Rapport d'information n° 210 (2019-2020) de M. Antoine KARAM et Mme Sonia de la PROVÔTÉ , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 18 décembre 2019

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N° 210

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) par la mission d' information sur les nouveaux territoires de la culture ,

Par M. Antoine KARAM et Mme Sonia de la PROVÔTÉ,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

L'ESSENTIEL

« La réalité, c'est que les politiques culturelles se font partout en France, dans tous nos territoires », indiquait le ministre de la culture, Franck Riester le 31 janvier 2019 lors de ses voeux aux professionnels de la culture . Sous l'effet du mouvement de décentralisation, les collectivités territoriales ont acquis une véritable autonomie au cours des dernières décennies en matière de politique culturelle, au point d'être aujourd'hui devenues essentielles au développement de l'offre culturelle dans notre pays.

Les politiques culturelles sont une responsabilité partagée entre l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les acteurs culturels et les partenaires publics, associatifs et privés. La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », a en effet maintenu le principe de la compétence partagée des collectivités territoriales dans le domaine de la culture . La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite « LCAP », a précisé les objectifs de l'intervention des collectivités publiques dans le domaine de la création artistique, qui ne faisait jusqu'ici l'objet d'aucune disposition législative.

Décidé pour tenir compte des contraintes pesant sur les budgets publics et éviter les effets dévastateurs que le désengagement d'une collectivité pourrait provoquer sur l'offre culturelle, le maintien de la compétence partagée n'en pose pas moins la question de l'effectivité de l'intervention des collectivités territoriales , compte tenu de l'absence de compétences obligatoires dans un grand nombre de secteurs de la culture. Il soulève également des inquiétudes sur la capacité de ces collectivités à articuler correctement leurs actions pour garantir un exercice harmonieux des compétences.

Ces inquiétudes sont d'autant plus fortes que l'acte III de la décentralisation est venu profondément bouleverser l'architecture territoriale de la République, avec un triple mouvement de renforcement de l'intercommunalité, de développement des métropoles et d'accroissement du rôle des régions susceptible d'éloigner l'offre culturelle des citoyens ou de conduire à une harmonisation des politiques régionales sur les moins-disantes.

Or, les lois NOTRe et LCAP précitées ont toutes deux également reconnu le développement des droits culturels des personnes comme l'horizon des politiques culturelles. Un nouvel acte de la décentralisation devrait être présenté au Parlement dans quelques mois, dont l'ambition est à la fois d'approfondir la décentralisation et la déconcentration, mais aussi de faciliter la différenciation, afin de mieux définir avec chaque territoire une réponse adaptée et sur-mesure.

Face à la nécessité de développer une culture de proximité pour briser les fractures culturelles, comment faire en sorte que la construction des politiques culturelles dans les territoires se fasse davantage à la fois avec et pour les territoires ? Lors de ses voeux aux professionnels de la culture il y a un an, le ministre de la culture indiquait son souhait qu'elles puissent « partir des territoires, et non être appliquées aux territoires ».

Dans cette perspective, la mission d'information sur les nouveaux territoires de la culture s'est attachée à mesurer l'impact qu'ont eu les réformes territoriales menées au cours des dernières années sur les politiques culturelles, tout en s'interrogeant sur les moyens de réduire les inégalités territoriales en matière d'accès à la culture .

Elle a fait le choix de formuler des propositions qui concernent tous les territoires et ont vocation à être adaptées en fonction des particularités locales , y compris dans les départements et régions d'outre-mer, pour lesquels des efforts restent à fournir pour les aider à combler leur retard en matière d'équipement culturel.

Les travaux de la mission d'information ont permis de confirmer l'importance de l'implication des collectivités territoriales dans le financement des politiques culturelles qui est deux fois supérieure aux crédits qu'y consacre l'État (8,7 milliards d'euros en 2017 contre 3,6 milliards d'euros). Plus de la moitié de ces dépenses est consacrée au soutien à l'expression artistique et aux activités culturelles tandis qu'un gros tiers porte sur le soutien de la conservation et à la diffusion du patrimoine.

Comme pour le sport, qui constitue également une compétence partagée, les collectivités territoriales poursuivent au travers de leur intervention culturelle des objectifs de développement local, d'attractivité des territoires et de cohésion sociale qui les incitent à financer des actions qui ne relèvent pas de leurs obligations légales.

La mission d'information a élaboré quinze propositions visant à préserver cette dynamique en essayant de mieux coordonner les initiatives et destinées à renforcer la lutte contre les inégalités territoriales dans l'accès à la culture.

• Orientation n° 1 : maintenir la compétence culturelle partagée reconnue par la loi NOTRe du 7 août 2015.

Il serait contre-productif de faire de la culture une compétence obligatoire compte tenu du rôle joué par la volonté politique des élus dans le développement de ces politiques locales.

• Orientation n° 2 : ne pas prévoir au niveau national de répartition de la compétence culturelle entre les différents échelons territoriaux.

Les spécificités locales sont nombreuses et toute répartition serait nécessairement arbitraire et pourrait déstabiliser l'action culturelle dans certains territoires.

• Orientation n° 3 : élaborer au niveau des intercommunalités et des métropoles de vrais projets de territoire, formalisés dans le cadre de contrats de territoire, qui ne se limitent pas exclusivement à la gestion de grands équipements.

Les communes restent encore aujourd'hui les principaux financeurs de la culture. Une mutualisation permettrait de développer et de consolider les actions menées, dès lors qu'il s'agit de vraies politiques de territoire, qui ne laissent pas de côté les zones rurales et périurbaines.

• Orientation n° 4 : mettre en place des mécanismes financiers favorisant les coopérations et l'engagement de certains niveaux de collectivités.

La contractualisation est un élément important pour inscrire des engagements dans la durée et offrir aux acteurs culturels des assurances budgétaires sur plusieurs années.

Le fonds incitatif et partenarial pour la restauration des monuments historiques des petites communes à faibles ressources pourrait constituer un modèle pour permettre à différents échelons de collectivités de concourir davantage à des projets communs.

• Orientation n° 5 : mieux coordonner les interventions des collectivités publiques pour permettre à l'État et aux collectivités territoriales de mieux exercer leur responsabilité conjointe en matière culturelle.

Les doublons, les incohérences et les carences restent nombreux, ce qui implique de réaffirmer la nécessité de mieux coordonner les actions des différents acteurs, en tenant compte de leurs intérêts propres, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales.

• Orientation n° 6 : décliner au niveau régional le Conseil des territoires pour la culture (CTC) pour faire émerger un organe politique de coordination plus opérationnel.

Le bilan des commissions culture des CTAP apparaît décevant et en tout état de cause peu opérationnel. La déclinaison territoriale du CTC permettrait d'instituer un outil permettant de définir les grandes orientations stratégiques au niveau régional en lien avec l'État.

• Orientation n° 7 : développer dans les territoires des instances de dialogue avec les acteurs culturels, à la bonne échelle en fonction des sujets traités, en favorisant, dans la mesure du possible, l'échelon départemental.

Ces assises culturelles permettraient de traiter des thématiques particulières comme les musiques actuelles, le livre et la lecture publique, les arts visuels, les enseignements artistiques spécialisés, le théâtre...

• Orientation n° 8 : encourager les régions, les départements et les collectivités à statut particulier, selon l'organisation locale et les thématiques traitées, à jouer un rôle de coordinateur des politiques territoriales, sans pour autant désigner une collectivité chef de file en matière culturelle, et développer les mécanismes de contractualisation dans le domaine de la culture.

Les régions, les départements et les collectivités à statut particulier pourraient mettre à la disposition du bloc communal leur expertise afin de faciliter la construction de politiques publiques culturelles coordonnées au niveau territorial par le biais de schémas. Le développement d'outils de contractualisation et de planification pourrait renforcer la cohérence de l'action des collectivités territoriales sur le territoire et améliorer la lisibilité budgétaire de leurs engagements.

La désignation d'un chef de file pourrait réduire l'implication des autres niveaux de collectivités. Le choix de la région apparaît par ailleurs peu adapté pour exercer un tel chef de filât compte tenu de la taille des nouvelles régions.

• Orientation n° 9 : conforter l'État dans son rôle de garant de l'égalité territoriale et recentrer les missions de l'administration centrale du ministère de la culture autour de l'évaluation des politiques publiques et de l'élaboration des grandes lignes directrices.

La montée en puissance des différents échelons de collectivités dans les politiques culturelles territoriales ne doit pas conduire l'État à se désengager. Il reste très attendu pour définir les grandes lignes directrices, jouer un rôle d'impulsion et agir en faveur des territoires carencés et en soutien des politiques et des équipements nationaux.

• Orientation n° 10 : raffermir la capacité d'observation du ministère de la culture en assurant le recueil de données récentes, complètes et également qualitatives et développer une plateforme recensant les bonnes pratiques observées sur le territoire en lien avec les collectivités territoriales.

L'existence de données récentes, complètes et qualitatives fait aujourd'hui défaut pour apprécier la réalité des initiatives culturelles conduites dans les territoires et adapter correctement les politiques publiques. Seule une observation centralisée au niveau national peut permettre de juger en toute objectivité le niveau des inégalités territoriales, ce qui plaide pour un renforcement des moyens du ministère de la culture dans ce domaine.

• Orientation n° 11 : veiller à une répartition plus équilibrée des crédits de l'État sur le territoire, avec une attention accrue à porter à la situation particulière des départements, régions et collectivités d'outre-mer.

Compte tenu de la concentration des opérateurs nationaux dans la région Ile-de-France, les dépenses culturelles de l'État sont dix fois supérieures dans cette région par rapport à la moyenne nationale. L'existence de ces déséquilibres n'a pas, à ce stade, pu être compensée par la mise en place des régions élargies. La situation des départements et collectivités d'outre-mer mérite une attention particulière, à la fois en termes d'équipements et de budget.

• Orientation n° 12 : ne pas renoncer au socle traditionnel des politiques en matière de démocratisation culturelle qui touchent le plus grand nombre dans les territoires.

Le Pass culture et les Micro-Folies, nouvelles politiques de démocratisation culturelles mises en place par le Gouvernement, constituent des réponses respectivement ponctuelle et partielle à l'enjeu d'accès à la culture. L'éducation artistique et culturelle constitue le ciment de l'égalité d'accès à la culture et doit, à ce titre, être amplifiée, ce qui suppose une action coordonnée avec le ministère de l'éducation nationale.

• Orientation n° 13 : développer les instruments permettant de faire venir la culture dans les territoires les plus enclavés.

L'une des orientations à privilégier pour lutter contre l'enclavement culturel des territoires serait de faire venir les oeuvres et les artistes dans les territoires, sans se limiter à ce qui est présenté dans les grands établissements nationaux. Les résidences d'artistes doivent être développées et les initiatives itinérantes davantage soutenues, y compris au niveau national, car elles sont complémentaires des actions « hors les murs » menées par les structures labellisées, en ce qu'elles font la part belle aux projets construits avec les territoires et leurs habitants.

• Orientation n° 14 : poursuivre le mouvement de déconcentration à condition de donner aux DRAC les moyens de mener à bien leurs missions dans les territoires.

Pour élaborer et mettre en oeuvre les politiques culturelles au plus près des territoires, les moyens financiers et humains des DRAC doivent être confortés, afin qu'elles puissent mieux appuyer les initiatives culturelles au niveau local et faciliter la coopération entre les collectivités territoriales sur le terrain en jouant un rôle de médiateur avec les élus locaux.

Une clarification des missions des DRAC se révèlerait également utile pour permettre qu'une complémentarité entre les actions de l'État et des collectivités territoriales dans les territoires puisse durablement s'instaurer.

• Orientation n° 15 : laisser les collectivités territoriales être de véritables acteurs des politiques culturelles afin de favoriser la mise en oeuvre des droits culturels.

Les collectivités territoriales devraient avoir plus de liberté dans la mobilisation des moyens, y compris d'une partie des crédits déconcentrés en DRAC, compte tenu du soutien qu'ils apportent aux structures culturelles « vernaculaires » (bibliothèques et médiathèques, écoles et conservatoires de musiques, musées municipaux...), qui forment l'essentiel du réseau culturel au niveau local. Pour ne pas entraver leur action, il conviendrait également d'exclure du calcul de la croissance de leurs dépenses de fonctionnement dans le cadre de la contractualisation financière entre l'État et les collectivités territoriales les dépenses de fonctionnement supplémentaires qu'elles engagent pour la mise en oeuvre des nouvelles politiques culturelles gouvernementales.

Une véritable co-construction des politiques culturelles est indispensable pour faire vivre progressivement les droits culturels, qui supposent des politiques construites au plus près des individus, et donc dans les territoires.

I. CONSTRUIRE LA CULTURE DANS LES TERRITOIRES : LA NÉCESSITÉ D'UN PARTENARIAT RENFORCÉ ENTRE LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

A. LE RÔLE MAJEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE POLITIQUES CULTURELLES

1. Des collectivités territoriales devenues incontournables

L'action culturelle est un enjeu important pour les territoires. Les politiques menées par les collectivités territoriales dans le domaine de la culture constituent des leviers de l' attractivité et du rayonnement des territoires. Elles contribuent à leur développement économique et touristique, favorisent l'expression d'une identité locale et constituent des vecteurs de cohésion sociale .

C'est sans doute ce qui explique le rôle moteur joué par les collectivités territoriales dans le domaine de la culture . Celles-ci ont largement investi le champ culturel, qui représente aujourd'hui environ 4,4 % de leurs dépenses globales. Elles contribuent activement à l'organisation et au développement de l'offre culturelle sur les territoires et sont devenues essentielles en termes de financement. D'après les dernières statistiques publiées par le département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la culture en mai 2019, les dépenses culturelles des collectivités territoriales se sont élevées à 8,7 milliards d'euros en 2017, soit un montant plus de deux fois supérieur aux 3,6 milliards d'euros de budget du ministère de la culture, auquel peuvent être ajoutés 4,3 milliards d'euros de dépenses à caractère culturel des autres ministères.

Source : DEPS, Ministère de la culture, 2019

La dernière note de conjoncture de l'Observatoire des politiques culturelles consacrée aux dépenses culturelles des collectivités territoriales fait apparaître une légère relance des dépenses culturelles en 2018 par rapport aux précédents exercices, qui avaient été marqués par des baisses assez sensibles, particulièrement autour de 2015.

