Rapport d'information n° 689 (2017-2018) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 juillet 2018

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N° 689

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le réseau de l' enseignement français à l'étranger ,

Par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les principales observations

1. Le réseau de l'enseignement français à l'étranger constitue un réseau unique au monde, scolarisant près de 350 000 élèves dans 492 établissements homologués à travers 137 pays .

2. Ce réseau ne désigne pas une entité unique. L'opérateur de l'État chargé du pilotage de celui-ci, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), a été créé en 1990. Il assure le rôle de « colonne vertébrale » du réseau, notamment avec la procédure d'homologation des établissements, aux côtés d'autres opérateurs associatifs tels que la Mission laïque française. Si l'homologation constitue une identité commune entre tous les établissements, ces derniers se différencient par leurs statuts - gestion directe, conventionnés, partenaires - qui sont caractérisés par des degrés différents d'autonomie vis-à-vis de l'opérateur .

3. La question de la soutenabilité budgétaire du réseau a fait l'objet de plusieurs rapports parlementaires et de travaux de la Cour des comptes depuis une dizaine d'années. Néanmoins, l'annulation d'une partie de la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE à hauteur de 33 millions d'euros en juillet 2017 en a renouvelé l'actualité. Vos rapporteurs spéciaux ont constaté que l'Agence faisait face à une hausse structurelle de ses dépenses depuis plusieurs années, et que la mobilisation de ressources supplémentaires se heurtait au seuil de tolérance des familles en ce qui concerne les frais de scolarité, et au désengagement progressif de l'État . Vos rapporteurs spéciaux se sont attachés à éclaircir plusieurs contre-vérités sur la soutenabilité de l'Agence, notamment au sujet de la prise en charge des pensions civiles.

4. Dans ce contexte budgétaire tendu, la question du financement du réseau semble parasitée par un manque de pédagogie et de transparence sur les participations financières des établissements et l'aide de l'AEFE reçue en contrepartie. Si l'aide nette de l'Agence est toujours positive, de grandes disparités géographiques, mais également entre les statuts d'établissements, sont observables . Au souci d'équité s'ajoute celui de la transparence des processus décisionnels d'allocation de la ressource. L'information du conseil d'administration de l'Agence semble faire défaut pour certaines composantes de l'aide versée.

5. Enfin, l'objectif affiché de doublement des effectifs scolarisés d'ici 2025 semble difficile à absorber pour le réseau. La croissance de celui-ci devrait reposer dans les prochaines années avant tout sur les élèves étrangers plutôt que sur les élèves français. L'articulation de la croissance du réseau avec le soutien à la langue française rend inéluctable le développement d'une stratégie globale qui ciblerait les priorités géopolitiques , tout en satisfaisant les besoins des français expatriés.

Les principales recommandations

Recommandation n° 1 : poursuivre le mouvement de réduction des personnels détachés au profit des recrutés locaux. Dans le cadre d'une réforme des statuts des fonctionnaires détachés à venir, des dispositifs limitant le renouvellement du détachement pourraient être introduits, à l'image d'une dégressivité de l'indemnité liée aux conditions de vie locale pour les résidents.

Recommandation n° 2 : sanctuariser le montant de la subvention pour charges de service public allouée à l'AEFE pour les cinq prochaines années, en tenant compte de l'évolution à venir du coût réel de la pension civile des fonctionnaires détachés.

Recommandation n° 3 : conformément à l'article L. 452-2 du code de l'éducation qui prévoit que l'AEFE veille « à la stabilisation des frais de scolarité », contenir l'inflation des frais de scolarité en gelant la participation des familles au financement du réseau à son niveau actuel, c'est-à-dire 60 %.

Recommandation n° 4 : conduire une réflexion sur la possibilité d'introduire des mécanismes de mutualisation des fonds de roulement entre les établissements en gestion directe (EGD) et les services centraux et améliorer la comptabilité analytique afin de rendre plus performante la gestion financière de l'ensemble du réseau.

Recommandation n° 5 : optimiser les dépenses de fonctionnement des EGD en identifiant les fonctions supports qui pourraient faire l'objet d'une mutualisation avec les postes diplomatiques.

Recommandation n° 6 : poursuivre l'amélioration du contrôle de gestion de l'AEFE, conformément aux recommandations de la Cour des comptes formulées dans l'enquête réalisée en 2016 à la demande de la commission des finances du Sénat.

Recommandation n° 7 : établir un ratio plancher d'enseignants détachés par nombre d'élèves, pour les EGD et les établissements conventionnés, arrêté par le conseil d'administration de l'Agence, après avis du ministère de tutelle et avis du ministère de l'éducation nationale.

Recommandation n° 8 : établir et formaliser des critères objectifs pour justifier les variations de la participation à la rémunération des personnels résidents.

Recommandation n° 9 : établir et publier chaque année, après délibération du conseil d'administration, les critères objectifs d'attribution de subventions pour les projets immobiliers, les dépenses de sécurisation, ou toute autre subvention ponctuelle versée aux établissements du réseau.

Recommandation n° 10 : publier chaque année, après délibération du conseil d'administration de l'AEFE, le montant de l'aide nette de l'Agence par établissement au cours de l'exercice écoulé.

Recommandation n° 11 : mettre en oeuvre la recommandation formulée par la Cour des comptes d'établir une cartographie prospective des besoins de l'enseignement français à l'étranger, afin de tenir compte des évolutions de la population expatriée, des priorités diplomatiques et de mener une appréciation qualitative de la demande locale.

Recommandation n° 12 : accélérer le redéploiement du réseau en dehors de l'Europe, en particulier via l'affectation des personnels détachés.

Recommandation n° 13 : alléger certains critères requis pour l'homologation des établissements afin de faciliter leur création, tout en préservant la qualité de l'enseignement.

Recommandation n° 14 : développer les offres complémentaires telles que le label « FrancEducation » en assignant des objectifs de labellisation aux postes diplomatiques, tout en restant attentifs à la qualité de l'enseignement.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'enseignement français à l'étranger constitue l'un des plus grands réseaux publics d'enseignement, qui se distingue de la concurrence internationale par l'excellence académique et par le coût relativement modéré de ses frais de scolarité au regard de la qualité de l'enseignement. Les crédits publics alloués à ce réseau sont conséquents, environ 455 millions d'euros en 2017, mais justifiés.

Trois raisons nous ont conduits à consacrer une mission de contrôle budgétaire au réseau de l'enseignement français à l'étranger, en application de l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Premièrement, fin 2015, votre commission des finances a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur ce réseau et l'accès des élèves français à cet enseignement. Les travaux de la Cour des comptes, menés sur la période 2011-2015, ont permis de formuler plusieurs recommandations et nous souhaitions tirer le bilan de leur mise en oeuvre.

Deuxièmement, l'annulation d'une partie de la subvention pour charges de service public de l'AEFE, à hauteur de 33 millions d'euros, a entraîné depuis juillet 2017 une vague de contestation au sein des lycées français à travers le monde et parmi les parents d'élèves. Les nombreuses grèves à l'automne dernier ont mis en exergue la nécessité d'instaurer un dialogue entre l'AEFE, le ministère de tutelle, la direction du budget, les établissements et les familles. Cette annulation, qui s'est traduite par la réalisation d'économies budgétaires et une participation financière accrue des établissements, a cristallisé des tensions déjà anciennes entre l'Agence et les établissements.

Troisièmement, le Président de la République, Emmanuel Macron, a présenté les contours de sa stratégie pour la langue française, dont l'enseignement français en constituerait la matrice. Ces annonces nous ont incités à nous interroger sur l'évolution possible du réseau au regard de ses contraintes budgétaires, tout en distinguant bien la problématique de l'enseignement du français à l'étranger de celle de l'enseignement français à l'étranger.

Le présent rapport entend ainsi répondre aux questions suivantes : l'AEFE dispose-t-elle ou non de marges de manoeuvre budgétaires ? Le pilotage budgétaire du réseau satisfait-il une stratégie diplomatique et pédagogique clairement identifiée ? La croissance du réseau est-elle budgétairement possible ?

Il vise également à apporter un éclairage sur un certain nombre de contre-vérités entendues sur la soutenabilité financière de l'AEFE d'une part, et sur la participation financière des établissements d'autre part. Nous avons volontairement écarté des pistes de recommandations certes ambitieuses, mais difficiles à mettre en oeuvre, qui nous ont été soumises. Enfin, le rapport souhaite remplir une vocation pédagogique en explicitant les mécanismes internes à l'AEFE qui, en raison de la diversité du réseau, sont particulièrement complexes.

Nos travaux se sont nourris des réponses des administrations compétentes aux questionnaires écrits, de différentes auditions, notamment de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France, ainsi que de deux déplacements à Londres et Zurich.

PREMIÈRE PARTIE
COMPOSÉ D'UN RÉSEAU MULTIFORME, L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER
FAIT FACE À UNE REMISE EN QUESTION DE SA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE
DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

Au sein du budget de l'État, les crédits dédiés à l'enseignement français à l'étranger sont retracés dans l'action 5 « Agence pour l'enseignement français à l'étranger » du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence , et dans l'action 2 « Accès des élèves Français au réseau AEFE » du programme 151 - Français à l'ét ranger et affaires consulaires de la mission « Action extérieure de l'État ».

I. LE CARACTÈRE DIVERSIFIÉ ET COMPLEXE DU RÉSEAU REND SON PILOTAGE BUDGÉTAIRE DÉLICAT

La diversité des acteurs du réseau de l'enseignement français à l'étranger tient à son histoire . Développé depuis la fin du XIX ème siècle, au début essentiellement grâce aux actions locales des communautés de Français expatriés, ce réseau ne constitue pas un ensemble monolithique. Il associe un opérateur public, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) , à des opérateurs privés comme la Mission laïque française (MLF) . Au sein du réseau homologué piloté par l'AEFE, certains établissements sont gérés par des associations de droit privé, local ou de droit français, ce qui tend à complexifier le pilotage budgétaire du réseau.

A. LA FONCTION DE COLONNE VERTÉBRALE DU RÉSEAU ASSURÉE PAR L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

1. Les missions de l'AEFE

Établissement public national à caractère administratif, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a été créée par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 . Elle a pour but d'assurer le suivi et l'animation du réseau des établissements ayant reçu une homologation du ministère de l'éducation nationale . Elle gère l'ensemble des concours humains et financiers apportés par l'État au fonctionnement des établissements à l'étranger. Ainsi, elle est par exemple l'interlocutrice du ministère de l'éducation nationale en ce qui concerne le détachement des enseignants titulaires de l'éducation nationale au sein des établissements du réseau.

À la rentrée 2017, l'Agence assure le suivi et l'animation d'un réseau de 492 établissements homologués , scolarisant environ 350 000 élèves dans 137 pays.

Les missions de l'AEFE

L'Agence a pour objet en tenant compte des capacités d'accueil des établissements :

1° d'assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ;

2° de contribuer au renforcement des relations de coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers au bénéfice des élèves français et étrangers ;

3° de contribuer, notamment par l'accueil d'élèves étrangers, au rayonnement de la langue et de la culture françaises ;

4° d'aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l'enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ;

5° d'accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d'enseignement français à l'étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération.

Source : article L.452-2 du code de l'éducation

Avant sa création, les enjeux relatifs aux établissements français à l'étranger relevaient du service de l'enseignement français au sein de la direction générale des relations culturelles du ministère des affaires étrangères . Toutefois, ce pilotage administratif paraissait sous-dimensionné par rapport au nombre élevé d'établissements scolaires ainsi qu'à l'hétérogénéité des situations locales à prendre en compte. En 1989, une refonte du système des rémunérations des personnels détachés à l'étranger préfigure la réforme de l'enseignement français à l'étranger, qui aboutit à la création de l'AEFE.

L'association du ministère de l'éducation nationale à l'exercice
de la tutelle de l'AEFE

Le ministère de l'éducation nationale (MEN) siège au conseil d'administration de l'AEFE, mais il ne participe pas à sa préparation. Le code de l'éducation définit les modalités de collaboration entre le MEN et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) sur les orientations stratégiques de l'AEFE :

- le conseil d'administration de l'AEFE comprend 26 membres dont 7 représentants du ministre des affaires étrangères, 3 représentants du ministre chargé de l'éducation nationale, 1 représentant du ministre chargé du commerce extérieur (article D.452-3 du code de l'éducation) ;

- le président de l'AEFE est nommé pour trois ans par décret, sur proposition du ministre des affaires étrangères, après consultation du ministre chargé de l'éducation (article D.452-4 du code de l'éducation) ;

- le président fixe l'ordre du jour du conseil. Il est tenu d'inscrire à l'ordre du jour toute question que le ministre des affaires étrangères ou le ministre chargé de l'éducation lui demande d'y faire figurer. Il en va de même des demandes présentées par le tiers des membres du conseil d'administration (article D.452-5 du code de l'éducation) ;

- le directeur de l'AEFE transmet les délibérations du conseil d'administration dans les dix jours qui suivent leur adoption au ministre des affaires étrangères. Lorsque la délibération présente un caractère pédagogique, elle est également transmise dans les mêmes conditions au ministre chargé de l'éducation (article D.452-5 du code de l'éducation) ;

- la liste des établissements scolaires français à l'étranger est établie par le ministre chargé de l'éducation, en accord avec le ministre des affaires étrangères et avec le ministre chargé de la coopération. Elle est révisable annuellement (article R.451-1).

Compte tenu de la participation du ministère de l'éducation nationale à l'homologation, au suivi pédagogique des établissements et au détachement des personnels titulaires de l'éducation nationale, une cotutelle partagée entre le ministère de l'éducation nationale et celui de l'Europe et des affaires étrangères a été suggérée à plusieurs reprises à vos rapporteurs spéciaux . Toutefois, étant donné l'enchevêtrement des opérateurs existants et de leurs périmètres d'action, il leur a semblé plus pertinent de ne pas retenir cette recommandation qui pourrait entraîner une complexité accrue des procédures internes, des coûts de coordination importants et une certaine dilution des responsabilités.

2. L'homologation constitue le socle commun des établissements rattachés au réseau de l'AEFE

La procédure d'homologation fait l'objet d'une campagne annuelle pilotée par la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l'éducation nationale. Les demandes de première homologation, d'extension d'homologation à d'autres niveaux scolaires ou de renouvellement d'homologation, sont d'abord instruites par les postes diplomatiques locaux, puis transmises à la direction générale de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau qui assure la tutelle de l'AEFE au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Ainsi, le MEAE valide en premier lieu l'opportunité diplomatique de l'homologation . Ensuite, une commission interministérielle d'homologation (CIH), présidée par la DGESCO et composée de représentants du ministère de l'éducation nationale, du MEAE, et de l'AEFE donne son avis sur les dossiers en cours d'instruction, et évalue le respect des critères fixés par la DGESCO (cf. annexe ). La liste des établissements homologués fait l'objet chaque année d'un arrêté interministériel publié au Journal officiel .

Au cours de son audition, la DGESCO a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que la procédure d'homologation était enrichie depuis deux ans d'une visite de contrôle de l'homologation cinq ans après son octroi . Cette visite est désormais obligatoire pour renouveler l'homologation, alors qu'elle n'était réalisée auparavant que sur signalements des postes diplomatiques ou des parents d'élèves. Désormais, les établissements montrant des signes de défaillances sur le plan pédagogique ou administratif par rapport aux critères d'homologation peuvent être placés en année probatoire et, à terme, se voir retirer leur homologation. D'après les données transmises par la DGESCO, en 2017 11 établissements ont été placés en année probatoire et 2 ont perdu leur homologation. En mai 2018, la CIH a placé 5 établissements en année probatoire .

3. Les trois statuts des établissements homologués

Une fois les établissements homologués, leur appartenance au réseau de l'AEFE peut prendre la forme de trois statuts différents :

- les établissements en gestion directe (EGD) , qui s'apparentent à des services déconcentrés de l'AEFE. Ils disposent d'un ordonnateur secondaire, le proviseur, et d'un comptable secondaire. Ils sont des composantes de l'opérateur public, ce qui signifie que leur budget est agrégé à celui des services centraux de l'Agence ;

- les établissements conventionnés , qui sont gérés par des associations de droit privé, principalement des parents d'élèves réunis au sein d'un « comité de gestion ». Ils signent une convention administrative, financière et pédagogique avec l'AEFE qui détermine les principes généraux des conditions d'affectation, de recrutement et de rémunération des agents titulaires du ministère de l'éducation nationale ;

- les établissements partenaires qui sont également gérés par des associations de droit privé, français ou étranger. Ils signent un accord de partenariat avec l'AEFE qui se limite aux questions pédagogiques et de formation des enseignants. Les établissements partenaires, qui représentent la moitié des établissements du réseau, bénéficient d'une plus grande autonomie dans leur gestion administrative et financière de l'établissement. Néanmoins, ils ne peuvent bénéficier de détachement de personnels.

Si les EGD se caractérisent par le fait qu'ils s'apparentent à des démembrements de l'AEFE, les établissements conventionnés et partenaires diffèrent essentiellement par leurs modalités de participation financière au réseau homologué (cf. infra ).

Nombre d'élèves par statut d'établissement pour l'année scolaire 2017-2018

Statut

Nombre d'établissements

Nombre d'élèves scolarisés

dont nombre d'élèves français

Part dans les effectifs scolarisés au sein du réseau

Gestion directe

74

74 306

41 580

21 %

Conventionnés

153

121 401

52 607

35 %

Partenaires

265

153 784

31 558

44 %

Total

492

349 491

125 745

100 %

Source : AEFE

Les trois statuts des établissements du réseau homologué se sont déployés au fil de la construction du réseau. Ils ne correspondent pas à une logique politique de développement du réseau , mais les modalités de contractualisation avec l'opérateur de l'État dépendent plutôt du contexte local historique. Ce constat, issu par les auditions de vos rapporteurs spéciaux, confirme celui réalisé par la Cour des comptes en 2016 dans une enquête conduite à la demande de la commission des finances du Sénat : « au cours du XXème siècle, les établissements français ont été, en de nombreux pays, le seul lieu dans lesquels étaient délivré un enseignement de qualité, doublé d'une culture républicaine et de l'idéal des Lumières. Ailleurs, des communautés françaises, souvent administratives, militaires ou d'affaires ont été à l'origine de l'ouverture d'un établissement. (...) Des structures associatives comme la MLF ou l'AIU ont proposé à des élites nationales des parcours individuels prestigieux (...). À la toute fin du XX ème siècle, l'enseignement français à l'étranger a aussi dû accorder une importance nouvelle aux Français de l'étranger, sous l'influence de flux d'expatriations inédits » 1 ( * ) .

L'attribution d'un statut est parfois postérieure à la création de l'établissement lui-même , et résulte ainsi d'un compromis trouvé avec l'organisme gestionnaire et les parents d'élèves au moment de la création de l'AEFE. C'est le cas par exemple du lycée français de Zurich qui a plus de 60 ans d'existence. Lors de la création de l'AEFE, le choix du statut d'établissement conventionné permettait de satisfaire la recherche d'une certaine latitude pédagogique, tout en permettant à l'établissement de continuer à bénéficier de personnels détachés.

Par conséquent, la répartition géographique et le nombre d'établissements par statut ne sauraient être interprétés comme le résultat d'une politique de développement du réseau à long terme .

B. LE RÔLE COMPLÉMENTAIRE MAIS NON NÉGLIGEABLE DES ACTEURS ASSOCIATIFS

1. La Mission laïque française (MLF)

La Mission laïque française (MLF) est une association à but non lucratif soumise à la loi de 1901, qui a été reconnue d'utilité publique depuis 1907. Ayant pour principe « deux cultures, trois langues », elle s'inscrit dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger tout en mettant l'accent sur l'apprentissage des cultures locales. Implantée aujourd'hui dans 39 pays et scolarisant près de 50 000 élèves (dont 81 % ne sont pas de nationalité française), elle s'est historiquement développée autour du bassin méditerranéen, ce qui explique sa présence majeure au Liban (qui concentre 22 % de ses effectifs en 2017) et au Maroc (15 % de ses effectifs). En 2018, elle comptait 110 établissements, répartis selon trois statuts 2 ( * ) :

- les établissements en pleine responsabilité (EPR) . On compte 35 EPR en 2016, dont 10 en Espagne et 5 au Liban. Ils bénéficient d'environ 200 personnels détachés du ministère de l'éducation nationale (enseignants et personnels administratifs compris) ;

- les écoles d'entreprise , fondées à la demande des familles expatriées, financées par des entreprises françaises ou étrangères implantées localement. Ces écoles sont temporaires puisqu'elles dépendent des besoins en personnels expatriés des entreprises. Par exemple, en 2017 l'école « Renault Do Brasil - MLF » a fermé ses portes après que la filiale brésilienne de Renault a réduit son activité industrielle en raison de l'effondrement du marché automobile sur le continent américain. En 2018, le réseau de la MLF comptait 21 écoles d'entreprises scolarisant près de 2 800 élèves ;

- les établissements partenaires , qui suivent le même modèle que les établissements partenaires de l'AEFE. Au nombre de 53 en 2018, ils sont administrés par des organismes gestionnaires privés, mais la MLF assure des prestations dites « d'ingénierie pédagogique » telles que l'aide au recrutement des enseignants ou l'organisation de la structure pédagogique.

Depuis 2006, le réseau de la MLF a enregistré une forte croissance avec 29 établissements supplémentaires et une augmentation de 82 % des effectifs scolarisés 3 ( * ) . Près des deux tiers des effectifs sont scolarisés en maternelle et au primaire. Comme le directeur général de la MLF l'a indiqué à vos rapporteurs, en tant qu'association, la MLF est exclusivement financée par les frais de scolarité perçus par son réseau d'établissements .

Le réseau de la MLF est intégré à celui de l'AEFE étant donné que la quasi-totalité des établissements de la MLF sont homologués par la DGESCO, et 8 établissements ont même le statut d'établissements « conventionnés » de l'AEFE. Les deux opérateurs ont d'ailleurs passé un protocole d'entente en 2010 pour la gestion des établissements de la MLF qui ont intégré le réseau de l'AEFE . À l'échelle locale, les deux réseaux semblent complémentaires. Le rapport de François Perret, directeur de la MLF, rédigé en 2015, relève par exemple un réel partage des tâches entre le réseau AEFE et le réseau de la MLF en Espagne : « Si les conventionnés ont une population plus équilibrée, (...) ceux de la MLF (...) sont d'abord des établissements « pour » un public espagnol : plus exposés à la concurrence des établissements internationaux et des écoles privées espagnoles, nécessairement attentifs aux demandes de ce public, ils doivent conduire des stratégies un peu différentes en matière pédagogique, financière ou de communication » 4 ( * ) . De plus, la MLF est mise à contribution par le MEAE pour fonder des partenariats pédagogiques dans des régions en crise ou politiquement délicates . Ainsi depuis 2009, la MLF a lancé un dispositif d'assistance aux lycées Esteqlal et Malalaï de Kaboul dans le cadre d'un accord franco-afghan.

2. Les autres opérateurs associatifs

D'autres associations assurent également la gestion d'établissements français à l'étranger, tels que :

- l'association Franco-libanaise pour l'éducation et la culture (AFLEC). Association « loi 1901 », l'AFLEC assure la gestion de six établissements au Liban et aux Émirats arabes unis, dont cinq sont des établissements partenaires de l'AEFE ;

- l'alliance Israélite Universelle (AIU). Association fondée en 1860, l'AIU est une structure confessionnelle visant à promouvoir la culture juive dans l'enseignement à l'étranger. Elle est principalement implantée en Israël, Canada, Maroc, Suisse et Espagne. Elle dispose d'une quarantaine d'établissements, dont cinq sont homologués par la DGESCO.

II. LA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE DU RÉSEAU, DÉJÀ FRAGILISÉE, A ÉTÉ À NOUVEAU ÉBRANLÉE PAR L'ANNULATION DE CRÉDITS DE JUILLET 2017

Le financement du réseau de l'enseignement français à l'étranger repose sur deux piliers :

- les crédits publics, issus des programmes 185 et 151 de la mission « Action extérieure de l'État » ;

- les frais de scolarité acquittés par les parents d'élèves.

Le compte financier de l'AEFE regroupe les services centraux et les établissements en gestion directe (EGD). Les 74 EGD sont eux-mêmes regroupés en 35 comptes financiers, le plus souvent par zone géographique ou par convention. Ces derniers sont ensuite agrégés avec le compte des services centraux de l'AEFE.

A. LA TRAJECTOIRE À LA HAUSSE DES DÉPENSES DE L'AEFE PÈSE SUR SA SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE

Pour la période 2011-2017, il ressort une croissance des charges de l'AEFE de 19,45 %, ces dernières passant d'environ 1 milliard d'euros à plus de 1,2 milliard d'euros.

1. La croissance continue des effectifs scolarisés au sein du réseau

La croissance du nombre d'élèves scolarisés au sein du réseau est un signe d'attractivité de celui-ci, mais présente un effet inflationniste sur les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement. Entre 2012 et 2017, le nombre d'élèves scolarisés a augmenté d'environ 11,4 %.

L'augmentation des effectifs scolarisés est très variable selon les zones géographiques. Cette hausse a été particulièrement marquée dans la région du Maghreb puisque les établissements y ont enregistré une augmentation d'environ 21 % du nombre d'élèves inscrits. La région Asie et Moyen-Orient connaît une progression du nombre d'élèves d'environ 14,2 %, puis viennent ensuite les Amériques avec une hausse de 11,52 %, suivies de l'Europe avec 9,91 %. En revanche, le nombre d'élèves scolarisés en Afrique - hors pays du Maghreb - a diminué d'environ 1 %.

A contrario , certains pays sont particulièrement concernés par le recul du nombre d'élèves scolarisés. Ainsi, sur les dix établissements du réseau qui affichent le plus fort recul en termes d'élèves scolarisés, proportionnellement à leur nombre d'élèves initial, quatre se situent aux États-Unis 5 ( * ) .

