. Ces dérogations sont accordées à la suite d'un acte de comitologie. Elles peuvent être accordées pour les allégations nutritionnelles relatives à la réduction de la teneur en matières grasses, en acides gras saturés, en acides gras trans, en sucres et en sel/sodium, bien que la teneur en question ne soit pas conforme aux profils nutritionnels. Une allégation nutritionnelle peut également être autorisée dans le cas où un nutriment particulier excède le profil nutritionnel, pourvu qu'une mention portant spécialement sur ledit nutriment apparaisse à proximité de l'allégation, sur la même face et avec la même visibilité. La mention se lit ainsi: «Forte teneur en [... (*)]».

Le Gouvernement français envisage de soutenir une exemption pour certaines catégories couvertes par une réglementation différente. C'est le cas des denrées destinées à des groupes spécifiques définies par le règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids, à l'exclusion des sous-catégories de produits pour lesquelles les actes délégués adoptés en application de ce règlement prévoient ou prévoiraient l'interdiction d'utiliser des allégations nutritionnelles ou de santé. D'autres produits destinés à des populations spécifiques comme les produits pour les sportifs pourraient également bénéficier d'une exemption. En effet, l'ensemble de ces denrées sont formulées pour répondre aux besoins nutritionnels spécifiques des groupes auxquels elles sont destinées. Sans exclure l'existence de cas particuliers qui justifieraient leur inclusion dans le régime général, les compléments alimentaires devraient, selon le Gouvernement, également être exclus de l'utilisation des profils. La nécessité et la pertinence d'exempter d'autres types de denrées pourrait être étudiée sur le fondement des profils tels qu'ils seront établis et de leur application.

L'équilibre alimentaire doit être atteint dans le cadre global d'une alimentation saine et équilibrée. Il n'est pas possible d'atteindre cet équilibre en ne consommant que des produits correspondants à un profil favorable particulier. En effet, le corps humain a besoin de certains corps gras présents dans des aliments qu'il faut consommer avec modération. L'établissement des profils nutritionnels doit tenir compte de cela pour ne pas laisser croire au consommateur qu'il peut se passer de certains nutriments.

De plus, conditionner l'autorisation d'utiliser des allégations à un profil nutritionnel favorable ne doit pas inciter le consommateur à rechercher certains nutriments indispensables dans des produits particulièrement transformés où ces nutriments auraient été ajoutés au détriment de produits de première transformation où les nutriments recherchés sont présents naturellement. La stratégie « de la ferme à la table » de la Commission européenne promeut une agriculture plus respectueuse de l'environnement et limitant les produits transformés. Il importe que la définition des profils nutritionnels respecte les objectifs des politiques publiques de l'Union en matière sanitaire et environnementale.

3. Quel système de profilage nutritionnel devrait être mis en oeuvre ?

En 2008, l'Afssa (aujourd'hui Anses) a réfléchi à la meilleure manière de prendre en compte la qualité nutritionnelle globale d'un produit. À la suite de cette réflexion, elle a proposé un système transversal combinant deux scores complémentaires et non compensatoires 21 ( * ) : d'une part, le SAIN qui correspond au pourcentage moyen de couverture des apports nutritionnels conseillés d'un nombre défini de nutriments qualifiants ; d'autre part, le LIM qui est le pourcentage moyen de dépassement des recommandations nutritionnelles d'un nombre défini de nutriments disqualifiants. Les conditions d'accès aux allégations sont discutées en considérant le SAIN comme un seuil minimal à atteindre et le LIM comme un seuil maximal à ne pas dépasser. Ce système permet d'appliquer la dérogation prévue à l'article 4 du règlement (CE) n° 1924/2006. Par ailleurs, l'Afssa recommandait la prise en compte de catégories dérogatoires au système transversal, notamment pour les huiles.

Par ailleurs, dans sa stratégie « de la ferme à la table », la Commission indique qu'elle proposera un étiquetage nutritionnel obligatoire harmonisé sur la face avant des emballages. Une convergence pourrait donc être recherchée entre les travaux de la Commission européenne sur les profils nutritionnels, d'une part, et les travaux sur l'étiquetage alimentaire, d'autre part. C'est le souhait du Gouvernement français qui soutient l'adoption du Nutri-Score de manière harmonisée et obligatoire à l'échelle de l'Union, et qui souhaiterait que soit évaluée la pertinence de l'utilisation du Nutri-Score comme profil nutritionnel. Toutefois, pour l'ANIA, il est difficile d'imaginer un système de profilage servant de multiples objectifs qui sont différents les uns des autres, à savoir conditionner une allégation et informer le consommateur.

Pour le professeur Ambroise Martin, le Nutri-Score correspond bien à un mode de profilage nutritionnel mais, contrairement aux profils nutritionnels prévus par le règlement (CE) n° 1924/2006, son affichage est prévu sur l'emballage. Cela pose la question de savoir si le profil nutritionnel d'un produit doit être obligatoirement affiché ou non, si cet affichage ne doit être obligatoire que lorsque le produit peut afficher une allégation ou si cette allégation a été autorisée à la suite d'une dérogation.

Pour le rapporteur, la définition des profils nutritionnels est certes indispensable pour la bonne application du règlement (CE) n° 1924/2006, mais elle répond également à une obligation réglementaire.

Ces profils doivent être définis de manière transversale avec la possibilité d'accorder des exemptions pour certaines allégations nutritionnelles. Ces exemptions doivent en tout état de cause avoir pour objectif de promouvoir une alimentation globale saine et équilibrée, des aliments peu transformés et une agriculture durable.

Il estime que l'objectif des profils nutritionnels doit être avant tout de conditionner l'utilisation des allégations.

B. RÉSOUDRE LA QUESTION DES ALLÉGATIONS POUR LES PRODUITS À BASE DE PLANTES

1. L'absence d'harmonisation des règles d'utilisation des plantes comme compléments alimentaires à l'échelle de l'Union

La question de savoir quels produits sont susceptibles de porter une allégation s'est posée à plusieurs reprises au cours des auditions que votre rapporteur a organisées, particulièrement concernant les plantes. Selon le règlement (CE) n° 1924/2006, sont visées les denrées alimentaires, définies par l'article 2 du règlement (CE) n° 178/2002 comme « toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain ».