Évolution des dépenses publiques en matière culturelle, 2014-2019

Source : Ministère de l'action et des comptes publics / DEPS, Ministère de la culture, 2019

Plus de la moitié de leurs dépenses sont consacrées au soutien à l'expression artistique et aux activités culturelles , tandis qu'un gros tiers porte sur le soutien à la conservation et à la diffusion du patrimoine.

Répartition sectorielle des dépenses culturelles
des collectivités territoriales en 2017

Les initiatives des collectivités territoriales dépassent largement le cadre de leurs obligations légales , qui portent principalement sur les bibliothèques, le développement des enseignements artistiques, la conservation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques, les archives et les services archéologiques. En effet, il existe peu de secteurs culturels dans lesquels la loi oblige les collectivités territoriales à intervenir. C'est donc sur la base de la clause de compétence générale que les différents échelons territoriaux, en particulier les communes, ont pu prendre l'initiative d'actions culturelles non formellement attribuées par la loi.

Quelques compétences prévues par la loi

Les oeuvres d'art

Les communes, comme les départements et les régions, ont l'obligation de consacrer 1 % du montant de l'investissement à l'insertion d'oeuvres d'art dans toutes les constructions qui faisaient l'objet, en 1983, de la même obligation à la charge de l'État ( article L. 1616-1 du code général des collectivités territoriales ) .

Les enseignements artistiques

Les enseignements artistiques de la musique, de la danse et de l'art dramatique relèvent d'une organisation spécifique faisant intervenir les communes, les départements et les régions.

Pour les communes, il s'agit de l'exercice d'une compétence facultative. Celles-ci peuvent ainsi organiser un enseignement initial visant à assurer l'éveil, l'initiation puis l'acquisition des savoirs fondamentaux nécessaires à une pratique artistique amateur autonome.

L'organisation du réseau des enseignements artistiques est définie par les départements qui apportent leur participation financière aux communes à travers la mise en place de schémas départementaux de développement des enseignements artistiques.

La région organise, pour sa part, l'enseignement préparant à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant et peut adopter un schéma régional de développement des enseignements artistiques dans les domaines de la musique, de la danse et de l'art dramatique.

Les archives

Les collectivités territoriales et leurs groupements sont propriétaires de leurs archives et en assurent la conservation, ainsi que la mise en valeur, sous le contrôle scientifique et technique de l'État (articles L. 212-6 et suivants du code du patrimoine). Elles continuent à bénéficier des concours financiers de l'État dans les conditions en vigueur au 1 er janvier 1986.

Les musées

Les collectivités territoriales peuvent, à leur initiative, créer des musées, dont l'organisation et le financement relèvent ensuite de leur compétence (article L. 410-2 du code du patrimoine). Elles continuent à bénéficier des concours financiers de l'État dans les conditions en vigueur au 1 er janvier 1986.

Les services archéologiques

Les collectivités territoriales peuvent organiser et financer leurs services archéologiques (article L. 522-7 et L. 522-8 du code du patrimoine). Ces derniers sont alors soumis au contrôle scientifique et technique de l'État. Ils doivent avoir été préalablement habilités par l'autorité administrative pour réaliser des diagnostics et des fouilles d'archéologie préventive.

Les bibliothèques

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent organiser et financer des bibliothèques (articles L. 310-1 et suivants du code du patrimoine).

Source : Direction générale des collectivités locales

2. Une nouvelle donne territoriale qui n'a pas remis en cause la prépondérance des communes dans le financement de la culture dans les territoires

Les trois lois qui constituent l'acte III de la décentralisation - la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM », la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral et la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe » - ont mis en place une nouvelle donne territoriale destinée à lutter contre le « millefeuille administratif ». Ces lois ont poursuivi plusieurs objectifs :

- doter les régions d'une taille critique en en réduisant le nombre pour leur permettre d'être plus efficaces dans l'exercice des compétences stratégiques qui leur sont attribuées ;

- favoriser la coopération et le regroupement entre les communes en facilitant le développement des intercommunalités à fiscalité propre, en mettant en place les métropoles et en rendant possible la création de pôles d'équilibre territoriaux et ruraux hors métropoles.

Malgré ces évolutions, les communes restent aujourd'hui encore les principaux financeurs de la culture , loin devant les autres échelons. En 2016, elles ont assumé 58 % des dépenses des collectivités territoriales, suivies par les intercommunalités (20 %), les départements (14 %) et les régions (8 %).

Ces disparités d'engagement financier s'expliquent par la nature de leurs dépenses culturelles. L'essentiel des dépenses du bloc communal porte sur les équipements culturels de proximité (bibliothèques, médiathèques, conservatoires...), dont les coûts de fonctionnement sont importants. Les dépenses des régions, à l'inverse, prennent essentiellement la forme de subventions, tandis que les départements concentrent une majeure partie de leur action sur la conservation du patrimoine.

Dépenses culturelles des communes et groupements de communes
par secteur d'intervention en 2016

Les années récentes ont toutefois été marquées par une montée en puissance, quoiqu'encore modeste, des intercommunalités . Alors que les dépenses culturelles des régions, des départements et des communes se sont contractées entre 2014 et 2017, les intercommunalités ont vu leurs dépenses croître de 5 % sur cette période. Cette progression de leurs dépenses n'est toutefois pas suffisante pour compenser les baisses émanant des autres collectivités territoriales , puisque le niveau de la dépense culturelle par habitant, toutes collectivités confondues, est passé de 143 euros à 131 euros.

Ces baisses concernent principalement les dépenses d'investissement , ce qui peut se justifier au regard de la transformation progressive des politiques culturelles, qui visent de moins en moins à construire de nouveaux équipements, compte tenu du maillage déjà existant. De leur côté, les dépenses de fonctionnement sont en légère progression, grâce au rôle actif joué par le bloc communal. Elles pourraient encore croître dans les années à venir. La dernière note de conjoncture de l'Observatoire des politiques culturelles consacrée aux dépenses culturelles des collectivités territoriales fait apparaître une relance des dépenses de fonctionnement en 2018 par rapport aux précédents exercices.

-6,6 %

Évolution des dépenses culturelles
des collectivités territoriales entre 2014 et 2017

695

773

1 150

9 331

-10,1 %

-15,1 %

Régions

Départements

Bloc
communal

1 355

-4,6 %

Ensemble
Collectivités

6 874

7 203

8 719

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication,
à partir des données du DEPS, Ministère de la culture

Dans un contexte budgétaire contraint, le financement des projets constitue un enjeu majeur pour les acteurs culturels. La pérennité des engagements financiers des collectivités est une source de préoccupation. L'État avait proposé, en 2014, de conclure avec les communes et les intercommunalités volontaires des « pactes culturels » pour contrer leur tentation de baisser les moyens alloués à la culture. L'État garantissait le maintien de ses crédits entre 2015 et 2017 aux collectivités qui s'engageaient à préserver leur budget pour la culture sur la même période. Jugé trop contraignant, le dispositif a rencontré un succès mitigé, puisque seules 82 collectivités ont contractualisé avec l'État.

Alors qu'un nouveau cadre de contractualisation entre le ministère de la culture et les collectivités territoriales avait été annoncé en 2018, celui-ci n'a finalement jamais vu le jour. Les derniers chiffres publiés par le ministère de la culture montrent toutefois que le bloc communal est globalement parvenu à préserver le montant de ses dépenses culturelles de fonctionnement entre 2014 et 2017 et que les baisses sont restées limitées (- 4,6 %). C'est davantage au niveau des départements et des régions que la baisse des dépenses culturelles a été sensible et a également porté sur les dépenses de fonctionnement. Du côté des régions toutefois, il pourrait s'agir d'un mouvement conjoncturel lié à la réorganisation qui a été nécessaire à la suite des fusions décidées lors des dernières réformes territoriales.

La mise en place de mécanismes financiers favorisant les coopérations entre collectivités territoriales et l'engagement de certains niveaux de collectivités aujourd'hui moins investis serait souhaitable. Dans le domaine du patrimoine, le ministère de la culture a ainsi créé, depuis 2018, un fonds pour inciter les régions à soutenir la restauration des monuments historiques des petites communes à faibles ressources. Il porte le nom de Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes (FIP). L'État bonifie son soutien par le biais de ce fonds aux opérations que la région s'engage à financer au minimum à hauteur de 15 %.

Cette formule pourrait tout à fait être transposée dans d'autres secteurs de la culture afin de mieux répartir le coût des dépenses culturelles aujourd'hui largement à la charge du bloc communal. Il conviendrait néanmoins que les initiatives soutenues par le biais de tels fonds soient sélectionnées par l'État et les collectivités territoriales qui participent à leur financement de manière collégiale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en ce qui concerne le fléchage du FIP.

Préconisation : mettre en place des mécanismes financiers favorisant les coopérations et l'engagement de certains niveaux de collectivités.

B. LA COMPÉTENCE CULTURELLE PARTAGÉE : « LE PIRE DES SYSTÈMES À L'EXCEPTION DE TOUS LES AUTRES »

1. Une formule adaptée à un domaine dans lequel la volonté politique joue un rôle primordial

Le législateur a fait le choix de maintenir la compétence partagée en matière culturelle dans le cadre de la loi NOTRe pour tenir compte de l'enjeu économique et social que constituent les politiques culturelles pour l'ensemble des niveaux de collectivités territoriales. L'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales résultant de la loi NOTRe prévoit que « les compétences en matière [...] de culture [...] sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ».

Les élus locaux que vos rapporteurs ont auditionnés se sont montrés très attachés à cette disposition en raison de la marge d'initiative qu'elle leur donne pour intervenir en matière culturelle et ainsi valoriser leur territoire et son identité. De leur côté, les acteurs culturels soulignent son intérêt pour le financement de leurs projets. La réalisation de la plupart des projets culturels repose aujourd'hui sur des financements croisés et nécessite le partenariat de plusieurs collectivités publiques, éventuellement associées à des acteurs privés. La compétence culturelle partagée apparaît donc favorable au dynamisme et à l'effervescence de la vie culturelle locale en facilitant l'addition des initiatives et des financements.

Le partage de la compétence culturelle offre par ailleurs une réelle souplesse qui permet d' adapter l'organisation de l'action culturelle aux spécificités de chaque territoire , mais aussi de faire varier la configuration des coopérations territoriales selon les disciplines artistiques et culturelles, en fonction des intérêts propres à chaque échelon territorial. Elle se justifie d'autant plus que l'intervention des collectivités en matière culturelle repose très largement sur la volonté politique des élus .

La compétence culturelle partagée permet en effet de diluer le risque lié au désengagement d'une collectivité . Elle laisse aujourd'hui la possibilité à un autre échelon territorial de prendre le relais de celui à qui les moyens financiers auraient manqué ou à qui la volonté politique aurait fait défaut. Particulièrement vive au moment de l'adoption de la loi NOTRe en 2015 au regard des difficultés budgétaires rencontrées par les collectivités territoriales, la crainte du retrait d'une collectivité reste encore très présente aujourd'hui. La croissance des dépenses de fonctionnement d'une grande partie des collectivités territoriales est en effet limitée à 1,2 % par le nouveau pacte financier, dit « dispositif de Cahors », qui les lie à l'État pour la période 2018-2022.

Préconisation : maintenir le principe de la compétence partagée dans le domaine de la culture , tel qu'il a été réaffirmé par la loi NOTRe du 7 août 2015 à l'article L. 1111-4 du code général de collectivités territoriales.

2. La difficulté à répartir la compétence culturelle entre les différents échelons territoriaux

Le principe de la compétence culturelle partagée soulève néanmoins des craintes en matière de lisibilité de l'action publique. Elle présente en effet le risque d'un manque de cohérence entre les interventions des différentes collectivités publiques et d'un empilement des dispositifs contractuels, peu lisibles et coûteux en temps et en moyens pour les acteurs culturels. Par rapport à d'autres domaines dans lesquels la compétence partagée a également été maintenue, comme le sport, la culture est sans doute celui dans lequel existe le plus de superpositions.

Il apparaît cependant délicat de fixer un cadre national pour répartir les responsabilités des différents échelons territoriaux en matière culturelle . Cette répartition serait nécessairement arbitraire et pourrait déstabiliser l'action culturelle dans certains territoires en imposant un schéma qui viendrait bouleverser celui en place et qui se montre efficace.

Même si chaque échelon territorial privilégie généralement certains champs d'intervention, tels les industries culturelles et créatives pour les régions, le patrimoine et l'éducation artistique et culturelle pour les départements, l'expression artistique et les activités culturelles pour le bloc communal, les spécificités locales restent nombreuses en matière culturelle et pourraient encore s'accroître sous l'effet des délégations de compétences, dont le régime a été renforcé par les lois MAPTAM et NOTRe précitées, et de l'ouverture éventuelle d'un droit à différenciation dans une loi future.

Attribuer des compétences exclusives dans tel ou tel secteur de l'action culturelle à l'un des échelons en particulier pourrait par ailleurs nuire à la réalisation de projets importants pour lesquels le partenariat entre les différents niveaux de collectivités territoriales se révèle indispensable.

Compte tenu de l'importance de la volonté politique en matière d'intervention des collectivités territoriales dans le domaine culturel, une répartition des compétences ferait en outre courir le risque de voir disparaître des pans entiers de la culture dans les territoires dans lesquels les élus ne seraient pas convaincus de la nécessité d'intervenir dans le champ de compétence culturelle que la loi leur aurait attribué, puisque les autres collectivités n'auraient pas la possibilité d'exercer la compétence à sa place.

En revanche, rien n'empêche les différents niveaux de collectivités territoriales de se mettre d'accord, par le biais de conventions conclues au niveau local, sur des modalités de répartition de la compétence culturelle selon leurs spécificités organisationnelles. Cette répartition permettrait notamment de partager davantage le coût des dépenses culturelles, qui repose aujourd'hui principalement sur les communes, tout en garantissant une meilleure égalité d'accès à la culture des habitants du territoire concerné.

Préconisation : ne pas prévoir au niveau national de répartition de la compétence culturelle entre les différents échelons territoriaux, mais laisser les collectivités territoriales libres de pouvoir se répartir entre elles l'exercice de la compétence culturelle par expérimentation ou différenciation.

Il existe aujourd'hui une forte attente pour que l'ensemble des échelons territoriaux s'investissent , aux côté des communes, en matière culturelle.

Les régions constitueraient un échelon stratégique pour traiter du développement économique des filières de la culture, aider les acteurs culturels locaux à atteindre une taille critique et favoriser un aménagement équilibré du territoire .

