Rapport d'information n° 458 (2010-2011) de M. Jacques BLANC , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 27 avril 2011

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N° 458

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la politique européenne de la montagne ,

Par M. Jacques BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet , président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour , vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange , secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Mme Roselle Cros, M. Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca, M. Richard Yung.

PROPOSITIONS
POUR UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE LA MONTAGNE

1. Soutenir la proposition du Commissaire Hahn de la création de région intermédiaire, catégorie dans laquelle entreraient (selon les statistiques d'Eurostat pour 2008) 11 régions françaises.

2. Développer dans l'Union européenne le modèle des « massifs à la française », associant élus locaux et nationaux, professionnels, associations sur un territoire identifiable, le massif de montagne.

3. Instaurer un préciput dans le budget de la politique régionale à destination des massifs de montagne.

4. Simplifier l'utilisation et les règles d'éligibilité des différents fonds (FEDER, FEADER, FSE ou leurs remplaçants pour la période 2014-2020). Les massifs de montagne pourraient être un lieu d'expérimentation de cette simplification.

5. Développer les outils de coopération territoriale (INTERREG, GECT, macro-région pour les Alpes) pour faire des anciennes frontières naturelles, le premier lieu de coopération transnationale en Europe.

6. Refuser toute diminution du budget de la Politique agricole commune en-deçà du niveau atteint en 2013.

7. Conserver les aides à l'agriculture de montagne au sein de la politique de développement rural et mieux prendre en compte l'existant, notamment la production de biens publics par les agriculteurs de montagne.

8. Créer une aide montagne à l'hectare composée d'une indemnité compensatrice de handicap naturel sanctuarisée et d'une prime à l'herbe complémentaire d'une prime à l'herbe généralisée, spécifique aux régions de montagne.

9. Soutenir la création d'un label pour les produits issus de l'agriculture de montagne (comprenant la production et la transformation).

10. Expérimenter dans les massifs les circuits courts de distribution pour les produits de l'agriculture de montagne, en maintenant une interprofession.

AVANT-PROPOS

En 2002, j'avais eu l'honneur de présider la mission commune d'information chargée de dresser un bilan de la politique de la montagne et en particulier de l'application de la loi du 9 janvier 1985, de son avenir et de ses nécessaires adaptations. Depuis lors, le groupe d'études sur le développement économique de la montagne, que je préside, s'efforce de faire adopter les propositions qui avaient été faites et de suivre les questions relatives aux montagnes françaises.

Membre du Bureau du Comité des régions d'Europe, qui réunit des représentants des pouvoirs régionaux et locaux, je suis avec attention les questions touchant à la montagne. Dans la continuité de ces travaux, il m'a paru opportun d'évoquer devant la commission des affaires européennes du Sénat les politiques menées par l'Union européenne pour nos montagnes.

Pourquoi maintenant ? L'Union européenne est à un tournant. Le traité de Lisbonne, qui a constitutionnalisé la notion de « cohésion territoriale » à peine entré en vigueur, l'Union a dû faire face à la plus grave crise financière de l'après-guerre. Aujourd'hui, elle dessine les perspectives de sa politique après 2013. Dans le cadre défini par la stratégie UE 2020, les négociations ont commencé pour l'élaboration des deux principales politiques européennes : la politique agricole commune et la politique de cohésion.

Or, c'est la première fois que ces politiques seront décidées par 27 États membres. Nous le savons d'expérience, les négociations seront très difficiles et le risque est grand de voir l'intérêt financier de chacun primer sur une certaine forme d'esprit européen. Il me semble au contraire que si les politiques européennes doivent être révisées au regard de leurs réussites et de leurs échecs, elles ne doivent en aucun cas être abandonnées ou vidées de leur vocation transnationale.

Le traité de Lisbonne a renforcé le rôle des Parlements nationaux dans la construction européenne. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fait de notre délégation pour l'Union européenne une véritable commission. C'est pourquoi je pense que nous avons toute légitimité, en liaison avec les autres Parlements nationaux, avec le Parlement européen ou encore le Comité des régions d'Europe, à intervenir dans les grands débats en cours. Le présent rapport s'inscrit donc dans la continuité des travaux récents de notre commission sur l'avenir de la politique agricole commune et sur l'avenir de la politique de cohésion.