Évolution du nombre d'élèves scolarisés par type d'établissement depuis 2012

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Afrique

55 597

53 088

54 181

53 849

54 520

55 020

Amériques

51 124

52 330

54 024

54 740

55 485

57 016

Maghreb et océan indien

54 855

56 123

57 526

59 640

61 818

66 584

Asie et Moyen-Orient

85 109

87 792

91 895

94 094

95 809

97 191

Europe

67 289

68 113

70 107

71 504

72 894

73 958

Total

313 974

317 446

327 733

333 827

340 526

349 769

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'AEFE

À noter que ce découpage régional correspond à l'organisation de l'AEFE par sous-direction géographique. Ce découpage peut sembler questionnable d'un point de vue géographique, mais le secteur « océan indien » est marginal et ne représente principalement que les élèves de Madagascar, soit 11 134 élèves parmi les 16 783 élèves de cette zone en 2017. Par conséquent, en 2017, on comptabilise 49 801 élèves au sein du Maghreb seul.

2. Une progression rapide de la masse salariale

En 2017, d'après le compte financier de l'AEFE, les dépenses de personnel se sont élevées à 776 millions d'euros environ, soit 63 % des dépenses de l'Agence . Les dépenses de personnel comptabilisées dans le budget de l'AEFE comprennent :

- les dépenses liées aux personnels des services centraux ;

- les dépenses de personnel des EGD ;

- les dépenses liées aux personnels expatriés et résidents des EGD et des établissements conventionnés. En effet, une partie de leur rémunération est financée par l'AEFE.

Depuis 2012, les dépenses de personnel de l'Agence ont augmenté de 15,5 % . Il peut être noté que les dépenses du siège se sont particulièrement accrues en passant de 10,7 millions d'euros en 2012 à près de 12,9 millions d'euros en 2017 6 ( * ) , soit une hausse de 21 % . L'augmentation des dépenses de personnel du siège est corrélée à la hausse de ses effectifs qui sont passés de 151,9 ETPT en 2012 à 161,9 ETPT en 2017. En réponse au questionnaire envoyé par vos rapporteurs spéciaux, l'AEFE explique cette hausse des dépenses du siège par la nécessité de « mieux répondre aux missions inhérentes de l'Agence ». Elle explique que l'AEFE a opéré un rééquilibrage des effectifs au profit d'agents titulaires alors que les contractuels avaient connu une hausse plus importante au cours des années précédentes. Par conséquent, le nombre de contractuels au sein du siège a diminué de 19 % entre 2016 et 2017.

Dépenses de personnel de l'AEFE depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux d'évolution

Dépenses de personnel

672,1

708,4

725,0

748,3

761

776,2

15,5 %

Dont participation au CAS « pensions »

148,8

163,3

167,4

169,6

169,4

173,1

16,3 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

À l'exception des dépenses de personnel du siège, la masse salariale de l'Agence progresse alors même que le nombre de personnels détachés diminue progressivement.

Les catégories de personnels du réseau de l'enseignement français à l'étranger

Les personnels détachés sont des fonctionnaires majoritairement issus de l'Éducation nationale, détachés auprès de l'AEFE afin d'occuper des fonctions d'encadrement, de direction, de gestion ou d'enseignement. Ils bénéficient du statut d'expatriés ou de résidents , régis par le décret n°2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger. Ces deux catégories se différencient à plusieurs titres :

- le mode de recrutement . Les expatriés sont recrutés par l'AEFE tandis que les résidents sont recrutés par l'AEFE sur avis des établissements d'affectation. En 2016, la Cour des comptes a souligné la particularité du statut des résidents dont l'usage a été détourné. En application de l'article D.911-43 du code de l'éducation, sont considérés comme résidents les titulaires français vivant à l'étranger depuis au moins trois mois. Or, la pratique qui s'est imposée est qu'un résident soit recruté alors qu'il est encore en France, qu'il finance son déménagement à l'étranger pendant trois mois pour ensuite bénéficier du statut de résident ;

- la rémunération . Outre leur traitement, les résidents perçoivent l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale (ISVL) dont le montant varie en fonction de l'évolution du taux de change et des prix locaux. Les expatriés perçoivent en plus une indemnité de changement de résidence ainsi qu'une indemnité mensuelle d'expatriation ;

- la durée du contrat . Le détachement des expatriés ne peut excéder une durée de trois ans renouvelable, au plus, pour deux périodes de 12 mois pour les personnels d'encadrement. Le contrat des résidents est renouvelé par tacite reconduction ;

- les missions . Les personnels expatriés doivent satisfaire les objectifs d'une lettre de mission, élaborée par le directeur de l'AEFE. Ils doivent également assumer depuis 2011 des missions de conseiller pédagogique du second degré (EEMCP2).

Outre les personnels détachés, les agents de droit local constituent la catégorie de personnel la plus nombreuse du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Ils bénéficient d'un contrat de droit privé, ils sont directement recrutés par l'établissement qui fixe les critères de qualification et de rémunération. Cette dernière dépend du niveau de vie locale, du niveau de qualification, et de celui des cotisations sociales dans le pays. Comme l'a relevé la Cour des comptes en 2016, la rémunération des recrutés locaux est généralement plus faible que celles des détachés, à l'exception de régions qui connaissent un niveau de vie supérieur à celui de la France métropolitaine (exemple : les recrutés locaux du lycée français de Zurich), ou qui exercent dans un environnement où la demande pour l'enseignement français peine à être satisfaite (exemple des établissements à Londres).

Source : commission des finances du Sénat

Si la Cour des comptes a également souligné la grande qualité des recrutés locaux dans l'ensemble des établissements du réseau, vos rapporteurs spéciaux ont été alertés sur les procédures de recrutement inégales et sur le fait que les qualifications de ces personnels dépendent étroitement du bassin d'emploi local .

Face à ce maquis statutaire constaté par vos rapporteurs spéciaux, la direction des ressources humaines de l'Éducation nationale a indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'un groupe de travail interministériel étudiait une réforme des statuts des enseignants détachés. Dans le cas où une modification statutaire serait introduite, il a été précisé à vos rapporteurs spéciaux qu'elle ne serait appliquée que pour les détachements futurs.

Depuis 2012, le nombre de personnels de direction et d'administration résidents ou expatriés reste stable, mais le nombre d'enseignants détachés connaît une diminution d'environ 10,3 % pour les expatriés et de 2,2 % pour les résidents . Ainsi, vos rapporteurs spéciaux constatent que l'Agence met progressivement en oeuvre les recommandations renouvelées à plusieurs reprises de la Cour des comptes visant à réduire la proportion d'expatriés au profit des résidents et à valoriser le statut de recruté local. Par ailleurs, il peut être noté que les recrutés locaux dans les EGD sont comptabilisés sous le plafond d'emplois défini en loi de finances depuis 2009. Toutefois, les établissements conventionnés et partenaires, bénéficiant d'un statut de droit local, ne sont pas soumis à la contrainte du plafond d'emplois.

Évolution du personnel enseignant détaché depuis 2012 dans les EGD et établissements conventionnés

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux d'évolution

Expatriés

805

807

802

791

747

722

-10,3 %

Résidents

5 262,7

5 278

5 288,8

5 249,8

5 231,7

5 157,5

-2,0 %

Total

6 067,7

6 085

6 090,8

7 935,6

6 022,7

5 879,5

-1,0 %

Source : AEFE

L'AEFE n'a pas pu transmettre à vos rapporteurs spéciaux l'évolution des effectifs des enseignants de droit local depuis 2012 pour l'ensemble des établissements. En effet, elle a répondu n'avoir que les effectifs de cette catégorie de personnel pour les EGD.

À l'occasion de son audition, la direction financière de l'AEFE a évoqué les raisons suivantes pour justifier l'augmentation continue des dépenses de personnel en dépit d'une réduction des effectifs :

- le glissement vieillisse-technicité (GVT) , accentué par le manque de rotation des enseignants résidents puisque leur contrat est renouvelé par tacite reconduction. D'après la direction des ressources humaines du MEN, près de la moitié des résidents occuperaient leur poste depuis plus de dix ans ;

- la mise en application récente de la réforme « parcours professionnel carrières et rémunérations » (PPCR) ;

- la prise en charge par l'AEFE des pensions civiles des fonctionnaires détachés depuis 2009.

Si ces éléments peuvent justifier une augmentation régulière de la masse salariale, ils peinent à expliquer la hausse de 15,5 % des dépenses de personnel en cinq ans . Au regard de l'importance de ce déterminant pour la soutenabilité budgétaire de l'Agence, vos rapporteurs spéciaux regrettent qu'elle n'ait pas fourni des explications plus détaillées quant à la progression de la masse salariale , en particulier en ce qui concerne la progression des effectifs du siège et la volonté de privilégier le recrutement de titulaires plutôt que des contractuels.

Par conséquent, vos rapporteurs spéciaux estiment indispensable de poursuivre le mouvement de réduction des personnels détachés au profit des recrutés locaux , tout en améliorant leur formation continue afin de ne pas détériorer la qualité de l'enseignement. Si une réforme des statuts des fonctionnaires détachés devait être mise en oeuvre, vos rapporteurs spéciaux préconiseraient d'y introduire des dispositifs limitant le renouvellement du contrat . L'indemnité d'expatriation, telle que définie à l'article 4 du décret n°2002-22 du 4 janvier 2002 est déjà dégressive en fonction de la durée « des services continus dans une même localité d'affectation ». Un dispositif similaire pourrait être introduit pour l'indemnité liée aux conditions de vie locale pour les résidents.

Recommandation n° 1 : poursuivre le mouvement de réduction des personnels détachés au profit des recrutés locaux. Dans le cadre d'une réforme des statuts des fonctionnaires détachés à venir, des dispositifs limitant le renouvellement du détachement pourraient être introduits, à l'image d'une dégressivité de l'indemnité liée aux conditions de vie locale pour les résidents.

3. L'Agence s'est vu imposer des postes supplémentaires de dépenses
a) La prise en charge de la pension civile des fonctionnaires détachés : une nouvelle contrainte sous-compensée

Depuis 2009, l'AEFE prend en charge la pension civile des fonctionnaires civils et militaires détachés au sein de l'opérateur, alors qu'elle en était auparavant exonérée. En 2017, ce poste représente 173,1 millions d'euros, soit 22 % des dépenses de personnel .

Au cours des auditions, cette nouvelle dépense obligatoire de l'AEFE a été présentée à plusieurs reprises à vos rapporteurs spéciaux comme la principale contrainte budgétaire de l'Agence. Toutefois, cette prise en charge des pensions civiles par l'opérateur est une obligation pour l'ensemble des opérateurs de l'État en application de l'article 63 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Pour l'AEFE, l'application de cette mesure relève du décret n° 2007-1796 du 19 décembre 2007 qui abroge l'exonération de la contribution à la pension civile des agents détachés.

L'AEFE a bénéficié d'un dispositif dérogatoire à cette disposition pour 2008 afin de lui laisser un délai suffisant pour provisionner cette nouvelle dépense . En 2009, le ministère du budget indiquait que « la charge supplémentaire induite par le versement de cotisation à compter du 1 er janvier 2009 a été prise en compte dans le budget de l'AEFE par un abondement supplémentaire de la subvention pour charges de service public à hauteur de 120 millions d'euros. (...) Le versement de cotisations retraite est donc neutre pour l'équilibre budgétaire de l'AEFE. Il n'appelle donc ni augmentation des frais de scolarité ni compression de la masse salariale » 7 ( * ) .

Toutefois, la compensation de la prise en charge des pensions civiles n'a pas été revalorisée depuis 2009. L'AEFE estime qu'en 2018, la prise en charge de la pension civile des personnels détachés nécessite d'être financée à hauteur de 51,9 millions d'euros par ses ressources propres 8 ( * ) .

Impact budgétaire de la prise en charge de la pension civile
des personnels détachés

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Coût réel

124,9

131

140,3

148,8

163,3

166,1

168

169,4

173,1

171,9

Compensation intégrée au P185

120

120

120

120

120

120

120

120

120

120

Reste à charge pour l'AEFE

4,9

11

20,3

28,8

43,3

46,1

48

49,4

53,1

51,9

Source : AEFE

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'au regard du coût croissant de la prise en charge des pensions civiles des personnels détachés, la compensation intégrée au montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) doit tenir compte de l'évolution du coût réel de sa participation au « CAS Pensions ».

b) Avec un parc immobilier vieillissant et d'importantes dépenses de sécurisation, les dépenses immobilières de l'AEFE sont contraintes à long terme

En application du décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003 9 ( * ) , l'AEFE a été dotée de compétences immobilières l'autorisant à disposer d'un patrimoine en biens propres, d'engager des opérations immobilières et d'assurer la maîtrise d'ouvrage. Le décret n°2005-551 du 19 mai 2005 10 ( * ) lui a ensuite donné la possibilité de recevoir en dotation les bâtiments des EGD appartenant à l'État. Par conséquent, tous les biens détenus par l'État ont été progressivement placés sous la responsabilité juridique et financière de l'AEFE dans le cadre d'une convention d'utilisation . Ce transfert s'est effectué en plusieurs étapes :

- en 2006 et 2007, l'AEFE a reçu une douzaine de biens en donation ;

- en 2013, de nouveaux transferts ont eu lieu, ce qui a contribué à accroître le bilan financier de l'Agence. La Cour des comptes dans son rapport de 2016 remarque que ces transferts de propriété n'ont donné lieu à aucune subvention complémentaire, si ce n'est pour des opérations ponctuelles de sécurisation des bâtiments (par exemple, une suvention de 4 millions d'euros en 2012 pour les établissements du Sahel).

L'Agence assure la gestion des 108 sites occupés par les établissements en gestion directe, à l'exception de certains EGD franco-allemands qui sont gérés par les autorités locales. Parmi ces 108 sites, 65 sont la propriété de l'État et 43 sont détenus par l'AEFE. Par ailleurs, l'AEFE est propriétaire de 5 sites occupés par des établissements conventionnés. Ces biens ont été mis à disposition de ces établissements dans le cadre de conventions d'occupation précaires (COP), assorties de loyers domaniaux dont le produit s'élève à environ 545 000 euros par an d'après l'AEFE . Enfin, elle utilise en location deux immeubles en France (à Paris et Nantes), dont les baux expireront respectivement en 2021 et 2022.

Le premier schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) en 2010 soulignait l'état vieillissant du parc immobilier : l'âge moyen des bâtiments était de 52 ans, et près des deux tiers d'entre eux présentaient des enjeux fonctionnels ou réglementaires importants . D'après la Cour des comptes, 135,5 millions d'euros de dépenses immobilières (investissements et travaux d'entretien) ont été approuvés par le conseil d'administration de l'AEFE entre 2010 et 2015 . Le SPSI 2016-2020 prévoit un niveau presque identique, à hauteur de 137 millions d'euros .

En revanche, d'ici 2020, les dépenses de sécurisation des bâtiments pourraient s'accroître , notamment pour répondre aux risques terroristes. En 2017, l'AEFE a reçu une dotation de 14,7 millions d'euros prévue en loi de finances initiale, soit plus de 10 % du montant initial du SPSI . Cette subvention a été reconduite avec la loi de finances initiale pour 2018 11 ( * ) . Vos rapporteurs spéciaux observent que ces dépenses pourraient grèver les dépenses immobilières des prochaines années, et suggèrent d'augmenter les moyens humains en charge du suivi de cette question dans les postes diplomatiques.

En ce qui concerne la prochaine programmation pluriannuelle des dépenses immobilières (SPSI 2021-2025), l'Agence indique qu'elle devrait comporter « davantage d'opérations de gros entretien et de pérennisation des investissements antérieurs que d'opérations structurantes », sauf si le périmètre de la responsabilité immobilière de l'Agence devait évoluer. En effet, depuis 2010, « presque tous les EGD auront connu des opérations soit de reconstruction, soit de restructuration lourde visant à apporter des réponses aux situations immobilières les plus problématiques » 12 ( * ) .

Le financement des dépenses immobilières repose sur les avances de l'Agence France Trésor (AFT) et les ressources propres des établissements . En effet, en application de l'article 12 de la loi n°2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 13 ( * ) , et en vigueur jusqu'en 2022, l'AEFE ne peut contracter d'emprunt supérieur à douze mois. Par conséquent, les investissements immobiliers de l'Agence proviennent :

- des ressources propres des établissements , ce qui se traduit le plus souvent par une augmentation pluriannuelle des frais de scolarité afin de programmer de futurs investissements. A titre d'exemple, le lycée français Charles de Gaulle à Londres a augmenté ses frais de scolarité de 78 % entre 2008 et 2015 afin de financer ses futurs travaux. Le SPSI 2016-2020 prévoit d'ailleurs d'augmenter la participation des établissements aux dépenses immobilières ;

- les avances de l'Agence France Trésor (AFT). Cette avance au tirage unique est découpée en plusieurs tranches correspondant chacune à une opération immobilière. La durée de remboursement et le taux d'intérêt sont spécifiques en fonction des caractéristiques de l'opération. Les services centraux de l'AEFE remboursent l'AFT à la date prévue par les échéanciers. Les EGD qui bénéficient de l'avance via l'AEFE remboursent intégralement cette avance à l'AEFE à la date d'achèvement des travaux.

Avances de l'Agence France Trésor depuis 2018

(en euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018*

Avances de l'AFT

9 982 644

6 425 777

0

4 732 002

2 914 421

6 887 459

7 400 000

*inscrite au budget initial.

Source : AEFE, réponse au questionnaire

La direction du budget a communiqué à vos rapporteurs spéciaux l'échéancier de remboursement de l'AEFE au Trésor : d'ici 2028, l'Agence devra rembourser la somme totale de 23,7 millions d'euros , dont 21,6 millions d'euros de capital et 2,1 millions d'euros d'intérêt.

Les avances de l'AFT

Le compte de concours financier retraçant les avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics a été créé par la loi de finances pour 2006. Il retrace l'ensemble des avances du Trésor octroyées afin de répondre à des besoins urgents et de permettre le financement de services ou organismes ne pouvant pas recourir au marché bancaire (tel que l'AEFE depuis 2012). Toutefois, la pratique des avances de l'AFT a été détournée de son but initial et couvre des besoins de trésorerie de plusieurs organismes publics. Le recueil des règles de comptabilité budgétaire de l'Etat, annexé à l'arrêté ministériel du 11 décembre 2015 14 ( * ) , distingue les prêts des avances : les premiers sont accordés pour une durée supérieure à quatre ans, et les secondes pour une durée de deux ans, renouvelable une fois sur autorisation expresse. Ainsi, « un financement par avances récurrent et sans objet précis destiné à couvrir les besoins structurels revient de fait à une facilité financière sans durée réellement déterminée (...). Un tel financement, réalisé sous la forme d'une avance, contrevient à l'article 24 de la LOLF » 15 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat

La Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises la fragilité juridique du recours aux avances de l'AFT en vue de financer des investissements immobiliers. Toutefois, vos rapporteurs spéciaux ont estimé que cette pratique permet de satisfaire les besoins de financement de l'Agence tout en l'encadrant et en bénéficiant de l'expertise de l'AFT . Par ailleurs, l'échéancier de paiement actuel prévoit que les remboursements annuels seraient inférieurs à 1 million d'euros à partir de 2023, ce qui semble être soutenable à long terme.

Remboursement annuel des avances de l'AFT

Source : commission des finances du Sénat

B. FACE À CES NOUVELLES DÉPENSES, L'AUGMENTATION DES RESSOURCES S'EST TRADUITE PAR UNE CONTRIBUTION ACCRUE DES FAMILLES

1. La hausse des frais de scolarité révèle en creux un désengagement progressif de l'État

Les frais de scolarité comprennent les droits relatifs à l'accès à l'enseignement ainsi que des frais annexes (frais de première inscription par exemple). D'après les données transmises par l'AEFE, depuis 2012, le produit total des frais de scolarité des familles scolarisant leurs enfants dans le réseau a augmenté de près de 38 %, en passant de 1,3 milliard d'euros à 1,8 milliard d'euros . Il faut distinguer l'effet prix résultant de la hausse des grilles tarifaires pratiquées, de l'effet volume qui résulte de la croissance du nombre d'élèves scolarisés. En effet, depuis 2012 le nombre d'élèves dans le réseau s'est accru de 11 %, soit dans une moindre proportion par rapport à l'évolution des frais de scolarité.

Par conséquent, les frais de scolarité par élève sont passés de 4 290 euros en 2012 à 5 300 euros en moyenne en 2017, soit une hausse de 23,5 % 16 ( * ) . En détaillant par statut d'établissement, en 2017, les frais de scolarité par élève se sont élevés à :

- 4 905 euros en moyenne dans les établissements en gestion directe ;

- 5 183 euros en moyenne dans les établissements conventionnés ;

- 5 601 euros en moyenne dans les établissements partenaires.

Produit des frais de scolarité, par statut d'établissement, depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Perçus par les EGD

305,9

318,2

335,7

358,3

353,5

355,4

Perçus par les conventionnés

517,3

524,1

587,8

656,7

669,7

680,7

Perçus par les partenaires

523,8

555,3

622,7

737,8

785

817,7

Total

1 347

1 397,6

1 546,2

1 752,8

1 808,2

1 853,8

Note de lecture : pour les conventionnés et les partenaires, il ne s'agit que de montants déclaratifs, l'AEFE ne disposant pas d'informations comptables aussi précises que pour les EGD.

Source : AEFE

Toutefois, si ces montants moyens témoignent d'une tendance à la hausse des frais de scolarité, ils masquent de grandes disparités géographiques, statutaires des établissements, et selon la nationalité des élèves . En effet, les frais de scolarité sont très variables au sein du réseau, de la gratuité dans plusieurs établissements allemands, au montant de 31 000 euros par an au lycée français de New-York 17 ( * ) . De plus, les modalités de détermination des frais de scolarité varient selon le statut de l'établissement :

- pour les EGD, les frais de scolarité sont déterminés par le directeur de l'AEFE, sur proposition de l'établissement ;

- pour les établissements conventionnés et partenaires, les frais de scolarité sont librement fixés.

Enfin, l'AEFE a également indiqué à vos rapporteurs spéciaux que les frais de scolarité pouvaient être modulés en fonction de la nationalité des élèves. Ainsi, les élèves de nationalité française bénéficient de tarifs plus favorables que les autres dans la plupart des établissements. Toutefois, compte tenu des modalités de détermination des frais de scolarité, la modulation selon la nationalité constitue davantage une consigne de l'Agence aux établissements conventionnés et partenaires qu'une obligation.

Montant moyen des frais de scolarité par zone géographique

Source : commission des finances du Sénat

Dans son rapport de 2016, la Cour des comptes avait relevé que les frais de scolarité avaient connu une forte augmentation entre 2008 et 2012, de 37 % pour les EGD, 33 % pour les conventionnés et 34 % pour les établissements partenaires. Ceci s'explique principalement par la mise en place de la prise en charge (PEC) intégrale des frais de scolarité, instaurée en 2007 pour la classe de seconde, puis en 2008 et 2009 pour la première et la terminale, pour être supprimée en 2012. La PEC consistait en la prise en charge intégrale des frais de scolarité par l'État, sans condition de ressources pour les enfants français résidant à l'étranger avec leurs parents à condition d'être immatriculés au consulat et que les frais de scolarité ne soient pas déjà pris en charge par l'employeur. En outre, la Cour relève que si l'augmentation des frais de scolarité a été plus importante pour les EGD que pour les conventionnés ou partenaires, ils restent généralement les établissements les moins onéreux du réseau.

Cette augmentation des frais de scolarité doit être mise en regard de la baisse de la part des crédits publics, composés de la subvention pour charges de service public (SCSP) et de l'aide à la scolarité, dans les recettes de l'AEFE . Ainsi, en 2017, les frais de scolarité assurent 60 % du financement de l'AEFE, contre 52 % en 2012 .

Évolution des dépenses budgétaires en faveur de l'enseignement français
à l'étranger

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Subvention pour charges de service public de l'AEFE*

414,8

421,3

410,7

402,7

387,9

355,8

Aide à la scolarité**

116,6

103,5

106,5

89,5

87,3

99,2

Total crédits budgétaires

531,4

524,8

517,2

492,2

475,2

455

Recettes totales de l'AEFE

1113,3

1166,7

1188,2

1199,8

1201,1

1165,3

Part des crédits budgétaires dans les recettes de l'AEFE

47,7 %

45,0 %

43,5 %

41,0 %

39,6 %

39,0 %

*Action 5 - P185 ** Action 2 - P151

Source : commission des finances, à partir des données transmises par l'AEFE et des documents budgétaires

Les crédits alloués aux bourses scolaires versées aux élèves français à l'étranger, comptabilisés dans l'action 2 du programme 151, ont été réduits de près de 15 % en cinq ans. Néanmoins, cette baisse a été compensée par l'utilisation de la « soulte » de l'AEFE. Cette « soulte » résulte d'un changement de modalité comptable intervenu en 2014 qui a laissé 42 millions d'euros de bourses non consommés. Ces crédits étant spécifiquement dédiés au financement des bourses scolaires, ils constituent depuis lors une dotation spécifique à laquelle l'AEFE peut faire appel. La direction du budget a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que pour inciter l'AEFE à l'utiliser, les crédits dédiés du programme 151 ont été réduits depuis l'exercice 2015. Au 31 décembre 2017, le montant résiduel de cette « soulte » s'établit à 14,5 millions d'euros. Vos rapporteurs spéciaux soulignent que l'extinction prochaine de cette « soulte » doit être anticipée par le responsable de programme P151 afin de ne pas dégrader le financement de l'aide à la scolarité.

Recommandation n° 2 : sanctuariser le montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) allouée à l'AEFE pour les cinq prochaines années, en tenant compte de l'évolution à venir du coût réel de la pension civile des fonctionnaires détachés.