Même si les départements ont, à quelques exceptions, réduit leur engagement en faveur de la culture - la part de la culture dans leurs budgets est aujourd'hui la plus faible de tous les échelons territoriaux - pour se replier sur leurs compétences obligatoires, ils conservent toute leur pertinence pour veiller à la coordination dans les zones rurales et à l'équité de l'accès à la culture en tous lieux du département , ce rôle pouvant difficilement être assumé par les intercommunalités en raison, soit de leur taille trop réduite, soit de la faiblesse de leurs moyens financiers. Ils peuvent également jouer un rôle d'interface entre les intercommunalités et la région. Plusieurs départements ont d'ores et déjà fait le choix de contractualiser avec des intercommunalités de leur territoire pour accompagner le développement de leurs politiques culturelles. Cette formule se révèle efficace pour renforcer l'engagement du conseil départemental et accroître l'égalité d'accès à la culture sur le territoire du département.

Les intercommunalités et les métropoles apparaissent enfin adaptées pour la mise en place de projets de territoire dans le domaine culturel (patrimoine, livre et lecture publique, enseignements artistiques...), qui permettraient de mutualiser les dépenses, tout en conservant une offre de proximité, suffisamment accessible par tous. Leur exercice de la compétence culturelle s'est jusqu'ici trop limité à la gestion de grands équipements, au risque d'accroître l'éloignement des zones rurales et périurbaines vis-à-vis de l'offre culturelle. Pour garantir leur mise en oeuvre, ces projets de territoire nécessiteraient d'être formalisés par le biais de conventions ou contrats de territoire, permettant d'inscrire des objectifs pluriannuels dans les différents champs de la politique culturelle couverte, en facilitant la mise en commun, pour une certaine durée, des différents dispositifs mis en place, ainsi que des établissements financés par les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale.

Préconisation : élaborer au niveau des intercommunalités et des métropoles de vrais projets de territoire , formalisés dans le cadre de contrats de territoire , qui ne se limitent pas exclusivement à la gestion de grands équipements.

C. AMÉLIORER L'EXERCICE DE LA RESPONSABILITÉ COLLECTIVE DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES DANS LE DOMAINE CULTUREL

Au nom du principe de la libre administration des collectivités territoriales, la loi NOTRe n'a pas conféré à l'exercice de la compétence partagée un caractère obligatoire. Autrement dit, les collectivités territoriales ne sont pas obligées d'intervenir en matière culturelle, en dehors des domaines dans lesquels des missions précises leur ont été assignées.

Toutefois, l'article 103 de la loi NOTRe, adopté à l'initiative du Sénat, leur confie avec l'État, une responsabilité conjointe en matière culturelle , qui doit permettre de garantir le respect des droits culturels des personnes. Les collectivités publiques ont donc l'obligation de veiller ensemble à la continuité globale des politiques culturelles et à leur mise en oeuvre équilibrée sur l'ensemble du territoire. Des améliorations se révèlent aujourd'hui nécessaires pour permettre aux collectivités publiques de mieux exercer cette responsabilité collective, au travers d'un dialogue régulier et d'une coordination de leurs interventions , leur permettant d'éviter les doublons, les carences, comme les incohérences.

1. Renforcer le dialogue entre les collectivités publiques

Dès 2014 et les premières discussions autour du projet de loi NOTRe, le Sénat avait jugé que le dialogue entre les collectivités territoriales autour de leurs politiques culturelles était l'une des clés pour leur permettre d'exercer correctement la compétence partagée . Il avait notamment proposé que les conférences territoriales de l'action publique (CTAP), instituées par la loi MAPTAM pour organiser la coopération territoriale dans chacune des régions, comprennent une commission thématique chargée des questions culturelles, dite « CTAP culture ». Repoussée par l'Assemblée nationale dans la loi NOTRe, cette disposition a finalement été introduite par le législateur à l'article 4 de la loi LCAP précitée. Cet article prévoit également qu'un débat sur la politique en faveur de la culture est inscrit une fois par an à l'ordre du jour de la CTAP. L'initiative de réunir la « CTAP culture » ou d'organiser un débat sur la culture appartient au président du conseil régional.

Plus de trois ans après l'adoption de la loi LCAP, force est de constater que le bilan des CTAP culture est nuancé . Dans un courrier en date de mars 2018 adressé à la présidente de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication qui l'avait interrogé à ce sujet, le président de Régions de France, Hervé Morin, reconnaissait la difficulté à apprécier la pertinence de ces commissions, compte tenu de son appropriation encore en cours par les régions . Seules cinq régions avaient alors véritablement installé cette commission : les régions Bourgogne Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie, Hauts-de-France et La Réunion. Les autres régions ne l'avaient pas mise en place.

Plusieurs d'entre elles disposent néanmoins d'instances de concertation qui jouent un rôle identique à celui qu'aurait pu avoir une CTAP culture : la Bretagne avec le conseil des collectivités pour la culture ; le Grand Est avec le conseil consultatif de la culture regroupant tous les acteurs du monde culturel de la région, y compris la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et les professionnels ; le Centre-Val de Loire avec la conférence permanente culturelle associant les acteurs culturels, les Pays de la Loire avec la conférence régionale culturelle associant les acteurs culturels ; et la Nouvelle-Aquitaine au travers de la conférence territoriale de la culture.

Dans les régions dans lesquelles les CTAP culture ont été réunies, elles se sont souvent transformées en grand-messes peu opérationnelles , compte tenu de l'ampleur et de la variété des sujets à aborder. La fréquence des réunions s'est révélée trop faible pour permettre aux participants d'aborder concrètement la politique à mener pour chacun des secteurs composant le champ culturel.

L' absence de représentants de l'État au sein de ces commissions a également pu nuire à l'efficacité de cet outil, dans la mesure où la responsabilité en matière culturelle dans les territoires relève à la fois des collectivités territoriales et de l'État. Des outils de concertation entre l'État et les collectivités territoriales aux niveaux national mais aussi local , sont donc impératifs pour articuler au mieux les différentes interventions, dans un contexte où l'État sollicite de plus en plus les collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des politiques nationales. Ce dialogue renforcé permettra de répondre à la demande formulée par les collectivités d'être davantage entendues par le ministère de la culture pour faciliter la prise en compte de leurs besoins et de leurs spécificités.

Préconisation : mieux coordonner les interventions des collectivités publiques pour permettre à l'État et aux collectivités territoriales d'exercer leur responsabilité en matière culturelle prévue par la loi de façon réellement conjointe.

À cet égard, la transformation, en octobre dernier, du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) en Conseil des territoires pour la culture (CTC) devrait permettre de faciliter les échanges entre le ministère de la culture et les associations d'élus. Il est indispensable que ces instances soient rapidement déclinées en régions pour pallier le manque de coordination effective entre les collectivités territoriales en matière culturelle au sein des CTAP et améliorer le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Il serait souhaitable que le préfet de région en soit le co-président avec le président du conseil régional afin de lui permettre de se saisir davantage des problématiques culturelles qu'il ne le fait aujourd'hui, tant la réussite des politiques culturelles repose aussi sur les politiques conduites dans d'autres domaines, tels l'éducation, les transports, le numérique, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire. Cette co-présidence permettrait également de renforcer le caractère opérationnel de cette instance, qui aurait ainsi une orientation moins politique et serait davantage axée sur l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques publiques culturelles.

Préconisation : décliner au niveau régional le Conseil des territoires pour la culture (CTC) pour faire émerger un organe politique de coordination plus opérationnel.

Aux côtés de ces nouvelles instances, chargées de définir les grandes orientations stratégiques au niveau des territoires, il serait également utile de développer sur l'ensemble des territoires des instances de dialogue avec les acteurs culturels - soit au niveau des régions ou, notamment dans le cas où les disparités régionales sont trop fortes, au niveau des départements. Seules quelques régions en sont aujourd'hui dotées. Le mieux serait de faire porter ces « états généraux » sur des thématiques particulières (musiques actuelles, livre et lecture publique, arts visuels, enseignements artistiques spécialisés, théâtre, etc...). Cette formule permettrait de mieux identifier les enjeux au niveau local, faciliterait la structuration des filières et pourrait servir de base pour préparer les réunions du CTC au niveau régional. Elle répondrait également à l'attente actuelle d'une territorialisation accrue des politiques culturelles en permettant d'impliquer les différents acteurs et les différentes disciplines à la définition des besoins et à l'élaboration des politiques culturelles à l'échelle du territoire.

Préconisation : développer dans les territoires des instances thématiques de dialogue avec les acteurs culturels , à la bonne échelle en fonction des sujets traités, en favorisant, dans la mesure du possible, l'échelon départemental.

2. Organiser des partenariats entre les collectivités publiques

Le bon exercice de la responsabilité partagée en matière culturelle repose par ailleurs sur l'existence de partenariats entre les collectivités publiques leur permettant d'organiser les modalités de leur action commune . La coordination entre les collectivités publiques apparaît aujourd'hui insuffisante au regard des carences, des doublons ou des incohérences régulièrement constatés sur le terrain.

Pour faciliter la coordination, l'article 72 de la Constitution autorise la loi à désigner un chef de file, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, pour organiser les modalités de leur action commune. Il ne paraît néanmoins pas opportun, tout au moins à ce stade, de confier à l'échelon régional un rôle de chef de file en matière de politiques culturelles . L'expérience mitigée des CTAP culture montre que les régions ont sans doute encore besoin de temps pour assimiler les bouleversements qui découlent de la dernière réforme territoriale. En outre, la taille des nouvelles régions élargies rend plus difficile l'élaboration de politiques adaptées à l'ensemble des territoires au niveau régional, compte tenu des disparités qui peuvent exister entre ceux-ci. Il convient également de tenir compte du poids conservé par certains départements dans différents domaines de l'action culturelle, auxquels ils pourraient progressivement être tentés de renoncer si les régions se voyaient investies d'une mission de chapeautage.

Même s'il n'apparaît pas souhaitable de désigner au niveau national une collectivité chef de file en matière culturelle, il reste indispensable que les régions, les départements ou les collectivités à statut particulier, selon les cas et les thématiques culturelles traitées, jouent davantage un rôle de coordonnateur pour structurer les politiques culturelles menées par les collectivités territoriales. Il n'existe aucun domaine, en dehors des enseignements artistiques, pour lequel l'élaboration d'un schéma permettant d'identifier et de piloter les implantations culturelles est obligatoire. Les schémas territoriaux de lecture publique, par exemple, restent des instruments dont l'élaboration est encouragée, mais laissée à l'appréciation des collectivités territoriales.

Les enseignements artistiques :
le dispositif législatif le plus abouti d'organisation de la coopération
entre les collectivités publiques

L'organisation des enseignements artistiques résultant de la loi LCAP du 7 juillet 2019 constitue également un exemple intéressant de modalités prévoyant l'imbrication des différents échelons pour garantir l'égalité d'accès aux enseignements artistiques.

L'État a pour rôle de définir un schéma national d'orientation pédagogique, qui définit le cadre pédagogique général de l'enseignement de la musique, de la danse et du théâtre dispensé par les établissements publics d'enseignement artistique sous la responsabilité des collectivités territoriales.

Le département reste chargé d'adopter un schéma départemental de développement des enseignements artistiques, qui définit les principes d'organisation de ces enseignements, afin d'améliorer l'offre de formation et les conditions d'accès à l'enseignement, ainsi que les conditions de sa participation au financement de l'enseignement initial assuré par les communes et leurs groupements.

Chargée d'organiser l'enseignement préparant à l'entrée dans les établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du spectacle vivant, la région s'est vu octroyer la possibilité d'adopter dorénavant un schéma régional de développement des enseignements artistiques pour coordonner l'action et le rôle des conservatoires au niveau de chaque région, en tenant compte des principes d'organisation définis par chacun des schémas départementaux.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

L'élaboration, au niveau des régions, des départements ou des collectivités à statut particulier, de contrats de territoire avec les collectivités des échelons inférieurs permettrait, par exemple, d'améliorer la coopération entre les collectivités. L'outil apparaît encore insuffisamment mobilisé dans le domaine culturel, alors même qu'il constitue un bon moyen de structurer et de pérenniser la politique culturelle entre les collectivités volontaires.

De manière générale, les acteurs culturels sont dans l'attente d'un plus grand nombre d' outils de contractualisation et de planification pour renforcer la cohérence de l'action des collectivités territoriales sur le territoire et bénéficier d'une meilleure lisibilité budgétaire au travers d' engagements pluriannuels .

L' État reste un acteur fondamental de ce travail de co-construction . Sous son impulsion, plusieurs outils de construction conjointe des politiques culturelles ont été développés depuis une dizaine d'années, en concertation avec les collectivités territoriales et les acteurs culturels, pour favoriser le développement de certains pans de la culture à l'échelle d'un territoire. Le principe de ces outils est double : d'une part, garantir la diversité de la création et l'accès aux oeuvres, avec la volonté de prendre en compte la situation des territoires ruraux et périurbains, et, d'autre part, contribuer à la structuration professionnelle et au développement économique des secteurs culturels concernés. C'est notamment l'objectif des schémas d'orientation pour le développement des musiques actuelles (SOLIMA) et des schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI).

Des efforts seraient souhaitables pour que l'ensemble des territoires soient couverts par ces schémas . Une réflexion pourrait également être engagée pour en élaborer en faveur d'autres disciplines artistiques et culturelles.

Ces outils de coopération politique présentent plusieurs intérêts. Déjà, ils favorisent les échanges et la connaissance mutuelle entre les acteurs culturels d'un secteur et les collectivités publiques participantes. Ensuite, ils permettent aux collectivités publiques de hiérarchiser leurs priorités pour un secteur. Enfin, ils sont déterminants pour la structuration des filières à l'échelle des territoires, une question souvent fondamentale pour les acteurs culturels. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'ils soient suivis de l'adoption, quelques années après, de contrats de filière.

Même si l'attention se focalise aujourd'hui davantage sur la question du financement des politiques culturelles, la dimension politique ne doit pas être négligée . La mise en place de tels outils de coopération politique est un moyen d'impliquer durablement les collectivités territoriales en faveur de la culture et d'obtenir que leurs actions sur le territoire soient plus cohérentes et mutualisées.