Deux questions complémentaires se posent alors : il s'agit de déterminer quelles plantes peuvent être utilisées dans un complément alimentaire et comment distinguer le complément alimentaire du médicament. Ces deux questions relèvent de la compétence des États membres, ce qui crée des distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

Lors de leur audition, le Synadiet et l'ANIA ont plaidé pour une liste harmonisée des plantes autorisées comme compléments alimentaires au sein de l'Union européenne. Cela permettrait de faciliter la libre circulation des marchandises au sein du marché unique. Depuis 2014, il existe une liste commune à la France, à la Belgique et à l'Italie, dite liste « BelFrIt » 22 ( * ) . Bien qu'elle n'ait pas de valeur juridique, elle a été établie avec le concours de la DGCCRF. Cette liste non exhaustive de plantes dont l'emploi dans les compléments alimentaires est envisageable sous couvert de respecter certaines restrictions propres à garantir la sécurité des consommateurs doit permettre aux autorités de contrôle de disposer d'un cadre sur lequel s'appuyer.

Autre difficulté, ce sont les autorités de contrôle des États membres qui, s'appuyant sur la réglementation européenne, classent un produit comme médicament ou complément alimentaire. Un médicament doit avoir un effet pharmacologique qui permet de corriger, restaurer ou modifier des fonctions physiologiques chez l'homme alors que le complément alimentaire a pour but de compléter un régime alimentaire normal et d'entretenir des fonctions physiologiques normales par un effet nutritionnel. On parle alors d'effet physiologique. Un médicament doit permettre de restaurer l'homéostasie, entendue comme l'état d'équilibre du corps, alors que le complément alimentaire doit maintenir cette homéostasie. La différence n'est pas évidente tant les effets du complément alimentaire et du médicament se situent dans un continuum. Une même molécule, souvent selon la dose prise et l'intention du prescripteur, peut avoir tantôt un effet physiologique et tantôt un effet pharmacologique, si bien que certains emploient le terme « alicaments ». L'ajout d'une allégation de santé sur ces produits renforce la possibilité de confusion.

Définition du médicament

La directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 définit le médicament. D'une part, on entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales : il s'agit alors d'un médicament par présentation. D'autre part, est également qualifiée de médicament toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique : dans ce cas il s'agit d'un médicament par fonction.

La Cour de justice de l'Union européenne fournit une interprétation restrictive de la notion de médicament par fonction et une interprétation extensive de la notion de médicament par présentation dans le but de protéger le consommateur. D'une part, il s'agit respectivement, d'une part, de s'assurer que seuls les produits dont les effets bénéfiques ont été reconnus par une autorité compétente puissent être qualifiés de médicaments, et d'autre part, d'éviter qu'un produit puisse se prévaloir d'un effet bénéfique pour la santé sans avoir été reconnu comme médicament par les autorités compétentes.

L'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 15 novembre 2007 (C319/05) 23 ( * ) fait suite à une action en manquement contre l'Allemagne qui a classé une préparation à base d'ail vendue en capsule comme médicament, alors que cette même préparation est vendue en Italie comme complément alimentaire. La Cour a estimé que, par cette action, l'Allemagne remettait en cause le principe de libre circulation des marchandises, et que si le motif de protection de la santé publique pouvait être invoqué, les moyens mis en oeuvre étaient disproportionnés au regard du caractère strict de la procédure de mise sur le marché des médicaments.

L'Ordre national des pharmaciens a dénoncé le fait que des compléments alimentaires soient composés de la même teneur en substances actives que des médicaments traditionnels à base de plantes, comme l'harpagophytum ou le séné.

La situation en France

En France, en principe, la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée est réservée aux seuls pharmaciens, en vertu de l'article L. 4211-1 5° du code de la santé publique.

Deux textes dérogent à ce principe et permettent ainsi la mise sur le marché de compléments alimentaires :

- l'article D. 4211-11 du code de la santé publique (décret n° 2008-841 du 22 août 2008) qui « libère » certaines plantes ;

- l'arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi, pris en application de l'article D. 4211-12 du code de la santé publique précité.

Ces deux textes prennent le soin de préciser quelle partie de la plante peut être utilisée dans un complément alimentaire, ce qui n'est cependant pas toujours respecté en pratique, selon l'Ordre national des pharmaciens.

Toutefois, l'article 11-3 de l'arrêté du 24 juin 2014 précise que « l'utilisation de préparations issues des parties de plantes figurant sur la liste de l'annexe I dans la fabrication d'un complément alimentaire ne doit pas conduire à ce que celui-ci constitue un médicament par fonction tel que défini par l'article L. 5111-1 du code de la santé publique, notamment en exerçant une activité pharmacologique. À ce titre, ne peuvent notamment pas entrer, dans la fabrication des compléments alimentaires, les préparations de plantes pour lesquelles un usage médical traditionnel bien établi a été identifié par le comité des médicaments à base de plantes de l'Agence européenne des médicaments 24 ( * ) , dans les conditions de cet usage ».

2. Un usage traditionnel dont l'invocation ne peut se faire au détriment de la sécurité

La notion d'usage médical traditionnel est utilisée pour permettre la mise sur le marché de médicaments à base de plantes. La procédure d'autorisation est alors simplifiée. Aujourd'hui, compte tenu des règles d'évaluation en vigueur mises en place dans le cadre du règlement (CE) n° 1924/2006, aucune allégation n'est expressément autorisée pour les plantes. Les produits à base de plantes continuent donc d'afficher des allégations sans aucun contrôle.

Le Synpa, le Synadiet et l'ANIA sont favorables à la prise en compte d'un usage médical traditionnel des plantes comme critère pour l'évaluation des allégations de santé concernant celles-ci. Il leur semble intéressant de tirer profit de l'expérience acquise pour les médicaments à base de plantes, pour lesquels des données sur l'usage traditionnel et la sécurité d'usage sont le plus souvent déjà disponibles, pour autoriser des allégations de santé sur des produits contenant ces mêmes plantes. Ces données sont synthétisées dans des monographies réalisées par le comité des médicaments à base de plantes au sein de l'Agence européenne du médicament, comme le prévoit la directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 25 ( * ) .

Pour l'ordre national des pharmaciens, l'usage traditionnel concerne l'usage médical, ce dernier étant documenté de données bibliographiques qui ne concernent en rien le cadre alimentaire. Il importe de raisonner davantage en considérant la dangerosité pour la santé des personnes et la compétence acquise et reconnue de la personne qui délivre les produits plutôt que l'usage établi, aussi ancien soit-il.