Alors que le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé le 20 mars dernier que la SCSP versée à l'AEFE serait maintenue au niveau de la loi de finances initiale pour 2017 pour les années 2018 et 2019, vos rapporteurs spéciaux estiment que la sanctuarisation du budget de l'Agence doit s'inscrire à plus long terme afin de ne pas accroître les difficultés budgétaires de celle-ci.

Recommandation n° 3 : conformément à l'article L.452-2 du code de l'éducation qui prévoit que l'AEFE veille « à la stabilisation des frais de scolarité », contenir l'inflation des frais de scolarité en gelant la participation des familles au financement du réseau à son niveau actuel, c'est-à-dire 60 %.

2. La mobilisation de ressources supplémentaires est contrainte

Si la recherche de nouvelles ressources semble être indispensable pour assurer la soutenabilité budgétaire de l'AEFE, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que cette perspective était limitée.

Premièrement, l'Agence, en tant qu'opérateur de l'État, ne dispose pas de capacité d'emprunt . En application de l'article 25 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 18 ( * ) , l'AEFE ne peut emprunter pour une durée supérieure à douze mois, ce qui justifie son recours aux avances de l'Agence France Trésor. Plusieurs interlocuteurs auditionnés par vos rapporteurs spéciaux ont défendu l'idée de soustraire l'AEFE du champ d'application de cette disposition en recommandant de modifier la liste des opérateurs qui y sont contraints, fixée par un arrêté du ministre chargé du budget. Toutefois, vos rapporteurs spéciaux ont considéré qu'il n'était pas justifié que l'AEFE fasse l'objet d'un dispositif de gestion des finances publiques dérogatoire par rapport aux autres opérateurs de l'État.

De la même façon, il a été suggéré à vos rapporteurs spéciaux de développer la capacité d'emprunt des établissements en gestion directe (EGD). Cette possibilité permettrait d'éviter aux EGD de devoir augmenter les frais de scolarité pour provisionner des excédents budgétaires en vue de futures dépenses immobilières. Ceci répondrait également à la demande des familles que leurs frais de scolarité financent les investissements de l'établissement qui scolarise leurs enfants. Néanmoins, accroître l'autonomie patrimoniale des EGD nécessiterait de ne plus agréger leurs comptes financiers avec ceux des services centraux et de rompre avec la logique d'apparentement entre les EGD et l'AEFE. Vos rapporteurs spéciaux ont estimé que cette conception patrimoniale des EGD irait à l'encontre de la philosophie de la construction du réseau de l'enseignement français à l'étranger pour laquelle les EGD constituent des « pavillons » de l'éducation à la française à l'étranger.

Deuxièmement, la mobilisation des ressources provenant de la participation financière des établissements au réseau se heurte dans certains pays à des difficultés réglementaires liées au contrôle des flux de capitaux , ce qui génère des tensions sur la trésorerie de l'Agence. D'après les données transmises par l'AEFE, ces difficultés résultent soit d'un contrôle de change strict, soit à l'application de taxes sur les transferts considérés comme des produits imposables par les réglementations fiscales locales. À ce jour, 7 pays sont concernés, affectant 14 établissements pour un montant total de 58,19 millions d'euros non recouvrés par l'AEFE. À titre de comparaison, le reste à charge de l'AEFE pour financer la prise en charge des pensions civiles des fonctionnaires s'élevait à 51,9 millions d'euros en 2017 .

Difficultés de transferts de fonds des établissements vers l'AEFE (en juin 2018)

Pays

Montant en millions d'euros

Observations

Algérie

14,36

Autorisation de transfert par voie de chancellerie à hauteur de 3,6 millions d'euros depuis novembre 2017 pour un an. La dernière demande de transfert de mai 2018 est restée sans réponse.

Maroc

2,79

Autorisation de l'office de changes marocain renouvelée en mai 2018 pour deux ans avec une augmentation du plafond annuel.

Tunisie

18,84

Autorisation de transfert par voie de chancellerie à hauteur de 4,5 millions depuis août 2017, valable un an. Aucune réponse à ce jour aux autres demandes de transfert.

Venezuela

2,99

Autorisation de transfert par voie de chancellerie accordée en février 2018 pour 581 000 euros.

Angola

9,73

Convention avec l'entreprise Total, principal financeur du lycée, permettant un règlement partiel de la participation financière

Brésil

4,71

Fiscalité sur le transfert restant à expertiser. Demande de transfert par voie de chancellerie en cours

Chine

4,77

Fiscalité sur le transfert restant à expertiser. Demande de transfert par voie de chancellerie à initier

Source : AEFE

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a nommé fin 2017 M. Gerrit Van Rossum, ambassadeur, pour accélérer la résolution de ces situations de blocage.

Troisièmement, les financements alternatifs tels que les opérations de mécénat, n'ont pas réussi à pénétrer la culture du réseau de l'enseignement français à l'étranger . Certes, ces opérations permettent d'assurer un financement local aux établissements. Par exemple, il a été indiqué à vos rapporteurs spéciaux que le lycée français Charles de Gaulle organise chaque année des dîners de charité permettant de lever des fonds pour aider certaines familles à s'acquitter du montant des frais de scolarité ou pour apporter un soutien financier ponctuel. Le lycée Winston Churchill a également bénéficié de mécènes privés à hauteur de 3 millions de livres sterling pour financer l'achat de son bâtiment principal en 2015. Néanmoins, les auditions conduites par vos rapporteurs spéciaux ont révélé que la réussite des opérations de mécénat dépendait des spécificités locales ainsi que de la sociologie des familles. Ainsi, il apparaît peu réaliste de fonder

l'amélioration de la soutenabilité budgétaire de l'AEFE sur cette source de financement, même si elle doit être encouragée là où les situations locales le permettent.

C. SI L'ANNULATION D'UNE PARTIE DE LA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC EN 2017 A ENTRAÎNÉ DES ÉCONOMIES À MARCHE FORCÉE, QUELQUES MARGES DE MANoeUVRE BUDGÉTAIRES PERSISTENT

1. L'annulation à hauteur de 33 millions d'euros de la subvention pour charges de service public a accentué les difficultés budgétaires de l'AEFE

Face à l'augmentation continue des dépenses et à des recettes progressant dans une moindre mesure, le résultat de l'AEFE a connu une forte dégradation entre 2011 et 2017 , en passant d'un excédent de 41,6 millions d'euros à un déficit de 54,3 millions d'euros. La croissance ponctuelle du résultat entre 2013 et 2014 résulte d'un changement de méthode comptable dans l'inventaire des bourses qui s'est traduite par une diminution des charges de ce poste pour l'exercice 2014. Pour 2015, la dégradation de 60 % du résultat est liée à une hausse des dépenses des services centraux et à une baisse concomitante des recettes, notamment due à une baisse des subventions de l'État.

Comptes de résultat de l'AEFE depuis 2011

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Produits

1 062,8

1 113,3

1 146,0

1 188,2

1 199,8

1 201,1

1 165,3

Charges

1 021,2

1 071,8

1 110,8

1 115,3

1 170,8

1 207,6

1 219,6

Résultat

41,6

41,5

35,3

72,9

28,9

-6,5

-54,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dégradation du résultat ces dernières années affecte la capacité d'autofinancement (CAF) de l'Agence . Entre 2011 et 2016, la CAF a diminué de 86 %, avec une forte dégradation en 2016. Elle devient négative à partir de 2017. Sa forte augmentation en 2014 résulte des changements de comptabilité précédemment évoqués. Le fonds de roulement net global 19 ( * ) (FRGN) apparaît en croissance continue jusqu'en 2015 (+45 % entre 2011 et 2015), avec une hausse plus importante pour les EGD que pour les services centraux, ce qui permet à l'Agence de sécuriser ses investissements. Toutefois, le FRNG se détériore à partir de 2016 à la suite de la décision prise en novembre 2015 de remontée exceptionnelle d'une partie du fonds de roulement des EGD à hauteur de 25 millions d'euros.

Évolution de la CAF, variation du fonds de roulement,
et du fonds de roulement net global (FRNG)

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018*

CAF

65,5

59,2

54,2

86,8

40,2

9

-36,4

28,2

Variation du fonds de roulement

38,3

23

37,8

49,6

-1,8

-42,8

-87,2

-32,1

Impact variations de change

- 0,9

-0,7

-2,4

4,1

-5,6

-5,6

n.c

FRNG

247,92

271,8

308,9

356,1

358,4

310

217,2

158,8

Dont services centraux

91,9

98,5

110,6

143,1

120,2

104,9

47,4

62,2

Dont EGD

156

173,3

198,3

213

238,2

204,4

169,8

96,6

Jours de fonctionnement

87

93

104

115

114

96

66

48

*en prévisionnel

Source : AEFE

C'est dans ce contexte de situation financière dégradée qu'est intervenue l'annulation à hauteur de 33 millions d'euros d'une partie de la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Agence par le décret d'avance du 20 juillet 2017 . Des ajustements budgétaires et comptables ont été opérés en urgence pour pallier cette baisse de crédits. Ainsi, un plan d'économies a été mis en place, comprenant :

- la réduction du nombre de postes d'enseignants et d'encadrement financés par l'Agence . En 2018, 80 postes d'expatriés et 100 postes d'enseignants résidents seront supprimés dans les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés, et 166 postes devraient disparaître à la rentrée 2019 et 166 à nouveau en 2020 ;

- le relèvement du taux de la contribution versée par les établissements à l'AEFE de 6 % à 9 % (dite « participation forfaitaire complémentaire », PFC) de leurs recettes totales. Pour rappel, cette contribution avait été créée en 2009, avec un taux initial de 3 %, pour permettre à l'Agence d'absorber le transfert du financement des pensions civiles de fonctionnaires 20 ( * ) .

Concernant les suppressions de postes à la rentrée 2018, le cabinet du Ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), M. Le Drian, n'a pas été en mesure de fournir des précisions sur la localisation de ces suppressions à vos rapporteurs spéciaux.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, vos rapporteurs spéciaux avaient déjà dénoncé le fait que « les suppressions de postes d'enseignants et le relèvement de la contribution payée par les établissements risquent de nuire à la qualité de l'enseignement français à l'étranger » 21 ( * ) . Ainsi, vos rapporteurs spéciaux avaient proposé l'adoption d'un amendement visant à augmenter de 30 millions d'euros la SCSP de l'AEFE pour compenser les effets de l'annulation de crédits . Les auditions conduites dans le cadre de ce rapport ont conforté les rapporteurs spéciaux dans le caractère dommageable de cette hausse de la PFC. Le manque de concertation avec les établissements du réseau, imputable certes à l'urgence de la situation, est préjudiciable pour la qualité de leurs relations futures (cf. infra ).

2. Mais elle a toutefois été justifiée par l'existence de quelques marges de manoeuvre budgétaires

L'audition de la direction du budget par vos rapporteurs spéciaux a permis de mettre en évidence de plusieurs marges de manoeuvre budgétaires au sein du réseau de l'enseignement français à l'étranger.

L'annulation d'une partie de la SCSP a été justifiée par la direction du budget par l'existence d'excédents budgétaires au sein des établissements en gestion directe (EGD) . En effet, en application des articles D. 452-19 et D.452-20 du code de l'éducation, les EGD disposent d'un budget propre ainsi que d'un fonds de roulement net global propre, ce qui, selon l'AEFE, ne peut conduire à la « dissolution » du résultat patrimonial propre de chaque établissement. L'annulation de 33 millions d'euros a été fondée sur l'existence de fonds de roulement de l'ensemble des EGD s'élevant à 204 millions d'euros en moyenne en 2016. À l'occasion de son audition, la direction du budget a indiqué ne pas disposer des informations comptables relatives au fonds de roulement de chaque établissement. Par conséquent, l'annulation d'une partie de la SCSP avait notamment pour objectif



d'encourager les services centraux de l'AEFE à ponctionner ces excédents budgétaires
. Or, le choix de l'augmentation du taux de la PFC a mis à contribution l'ensemble des EGD et des établissements conventionnés 22 ( * ) .

Recommandation n° 4 : conduire une réflexion sur la possibilité d'introduire des mécanismes de mutualisation des fonds de roulement entre les EGD et améliorer la comptabilité analytique afin de rendre plus performante la gestion financière de l'ensemble du réseau.

Il peut être noté qu'en dépit de l'annulation d'une partie de la SCSP, l'AEFE devrait disposer de 48 jours de budget de fonctionnement disponibles en moyenne en 2018, la valeur cible pour les organismes publics étant fixée à 45 jours d'après la direction du budget. Ainsi, la ponction des excédents budgétaires a plutôt conduit à une normalisation de la situation de l'Agence en termes de réserves budgétaires, qu'à une réelle fragilisation .

Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement des EGD pourraient faire l'objet d'une optimisation . En 2017, les dépenses de fonctionnement hors personnel se sont élevées à 277,8 millions d'euros, soit 57 % des dépenses totales des EGD. Or, les rapporteurs spéciaux ont pu constater au cours des auditions et notamment de leur déplacement à Londres que les EGD disposaient d'une réelle proximité avec les postes diplomatiques en raison de leur implantation généralement dans les capitales. Ainsi, le conseiller chargé des affaires culturelles et de l'éducation dans chaque ambassade entretient un lien quasi-quotidien avec l'administration des EGD concernant la politique tarifaire, le versement des bourses, l'affectation de personnels détachés, la gestion des locaux de l'établissement, l'agenda culturel de l'ambassade ou toute autre problématique locale. Ce dialogue pourrait constituer la base d'une mutualisation de la politique d'achat des EGD et des implantations diplomatiques.

Recommandation n° 5 : optimiser les dépenses de fonctionnement des EGD en identifiant les fonctions supports qui pourraient faire l'objet d'une mutualisation avec les postes diplomatiques.

Enfin, l'amélioration du contrôle de gestion de l'AEFE permettrait de concourir efficacement à la réalisation d'économies budgétaires sans affecter la qualité de l'enseignement français à l'étranger . Dans un référé transmis au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) le 26 juillet 2017, la Cour des comptes a pointé trois axes d'amélioration du contrôle de gestion :

- améliorer l'architecture budgétaire et comptable de l'Agence pour mieux répondre à l'impératif de fidélité des comptes ;

- régulariser les achats publics en développant un contrôle de gestion efficace. La Cour des comptes a en effet relevé que la fonction de contrôle de gestion n'était devenue clairement identifiable dans l'organigramme des services qu'en 2014 et qu'une dilution des responsabilités en la matière persistait ;

- améliorer le système d'information existant .

L'AEFE a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que des groupes de travail avaient été constitués pour répondre à ces recommandations, sans pour autant aboutir à des résultats approfondis. Vos rapporteurs spéciaux notent toutefois que l'Agence a procédé à une cartographie des risques budgétaires afin d'améliorer le contrôle interne comptable. Elle a ainsi identifié les cinq risques suivants 23 ( * ) :

- non-atteinte des recettes escomptées, notamment en raison des contrôles de flux de capitaux ;

- non-articulation entre les différents systèmes d'information budgétaire ;

- non maîtrise de la masse salariale des services centraux ;

- non soutenabilité budgétaire des projets du schéma pluriannuel de stratégie immobilière ;

- inadéquation entre les impératifs réglementaires et la lisibilité de l'information budgétaire entre services centraux et EGD.

Recommandation n° 6 : poursuivre l'amélioration du contrôle de gestion de l'AEFE, conformément aux recommandations de la Cour des comptes formulées dans l'enquête réalisée en 2016 à la demande de la commission des finances du Sénat.

DEUXIÈME PARTIE
UNE CRISE DE CONFIANCE ENTRE L'AEFE ET CERTAINS ÉTABLISSEMENTS S'EST INSTALLÉE

L'annulation de 33 millions d'euros en juillet 2017, entraînant la hausse du taux de la participation forfaitaire complémentaire (PFC) des établissements, a été facteur de tensions entre les établissements du réseau et l'AEFE. Cet épisode a soulevé des interrogations de la part des établissements et des familles quant à la légitimité et à la transparence des flux financiers entre les services centraux et les établissements . En effet, l'homologation de l'établissement induit une participation financière de celui-ci au réseau, en échange d'une contribution de l'AEFE. Par conséquent, il est possible d'établir un examen coûts-bénéfices de la participation de chaque établissement au réseau . Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux ont estimé que cet exercice d'analyse était complexe à mener en raison de l'imprévisibilité des montants et d'une certaine opacité dans le processus décisionnel déterminant le solde de l'aide nette de l'AEFE aux établissements.

I. LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS CONSTITUE LA POMME DE DISCORDE DANS LEUR RELATION AVEC L'AGENCE

A. LES MODALITÉS DE PARTICIPATION DES ÉTABLISSEMENTS AU FINANCEMENT DU RÉSEAU SONT VARIABLES SELON LE STATUT DE L'ÉTABLISSEMENT

Les établissements du réseau versent chaque année aux services centraux deux types de contributions financières :

- les contributions assises sur la rémunération des personnels : si l'AEFE prend en charge le traitement des personnels expatriés, et une partie de celui des personnels résidents, les établissements participent également à la rémunération des résidents (la PRR - participation à la rémunération des résidents), et financent les rémunérations accessoires des personnels détachés définies à l'article 4 du décret n° 2002-22 (les heures supplémentaires années (HSA), les heures supplémentaires effectives (HSE), l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), l'indemnité de jury et d'examen (IJE), etc.). Cette participation des établissements correspond à la contrepartie du fait de pouvoir disposer de personnels titulaires, essentiellement issus de l'éducation nationale ;

- les contributions assises sur les droits de scolarité , c'est-à-dire la participation forfaitaire complémentaire (PFC), initialement instaurée pour financer la prise en charge des pensions civiles des fonctionnaires détachés et dont le taux est passé à de 6 à 9 %. Le taux de 9 % est appliqué au montant des droits de scolarité annuels perçus par l'établissement obtenu après un abattement de 6 % appliqué sur ce montant. D'après l'AEFE, cet abattement permet de prendre en considération les exonérations possibles sur les droits de scolarité de certaines familles, qui constituent déjà une charge pour l'établissement, telles que les exonérations dont peuvent bénéficier les personnels de l'établissement ou les familles nombreuses par exemple.

La participation à la rémunération des résidents (PRR)

La PRR se décompose en deux parties, dont le cumul correspond à la « remontée PRR » de l'établissement vers l'AEFE :

- la participation au traitement : à ce jour, d'après l'AEFE, elle est calculée sur la base des éléments de rémunération des résidents hors pensions civiles, soit 75 % du traitement indiciaire environ. Ce périmètre comprend le traitement indiciaire, l'avantage familial, l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), et les cotisations sociales. Un taux propre à chaque établissement est appliqué pour déterminer le montant de cette composante. Toutefois, chaque poste de résident fait l'objet d'un calcul individuel : par défaut, un résident est financé via une prise en charge partagée dite « au coût participatif » et se voit attribuer le taux de prise en charge de l'établissement. Selon la situation financière des établissements, certains postes de résidents peuvent être pris en charge « au coût complet », c'est-à-dire à 100 % par l'établissement scolaire, ou « au coût nul » ;

- l'indemnité spécifique de vie locale (ISVL) : elle est intégralement financée par l'établissement.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par l'AEFE

Ces deux types de contribution ne sont pas versés par tous les établissements du réseau. D'après les exemples de conventions et d'accords de partenariats examinés par vos rapporteurs spéciaux, il apparaît que :

- les établissements en gestion directe (EGD) et les établissements conventionnés participent à la rémunération des résidents via la PRR, et des détachés de manière générale via les accessoires de rémunération . Ils versent également la PFC au taux de 9 %, à l'exception de quelques établissements conventionnés qui continuent de bénéficier d'un taux à 6 % 24 ( * ) . Cette dérogation n'a pas été justifiée auprès de vos rapporteurs spéciaux ;

- les établissements conventionnés versent en sus une participation à hauteur de 1 % de la masse salariale au titre de sa contribution au dispositif de mutualisation de la formation des personnels 25 ( * ) ;

- les établissements partenaires ne versent pas la PRR car ils ne disposent pas de personnels détachés, ni la PFC, mais ils contribuent à hauteur de 1 ou 2 % des frais de scolarité , selon les dispositions de leur accord de partenariat, au dispositif de mutualisation de la formation des personnels.

Ainsi, le degré d'autonomie des établissements par rapport à l'AEFE détermine leurs modalités de participation financière au réseau.

B. LE MANQUE DE VISIBILITÉ PLURIANNUELLE SUR LES MONTANTS DE LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DES ÉTABLISSEMENTS ALIMENTE LES CRISPATIONS

Concernant les établissements conventionnés, l'article 12 de la convention type prévoit que « la contribution globale de l'organisme gestionnaire aux charges de l'AEFE est déterminée chaque année et fait l'objet d'un accord écrit entre les parties ». Or, les auditions menées par vos rapporteurs spéciaux ont fait état des carences du dialogue entre les établissements et l'AEFE pour mener à bien la réévaluation annuelle de la participation financière de l'établissement. Les interlocuteurs rencontrés ont dénoncé ce manque de concertation et l'ont identifié comme un frein au développement des établissements car cela fragiliserait la programmation budgétaire pluriannuelle élaborée par les comités de gestion des établissements conventionnés.

À ce titre, la récente augmentation du taux de la PFC de 6 % à 9 % a entraîné une vague de contestation de la part des comités de gestion . En effet, la décision a été actée lors du conseil d'administration de l'AEFE en novembre 2017 et a pris effet dès le 1 er janvier 2018. Or, les établissements ayant des budgets déterminés par année scolaire, il leur a été délicat d'absorber à court terme la hausse du taux de PFC. Lors du conseil d'administration du 27 novembre 2017, plusieurs membres ont dénoncé la brutalité de cette décision, à l'image de la Fapée 26 ( * ) qui représente plus de la moitié des comités de gestion du réseau : « la hausse de 50 % de la PFC va entraîner des hausses de frais de scolarité mettant en difficulté de nombreuses familles. Mais plus encore, cette décision unilatérale communiquée sans concertation préalable remet en cause la confiance même que les comités de gestion peuvent avoir dans la qualité du partenariat avec l'Agence » 27 ( * ) . Les lycées de Singapour et de Munich auraient décidé de ne pas verser la PFC au taux de 9 % et de reporter à l'été 2018 l'examen de cette décision.

Le montant de la PRR peut également connaître des réévaluations annuelles. L'AEFE a précisé que ces réévaluations tenaient compte de la situation financière des établissements. Les interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs spéciaux lors des visites d'établissements ont indiqué que le taux de PRR était fixé pour chaque poste de résident individuellement, et non pour l'ensemble des résidents de l'établissement. Ceci présente un double inconvénient pour la gestion budgétaire pluriannuelle : d'une part, le calcul de la participation des établissements en est grandement complexifié ; d'autre part, le montant de la PRR ne varie pas proportionnellement au nombre de résidents exerçant dans l'établissement.

Le montant de la participation financière des établissements est davantage source de tensions avec l'AEFE pour les établissements conventionnés. En effet, les établissements partenaires versent une contribution marginale, et les budgets de ces établissements en gestion directe (EGD) sont agrégés avec celui des services centraux et leurs frais de scolarité sont fixés par l'AEFE. Par conséquent, il a semblé à vos rapporteurs spéciaux que les crispations autour du montant de la participation financière interrogeaient plus largement les limites du statut d'établissement conventionné , ce qui explique que plusieurs d'entre eux conduisent actuellement une réflexion pour envisager de basculer vers le statut d'établissement partenaire, à l'image du lycée français de Zurich.

Le lycée français de Zurich (LZF) : un conventionnement au bord de la rupture

Le LFZ a été fondé en 1956 et accueille aujourd'hui environ 1000 élèves, de la maternelle à la terminale. Établissement conventionné, il est géré par un comité de gestion composé de 9 membres élus en assemblée générale par l'association du LFZ à laquelle appartiennent tous les parents dont les enfants sont scolarisés dans cet établissement. Le comité comprend également trois membres avec voix consultative : le proviseur, le consul général de France à Zurich et le conseiller culturel auprès de l'ambassade de France à Berne.

Les désaccords entre l'établissement et l'AEFE ont émergé à l'occasion de la proposition de signature de la nouvelle convention type. En effet, en 2016, le conseil d'administration de l'AEFE a adopté une nouvelle mouture de la convention pour les établissements conventionnés. D'après l'AEFE, cette nouvelle convention type permet de prévoir des dispositions particulières pour chaque établissement en termes de délégations de signature, et de prévoir des clauses spécifiques pour la formation continue. La durée de la convention passe d'un an à cinq ans avec la nouvelle convention, et le délai de préavis pour y mettre un terme s'allonge de six mois à un an. À noter qu'en juin 2018, 49 % des établissements conventionnés ont déjà adopté la nouvelle convention. Le comité de gestion du LFZ a souhaité inscrire dans la nouvelle convention des clauses spécifiques qui n'ont pas été accordées par l'AEFE parmi lesquelles on trouve :

- la garantie du taux de PFC, cette volonté s'étant accrue avec le passage de 6 à 9 % à partir du 1 er janvier 2018 ;

- la garantie d'être consulté avant tout changement de taux ou d'assiette de la PFC ;

- inscrire dans la convention une liste exhaustive des contributions financières à verser aux services centraux ;

- la garantie de non rétroactivité des appels à contribution ;

- une garantie de non restitution des subventions versées en cas de cessation de la convention ;

- la garantie du nombre de personnels détachés mis à dispositif et du taux de PRR.

L'AEFE et le comité de gestion ont entamé un dialogue depuis la fin de l'année 2016, sans parvenir à un compromis. L'AEFE a proposé au comité de gestion de conserver l'actuel modèle de convention en vigueur, sans que cette voie de résolution n'épuise les demandes du comité de gestion. Ce dernier envisage donc de se déconventionner, et de basculer vers le statut d'établissement partenaire. Ce statut ne permettant pas de bénéficier de personnels détachés, le comité de gestion propose aux expatriés et résidents de démissionner et de les réemployer sous contrat de droit local. Or, les personnels de droit local sont mieux rémunérés que les personnels détachés en raison du niveau de vie local plus élevé (l'écart entre les rémunérations des enseignants étant d'environ 30 %). Le LFZ compte actuellement 15 enseignants résidents pour 73 enseignants au total.