Préconisation : encourager les régions, les départements et les collectivités à statut particulier, selon l'organisation locale et les thématiques traitées, à jouer un rôle de coordinateur des politiques territoriales, sans pour autant désigner une collectivité chef de file en matière culturelle, et développer les mécanismes de contractualisation dans le domaine de la culture.

II. L'ACCÈS À LA CULTURE DANS LES TERRITOIRES : LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS TERRITORIALES POUR APPROFONDIR LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE

A. VEILLER AU NIVEAU NATIONAL À L'ÉQUITÉ TERRITORIALE

1. Des inégalités territoriales persistantes

Les polémiques récentes autour de la notion de « zones blanches de la culture » ont contribué à attirer de nouveau l'attention sur la question des inégalités territoriales en matière d'accès à la culture. Si l'expression de « zone blanche » est évidemment abusive, en ce qu'elle laisse faussement à croire que certains territoires seraient dépourvus de culture, il est vrai que certains territoires sont plus enclavés que d'autres ou possèdent moins de ressources culturelles et de moyens.

Les efforts réalisés par l'État et les collectivités territoriales ces cinquante dernières années ont permis d'améliorer le maillage culturel du territoire. La France est aujourd'hui relativement bien pourvue en termes d'équipements culturels de proximité : leur implantation s'étend au-delà des grands pôles urbains et des zones régionales.

La situation diffère néanmoins selon la nature des équipements culturels . Autant le réseau des lieux de lecture publique, bibliothèques et médiathèques, de même que les écoles de musique, sont assez bien répartis sur l'ensemble des territoires de vie, y compris dans les zones rurales et périurbaines, autant les lieux de création et de diffusion du spectacle vivant (théâtres, salles de spectacle et de concert) sont principalement concentrés en Ile-de-France (31 %) et dans les grands centres urbains. Les inégalités sont encore plus fortes s'agissant des conservatoires de musique, de danse et d'art dramatique et surtout des établissements d'enseignement supérieur dans le domaine de la culture, majoritairement présents à Paris et en Ile-de-France et dans les métropoles régionales. Les cinémas et les lieux d'exposition sont plus équitablement répartis, même s'ils restent très majoritaires dans les aires urbaines.

La cartographie révèle également que certaines zones du territoire restent encore très largement sous-dotées, avec moins d'un équipement culturel pour 10 000 habitants . En 2015, le ministère de la culture avait identifié 86 bassins de vie concernés par cette situation, dont la moitié étaient situés dans huit départements : quatre départements métropolitains (l'Eure, le Loiret, la Moselle et les Vosges) et quatre départements d'outre-mer (la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion), auxquels il conviendrait d'ajouter Mayotte, qui ne dispose d'aucun lieu de visite ou de création et de diffusion du spectacle vivant ni d'aucun établissement d'enseignement artistique et culturel recensé par le ministère de la culture.

Nombre d'équipements culturels par territoire de vie en France en 2016

Source : DEPS, Ministère de la culture, 2018

Ces bassins de vie identifiés comme prioritaires devaient faire l'objet d'une action particulière du ministère de la culture dans le cadre du plan « Culture près de chez vous ». Lancé en mars 2018, il a finalement été abandonné, malgré la poursuite du déploiement des « Micro-Folies ». Il avait en effet fait l'objet de vives critiques peu après avoir été dévoilé, en raison de son caractère centralisateur, qui témoignait d'une absence de reconnaissance du travail mené par les acteurs culturels dans les territoires. Il faut dire que l'action culturelle au niveau local ne saurait être réduite à la présence d'équipements culturels labellisés.

Il n'en demeure pas moins qu'au-delà même des réalités statistiques, la perception des inégalités culturelles reste importante dans notre pays. Dans une étude 1 ( * ) réalisée par le ministère de la culture en 2015, la moitié des personnes interrogées estimaient que les inégalités culturelles étaient fortes et se seraient accrues au cours des dernières années. C'est dire le poids des attentes des Français à l'égard d'une action des pouvoirs publics en matière de réduction des inégalités territoriales.

La perception des inégalités culturelles

2. Un rôle clé pour l'État

La réduction des inégalités territoriales dans l'accès à la culture est un sujet qui ne peut être du seul ressort des collectivités territoriales . Des mécanismes de péréquation sont indispensables, ce qui suppose au préalable, pour les mettre correctement en oeuvre, de disposer d'une connaissance approfondie de la situation de l'ensemble des territoires, ainsi que d'une vision stratégique globale. C'est l'une des raisons qui explique la vivacité des craintes autour d'un désengagement progressif de l'État en matière culturelle. L'État ne peut pas se décharger sur les collectivités territoriales sans compromettre l'objectif d'égalité d'accès à la culture . Il apparaît même essentiel qu'il conforte son action dans cette direction.

Les auditions ont révélé de fortes attentes à l'égard du ministère de la culture. L'État n'est certes plus en capacité de tout faire. L'intervention des collectivités territoriales est désormais essentielle pour soutenir les initiatives nouvelles et la création émergente et favoriser le dynamisme de la vie culturelle. Mais, l'État doit conserver plusieurs rôles :

- celui de stratège , en définissant les grandes lignes directrices,

- celui de locomotive , en donnant l'impulsion,

- celui de vigie , en évaluant les résultats des politiques mises en oeuvre par l'ensemble des collectivités publiques,

- et celui de conseil en créant un échange permanent entre les politiques culturelles nationales et locales. L'État doit mieux prendre en compte, dans sa vision du territoire, le maillage fin des politiques portées par les collectivités territoriales.

Ces quatre missions sont indispensables pour garantir la préservation de l'égalité territoriale. Leur exercice requiert, par exemple, de sa part de veiller à une répartition équitable de ses crédits pour corriger les déséquilibres territoriaux, de conserver entre les mains de l'administration centrale la gestion des politiques structurantes pour la création artistique, ou encore de garantir la qualité de la formation des enseignants intervenant en matière artistique et culturelle.

Préconisation : conforter l'État dans son rôle de garant de l'égalité territoriale et recentrer les missions de l'administration centrale du ministère de la culture autour de l'élaboration des grandes lignes directrices et de l'évaluation des politiques publiques.

a) Raffermir la capacité d'observation du ministère de la culture

Seule une observation centralisée au niveau national peut permettre de juger en toute objectivité du niveau des inégalités territoriales. Même si le ministère de la culture a entrepris des efforts pour mieux évaluer les inégalités territoriales en matière d'accès à la culture avec, depuis 2017, la publication annuelle d'un « Atlas régional de la culture », les données qui y sont présentées sont relativement anciennes - l'Atlas publié en 2018 se fonde sur des chiffres de 2016 -, mais également partielles et exclusivement quantitatives.

Le ministère de la culture paraît d'ailleurs conscient de cette difficulté, puisqu'il est, par exemple, précisé dans l'atlas que « les équipements et les lieux culturels pris en compte sont essentiellement publics, à l'exception des cinémas et des théâtres privés, qui peuvent toutefois faire l'objet de soutiens publics. (...) Ces équipements ne reflètent qu'un aspect de la vie culturelle locale comme nationale et c'est avant tout la traduction concrète de l'investissement public qui se trouve illustrée dans cette cartographie ». Beaucoup d'initiatives culturelles conduites dans les territoires passent encore sous le radar du ministère , qui prend principalement en compte les équipements, et notamment les structures disposant d'un label national. À titre d'exemple, les festivals , qui constituent des événements majeurs de la vie culturelle locale, en particulier dans les territoires ruraux, ne sont pas pris en compte dans cet atlas.

Le manque de données précises sur ce qui constitue la culture dans les territoires fragilise la capacité de notre pays à évaluer correctement les politiques publiques mises en oeuvre et, par conséquent, à les adapter . Il est vrai qu'il existe, depuis 1989, en France un observatoire des politiques culturelles, organisme national mis en place à l'initiative du ministère de la culture et de l'institut d'études politiques de Grenoble. Il est chargé de réaliser des études, des séminaires de rencontres, d'informations et de formations continues pour éclairer les professionnels de la culture et les élus sur les problématiques culturelles. Ses moyens ne lui permettent cependant pas de réaliser cette mission d'inventaire qui serait pourtant fondamentale. Son étude sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales pour la période 2016-2018 se fonde sur les réponses de 180 collectivités territoriales (11 régions, 49 départements, 88 communes et 32 intercommunalités, dont 6 métropoles) et ses conclusions sont donc réalisées sur la base de l'extrapolation.

Le ministère de la culture paraît aujourd'hui le plus à même de pouvoir assurer cette observation centralisée, ce qui suppose de charger les DRAC sur le terrain d'approfondir leur connaissance et de recueillir davantage de données, y compris qualitatives par le biais d'enquêtes, pour mieux apprécier la réalité de la culture dans les territoires, identifier les différents dispositifs mis en place par les collectivités territoriales et les écarts qui peuvent exister entre les différentes zones géographiques. Des partenariats avec les pôles ressources pourraient être établis à cette fin.

Ce travail pourrait être l'occasion d'identifier un certain nombre de bonnes pratiques, qui pourraient être ensuite promues afin de faciliter leur exportation dans d'autres territoires. La mise en place d'une plateforme de bonnes pratiques pourrait constituer un instrument utile à mettre à la disposition des élus désireux d'accroître leur action dans le champ culturel.

Préconisation : raffermir la capacité d'observation du ministère de la culture en assurant le recueil de données récentes, complètes et également qualitatives et développer une plateforme recensant les bonnes pratiques observées sur le territoire en lien avec les collectivités territoriales.

b) Veiller à une répartition équilibrée des crédits sur le territoire

La question de la répartition des crédits alloués à la culture entre les territoires revêt un enjeu majeur, d'une part, pour réduire les inégalités territoriales qui existent aujourd'hui et, d'autre part, pour éviter que les écarts ne puissent encore se creuser .

Les déséquilibres budgétaires existants n'ont pas été, à ce stade, compensés par la mise en place des régions élargies . L'analyse des dépenses culturelles régionalisées en euros par habitant de l'État, d'une part, et des collectivités territoriales d'autre part, révèle que plusieurs régions cumulent des niveaux de dépenses élevés de la part de l'ensemble des collectivités publiques (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur) et d'autres des niveaux de dépenses faibles (Martinique, Mayotte), invitant à affiner les mécanismes de péréquation .

Le cas de l'Ile-de-France , qui concentre l'essentiel des opérateurs nationaux, est évidemment particulier. Il s'agit de la seule région dans laquelle les dépenses culturelles du ministère de la culture excèdent celles des collectivités territoriales. Les dépenses culturelles du ministère de la culture sont près de dix fois supérieures dans cette région à la moyenne nationale (202 € par habitant en 2016, contre 21,5 € en moyenne pour les autres régions). S'il paraît essentiel que la France dispose de grands établissements contribuant à son attractivité internationale et à son rayonnement culturel, il est plus surprenant que la part des crédits de la mission « Culture » versés au territoire francilien se soit encore accentuée au cours des dernières années.

Part des crédits de la mission « Culture » versés
sur le territoire francilien, tous crédits confondus

Part des crédits de la mission « Culture » versés
sur le territoire francilien, hors crédits opérateurs

Ces chiffres ne doivent pas masquer les fortes disparités qui subsistent en matière d'équipements culturels au sein même de la région Ile-de-France . La part des crédits déconcentrés parmi ces dépenses y est très faible (6 %), ce qui ne permet pas de combler ces inégalités en matière d'accès à la culture. Ces crédits sont en effet destinés à 70 % aux opérateurs.

Des efforts restent donc nécessaires pour mieux répartir les crédits de l'État entre les différents territoires afin d'éviter le décrochage de certains d'entre eux. Ce souci semble avoir été partiellement pris en compte en ce qui concerne les crédits déconcentrés , avec un montant de dépenses par habitant généralement supérieur en faveur des régions dans lesquelles la dépense agrégée des collectivités territoriales est la plus faible. Toutefois, les crédits déconcentrés, qui représentent 76 % des dépenses d'intervention du ministère de la culture, ne pèsent que pour 25 % du total de ses dépenses.

Cet effort doit donc être encore poursuivi pour ne pas laisser subsister de telles disparités entre les territoires. Les dépenses culturelles de l'État ne modifient aujourd'hui qu'à la marge le classement des régions en fonction du niveau de la dépense des collectivités territoriale en euros par habitant et ont même pour effet d' accroître les disparités , avec un écart-type passant de 17,3 € à 58,2 €. L'écart-type est en revanche réduit à 15,8 € si l'on exclut la région Ile-de-France.

Le niveau des dépenses culturelles des collectivités publiques
en euro par habitant en 2016

La situation des départements, régions et collectivités d'outre-mer mérite une attention particulière au regard de la fracture actuelle entre ces collectivités et les régions métropolitaines. Le niveau des dépenses culturelles de l'État y demeure faible, alors même que les outre-mer enregistrent déjà un retard important en termes d'équipements culturels par rapport aux autres régions.

Principaux équipements culturels
dans les départements et régions d'outre-mer en 2016

Nombre d'équipements culturels par territoire de vie en 2016

Préconisation : Veiller à une répartition plus équilibrée des crédits de l'État sur le territoire, avec une attention accrue à porter à la situation particulière des départements, régions et collectivités d'outre-mer.

c) Mettre en oeuvre des politiques de démocratisation culturelle permettant de réduire l'écart entre, d'un côté, les personnes et, de l'autre, les créations et les artistes

Si elle reste indispensable, la présence d'équipements culturels n'est pas une condition suffisante pour garantir l'accès à la culture. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, n'osent toujours pas franchir la porte d'un établissement culturel, quand bien même il serait situé à proximité de leur lieu de vie. C'est ce qui explique l'importance de poursuivre la politique d'éducation artistique et culturelle (EAC) et de développer davantage la médiation culturelle pour contribuer à faire tomber les barrières qui font aujourd'hui obstacle à la culture.

Pour renouveler l'approche en matière de démocratisation culturelle, le Gouvernement met aujourd'hui l'accent sur deux nouveaux instruments : le Pass culture, qui vise à offrir aux jeunes une enveloppe de 500 euros pour leurs dépenses culturelles l'année de leurs 18 ans, et les Micro-Folies, qui ont vocation à devenir un vaste réseau de musées numériques de proximité.