Pour l'AESA, un usage traditionnel doit impliquer une caractérisation précise de la plante utilisée, quelle partie de celle-ci est utilisée et comment la plante est préparée. Si l'usage traditionnel est reconnu pour l'évaluation des plantes à usage médical, cela s'accompagne d'une évaluation de la sécurité de cet usage que l'on ne retrouve pas lors de l'évaluation d'une allégation de santé.

En effet, dans le cadre de l'évaluation d'une allégation de santé, l'AESA doit s'assurer que celle-ci est vraie. L'évaluation ne concerne pas la sécurité des denrées alimentaires. Toutefois, l'article 8 du règlement (CE) n° 1925/2006 26 ( * ) du Parlement européen et du Conseil concernant l'adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires prévoit que la Commission peut remettre en cause, après avis de l'AESA, la sécurité d'une substance ou d'un ingrédient autre que des vitamines ou des minéraux qui pourrait être consommée dans des quantités supérieures à celles qui sont raisonnablement susceptibles d'être ingérées dans des conditions normales de consommation. Pour le Synadiet, cela renforce encore l'insécurité juridique à laquelle est exposé l'exploitant du secteur alimentaire qui dépose une demande d'autorisation pour une allégation de santé, impliquant des plantes.

C'est toutefois dans ce cadre que la catéchine contenue dans le thé vert sous forme de compléments alimentaires a été évaluée par l'AESA à la suite des préoccupations concernant des effets nocifs possibles sur le foie. L'AESA a conclu que la catéchine présente dans le thé vert et d'autres boissons similaires est généralement sans danger. Cependant, lorsqu'elles sont consommées sous forme de poudre contenue dans un complément alimentaire, des doses de catéchines supérieures ou égales à 800 mg/jour pourraient susciter des problèmes de santé 27 ( * ) .

Pour l'AESA, sans un nouveau cadre réglementaire, il ne lui est pas possible d'appliquer une méthode différente d'évaluation des allégations de santé portées sur les plantes. De plus, elle juge nécessaire pour les plantes à évaluer dans le cadre de l'article 13.1 du règlement (CE) n° 1924/2006, que soient renvoyées l'ensemble des données bibliographiques fournies en 2007 et 2008 car elles ne sont plus à jour.

Pour le professeur Ambroise Martin, il est également nécessaire de réviser la législation pour ouvrir la voie à l'autorisation d'allégations portant sur les produits à base de plantes. Il s'agit ainsi de définir de nouveaux critères pour permettre à l'AESA de tenir compte d'un usage traditionnel. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité du consommateur. Des contraintes en matière de sécurité et de traçabilité devront être imposées pour la mise sur le marché du produit alors qu'aujourd'hui la décision de mettre un complément alimentaire sur le marché repose seulement sur l'exploitant.

La Commission européenne doit décider si elle envisage ou non de faire des propositions sur ce sujet.

Pour le rapporteur, il est nécessaire que soit établie à l'échelle de l'Union une liste commune des plantes autorisées pour être vendues comme denrée alimentaire au sein de l'Union européenne. Cette liste devra préciser la partie de la plante utilisée, le mode de préparation et le dosage maximal autorisé pour un usage alimentaire.

De plus, les allégations aujourd'hui portées sur les produits à base de plantes doivent faire l'objet d'une évaluation pour garantir au consommateur une information fiable. Celle-ci doit se faire dans le cadre d'une procédure particulière, qui permette de prendre en compte l'usage traditionnel mais qui, en contrepartie, doit inclure une évaluation permettant de garantir la sécurité du consommateur.

C. FAVORISER L'INNOVATION ET TENIR COMPTE DE L'ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES EN MATIÈRE DE NUTRITION

1. La justification scientifique des allégations ne doit pas être remise en cause

Aucune allégation de santé ne doit pouvoir être autorisée sans justification scientifique. Celle-ci est nécessaire pour garantir une information fiable au consommateur et protéger sa santé. En effet, des produits tels les compléments alimentaires présentés avec des allégations de santé non vérifiées sont susceptibles d'être consommés à la place de médicaments qui ont fait leur preuve. De telles allégations sont susceptibles de mettre en danger le consommateur en lui faisant perdre une chance de bénéficier d'un produit à l'efficacité éprouvée.

Comme l'Ordre national des pharmaciens, le rapporteur appelle à renforcer les contrôles pour vérifier la bonne application de la législation.

2. La mise en oeuvre de consultations préalables

Pour permettre aux exploitants du secteur alimentaire de préparer au mieux leur dossier, il serait utile que le mandat de l'AESA l'autorise à organiser des consultations préalables afin de lui permettre de préciser ses attentes. Il s'agit de fournir aux exploitants du secteur alimentaire des conseils scientifiques sur les données probantes susceptibles d'être requises pour permettre l'autorisation de l'allégation demandée. Ces consultations ne sauraient préjuger de l'avis qui sera rendu par l'AESA et doivent être organisées de manière à garantir l'impartialité de l'Agence.

Ces consultations permettraient d'éviter des investissements onéreux et inutiles pour les exploitants du secteur alimentaire.

La Commission devrait prévoir de nouveaux financements pour l'AESA pour lui permettre d'accomplir cette nouvelle mission.

3. La mise à jour de la liste des allégations nutritionnelles autorisées

La liste des allégations nutritionnelles autorisées et que les exploitants du secteur alimentaire sont libres d'utiliser, à condition de respecter les conditions énoncées dans le règlement (CE) n° 1924/2006, a été publiée en annexe de ce règlement. Elle a fait l'objet d'une mise à jour concernant seulement deux allégations en 2012 par le biais du règlement (CE) n° 1047/2012 de la Commission du 8 novembre 2012 28 ( * ) modifiant le règlement (CE) n° 1924/2006 en ce qui concerne la liste des allégations nutritionnelles.

Or, les connaissances scientifiques et médicales dans le domaine de l'alimentation et de la nutrition évoluent. Ainsi, il a été prouvé que certains acides gras, comme le DHA, sont nécessaires pour une alimentation équilibrée et certains nutriments aux qualités reconnues, comme la lactoferrine, méritent d'être davantage utilisés dans les denrées alimentaires.

Pour le rapporteur, il apparaît donc utile de mettre à jour régulièrement la liste des allégations nutritionnelles autorisées.