Le comité de gestion estime que la différence entre le versement de la PFC à hauteur de 9 % des frais de scolarité et la contribution à 2 % prévue pour les établissements partenaires permettrait d'économiser environ 1 million de francs suisses par an. L'argument principal du comité de gestion repose sur une « incertitude » de l'évolution de la participation financière requise par le statut de conventionné.

Le comité de gestion de l'établissement prévoyait l'organisation d'une consultation des parents d'élèves pour valider sa stratégie de négociation avec l'AEFE en vue d'un déconventionnement. Cependant, à quelques jours du vote électronique initialement prévu en juin 2018, le comité de gestion a repoussé la consultation à une date ultérieure.

Source : commission des finances du Sénat

Toutefois, le comité de gestion du LFZ a reconnu à vos rapporteurs spéciaux que le déconventionnement était en réalité neutre sur le plan financier étant donné que l'établissement devrait intégralement prendre en charge les dépenses de personnel s'il devenait un établissement partenaire.

Vos rapporteurs spéciaux ont constaté que les parties prenantes au dialogue sont très divisées sur les conséquences du déconventionnement . Le proviseur, bénéficiant actuellement du statut d'expatrié, serait recruté localement par le comité de gestion, ce qui inquiète certains parents et enseignants qui souhaiteraient conserver une hiérarchie pédagogique indépendante du comité de gestion en charge des questions financières. Les familles semblent divisées entre celles qui souhaitent conserver un lien fort avec la politique menée par le ministère de l'éducation nationale, et celles qui voudraient une plus grande liberté pédagogique. Enfin, les enseignants rencontrés par vos rapporteurs spéciaux ont plutôt témoigné d'un attachement à l'éducation nationale et ont fait part de leur scepticisme quant à leur emploi sous contrat de droit local.

L'exemple du LFZ témoigne des difficultés du dialogue entre l'AEFE et certains établissements . Vos rapporteurs spéciaux ont pu constater qu'au cours des négociations, l'AEFE avait peiné à faire preuve de pédagogie sur les avantages du statut de conventionné face aux arguments du comité de gestion. Cette situation souligne enfin les limites du statut de conventionné pour les établissements qui disposent de réserves budgétaires, et qui souhaitent accroître leur capacité d'accueil des élèves et s'autonomiser par rapport à l'AEFE. Cependant, la tentation du déconventionnement demeure limitée à quelques établissements similaires au LFZ, comme celui de Singapour ou de Calgary.

II. LE PROCESSUS DÉCISIONNEL DÉTERMINANT LA CONTRIBUTION DE L'AEFE AUX ÉTABLISSEMENTS RESTE OPAQUE, ET NE RÉPOND PAS À DES ORIENTATIONS POLITIQUES CLAIREMENT IDENTIFIÉES

L'aide nette de l'AEFE aux établissements correspond à la différence entre la participation financière de ces derniers au réseau et la contribution annuelle de l'AEFE dont ils bénéficient. Par conséquent, le montant de l'aide nette dépend :

- du versement de la PFC pour les EGD et les établissements conventionnés ;

- de la répartition de la prise en charge de la rémunération des personnels détachés entre les établissements et l'AEFE. Si les personnels expatriés sont rémunérés par l'AEFE, la rémunération des résidents fait l'objet d'une négociation via la PRR. Par conséquent, le nombre de personnels détachés d'un établissement constitue une variable importante du montant de l'aide nette de l'AEFE ;

- du versement de la contribution au dispositif de mutualisation de la formation des personnels pour les conventionnés et les partenaires ;

- du versement de subventions ponctuelles par l'AEFE aux établissements (dépenses de sécurisation, de formation, prestations de conseil pédagogique ou financier, etc.).

A. LES PROCESSUS DÉCISIONNELS DIFFÈRENT SELON LES COMPOSANTES DE L'AIDE NETTE DE L'AEFE AUX ÉTABLISSEMENTS

L'aide nette de l'AEFE aux établissements ne fait pas l'objet d'une évaluation globale : c'est l'agrégation de ses différentes composantes, dont les modalités de fixation diffèrent, qui en détermine le montant .

1. Le nombre de personnels détachés par établissement, facteur prépondérant dans le montant de l'aide nette, est décorrélé du nombre d'élèves scolarisés

La direction des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que l'AEFE exprimait chaque année ses besoins en termes d'enseignants à détacher, puis elle se charge de les affecter dans les établissements en gestion directe (EGD) et les établissements conventionnés. D'après l'AEFE, l'affectation des personnels détachés dépend de l'analyse qualitative de besoins exprimés par les établissements.

Ainsi, le nombre d'élèves à encadrer n'est pas un critère déterminant dans l'affectation de personnels détachés . D'ailleurs, le taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre d'élèves par personnel détaché, est très variable selon les zones géographiques. À partir des réponses fournies par l'AEFE aux questionnaires de vos rapporteurs spéciaux, il a été possible de calculer les taux d'encadrement suivants en 2017 :

- 1 détaché pour 36 élèves en Europe ;

- 1 détaché pour 51 élèves en Afrique ;

- 1 détaché pour 61 élèves en Amérique du Nord et en Amérique du Sud ;

- 1 détaché pour 103 élèves en Asie ;

- 1 détaché pour 44 élèves au Maghreb et dans l'océan indien 28 ( * ) .

La situation du lycée français de Zurich a apporté à vos rapporteurs spéciaux un exemple de la négociation liée à l'affectation de personnels détachés. Alors que les effectifs scolarisés ont augmenté de 36 % depuis 2013, soit 266 élèves en plus, le nombre d'enseignants résidents a été maintenu à 15, et une suppression de poste est même prévue pour la rentrée prochaine.

Les associations de parents d'élèves rencontrées par vos rapporteurs spéciaux ont témoigné de leur inquiétude quant à l'absence d'une valeur cible du taux d'encadrement des élèves , considérant qu'un nombre plafond de personnels détachés permet de garantir l'excellence académique de l'établissement. De plus, les disparités du taux d'encadrement concourt à l'hétérogénéité du réseau, tant en termes pédagogiques qu'en termes de participation financière des établissements, même parmi les établissements bénéficiant du même statut.

Recommandation n° 7 : établir un ratio plancher d'enseignants détachés par nombre d'élèves, pour les EGD et les établissements conventionnés, par le conseil d'administration, sur proposition du ministère de tutelle et après avis du ministère de l'éducation nationale.

2. La participation à la rémunération des résidents (PRR) est fixée par l'Agence selon une appréciation au cas par cas

En réponse au questionnaire transmis par les rapporteurs spéciaux, l'AEFE a indiqué que « la PRR et la PFC font l'objet de décisions adressées aux établissements par l'AEFE sans négociation préalablement formalisée avec les établissements ». Le calcul de la PRR par établissement dépend du nombre de résidents dont il bénéficie ainsi que du taux appliqué à l'établissement, pour chaque poste de résident. Ce taux est fixé par l'AEFE et peut faire l'objet d'une réévaluation annuelle, selon la situation financière des établissements. L'AEFE a précisé à vos rapporteurs spéciaux que si l'évolution de la PRR était supérieure à 5 points de pourcentage, alors elle faisait l'objet d'une délibération du conseil d'administration. En deçà, l'évolution de la PRR est décidée unilatéralement par les services centraux.

Par conséquent, le taux de PRR de chaque établissement n'est pas examiné par le conseil d'administration dans le cadre du vote du budget initial chaque année 29 ( * ) . À l'occasion du conseil d'administration du 29 mars 2018, le taux de « remontée » des établissements au titre de la PRR a été communiqué aux membres du conseil d'administration sur demande de l'Assemblée des français de l'étranger (AFE). Ces informations font état de taux de PRR moyens variables selon les régions : 41 % en moyenne en Afrique, 48 % pour l'Amérique du nord et l'Amérique du sud, 59 % pour l'Asie et le Moyen-Orient, 46 % pour l'Europe et 48 % pour le Maghreb (et océan indien). Au sein de ces zones géographiques, des établissements de même statut présentent des taux éloignés. Par exemple, le lycée français de Madrid se voit appliquer un taux de PRR de 39 %, et le lycée français Charles de Gaulle à Londres un taux de PRR de 57 %, alors qu'il s'agit de deux EGD emblématiques du réseau, scolarisant respectivement 3 600 et 2 900 élèves.

L'AEFE justifie que l'application de taux de PRR diffère par la nécessité de s'adapter à la situation financière individuelle de chaque établissement . La PRR constitue une variable d'ajustement de la contribution financière de l'établissement au réseau , et donc en miroir, de l'aide nette de l'AEFE. Elle peut être ajustée pour accompagner les établissements dans la conduite de leur projet immobilier par exemple 30 ( * ) .

Si vos rapporteurs spéciaux estiment que le principe selon lequel la situation financière de chaque établissement doit être prise en compte dans le calcul de la participation à la rémunération des résidents (PRR) est justifié, pour autant la nécessité d'établir des critères objectifs de variation de la PRR paraît incontournable, dans un souci de transparence et d'équité entre les établissements . De plus, étant donné que les relations financières entre l'Agence et les établissements sont à l'origine de tensions permanentes, établir des lignes directrices claires dans les variations de la PRR serait facteur d'apaisement, permettrait de construire un dialogue de meilleure qualité entre l'ensemble des parties prenantes, et constituerait les bases d'une vision stratégique pour la gestion des ressources humaines à l'échelle de l'ensemble du réseau.

Recommandation n° 8 : établir et formaliser des critères objectifs pour justifier les variations de la participation à la rémunération des résidents.

3. Les subventions ponctuelles font l'objet d'une information du Conseil d'administration

En réponse au questionnaire de vos rapporteurs spéciaux, l'AEFE a indiqué que diverses subventions étaient versées aux établissements du réseau, telles que des subventions en soutien à des projets immobiliers, liés à la sécurisation des bâtiments, pour la formation des personnels, les actions FLAM (cf. infra ). L'AEFE n'a pas fourni de liste exhaustive de ces subventions, et, quant aux critères d'attribution, la réponse écrite transmise n'a fait état que de principes généraux :

« Les critères d'attributions sont divers selon les dispositifs de subvention :

-  sur les subventions hors sécurité, les critères sont liés : aux engagements pris par l'Agence vis-à-vis de l'État allemand en termes de participation au financement des établissements en gestion directe franco-allemand (Berlin et Munich), et aux engagements pris par l'Agence relatifs à la participation financière aux opérations immobilières (lycée français de Sydney, lycée franco-costaricien, lycée Rochambeau de Washington) ;

-  sur les subventions aux conventionnés et partenaires au titre de la sécurité sont pris en compte les critères suivants : présence de l'établissement (...) dans les pays identifiés « à risques » et selon la situation financière de l'établissement ;

-  sur les autres subventions, les critères s'apprécient sur la base du contenu des actions financées, des orientations de l'Agence et de la capacité des établissements à les financer ».

Par ailleurs, si certaines subventions font l'objet d'une délibération en conseil d'administration, essentiellement celles visant à soutenir des projets immobiliers 31 ( * ) , la plupart sont attribuées par l'Agence sans information des membres du conseil d'administration. Cette situation n'est pas satisfaisante selon vos rapporteurs spéciaux qui déplorent que ces éléments ne fassent pas, a minima, l'objet d'une information annuelle auprès des membres du Conseil d'administration. Plusieurs interlocuteurs auditionnés ont relayé leur mécontentement quant au manque de transparence dans l'attribution de ces subventions ponctuelles.

Recommandation n° 9 : établir et publier chaque année, après délibération du conseil d'administration, les critères objectifs d'attribution de subventions pour les projets immobiliers, dépenses de sécurisation, ou toute autre subvention ponctuelle versée aux établissements du réseau.

B. TRÈS VARIABLE SELON LES ÉTABLISSEMENTS, LE MONTANT DE L'AIDE NETTE NE RÉPOND PAS À DES ORIENTATIONS POLITIQUES CLAIREMENT IDENTIFIÉES

Le solde entre la participation financière des établissements au réseau et la contribution versée par l'AEFE chaque année permet de calculer l'aide nette de cette dernière, ce qui fournit selon vos rapporteurs un indicateur des orientations géographiques de l'AEFE.

Au cours des auditions menées par vos rapporteurs spéciaux, il est apparu que l'AEFE rencontrait des difficultés pour apporter la preuve de l'intérêt financier des établissements à intégrer et participer au réseau ( cf. supra l'exemple du lycée français de Zurich). Or, l'examen de l'aide nette de l'AEFE pour chaque établissement révèle qu'elle est toujours positive, quel que soit le statut et la zone géographique de l'établissement. Par conséquent, dans un souci de transparence, vos rapporteurs spéciaux ont décidé de faire figurer en annexe de ce rapport le montant de l'aide nette de l'AEFE pour tous les établissements du réseau en 2017 .

Recommandation n° 10 : publier chaque année, après délibération du conseil d'administration de l'AEFE, le montant de l'aide nette de l'Agence par établissement au cours de l'exercice écoulé.

Un examen de l'aide nette de l'AEFE par zone géographique, tous statuts d'établissements confondus, met en évidence de grandes disparités dans les montants . Ainsi, l'Europe concentre 28 % de l'aide nette de l'AEFE en 2017, alors que seulement 21 % des élèves du réseau y sont scolarisés. Le Maghreb est le deuxième bénéficiaire avec un montant de 83,9 millions d'euros, puis l'Afrique avec un montant de 74,9 millions d'euros, et enfin les Amériques et l'Asie avec respectivement 58,6 millions d'euros et 56,7 millions d'euros. Toutefois, ramenée au nombre d'élèves, l'aide nette - avec bourses - varie entre 763 euros pour l'Asie et le Moyen-Orient et 2 023 euros pour l'Afrique.

Aide nette par élève par secteur géographique en 2017

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'AEFE

L'étude de ces données permet de mettre en évidence les deux principales variables déterminant l'aide nette de l'Agence par élève dans chaque zone géographique :

- le nombre d'élèves et la part d'élèves français qui influencent le montant de l'aide à la scolarité (bourses) versées par l'AEFE . Ainsi, l'Asie et les Amériques bénéficient d'un montant d'aide nette hors bourses comparable, mais le nombre d'élèves scolarisés en Asie est 1,7 fois plus important, et la part d'élèves français y est moindre (27 % en Asie et Moyen-Orient, contre 32 % pour les Amériques) ;

- le nombre d'établissements en gestion directe (EGD) et conventionnés. Ces établissements bénéficiant de personnels détachés, contrairement aux établissements partenaires, le coût net des dépenses de personnel pour l'AEFE y est élevé.

Ainsi, le montant élevé de l'aide nette par élève en Afrique s'explique, d'une part, par le fait que la moitié de ses établissements sont des EGD ou des conventionnés (36 sur 75 établissements), le coût net de personnel détachés pour l'AEFE y représente 77 millions d'euros, dont près de 42 millions d'euros pour les seuls expatriés. D'autre part, il s'agit de la zone géographique avec le plus faible nombre d'élèves scolarisés, ce qui augmente le ratio de l'aide nette par élève.

Aide nette de l'AEFE par secteur géographique en 2017

(en euros)

Secteurs géographiques

Aide nette hors bourses

Aide nette hors bourses / élève

Aide nette avec bourses

Aide nette avec bourses / élève

Afrique

74 928 114

1 633

92 792 142

2 023

Amériques

58 673 800

1 029

83 856 382

1 471

Asie / Moyen-Orient

56 797 405

576

75 302 841

763

Europe

110 094 712

1 471

131 447 234

1 757

Maghreb / Océanie

83 933 697

1 142

101 790 339

1 385

Total

384 427 728

1 099

485 188 938

1 387

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par l'AEFE

En comptant l'aide à la scolarité, en moyenne en 2017 , le coût d'un élève scolarisé dans un établissement du réseau de l'enseignement français à l'étranger s'élève à 1 387 euros pour l'AEFE. Toutefois, pour refléter davantage la réalité, il ne faudrait prendre en compte que les EGD et les établissements conventionnés puisqu'ils sont les seuls à bénéficier de personnels détachés, et que par conséquent, ils concentrent la majorité de l'aide nette du réseau. En restreignant le périmètre de calcul à ces établissements, le coût moyen d'un élève scolarisé s'élève à 2 210 euros par an. À titre de comparaison, la dépense moyenne du ministère de l'éducation nationale par élève s'élevait en 2016 à 8 400 euros environ 32 ( * ) , soit 3,8 fois plus .

Pour vos rapporteurs spéciaux, l'étude de la cartographie de l'aide nette de l'AEFE permet avant tout de conclure à l'absence d'orientation stratégique claire dans la conduite du développement du réseau. En effet, les montants de l'aide nette par pays ou zone géographique résultent de l'agrégation des situations financières individuelles des établissements et du contexte historique qui a déterminé le statut des établissements, et non de la mise en oeuvre de priorités diplomatiques du ministère de tutelle.

Le pilotage du réseau de l'enseignement français à l'étranger est complexe en raison de sa double ambition, celle relevant de sa mission de service public pour les Français établis hors de France, et celle relative à la diplomatie d'influence. Or, pour vos rapporteurs spéciaux, l'examen des montants de l'aide nette par établissement et par pays révèle à la fois une hétérogénéité dans l'accomplissement de la mission de service public, et une gouvernance de la politique d'influence sans axes stratégiques affirmés de la part du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Ce constat, partagé par la majorité des acteurs auditionnés, constitue pour vos rapporteurs spéciaux une carence majeure dans le pilotage budgétaire et opérationnel de l'Agence qui gagnerait à recevoir des orientations politiques mieux définies pour accompagner son développement.

TROISIÈME PARTIE
LES OBJECTIFS AMBITIEUX DE CROISSANCE DU RÉSEAU REQUIÈRENT DES ADAPTATIONS

Le Président de la République, Emmanuel Macron, a dévoilé les contours de sa stratégie pour la langue française lors d'un discours prononcé le 20 mars dernier à l'Institut de France. Le soutien à la francophonie, vecteur de la diplomatie culturelle de la France, est certes l'un des enjeux de l'enseignement français à l'étranger, mais il ne constitue pas le coeur des travaux de contrôle de vos rapporteurs spéciaux qui ont souhaité se concentrer sur la soutenabilité budgétaire et l'organisation financière du réseau d'établissements. Néanmoins, les annonces du Président de la République ont désigné le développement futur du réseau comme la clé de voûte du soutien à la langue française : « La France dispose aujourd'hui de 500 établissements dans le monde accueillant 350 000 élèves. C'est la colonne vertébrale de notre offre d'enseignement à travers le monde. Il sera consolidé, dynamisé pour garantir sa pérennité et répondre à la demande croissante (...). Nous allons aussi développer les établissements partenaires avec l'objectif de doubler le nombre d'élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d'ici à 2025 » 33 ( * ) .

L'annonce de l'objectif du doublement du nombre d'élèves scolarisés à moyen terme est intervenue peu de temps après l'annulation de 33 millions d'euros de la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'AEFE, ce qui a interrogé vos rapporteurs spéciaux sur la faisabilité de cet objectif, et les moyens budgétaires à mobiliser pour le satisfaire.

I. LA CROISSANCE DU RÉSEAU DEVRAIT ESSENTIELLEMENT REPOSER SUR SON ATTRACTIVITÉ AUPRÈS DES ÉLÈVES ÉTRANGERS

A. LA CROISSANCE DES EFFECTIFS REFLÈTE UNE ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS POUR LES ÉLÈVES ÉTRANGERS, ET MOINS POUR LES FRANÇAIS EXPATRIÉS

La croissance des effectifs ces dernières années se caractérise par :

- l'attractivité du réseau principalement pour les élèves étrangers plutôt que pour les élèves français de l'étranger ;

- le fait que l'augmentation des effectifs est surtout observable dans les établissements partenaires .

Ainsi, en 2018, les élèves français représentent 36 % des élèves scolarisés au sein du réseau, contre 37 % en 2016 , et ils constituent la majorité des élèves uniquement en Europe. Depuis 2016, 13 793 élèves supplémentaires se sont inscrits dans les établissements du réseau, soit une hausse d'environ 4 %. Dans le même temps, on ne compterait que 820 élèves français supplémentaires.

Part des élèves français selon les zones géographiques en 2018

Nationalité française

Autres nationalités

Total

Part des élèves français

Afrique

19 118

27 449

46 567

41,1 %

Amériques

21 882

43 587

65 469

33,4 %

Maghreb et océan indien

27 033

69 987

97 020

27,9 %

Asie et Moyen-Orient

18 644

47 940

66 584

28,0 %

Europe

39 072

35 057

74 129

52,7 %

Total

125 749

125 749

349 769

36,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'AEFE

En ce qui concerne les établissements partenaires, ces derniers enregistrent une hausse de leurs effectifs d'environ 19,37 % depuis 2012 .

Évolution du nombre d'élèves scolarisés par type d'établissement depuis 2012

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Établissements en gestion directe

70 182

70 975

71 636

71 932

72 434

72 446

Établissements conventionnés

121 487

123 919

126 895

128 792

129 615

131 329

Établissements partenaires

122 305

122 552

129 202

133 103

138 477

145 994

Total

313 974

317 446

327 733

333 827

340 526

349 769

Source : commission des finances, d'après les données transmises par l'AEFE

L'évolution des attentes des familles expatriées explique en partie la faible croissance du nombre d'élèves français scolarisés au sein du réseau . Au cours de son audition, la direction de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau du MEAE a présenté les évolutions récentes des flux d'expatriation des Français à l'étranger. En raison d'une conjoncture économique dégradée depuis la fin des années 2000, les entreprises françaises choisissent de moins en moins de recruter des expatriés au profit des viviers de recrutement locaux, dont les rémunérations sont moins élevées. De plus, elles ne prennent presque plus en charge les frais de scolarité des Français expatriés, ce qui avait pu avoir un effet inflationniste sur leurs montants par le passé. Enfin, l'AEFE et son ministère de tutelle, ainsi que la MLF ont relevé au cours de leurs auditions que désormais la durée d'expatriation des Français à l'étranger s'allongeait. L'expatriation s'apparente de plus en plus à un choix de vie familial sur le long terme, plutôt qu'une succession de mutations à l'étranger pour des contrats à durée déterminée.

Cette dernière évolution de l'expatriation française explique que les familles se tournent davantage que par le passé vers les systèmes éducatifs locaux. En s'installant dans un pays au long-terme, les parents souhaitent que leurs enfants assimilent la culture locale, alors que l'attractivité du réseau de l'enseignement français à l'étranger repose en partie sur la continuité qu'il offre avec le système scolaire de l'hexagone. De plus, ce constat se double de celui d'une perte d'attractivité du baccalauréat français à l'étranger , relayée par l'ensemble des auditionnés, qui serait concurrencé par le « baccalauréat international » (BI).

Si cet état des lieux fait consensus parmi les personnes auditionnées, vos rapporteurs spéciaux se sont heurtés à une double difficulté. Premièrement, peu d'éléments statistiques permettant d'étayer ces constats ont été portés à leur connaissance, notamment en raison du fait qu'il est délicat d'établir une analyse prospective de l'expatriation française. En effet, ses flux peuvent connaître des évolutions imprévisibles, à l'image du Brexit . Deuxièmement, la part des élèves français dans le réseau de l'AEFE ne s'élevant plus, en 2018, qu'à 36 % environ des élèves scolarisés, la satisfaction des besoins de la population expatriée perd de son importance au regard des priorités diplomatiques .

Par ailleurs, la croissance des effectifs dans les établissements partenaires s'explique par deux éléments. Premièrement, le nombre d'établissements en gestion directe et conventionnés évolue peu depuis une dizaine d'années, les nouveaux établissements sont principalement des établissements partenaires. Deuxièmement, le statut d'établissement partenaire, en se limitant aux questions pédagogiques, permet une flexibilité dans l'organisation administrative et financière de l'établissement et des relations contractuelles moins contraignantes avec l'AEFE . Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux notent, d'après les interlocuteurs rencontrés au cours des déplacements, que le statut d'établissement partenaire permet aussi de s'écarter de certaines orientations pédagogiques du ministère de l'éducation nationale , ce qui peut ne pas satisfaire l'ensemble des familles expatriées.

B. LA DÉFINITION DE PRIORITÉS GÉOPOLITIQUES PRÉCISES DEVIENT INÉLUCTABLE POUR ACCOMPAGNER LA CROISSANCE DU RÉSEAU

L'articulation de la croissance du réseau de l'enseignement français à l'étranger avec la problématique du soutien à la francophonie impose de définir des priorités géopolitiques permettant aux deux prismes, pédagogique et de diplomatie culturelle, de converger.

Vos rapporteurs spéciaux ont regretté , comme la Cour des comptes et votre commission des finances en 2016, que le développement du réseau ne résulte pas d'une stratégie coordonnée (cf. supra ). L'élaboration d'une cartographie prospective du réseau permettrait de mettre en exergue les zones où la demande reste insatisfaite et celle où l'aide nette de l'AEFE pourrait être réduite. Cette cartographie constituerait un outil de dialogue entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et le ministère de l'éducation nationale (MEN). Elle tiendrait compte à la fois des évolutions des flux d'expatriation française, de la demande locale étrangère, des situations financières des établissements existants, et des intérêts économiques et diplomatiques de la France .

Recommandation n° 11 : mettre en oeuvre la recommandation formulée par la Cour des comptes d'établir une cartographie prospective des besoins de l'enseignement français à l'étranger, afin de tenir compte des évolutions de la population expatriée, des priorités diplomatiques et de mener une appréciation qualitative de la demande locale.