Cependant, outre la question de leur coût pour l'État et les collectivités territoriales, ces deux dispositifs apparaissent comme des réponses, au mieux, respectivement ponctuelle et partielle à l'enjeu d'accès à la culture , puisque le Pass culture ne vise qu'une seule tranche d'âge et les Micro-Folies ne couvrent que certains territoires. La commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait d'ailleurs alerté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 2 ( * ) , sur les dangers de concentrer les efforts sur ces deux seuls instruments, au détriment de la politique d'EAC et du soutien à l'irrigation culturelle des territoires.

Ces politiques nécessitent encore d'être approfondies pour en améliorer l'efficacité et en renforcer la cohérence. Dans le domaine de l'éducation artistique et culturelle, l'engagement du ministère de l'éducation nationale et de ses personnels, aux côtés du ministère de la culture, des collectivités territoriales et des acteurs culturels, reste ainsi une clé pour permettre d'atteindre l'objectif du 100 % EAC. La formation des intervenants de l'EAC, les modalités de recours à des artistes et le caractère attractif et ludique de l'enseignement dispensé constituent des problématiques majeures.

Il est essentiel que ce qui constitue le socle de nos politiques de démocratisation culturelle , en particulier l'éducation artistique et culturelle, mais aussi l'accompagnement des bibliothèques et des écoles de musique, la formation de médiateurs, ne soit pas abandonné à leur profit.

Cette remarque ne fait pas obstacle à expérimenter de nouvelles approches au sein même de ces politiques traditionnelles. La diffusion de la culture par le biais du numérique reste un moyen de pallier le déficit d'accès aux oeuvres majeures. De même, l'ouverture de l'éducation artistique et culturelle aux pratiques modernes et aux arts ludiques (bande dessinée, jeu vidéo, animation) pourrait constituer, pour les jeunes, une porte d'accès à d'autres formes d'art en valorisant les caractéristiques artistiques de cette industrie culturelle et créative.

Préconisation : ne pas renoncer au socle traditionnel des politiques en matière de démocratisation culturelle qui touchent le plus grand nombre dans les territoires.

Les initiatives qui contribuent à faire venir les oeuvres et les artistes dans les territoires mériteraient également d'être davantage soutenues dans une optique de désenclavement.

L'un des axes du plan « Culture près de chez vous » portait d'ailleurs sur le développement des initiatives itinérantes . Mais il visait essentiellement à faciliter la circulation des oeuvres des grands établissements nationaux et des structures labellisées. Il ne prenait pas en considération les actions mises en place sur le terrain par de nombreuses associations dans tous les domaines de la culture (cinéma, livres, musique, théâtre...) et le savoir-faire qu'elles ont acquis pour favoriser l'expression artistique de la population en encourageant la participation du public au-delà de la simple diffusion des oeuvres.

Ces dispositifs font l'objet d'un soutien timide de l'État, dans la mesure où les structures labellisées ont déjà l'obligation de développer des actions « hors les murs » dans leurs cahiers des charges. Il conviendrait d'ailleurs d' encourager les labels, par le biais de leurs contrats d'objectifs et de moyens, à accroître encore la diversité de leurs actions territoriales par l'inscription de clauses de solidarité, notamment vis-à-vis du territoire d'implantation (jumelages collaboratifs, résidences d'artistes, diffusion de spectacles ou d'expositions « hors les murs » sur l'ensemble du territoire d'implantation de la structure labellisée ou même sur un territoire distinct dans le cadre de tournées ou de partenariats, diffusion dans l'espace public...). Développer les actions « hors les murs » des structures labellisées exige cependant de veiller à l'adéquation des moyens qui leur sont alloués par l'État.

Les offres proposées par les structures strictement itinérantes sont pourtant complémentaires de celles des labels, puisqu'elles reposent sur des projets adaptés à la demande des territoires qui les ont sollicités et s'attachent souvent davantage à créer des liens avec les territoires et les populations par le biais d'ateliers de création et de pratique artistiques. C'est la raison pour laquelle elles mériteraient d'être à la fois mieux identifiées, valorisées et accompagnées , d'autant qu'elles jouent un rôle particulier dans les zones les plus faiblement dotées en équipements culturels - zones rurales et périurbaines notamment.

La promotion des résidences d'artistes apparaît comme un second axe à encourager. Ce dispositif constitue un vecteur de soutien à la fois à la création artistique et à la démocratisation culturelle. En effet, l'implantation d'une résidence peut permettre de corriger les inégalités territoriales d'accès à la culture dans les zones dans lesquelles la présence artistique apparaît plus faible. Elle permet de toucher des publics variés en fonction de son lieu d'implantation (établissement culturel, école, entreprise, milieu rural).

Comme le souligne l'inspection de la création artistique dans un rapport de mai 2019 consacré aux résidences d'artistes , celles-ci servent « à la fois un territoire (aménagement culturel et développement local), des structures (développement de la ressource artistique dans sa permanence autant que dans son renouvellement et dynamisation des équipes), des artistes (conditions matérielles indispensables à la création ou à la recherche, et notoriété) et des publics très variés selon les « situations » dont elles sont créatrices (élèves, étudiants, amateurs, salariés d'une entreprises, artistes, population d'un territoire...) ». Elle invite le ministère de la culture, dont elle juge la politique « trop pointilliste » et « atomisée », à renforcer la cohérence de son action et à amplifier son soutien à ce dispositif.

Enfin, le soutien aux structures alternatives , à l'image des tiers lieux et des ateliers de fabrique artistique, nécessiterait également d'être accru. Lieux d'échange et de co-création avec les habitants, ils sont des vecteurs de lien social et jouent un rôle croissant pour diffuser la création artistique et favoriser les pratiques artistiques, en particulier dans les territoires ruraux. Leur meilleure prise en compte par l'État se révèle nécessaire. Elle est aujourd'hui très modeste et concentrée exclusivement dans le champ du spectacle vivant, alors même que ces structures existent également dans le domaine des arts visuels. C'est dans cette optique également que doit être engagée une réflexion sur le soutien aux arts de la rue.

Préconisation : développer les instruments permettant de faire venir la culture dans les territoires les plus enclavés.

B. POURSUIVRE LES MOUVEMENTS DE DÉCONCENTRATION ET DE DÉCENTRALISATION POUR FAIRE VIVRE LA CULTURE DANS LES TERRITOIRES

1. Donner aux DRAC les moyens de mieux soutenir les initiatives culturelles locales

Si l'État doit rester chargé de définir les grandes lignes directrices, celles-ci doivent être plus en phase avec les attentes des territoires, ce qui suppose qu'il soit davantage à leur écoute. La volonté de mieux répondre aux besoins des territoires et de rapprocher la prise de décision des citoyens a conduit le ministère de la culture à accroître la déconcentration de ses crédits et à confier aux DRAC la gestion de plusieurs de ses dispositifs. Toutefois, ce mouvement n'a pas jusqu'ici permis d'appuyer suffisamment les initiatives culturelles menées par les territoires, manquant ainsi partiellement son objectif.

Dans ses voeux aux professionnels de la culture le 31 janvier 2019, le ministre de la culture, Franck Riester, indiquait ainsi que le ministère de la culture était là « pour jouer un rôle de facilitateur, accompagner les opérateurs, les élus et tous ceux qui organisent la vie culturelle, au quotidien, sur le terrain ». Il précisait alors que les DRAC devaient devenir « le premier interlocuteur, pour tous ces projets », représentant « le ministère sur les territoires, et auprès des élus ». Il garantissait que leur périmètre d'intervention serait préservé, développé et renforcé.

La question de l'adéquation entre les missions et les moyens confiés aux DRAC revêt, dans ce cadre, un enjeu majeur. Sans moyens appropriés, les DRAC ne parviendront pas à garantir l'égalité de traitement sur le territoire. Or, la liberté d'intervention des DRAC est aujourd'hui réduite.

D'une part, les DRAC manquent cruellement de marges de manoeuvre dans l'utilisation des crédits qui leur sont confiés, la quasi-totalité des crédits étant fléchée, soit en direction des structures labellisées, soit pour des appels à projets dont les acteurs culturels locaux peinent à avoir connaissance. L'essentiel de leurs ressources profite donc aux structures les plus importantes, dont les coûts de fonctionnement sont budgétivores, ainsi qu'aux acteurs culturels déjà installés. Elles n'ont guère la possibilité de soutenir des acteurs de dimension plus restreinte ou émergents, qui contribuent à la diversité culturelle et au maillage des territoires. Elles ne peuvent pas davantage accompagner les collectivités territoriales dans leurs expérimentations, alors même que celles-ci pourraient constituer des bonnes pratiques à adapter dans d'autres territoires si elles étaient couronnées de succès.

D'autre part, leurs moyens humains sont également très limités. La faiblesse de leurs effectifs est plus manifeste encore depuis la mise en place des régions élargies, qui s'est traduite par une augmentation des coûts et des temps de déplacement. La création de vingt équivalents temps plein, toutes DRAC confondues, en 2020, ne devrait pas suffire à apporter aux DRAC une véritable bouffée d'air, alors que leurs missions devraient être étoffées, suite à la déconcentration de la gestion de 63 nouveaux dispositifs jusqu'ici gérés par l'administration centrale.

Ces difficultés conduisent trop souvent les DRAC, malgré l'envie de leurs équipes de s'impliquer davantage sur le terrain, à adopter une attitude attentiste vis-à-vis des exécutifs locaux qui se sont, pour leur part, professionnalisés et ont acquis une expérience et un savoir-faire solides et autonomes en matière d'action culturelle.

Ce constat est d'autant plus regrettable que le rôle des DRAC sur le terrain est reconnu . Les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs n'ont pas caché qu'ils nourrissaient de fortes attentes à l'égard de ces services. Les acteurs culturels et les porteurs de projets espèrent voir leurs actions sur le terrain mieux prises en compte et leurs démarches simplifiées. Ils regrettent la multiplication des appels à projets, qui nécessitent des réponses chronophages à l'issue incertaine. Les élus locaux jugeraient utile de les voir jouer un rôle de médiateur pour faciliter la coopération entre collectivités publiques en cas de troubles, mais aussi un rôle de conseil pour mieux mobiliser à l'appui de leurs politiques culturelles les dispositifs de soutien financier mis en place par l'État ou l'Union européenne, y compris à d'autres fins que la culture (dispositifs en matière de politique de la ville, dotations aux territoires ruraux, fonds LEADER...) et ainsi créer de véritables synergies.

Il serait par ailleurs opportun de clarifier auprès des élus les missions remplies par les DRAC afin de fluidifier les relations entre les autorités locales et ces services déconcentrés de l'État, trop fréquemment perçues sous le prisme de la concurrence. Ce travail de pédagogie auprès des élus pourrait favoriser l'instauration d'une complémentarité durable entre les actions de l'État et des collectivités territoriales dans les territoires, au service de la démocratisation culturelle. L'expérience montre que la déconcentration des crédits encourage en effet les dépenses des collectivités territoriales, de même que la participation de l'État à un projet culturel constitue bien souvent, pour les collectivités territoriales, l'un des facteurs déclenchants de leur engagement.

Préconisation : poursuivre le mouvement de déconcentration à condition de donner aux DRAC les moyens de mener à bien leurs missions dans les territoires.

2. Approfondir la décentralisation culturelle en donnant plus de liberté aux collectivités territoriales

Le mouvement de déconcentration doit se conjuguer avec un approfondissement de la décentralisation culturelle. Cette décentralisation a été et reste un levier essentiel de la démocratisation de l'accès à la culture . Les collectivités territoriales ont largement contribué à la diffusion de l'action culturelle, grâce à leur connaissance fine des attentes des populations et à l'expertise croissante acquise par les exécutifs locaux en matière culturelle.

Alors que la loi NOTRe et la loi LCAP ont toutes deux consacré, à l'initiative de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le principe des droits culturels au cours des dernières années, il serait souhaitable que les collectivités territoriales disposent de davantage de marges d'initiative et d'autonomie en matière culturelle pour cultiver leur singularité . Elles ont en effet un rôle essentiel à jouer dans la mise en oeuvre des droits culturels, qui ne peuvent se construire qu'au plus près des citoyens, à la fois pour :

- donner à chacun les moyens de s'émanciper, de s'épanouir et d'être curieux, en l'encourageant à participer, à dialoguer et à comprendre l'autre,

- créer les conditions d'un vivre-ensemble respectueux des personnes, où les singularités et les expressions de chacun peuvent être mises en commun,

- et lutter contre les menaces de standardisation culturelle.

Il ne faut pas oublier que c'est aujourd'hui sur les collectivités territoriales que repose le soutien aux structures culturelles « vernaculaires » - bibliothèques, médiathèques, écoles d'art, écoles de musique, écoles de danse, écoles de théâtre -, sans compter le soutien aux festivals. Ces équipements de proximité fondent leur activité sur l'engagement d'artistes, d'enseignants, de bénévoles et d'associations, qui forment un réseau dynamique de diffusion de la culture jusque dans les petites communes. Ce sont bien souvent ces structures, soutenues par les seules collectivités territoriales, qui marquent les premiers pas des artistes avant qu'ils n'émergent.

Or, les collectivités territoriales sont aujourd'hui soumises à des contraintes qui entravent de manière croissante leur capacité à soutenir ce réseau essentiel à la mise en oeuvre des droits culturels à l'échelle locale. Parmi ces contraintes figure la nécessité de limiter la croissance de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % et les appels croissants de l'État à ce qu'elles contribuent au financement des priorités culturelles nationales.

Des acteurs culturels et des élus plaident d'ailleurs pour exclure du dispositif les dépenses culturelles, qui sont généralement les premières sacrifiées en période de contraintes budgétaires. La mise en place d'une telle exception en faveur de la culture fragiliserait toutefois ce dispositif contractuel destiné à garantir la soutenabilité des finances publiques en entraînant des revendications similaires en faveur d'autres champs de politiques publiques qui seraient tout aussi légitimes. Aussi son introduction ne paraît-elle pas souhaitable, d'autant que la mise en place de ce pacte financier n'a pas empêché plusieurs collectivités co-contractantes de rendre des arbitrages budgétaires favorables à la culture.

Il conviendrait en revanche que l'État veille à ne pas faire autant reposer sur les collectivités territoriales la charge financière liée à la mise en oeuvre des politiques définies au niveau national. Ce faisant, il les prive peu à peu de toute marge de manoeuvre pour lancer leurs propres initiatives, en contradiction avec les fondements de la décentralisation culturelle et du maintien de la compétence partagée. C'est la raison pour laquelle, sans exclure l'ensemble des dépenses culturelles de l'application du dispositif de Cahors, il serait logique que les dépenses de fonctionnement supplémentaires engagées par les collectivités territoriales pour mettre en oeuvre les nouvelles politiques culturelles gouvernementales ne soient pas prises en compte dans le calcul de la croissance de leurs dépenses de fonctionnement .