D. DÉVELOPPER DES POLITIQUES ÉDUCATIVES EN MATIÈRE DE NUTRITION

Selon l'UFC-Que choisir, 88 % des spots publicitaires pour des produits alimentaires à destination des enfants concernent des produits avec un Nutri-Score D ou E. Pour Santé publique France, il est nécessaire de limiter les communications commerciales pour ces produits de plus faible qualité nutritionnelle, ainsi que les communications pour les marques associées à ces produits, en télévision et sur Internet, pendant les tranches horaires qui sont le plus regardées par les enfants.

Bien que la réglementation soit souvent nécessaire, l'ensemble des personnes auditionnées préconisent de renforcer les politiques d'information et d'éducation en matière de nutrition.

En France, le PNAN (Programme national de l'alimentation et de la nutrition) 29 ( * ) est issu d'une concertation entre le ministère des solidarités qui est à l'origine du plan national nutrition santé (PNNS) et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, qui avait initié le Programme national pour l'alimentation (PNA). Le PNAN est un programme établi pour cinq ans (2019-2023) permettant d'organiser la complémentarité entre le PNNS et le PNA autour d'objectifs communs. Parmi les objectifs, on peut citer la réduction de 30% de la consommation de sel, la promotion du Nutri-Score en visant à le rendre obligatoire au niveau européen ou encore l'extension de l'éducation à l'alimentation de la maternelle au lycée. Ce programme est doté d'un budget de 40 millions d'euros essentiellement financé par des fonds européens. Les actions financées sont principalement éducatives.

Le programme santé de l'Union européenne pour 2021-2027 a été doté d'un budget de 5,1 milliards d'euros à la suite de la pandémie de COVID-19, soit dix fois plus que pour la période 2014-2020. Financer des actions éducatives en matière de nutrition est l'un des objectifs de ce programme.

Pour le rapporteur, il est nécessaire d'investir davantage dans l'éducation à l'alimentation et donc d'utiliser pleinement les moyens financiers du programme santé de l'Union européenne pour 2021-2027 pour développer des actions dans les établissements scolaires en vue d'apprendre aux plus jeunes à s'alimenter de façon saine et équilibrée.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 4 février 2021 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le débat suivant s'est engagé :

M. Jacques Fernique . - Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais j'ai échangé avec mon collègue Joël Labbé au sujet de la problématique des allégations de santé concernant les plantes. On a toute une économie de petits producteurs et opérateurs en vente directe pour lesquels cette question a une incidence importante. Autant pour les médicaments et les nouvelles molécules, il existe des brevets et donc un intérêt à financer des études scientifiques pour prouver les allégations, autant pour les plantes, la situation est différente. En effet, ces plantes sont souvent utilisées dans une logique de prévention et il est donc difficile de prouver leur effet avec des sujets en bonne santé. La mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales du Sénat avait émis la recommandation d'avoir, au niveau européen, un cadre d'évaluation gradué en ce qui concerne les allégations de santé sur les plantes. Il était demandé que ce cadre intègre la reconnaissance de leur usage traditionnel ainsi que les connaissances liées aux avancées scientifiques.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - J'ai beaucoup parlé avec Joël Labbé sur cette question dans le cadre de la mission herboristerie et c'est un sujet délicat. Concernant les allégations, il importe de contrôler et de vérifier ce qui peut être écrit ou dit pour éviter les abus commerciaux, d'autant que la frontière est ténue entre l'information et la publicité. L'évaluation n'est pas facile mais il convient de ne pas laisser les fabricants utiliser des arguments trop commerciaux. Concernant les plantes, on accepte souvent le mot « traditionnellement utilisé » mais le souci de traçabilité existe également, comme dans le cadre des médicaments.

Des listes de plantes autorisées ont été arrêtées. Il est vrai qu'elles ont pu être contestées par la mission d'information sur l'herboristerie. Mais certaines plantes sont dangereuses et nécessitent une connaissance. Dans le cadre de la délivrance des plantes, pour certaines en herboristerie et pour d'autres en pharmacie, on ne peut pas laisser n'importe qui s'installer sans un minimum de connaissances parce qu'il y a eu des accidents. Ayant ce souci de traçabilité et de sécurité alimentaire, il faut encadrer les listes et définir une catégorie de plantes pouvant être utilisées pour leur qualité nutritionnelle.

Mme Catherine Fournier . - Merci au rapporteur pour cette présentation. Chers collègues, je voulais revenir sur les propos introductifs. Vous savez que le nord de la France est producteur de pommes de terre, et que, contrairement aux médicaments, la production reste nationale. Au-delà des difficultés relevées dans votre rapport, relatives au profilage nutritionnel et aux plantes, quels ont été, jusqu'à maintenant, les blocages institutionnels et économiques dans la mise en oeuvre du règlement européen n° 1924-2006 ? Au vu du succès du marketing nutritionnel et d'un certain hygiénisme, pensez-vous que nous puissions mettre en place un profilage nutritionnel européen et une politique éducative ? Car finalement, nombre de nos produits français artisanaux sont souvent très riches en termes nutritionnels. L'essentiel est de les manger avec modération et de mettre en oeuvre une politique éducative en termes de nutrition. Il ne suffit pas de dire quel produit est bon ou lequel contient trop de matières grasses. Le tout est de savoir si on en mange de manière raisonnée et au bénéfice de notre santé. Je vous remercie.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Concernant le blocage économique tout d'abord, les fabricants contestent que, pour les allégations de santé, des preuves in vivo sur l'homme soient demandées. Ces procédures sont différentes des autorisations de mise sur le marché de médicaments qui coûtent très cher mais ce sont tout de même des dossiers extrêmement onéreux pour un très faible pourcentage de réussite. Il est toujours difficile de prouver l'efficacité d'un produit sur l'homme sain. Des expériences sont parfois faites : je pense à la canneberge qui était censée empêcher les bactéries de s'accrocher aux voies urinaires, mais elles n'ont pas résisté à tous les tests qui ont été faits. Si on écoutait les fabricants, il n'y aurait que des produits miracles en vente.

