EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 8 mars 2018 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean-François Rapin, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président. - Le sujet est complexe mais crucial. Les moyens de la CNIL, qui est présidée par une personne remarquable, doivent être renforcés pour pouvoir remplir les missions qui lui sont confiées. Quant à la mise en conformité des traitements de données des collectivités territoriales, le défi est d'importance pour elles.

Mme Sophie Joissains . - Je suis totalement en accord avec les observations proposées par Simon Sutour. La version finale du règlement comporte des avancées véritables qu'avait souhaitées le Sénat, en particulier la compétence de l'autorité de résidence. J'observe par ailleurs que le Gouvernement n'a pas abusé des marges de manoeuvre ouvertes par le règlement.

La question des collectivités territoriales est cruciale. Seules 10 % d'entre elles sont en voie de mise en conformité. Ni le texte européen ni le projet de loi ne prévoient de marge de manoeuvre en la matière. Or toutes les collectivités locales sont concernées, dès qu'elles ont une cantine scolaire qui tient compte des interdits alimentaires des enfants ou qu'elles enregistrent les skieurs qui font l'acquisition d'un forfait pour leur envoyer plus tard une publicité sur la station. On pourrait prévoir que la CNIL n'infligera pas d'amendes pendant deux ans, qu'elle accompagne en outre les collectivités territoriales, par exemple en déployant des points relais dans les territoires. La mutualisation des traitements doit également être encouragée.

Sur l'âge du consentement, nous avons entendu l'association e.Enfance qui préconise de le fixer à 13 ans dès lors qu'un régime spécifique de protection des enfants serait défini. La baisse éventuelle de l'âge du consentement pourrait être subordonnée à la mise en place de ce régime par les opérateurs qui doivent être responsabilisés en la matière. Le double consentement prévu par le règlement européen est purement déclaratif dans la mesure où il n'y a pas de procédure de vérification.

Je me félicite du regard de la commission des affaires européennes sur la transposition et de son souci de prévenir les sur-transpositions. Son rôle en amont, lors de la négociation, a été très actif. Les synergies permettent de renforcer notre influence.

M. André Gattolin . - Je remercie les rapporteurs. J'observe que le règlement fait une cinquantaine de renvois aux textes nationaux ce qui pourrait conduire à multiplier les régimes spécifiques. Or, il ne faut pas perdre de vue les enjeux de compétitivité économique. On sait combien les petits États sont soucieux d'attirer la manne fiscale. Il faudrait donc voir à quel type de transposition ils ont procédé.

S'agissant de la CNIL, elle est dorénavant chargée d'un contrôle a posteriori mais il faut la doter de moyens suffisants. À titre de comparaison, il n'y a pas moins de 600 personnes au CSA, surtout des ingénieurs !

Les collectivités territoriales sont au coeur des cités intelligentes et il faut, pour les aider à s'adapter, trouver des solutions dans le peu de marge ouverte par le règlement. J'observe par ailleurs que sont dispensées des formalités les plus lourdes les entreprises employant moins de 250 salariés sauf si leurs activités de traitements de données sont importantes. Comment déterminera-t-on cette importance ? Aucune indication n'est fournie à cet égard ni par le règlement ni par le projet de loi. Enfin, je rappelle que l'action de groupe est très encadrée et qu'aujourd'hui deux associations seulement répondent aux critères.

Mme Laurence Harribey . - Dès le mois de décembre, je me suis inquiétée des conséquences du règlement pour les collectivités territoriales. La question écrite que j'ai adressée au Gouvernement est restée sans réponse à ce jour. Or, plus de la moitié de nos collectivités ont moins de 500 habitants et sont sollicitées par des cabinets qui leur proposent une mise en conformité moyennant un coût souvent trop élevé pour elles. Il me semble que les départements devraient avancer sur la mutualisation de leurs ressources en la matière. Par ailleurs, qui sera le correspondant pour les données personnelles ? Son niveau de compétence n'est pas précisé ni sa responsabilité juridique.

Mme Sophie Joissains . - La question de la responsabilité des collectivités territoriale est une question clé. Je vais proposer à la commission des lois de décaler de deux ans l'effectivité de celle-ci.

L'action de groupe me paraît devoir comprendre la réparation mais à condition que les associations qui les portent soient agréées comme c'est le cas en matière de consommation.

Le projet de loi a été rédigé très tardivement pour une entrée en vigueur au 25 mai 2018. Le texte, qui a souhaité conserver la loi de 1978 pour des raisons symboliques, est en l'état très peu lisible et se juxtapose au règlement général qu'il ne peut pas reproduire. Le Gouvernement renvoie à une ordonnance pour en clarifier la lecture, ce qui ne saurait susciter l'enthousiasme dans le contexte actuel.

À aucun moment, le projet de loi n'évoque les collectivités territoriales alors qu'il prévoit des dispositions spécifiques bienvenues pour les TPE/PME. Or, elles sont fortement impactées.

M. Jean Bizet , président. - La question de la valeur économique des données est soulevée par le droit à la portabilité. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Mme Sophie Joissains . - Les conséquences d'une patrimonialisation des données sont trop graves pour que l'on puisse en accepter le principe. Le risque d'une cession à vil prix est en outre très fort.

M. André Gattolin . - Pierre Bellanger nous a récemment exposé dans le cadre de ses travaux sur la souveraineté numérique que les gens produisent des données sur autrui qui n'entrent pas dans la notion de données personnelles. Les intéressés ne peuvent donc pas les récupérer alors même qu'ils sont traçables sur un nombre croissant de réseaux sociaux.

M. Simon Sutour . - Il est effectivement intéressant de suivre le fil de son identité sur Google ! Je suis favorable à la réparation pécuniaire mais il faut l'encadrer.

M. Jean Bizet , président. - Nous allons envoyer ces observations à la commission des lois. Notre collègue Simon Sutour pourra d'ailleurs les appuyer devant elle puisqu'il en est membre.

*

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a, à l'unanimité, autorisé la publication du rapport d'information et adopté les observations dans la rédaction suivante :

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