La direction générale de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau a indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'un tel exercice de cartographie était complexe à mener , en particulier pour apprécier l'évolution des « marchés éducatifs » locaux. Cependant, outre le fait que le MEAE dispose déjà des outils statistiques nécessaires, certains postes diplomatiques travaillent déjà avec les établissements scolaires pour cartographier localement les besoins de l'enseignement français , à l'image des « plans école », dont le premier a été réalisé à Londres en 2008. La remontée de ces informations élaborées au plan local constitue les premiers maillons d'une cartographie à plus grande échelle, en vue de fournir des indicateurs pour anticiper l'évolution de la demande.

Le « plan école » de Londres : bilan et perspectives

Les années 2000 ont été marquées par une croissance rapide de la population française à Londres, qui s'est traduite par un engorgement du réseau scolaire français, et plus particulièrement du lycée français Charles de Gaulle qui était le seul établissement proposant un enseignement secondaire parmi les sept écoles existantes à l'époque. Le « Plan école » a été élaboré en 2008 en associant l'ensemble de la communauté éducative (élus, représentants syndicaux, parents d'élèves, chefs d'établissements, représentant de l'ambassade de France à Londres). Il s'agissait d'élaborer une stratégie commune au niveau locale afin d'anticiper l'évolution de la demande de scolarisation. Trois objectifs ont été définis :

1. créer 1 500 nouvelles places dans l'enseignement français à Londres ;

2. développer des sections bilingues au sein des établissements britanniques ;

3. doubler le nombre d'associations FLAM existantes au Royaume-Uni.

Le premier objectif a été atteint grâce à l'ouverture de deux nouveaux établissements, le collège français bilingue de Londres (CFBL) et le lycée international Winston Churchill, complétés par deux autres établissements ouverts sur initiative privée, l'école internationale franco-anglaise de la MLF et l'école Jeannine Manuel. Ainsi, plus de 2 500 places ont été créées en dix ans. Le deuxième objectif n'a été que partiellement atteint en raison d'une autonomie récemment accrue des établissements scolaires britanniques, ce qui a complexifié le développement des sections bilingues puisqu'il a fallu désormais s'adapter aux spécificités de chaque établissement. Le troisième objectif a été atteint, puisqu'il existe désormais une cinquantaine d'associations FLAM à l'échelle du pays. Principalement animées par des parents, elles consistent à proposer des activités extra-scolaires en français, ce qui les situe en marge de l'enseignement français à l'étranger stricto sensu .

Si le « plan école » démontre le succès de l'élaboration d'une stratégie locale coordonnée de développement du réseau, il rencontre aujourd'hui plusieurs limites identifiées par vos rapporteurs spéciaux. Premièrement, l'enseignement français à Londres se distingue par la prépondérance des élèves français parmi les élèves scolarisés (environ 80 %). Cette sociologie des effectifs expose particulièrement les établissements au risque de rapatriement des français dans les prochaines années en raison du Brexit . Le lycée Winston Churchill, ouvert en 2015, peine à satisfaire ses objectifs de croissance. Deuxièmement, une forme de concurrence entre les établissements proposant un enseignement français s'est installée, notamment en raison de la pratique de politiques tarifaires différentes selon les statuts. Le lycée français Charles de Gaulle étant un établissement en gestion directe pratique des frais de scolarité peu élevés au regard des autres établissements, ce qui le rend attractif pour les familles, outre ses excellents résultats académiques. Le lycée Winston Churchill propose des tarifs plus élevés que le lycée Charles de Gaulle (4 000 à 5 000 livres sterling de plus selon les niveaux), mais inférieurs aux établissements britanniques sélectifs, ce qui enverrait un signal-prix négatif aux parents d'après la direction de l'établissement.

Source : commission des finances du Sénat

Si une adaptation du réseau aux nouvelles priorités géopolitiques requiert plusieurs années, à court terme, vos rapporteurs spéciaux encouragent le redéploiement du réseau en dehors de l'Europe qui concentre près du tiers de l'aide nette versée par l'AEFE. Ce redéploiement pourrait être accéléré via le canal des réaffectations de personnels détachés en dehors de cette zone, au profit de personnels de droit local.

Recommandation n° 12 : accélérer le redéploiement du réseau en dehors de l'Europe, en particulier via l'affectation des personnels détachés.

II. L'ALLÈGEMENT DES CRITÈRES D'HOMOLOGATION : UNE VOIE POUR PERMETTRE LA CROISSANCE DU RÉSEAU

A. LES CRITÈRES D'HOMOLOGATION DES ÉTABLISSEMENTS POURRAIENT ÊTRE ALLÉGÉS

La croissance du réseau par l'augmentation du nombre d'établissements partenaires présente l'intérêt de ne pas peser davantage sur le budget de l'AEFE, en l'état actuel des relations contractuelles entre ces établissements et l'Agence.

Au cours des auditions , l'allègement des critères d'homologation des établissements a été présenté à vos rapporteurs spéciaux comme nécessaire pour encourager la création de nouveaux établissements partenaires . À ce titre, certains Sénateurs représentant les Français établis hors de France ont fait état à vos rapporteurs spéciaux des difficultés locales rencontrées pour constituer les dossiers de demandes d'homologation , à renouveler pour chaque niveau pédagogique.

Parmi les critères actuellement en vigueur, vos rapporteurs spéciaux ont identifié plusieurs d'entre eux qui pourraient faire l'objet d'une suppression ou d'un aménagement :

- la nécessité d'avoir des personnels d'encadrement et enseignants titulaires du ministère de l'éducation nationale (et/ou de maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, en position de disponibilité) pourrait être supprimée. Ce critère limite dans certaines zones géographiques l'ouverture d'établissement homologué. En pratique, l'homologation pourrait donc être accordée à des établissements ne comptant que des personnels recrutés localement ;

- l'obligation pour le programme sollicitant l'homologation d'exister depuis au moins un an pourrait être remplacée par une pré-homologation par défaut qui deviendrait définitive au bout d'un an.

Recommandation n° 13 : alléger certains critères requis pour l'homologation des établissements afin de faciliter leur création, tout en préservant la qualité de l'enseignement.

B. CETTE VOIE NÉCESSITERAIT D'ACCEPTER UNE POTENTIELLE AUGMENTATION DU BUDGET DES BOURSES

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent souligner que la mise en oeuvre de l'objectif présidentiel d'augmenter le nombre d'établissements partenaires pourrait se traduire par une hausse du budget des bourses scolaires , si l'ouverture de nouveaux établissements entraîne un accroissement plus important du nombre d'élèves français scolarisés.

Néanmoins, cette hausse ne devrait pas être budgétairement préjudiciable. D'une part, le nombre d'élèves français supplémentaires chaque année est faible (+ 820 élèves depuis 2016), et les listes d'attente sont concentrées dans certaines villes comme Londres, ce qui ne révèle pas une insuffisance de l'offre par rapport à la demande de scolarisation française. D'autre part, le nombre de demandes de bourses tend à se réduire , de l'ordre de 6 % environ depuis 2013. Les facteurs explicatifs de cette contraction de la demande restent difficiles à cerner. Les interlocuteurs auditionnés par vos rapporteurs spéciaux ont avancé l'idée d'une autocensure des familles, la procédure d'instruction des demandes de bourses auprès du poste consulaire pouvant se traduire par la conduite d'une enquête sociale.

Évolution de l'aide à la scolarité

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Taux d'évolution

LFI

110,3

118,8

125,5

115,5

110,0

-0,2 %

Exécution

103,5

106,5

89,5

87,3

99,2

-4,2 %

Montant effectivement versé aux familles*

103,5

106,5

99,8

101,3

102,2

-1,3 %

Nombre de demandes de bourses

32 300

31 500

30 942

30 905

30 264

-6,6 %

Nombre de bourses octroyées

26 250

25 830

25 740

25 495

25 232

-3,9 %

*Avec l'utilisation de la « soulte »

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

III. LE DÉVELOPPEMENT D'OFFRES COMPLÉMENTAIRES N'ACCROÎT PAS LES CAPACITÉS DU RÉSEAU DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER, MAIS PERMET D'EN ÉTENDRE LE RAYONNEMENT

Aux côtés des établissements du réseau, de nouvelles offres complémentaires se sont développées depuis quelques années, telles que :

- le label « FrancEducation » (cf. infra ) ;

- les offres « Français langue maternelle » (FLAM) . Ce programme existe depuis 2001, il a été créé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), sur initiative de délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenu Assemblée des Français de l'étranger. Aujourd'hui, plus de 157 associations existent contre 33 en 2001 ;

- les sections bilingues , propres aux programmes éducatifs locaux, peuvent parfois être initiées par des conventions bilatérales entre la France et le pays hôte, à l'image de l'Abibac qui permet d'obtenir concomitamment le baccalauréat français et allemand ;

- l'offre du CNED . Depuis 2013, la scolarité complémentaire internationale proposée par le CNED a été remaniée autour de trois matières fondamentales. Elle constitue une solution pour les élèves, français ou étrangers, qui ne sont pas scolarisés dans un établissement homologué du réseau et qui souhaiteraient suivre une formation plus allégée en français. Elle est accessible à tous les résidents à l'étranger, quelle que soit la nationalité, et elle est disponible jusqu'à la terminale. L'AEFE et le CNED sont liés par une convention renouvelée en 2015, tout comme la MLF et le CNED ont renouvelé leur convention en 2016.

Le label « FrancEducation »

Créé par décret le 12 janvier 2012, il constitue le support de la politique de coopération éducative menée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Il vise à labelliser des programmes bilingues dans les établissements étrangers afin de soutenir l'apprentissage du français. Il ne s'agit pas d'un dispositif propre à l'enseignement français à l'étranger au sens où l'octroi du label ne donne pas lieu à des versements de subvention de la part de l'AEFE, mais il permet toutefois d'autoriser le détachement d'enseignants titulaires. Il est attribué par le MEAE après avis d'une commission interministérielle annuelle réunissant le MEAE, l'AEFE, le ministère de l'éducation nationale, la MLF et l'Institut français. Les conditions d'attribution du label ont été assouplies en 2014, notamment en passant de 30 % à 20 % la part d'enseignement en français requise pour l'obtention du label. Le processus de labellisation constitue un succès puisque le nombre d'élèves inscrits dans un cursus bilingue labellisé a été multiplié par 3,4 depuis 2015 en passant de 28 617 à 95 743, et il concerne aujourd'hui 209 établissements dans 44 pays.

Source : commission des finances du Sénat

Les annonces du Président de la République ont également attribué des objectifs de développement du label « FrancEducation » : « l'objectif est qu'en 2022, le réseau des écoles proposant des sections bilingues francophones de qualité portant le label France Education regroupe 500 établissements contre les quelques 209 actuellement ».

Vos rapporteurs spéciaux n'ont pas approfondi la question des offres complémentaires dans le cadre de leur contrôle budgétaire puisque elles n'ont pas d'impact budgétaire sur le financement du réseau de l'enseignement français à l'étranger , et qu'elles constituent des offres annexes, indépendantes des établissements du réseau. Toutefois, vos rapporteurs spéciaux, alertés par cette problématique grâce aux auditions qu'ils ont menées, souhaitent encourager la progression du Label « FrancEducation », mais soulignent la nécessité de ne pas abaisser davantage les critères de labellisation pour garantir la qualité et l'homogénéité de cette offre.

Recommandation n° 14 : développer les offres complémentaires telles que le label « FrancEducation » en assignant des objectifs de labellisation aux postes diplomatiques, tout en restant attentifs à la qualité de l'enseignement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 25 juillet 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur le réseau de l'enseignement français à l'étranger .

M. Vincent Éblé , président . - Le premier point de notre ordre du jour appelle une communication de nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud, co-rapporteurs spéciaux pour la mission « Action extérieure de l'État », sur le réseau de l'enseignement français à l'étranger. J'en profite pour saluer la présence parmi nous ce matin de notre collègue Claude Kern, rapporteur pour avis de ces mêmes sujets pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

M. Vincent Delahaye . - L'enseignement français à l'étranger représente un part non négligeable des crédits consacrés à l'action extérieure de l'État : 455 millions d'euros sur 3 milliards d'euros environ. Nous avons décidé d'opérer ce contrôle pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre commission des finances avait demandé à la Cour des comptes en 2015 de réaliser une enquête portant sur le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Il s'agit d'examiner la suite donnée à ces préconisations. En outre, l'année dernière, l'annulation de dernière minute au cours de l'été de 33 millions d'euros de crédits pour l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a suscité beaucoup de débats avec une vague de contestation au sein des lycées français à travers le monde et parmi les parents d'élèves.

Enfin, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé vouloir doubler le nombre d'élèves présents dans le réseau d'ici 2030. Ce dernier a-t-il les moyens de ces ambitions ?

M. Rémi Féraud . - Le réseau de l'enseignement français à l'étranger compte 350 000 élèves environ, dont un tiers sont français, et deux tiers n'ont pas la nationalité française. Ces élèves sont répartis dans 492 établissements présents dans 150 pays. La colonne vertébrale de ce réseau est assurée par un opérateur de l'État, l'AEFE. Cet organisme public a été créé par la loi en 1990. Il a été placé sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

D'autres organes associatifs sont aussi parties prenantes du réseau, comme la Mission laïque française. Toutefois, l'AEFE reste le principal opérateur. Le ministère de l'éducation nationale est associé aux missions de l'AEFE. Il participe au conseil d'administration. Surtout, il homologue les établissements, pour s'assurer du respect des programmes scolaires et des critères de scolarisation. En outre, il valide les détachements des enseignants issus de l'éducation nationale auprès de l'AEFE. Cela en fait un système complexe à appréhender. Il nous a fallu du temps pour rencontrer tous les acteurs. Les établissements du réseau ne constituent pas un ensemble uniforme. Ils sont régis par trois statuts très différents : les établissements en gestion directe, qui sont au nombre de 74 et qui sont gérés avec un pilotage resserré de l'AEFE. Nous avons aussi les établissements conventionnés avec l'AEFE, et enfin, il y a les établissements partenaires. À ces trois différents statuts correspondent des degrés d'autonomie divers avec l'Agence, ce qui se traduit par des relations financières et juridiques plus ou moins étroites. Seuls les deux premiers statuts permettent de bénéficier de personnels détachés, essentiellement du ministère de l'éducation nationale, et seuls les établissements en gestion directe voient leurs frais de scolarité fixés directement par l'AEFE.

Il existe également une grande diversité des statuts du personnel : il y a d'abord les personnels détachés de l'éducation nationale, qu'ils soient enseignants ou personnels administratifs. Ils sont répartis entre deux catégories : les expatriés qui ont une durée de contrat limitée, et qui pour la plupart sont proviseurs ou directeurs administratifs et financiers des établissements en gestion directe. Ils peuvent aussi être des enseignants à mission de conseil pédagogique pour le second degré. L'autre statut est celui des résidents, dont le contrat est en général tacitement renouvelé. Ils bénéficient de l'indemnité de vie locale. Ils sont censés être recrutés par les établissements au niveau local. Mais l'usage veut qu'ils soient recrutés avant d'être détachés dans le pays où ils vont aller travailler. Enfin, les autres personnels sont les recrutés de droit local. Ils bénéficient d'un contrat de droit privé local dans chacun des pays. Cela implique par conséquent des rémunérations extrêmement différentes d'un pays à un autre.

Nous nous sommes attachés à analyser la soutenabilité de l'AEFE qui a été très fragilisée par l'annulation de 33 millions d'euros sur sa subvention en 2017, en tenant compte de la complexité du système actuel, qui résulte d'une construction historique par strates administratives.

Nous avons d'abord constaté, et cela fait l'objet de la plus importante contestation des usagers de l'enseignement du français à l'étranger, que la contribution des familles s'est beaucoup accrue. Aujourd'hui, elles contribuent à hauteur de 60 % au frais de l'ensemble du système, alors que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dédiés ne représentent plus que 39 % des recettes de l'Agence en 2017, en comptant la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE et l'aide à la scolarité. C'est une baisse de 14 % depuis 2012.

Les frais de scolarité versés par les familles sont différents selon les établissements. En moyenne, ils sont de 5 300 euros par an, soit une augmentation de 25 % depuis 2012. Cela montre bien la contribution accrue des familles. Plusieurs raisons expliquent cette augmentation : la hausse structurelle des dépenses, en raison de la croissance des effectifs (+ 11,4 % depuis 2012), une augmentation de la masse salariale (+ 15 % pour les dépenses de personnel de l'Agence depuis 2012). Nous estimons que cette hausse de la masse salariale pourrait être limitée en privilégiant le recrutement local, plutôt que les personnels détachés de l'éducation nationale. Une deuxième explication de l'augmentation des frais se trouve dans la prise en charge des pensions civiles des fonctionnaires détachés depuis 2009. C'est le cas pour l'ensemble des opérateurs de l'État - toutefois, contrairement à l'engagement de départ, cela n'est plus compensée pour l'AEFE. Ainsi, dans les faits, cela s'apparente à une diminution de 50 millions d'euros des ressources de l'Agence.

Par ailleurs, le parc immobilier est vieillissant. Il nécessite d'importantes dépenses de modernisation et de sécurisation. À cela s'ajoutent des facteurs venant complexifier le système, comme la difficulté de remonter des financements des établissements vers l'Agence à Paris, pour des raisons juridiques ou fiscales liées à chacun des pays où l'établissement est implanté. Enfin, le mécénat et les partenariats avec le secteur privé restent faibles, comme pour l'ensemble de l'enseignement français.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'annulation de crédits en 2017. Elle s'est traduite par des suppressions de postes d'enseignants, prévues pour la rentrée 2018, une participation financière accrue des établissements au financement de l'Agence, et derrière une augmentation de la participation des familles. Cela a conduit à l'expression d'un fort mécontentement l'an dernier, tant de la part des familles que du personnel.

Pourtant, des réserves budgétaires existent : 204 millions d'euros dans les fonds de roulement cumulés dans les établissements en gestion directe, avec toutefois la difficulté que si ces comptes financiers par établissement sont agrégés avec celui de l'Agence - car ce sont des démembrements de l'Agence -, chaque établissement conserve son autonomie patrimoniale à laquelle il tient. Ils considèrent qu'il s'agit de leurs propres réserves budgétaires et ne souhaitent pas les partager avec les autres établissements.

Enfin, il nous semble que certaines dépenses pourraient être optimisées dans le fonctionnement des établissements en gestion directe, en particulier grâce à une mutualisation de certaines fonctions support avec les postes diplomatiques dans les villes où la proximité géographique le permet.

Par conséquent, nous avons formulé plusieurs recommandations. Il s'agit tout d'abord de poursuivre le mouvement amorcé de réduction de la part des personnels détachés de l'éducation nationale au profit des recrutés locaux. Il faut également sanctuariser le montant de la subvention pour charge de service public allouée par l'État à l'AEFE dans les cinq prochaines années, en tenant compte de l'évolution à venir du coût réel de la pension civile des fonctionnaires. Ceci permettrait de ne plus réduire de fait les ressources de l'Agence en ne compensant pas l'augmentation continue du coût de la pension civile des fonctionnaires. Nous proposons également de geler la participation des familles au financement du réseau au niveau actuel de 60 %. Si la part de financement de l'État diminue en deçà des 40 % actuels, c'est toute la légitimité du réseau d'enseignement français à l'étranger qui en souffrira et qui sera remise en cause. Nous proposons de conduire une réflexion afin d'introduire des mécanismes de mutualisation des fonds de roulement entre les différents établissements et l'Agence. L'annulation de 33 millions d'euros a montré que l'absence de mutualisation de ressources créée une grande crispation et incompréhension entre l'AEFE et la direction du budget à Bercy. Lorsque l'on voit le montant cumulé des fonds de roulement, il doit être possible de le mutualiser au moins en partie, tout en garantissant à chaque établissement la possibilité de mener à bien ses projets d'investissement. Enfin, nous souhaitons poursuivre l'amélioration du contrôle de gestion très déficient et qui constitue l'une des recommandations les plus importantes de la Cour des comptes. Nos travaux nous ont permis de constater la difficulté de l'Agence à nous fournir sur certains points des chiffres précis, par exemple lorsque nous avons demandé le montant de l'aide nette versée par l'AEFE pour chaque établissement, ou par pays, ainsi que le nombre exact d'enseignants dans le réseau.

M. Vincent Delahaye . - Outre la soutenabilité du réseau, nous nous sommes attachés à examiner les relations entre l'Agence et les établissements, ainsi que les possibilités de développer ce réseau, telles que souhaitées par le Président de la République.

Les relations entre l'Agence et les établissements du réseau se sont compliquées récemment du fait de l'annulation des 33 millions d'euros de crédits. En effet, l'Agence a décidé de manière unilatérale d'augmenter la participation aux frais de scolarité de 6 % à 9 %. Les familles s'en sont émues, car elles paient une bonne partie des coûts des établissements. Suite à cette augmentation, un certain nombre d'établissements se sont posé la question de savoir si cela valait la peine de rester dans le réseau. Ce passage à 9 % concerne les établissements en gestion directe, ainsi que les établissements conventionnés. En réalité, l'Agence finance les établissements via deux canaux : la prise en charge du coût des personnels expatriés ainsi qu'une participation à la rémunération des résidents, et l'allocation de subventions. Toutefois, selon nous, les critères manquent de clarté, notamment en ce qui concerne les critères de détachement des personnels. On a du mal à trouver un lien entre le nombre de personnels détachés et le nombre d'élèves de chaque établissement. Il y a des discussions au coup par coup, le ratio est également issu de l'histoire de l'établissement. En ce qui concerne les subventions, il est difficile de trouver des critères objectifs de versement des subventions. Mais, nous avons surtout été interpellés par le manque de transparence dans la prise de décision. Nous avons eu l'impression que les décisions sont prises par le directeur de l'Agence, - le conseil d'administration ayant à peine son mot à dire -, et que le ministère de tutelle n'arbitre rien. Toutefois, l'aide de l'Agence est toujours positive, ce qui signifie que les établissements ont toujours un avantage financier à être intégré au réseau. Nous avons détaillé par établissement, par pays et par continent, l'aide versée. On s'aperçoit qu'il y a des variations importantes entre les continents. L'Europe représente 30 % de l'aide nette, pour 21 % des effectifs, alors que l'Asie ne reçoit que 14 % de l'aide nette pour 20 % des effectifs. Ainsi, l'aide nette est déconnectée des effectifs accueillis dans le réseau. L'étude des chiffres montre que le financement versé par l'AEFE aux établissements dépend du nombre d'élèves et du nombre de personnels détachés, mais ne correspond pas à une stratégie clairement établie.

Plusieurs recommandations sont faites suite à ce constat. Nous souhaitons la mise en place d'un ratio plancher d'enseignants détachés par nombre d'élèves. Par ailleurs, des critères objectifs doivent exister pour justifier les différences de participation de l'AEFE. En outre, nous avons constaté avec un certain étonnement que, si, sur plusieurs années, les effectifs baissent, la masse salariale augmente de 15 % sur les cinq dernières années. Cela mériterait un contrôle budgétaire complémentaire sur ce point. Enfin, un effort de transparence doit être fait par l'Agence : elle doit publier des critères objectifs d'attribution des subventions ainsi que chaque année le montant de l'aide nette par établissement, par pays et par continent. Nous voudrions que les décisions des évolutions de participation financière de l'AEFE aux établissements soient examinées de façon transparente lors des conseils d'administration, notamment pour le montant de la participation à la rémunération des résidents. Cela ne se fait pas aujourd'hui dans la plupart des cas.

La troisième partie de notre contrôle portait sur la soutenabilité de la volonté présidentielle de doubler le nombre d'élèves dans le réseau d'ici 2030. Il faut noter que le nombre d'élèves français dans le réseau est de 36 % - il est de plus de 50 % en Europe. Cela est dû à l'évolution du nombre de Français à l'étranger et de l'expatriation. Avant les Français partaient pour un temps déterminé. Maintenant, de plus en plus, les Français qui sont installés à l'étranger le sont pour une durée assez longue et se tournent souvent vers les réseaux locaux d'enseignement. En outre, il y a des discussions sur l'attractivité du baccalauréat français par rapport au baccalauréat international. La croissance du réseau se réalise dans les établissements partenaires dont les effectifs ont augmenté de 20 % depuis 2012. Il nous semble que l'augmentation importante du nombre d'élèves souhaitée pourrait passer par une évolution des critères d'homologation des établissements, afin d'en homologuer beaucoup plus, tout en gardant la qualité de l'enseignement. Je pense notamment à un assouplissement de la règle selon laquelle il faut disposer d'un personnel de l'éducation nationale pour être homologué.

Nous recommandons de produire une cartographie prospective des besoins de l'enseignement du français à l'étranger. Il n'existe pas un tel outil aujourd'hui, donnant l'impression de naviguer à vue. Le redéploiement du réseau pourrait être accéléré en dehors de l'Europe. Il faut également alléger certains critères d'homologation. Enfin, il faut développer des offres complémentaires, tel que le label France éducation, se situant en dehors de l'enseignement français stricto sensu .

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je pense que, de manière générale, sur les questions de masse salariale, nous devrons à un moment donné avoir une ligne directrice. Constater une diminution des effectifs et une augmentation salariale n'est pas nouveau. Nous avions fait ce constat, il y a quelques années avec Philippe Dallier, lors de la fusion de la direction générale de la comptabilité publique et de celle des impôts au sein de la DGFIP. On nous avait expliqué qu'il y allait avoir une baisse considérable des effectifs. Or, cela s'est traduit par une masse salariale supérieure, car la fusion a été réalisée par une harmonisation vers le haut. Bien évidemment, le but n'est pas de baisser en soit le nombre de fonctionnaires, mais de dépenser moins. Si au final, on a moins de personnels mais que cela coûte plus cher, on est passé à côté de l'objectif. Il faudra que les administrations respectent les plafonds d'emploi, sans pour autant le contourner par des régimes indemnitaires particuliers. Cette question dépasse celle du réseau de l'enseignement français à l'étranger.