En Europe, les montagnes représentent plus d'un tiers des territoires . Devant le comité des régions, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, avait annoncé qu'un « livre vert » leur serait consacré. J'étais de ceux qui l'espéraient. Je suis de ceux qui regrettent qu'elles n'aient fait l'objet que d'un chapitre dans le Ve rapport sur l'avenir de la politique de cohésion.

Pourtant les montagnes occupent de fait une place significative dans l'Union et bénéficient d'une attention particulière et singulière depuis longtemps déjà. Le présent rapport vise non seulement à tirer les enseignements des politiques suivies par l'Europe jusque-là, mais également à faire des propositions en vue d'une politique européenne pour la montagne à l'horizon 2020.

I. LES ZONES DE MONTAGNE EN EUROPE : DES SITUATIONS DIVERSES, UN SOUTIEN ÉPARPILLÉ

A. LE PHÉNOMÈNE MONTAGNE EN EUROPE

1. Une part non négligeable du territoire européen

Les montagnes occupent une partie conséquente du territoire mondial et européen. Elles représentent 26 % des terres émergées du globe et rassemblent 10 % de la population mondiale. Au niveau européen, l'ensemble des massifs de montagne concerne 21 États membres de l'Union européenne, 35,69 % de la superficie et 17,73 % de la population européenne, Suisse incluse. Selon les définitions, les montagnes représentent entre 30 et 40 % du territoire de l'Union européenne et entre 12 et 20 % de la population.

Il n'y a pas actuellement de définition européenne officielle de la montagne. Elle varie d'un pays à l'autre et l'on parle de zones de montagne. En général, les critères retenus sont l'altitude (à partir de 200 mètres en Irlande mais 1000 mètres en Espagne) et la pente (de 10 à 25 %). Certains États tiennent également compte du climat et des conditions d'agriculture.

Bien que la plupart des pays comportent des montagnes, les zones de montagne occupent une proportion hétérogène des territoires nationaux : 4,7 % en Hongrie, 5,2 % en Pologne ou 28 % en France, contre 65,8 % en Suisse et 78 % en Slovénie. Certains pays comptent plusieurs massifs de montagne sur leur territoire (un seul en Slovaquie, 8 au Royaume-Uni et jusqu'à 12 en Espagne). Enfin, le pourcentage des populations vivant en montagne dépend de l'attractivité et de l'accessibilité des massifs : de 2,6 % en Irlande, 4,3 % au Royaume-Uni ou 13,5 % en France jusqu'à 65 % en Norvège et en Slovénie (84,2 % en Suisse).

2. Des caractéristiques bien particulières
a) La spécificité et la diversité des zones de montagne

La direction générale de la politique régionale de la Commission européenne (DG Regio) a commandé en 2004 à l'Institut NordRegio une étude sur les zones de montagne en Europe, qui reste aujourd'hui la seule étude d'ampleur à ce sujet.

Critères de définition d'une zone de montagne
dans les États membres de l'Union européenne

État membre

Altitude minimale

Autres critères

Autriche

700 m

Également au-dessus de 500 m si pente > 20 %

Belgique

300 m

France

700 m (généralement)
600 m (Vosges)
800 m (Méditerranée)

Pente > 20 % sur > 80 % de la zone

Allemagne

700 m

Difficultés climatiques

Grèce

800 m

Également 600 m si pente > 16 % en dessous de 600 m si pente > 20 %

Irlande

200 m

Italie

600 m

Différence d'altitude > 600 m

Portugal

700 m (au nord du Tage)
800 m (au sud du Tage)

Pente > 25 %

Espagne

1 000 m

Pente > 20 %
gain en altitude 400 m

Royaume-Uni

240 m

Bulgarie

600 m

Également > 200 m de différence d'altitude/km2 ; ou pente > 12°

Chypre

800 m

Également au-dessus de 500 m si pente moyenne > 15 %

République tchèque

700 m

Hongrie

600 m

Également au-dessus de 400 m si pente moyenne > 10 % ; ou pente moyenne > 20 %

Pologne

350 m

Ou > 12° pour > 50 % de terres agricoles dans une municipalité

Roumanie

600 m

Également sur pentes > 20°

Slovaquie

600 m

Également au-dessus de 500 m sur pentes > 7° ; ou pente moyenne > 12°

Slovénie

700 m

Également au-dessus de 500 m si plus de la moitié des terres agricoles sont situées sur des pentes > 15 % ; ou pente > 20 %

Sources : rapports nationaux ; Observatoire européen des forêts de montagne (2000)

Selon cette étude, on peut identifier quatre groupes principaux selon des critères environnementaux et de périphéricité :

- les zones de montagne et celles dites assimilées (zones arctiques) du Nord de l'Europe ;

- les zones de montagne de l'Europe tempérée ;

- les montagnes méditerranéennes (y compris celles des grandes îles) ;

- les montagnes-îles périphériques 1 ( * ) .