Là où je vous rejoins tout à fait, c'est sur la politique d'éducation alimentaire. Nous avons beau avoir des outils tels que le Nutri-Score, la définition d'un profil nutritionnel est très difficile. J'ai discuté avec le ministre de la santé de Tahiti dont 67 % des habitants présentent une obésité morbide alors que les produits y sont étiquetés comme chez nous. Nous devons donc absolument, au niveau des écoles primaires, des collèges et des lycées, introduire une éducation diététique et alimentaire. La méconnaissance est trop grande et s'accompagne, dans certains milieux sociaux, d'une excessive consommation de féculents. Nous devons absolument développer cette éducation dans les écoles, ainsi que dans les familles, ce qui implique des programmes de communication du ministère de la santé. Tous les pays occidentaux sont concernés par ces problèmes sévères puisque la tendance à la mauvaise nutrition est à la hausse.

M. Pierre Laurent . - Merci pour ce rapport. Est-ce que les règlements européens, qui s'imposent sur l'étiquetage, s'imposent aussi en matière de publicité commerciale ?

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Le point le plus sensible est que nous ne sommes pas parvenus à harmoniser les conditions de concurrence et à effectivement appliquer ce règlement dans l'Union européenne. Nous n'avons pas pu établir de profils nutritionnels, concept nouveau visant à classer les aliments selon certains critères et notamment selon leur contribution nutritionnelle. Si ces profils nutritionnels ne sont pas établis par la Commission, ils ne peuvent conditionner l'emploi des allégations.

Mme Marta de Cidrac . - Je vous remercie pour ce rapport, qui me permet de découvrir un certain nombre d'éléments intéressants. J'avais une question sur l'alinéa 31 de l'avis politique portant sur les allégations sur les plantes, qui précise que les produits à base de plantes peuvent avoir des conséquences sur la santé. Dans l'alinéa 32, est indiqué qu'« aucune allégation portant sur les plantes ne peut être autorisée, faute de preuves cliniques suffisantes ».

Je me demande ainsi - étant donné qu'il existe des interactions entre ces différentes substances et les médicaments -, si cela obligerait le médecin à interroger ses patients sur leur prise de compléments alimentaires. Cela n'ouvre-t-il pas le champ à une opposition entre médecine traditionnelle et phytothérapie ?

Comme ces plantes peuvent avoir des incidences sur la santé, le médecin n'est-il pas responsable des conséquences de la prise de ces produits à base de plantes chez ses patients ?

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Le médecin connaît généralement les habitudes alimentaires de son patient, mais je doute qu'il sache le contenu de son panier de courses. C'est pour cette raison qu'il importe de réserver les allégations à un usage de santé, encadré par le médecin.

Mme Marta de Cidrac . - Ma question portait plus particulièrement sur les plantes que l'on peut acheter dans des rayons de supermarchés et sur l'éventuelle responsabilité des professionnels de santé.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Effectivement, il y a des « procès » permanents sur l'usage illégal de la pharmacie dans les supermarchés, qui souhaitent, comme cela peut être fait à l'étranger, vendre des médicaments. On est dans le cadre de l'automédication, dont le médecin et le pharmacien ne sont pas forcément au courant. En principe, ces médicaments vendus, en automédication, ne sont pas des médicaments dangereux. Ainsi la valériane, l'aubépine, la passiflore sont des sédatifs, consommés sans problèmes, sans incident.

M. Jean-François, Rapin , président . - Il y a des médicaments en allopathie plus dangereux que des plantes et l'herboristerie.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Il faudrait une liste de plantes autorisées harmonisée au niveau européen, d'autant que la vente sur internet complique la traçabilité et le contrôle des produits.

Mme Marta de Cidrac . - J'avais une autre question précise, concernant le cannabis. Il y a aujourd'hui des médicaments à base de cannabis qui sont autorisés. Abordez-vous cette question dans l'avis politique ?

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Non, il s'agit d'un médicament avec autorisation de mise sur le marché.

M. Pierre Louault . - Je pense qu'il faut être prudent dans ces réglementations européennes. Chaque pays a des traditions alimentaires, avec des habitudes. Attention à ne pas dire que le fromage ou le vin sont toxiques. L'obésité vient de mauvaises habitudes alimentaires. Il faut que l'Europe soit vigilante, notamment sur les compléments alimentaires mais préserve nos traditions alimentaires. Il faut travailler sur l'éducation alimentaire, mettre en garde sur les excès. Mais je crains que les technocrates dictent ce qu'il est bon de manger et qu'on s'oriente vers une nourriture « parfaite » pour les Européens.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Tout à fait. Je suis le gardien des traditions alimentaires. La FNSEA s'inquiète d'une dévalorisation des produits bruts : fromages, fruits... Il n'y a pas de produit idéal. Tout est question de quantité, de qualité et de variété. Je pense qu'il faut conserver des tables bien garnies, avec des bons produits.

M. Daniel Gremillet . - Merci au rapporteur. Il s'agit d'un sujet très important. Et je pense effectivement qu'il faut faire attention à ne pas tomber dans la standardisation alimentaire. De nombreuses études sur les matières grasses végétales ou animales, par exemple, montrent qu'on peut être dans une situation de fragilité en faisant disparaitre la variété alimentaire existant dans l'Union européenne qui nous vaut une longue espérance de vie. Je voulais pointer la frontière fragile entre la question des allégations de santé et celle de la publicité. L'enjeu de la publicité l'a emporté sur celui de la santé.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Effectivement, il y a un enjeu sur la frontière entre publicité et communication sur ces allégations. Il faut encadrer les fabricants dans leurs actions de communication et de publicité sur leurs produits.

M. Ludovic Haye . - Merci, Monsieur le rapporteur pour la qualité de votre travail. Je souhaiterais parler de deux sujets : l'éducation alimentaire et l'économie. S'agissant de l'éducation alimentaire, il faut d'abord l'introduire dans les familles pauvres, avant l'école. Les goûters dans les écoles ont été supprimés, mais les parents qui donnaient des chips et du soda continuent de le faire, de même que ceux qui donnaient des fruits. C'est presque plus l'éducation des parents qui est à faire. Il faut, je pense, en rester à l'information, et conserver une « liberté gastronomique ». On sous-titre tout par « ne pas manger trop gras, trop salé, trop sucré » mais on ne peut pas enlever le gras du foie gras ! L'obésité est un vrai sujet de santé publique. De nombreuses maladies découlent d'une mauvaise alimentation.