M. Claude Kern , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - L'enseignement du français à l'étranger est un point très préoccupant pour ma commission. L'AEFE, comme vous l'avez souligné, mérite plus de transparence dans sa gestion. Lorsqu'on les interroge sur l'objectif de doublement des effectifs, cela ne leur semble pas représenter un problème, car ils vont homologuer davantage d'établissements. Toutefois, on ne connaît pas les critères qui seront mis en place pour le faire. En outre, l'augmentation de la masse salariale est très préoccupante.

Il faut savoir que pour l'enseignement du français, il n'y a pas que l'AEFE. Il y a aussi l'institut français, les alliances françaises.... Un effort de mutualisation est nécessaire. Nous travaillons sur ce sujet avec notre collègue membre de la commission des affaires étrangères, André Vallini.

Beaucoup de choses restent à faire. Lorsque nous avons interrogé le directeur de l'AEFE la semaine dernière, nous avons constaté qu'il naviguait à vue. Il n'a pas de véritables projets.

M. Roger Karoutchi . - Je me suis intéressé à quelques établissements, notamment au Maroc. Je suis particulièrement choqué par l'incohérence de la politique en matière d'enseignement du français à l'étranger. Or, c'est une porte ouverte sur la francophonie. Nous avons progressivement, depuis 5 à 10 ans, découragé les gens qui localement vont de moins en moins dans les établissements français pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est le coût élevé de cette formation. On n'arrête pas de dire qu'il faut faire un effort en matière de francophonie. Toutefois, on réserve l'enseignement du français à l'étranger à ceux qui en ont les moyens, soit à peu de personnes. Cela me rappelle le discours du gouvernement en matière d'audiovisuel public, indiquant la nécessité de faire beaucoup de restriction sur l'audiovisuel international. C'est exactement l'inverse d'une politique dynamique en matière de francophonie. Je ne comprends pas que l'on n'ait pas un bloc « francophonie », regroupant l'enseignement du français, l'alliance française, l'audiovisuel, qui soit dynamique, volontaire et sur lequel on ne fasse pas d'économies. Dans le cas contraire, la France aura bientôt disparu des horizons internationaux.

M. Dominique de Legge . - On est au centre de la quadrature du cercle. D'un côté, on diminue les moyens, d'un autre côté on nous annonce vouloir renforcer la francophonie et faire en sorte de développer les établissements d'enseignement du français. Au final, on a un coût par poste qui est plus élevé bien que l'on diminue le nombre de postes.

Vous avez indiqué que depuis 2012, le coût de la scolarité avait augmenté de 25 %. Concrètement, quelles sont les conséquences de cette augmentation ? Pour les Français, les bourses ont-elles augmenté à due concurrence ? J'ai cru comprendre que cela n'avait pas été le cas. Les élèves n'ayant pas la nationalité française continuent-ils à fréquenter nos établissements ? Avec de telles augmentations, ne risque-t-on pas de dissuader ceux qui souhaiteraient venir dans nos établissements, qui iraient alors voir ailleurs ?

M. Jérôme Bascher . - Je m'interroge sur les ressources propres. Vous nous avez indiqué que les frais de scolarité avaient augmenté de 25 % depuis 2012. Il s'agit de savoir qui on veut attirer, ainsi que de connaître la concurrence. Si notre politique est d'améliorer la francophonie, le réseau de l'enseignement français à l'étranger concerne également les Français passant une période assez courte à l'étranger. Or, on s'aperçoit que les périodes d'expatriation se rallongent et les expatriés ne choisissent plus forcément le système français. Pour ces derniers, l'augmentation de prix est-elle dissuasive ?

Par ailleurs, le sujet de la concurrence est important. Cette dernière se fait avec les autres institutions, notamment anglophones. Qui veut-on attirer dans nos écoles ? J'entendais la remarque de notre collègue Roger Karoutchi. Si on cherche à attirer les élites marocaines, on peut se permettre d'avoir des tarifs élevés. Toutefois, si on cherche à avoir les meilleurs élèves, la politique de prix pratiquée n'est pas forcément la bonne. Disposez-vous d'une comparaison par rapport au prix des établissements concurrents ?

M. Claude Raynal . - Je remercie les rapporteurs pour leur présentation. J'ai toutefois une certaine gêne, car ce sujet m'apparait, avant d'être financier, porter sur la stratégie de l'État. Certes, nous sommes ici dans la commission de finances, et je comprends le choix fait par les rapporteurs. Je partage à plusieurs égards l'avis de notre collègue Roger Karoutchi. On passe de dossiers en dossiers, sans avoir de vision claire de la présence de la France à l'étranger. Les discours présidentiels sont ainsi des généralités ou des objectifs donnés - un doublement des effectifs - sans savoir pourquoi ce chiffre est choisi. La question fondamentale est donc celle de la stratégie.

La question n'est ainsi pas celle du doublement du nombre d'élèves, mais plutôt où voulons nous qu'il y ait plus d'élèves. Doit-on se focaliser sur les anciennes colonies françaises ? Sur les pays d'Asie ? D'Amérique du Sud ? Il faut définir des cibles, puis se fixer des objectifs.

Le fait que la masse salariale augmente de 15 % pose la question de la raison de ce fait. Peut-être est-ce lié à la création de lycées nouveaux dans des pays au niveau de vie élevée ? Le coût de la masse salariale peut varier fortement d'un pays à un autre.

Je m'étais rendu avec notre collègue Philippe Adnot en Colombie où nous avions visité la plupart des lycées français de ce pays. Ils considéraient que le ticket d'entrée pour être considéré comme un établissement conventionné était très élevé, et difficile à supporter pour les parents. Existe-t-il une stratégie pour avoir plus d'enfants dans les lycées français ? Cela permet d'avoir des générations francophiles et francophones.

Enfin, il me semblerait intéressant d'avoir une fiche type lorsque l'on rencontre, au titre des groupes d'amitié, les établissements français à l'étranger pour faire remonter des informations et d'avoir des retours établissement par établissement. On aurait là une utilisation particulièrement fonctionnelle des groupes d'amitié, qui essaient généralement d'avoir un contact avec l'alliance française et les lycées français.

M. Philippe Dallier . - En ce qui concerne l'augmentation de la masse salariale, je peux apporter un éclairage sur le Maroc. Au mois de juin s'est tenu un forum parlementaire France-Maroc. À cette occasion, la communauté française nous a fait part d'un problème posé directement par le gouvernement marocain qui a décidé de revaloriser de manière importante la grille de salaires de tous les enseignants. Le budget des écoles françaises a explosé, et les frais d'inscription ont augmenté. Nous n'y pouvons strictement rien. Je ne sais pas si le Maroc est un cas particulier. Il y a peut-être d'autres pays où les écoles sont soumises aux décisions prises par les gouvernements locaux. Face à ce constat, comment conserver l'attractivité de ces écoles, si ce n'est pas la France ou alors le mécénat qui viennent compenser cette augmentation ? Il faudrait regarder pays par pays si l'augmentation soulignée par nos rapporteurs est liée à des décisions des gouvernements locaux.

M. Vincent Capo-Canellas . - Ce sujet est au centre des contradictions entre la volonté de rigueur budgétaire et de rayonnement de la francophonie. Les rapporteurs peuvent-ils nous rappeler la proportion entre les Français et les étrangers ? J'ai cru comprendre que nous étions autour de 30 %. Dès lors, il y a deux cibles différentes. Quelle est la conséquence en termes de tarifs ? J'imagine que lorsqu'il s'agit de Français expatriés, les frais de scolarité doivent être pour une part comprise dans les négociations avec l'entreprise. Les tarifs sont-ils différenciés selon que l'on est Français ou étranger ?

Vous suggérez un assouplissement des critères d'homologation, sans toutefois porter atteinte à la qualité de l'enseignement. Quelle voie suggérez-vous pour y parvenir ? Est-ce une recherche de moindre coût budgétaire ou avez-vous d'autres objectifs ?

Nous avons noté l'augmentation des frais de 25 %. Avons-nous les moyens de se comparer par rapport à d'autres réseaux d'enseignements étrangers ? J'imagine que cela dépend aussi des pays.

M. Patrice Joly . - Ce réseau est un outil d'influence de notre pays à travers le monde. Comment apprécie-t-on l'efficacité de cet outil, notamment à travers l'identification des élèves étrangers ayant suivi cet enseignement ? Peut-on apprécier l'évolution des effectifs des élèves étrangers ? Quels pourraient être les critères d'évaluation de l'efficacité de cet outil d'influence ?

M. Bernard Lalande . - On parle des lycées français à l'étranger. Mais, à ma connaissance, il n'y a pas de « hub » français à l'étranger intégrant les études supérieures. Il faut passer par les chambres de commerce, les écoles. Je m'interroge sur la possibilité d'utiliser les lycées français comme point de fixation à l'étranger, sur lequel on pourrait s'appuyer pour la poursuite des études supérieures, en lien avec une Agence relevant du ministère des affaires étrangères.

M. Michel Canévet . - Dans le rapport Cap 2022, il est proposé d'organiser les représentations extérieures de la France sous l'autorité des ambassadeurs. Cela semble-t-il une bonne idée aux rapporteurs ?

M. Jean-Claude Requier . - Je voudrais témoigner de l'excellente qualité de l'enseignement français à l'étranger, et notamment de l'école primaire française de Genève. Certes, le coût de la scolarité y est élevé. Elle scolarise notamment un certain nombre d'enfants de diplomates.

Je conçois qu'il faille développer ce réseau, car c'est un des moyens d'influence de la France à l'étranger.

M. Vincent Delahaye . - Les différentes interventions ont bien montré que notre rapport est loin d'épuiser le sujet. Nos travaux soulignent le problème de navigation à vue, l'effort de transparence nécessaire, notamment à travers la nécessité de fournir une cartographie des besoins de l'enseignement du français à l'étranger, pour tenir compte des besoins des expatriés, des priorités diplomatiques et mener une appréciation qualitative de la demande locale. On a l'impression d'une absence de stratégie et de pilotage budgétaire, et ceci depuis plusieurs années. Il y a un travail de fond à faire. Les frais de scolarité varient beaucoup. Il y a des endroits où on peut avoir intérêt à augmenter les frais de scolarité, alors que dans d'autres pays, ils peuvent être un problème bien supérieur.

L'enseignement du français à l'étranger est un outil d'influence de la France dans le monde. On y consacre des moyens importants. Il est dommage de ne pas avoir une stratégie d'ensemble identifiée, permettant de définir les aides à apporter dans chaque établissement. Comme aujourd'hui il n'y a pas de critère, on aide peut-être certains pays un peu trop au détriment d'autres.

Les bourses évoluent assez peu dans le temps, et leur répartition se fait selon des critères opaques. Nous n'avons pas eu le temps de creuser cette question. Les choix de répartition en fonction des pays et les établissements sont un sujet de contestation très fréquent. Aujourd'hui, ce sont les consulats qui participent localement à la répartition de l'enveloppe attribuée pour les bourses. Les politiques ne se sont pas assez penchés sur ce point. Certes, le ministre de l'éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, a montré beaucoup d'intérêt sur ces sujets récemment. Le ministère semble vouloir redevenir plus présent, mais au niveau de la gestion de la formation des enseignants et de leur suivi, plus que sur la stratégie. Il faut que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ait également une vraie volonté politique. Des groupes de travail sont mis en place, notamment sur la question du statut des enseignants. Nous attendons de voir les conclusions de ceux-ci.

Aujourd'hui, il y a en moyenne 36 % d'élèves français dans le réseau, et 52 % en Europe. Il y a des endroits, comme au Maroc, où l'enseignement français a bonne réputation. Toutefois, le marché mondial de l'éducation est en pleine évolution. On s'est aperçu à Londres qu'il y avait un « mercato » des enseignants. Un autre exemple est celui du Kazakhstan qui est en train de développer des écoles d'élite et il démarche énormément d'enseignants dans le monde. Dans ce marché, nos établissements ont intérêt à évoluer, même s'ils conservent une bonne image.

Nous n'avons pas voulu entrer trop dans le détail des conditions de l'assouplissement de l'homologation. Je pense que la commission de la culture et de l'éducation fera des propositions à ce titre.

Aujourd'hui, il y a peu d'évaluation, même si on constate une petite croissance des effectifs, ce qui veut dire que notre réseau garde son attractivité. Or, l'évaluation est nécessaire pour définir notre stratégie.

M. Rémi Féraud . - La difficulté est que le réseau a deux objectifs : la scolarisation des élèves français à l'étranger - nous sommes l'un des seuls pays à offrir ce service à nos compatriotes et il faut le préserver -, et une diplomatie d'influence pour développer la francophonie.

Les bourses ne sont perçues que par les familles françaises, avec dans certains cas une autocensure des familles qui craignent la conduite d'une enquête sociale pour vérifier leur niveau de ressources. Mais, avec les augmentations des frais de scolarité, seules les familles très aisées ou les familles modestes qui peuvent percevoir des bourses, peuvent y faire face. Toute une classe moyenne est mise en difficulté par cette augmentation. Une réflexion doit être menée sur ce point.

Nous n'avons pas constaté une réduction du nombre d'élèves. Au contraire, chaque année, le nombre d'élèves augmente de 2 % dans le monde, augmentation portée par les élèves étrangers. Mais celle-ci ne répond pas à une stratégie particulière d'implantation. Il existe des pays où l'enseignement français est historiquement très implanté : le Maroc, le Liban ou Madagascar. Mais aucune réelle stratégie ne s'est dessinée à la suite du discours du Président de la République, indiquant quel pays, ou quelle zone géographique doit devenir une priorité. D'ailleurs, des restrictions de postes vont avoir lieu à la rentrée et nous savons que le cabinet du ministre les a validées. Nous voulions savoir si cela était cohérent par rapport à une stratégie d'implantation, et nous attendons toujours les informations promises. Cela montre bien que l'on est dans la navigation à vue.

Le constat de Philippe Dallier sur le Maroc est intéressant et montre la complexité du système. L'augmentation de 25 % des rémunérations des personnels au Maroc touche directement les familles et pas du tout l'AEFE. En effet, cela concerne les salaires des recrutés locaux, pris en charge par les établissements. Or, l'Agence met à disposition de personnels détachés de l'éducation nationale. Certes, cela représente des sommes considérables, mais cela ne représente pas une subvention pour payer les personnels locaux.

Je suis allé à Zurich. J'ai constaté que lorsque les établissements sont peu aidés - tel est le cas du lycée français de Zurich -, ces derniers hésitent à sortir du réseau. Ils estiment en effet que le soutien apporté par l'AEFE n'est pas supérieur aux remontées financières qu'ils font à l'Agence. Si ce soutien diminue, ils sortiront du réseau, mettant à mal notre politique d'influence.

Il n'existe pas de statistiques sur les anciens élèves. En tout cas le résultat est de près de 100 % de réussite au baccalauréat. Il existe un réseau d' alumni , et par tradition dans certains pays d'Amérique latine ou du Moyen-Orient, les élites politiques ont souvent fait leurs études dans les lycées français et sont restées francophiles et francophones. C'est très fortement le cas d'un pays comme l'Équateur. Ce sont des dimensions à préserver, et cela nécessite de ne pas désinvestir dans le réseau.

Nous ne nous sommes pas penchés sur le réseau de l'enseignement supérieur, qui est une question très différente. Mais pour les étudiants étrangers qui viennent en France, la continuité entre l'enseignement français à l'étranger et le soutien qu'apporte Campus France est faible. Nous avons le sentiment que beaucoup d'élèves ayant leur bac dans l'enseignement français à l'étranger ne sont pas encouragés à venir faire leurs études en France, par manque de bourse, de volonté politique, de visa.

M. Claude Kern . - Pour apporter un élément d'informations sur la poursuite des études, Campus France essaye de faire des efforts, mais il dispose de moyens très limités. Les bourses pour les étudiants étrangers venant en France sont faibles. En outre, nous avons des pays concurrents comme la Russie, la Chine ou la Turquie qui offrent des conditions d'accueil pour les étudiants étrangers intéressantes. Ils commencent à avoir une influence dans les pays étrangers beaucoup plus importante que la France.

M. Bernard Lalande . - Nous formons des élèves dans nos lycées français à l'étranger, et au final ils vont poursuivre leurs études dans des universités d'autres pays.

La commission a donné acte de leur communication à MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. AUDITIONS AU SÉNAT

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- Mme Laurence AUER, directrice de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau.

Ministère de l'Éducation nationale

Direction générale des ressources humaines

- M. Édouard GEFFRAY, directeur général ;

- M. Jean-Marie JESPERE, chef de mission de la formation, des parcours professionnels, et de la mobilité internationale à la direction des ressources humaines.

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

- M. Jean-Marc HUART, directeur général ;

- Mme Annick BONNET, chargée du suivi de l'enseignement français à l'étranger.

Ministère de l'action et des comptes publics

- M. Morgan LARHANT, sous-directeur à la Direction du budget.

Cour des comptes

- M. Roch-Olivier MAISTRE, président de chambre.

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- M. Christophe BOUCHARD, directeur général ;

- Mme Aurélia CARRÉ DE LUSANÇAY, directrice des affaires financières et du contrôle de gestion ;

- Mme Morgane BELTRAN, responsable des personnels et de la massesalariale ;

- M. David CHAUVIN, responsable des établissements en gestion directe ;

- Mme Raphaëlle DUTERTRE, responsable des relations avec les élus ;

- M. Léo PALFRAY, responsable du contrôle et de la prospection.

Mission laïque française (MLF)

- M. Jean-Christophe DEBERRE, directeur général ;

- M. Yvon ADJIBI, contrôleur de gestion.

Fondation de l'alliance française

- M. Michel DOULCET, président ;

- M. Bertrand COMMELIN, secrétaire général.

Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPÉE)

- Mme Virginie ROYER, vice-présidente ;

- Mme Isabelle TARDE, déléguée générale.

Collectif « Avenir des lycées français du monde en danger »

- M. Si Mohamed ROUDIES ;

- M. Adyl TOUHAMI ;

- Mme Katia VELASCO ANTON.

Sénat

- Mme Catherine MORIN-DESAILLY, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Sénateurs représentant les Français établis hors de France

- M. Olivier CADIC, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- Mme Hélène CONWAY-MOURET, vice-Présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

- Mme Jacky DEROMEDI, secrétaire du Sénat, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ;

- M. Christophe-André FRASSA, secrétaire de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ;

- M. Jean-Yves LECONTE, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ;

- Mme Claudine LEPAGE, secrétaire de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication ;

- M. Richard YUNG, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

II. ENTRETIENS À PARIS

Cabinet du Ministre de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Gaëtan BRUEL, conseiller Amériques, diplomatie culturelle, influence et francophonie ;

- M. Baptiste PRUDHOMME, conseiller politique et parlementaire.

III. ENTRETIENS EN EUROPE

1. Londres

Lundi 14 mai 2018

Ambassade de France à Londres

- Mme Lorène LEMOR, conseillère culturelle adjointe et attachée de coopération éducative.

Lycée français Charles de Gaulle (LFCG)

- M. Olivier RAUCH, proviseur ;

- M. Benoît GAUDRY, directeur des affaires financières.

Lycée Churchill

- Mme Mireille RABATE, proviseure.

2. Zurich

Vendredi 15 juin 2018

Ambassade de France à Berne

- Mme Fabienne COUTY, conseillère en charge de la coopération et de l'action culturelle.

Consulat général de France à Zurich

- M. Jean-Jacques VICTOR, consul général.

Lycée français de Zurich

- M. Paul SAVALL, proviseur.

Comité de gestion

- M. Bernard RICOUT, président du comité de gestion ;

- Mme Sandrine KEROULÉ, directrice administrative et financière ;

- Mme Corina ARIGONI, trésorière.

Enseignants résidents

- M. BOUCHOUCHA, professeur d'Histoire-géographie ;

- Mme DJELLALI, professeur des écoles ;

- Mme DUBOSCLARD, professeur de Lettres classiques ;

- Mme TURATI, professeur de mathématiques.

Parents d'élèves

- Mme BERGES ;

- Mme LARCHEVÈQUE ;

- Mme MARTINET.

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

CONTRIBUTION DE MME JOËLLE GARRIAUD-MAYLAM, SÉNATEUR REPRÉSENTANT LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

Le financement du réseau d'enseignement français à l'étranger

L'AEFE

Le réseau AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger), qui scolarise 350 000 élèves dans 137 pays, est composé de 492 établissements d'enseignement dont 227 « en gestion directe », c'est-à-dire subventionnés, avec des professeurs affectés par l'Éducation nationale et un budget total de 355 millions d'euros.

Un réseau mis en danger par les contraintes budgétaires

Le 20 juillet 2017, par décret, le gouvernement annulait 33 millions d'euros de crédits sur la subvention pour charge de service public (programme 185 « diplomatie culturelle et d'influence ») allouée à l'AEFE pour l'année 2017. J'avais alors réagi via plusieurs canaux : QE en août 2017 34 ( * ) , tribune dans le journal Atlantico d'août 2017 35 ( * ) , nouvelle tribune dans Atlantico en novembre 2017 36 ( * ) , intervention sur le PLF 2018 37 ( * ) , QAG de mars 2018 38 ( * ) .

Le 2 octobre 2017, le Président de la République annonçait devant l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) - information confirmée lors de son discours sur la francophonie du 20 mars 2018 - la sanctuarisation du budget de l'AEFE - au niveau de la loi de finances initiale pour 2017 - pour les années 2018 et 2019... mais que se passera-t-il ensuite ?

De surcroît, étant donné la hausse du nombre d'élèves et l'inflation, cette « stagnation » équivaut en réalité à une baisse... qui ne peut être contrebalancée que par la hausse des frais de scolarité. La promesse du Président de la République, lors de la présentation de son plan pour la francophonie, de doubler le nombre d'élèves ne s'est accompagnée d'aucun engagement budgétaire : pourtant, à moyens constants, cet objectif est irréalisable. Selon la FAPEE (Fédération des associations des parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger), le doublement du nombre d'élèves suppose la capacité à créer entre 50 et 60 établissements de 400 élèves par an, d'ici à 2030.

Depuis 2012, le désengagement progressif de l'État est flagrant - 38 % de baisse des subventions entre 2010 et 2017 malgré une augmentation de 10 % du nombre d'élèves. Pourtant, le coût par élève pour l'État français dans les établissements en gestion directe et conventionnés reste faible - autour de 1 900 euros en moyenne (2 400 euros en incluant les bourses) vs. 9 000 euros par élève pour les établissements publics et privés sous contrat en France. L'AEFE est d'ores et déjà financée à 80 % par les frais de scolarité à la charge des familles françaises et étrangères.

Petit rappel historique illustrant à quel point les écoles françaises à l'étranger servent de variable d'ajustement budgétaire : à l'été 2012, lorsque François Hollande avait décidé la suppression de la PEC (la « prise en charge », i.e. la gratuité dans les lycées français à l'étranger pour les élèves de nationalité française), avec effet immédiat dès la rentrée de septembre 2012, il avait annoncé (notamment le 11 juillet, devant les Français de Londres) que les sommes qui seraient ainsi économisées seraient entièrement réinvesties dans les bourses. Pourtant, lorsque quelques semaines plus tard j'avais souhaité faire inscrire sa promesse dans la loi de finances 39 ( * ) , je m'étais heurtée à une fin de non-recevoir. De fait, le « redéploiement » n'a jamais eu lieu. La première année, ce n'est qu'à peine la moitié des 32 millions d'euros « économisés » qui a été réallouée à la scolarisation des jeunes Français à l'étranger. À la suite de mon indignation en commission des affaires étrangères, relayée par voie de presse 40 ( * ) , la Ministre déléguée aux Français de l'étranger d'alors, Hélène Conway, avait expliqué que le redéploiement était bien prévu... mais sur trois ans 41 ( * ) ! Lors du PLF 2013, la hausse de 8,5 millions d'euros de l'enveloppe consacrée aux bourses scolaires sur le programme 151 (censée contribuer à rétablir, à horizon 3 ans, le budget consacré au titre de la « prise en charge » de la scolarité dans les lycées français à l'étranger, supprimé par François Hollande dès son arrivée au pouvoir) a, comme par hasard, été corrélée à une baisse de 8,5 millions d'euros du budget de fonctionnement alloué à l'AEFE au titre du programme 185... plutôt qu'un « redéploiement du budget de la PEC ».

C'est donc bien plutôt une ponction sur les crédits de fonctionnement de l'AEFE au profit des bourses qui a eu lieu. Par la suite, à l'automne 2015, le projet de loi de finances a de surcroît prévu non pas une hausse mais bien une baisse de 10 millions d'euros sur les crédits alloués à l'aide à la scolarité. Résultat : une baisse constante de la quotité de prise en charge qui diminue la capacité financière de nombreuses familles à continuer à scolariser leurs enfants dans le système français, qui entraine des départs et donc la fragilisation des établissements d'enseignement.

Pour en revenir à une actualité plus récente, les prétendues « réserves » de l'AEFE - mises en avant pour « justifier » la coupe de 33 millions d'euros - ne constituent en rien un moyen de financer des frais de fonctionnement car elles sont déjà fléchées sur des projets immobiliers que les familles avaient commencé à financer les années antérieures. Une nouvelle hausse des frais de scolarité est donc à craindre, avec le risque qu'elle ne détourne les familles françaises et francophiles de l'enseignement français à l'étranger, dans un contexte éducatif international ultra-concurrentiel.

Enfin, les restrictions budgétaires posent, à terme, la question du maintien du nombre d'enseignants détachés de l'éducation nationale... qui pourraient être remplacés par des enseignants locaux... et des enseignements à distance, ce qui pose question en termes de qualité de l'enseignement dispensé mais aussi de reconnaissance par les autorités locales. Ainsi, l'École française de Thessalonique, a-t-elle annoncé qu'à compter de la prochaine année scolaire, l'enseignement direct des matières par des professeurs spécialisés serait remplacé par des cours du CNED - changement qui conduirait au retrait de la reconnaissance du ministère grec de l'éducation.