La diversité s'exprime au niveau des massifs et des chaînes de montagne, où cohabitent par exemple des régions désertées et des régions en développement, ou des régions ayant des structures économiques différentes, à dominante agricole, touristique ou industrielle, chacune d'elles faisant face à des enjeux d'aménagement particulier. Les situations économiques sont ainsi très différentes : cela va de la montagne affectée par la désertification et à la recherche d'activités économiques, à celle qui est soumise à la pression urbanistique, en quête d'un équilibre entre protection de la nature et développement non maîtrisé.

Au total, bien que l'on puisse identifier certains profils économiques importants de type montagnard, le potentiel de développement dépend en grande partie de la proximité d'un réseau urbain et de l'existence de services locaux satisfaisants.

b) Les handicaps des régions de montagne et leurs conséquences économiques

Les régions de montagne présentent des handicaps géographiques spécifiques, d'une part, et sont confrontées à des défis d'ordre structurel, qui pèsent sur leur activité économique, d'autre part :

- l'altitude, étant donné que les températures hivernales baissent et que les amplitudes thermiques sont proportionnelles à l'altitude, avec pour effet de soumettre les activités agricoles et touristiques à une saisonnalité accentuée et raccourcie, entraver le transport routier et ferroviaire pendant l'hiver, augmenter les frais de construction et de chauffage, entre autres ;

- la topographie, étant donné qu'un terrain accidenté entraîne une accessibilité réduite, accentue le coût des investissements en infrastructures (notamment celles de communication) et complique la mise en oeuvre de modes de production agricole et industrielle modernes, par l'achat de matériels particuliers.

En outre, l'accessibilité réduite est la faiblesse la plus reconnue des régions de montagne dans toute l'Europe. Tandis que l'accès aux technologies de l'information et de la communication (TIC) devient une question de plus en plus vitale pour le développement des territoires, les zones de montagne accusent généralement du retard dans la couverture de téléphonie mobile et d'accès aux connexions à haut débit.

La DG Regio a constaté l'existence d'un léger écart, à leur désavantage, entre ces territoires et les autres, en termes de chômage, de niveau de richesse, de densité de population et de vieillissement. De plus, elles subissent toutes un important déficit de services publics. En effet, les services publics dans les zones de montagne souffrent de l'éloignement et de la faible densité de la population. Ils sont difficiles à maintenir en raison du déclin de la population, de la propension des activités de commerce à se concentrer, et de leur nécessaire modernisation, mais également en raison de nouvelles formes de mobilité des usagers et des consommateurs.

Enfin, l'économie des régions de montagne se caractérise par une forte complexité et par le poids des secteurs primaire et secondaire et la faiblesse de leur secteur tertiaire, insuffisamment compensée par le tourisme. Le secteur tertiaire est largement représenté tant dans les zones de montagne prospères (Alpes du Nord françaises et Moyen-Pays suisse notamment) que dans les zones moins prospères (Norvège du Nord, par exemple), l'administration publique étant le principal employeur dans ces dernières. Le secteur secondaire est encore relativement bien représenté dans un groupe hétérogène de zones de montagne (le plateau de Hardangervidda et la zone de montagne située dans le sud de la Norvège, le nord de l'Angleterre, le pays de Galles, les Sudètes dans la République tchèque, la Forêt-Noire en Allemagne, la Catalogne et le Pays basque espagnol). Les zones de montagne tributaires des activités du secteur primaire se concentrent dans le sud de l'Europe (Bulgarie, Espagne, Pyrénées françaises et Massif central, Corse, Sardaigne, Sicile et sud de l'Italie, notamment) et en Pologne. De plus, on constate qu'il emploie proportionnellement plus de personnes dans les zones de montagne qu'en plaine.