Le second point que je souhaitais aborder concerne le budget alimentaire. Aujourd'hui on nous dit de manger bien et bio, mais il faut le pouvoir. On mange en fonction de ses moyens. On connaît les bons produits qui sont, d'ailleurs, dans nos supermarchés à hauteur d'homme, contrairement aux produits transformés de moins bonne qualité qui se trouvent en bas des rayons. On mange ce qu'on peut et non ce qu'on veut. Il y a une vraie injustice dans le choix de l'alimentation.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Sur le premier point, je vous répondrai de façon humoristique : « le confit n'est pas gras », comme le dit un célèbre film ! Plus sérieusement, l'éducation est importante dans les familles, mais indispensable à l'école également. Il faut agir aux deux niveaux, en communiquant sur des règles simples, telles que ne pas associer les sucres avec les graisses. Il suffit parfois de peu puisque l'on peut continuer à très bien manger tout en ayant un repas diététique avec notamment des protéines.

Concernant le budget, dans le cadre de la loi Egalim, nous avions travaillé avec la direction générale de l'alimentation sur l'article 2 qui prévoit 50 % de produits de qualité à partir de 2022 dans la restauration collective. Nous avions réalisé des évaluations qui nous avaient permis de constater que les produits bios représentaient 20 % de coûts supplémentaires et les produits carnés 15 % de coûts supplémentaires. Ces dépenses supplémentaires sont prises en charge par les mairies pour les écoles, par les départements pour les collèges, et par les régions pour les lycées. Nous nous sommes rendu compte que dans certaines cantines de restauration collective, les employés faisaient le choix de conserver un repas au même prix, quitte à avoir une moindre qualité. De tels choix personnels, qui peuvent certes être influencés par des contraintes budgétaires ne sont pas du ressort de l'Union européenne.

Mme Véronique Guillotin . - Merci, Monsieur le rapporteur, pour la qualité et l'intérêt de ce rapport. Ce sujet est essentiel pour plusieurs raisons, d'abord sur le plan culturel. On ne mange pas la même chose dans chaque pays. Il n'est pas souhaitable qu'on arrive à une alimentation policée. L'aliment fait appel à notre histoire, à notre mode de vie et à notre milieu social. C'est un objet de convivialité et un besoin vital qui peut être comblé assez facilement. Mais c'est également un médicament puisque l'on sait que « bien manger » constitue le premier médicament.

Il faut toutefois être vigilant sur les allégations. Elles sont probablement nécessaires, mais il faut faire attention à ce que des messages simples ne deviennent pas simplistes, ce qui pourrait être contreproductif. Nous avons de plus en plus de messages d'information dans nos boîtes mais pour autant, les gens mangent-ils mieux ? Je n'en suis pas sûre. Avons-nous moins de malbouffe, moins de diabète, moins d'obésité ? Absolument pas, car l'afflux d'informations nécessite de l'éducation. Il faut une éducation à la maison oui, mais surtout une éducation dès le plus jeune âge et dans le milieu scolaire afin d'apprendre à décrypter ce qui est écrit. Les messages sont aujourd'hui plus des messages à visée commerciale que nutritionnelle.

Il faut pouvoir comprendre ces allégations afin de les intégrer dans sa vie quotidienne, dans ses habitudes et dans sa culture. Plus la communication est abondante, moins il est facile pour certains de comprendre, ce qui peut conduire à une certaine fracture sociale. En effet, l'obésité est plus importante chez les personnes qui sont en plus grande difficulté sociale. Ce n'est pas toujours lié à un manque de moyens financiers. Ainsi, au petit-déjeuner, le repas le moins cher, avec du pain et un bol de lait, est le repas le plus nutritionnel. Ce type de petit-déjeuner garantit un meilleur équilibre que des corn-flakes qui coûtent probablement dix fois plus cher. La question de l'éducation est essentielle.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Effectivement, la déclaration nutritionnelle sur les produits permet de mieux informer de la qualité d'un produit. Je pense à l'exemple du miel, dont certains pots venaient d'Europe centrale et ne comportaient pas d'indications alors qu'il s'agissait de mélanges de miel, retravaillés dans de l'eau chaude sucrée avec un produit souvent de qualité douteuse. Désormais, la provenance du miel est indiquée, comme la provenance des viandes. S'agissant de la distinction entre un « mauvais aliment » ou un « bon aliment », on touche les limites d'un système comme l'application Yuka. Ainsi, une confiture avec 46 % de sucres sera déclarée de bonne qualité tandis qu'à 50 %, elle sera déclarée de qualité médiocre. J'ai des doutes quant à la pertinence de la distinction pour 4 points de pourcentage de différence. Il faut toujours être très prudent face aux allégations et face aux étiquetages.

M. Didier Marie . - Je vous remercie, Monsieur Médevielle, pour votre rapport. À partir d'un texte technique difficile d'appréhension, on touche en fait à un sujet de société et de santé publique. C'est également une question économique et culturelle liée à nos modes de vie. Beaucoup de familles achètent des produits transformés en supermarché. Cela nécessite, comme indiqué par nos collègues, une éducation à l'alimentation, qui passe par les familles et l'école et exige une communication mise en oeuvre par l'État. Cela interroge également les liens entre l'industrie agroalimentaire et les producteurs, et la concurrence au sein de l'industrie agroalimentaire guidée par une maximisation des profits.

Selon moi, la réponse doit être globale sur le plan de l'éducation et de la réglementation. L'harmonisation des données est très importante. La réglementation est importante pour contraindre l'industrie agroalimentaire, sinon la loi du plus fort continuera à s'appliquer et les consommateurs continueront de mal manger. Il s'agit d'un vrai problème de société au sein de l'Union européenne.

M. Pierre Médevielle , rapporteur. - Il s'agit bien de l'objet de ce rapport d'aboutir à une harmonisation et d'éviter une concurrence préjudiciable aux consommateurs. Il faut continuer à travailler, mais des progrès ont été réalisés, sur le plan de qualité et de la diversité des aliments consommés.

M. André Reichardt . - Je voulais remercier Pierre Médevielle pour la qualité de ses travaux, qui m'a permis de découvrir l'ampleur du sujet. Je suis préoccupé par l'aspect financier de ce dossier, et la volonté de profits qui peut égarer certains acteurs. Par ailleurs, je voulais vous faire part d'une nouvelle étude, publiée sur les réseaux sociaux, qui semble conclure que le vin protège de la covid-19. Le président de l'Université de médecine de Taiwan confirmerait des travaux de chercheurs américains affirmant que les polyphénols perturbent la manière dont le virus se propage. Les tanins du vin inhiberaient deux enzymes clés du virus.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - S'agissant des polyphénols, je recommande d'attendre les résultats d'autres études.