Il apparaîtrait également souhaitable que les collectivités territoriales se voient octroyer la possibilité de décider, en accord avec la DRAC, de la manière dont pourrait être affectée une partie des crédits déconcentrés , afin d'accroître le soutien à des structures ou des actions artistiques et culturelles qu'elles auraient identifiées et qui ne bénéficient généralement pas du soutien de l'État. Une telle évolution permettrait de donner du corps au principe de la compétence partagée en rendant possible une véritable co-construction des politiques culturelles. Elle ouvrirait de nouvelles perspectives dans la mise en oeuvre des droits culturels en favorisant le soutien aux actions de proximité, qui sont souvent de plus petite envergure.

Préconisation : laisser les collectivités territoriales être de véritables acteurs des politiques culturelles afin de favoriser la mise en oeuvre des droits culturels.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2019

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous présentons le troisième volet de notre travail sur les nouveaux territoires - après l'éducation et le sport, nous évoquons la culture, que nous avons entendue sans le patrimoine, sans quoi le champ de la mission aurait été trop large. Dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, les collectivités territoriales ont demandé le maintien de la compétence partagée. Comment se passent concrètement les choses, après quelques années d'expérience ? Quelle répartition des compétences, quel impact des nouvelles organisations territoriales, en particulier intercommunales, sur les politiques publiques de la culture ? Nos travaux, qui s'inscrivent dans la perspective du projet de loi dit 3D - Décentralisation, Différenciation, Déconcentration - inspirent les projets de loi du Gouvernement : nous l'avons constaté sur l'audiovisuel public comme sur les nouveaux territoires du sport ; notre rapporteur a été auditionné par les deux ministres concernés, qui l'ont assuré qu'ils reprendraient quasiment l'ensemble de nos propositions... Nous ne travaillons pas pour rien, la matière grise que nous mobilisons est utile et reconnue, c'est une source de fierté.

Mme Sonia de la Provôté, co-rapporteure . - Notre mission d'information a travaillé de façon intense, procédant à une vingtaine d'auditions et de tables rondes. Nous avons également reçu une dizaine de contributions. Nous faisions face à deux défis : l'arrivée du projet de loi Engagement et proximité et l'annonce d'un nouvel acte de la décentralisation, avec le projet de loi 3D, qui doit approfondir la décentralisation et la déconcentration, mais également faciliter la différenciation, afin de mieux définir, avec chaque territoire, une réponse adaptée et sur-mesure.

Dans cette perspective, notre mission d'information s'est attachée à mesurer l'impact des réformes territoriales menées au cours des dernières années sur les politiques culturelles, notamment avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), qui a introduit les « pôles » et les métropoles, la loi NOTRe précitée et la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP).

Les collectivités territoriales jouent un rôle moteur dans le domaine de la culture en termes de financement, d'organisation et d'offre culturelle. Les statistiques les plus récentes montrent que les dépenses culturelles des collectivités territoriales se sont élevées à 8,7 milliards d'euros en 2017, un montant plus de deux fois supérieur aux 3,6 milliards d'euros de budget du ministère de la culture. Plus de la moitié de leurs dépenses est consacrée au soutien à l'expression artistique et aux activités culturelles, tandis que plus d'un tiers porte sur la conservation et la diffusion du patrimoine.

Ce n'est pas un hasard si elles investissent ainsi le champ culturel, qui représente environ 4,4 % de leurs dépenses globales. Leur action dans ce domaine sert à la fois les objectifs de développement économique et touristique, d'attractivité et de rayonnement des territoires, d'expression d'une identité locale et de cohésion sociale. La culture investit tous les champs des politiques locales. C'est ce qui explique que leurs initiatives dépassent largement le cadre de leurs obligations légales, qui portent principalement sur les bibliothèques, le développement des enseignements artistiques, la conservation des objets mobiliers classés au titre des monuments historiques, les archives et les services archéologiques. La dernière note de conjoncture de l'Observatoire des politiques culturelles consacrée aux dépenses culturelles des collectivités territoriales fait d'ailleurs apparaître une légère relance des dépenses culturelles en 2018 par rapport aux précédents exercices, marqués par des baisses assez sensibles, particulièrement autour de 2015.

L'intérêt des collectivités territoriales, tous échelons confondus, pour les questions culturelles a conduit le législateur à maintenir la compétence culturelle partagée dans le cadre de la loi NOTRe. Ainsi, l'article 103 prévoit que « la responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l'État » : les politiques culturelles sont oecuméniques, chaque collectivité y apporte sa pierre. Notre présidente, rapporteure pour avis de la loi NOTRe, pourra témoigner que ce choix n'a rien eu d'évident. Il fait peser des risques sur la lisibilité de l'action publique qu'aurait permis d'éviter une répartition plus claire des compétences entre les différents échelons territoriaux.

La compétence partagée présente cependant deux avantages. Elle offre d'abord une réelle souplesse pour s'adapter aux spécificités de chaque territoire. C'est d'autant plus important que l'action culturelle des collectivités repose très largement sur la volonté politique des élus et sur leur engagement concret - c'est d'ailleurs le critère principal, qui l'emporte parfois sur le découpage administratif, bien des élus conduisant des politiques culturelles qui vont au-delà de leur territoire même. Il pourrait être contreproductif de faire de la culture une compétence obligatoire avec des élus qui ne seraient pas convaincus de la nécessité d'intervenir : mieux vaut s'appuyer sur les forces actives qu'imposer une politique culturelle.

Même si chaque échelon territorial privilégie généralement certains champs d'intervention - les industries culturelles et créatives, l'enseignement artistique pour les régions, le patrimoine pour les départements, l'expression artistique et les activités culturelles pour le bloc communal -, il n'apparaît pas opportun de répartir les compétences entre les échelons territoriaux. Il ne faut pas imposer de carcan : la répartition serait nécessairement arbitraire et pourrait déstabiliser l'action culturelle dans certains territoires. Selon les cas, ce sont les départements, les métropoles, les régions ou les intercommunalités qui ont décidé de s'emparer des questions culturelles et la collectivité joue alors un rôle moteur.

Cette souplesse organisationnelle a également le mérite de rendre possibles des coopérations territoriales dont la configuration peut différer selon les disciplines et l'histoire des territoires.

Le second avantage de la compétence culturelle partagée est de circonscrire le risque que ferait peser le désengagement brutal d'une collectivité sur la mise en oeuvre des politiques culturelles. Certains départements, par exemple, se sont désengagés, entraînant d'autres collectivités. Des intercommunalités, parfois, ont pris le relais, sur le plan financier, mais aussi organisationnel et sur le fond : c'est pourquoi la compétence culturelle partagée est plébiscitée par les collectivités et par l'État, ainsi que par les acteurs de la culture, chacun ayant souvent ses réseaux et ses habitudes de travail.

Nous avons réalisé une vingtaine d'auditions dans le cadre de la mission et tant les associations d'élus que les acteurs culturels se sont montrés favorables à son maintien. Il faut dire que ce principe s'inscrit parfaitement dans la logique actuelle de développement des financements croisés ; à trop rigidifier, à imposer des standards, on laisse de côté des acteurs importants. L'addition des initiatives et des financements est favorable à la vie culturelle locale, contribue à son effervescence, favorise l'inventivité et le sur-mesure. Beaucoup de projets importants ne pourraient être réalisés sans un partenariat entre plusieurs acteurs, qu'ils soient publics ou privés. La tendance aux financements croisés devrait se poursuivre dans les années à venir, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités publiques.

On ne peut exclure que le nouveau pacte financier, dit « de Cahors », qui lie les collectivités territoriales à l'État pour la période 2018-2022 et leur impose de maintenir l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement sous le plafond de 1,2 % par an, se traduise progressivement par un impact négatif pour la culture. Les craintes sont particulièrement vives en ce qui concerne les villes, qui continuent d'assumer la majeure partie des dépenses des collectivités territoriales. Les dépenses des communes sont principalement des dépenses de fonctionnement pour garantir l'animation au quotidien de la vie culturelle. Si les communes restent les principaux financeurs de la culture, les intercommunalités commencent à structurer les politiques culturelles à une échelle plus large. Ce mouvement est encore difficile à établir précisément, les atlas statistiques datant toujours de quelques années, mais il est en cours, et intéressant pour ce qui est de mêler l'urbain et le rural. Cela nous a conduits à suggérer, dans le domaine de la création en particulier, la mise en place de mécanismes financiers, sur le modèle du Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes en faveur de la restauration des monuments historiques. Il s'agit d'une demande des collectivités et des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour financer des actions locales.

Nous plaidons aussi pour le développement de la contractualisation, qui permet de renforcer la cohérence de l'action des collectivités, tout en offrant aux acteurs culturels une meilleure lisibilité budgétaire grâce à des engagements pluriannuels. Les contrats de territoire dans le domaine de la culture en constituent de bons exemples : avec les régions, avec les départements, y compris sur le fonctionnement, et avec les intercommunalités.

La principale difficulté de la compétence partagée réside dans l'incohérence entre les interventions des différentes collectivités et l'empilement des dispositifs contractuels, peu lisibles et coûteux en temps et en moyens pour les acteurs culturels. Des clarifications sont nécessaires pour faciliter la coordination entre les interventions des collectivités publiques afin d'éviter les doublons, les incohérences, comme les carences. Nous devons concilier souplesse, pour que les actions se fassent, et réalisme budgétaire, l'argent étant rare.

Madame la présidente, vous aviez proposé la création de commissions chargées de la culture au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) pour permettre aux collectivités de dialoguer et d'organiser leur responsabilité collective. Introduites dans la loi LCAP, elles apparaissent essentielles, mais leur bilan demeure mitigé. D'une part, parce qu'elles n'ont jamais été réunies dans plusieurs régions. D'autre part, parce qu'en raison de la variété des sujets à aborder, elles se sont souvent transformées en grand-messes peu opérationnelles. Comment, dès lors, mettre en oeuvre l'exigence de coopération ?

La transformation du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) en Conseil des territoires pour la culture (CTC) vise à apporter une première réponse en facilitant les échanges entre le ministère de la culture et les associations d'élus. Il pourrait être décliné au niveau régional pour pallier le manque de coordination effective en matière culturelle au sein des CTAP et définir les grandes orientations stratégiques. Certaines régions souhaiteraient une déclinaison départementale, mais il convient de veiller à conserver une cohérence régionale.

Cette solution présenterait l'avantage d'élargir le dialogue à l'État, ce qui semble souhaitable. D'abord, parce que l'État sollicite largement les collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des politiques nationales. Ensuite, parce que cela permettrait au ministère d'être plus à l'écoute des territoires, de leurs besoins et de leurs spécificités dans l'esprit de la différenciation au sens du projet de loi 3D. Enfin, parce qu'il est nécessaire que les préfets régionaux ou départementaux se saisissent davantage des problématiques culturelles, tant la réussite des politiques menées repose aussi sur les actions conduites en matière d'éducation, de mobilité et de transport, de numérique, d'urbanisme ou d'aménagement du territoire.

Il serait également utile de développer dans les territoires, aux côtés des CTC et des CTAP culture, des instances de dialogue avec les acteurs culturels, telles qu'elles existent dans certaines régions, notamment sur la question des droits culturels. Il serait préférable qu'elles portent sur des thématiques particulières, comme les musiques actuelles, le livre et la lecture publique, les arts visuels, les enseignements artistiques spécialisés, le théâtre, etc. Les acteurs auraient ainsi le loisir de s'exprimer hors des structures institutionnelles. En fonction de la nature du sujet traité, ces « états généraux » pourraient être convoqués au niveau des régions ou des départements. Cette formule permettrait de mieux identifier les enjeux au niveau local, faciliterait la structuration des filières et pourrait servir à la préparation des réunions du CTC au niveau régional afin de les rendre plus opérantes.

L'expérience mitigée des CTAP culture n'encourage pas à plaider pour confier aux régions un rôle de chef de file en matière culturelle. La taille des nouvelles régions élargies paraît constituer une réelle difficulté. Dans certaines régions, comme la Nouvelle-Aquitaine, il existe de grandes disparités entre les territoires qui rendent délicate l'élaboration de politiques adaptées à chacun. Sans compter que les départements demeurent parfois très impliqués dans les politiques culturelles. Il faut enfin mentionner le cas de la collectivité unique dans les outre-mer qui a réglé la question depuis fort longtemps.

Il convient de laisser le temps aux régions de monter en puissance en matière culturelle, avant de prendre le risque de figer les choses d'une façon qui ne correspondrait pas aux organisations locales ou à la volonté politique d'une majorité de régions. En revanche, nous gagnerions à ce que les régions, les départements ou les collectivités d'outre-mer, selon les thématiques traitées, jouent davantage un rôle de coordonnateur afin d'améliorer l'équité territoriale. Il serait utile, notamment, que les collectivités se dotent de plus d'outils de construction conjointe des politiques publiques. Plusieurs instruments ont été mis en place ces dernières années - des schémas des enseignements artistiques, schémas d'orientation et de développement des lieux de musiques actuelles (Solima), des schémas d'orientation et de développement des arts visuels (Sodavi) -, mais tous les territoires ne sont pas encore couverts et certaines disciplines ne sont pas concernées. L'accompagnement de l'État serait nécessaire pour garantir l'effectivité du travail de co-construction. L'engagement de chaque niveau de collectivité et leur coopération constituent l'une des clés de la démocratisation de l'accès à la culture et de la réduction des inégalités territoriales.

M. Antoine Karam, co-rapporteur . - J'aborderai le deuxième axe de réflexion du rapport : celui des inégalités territoriales dans l'accès à la culture - j'en suis témoin depuis dix-huit ans - et des moyens d'approfondir la démocratisation culturelle - en clair, l'expression des droits culturels, qui ont fait l'objet de polémiques récentes autour de la notion de « zones blanches de la culture ». Il n'y aurait rien de plus faux que de laisser à penser que des territoires seraient dépourvus de culture. En revanche, certains sont plus enclavés ou possèdent moins de ressources culturelles et de moyens. Ils nécessitent, à ce titre, une attention particulière.