Au total, l'économie montagnarde est indéniablement fragile , du fait de difficultés qui s'expriment souvent de manière plus aigüe en montagne qu'en plaine : reconversion industrielle, diversification économique, maintien de l'emploi et des services à la population, changements climatiques, risques naturels, pressions urbaines et foncières, surcoûts dus à la pente, au climat, et enclavement pour certains massifs ou portions de massifs. Le potentiel de développement dépend en grande partie de la proximité d'un réseau urbain et de l'existence de services locaux satisfaisants.

Les grandes caractéristiques socio-économiques de la montagne française

Alpes

Jura

Massif central

Pyrénées

Vosges

France métropolitaine

Surfaces

Superficie totale

40 780 km2

9 900 km2

84 350 km2

18 160 km2

7 340 km2

543 900 km2

Surfaces agricoles (SAU en % de la surface totale)

25,9 %

37,6 %

48,9 %

30,3 %

28,4 %

51,8 %

Forêt (en % de la surface totale)

34,1 %

41,7 %

27,2 %

31 %

58,5 %

24 %

Démographie

Nombre d'habitants en 2006 (milliers)

2 590

563

3 835

500

617

61 400

Densité (hab./km2)

65,3

57,1

45,8

27,8

83,8

112,9

Évolution 99.2006 (%)

8,3 %

6,9 %

2,7 %

4,1 %

2,8 %

5,0 %

Économie (2006)

Évolution du nombre d'emplois totaux (1999-2006)

13,7 %

6,4 %

7 %

8,9 %

3,5 %

10,9 %

Part des emplois industriels

16,3 %

27,7 %

18,2 %

12,9 %

28,1 %

15,4 %

Part des emplois tertiaires

73,5 %

60 %

67,8 %

70,5 %

61,1 %

74,7 %

Part des emplois agricoles

3,0 %

4,8 %

6,9 %

8,4 %

3,8 %

3,5 %

Tourisme

Part de résidences secondaires dans l'ensemble des logements

26,6 %

11,6 %

14,2 %

35,6 %

10,1 %

9,9 %

Évolution du nombre de résidences secondaires 1999-2006

8,7 %

-2,1 %

0,6 %

15,5 %

0,6 %

5,7 %

Source : DATAR

c) Des régions aux nombreux atouts et au potentiel important

Au-delà des handicaps présentés, les régions de montagne possèdent aussi de nombreux atouts qui en font des territoires au potentiel réel et d'une importance stratégique pour l'Union européenne.

L'étude Nordregio de 2004 commandée par la Commission européenne a bien souligné les atouts des zones de montagne. Ainsi, ces dernières revêtent une quadruple importance pour la population du continent :

- elles sont les châteaux d'eau du continent et représentent une source d'énergie hydroélectrique importante (elles accueillent en moyenne 26,5 % des centrales électriques européennes) ;

- ce sont des lieux de diversité, à la fois biologique et culturelle ;

- leurs particularités naturelles et leur patrimoine culturel en font des endroits récréatifs et touristiques ;

- elles sont sensibles aux changements environnementaux qui se manifestent par la fonte des glaciers. A ce titre, elles constituent de vrais « laboratoires » du développement durable.

3. ... qui justifient une attention politique particulière

Toutes ces spécificités justifient qu'une attention particulière soit accordée aux zones de montagne. Il en est ainsi au niveau mondial comme au niveau européen et national.

a) Au niveau mondial

La prise en compte des spécificités des territoires de montagne au niveau mondial est ancienne. En effet, les régions les plus pauvres de la planète sont bien souvent des régions de montagne. De même, les populations les plus marginalisées sont souvent des populations montagnardes. Dans le cadre des Nations Unies, l'Agenda 21 a été adopté en 1992. Son chapitre 13 est clairement intitulé « gestion des écosystèmes fragiles - mise en valeur durable des montagnes ». En 2002, le sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg a adopté un plan d'action, dont le paragraphe 42 est spécifiquement consacré aux zones de montagne. L'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2002 « Année internationale des Montagnes » (résolution 53/24 du 10 novembre 1998) et fait du 11 décembre la « journée internationale de la Montagne » (résolution 57/245 du 20 décembre 2002).

b) Au niveau européen

La revendication et la reconnaissance d'une spécificité montagnarde en Europe remontent à plusieurs décennies. Issue de la 2 e conférence européenne des régions de montagne, tenue en 1988, à Trento, à l'initiative de la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe, la Charte européenne des régions de montagne fut rédigée pour proposer un cadre de référence pour une politique européenne en faveur des régions de montagne. En 1995, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation invitant les Gouvernements à la ratifier.