M. Patrice Joly . - Je remercie également le rapporteur d'avoir travaillé sur ce sujet important à titre individuel et collectif. On essaye de toucher la raison, mais c'est une erreur. Je suis ce que je mange, disent le philosophe et l'anthropologue. Ce sujet nous renvoie à un style de vie, un mode de vie. Il faut s'appuyer sur la santé et les représentations, qu'il convient de déconstruire. Pensons par exemple à Mc Donalds, et à ce que cela symbolise dans l'imaginaire des enfants.

Par ailleurs, je pense qu'il faut accompagner certains produits par des financements adéquats, dans la mesure où ils permettent d'éviter des dépenses de santé.

M. Pierre Médevielle , rapporteur . - Le repas est effectivement considéré différemment selon les pays. En Scandinavie, il s'agit de s'alimenter, dans d'autres pays comme le nôtre, c'est un moment d'échange.

M. Jean-François Rapin , président . - Merci. Ce sujet était essentiel et son importance est reflétée par vos nombreuses prises de parole. Je propose que les documents que la Commission adoptera soient transmis au groupe d'études « alimentation » de la commission des affaires économiques qui les lira avec intérêt.

La commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport d'information et adopté à l'unanimité la proposition de résolution européenne disponible en ligne sur le site du Sénat , ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires,

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

Vu le règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées portant sur les denrées alimentaires, autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu'au développement et à la santé infantiles,

Vu le règlement (CE) n° 1047/2012 de la Commission du 8 novembre 2012 modifiant le règlement (CE) n° 1924/2006 en ce qui concerne la liste des allégations nutritionnelles,

Vu le document de travail des services de la Commission du 20 mai 2020 résumant l'évaluation du règlement (CE) n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires en ce qui concerne les profils nutritionnels et les allégations de santé portant sur les plantes et préparations de plantes, et du cadre réglementaire général d'utilisation dans les denrées alimentaire, SWD(2020) 95 final,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 83 (2008-2009) sur le projet de règlement tendant à fixer les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires et le rapport n° 336 (2008-2009) du 8 avril 2009 de M. Jean Bizet, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur le projet de règlement tendant à fixer les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires,

Vu le rapport n° 727 (2017-2018) du 25 septembre 2018 de M. Joël Labbé, fait au nom de la mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d'avenir,

Considérant l'importance de garantir la sécurité des consommateurs et la qualité de l'information qui leur est fournie, tout en favorisant l'innovation ;

Considérant la nécessité de fonder scientifiquement les allégations nutritionnelles ou de santé portant sur les denrées alimentaires ;

Estime que le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires reste valable dans sa globalité et doit être mis en oeuvre complètement ;

Appelle à une meilleure mise en oeuvre dudit règlement en conditionnant l'emploi d'une allégation à un profil nutritionnel favorable, en harmonisant les règles relatives aux allégations concernant les produits à base de plantes, en intégrant les dernières connaissances scientifiques en matière de nutrition et en développant l'éducation à l'alimentation ;

- Sur l'établissement des profils nutritionnels

Considérant que l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1924/2006 dispose que la Commission devait définir au plus tard le 19 janvier 2009, par une procédure de comitologie, des profils nutritionnels spécifiques que les denrées alimentaires ou certaines catégories de denrées alimentaires doivent respecter avant de donner lieu à des allégations nutritionnelles ou de santé, ainsi que les exemptions possibles ;

Considérant que, compte tenu des divergences d'opinion entre les États membres, ces profils nutritionnels n'ont pas pu être établis ;

Considérant que l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit que des allégations nutritionnelles relatives à la réduction de la teneur en matières grasses, acides gras saturés, acides gras trans, sucres et sel, peuvent être autorisées par dérogation, bien que cette teneur soit supérieure à celle prévue par les profils nutritionnels ;

Considérant que l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1924/2006 prévoit également que peuvent être autorisées des allégations nutritionnelles dans le cas où la teneur pour un nutriment particulier excède celle prévue par le profil nutritionnel à condition qu'apparaisse à proximité de l'allégation, sur la même face et avec la même visibilité la mention : « Forte teneur en ... » ;

Considérant que la présence d'une allégation sur un produit incite fortement le consommateur à l'acheter ;

Considérant que conditionner l'autorisation d'utiliser des allégations à un profil nutritionnel favorable risque d'inciter les consommateurs à se priver de nutriments indispensables au bon fonctionnement de l'organisme, notamment certains corps gras ;

Considérant que conditionner l'autorisation d'utiliser des allégations à un profil nutritionnel favorable risque d'inciter le consommateur à rechercher certains nutriments indispensables dans des produits particulièrement transformés où ces nutriments auraient été ajoutés, au détriment de produits de première transformation où les nutriments recherchés sont présents naturellement, et d'aboutir ainsi à une remise en cause d'autres objectifs sanitaires et environnementaux des politiques publiques de l'Union ;

Juge que l'établissement des profils nutritionnels est indispensable pour permettre au règlement (CE) n° 1924/2006 d'atteindre son objectif, à savoir assurer un niveau élevé de protection du consommateur en empêchant un produit alimentaire jugé trop riche en matières grasses, acides gras saturés, acides gras trans, sucres ou sel de porter une allégation, et que cet objectif demeure pertinent ;

Demande l'établissement de profils nutritionnels en conformité avec le règlement (CE) n° 1924/2006 ;

Considère que ces profils nutritionnels doivent s'appliquer à une large gamme de produits et être facilement compris par les exploitants du secteur alimentaire ;

Recommande un système transversal combinant deux scores complémentaires et non compensatoires, l'un correspondant aux apports nutritionnels conseillés d'un nombre défini de nutriments qualifiants et l'autre correspondant aux limites à ne pas dépasser pour un nombre défini de nutriments disqualifiants ;

Demande que des dérogations soient prévues, conformément au règlement (CE) n° 1924/2006, pour permettre de tenir compte des recommandations scientifiques relatives à la consommation de certains nutriments ;

- Sur les allégations portant sur les plantes

Considérant la nécessité que le règlement (CE) n° 1924/2006 favorise des conditions de concurrence équitables sur le marché intérieur ;