La réduction des inégalités territoriales dans l'accès à la culture ne peut ressortir des seules collectivités. Cela explique la vivacité des craintes autour d'un désengagement progressif de l'État en matière culturelle. Non seulement il ne peut se décharger sur les collectivités sans compromettre l'objectif d'égalité d'accès à la culture, mais il devrait conforter son action dans cette direction. L'État, depuis la décentralisation, n'est certes plus en capacité de tout faire - cela ne serait d'ailleurs pas souhaitable -, mais il a un rôle majeur à jouer dans la définition des lignes directrices et pour donner l'impulsion. Nos auditions ont révélé des attentes fortes à l'égard du ministère de la culture pour qu'il joue davantage un rôle de stratège, de locomotive, et que son intervention permette de garantir l'équité territoriale, en suppléant l'action des collectivités lorsque surviennent des carences.

Nous estimons nécessaire que des progrès soient enregistrés en matière d'observation. Il parait, en effet, difficile d'élaborer des politiques publiques adaptées sans connaissance précise des initiatives existantes, sans cartographie ni lecture qualitative de l'offre culturelle. Le ministère de la culture, par le biais de son département des études, de la prospective et des statistiques, a réalisé des efforts pour objectiver davantage les inégalités territoriales en matière d'accès à la culture, en publiant chaque année un atlas régional de la culture. Mais, beaucoup d'initiatives culturelles conduites dans les territoires passent encore sous le radar du ministère, qui prend principalement en compte les équipements, et notamment les structures disposant d'un label national. Il semblerait utile que l'administration centrale, en liaison avec les DRAC, s'attache à mieux recenser ce qui fait la culture dans les territoires, sans que son analyse ne se limite à des données quantitatives, mais vise également à promouvoir les bonnes pratiques qui gagneraient à être exportées.

Même si l'accès à la culture ne se résume pas à l'existence d'équipements culturels, certaines zones disposent de moins d'un équipement pour 10 000 habitants selon le recensement du ministère de la culture. C'est le cas de zones situées dans les départements et collectivités d'outre-mer, mais aussi dans les départements de l'Eure, du Loiret, de la Moselle ou des Vosges. L'État serait dans son rôle de garant de l'équité territoriale en les accompagnant en priorité. Il convient, à cet égard, de rééquilibrer les crédits de l'État entre l'Île-de-France et les autres régions. Il est vrai qu'une grande partie des établissements publics nationaux sont regroupés dans la région francilienne et qu'il est essentiel que la France dispose de grands établissements contribuant à son attractivité internationale et à son rayonnement culturel, mais les écarts sont considérables. Les dépenses du ministère de la culture et de ses opérateurs s'élevaient à 178 euros par habitant en Île-de-France en 2016, contre 17,8 euros en moyenne pour les autres régions, soit dix fois plus ! Ces déséquilibres n'ont pas été compensés par la création des régions élargies. La situation des départements et des collectivités d'outre-mer mérite une attention particulière, à la fois en termes d'équipements et de budget.

L'amplification du mouvement de déconcentration des crédits depuis quelques années peut se révéler positive s'il permet d'appuyer les initiatives culturelles menées par les territoires. Hélas, les DRAC manquent cruellement de marges de manoeuvre pour l'utilisation de ces crédits, dont l'essentiel est fléché, soit en direction des structures labellisées, soit en faveur d'appels à projets dont les acteurs culturels locaux peinent à avoir connaissance. Ce constat est d'autant plus regrettable que le rôle des DRAC est reconnu. Leur manque de moyens financiers et humains, plus encore dans le cadre des régions élargies, les contraint parfois à adopter une attitude attentiste vis-à-vis des exécutifs locaux. Nous avons pourtant senti une réelle attente les concernant, tant de la part des acteurs culturels, qui espèrent voir leurs actions mieux prises en compte, que des élus locaux, dont elles pourraient faciliter la coopération en jouant un rôle de médiateur. À cet égard, il nous parait opportun que les missions des DRAC soient davantage expliquées aux élus, pour éviter une concurrence qui ne se justifie nullement. Les actions de l'État et celles des collectivités territoriales doivent être complémentaires.

Sur la nature des politiques de démocratisation culturelle, nous attachons une importance particulière à l'éducation artistique et culturelle. Nous avons déjà évoqué le sujet lors de l'examen du projet de budget pour 2020 : le Pass culture, comme les Micro-Folies, constituent au mieux des réponses respectivement ponctuelle et partielle à l'enjeu d'accès à la culture, puisque le Pass culture ne vise qu'une seule tranche d'âge et les Micro-Folies ne couvrent que certains territoires. Il est donc essentiel que ce qui constitue le socle de nos politiques de démocratisation culturelle, en particulier l'éducation artistique et culturelle, mais aussi l'accompagnement des bibliothèques et la formation de médiateurs, ne soit pas abandonné à leur profit, ce qui appelle une action coordonnée entre plusieurs ministères, au premier rang desquels ceux de la culture et de l'éducation nationale.

Les initiatives qui contribuent à attirer les oeuvres et les artistes dans les territoires mériteraient de devenir un axe central de l'action du ministère de la culture pour lutter contre l'enclavement culturel. Il ne s'agit pas de faire venir la culture labellisée par les grands établissements nationaux. Nous pensons davantage au dispositif des résidences d'artistes, qui devrait être refondu l'année prochaine, mais également aux initiatives itinérantes qui peuvent exister en matière de cinéma, de livres, de musique ou de théâtre et qui s'appuient souvent sur la participation du public pour encourager l'expression artistique et créer des projets culturels au-delà de la simple diffusion des oeuvres. Ils font l'objet d'un soutien timide de l'État, dans la mesure où les structures labellisées ont l'obligation de développer des actions « hors les murs » dans leurs cahiers des charges. Les offres itinérantes paraissent relativement complémentaires de celles des labels en ce qu'elles s'attachent davantage à créer des liens avec les territoires et les habitants.

La décentralisation culturelle a été et reste un levier essentiel de la démocratisation de l'accès à la culture. Les collectivités territoriales ont largement contribué à la diffusion de l'action culturelle, grâce à leur connaissance fine des attentes des populations et à l'expertise croissante acquise par les exécutifs locaux en matière culturelle. Nous plaidons donc pour qu'elles disposent de davantage de marges d'initiative et d'autonomie dans le domaine de la culture. N'oublions pas que sur elles repose le soutien aux structures que nous pourrions qualifier de « vernaculaires » - bibliothèques, médiathèques, écoles d'art, écoles de musique, écoles de danse, écoles de théâtre. Ces équipements de proximité fondent leur activité sur l'engagement d'artistes, de professeurs, de bénévoles et d'associations, qui forment un réseau dynamique de diffusion de la culture jusque dans les petites communes. Ce sont bien souvent ces structures, soutenues par les seules collectivités territoriales, qui marquent les premiers pas des artistes avant qu'ils n'émergent.

Aussi, il serait important que les collectivités territoriales se voient octroyer la possibilité de décider à quoi pourrait être affectée une partie des crédits déconcentrés. Aujourd'hui, en application du pacte de Cahors, elles sont soumises à de multiples contraintes : l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement sont de plus en plus mises à contribution pour financer les priorités culturelles nationales et ne peuvent profiter à leur gré des crédits déconcentrés pour accroître le soutien à des structures ou à des actions artistiques et culturelles qu'elles auraient identifiées comme prioritaires sur le territoire. Cela donnerait un nouveau sens au principe de la compétence partagée en rendant possible une véritable co-construction des politiques culturelles. Ce serait également un moyen de faire vivre progressivement les droits culturels que notre commission a contribué à faire inscrire dans la loi NOTRe puis dans la loi LCAP, en facilitant la construction de politiques culturelles au plus près des individus.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les quinze propositions de la mission d'information vous ont été distribuées, afin que vous puissiez y fonder vos remarques et vos interrogations.

Mme Sylvie Robert . - Je remercie nos deux rapporteurs pour le travail réalisé sur une mission importante. La question de la CTAP, notamment, paraît éclairante. Lors de sa création, nous étions convaincus qu'elle représenterait un espace adapté de coopération. Les régions sont en charge de leur pilotage, mais, faute d'obligation, toutes ne l'ont pas réunie. Si le CTC venait à être décliné au niveau régional, il conviendrait d'y convier le DRAC. En Bretagne, nous l'invitons systématiquement. Nous n'arriverons à rien sans obligation. Certes, la libre administration des collectivités territoriales doit être respectée, mais il faut aussi se donner les moyens de traiter les inégalités territoriales. Cela fait vingt ans que l'on déplore les mêmes choses et que rien n'évolue...

Votre troisième orientation concerne le rôle des intercommunalités. Elles constituent souvent l'échelon adapté, mais il convient de les encourager, d'autant que, souvent, les communes rechignent à se dessaisir de leurs compétences en matière culturelle. La contractualisation représente également un outil intéressant, à condition de l'accompagner financièrement. Dans le cadre des Contrats « territoire-lecture » (CTL), l'État apporte ainsi une bonification. Sans incitation, le partage de compétences et la coopération demeurent complexes : coopérer revient, en effet, à se dessaisir d'une forme de pouvoir.

Vous avez également évoqué les Sodavi et les Solima. Il s'agit de dispositifs efficaces, à condition de disposer de moyens suffisants pour la coordination. Vous appelez enfin à la clarification des missions des DRAC. Quelles sont-elles ? Comment peuvent-elles être menées dans le respect de la liberté des collectivités territoriales ? Enfin, ne faudrait-il pas exonérer du plafond à 1,2 % les dépenses culturelles des collectivités de grande taille pour éviter que ces dépenses ne soient les premières sacrifiées ? Le projet de loi dit 3D sera l'occasion de clarifier le cadre des politiques culturelles.

Mme Dominique Vérien . - Votre rapport rend utilement compte de la diversité des situations dans les territoires. La culture s'y pratique différemment et les solutions qui s'appliquent ne sont pas les mêmes. Les approches sont souvent différentes selon l'échelon de collectivité concerné. Dès lors, il me semble nécessaire, pour assurer le développement des politiques culturelles, de conserver la compétence partagée, qui offre une liberté d'organisation aux collectivités territoriales. Il ne paraît pas toujours aisé, pour les intercommunalités, de se saisir des compétences culturelles, alors qu'elles constituent l'échelle idoine, notamment en matière d'enseignement artistique.

Au regard de la diversité des aides et des interventions de l'État, il apparaît effectivement nécessaire de mieux définir les missions des DRAC. Les Micro-Folies ont conduit, dans mon département, à des dépenses localisées, mais sans résultat probant pour l'accès à la culture. Ces crédits seraient plus utiles en soutien aux actions menées par les collectivités territoriales.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Je remercie à mon tour les rapporteurs. Avant la présentation de leurs travaux, j'ai assisté avec Michel Savin à une rencontre sur les politiques sportives : les problématiques sont identiques à celles que nous évoquons. S'agissant de votre orientation n° 12 relative aux outils de démocratisation culturelle, j'aimerais insister sur le lien indispensable avec le ministère de l'éducation nationale. Il peut sembler évident, mais il n'existe guère de porosité entre les deux ministères. Il convient d'y travailler.

M. Pierre Ouzoulias . - Je salue la qualité du travail mené. Nous fêtons le soixantième anniversaire du ministère de la culture. Désormais, la politique culturelle menée par les territoires apparaît plus dynamique que celle de l'État. Il est temps de redéfinir les rôles et de renforcer le dialogue entre les différents échelons. Quel est le sens de la politique culturelle de l'État ? Il apparaît difficile de répondre à la question, comme l'a récemment montré le débat budgétaire.

J'ai longtemps exercé en DRAC et je puis vous confirmer qu'il existe autant de politiques culturelles que de disciplines, ce qui conduit à une regrettable perte de sens des missions des fonctionnaires. J'ai connu l'époque de la condescendance vis-à-vis des collectivités territoriales, dont nous ne sommes pas complètement sortis. Les collectivités peinent à trouver auprès des DRAC les compétences qui leur manquent. L'État pourrait les accompagner, mais il demeure absent.

Je partage l'analyse d'Antoine Karam : les tentatives de l'État de mener une politique « spectacle » avec des mesures comme le Pass culture sont inopérantes. Il faut conduire une réflexion profonde.

M. Laurent Lafon . - Je remercie à mon tour nos rapporteurs. Je partage l'esprit de l'orientation n° 11, mais pas son titre. La région d'Île-de-France, en effet, ne présente pas une situation homogène. Ainsi, le périphérique constitue une frontière évidente en matière d'accès à la culture. Il ne faut pas affaiblir les grands opérateurs et monuments parisiens, mais veiller à une péréquation efficace permettant d'assurer des retombées financières à l'ensemble du patrimoine national via , notamment, le Centre des monuments nationaux (CMN). Lors d'une récente audition, son président a fait part de ses craintes concernant la création de l'EPIC du Mont-Saint-Michel et ses conséquences financières pour le CMN. Il convient de trouver un équilibre satisfaisant. Quant aux DRAC, à quoi servent-elles ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Ce sont les agences régionales de santé (ARS) de la culture !

M. Laurent Lafon . - En quinze ans de mandat local, je n'ai jamais rencontré un directeur régional des affaires culturelles. Ces structures ont un problème de définition de leurs missions, comme de moyens. Alors que les collectivités territoriales investissent 8,7 milliards d'euros pour la culture, l'État n'y consacre plus que 3,6 milliards d'euros, et de manière très concentrée. Les partenariats s'affaiblissent en raison de la réduction des moyens de l'État. À quoi servent, dès lors, ses déclinaisons territoriales, les DRAC, dont le rôle est parfois vécu comme un contrôle par les collectivités territoriales ?

Mme Colette Mélot . - Votre rapport dresse une photographie intéressante de la situation. Il faut garantir une liberté d'action aux collectivités, d'autant que chaque territoire possède une spécificité. Chacun doit trouver la manière la plus adaptée d'améliorer l'accès à la culture, que toutes les collectivités considèrent désormais comme une nécessité.

Je rejoins Laurent Lafon s'agissant de l'orientation n° 11 : cela revient à méconnaître l'Île-de-France. La situation de la grande couronne est bien différente de celle de Paris ! Je vous invite à découvrir la Seine-et-Marne : au sud et à l'est s'étendent des zones rurales. Certains enfants ne sont allés qu'une fois à Paris, lors d'une sortie scolaire.