La problématique des zones de montagne est également un sujet régulièrement traité au Comité des régions d'Europe, organe représentant les collectivités régionales et locales et qui doit être consulté avant toute nouvelle proposition législative touchant à l'échelon régional. S'il a récemment participé aux débats sur l'avenir de la politique de cohésion et de la politique agricole commune, il a surtout émis un avis d'initiative adopté à l'unanimité le 19 juin 2008 : « Pour un livre vert : vers une politique de la montagne de l'Union européenne : une vision européenne des massifs montagneux » (septembre 2008, Luis Durnwalder).

Pour sa part, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions intéressant la montagne. On peut citer, entre autres : le 23 septembre 2009, une résolution concernant la situation et les perspectives de l'agriculture dans les régions montagneuses, notamment à l'initiative de notre collègue Bernadette Bourzai qui était alors députée européenne ; le 5 mai 2010, une résolution intitulée « l'agriculture dans les zones à handicap naturel : un bilan spécial de santé » ; et, enfin, le 22 septembre 2010, a été adoptée une résolution sur « la stratégie européenne en faveur du développement économique et social des régions montagneuses, insulaires et à faible densité de population » .

c) Au niveau national

Dans son étude, la DG Regio distingue quatre types d'action des États pour les territoires de montagne en Europe :

- les pays où aucune politique de la montagne n'a pu être identifiée, soit parce qu'il n'y a pas de montagne (Danemark, Estonie, Lettonie, Lituanie, Malte et les Pays-Bas) ; soit parce qu'il n'y a que très peu de montagne et uniquement des espaces de basse montagne comme en Belgique, en Irlande ou au Luxembourg ; soit les pays largement montagneux où la politique de la montagne se confond avec la politique générale (Grèce, Norvège, Slovénie) ;

- les pays où les politiques de montagne sont sectorielles, surtout agricoles ou liées à l'environnement et au développement rural comme en Hongrie, au Portugal et en Slovaquie ;

- les pays cherchant à promouvoir un développement multisectoriel, qui au-delà de l'agriculture ont élargi le champ de politiques pour la montagne à l'environnement, les infrastructures, les services publics, etc. C'est le cas de l'Allemagne, l'Espagne et l'Autriche ;

- les pays ayant développé une politique plus intégrée de la montagne comme la France avec la loi montagne de 1985, l'Italie (loi sur la montagne en 1994) ou encore la Bulgarie et la Roumanie, ainsi que la Suisse.

Ainsi la France, seul pays à avoir développé le concept de massif comme niveau politique opérationnel pour proposer et mettre en oeuvre des politiques visant le périmètre montagneux, apparaît en pointe en matière de politique de montagne. Forte de cette expérience, elle se doit d'être une force de réflexion, de proposition et d'initiative pour une politique européenne de la montagne.

B. LES MONTAGNES BÉNÉFICIENT DE NOMBREUSES MESURES EUROPÉENNES, MAIS CE SOUTIEN EST ÉPARPILLÉ DANS LE CADRE DE DIFFÉRENTES POLITIQUES

S'il n'existe pas de politique dédiée à la montagne au niveau européen , une multitude de politiques communautaires ont des impacts sur les régions de montagne. La montagne n'est pas a priori exclue de l'ensemble des financements communautaires. Elle bénéficie de tous les fonds et programmes disponibles pour l'ensemble de l'Union européenne. Si les zones de montagne n'ont pas obligatoirement d'accès privilégiés ou systématiques aux crédits européens, leurs spécificités sont cependant reconnues dans les politiques européennes qui bénéficient des principaux budgets : politique de cohésion, politique agricole et de développement rural, politique de la recherche, politique des transports...

Les crédits européens attribués aux zones de montagne sont répartis dans le cadre national, à partir de l'enveloppe globale attribuée à chaque pays.