Au-delà des questions budgétaires stricto sensu, l'AEFE se heurte également à d'importantes difficultés pour obtenir des rectorats des détachements d'enseignants. Une coopération plus étroite entre le Ministère des Affaires étrangères et celui de l'Éducation nationale serait nécessaire sur ce dossier (cf QE de juin 2016 42 ( * ) ).

Le réseau des Alliances françaises

L'enseignement du français à l'étranger passe aussi par le réseau des Alliances françaises, dont le taux d'autofinancement est passé de 50 % à 96 % en quelques années seulement.

Né en 1883, le réseau des Alliances françaises a été le pionnier mondial de la diplomatie culturelle et comprend aujourd'hui 834 Alliances dans 132 pays. Dans un contexte d'intense concurrence internationale en matière de « soft power », la France se doit d'améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels de son rayonnement et s'engager pour non seulement pérenniser leur existence mais aussi en favoriser un développement offensif.

Une mise sous tutelle de ces Alliances par l'Institut français constituerait à mon sens une très mauvaise stratégie :

- d'abord d'un point de vue budgétaire et juridique, parce que les Alliances françaises sont en grande partie autofinancées et reposent très largement sur des contributions financières et en nature de francophiles étrangers alors que l'Institut français ne vit quasiment que par ses subventions ;

- ensuite d'un point de vue du positionnement, car il y a une vraie "marque" Alliance française, connue et reconnue et c'est la très forte intégration des Alliances Françaises dans le paysage linguistique et culturel de leur pays d'accueil qui fait leur succès, en fort décalage avec les IF largement perçus comme des émanations de l'Ambassade.

Par ailleurs, la suppression de la réserve parlementaire met de multiples Alliances en difficulté, de même que les nouvelles restrictions budgétaires engendrées par le PLF 2018 (hausse de 18,2 % aux Alliances françaises locales mais chute de 60,6 % des crédits alloués à la Fondation Alliance française de Paris et aux délégations générales de l'Alliance française, soit un budget total 2018 inférieur de 1 millions d'euros - 11,3 %- au budget 2017).

L'enseignement du français dans les établissements scolaires étrangers

Le programme Jules Verne

Depuis 2009, le programme Jules Verne permet à des enseignants titulaires des premier et second degrés de partir enseigner dans un établissement scolaire étranger pendant une année scolaire, afin notamment de s'y familiariser avec d'autres systèmes éducatifs, de parfaire leurs connaissances linguistiques et de contribuer au développement de la politique internationale de leur académie de rattachement. Outre son intérêt pour les enseignants et notre système éducatif dans son ensemble, ce programme contribue au développement de la diversité linguistique et de la francophonie dans les pays d'accueil.

Force est de constater qu'il n'a jamais réellement pris son essor et s'avère aujourd'hui menacé. En réponse à l'une de mes questions écrites de 2016, le Ministère de l'Éducation a rendu publics le nombre d'enseignants ayant pris part au programme depuis sa création 43 ( * ) (cf tableau ci-dessus). L'effondrement des effectifs concernés est patent. Le reste de la réponse ministérielle développe des explications quant aux nouvelles contraintes encadrant désormais le recours à ce dispositif et empêchant, dans les faits, qu'il ne se développe.

Cette frilosité ne peut que nuire à notre diplomatie d'influence, à la francophonie et à l'ouverture internationale de notre système d'enseignement.

Le label FrancEducation

Créée en 2012 par Alain Juppé, le label FrancEducation vise à accompagner des écoles étrangères proposant des filières bilingues francophones d'excellence, en s'appuyant sur des méthodes pédagogiques françaises. Il contribue ainsi à l'émergence d'un réseau d'enseignement français à l'étranger complémentaire à celui des écoles françaises homologuées.

Ce label rassemble aujourd'hui 209 établissements dans 44 pays (9 nouveaux pays en 2017), soit 90 000 élèves sur un total de 1,3 millions d'élèves scolarisés dans des classes bilingues francophones.

Le décret n° 2014-1483 du 10 décembre 2014, entré en vigueur au 1 er janvier 2015, a apporté quelques modifications aux conditions d'attribution de ce label, avec pour objectif de permettre à un plus grand nombre d'établissements de rejoindre le réseau. Il a notamment abaissé le niveau d'exigence du label :

- le minimum de disciplines non linguistiques qui doivent être enseignées en français a baissé de deux à une ;

- le volume minimum d'enseignement en français est passé de 30 % à 20% du nombre d'heures de cours hebdomadaire ;

- la présence d'au moins un enseignant titulaire de l'éducation nationale française (jusqu'alors obligatoire sauf dérogation) n'est plus exigée, les établissements devant désormais seulement justifier de la présence d'au moins un enseignant francophone titulaire d'un master.

Si, dans un souci de promotion de la francophonie et d'accès facilité aux filières bilingues pour les jeunes français inscrits dans les écoles locales, il est louable de vouloir faciliter l'obtention du label par un maximum d'établissements, il serait important de veiller à ce que ces écoles maintiennent, malgré l'abaissement des exigences, un niveau suffisant en français. La crédibilité de ce dispositif d'excellence, et donc sa viabilité, en dépendront.

L'enseignement associatif : les petites écoles « FLAM »

Créé en 2001 par le Ministère des Affaires étrangères, à l'initiative du Conseil supérieur des Français de l'étranger (depuis devenu Assemblée des Français de l'étranger), le programme FLAM a été mis en place pour soutenir des initiatives extrascolaires de soutien à la pratique du français pour les enfants de familles résidant hors de France scolarisés dans le système local non-francophone de leur pays de résidence. Il était réclamé par les familles binationales établies de manière pérenne à l'étranger dont les enfants ne peuvent être scolarisés dans des établissements d'enseignement français 44 ( * ) , auxquelles il est particulièrement utile.

Le dispositif FLAM (« Français Langue Maternelle ») regroupe aujourd'hui 157 « petites écoles » dans 37 pays, dont 48 associations subventionnées en 2017.

Le dispositif d'appui financier aux associations FLAM a été confié en 2009 à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à la suite des recommandations des états généraux de l'enseignement français à l'étranger. Les subventions sont attribuées pour un an, à la suite d'une commission annuelle.

Beaucoup d'associations bénéficiaient par ailleurs de la réserve parlementaire et ont été extrêmement pénalisées par sa suppression qui n'est pas compensée totalement par le nouveau dispositif STAFE (voir note n° 3 en dernière page).

Des pistes pour donner un nouveau souffle à l'enseignement français à l'étranger

Volontariat international d'enseignement en français (VIEF)

Lors des QAG du 20 mars 2018, Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, m'a indiqué que le Président de la République venait, lors de son grand discours sur la francophonie, de reprendre mon idée d'un volontariat international d'enseignement en français 45 ( * ) .

J'ai déposé cette proposition de loi tendant à créer un Volontariat International d'Enseignement en Français le 14 septembre 2017 46 ( * ) .

Son objectif est de créer un pendant aux VIE, VIA, VSI et SVE en faveur de la francophonie.

Dans leurs modalités actuelles, ces programmes ne permettent en effet pas à des volontaires d'aller soutenir et accompagner l'enseignement du français à l'étranger, en particulier lorsque celui-ci prend place dans des organismes de droit local. Dans certains pays comme au Maghreb ou dans les Balkans, la francophonie recule faute d'un nombre suffisant d'enseignants, alors qu'elle s'appuyait, jusqu'à peu, sur un important réseau de « lecteurs ». Enfin, les initiatives de la communauté française à l'étranger visant à faciliter l'enseignement de la langue française aux jeunes Français scolarisés dans le système éducatif local se heurtent trop souvent aux contraintes administratives et financières préalables à la création de « petites écoles FLAM ».

Le développement des cursus de FLE (français langue étrangère) permet à la France de former des professeurs diplômés spécialistes de l'enseignement du français aux locuteurs étrangers. Mais les moyens de financer l'envoi de tels professeurs à l'international manquent. Pour appuyer à moindre coût ces enseignants, il serait opportun de créer un dispositif de volontariat international d'enseignement en français (VIEF). Cela offrirait aussi à de jeunes diplômés des opportunités de vivre à l'étranger et d'y acquérir une première expérience professionnelle, ou à de jeunes retraités de mettre à profit leur expérience et leur passion et de vivre une expérience à l'étranger.

À l'issue d'une courte formation pédagogique, ces personnes pourraient se positionner sur des missions d'appui à la diffusion et l'enseignement du français, tant dans des structures associatives à destination de jeunes Français du type « écoles FLAM », qu'auprès d'établissements scolaires, universitaires ou culturels du pays de résidence.

Un amendement 47 ( * ) à la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense avait permis de créer, en parallèle à la mobilisation de la réserve citoyenne auprès des élèves sur le territoire français, une réserve citoyenne à vocation éducative à l'étranger, pour promouvoir l'enseignement de notre langue, de notre culture et de nos valeurs, que ce soit dans le cadre d'établissements scolaires ou universitaires ou d'associations. Néanmoins sa mise en oeuvre demeure ralentie et entravée par le manque de cadre officiel, d'où la nécessité d'y consacrer une proposition de loi.

Enfin, l'Organisation internationale de la francophonie a mis en place en 2006 un dispositif de volontariat international de la francophonie, qui offre aux jeunes francophones âgés de 21 à 34 ans la possibilité de s'engager durant 12 mois pour mettre leurs compétences au service d'un projet et de vivre une expérience de mobilité internationale au sein de l'espace francophone qui s'intègrera à leur parcours professionnel. Mais ce dispositif est d'ampleur trop restreinte pour offrir suffisamment d'opportunités aux jeunes Français (environ 300 « volontaires » depuis 2006, les candidatures issues de pays « du Sud » et d'Europe centrale et orientale étant fortement encouragées). Surtout, les volontaires ne peuvent être accueillis que dans des structures appartenant au réseau de partenariat de l'Organisation internationale de la francophonie - opérateurs (AUF, AIMF, TV5 MONDE, Université Senghor) ou institutions (Confemen, Confejes, APF), alors que c'est dans la multitude des associations, écoles et universités de droit local que résident l'essentiel des besoins de lecteurs francophones.

Le dispositif de « volontariat international d'enseignement en français » (VIEF) que ma proposition de loi propose de créer serait ouvert à tous les Françaises et Français majeurs, sans limite d'âge - même s'il sera surtout attractif pour de jeunes diplômés ou de jeunes retraités.

En ce sens, cette PPL rejoint ma proposition - portée de longue date - de créer un VIE seniors, ceux-ci constituant un vivier de talents et d'expériences trop négligé à l'étranger. Dès le PLF 200948 ( * ), j'avais souligné l'intérêt qu'il y aurait à faciliter la possibilité pour les jeunes retraités de réaliser des missions à l'international, notamment dans les pays en développement. Dans un rapport sur la francophonie réalisé pour l'UMP49 ( * ), j'avais également appelé au développement de modes de volontariats en entreprises et en institutions. Constatant que la proposition tardait à se concrétiser, je l'avais réintroduite dans l'agenda politique lors d'un débat sur l'influence de la France en 2015 50 ( * ) .

Comme dans le cadre des VIE, VIA ou VSI, les missions dureront de 6 à 24 mois. Les volontaires bénéficieront d'une indemnité, non soumise à l'impôt sur le revenu ou aux cotisations et contributions sociales en France, puisque n'ayant pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération ; ils auront également un minimum de 2 jours de congés payés par mois de mission et seront affiliés par l'organisme les accueillant à un régime de sécurité sociale garantissant au minimum des droits identiques à ceux du régime général de la sécurité sociale française. L'indemnité et la couverture sociale seront intégralement prises en charge par la structure d'accueil.

L'octroi de l'agrément aux structures d'accueil, la diffusion des offres de mission, la gestion des contrats de volontariat et l'organisation d'une courte formation pédagogique en amont de la mission seront confiés à l'Institut français, tandis que chaque structure d'accueil sera libre d'évaluer et sélectionner les candidats.

Au-delà du principe, reste à voir dans quelle mesure le Président Macron reprendra les modalités concrètes de ces propositions.

Fonds pour la présence et le rayonnement français à l'étranger

Ma proposition de loi tendant à créer un Fonds pour la présence et le rayonnement français à l'étranger 51 ( * ) s'inscrivait dans la volonté de trouver des financements innovants et pérennes en soutien à la variété d'initiatives francophones confrontées à la raréfaction des subventions. La proposition de loi proposait de créer un fonds amorcé par un financement public - prenant la suite de la réserve parlementaire - mais ouvrant la possibilité de financements privés, de type mécénat ou donations.

J'avais tenté de déposer un amendement 52 ( * ) au projet de loi de moralisation de la vie public tendant à créer un tel fonds pour la présence et le rayonnement français à l'étranger, mais il avait été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, d'où la nécessité de passer par le truchement d'une proposition de loi plutôt que par voie d'amendement.

La création d'un fonds spécifique permettrait aussi de mieux en structurer les contours et règles de gouvernance tout en répondant au légitime besoin de transparence.

Dans chaque circonscription législative française à l'étranger, une commission aurait déterminé les projets pouvant bénéficier de subventions au titre de ce fonds. Cette commission aurait été composée du député de la circonscription, de l'ensemble des sénateurs des Français de l'étranger, de l'ensemble des conseillers et délégués consulaires de la circonscription.

Cette proposition de loi n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour du Sénat 53 ( * ) .

CONTRIBUTION DE M. JEAN-PIERRE BANSARD 54 ( * ) ET MME ÉVELYNE RENAUD-GARABEDIAN, SÉNATEURS REPRÉSENTANTS LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public qui a pour mission d'assurer le service public d'éducation aux enfants de nationalité française résidant à l'étranger. Ce réseau scolaire participe également, en une seconde mission, au rayonnement de la France dans le monde.

Les Français de l'étranger forment une population en pleine expansion : leur nombre a augmenté de 30% en dix ans. Ils sont 1,8 million à être inscrits au registre des Français établis hors de France. Cette inscription n'étant pas obligatoire, on estime qu'en réalité plus de deux millions et demi de nos compatriotes sont établis hors de France, soit l'équivalent de la population parisienne ou de celle d'outre-mer.

Ces Français vivent à l'étranger pour des raisons professionnelles ou personnelles, pour une courte durée, de façon prolongée ou définitive, et leurs enfants sont souvent binationaux. Ils sont attachés à leur pays, la France, et veulent leur transmettre les valeurs et la culture française. Ils s'accordent tous sur la qualité de l'éducation française et désirent le plus souvent que leurs enfants poursuivent leur scolarité dans un établissement du réseau AEFE. Celui-ci accueille 350 000 élèves, dont 126 000 élèves français, et présente deux avantages majeurs :

- la densité géographique : 492 établissements sont présents dans 137 pays. Ce maillage dense permet aux Français de l'étranger d'assurer la continuité de la scolarité de leurs enfants. Il est tout à fait central que les enfants qui déménagent à l'étranger avec leurs parents puissent continuer à suivre le même cursus scolaire. Le réseau est de ce fait plébiscité par les personnes qui doivent régulièrement s'expatrier, comme les diplomates, qu'ils soient ou non Français.

- la qualité de l'enseignement offert : l'éducation « à la française » accorde autant d'importance aux humanités qu'aux connaissances scientifiques. Cette qualité repose surtout sur la compétence des enseignants détachés de l'Éducation Nationale, qu'ils soient certifiés ou agrégés.

Toutefois, les coupes budgétaires qui s'imposent dans la grande majorité des ministères, et donc au ministère des Affaires Étrangères, se sont répercutées sur le budget de l'AEFE placé sous sa tutelle. Et ce alors même que le nombre de Français de l'étranger ne cesse d'augmenter et que le réseau reçoit chaque année davantage d'élèves (+ 2 % en moyenne par an). Même si le précédent chef de l'État, ainsi que l'actuel, ont souhaité préserver ou augmenter le budget de l'éducation, les Français de l'étranger n'ont jamais été concernés.

Les économies forcées - du fait de l'annulation de 33 millions de crédits en juillet 2017, mais plus généralement du fait de la sous-dotation chronique de l'AEFE depuis plusieurs années - entraînent en effet :

1. Une diminution progressive du nombre d'enseignants titulaires de l'Éducation Nationale détachés dans le réseau , selon deux types de statuts :

- les enseignants expatriés, les mieux rémunérés, en contrepartie de quoi ils sont en principe les plus mobiles. La durée de leur contrat est de trois ans renouvelable une fois ;

- les enseignants résidents, également détachés de l'Éducation Nationale qui, sauf mesure de carte scolaire, peuvent rester au même poste toute leur carrière s'ils en font le choix.

À ces deux catégories s'ajoutent les enseignants employés sous contrat local, moins bien rémunérés que leurs collègues détachés.

Il peut arriver que des fonctionnaires soient sous contrat local et par conséquent mis en position de disponibilité. La situation de ces « faux-résidents » est dénoncée par les syndicats.

Enfin, il est nécessaire de signaler que le budget de l'AEFE est en particulier grevé par la charge - dynamique - des pensions civiles des enseignants, qui n'est plus depuis 2009 prise en charge par le ministère de l'Education Nationale mais par l'AEFE elle- même. Cela représente une dépense de 173 millions d'euros par an, soit 45% de la dotation de l'Agence.

Nous voulons insister sur le fait que la présence d'enseignants détachés de l'Education Nationale constitue le coeur du réseau éducatif français à l'étranger. Ceux-ci assurent le lien pédagogique avec l'enseignement en France recherché par les parents d'élèves. Or, du fait du manque d'enseignants en France, les académies n'acceptent plus désormais les détachements que difficilement.

2. L'augmentation des frais de scolarité . La baisse des crédits publics entraîne de façon mécanique une augmentation des frais de scolarité, qui sont fort élevés : ils peuvent aller jusqu'à plusieurs milliers d'euros par mois et par enfant. Ces frais d'écolage sont en augmentation permanente depuis des années. L'annulation des crédits de juillet 2017 a de fait provoqué une augmentation de la participation financière complémentaire pour les établissements en gestion directe ou conventionnés passant de 6 à 9% en 2018 et qui devrait repasser à 7,5% en 2019.

Les parents d'élèves ne sont pas tous des salariés expatriés de grandes entreprises françaises dont les frais d'écolage sont couverts par leur employeur. Loin s'en faut, la majorité d'entre eux doit s'acquitter de frais de scolarité souvent prohibitifs au point qu'ils renoncent à scolariser leur enfant dans le réseau.

D'autant que le système d'attribution des bourses scolaires n'apporte pas entière satisfaction (ce point relevant toutefois du programme 151). La procédure est complexe, l'existence du dispositif est même souvent méconnue et son instruction fastidieuse en termes de documentation. La mixité sociale dans les lycées français à l'étranger est donc une abstraction.

3. Des déconventionnements . Il existe trois statuts juridiques pour les établissements scolaires du réseau de l'AEFE : les établissements en gestion directe (EGD), les établissements conventionnés, et les établissements partenaires.

Les EGD sont des établissements déconcentrés de l'AEFE. Les établissements conventionnés sont gérés par des parents d'élèves ayant signé une convention avec l'AEFE fixant la gouvernance tant du point de vue administratif que pédagogique.

L'AEFE, comme tout établissement public, est tenu au nombre d'emplois accordés chaque année par la loi de finances. Comme les besoins continuent à augmenter, et que la géographie de l'expatriation n'est pas homogène, certains établissements sont déconventionnés de façon à réattribuer ces équivalents temps plein ailleurs. Ceci implique de fait une privatisation lente, progressive, mais certaine du réseau.

Le Président de la République a fait part de son souhait de doubler le nombre d'élèves accueillis par le réseau d'ici 2025. Parallèlement, il a déclaré sanctuariser les crédits de l'AEFE pour 2018 et 2019. Cet objectif ne pourra être atteint que par une augmentation massive du budget de l'AEFE, ou bien par des déconventionnements tout aussi massifs. La première hypothèse ne semblant pas être celle envisagée par le Gouvernement, nous allons inéluctablement vers une privatisation du réseau. Ceci constitue à nos yeux un grave renoncement, dont on peut difficilement considérer qu'il aille dans l'intérêt des Français de l'étranger.

En résumé, nous défendons :

- une plus grande implication budgétaire du Ministère de l'Éducation Nationale prenant en charge les cotisations patronales de pensions civiles des personnels détachés auprès de l'AEFE ;

- une indexation de la dotation budgétaire de l'État au réseau à hauteur de l'augmentation annuelle des effectifs scolaires de l'AEFE ;

- une évolution statutaire pour une implication meilleure des parents d'élèves dans les instances gestionnaires des établissements scolaires, qu'ils soient en EGD, conventionnés ou partenaires ;

- le maintien des détachements des enseignants à hauteur des besoins du réseau.

ANNEXES

AIDE NETTE DE L'AEFE PAR ÉTABLISSEMENT EN 2017

Source : AEFE

AIDE NETTE DE L'AEFE PAR PAYS EN 2017

Source : AEFE

CRITÈRES D'HOMOLOGATION DES ÉTABLISSEMENTS POUR 2018-2019

Établissements d'enseignement français à l'étranger

Homologation et suivi - année scolaire 2018-2019

NOR : MENC1817916N
note de service n° 2018-083 du 27-6-2018
MEN - DREIC-DIVS

Texte adressé au ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; aux ambassadrices et ambassadeurs ; au directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; aux chefs d'établissement du réseau homologué
Vu Code de l'éducation, notamment articles L. 451-1, R. 451-1 à R. 451-14, D. 531-45 à D. 531-51 ; loi n°2013-595 du 8-7-2013

Les établissements d'enseignement français homologués par le ministère de l'éducation nationale (Men) forment un réseau mondial de près de 500 établissements dans 137 pays qui scolarise plus de 340 000 élèves de la maternelle à la terminale.

Ils ont vocation à accueillir des élèves français afin de leur permettre de poursuivre leur scolarité à l'étranger, sur programme français et dans le respect des exigences du système éducatif français. Ils peuvent également accueillir des élèves des pays hôtes ou de nationalités tierces. La scolarité accomplie par les élèves est considérée, en vue de la poursuite de leurs études et de la délivrance des diplômes, comme effectuée en France dans un établissement d'enseignement public.

Les établissements d'enseignement français à l'étranger homologués portent les valeurs du système éducatif français et contribuent, par leur action, au rayonnement de la France à l'étranger. Ils promeuvent la poursuite d'études des élèves dans l'enseignement supérieur français. Ils constituent des lieux d'échanges avec les pays qui les accueillent.

Le réseau des établissements homologués est complété par l'offre sur programmes français proposée par le Centre national d'enseignement à distance (Cned).

La présente note de service précise les modalités d'attribution et de renouvellement de l'homologation ainsi que le calendrier de la campagne d'homologation et de suivi d'homologation.

I - L'homologation des établissements d'enseignement français - dispositions générales

1.1 Définition

L'homologation des établissements d'enseignement français à l'étranger est la procédure par laquelle, en accord avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), le Men atteste et reconnaît que des établissements scolaires situés à l'étranger dispensent un enseignement conforme aux principes, aux programmes et à l'organisation pédagogique du système éducatif français.

1.2 Principes et critères

Les établissements d'enseignement français à l'étranger respectent les principes fondamentaux du système éducatif français tel que décrit dans le code de l'éducation :

- de liberté, d'égalité et de laïcité ;

- d'organisation pédagogique et éducative ;

- de fonctionnement des établissements scolaires.

Ces principes sont appréciés dans le contexte de la législation locale et des accords signés avec les États d'accueil.

L'attribution de l'homologation est subordonnée au respect des critères suivants :

- conformité de l'enseignement aux programmes définis par le Men ;

- préparation et passation des examens français ;

- enseignement dispensé en langue française ;

- enseignement direct ;

- nombre d'élèves scolarisés ;

- présence d'élèves français ;

- présence de personnels d'encadrement et enseignants titulaires du Men (et/ou de maîtres contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, en position de disponibilité) et personnels qualifiés recrutés localement ;

- participation à la formation continue des personnels ;

- respect des principes de gouvernance et de gestion des établissements scolaires ;

- existence de locaux et équipements adaptés aux exigences pédagogiques des niveaux et des filières d'enseignement concernés, à l'accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers et au respect des règles de sécurité.

Les établissements d'enseignement français à l'étranger homologués s'engagent à respecter les principes et les critères cités ci-dessus et :

- à assurer la visibilité des programmes français ;

- à proposer une communication en français ;

- à faire figurer sur leurs supports de communication (site internet, brochures, etc.) la mention homologation par le ministère français chargé de l'éducation en précisant les classes homologuées conformément à l'arrêté en vigueur. Les mentions légales, le visuel et la charte d'utilisation sont disponibles sur le site Éduscol à l'adresse http://eduscol.education.fr/homologation-etablissement-enseignement-français ;

- à répondre aux enquêtes diligentées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), en particulier l'enquête de rentrée sur l'application MAGE ;

- à participer au plan de formation du réseau homologué en fonction des besoins identifiés et aux actions proposées par le poste diplomatique ;

- à notifier, sous couvert du poste diplomatique, aux secteurs géographiques concernés et au service pédagogique de l'AEFE tout changement susceptible d'avoir un effet sur l'homologation (demande d'accréditation auprès d'autres institutions, changement de nom, changement de gouvernance, etc.). Ces informations sont transmises par l'opérateur public aux deux ministères concernés.