Mme Annick Billon . - Dans de nombreuses communes, l'accès à la culture se limite à une bibliothèque. De fait, l'équité territoriale entre grandes métropoles et petites communes, que vous prônez dans l'orientation n° 9, ne me semble guère réaliste. Quant à votre orientation n° 10, il ne faudrait pas qu'elle conduise à installer un contrôle du ministère de la culture. Je partage, en revanche, votre orientation n° 15 : les collectivités territoriales doivent s'affirmer comme les acteurs de la politique culturelle. Je félicite enfin nos collègues pour l'excellence de leur rapport.

Mme Maryvonne Blondin . - Il était effectivement nécessaire de dresser un bilan, après plusieurs lois de décentralisation successives. C'est une belle mission que vous avez menée, dont les conclusions me conduisent à me réjouir de vivre en Bretagne ! Il y existe une coopération satisfaisante entre les collectivités territoriales, tous échelons confondus, et l'État. Les B15, qui réunissent les principales villes de la région, et la CTAP culture fonctionnent efficacement. Nous avons très tôt développé des schémas par filières - livre, enseignement artistique, par exemple - et le département du Finistère a ouvert un centre ressource. La Maison du théâtre permet aux acteurs et aux collectivités territoriales de se rencontrer pour évoquer des projets. De même, les arts de la rue et le spectacle vivant sont extrêmement actifs. Depuis quatre ans, le Festival des Rias, dans le pays de Quimperlé, se tient grâce à un partenariat entre la DRAC et le département. Les seize communes concernées accueillent chacune deux spectacles. Nous n'avons, en revanche, pas développé les Micro-Folies, faute d'une couverture Internet suffisante. Je crois beaucoup à l'efficacité des résidences d'artistes, qui permettent d'investir les territoires et d'intervenir dans les établissements scolaires.

M. Jean-Marie Mizzon . - Dans les territoires frontaliers, il est utile de travailler avec des acteurs étrangers. Dans le cadre du projet de loi 3D, il conviendra de faciliter ces coopérations. La proximité doit profiter à tous les territoires.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Pierre Ouzoulias a évoqué le soixantième anniversaire du ministère de la culture. Nous ne pouvons que constater son essoufflement. D'aucuns craignent une privatisation de la culture, mais, grâce à l'implication des collectivités, nous en sommes loin. L'État a longtemps assuré le maillage des territoires en matière d'équipement, mais son rôle est en perte de vitesse. Le recul des financements de l'État a entraîné la montée en puissance des collectivités territoriales dans le domaine culturel, où elles disposent désormais d'une véritable expertise. Certains territoires n'ont plus de conseiller, comme la région Normandie dans le secteur de la musique.

Il faut inventer une nouvelle relation avec l'État. Convient-il de confier davantage de pouvoir aux DRAC ? Sans doute devrions-nous l'envisager, dès lors qu'elles ne sont pas déconnectées des décisions du ministère. Il faut également installer des CTC dans l'ensemble des régions, sans pour autant renoncer aux CTAP culture, dont il convient, pour les faire vivre, d'assurer la promotion. Les collectivités territoriales ont souhaité la compétence partagée : elles doivent se responsabiliser pour mieux coopérer. Être chef de file ne signifie pas dégrader les autres, mais animer le débat. Les CTAP mériteraient d'être relancées sur la question des droits culturels, enjeu majeur de la démocratisation de la culture. Les intercommunalités ont effectivement un rôle important à jouer ; départements et régions doivent les accompagner via la contractualisation. L'État, quant à lui, gagnerait à se recentrer sur son coeur de métier. Ressort-il vraiment de son rôle d'imposer une chorale dans chaque conservatoire ? Je serais, en revanche, plus nuancée s'agissant de la répartition des compétences : dans certains domaines, chacun doit disposer d'une vision claire de son rôle.

M. Antoine Karam, co-rapporteur . - Je vous remercie pour vos observations, qui enrichiront utilement notre rapport. À la place qui est la nôtre et en raison de notre expérience locale, nous sommes capables de dresser un tableau comparatif objectif.

M. Mizzon a évoqué la situation particulière des territoires frontaliers - nous en ferons état dans le rapport. La Guyane possède la plus longue frontière de France : plus de 700 kilomètres avec le Brésil, environ 500 kilomètres avec le Surinam. Nous passons aisément d'une langue et d'une culture à l'autre. Plus de cent nationalités résident sur notre territoire ; il s'agit d'une véritable richesse.

Je vous remercie, monsieur Ouzoulias, d'avoir conforté mon sentiment sur les DRAC. M. Lafon a exprimé sa pensée en d'autres termes, mais notre rapport devait rester courtois... J'ai, pour ma part, vu passer un grand nombre de directeurs régionaux des affaires culturelles, mais je ne me souviens d'aucun. Ils ne sont guère encadrés et ne disposent pas de suffisamment de collaborateurs. Ils restent dans leur tour d'ivoire, attendant une promotion pour quitter la Guyane. Les collectivités territoriales doivent affirmer leur rôle en matière culturelle, afin de lutter plus efficacement contre les inégalités. En Guyane, le Pass culture a fonctionné, notamment pour l'achat de livres, car la couverture Internet reste limitée.

Je souhaite que notre rapport constitue un outil utile pour affermir les relations entre les collectivités territoriales, le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale. La richesse de la France ressort aussi de la dimension qu'elle a su donner à la culture.

Mme Sonia de la Provôté, co-rapporteure . - Le sujet des intercommunalités est pris en compte depuis dix-huit mois environ, avec la bénédiction des communes. Il peut exister, madame Billon, une vie culturelle riche dans une commune qui ne possède qu'une bibliothèque, si elle réussit à toucher les habitants et à leur transmettre les fondamentaux de la culture. Il arrive que de petites communes rurales mènent une action culturelle flamboyante !

Les résidences d'artistes et les itinérances représentent effectivement, madame Blondin, un outil efficace de promotion des droits culturels. S'agissant de l'éducation artistique et culturelle, les chiffres du ministère de la culture indiquent que les écoles rurales proposent souvent des activités plus riches qu'ailleurs. Faute de moyens conséquents, elles font preuve d'inventivité... Les budgets des DRAC gagneraient à être fléchés vers ce type d'initiatives. De fait, la solution ne peut consister à installer un grand musée dans chaque commune.

Sur le plafond à 1,2 %, madame Robert, veillons à ne pas ouvrir la boîte de Pandore, car un fonctionnement rigide n'est pas à même d'accompagner les politiques culturelles, qui demandent de l'adaptation. La co-construction contredit l'idée même de plafond. Il faut également tenir compte de ce qui relève de l'expérimentation, c'est une marge de manoeuvre et d'innovation.

Mme Sylvie Robert . - Je ne suggérais pas une automaticité, qui serait assurément rigide, mais d'explorer cette piste et de considérer ses avantages : il sera utile de le faire dans la clause de revoyure.

Mme Sonia de la Provôté, co-rapporteure . - Effectivement. Enfin, il est encore un peu tôt pour examiner s'il faut, ou non, figer les compétences entre les différents niveaux des collectivités territoriales ; ce n'est pas une demande des acteurs ni des collectivités, et tout observateur avisé ajoutera que la diversité l'emporte sur les territoires. Si des compétences se fixent et que, dans la pratique, des grandes lignes apparaissent, alors il sera temps de préciser les compétences, s'il y a lieu.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - On peut également renoncer à l'idée de répartir les compétences pour les collectivités et envisager qu'elles le fassent par elles-mêmes : ne fermons aucune porte sur le sujet.

Mme Sonia de la Provôté, co-rapporteure . - Reste que, sur la question de la « sécabilité » de la compétence culture, il faut être prudent, ne serait-ce que pour l'application des droits culturels.

S'agissant du rôle des DRAC, le budget est de transition cette année. Nous avons ressenti un besoin d'État sur les territoires. Les acteurs s'inquiètent qu'il se désinvestisse et demandent le maintien, voire le retour de compétences et d'expertise, alors que les DRAC ont perdu des effectifs. Il faut des compétences techniques, précises ; l'État doit jouer son rôle de médiateur, d'accompagnateur, plutôt que de contrôleur et de censeur. Les grandes politiques culturelles se situent à l'échelle de la République ; les droits culturels sont, par nature, républicains, indissociables d'une politique nationale, incarnée par l'État.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Pour faire le lien entre nos différents travaux sur les « nouveaux territoires de la culture », nous pourrions souligner combien est important, dans les territoires ruraux, le maintien de l'école tant elle est un lieu de rencontre, de culture, un point d'appui des politiques culturelles. Nous pourrions également militer pour un Livre blanc des belles initiatives, composé de pages ouvertes à tous, où chacun y puiserait de l'inspiration, voire du soutien.

La CTAP pourrait être le lieu où les collectivités territoriales évoquent les festivals, se coordonnent, se répartissent les tâches.

M. Laurent Lafon . - Que répondent nos rapporteurs sur l'équité territoriale ?

Mme Sonia de la Provôté, co-rapporteure . - Nos chiffres étant régionaux, il nous est difficile de répondre précisément, et il faut aussi prendre en compte la diversité des territoires. Nous ne connaissons pas précisément les critères de péréquation entre territoires infrarégionaux. Nous l'avons constaté pour les monuments historiques, très clairement. Quel que soit le désir d'équité, elle est difficile à réaliser.

M. Laurent Lafon . - Je suis certain que nos rapporteurs trouveront la bonne formule...

La mission d'information autorise la publication du rapport.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 6 mars 2019

- Association des DRAC de France : M. Laurent Roturier, président

- Observatoire des politiques culturelles : M. Jean-Pierre Saez, directeur

- M. Bernard Latarjet, coordonnateur du plan « Culture près de chez vous »

Mercredi 13 mars 2019

- Secrétariat général du ministère de la culture : M. Loup Wolff, administrateur de l'INSEE, chef du département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS), au sein du service de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation, Mme Edwige Millery, responsable de la valorisation et des publications, et M. Jean-Cédric Delvainquière, chargé des territoires

- Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales - Direction générale des collectivités locales : M. David Myard, adjoint au sous-directeur, et Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux à la sous-direction des compétences et des institutions locales

Mercredi 27 mars 2019

- Secrétariat général du ministère de la culture : Mme Isabelle Chardonnier, cheffe du département de l'action territoriale

- M. Emmanuel Ethis, recteur de l'académie de Nice, vice-président du Haut conseil pour l'éducation artistique et culturelle

Mercredi 3 avril 2019

Table ronde des associations représentant les différents niveaux de collectivités territoriales :

. Association des maires ruraux de France (AMRF) : Mme Marie-Jeanne Beguet, vice-présidente en charge de la culture

. Association des maires de France (AMF) : Mmes Florence Portelli, maire de Taverny et vice-présidente de l'AMF, et Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale culture éducation de l'AMF, M. Sébastien Ferriby, conseiller culture et éducation, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le parlement

. France urbaine : MM. Hacène Lekadir, adjoint au maire de Metz, Sébastien Tison, Mme Audrey Saunion, élève administratrice de l'INET, et David Constans-Martigny

Sollicitées, Régions de France, l'Assemblée des départements de France et l'Assemblée des communautés de France n'ont pas été en mesure d'être représentées lors de cette table ronde.

Lundi 6 mai 2019

- Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) : Mmes Michaëlle Lopez, co-présidente, et Julie Desmidt, coordinatrice

- Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC) : M. Xavier Montagnon, secrétaire général, et Mme Anne Desplanques, administratrice

- Regroupement des fonds régionaux d'art contemporain (PLATFORM) : Mmes Vitalie Taittinger, présidente, et Julie Binet, secrétaire générale

Mercredi 12 juin 2019

- La Maison des Artistes : Mmes Nacèra Kainou, vice-présidente, Laurence Duc, secrétaire générale, Antinéa Garnier, directrice, et M. Jean-Marc Bourgeois, secrétaire général du syndicat Solidarité

- Fédération française de l'enseignement artistique (FFEA) : MM. André Peyregne, président, et Pierre-Christophe Brilloit, secrétaire général

Mardi 16 juillet 2019

- Union syndicale des employeurs du secteur public du spectacle vivant (USEP-SV) : M. Sébastien Justine, directeur des Forces Musicales, Mme Aurélie Foucher, déléguée générale du Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles et diffuseurs indépendants de musique (PROFEDIM), M. Vincent Moisselin, directeur du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) et Mme Juliette Prissard, directrice déléguée du Syndicat national des scènes publiques (SNSP)

- Musiques actuelles : Mmes Véra Bezsonoff, chargée de la coordination de l'accompagnement des adhérents et des dynamiques de territoires à la Fédération des lieux de musiques actuelles (FEDELIMA), et Aurélie Hannedouche, déléguée générale du Syndicat des musiques actuelles (SMA)

- Union nationale des syndicats d'artistes musiciens de France (Snam-CGT) : MM. Yves Sapir, président, Michel Vié, secrétaire général adjoint, Mmes Sophie Bollich, secrétaire nationale de la branche des ensembles permanents, et Fabienne Chevrier, membre du bureau exécutif

Mardi 17 septembre 2019

- Établissement public du parc et de la Grande halle de La Villette : M. Didier Fusillier, président, et Mme Cassandre Schinelli, cheffe de projet Micro-Folie

Mercredi 18 septembre 2019

- Philharmonie de Paris : M. Laurent Bayle, directeur général

- Centres dramatiques nationaux et Centres chorégraphiques nationaux : MM. Robin Renucci, président de l' Association nationale des centres dramatiques nationaux (ACDN), et Frédéric Pérouchine, secrétaire général de l'Association des centres chorégraphiques nationaux (ACCN)

- Table ronde des actions culturelles itinérantes :

. Tréteaux de France : M. David Kenig, directeur administratif et financier

. Association nationale des cinémas itinérants (ANCI) : MM. Éric Raguet, président, et Gilles Menis, coordinateur

. Concerts de poche : Mme Gisèle Magnan, directrice générale et artistique

- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) : M. Jean-Philippe Lefèvre, président

- Art ludique : M. Jean-Jacques Launier, président

Mardi 1 er octobre 2019

- Régions de France : M. Pascal Mangin, conseiller régional, en charge de la culture à la région Grand Est

Contributions écrites

- Assemblée des Départements de France

- Conseil général du Calvados


* 1 « Les inégalités culturelles. Qu'en pensent les Français ? » Culture études 2015-4, Département des études, de prospective et des statistiques, Ministère de la culture.

* 2 Rapport pour avis n° 145 (2019-2020) du 21 novembre 2019 de Mme Sylvie Robert, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le projet de loi de finances pour 2020 .

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