1. La politique agricole commune (PAC)

La PAC a été la première politique européenne à contenir des dispositions normatives visant expressément la montagne. Et si les montagnes ont bénéficié des aides du premier pilier, c'est le second pilier consacré au développement rural qui a non seulement accompagné l'agriculture de montagne, mais qui a été également la principale politique en direction des zones montagneuses en Europe.

Certes, les agriculteurs de montagne ont bénéficié comme ceux des autres régions d'Europe du premier pilier de la PAC : l'organisation des marchés agricoles, les mécanismes de prélèvements à l'importation, les subventions à l'exportation et les soutiens internes de nombreux secteurs comme la viande bovine ou encore les mécanismes de régulation de l'offre comme les quotas laitiers.

Cependant, l'agriculture de montagne, de par ses caractéristiques, occupe historiquement une place singulière dans la Politique agricole et de développement rural. L'agriculture de montagne en Europe diffère de l'agriculture de plaine dans la mesure où elle présente deux fois plus de prairies permanentes que de terres arables et est de ce fait principalement orientée vers l'élevage. Le relief rend son exercice plus difficile qu'ailleurs et empêche toute évolution vers une agriculture intensive. Les exploitations agricoles sont plus petites en montagne et les agriculteurs sont souvent contraints d'exercer une autre activité.

Principales données sur l'agriculture de montagne européenne

Données

Union européenne

Zones de montagne

SAU (Millions d'ha)

172.3

26.6 (15 %)

dont terres arables
dont prairies permanentes
dont cultures permanentes

60 %
33 %
6 %

32 %
58 %
9 %

Nombre d'exploitations (millions)

13.68

2.49 (18 %)

Main d'oeuvre (millions d'UTA)

11.67

2.05 (18 %)

Potentiel économique :
Marge brute standard (milliards d'€)


154.0


19.0 (12 %)

Cheptel (millions d'UGB)

135.8

15.1 (11 %)

Chargement moyen - toutes productions animales (UGB par ha de SAU)


0.79


0.57

Chargement moyen - productions animales herbagères (UGB par hectare de surface fourragère)



1.05



0.65

SAU moyenne par exploitation (ha)

13

11

Par ordre décroissant de SAU en zone de montagne : Espagne, Italie, France, Roumanie, Autriche, Grèce, Finlande, Portugal, Slovaquie, République tchèque, Suède, Allemagne, Pologne, Slovénie, Bulgarie, Chypre

Afin de tenir compte des handicaps de l'agriculture de montagne, l'Union européenne, depuis 1975, a développé au sein du second pilier une série de mesures visant à aider les agriculteurs de ces régions. Les mesures du second pilier sont cofinancées par les Etats membres et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Elles ont pour objectifs une agriculture et un secteur forêt bois compétitifs et respectueux de l'environnement, des produits alimentaires de qualité, un espace rural occupé et aménagé de façon équilibrée pour et par ses divers acteurs, une économie rurale diversifiée.

En France métropolitaine, ces objectifs sont traduits dans le Plan de développement rural hexagonal (il existe également un plan pour la Corse et un pour les départements et territoires d'Outre-Mer). C'est au sein de ce PDRH qu'ont été développés aides et outils visant directement l'agriculture de montagne.

La directive sur l'agriculture de montagne et les zones défavorisées de 1975 a été le premier texte à viser directement la montagne. Malgré leur hétérogénéité, les zones de montagne européennes sont toutes confrontées à des handicaps naturels pour l'exercice de leur agriculture : l'altitude, les pentes, le relief accidenté et le climat leur sont défavorables et engendrent des surcoûts qui ne permettent pas à cette agriculture d'être compétitive. Partant de ce constat, l'Union européenne a instauré une indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, qui a pour objectif de contribuer au maintien d'une activité agricole viable dans les zones de handicaps naturels tout en préservant des écosystèmes diversifiés et les caractéristiques paysagères de ces zones.

a) L'ICHN

Cette indemnité a consacré au niveau européen, la première mesure agro-environnementale de l'histoire, la « prime à la vache tondeuse », instaurée en France en 1972. Bien qu'elle ait depuis été étendue à d'autres territoires à handicaps naturels, elle constitue toujours la principale mesure de soutien à l'agriculture de montagne.