1.3 Perspectives offertes par l'homologation

L'homologation permet :

- aux élèves de poursuivre un parcours sur programme français. Les élèves issus d'un établissement d'enseignement français à l'étranger homologué intègrent, sans examen de contrôle en France, un établissement public ou un établissement privé sous contrat d'association avec l'État et à l'étranger, un autre établissement d'enseignement français homologué dans les limites de ses capacités d'accueil ;

- aux élèves de passer les diplômes français en candidat scolaire ;
- aux élèves français de solliciter une bourse scolaire (selon les modalités en vigueur) ;

- aux personnels de participer au plan de formation du réseau homologué selon les besoins identifiés ;

- de bénéficier de l'accompagnement des inspecteurs de l'éducation nationale, de formateurs titulaires de l'éducation nationale et des postes diplomatiques ;

- aux établissements d'intégrer un réseau et de participer aux actions proposées par le Men, par le MEAE, l'AEFE et la Mission laïque française (MLF) ;

- aux établissements de recruter des personnels titulaires de l'éducation nationale par la voie du détachement, afin d'exercer leur fonction dans les seules classes homologuées. Il est rappelé que l'homologation n'implique pas le droit automatique au détachement de personnels titulaires du Men, les demandes de détachement restant soumises à l'appréciation et à l'accord de ce ministère. Le calendrier et les procédures relatives aux détachements font l'objet d'une note distincte. Les détachements sont prononcés par la direction générale des ressources humaines (DGRH) du Men en fonction de la ressource disponible.

II - Procédure de demande d'homologation

La délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération (Dreic) du Men coordonne la procédure d'attribution de l'homologation.

2.1 Conditions d'éligibilité

Les classes sur lesquelles porte la demande sont en activité depuis un an au moins à la date du dépôt du dossier. L'homologation peut concerner un établissement ou une section d'un établissement.

Les établissements ou niveaux scolarisant de faibles effectifs d'élèves sont invités à privilégier l'offre proposée par le Cned. Ils ne sont pas prioritaires pour l'homologation.

L'homologation est demandée par cycle(s) d'enseignement, voire par niveau (maternelle, élémentaire, collège, lycée). Pour les classes du cycle terminal (classes de première et de terminale), l'homologation est demandée par série(s). Pour les classes à examen, les établissements doivent disposer des résultats d'au moins une session au moment du dépôt (y compris par le Cned).

Les demandes ne s'effectuent pas classe par classe, à l'exception de la classe de 6e (cycle 3) si l'élémentaire est déjà homologué.

À titre dérogatoire au critère de l'enseignement direct, il est laissé la possibilité aux établissements d'inscrire les élèves au Cned (réglementé) l'année où l'établissement sollicite une demande d'homologation pour les seules classes à examen (3e ou 1re ou Terminale).

Les établissements en année probatoire ne peuvent pas déposer de dossiers d'extension d'homologation.

Seuls les dossiers complets, ayant reçu un avis favorable du poste diplomatique, de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (DGM) du MEAE, sont transmis, pour évaluation, au Men.

2.2 Évaluation des dossiers par le Men

L'analyse pédagogique et administrative des dossiers d'homologation est réalisée par les inspections générales du Men (inspection générale de l'éducation nationale et inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche) en lien avec la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) et la direction générale des ressources humaines (DGRH).

Elle tient compte de l'offre scolaire existante dans la zone géographique et de la possibilité pour les établissements de s'inscrire notamment dans d'autres dispositifs (Cned et LabelFrancÉducation).

Elle évalue les demandes au regard des principes et des critères de l'homologation.

Les dossiers de demande d'homologation sont constitués :

- pour les demandes de première homologation, d'un « cahier pédagogique » et d'un « cahier diplomatique » ;

- pour les demandes d'extension d'homologation, d'un « questionnaire pédagogique » et d'un « avis diplomatique » ;

- dans tous les cas, des pièces complémentaires énumérées en annexe de la présente note.

Des compléments d'information peuvent être demandés à l'initiative des instructeurs des dossiers. Les établissements, les inspecteurs de l'éducation nationale (IEN) en résidence, les IA-IPR de l'AEFE, la Mission laïque française et les postes diplomatiques sont invités à répondre à ces interrogations. Ces éléments font alors partie intégrante de la documentation sur laquelle s'appuie l'évaluation des dossiers.

2.3 Commission interministérielle et publication des résultats

Après examen des dossiers présentés, les avis sont rendus par la commission interministérielle d'homologation (CIH), présidée par le délégué aux relations européennes et internationales et à la coopération, représentant le ministre de l'éducation nationale.

La liste officielle des établissements d'enseignement français à l'étranger est établie, par arrêté publié au Journal officiel de la République française, par le ministre de l'éducation nationale et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

La direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international (DGM) du MEAE notifie les avis et les recommandations de la commission par courrier formel aux postes diplomatiques. Ceux-ci informent les établissements concernés et suivent la mise en oeuvre des recommandations émises lors de la CIH.

L'homologation entre en vigueur à compter de la rentrée scolaire suivante.

Nota bene

Les établissements ayant l'intention de déposer un dossier de première demande d'homologation sont invités à prendre l'attache des postes diplomatiques en amont de tout dépôt de candidature.

Ces derniers les informeront, sur la base de la présente note, des modalités d'attribution de l'homologation et des prestations qui peuvent être proposées par l'AEFE ou la MLF afin de préciser et préparer leur projet pendant une à deux années précédant le dépôt de candidature.

Cet accompagnement ne présage toutefois pas de l'obtention de l'homologation.

III - Respect des engagements liés à l'homologation et procédures de suivi

En lien avec le MEAE et l'AEFE, le ministère de l'éducation nationale procède au contrôle du respect des principes et critères d'homologation. Les établissements homologués sont soumis à un audit lié au renouvellement de l'homologation et peuvent faire l'objet d'un suivi d'homologation ponctuel. Les rapport(s) d'inspection sont rédigés par un inspecteur de l'AEFE ou un inspecteur général de l'éducation nationale ou de l'administration, de l'éducation nationale. Les avis sont rendus par la commission interministérielle d'homologation.

3.1 Renouvellement de l'homologation

Les établissements homologués font, dans le cadre d'un plan de suivi interministériel, l'objet au moins une fois tous les cinq ans d'un audit, condition du renouvellement de l'homologation accordée par le Men.

Le Men et le MEAE informent les postes diplomatiques et les établissements concernés par le renouvellement. Chacun de ces établissements doit alors mettre en oeuvre les conditions favorables à l'organisation de cet audit. L'évaluation globale s'appuie sur un questionnaire transmis par l'établissement, sous couvert du poste diplomatique et sur le/les rapport(s) d'inspection.

3.2 Suivi ponctuel d'homologation

À l'occasion d'un signalement ou d'un avis de la commission interministérielle, chaque établissement homologué est susceptible de faire l'objet d'un suivi ponctuel, à tout moment de l'année. Il lui appartient alors de renseigner un questionnaire de « suivi d'homologation » et de le transmettre sous couvert du poste diplomatique dans un délai d'un mois après notification (hors période de congés scolaires). En outre, une mission d'inspection peut être diligentée. Il appartient à l'établissement de mettre en oeuvre les conditions favorables à l'organisation de cette mission.

3.3 Année probatoire

L'établissement placé en année probatoire dispose d'un délai jusqu'à la prochaine commission interministérielle pour se mettre en conformité avec les engagements liés à l'homologation. Il doit alors mettre en oeuvre les conditions favorables à l'organisation d'un audit, en renvoyant sous couvert du poste diplomatique un questionnaire spécifique et en accueillant une mission d'inspection. Si, à terme échu, une discordance persistante avec les principes et critères de l'homologation est constatée, la décision de « retrait d'homologation » pour tout ou partie des classes est prononcée.

3.4 Avis rendus par la commission interministérielle d'homologation

Après analyse par le Men, en lien avec le MEAE, la commission interministérielle d'homologation (CIH) prononce les avis suivants, éventuellement assortis de recommandations :

- la confirmation de l'homologation ;

- la demande de suivi ponctuel d'homologation ;

- le placement de l'établissement en année probatoire ;

- le retrait de l'homologation de tout ou partie de l'établissement.

En cas de nécessité, les deux ministères peuvent également décider d'une procédure de contrôle en urgence, pouvant conduire à un retrait immédiat de l'homologation.

Pour le ministre de l'éducation nationale
et par délégation,

Le sous-directeur des affaires européennes et multilatérales chargé de l'intérim du chef de service délégué aux relations européennes et internationales et à la coopération

Hervé Tilly

Annexe 1 - Calendrier et modalités de la campagne d'homologation 2018-2019

1 - Calendrier de la campagne

6 septembre 2018

- ouverture de la campagne

16 octobre 2018

- date limite de transmission électronique des dossiers par les établissements aux postes diplomatiques

2 novembre 2018

- date limite de transmission électronique des dossiers par les postes diplomatiques au service pédagogique de l'AEFE

Novembre-décembre 2018

- examen des dossiers par le MEAE et l'AEFE

Janvier 2019

- transmission électronique des dossiers retenus par le MEAE et l'AEFE au Men

Février-avril 2019

- évaluation pédagogique par le Men, puis examen et évaluation des dossiers en commissions de synthèse

Mai 2019

- commission interministérielle d'homologation

Juin 2019

- publication, par le Men de l'arrêté interministériel fixant la liste actualisée des établissements d'enseignement français homologués

- notification des avis et des recommandations de la CIH aux postes diplomatiques par le MEAE

2 - Modalités de la campagne d'homologation

Modalités pratiques du dépôt des dossiers d'homologation

La procédure d'homologation est informatisée. Les dossiers sont uniquement accessibles par voie électronique via l'application dédiée : https://homologation.aefe.fr/

Demande de première homologation

L'accès à l'application nécessite l'utilisation d'un identifiant et d'un mot de passe dont l'établissement fait la demande via l'application « homologation ». L'attribution de ces identifiants est soumise à validation par le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) dont relève l'établissement.

L'établissement, muni de son identifiant et de son mot de passe, télécharge et complète le cahier pédagogique, qu'il enregistre dans l'application. Il joint impérativement les pièces énumérées en annexe, ainsi que les documents spécifiques précisés dans le cahier pédagogique.

Le poste diplomatique valide le cahier pédagogique, télécharge et complète le cahier diplomatique, qu'il enregistre dans l'application.

Demande d'extension d'homologation

L'établissement partiellement homologué demande des identifiants en ligne sur l'application « homologation ».

Il télécharge le questionnaire, y répond et l'enregistre dans l'application.

Il joint impérativement les pièces énumérées en annexe ainsi que les documents spécifiques qui sont mentionnés dans le questionnaire.

Le poste diplomatique télécharge l'avis diplomatique, complète la partie qui lui est réservée et l'enregistre dans l'application.

Pièces complémentaires à joindre au dossier d'homologation

L'établissement met en ligne sur la plateforme d'homologation les pièces complémentaires :

- les statuts de l'établissement (et de la section/filière pour les demandes qui ne concernent qu'une section/filière au sein d'un établissement) ; les établissements doivent joindre une traduction des statuts si ces derniers ne sont pas rédigés en français ;

- les documents officiels des autorités locales (autorisation d'ouverture et à enseigner les programmes français) ;

- le projet d'école et/ou d'établissement ;

- le règlement intérieur ;

- la liste des instances de l'établissement (conseil d'école, conseil école-collège, conseil d'établissement, conseil d'administration, etc.) et leur composition ;

- les comptes rendus de chacune des instances de l'année 2017 et 2018 ;

- la présentation des locaux et des équipements (en cas de sites multiples, joindre les informations pour chaque site) ;

- la liste des certifications et accréditations de l'établissement (autres que celles du Men) ;

- la liste des effectifs des élèves scolarisés dans l'établissement (1re demande) ou l'enquête de rentrée (MAGE) pour les demandes d'extension ;

- la liste des personnels de l'établissement (précisant leur statut et leurs qualifications) et la liste des stages de formation continue suivis par ces personnels en utilisant le modèle téléchargeable sur l'application «homologation» ;

- les modalités de certification des comptes et la présentation du budget ;

- le calendrier de l'établissement et les emplois du temps des élèves ;

- les résultats aux évaluations, aux examens et diplômes de l'éducation nationale ;

- l'engagement d'adhésion de l'établissement demandeur à signer la Charte pour l'enseignement français à l'étranger et un accord de partenariat avec l'AEFE (les établissements de la Mission laïque française fournissent le contrat qui les lie à la MLF).

Le dossier de l'établissement est étudié à l'appui d'un rapport d'un inspecteur de l'AEFE ou d'un inspecteur général du Men.

Points de contact

Les demandes d'aide à la constitution des dossiers et d'utilisation de l'application « homologation » sont à adresser à partir du 6 septembre au service pédagogique de l'AEFE à l'adresse : homologation.aefe@diplomatie.gouv.fr )

Les établissements peuvent également se reporter à la rubrique « homologation » du portail Éduscol :

http://eduscol.education.fr/cid48346/l-homologation-principes-et-procedure.htm

Nota bene

Pour rappel, les dossiers incomplets et/ou hors délai et/ou n'utilisant pas les modèles ne sont pas étudiés.

Les établissements peuvent également communiquer d'autres documents susceptibles d'éclairer leur demande.

L'ensemble des pièces doit être numéroté ; les documents qui requièrent une signature sont soit scannés et téléchargés sur l'application, soit adressés par voie postale à l'AEFE.

Annexe 2 - Calendrier et modalités - suivi d'homologation 2018-2019

1 - Calendrier

Juin 2018

- information des postes diplomatiques par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- information des établissements par le ministère de l'Éducation nationale

6 septembre 2018

- ouverture de la plateforme de suivi et mise à disposition des questionnaires de suivi

16 octobre 2018

- date limite de transmission électronique des dossiers par les établissements aux postes diplomatiques

2 novembre 2018

- date limite de transmission électronique des dossiers par les postes diplomatiques au Men

Novembre 2018

- communication des dossiers de suivi par le Men aux évaluateurs

20 février 2019

- date limite de la transmission électronique des dossiers des établissements en année probatoire

27 février 2019

- date limite de la transmission des dossiers par les postes diplomatiques au Men (en année probatoire)


Février-avril 2019

- évaluation pédagogique par le Men, puis examen et évaluation des dossiers en commissions de synthèse

Mai 2019

- commission interministérielle d'homologation

Juin 2019

- publication, par le Men de l'arrêté interministériel fixant la liste actualisée des établissements d'enseignement français homologués ;

- notification des avis et des recommandations de la CIH aux postes diplomatiques par le MEAE pour communication aux établissements

Septembre 2019

Avis et recommandations de la commission interministérielle sont accessibles sur la plateforme de suivi

2 - Modalités de dépôt des dossiers de suivi d'homologation

La procédure de suivi d'homologation est dématérialisée. Les dossiers sont uniquement accessibles par voie électronique via l'application dédiée : http://suivi-homologation.aefe.fr

Les chefs d'établissement concernés sont notifiés à l'ouverture de la campagne de suivi.

L'établissement, muni de son code MAGE (identifiant), peut accéder à la plateforme. Il télécharge et complète le questionnaire de suivi accompagné des pièces complémentaires qu'il enregistre dans l'application.

L'établissement met en ligne sur la plateforme de suivi les pièces suivantes :

- les statuts de l'établissement (et de la section/filière pour les demandes qui ne concernent qu'une section/filière au sein d'un établissement) ;

- les établissements doivent joindre une traduction des statuts si ces derniers ne sont pas rédigés en français ;

- les documents relatifs aux autorisations données à l'établissement par les autorités locales et à la reconnaissance du parcours ;

- le projet d'école et/ou d'établissement ;

- le règlement intérieur ;

- la liste des instances de l'établissement, leur composition ;

- les comptes rendus de chaque instance au cours de deux dernières années (conseil d'école, conseil école-collège, conseil d'établissement, conseil d'administration, etc.) ;

- la liste des certifications et accréditations de l'établissement (autres que celles du Men) ;

- la liste des personnels de l'établissement (précisant leur statut et leurs qualifications) et la liste des stages de formation continue suivis par ces personnels en utilisant le modèle téléchargeable sur l'application « suivi d'homologation » ;

- l'organigramme fonctionnel de l'établissement ;

- les modalités de recrutement ;

- la présentation de la politique de formation ;

- la présentation de la politique des langues ;

- les emplois du temps des élèves ;

- les résultats aux évaluations, aux examens et diplômes de l'éducation nationale et leur analyse ;

- les emplois du temps des personnels titulaires de l'éducation nationale et des autres enseignants ;

- les frais de scolarité ;

- les modalités de certification des comptes et la présentation du budget ;

- les rapports d'audit ou d'évaluations de l'établissement (hors ministère français de l'éducation nationale) ;

- deux projets pédagogiques mis en oeuvre par l'établissement ;

- la présentation des locaux et des équipements.

Le plan particulier de mise en sureté (PPMS) est consulté sur place par les inspecteurs mandatés.
Le dossier de l'établissement est étudié à l'appui des rapports des inspecteurs de l'AEFE ou d'un inspecteur général du Men :

- pour le premier degré, les deux derniers rapports d'IEN de zone ;

- pour le second degré, le rapport d'un IA-IPR détaché auprès de l'AEFE.

Point de contact

Les demandes d'aide à la constitution des dossiers et d'utilisation de l'application « suivi d'homologation » sont à adresser à partir du 6 septembre au service du suivi de l'homologation du ministère de l'éducation nationale à l'adresse suivante : contact.suivi-homologation@education.gouv.fr

Les établissements peuvent également se reporter à la rubrique « suivi d'homologation » du portail Éduscol : http://eduscol.education.fr/cid72022/suivi-et-controle-de-l-homologation.html

Pour rappel, les dossiers incomplets et/ou hors délai et/ou n'utilisant pas les modèles ne sont pas étudiés.

Les établissements peuvent également communiquer d'autres documents susceptibles d'éclairer leur dossier.

Les documents qui requièrent une signature sont scannés et téléchargés sur l'application.

Source : DGESCO

COMPOSITION ET MISSIONS DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AEFE

Source : AEFE


* 1 Rapport d'information n° 64 2016-2017, « L'enseignement français à l'étranger et l'accès des élèves français à cet enseignement », Éric Doligé.

* 2 D'après les données transmises par la MLF

* 3 D'après le rapport d'activité 2016-2017

* 4 Rapport de François Perret pour la MLF, « Quel avenir pour l'enseignement français en Europe ? - Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni », 2015.

* 5 Ce chiffre est toutefois à nuancer en raison des faibles effectifs concernés par ce recul (en moyenne une cinquantaine d'élèves par établissement).

* 6 D'après les données transmises par l'AEFE.

* 7 Réponse à la question écrite n°03454 de Christian Cointat, publiée dans le JO Sénat du 17 décembre 2009, p.2941.

* 8 À titre de comparaison, le résultat de l'AEFE en 2017 est déficitaire à hauteur de 54 millions d'euros (cf. infra)

* 9 Décret relatif à l'organisation administrative, budgétaire et comptable de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et modifiant le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d'enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères.

* 10 Décret n° 2005-551 du 19 mai 2005 modifiant le décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003

* 11 La mission « Action extérieure de l'État » prévoit une enveloppe totale de 60 millions d'euros pour les travaux de sécurisation de l'ensemble des implantations françaises à l'étranger, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (source : rapport spécial PLF 2018). Ainsi, la subvention allouée à l'AEFE représente près du quart des dépenses du MEAE en la matière.

* 12 Réponses de l'AEFE au questionnaire des rapporteurs spéciaux

* 13 Modifié par l'article 25 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

* 14 Cet arrêté modifie l'arrêté du 16 juillet 2014 relatif aux règles de la comptabilité budgétaire de l'État, pris en application de l'article 54 du décret GBCP du 7 novembre 2012.

* 15 Note d'exécution budgétaire 2015 (Cour des comptes) du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », p.16.

* 16 Le résultat a été obtenu en divisant l'ensemble des frais de scolarité perçus par tous les établissements du réseau (EGD, conventionnés, partenaires) par le nombre d'élèves scolarisés. Le montant de 5 300 euros inclut les frais de scolarité, les frais d'inscription annuelle et de première inscription. Le montant moyen des frais de scolarité stricto sensu s'élève à 5100 euros par élève d'après l'AEFE.

* 17 36 500 dollars pour une année, de la maternelle à la terminale, à compter de la rentrée 2018.

* 18 Cet article modifie l'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 19 Le fonds de roulement net global représente un excédent de ressources durables après financement des emplois stables (immobilisations) et correspond aux capitaux permanents disponibles pour assurer le règlement des dépenses courantes

* 20 La délibération du 4 décembre 2008 du CA autorisant le directeur à percevoir la PFC sur les EGD et les conventionnés a été annulée par le tribunal administratif de Paris le 19 février 2013, mais ce jugement a été cassé par la Cour administrative d'appel de Paris au motif de l'absence d'intérêt à agir du requérant.

* 21 Rapport spécial, PLF 2018, p.40.

* 22 Les établissements partenaires ne sont pas redevables de la PFC (cf. infra ).

* 23 Le conseil d'administration de l'Agence a rendu un avis favorable à l'unanimité sur la cartographie des risques budgétaires d'après le compte-rendu du CA du 27 novembre 2017.

* 24 Décision du 22 décembre 2017 relative à la fixation d'une participation forfaitaire complémentaire pour les établissements conventionnés pour l'année 2018 (cf. annexe).

* 25 Le dispositif de mutualisation de la formation des personnels finance des actions de formation et une partie des missions de conseiller pédagogique du second degré (EEMCP2).

* 26 Fédération des Associations des Parents d'Élèves des Établissements français à l'étranger.

* 27 Conseil d'administration du 22 novembre 2017, p. 7 du compte-rendu.

* 28 Le secteur « Océan Indien » représente essentiellement les élèves de Madagascar (11 134 élèves en 2017 parmi les 16 783 élèves de cette zone).

* 29 D'après l'examen des comptes rendus des CA des 24 novembre 2015, 22 novembre 2016 et 27 novembre 2017.

* 30 Par exemple, le lycée français de Düsseldorf, qui a pourtant toujours bénéficié d'un taux de PRR inférieur aux moyennes européennes, a vu son taux abaissé à 38 % en 2010 et à 33 % de 2011 à 2013 pour financer la deuxième tranche de son programme d'investissement immobilier. Par conséquent, l'aide nette de l'AEFE par élève pour cet établissement en 2017 est supérieure à 3 000 euros, la moyenne en Europe se situant à 2 400 euros (compte rendu du CA du 1 er juin 2017, p.36).

* 31 Par exemple, l'attribution d'une subvention de 2 millions d'euros de l'AEFE pour financer l'extension du lycée français Alexandre Dumas de Moscou a fait l'objet d'une délibération au CA du 29 mars 2018.

* 32 Source : « L'état de l'école en 2017 - coûts, activités, résultats », publié en novembre 2017 par le ministère de l'éducation nationale.

* 33 Le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de son discours du 20 mars 2018 à l'Institut de France.

* 34 http://www.joellegarriaud.com/2017/08/baisse-financement-des-ecoles-francaises-a-letranger/

* 35 http://www.joellegarriaud.com/2017/08/francais-letranger-une-continuite-parfaite-avec-vieille-politique-atlantico/

* 36 http://www.joellegarriaud.com/2017/11/le-soft-power-francais-sacrifie-sur-lautel-budgetaire/

* 37 http://www.joellegarriaud.com/2017/12/budget-2018-laction-exterieure-letat/

* 38 http://www.joellegarriaud.com/2018/03/francophonie-bonnes-resolutions-quil-faudra-concretiser/

* 39 www.joellegarriaud.com/2012/07/scolarite-a-l%E2%80%99etranger-suppression-pec-c%E2%80%99est-maintenant%E2%80%A6-justice-sociale-en-2014/

* 40 www.joellegarriaud.com/2012/10/9685/

* 41 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121029/etr.html#par189

* 42 http://www.joellegarriaud.com/2016/06/detachements-denseignants-dans-le-reseau-francais-a-letranger/

* 43 http://www.joellegarriaud.com/2016/01/mobilite-des-enseignants-vers-fin-programme-jules-verne/

* 44 L'enseignement du français aux enfants de familles biculturelles établies dans un pays non francophone. Joelle Garriaud-Maylam (préface de Boutros Boutros-Ghali) Londres 2000 26p.

* 45 http://www.joellegarriaud.com/2018/03/question-dactualite-au-gouvernement-sur-francophonie/

* 46 http://www.joellegarriaud.com/2017/09/proposition-loi-tendant-a-instituer-volontariat-international-denseignement-en-francais/

* 47 http://www.senat.fr/amendements/2014-2015/548/Amdt_16.html

* 48 http://www.joellegarriaud.com/2008/12/projet-de-loi-de-finances-pour-2009/

* 49 http://www.joellegarriaud.com/wp-content/uploads/2011/05/RapportFrancophonie.pdf

* 50 http://www.joellegarriaud.com/2015/03/debat-sur-linfluence-france-a-letranger/

* 51 http://www.joellegarriaud.com/2017/10/proposition-loi-tendant-a-creer-fonds-pour-presence-le-rayonnement-francais-a-letranger/

* 52 www.joellegarriaud.com/wp-content/uploads/2017/11/AmendementIrrecevable.pdf

* 53 Un "dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger" ( STAFE) a ensuite été mis à place pour appuyer les projets d'associations locales des Français de l'étranger "qu'ils soient de nature éducative, caritative, cultuelle économique et qu'il contribuent au rayonnement de la France". Mais ce dispositif, outre ce qui est perçu comme une grande lourdeur administrative, présente nombre d'inconvénients, le premier étant son financement puisque, malgré les promesses de le garder au niveau de la Réserve parlementaire qui était de 3 millions d'Euros, il n'est plus que de deux millions, soit un million de moins. La nécessité de trouver au préalable 50% du financement du projet pénalise également nombre de petites écoles ou d'associations FLAM dans des régions sans grandes ressources, en Afrique par exemple, et qui auraient pourtant particulièrement besoin d'un soutien financier pour maintenir leur activité.

* 54 L'élection de M. Jean-Pierre Bansard a été annulée par décision du Conseil constitutionnel le 27 juillet 2018, postérieurement au dépôt du présent rapport.

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