B. FAIRE DE L'ÉTUDE D'IMPACT UN OUTIL DE QUALITÉ DE LA NORME

Clef de voûte du pilotage d'une réduction nette de la charge administrative des entreprises, l'étude d'impact ne peut plus être élaborée dans les conditions de défaillance identifiées plus haut dans les pratiques actuelles du Gouvernement français. Trop souvent bâclée aujourd'hui ou utilisée comme plaidoyer pro domo , l'étude d'impact doit devenir l'outil principal de qualité de la norme.

Puisque les contrôles multiples que les études d'impact subissent aujourd'hui ne suffisent pas à assurer leur sérieux -comme démontré plus haut- et que l'expérience de plusieurs pays étrangers (Allemagne et Royaume-Uni notamment) atteste que les résistances des ministères ont été vaincues à partir du moment où le contrôle de la qualité des études d'impact a été confié à un organe indépendant de l'administration, votre délégation soutient la nécessité d'introduire un regard extérieur sur l'étude d'impact, le plus en amont possible : l'important est de faire valider l'évaluation produite par l'administration par des acteurs indépendants, au terme d'un dialogue à amorcer le plus en amont possible dans le but d'améliorer ensemble la qualité de l'évaluation finale.

Le tableau ci-dessous synthétise les caractéristiques des organes créés à cette fin dans plusieurs pays européens et à l'échelon de l'Union européenne, caractéristiques dont la France pourrait s'inspirer pour les adapter à sa situation particulière.

Proposition n° 3 : transformer les études d'impact -qui accompagnent les nouvelles règles- en outils de qualité de ces règles, grâce à leur contre-expertise indépendante du Gouvernement

C. FIXER DES OBJECTIFS CHIFFRÉS EN MATIÈRE D'ALLÈGEMENT DES CHARGES ADMINISTRATIVES POUR LES ENTREPRISES

Il n'est plus possible de simplifier de manière pointilliste, tout en prenant par ailleurs des décisions politiques qui se traduisent en normes nouvelles, nombreuses et coûteuses. Dans un tel contexte, annoncer des milliards d'économies pour les entreprises, grâce aux mesures de simplification, n'est pas crédible.

Pour en finir avec cette navigation à vue, votre délégation estime indispensable de mesurer le fardeau réglementaire qui pèse sur les entreprises : ceci permettra d'avoir un référentiel « fiable et partagé » , comme l'appelle aussi de ses voeux le Conseil d'État dans sa dernière étude annuelle; ceci permettra aussi à notre pays de se comparer avec ses voisins. Comme l'a fait observer à vos rapporteurs M. Vincent Aussilloux, directeur du département économie de France stratégie, une telle quantification des charges découlant du stock de textes mettrait en lumière le poids relatif de notre corpus juridique par rapport à celui d'autres États européens qui se fixent des objectifs analogues aux nôtres en termes de sécurité, de santé ou d'environnement.

Cet audit préliminaire de la charge administrative avait été esquissé par les pouvoirs publics lors de la mise en place de l'outil d'évaluation OSCAR (outil de simulation de la charge administrative et réglementaire) à compter de 2007, mais ce travail n'a jamais abouti. Depuis 2011, année des assises de la simplification, circule l'estimation de l'OCDE (jamais documentée plus avant) qui évalue à 60 milliards d'euros les charges administratives pesant sur les entreprises. Il serait nécessaire de mener à bien cet audit et, pour cela, d'arrêter une méthode de calcul pour l'évaluation des coûts qui garantisse l'homogénéité' et la sincérité' de la démarche. Pour faciliter les comparaisons internationales, le plus opérant serait de retenir le modèle de coûts standard, méthode éprouvée et adoptée par l'OCDE, l'Union européenne et plusieurs de ses États membres.

Aux dires de la directrice de l'iFRAP, auditionnée par vos rapporteurs, le coût de ce chiffrage s'élèverait à 3 millions d'euros (selon un rapport non publié de l'Inspection générale des finances de 2007 157 ( * ) ) . Ce coût est à rapporter aux perspectives d'économies en termes de charges administratives que les expériences étrangères rendent raisonnable d'espérer. Pour savoir où l'on va, il faut savoir où on est et d'où l'on vient.

Une fois ce chiffrage effectué, il deviendrait possible de se fixer des objectifs en termes de réduction nette des coûts pour les entreprises , ce qui implique non seulement de piloter la réduction du stock de règles en vigueur (qui permet une réduction brute des coûts) mais aussi de réguler le flux de normes nouvelles. Des indicateurs pourraient alors être construits , tel un indice global des charges bureaucratiques comme celui mis au point par l'Allemagne afin d'assurer le suivi des progrès effectifs de la simplification pour les entreprises. Ce pilotage de la charge administrative nette doit pouvoir s'appuyer sur des études d'impact, permettant d'évaluer l'alourdissement du fardeau administratif -en volume et en valeur- qu'un nouveau texte est susceptible d'occasionner pour les entreprises . Il devrait obéir à une règle de compensation qui concernerait exclusivement les entreprises (les nouvelles contraintes pesant sur elles devant être gagées par des allègements de contraintes qu'elles-mêmes supportent) : fixer cette règle à 1 pour 1 serait déjà une avancée importante, si elle n'était pas assortie d'autant de dérogations que la règle qui encadre aujourd'hui très partiellement la production réglementaire, et si elle s'appliquait aussi à la production législative, comme votre délégation l'avait envisagé 158 ( * ) . Mais ceci reviendrait seulement à geler la complexité en l'état, laissant ainsi penser que le stock de normes actuel est à son niveau optimal pour les entreprises, ce qui est difficilement défendable.

Proposition n° 4 : définir une méthodologie, chiffrer la charge administrative supportée actuellement par les entreprises, et se fixer des objectifs de réduction nette de cette charge, des indicateurs et des règles pour y parvenir


* 157 Rapport particulier sur l'élaboration d'un outil d'évaluation des coûts administratifs de la réglementation IGF n°2007-M-080-02, de MM. Philip Dane et Bruno Vincent.

* 158 Dans la proposition de loi constitutionnelle n° 214 qu'elle avait déposée le 2 décembre 2015.

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