Considérant que les allégations portées aujourd'hui sur les produits à base de plantes le sont sans aucune validation scientifique, ce qui peut induire en erreur le consommateur ;

Considérant que le règlement (CE) n° 1924/2006 ne prévoit pas d'évaluation de la sécurité des denrées alimentaires pour lesquelles une allégation est demandée ;

Considérant que selon la partie utilisée de la plante, les modalités de préparation et le dosage, les conséquences sur la santé des consommateurs peuvent être différentes ;

Considérant que, dans le respect des modalités d'évaluation prévues par le règlement (CE) n° 1924/2006 et des lignes directrices de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), aucune allégation portant sur les plantes ne peut être autorisée, faute de preuves cliniques suffisantes ;

Demande à ce que soit établie une liste des plantes autorisées pour être vendues comme complément alimentaire au sein de l'Union européenne ;

Souhaite que cette liste précise la partie de la plante utilisée, le mode de préparation et le dosage maximal autorisé ;

Recommande que soit étudiée la possibilité de développer une procédure spécifique d'évaluation des allégations portant sur des produits à base de plantes permettant de justifier l'allégation sur la base d'un usage traditionnel mais incluant également une évaluation de la sécurité des denrées alimentaires affichant l'allégation ;

- Sur les évaluations de l'AESA

Considérant les investissements importants qu'implique une demande d'autorisation d'allégation pour les entreprises du secteur alimentaire, qui sont généralement de taille moyenne ;

Invite l'AESA à compléter ses lignes directrices en tenant compte de la nature du produit pour lequel l'allégation est demandée et des effets escomptés sur la santé ;

Souhaite que l'AESA, dans des conditions garantissant son impartialité, puisse organiser des consultations préalables lui permettant de présenter ses attentes aux exploitants du secteur alimentaire qui souhaitent soumettre une demande d'allégation ;

- Sur la liste des allégations nutritionnelles autorisées

Considérant la liste des allégations nutritionnelles autorisées figurant à l'annexe du règlement n° 1924/2006, revue à la marge en 2012 ;

Estime que cette liste doit tenir compte des innovations et de l'état des connaissances scientifiques dans le domaine de l'alimentation et souhaite en conséquence qu'elle soit mise à jour régulièrement ;

- Sur la politique éducative en matière alimentaire

Considérant la nécessité d'une éducation du consommateur à l'alimentation pour lui permettre d'apprécier au mieux les informations qui lui sont fournies ;

Considérant les crédits alloués dans le cadre financier pluriannuel au programme santé de l'Union européenne pour 2021 2027 ;

Encourage le renforcement des politiques d'éducation à l'alimentation au sein des établissements scolaires ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Cabinet du ministre

- M. Pierre Dussort , conseiller innovation et souveraineté alimentaire

- M. Sylvain Maestracci , conseiller Europe et international

Synadiet

- Mme Christelle Chapteuil , présidente

- M. Nicolas Cappelaere , vice-président

- M. Christophe Ripoll , vice-président

- M. Jean-Christophe Mano , administrateur

UFC-Que Choisir

- M. Olivier Andrault , chargé de mission alimentation agriculture

- M. Damien Barbosa , directeur des relations institutionnelles

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

- Mme Claire Servoz , cheffe du bureau

- M. Yann Le Guyadec

- Mme Élise Dekeneudt

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

- M. Matthieu Schuler , directeur de l'évaluation des risques

- Mme Irène Margaritis , chef de l'Unité « Évaluation des risques liés à la nutrition »

- Mme Sarah Aubertie , chargée des relations institutionnelles

Université Claude Bernard Lyon I

- M. Ambroise Martin , professeur de nutrition et de biochimie

Association nationale des industries alimentaires (Ania)

- M. Antoine Quentin , directeur des affaires publiques

- Mme Victoire Perrin , responsable des affaires publiques

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

- Mme Anne-Marie Denis , présidente de la FRSEA de Normandie

- Mme Amaryllis Blin , chargée de mission alimentation, sanitaire, élevage

Syndicat des fabricants d'ingrédients de spécialité

- Mme Mélanie Le Plaine-Mileur , secrétaire exécutif

- Mme Catherine Mignot , présidente du groupe de travail nutrition au sein du SYNPA

Agence européenne de sécurité des aliments

- Mme Leng Heng , senior scientific officer au sein de l'unité nutrition

- M.  Christophe Wolff , chargé des relations institutionnelles

Commission européenne

- Mme Sabine Pellser , chef de secteur alimentation à la DG Santé

- Mme Olga Goulaki , chargée de mission.


* 1 Agence européenne de sécurité des aliments

* 2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:01999D0468-20060723&from=DE

* 3 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32012R0432&from=FR

* 4 https://ec.europa.eu/food/sites/food/files/safety/docs/labelling_nutrition-claims_swd_2020-96_sum_fr.pdf

* 5 http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/7472/?sequence=119

* 6 https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2003sa0056.pdf

* 7 https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2003sa0352.pdf

* 8 https://ec.europa.eu/food/safety/labelling_nutrition/claims/register/public/?event=search

* 9 https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2010sa0214.pdf

* 10 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:109:0011:0016:FR:PDF

* 11 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:354:0016:0033:FR:PDF

* 12 https://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-614-notice.html

* 13 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013R0907&from=EN

* 14 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0343&from=FR

* 15 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:310:0036:0037:FR:PDF

* 16 http://www.senat.fr/leg/ppr08-265.html

* 17 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035944131

* 18 http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-727-notice.html

* 19 https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2020/FR/COM-2020-381-F1-FR-MAIN-PART-1.PDF

* 20 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr08-265.html

* 21 https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT-Ra-Profils.pdf

* 22 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/imgs/breve/2014/documents/harmonized_list_Section_A.pdf

* 23 http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf;jsessionid=854C766E30C469591AA5E308CFF8F6F6?text=&docid=69867&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=20614764

* 24 https://www.ema.europa.eu/en/medicines/field_ema_web_categories%253Aname_field/Herbal/field_ema_herb_outcome/european-union-herbal-monograph-254

* 25 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32004L0024&from=EN

* 26 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:404:0026:0038:FR:PDF

* 27 https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/180418

* 28 https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:310:0036:0037:FR:PDF

* 29 https://agriculture.gouv.fr/pnan-le-programme-national-de-lalimentation-et-de-la-nutrition

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