En France, les montants apportés par l'ICHN sont de 3,4 milliards d'euros pour la période 2007-2013. En 2009, 78 % de l'enveloppe ont bénéficié aux agriculteurs de montagne. L'aide est versée aux agriculteurs pour les surfaces fourragères, situées en zone défavorisée, qui respectent le chargement défini au niveau départemental. D'une aide versée en fonction du nombre d'UGB (unité de grand bétail), elle est devenue une prime à l'hectare de surface fourragère en 2001. Alors qu'elle ne représentait qu'une enveloppe budgétaire de 350 millions d'euros en 1998, les paiements effectués en 2009 se sont élevés à 515 millions d'euros, dont 283 millions du FEADER.

Le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire estime que l'ICHN permet de compenser, en moyenne, environ 40 % de l'écart entre le revenu des zones non défavorisées et celui des zones de montagne.

b) La prime herbagère agro-environnementale, PHAE

La PHAE est le dernier avatar de la prime à l'herbe. Elle a été créée en 2003 en remplacement de la PMSEE, la prime au maintien des systèmes d'élevage extensif. Elle consiste en un dispositif contractuel d'une durée de 5 ans au cours de laquelle l'exploitant s'engage à respecter un cahier des charges visant le maintien de l'ouverture des espaces à gestion extensive ou la gestion extensive des prairies par fauche ou pâturage en échange d'une rémunération proportionnelle à la surface qu'il engage. Elle n'est pas plafonnée, mais est conditionnée par un plafond de chargement et un fort degré de spécialisation grâce auxquels elle est, de facto, ciblée sur les zones de montagne, qui représentaient 60 % des surfaces primées en 2007. Son montant actuel est de 76 € par hectare.

La PHAE est un outil de maintien de pratiques agricoles réputées favorables à l'environnement, à la préservation de la biodiversité et à la protection des ressources en eau. Elle se justifie par le fait que les règles du marché n'intègrent pas les externalités positives d'un produit issu d'un système d'exploitation dont l'itinéraire technique permet de prendre en compte les enjeux environnementaux.

En raison de l'importance des prairies et de l'élevage en montagne, cette aide est devenue essentielle pour les agriculteurs de montagne. Sur la période 2007-2013, en raison de la baisse des crédits européens à destination de la politique de développement rural, la PHAE est principalement subventionnée par l'État français pour un montant d'environ 260 millions d'euros par an.

c) Les aides à l'installation et à la modernisation

Comme le souligne les représentants de Jeunes Agriculteurs, la politique européenne de développement rural a efficacement accompagné l'effort général de modernisation et d'installation. Cela a été possible grâce à une répartition régionale des crédits favorable aux zones de montagne et à des taux d'aide systématiquement supérieurs en montagne aux taux de droit commun.

A titre d'exemple, l'aide à l'installation à titre principal varie de 8000 € à 25 000 € en plaine, mais de 16 500 € à 35 900 € en montagne. En conséquence, le rythme d'installation en montagne a été, partout, aussi soutenu, parfois même davantage, qu'en zone de plaine.

L'aide aux bâtiments d'élevage était réservée jusqu'en 2005 à la modernisation des exploitations en zones de montagne. Elle concernait les investissements dans les bâtiments, ainsi que l'acquisition de certains matériels spécifiques. Le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) a été étendu à toute la France en 2005 et la montagne y a perdu l'exclusivité des subventions dont elle avait bénéficié jusque-là. Il faut toutefois reconnaître que le plan répondait à un besoin structurel en orientant l'aide sur les besoins environnementaux et le bien-être animal et que les éleveurs de montagne restent avantagés avec des taux de subvention et des plafonds d'aide majorés.

Enfin, les aides à la mécanisation méritent d'être mentionnées : elles visent à compenser les surcoûts liés à l'utilisation de matériels agricoles spécifiques aux zones de montagne, à créer de meilleures conditions de travail pour les agriculteurs et à permettre l'entretien d'espaces naturels fragiles. Entre 2000 et 2006, le total des aides a représenté près de 47 millions d'euros.

d) Mesures diverses ayant une influence sur les montagnes

De surcroit, de nombreuses autres mesures dans le cadre de la politique agricole commune sont également adaptées aux régions montagneuses :

- les paiements agro-environnementaux, qui visent à maintenir la pratique de la transhumance et du pastoralisme, la biodiversité et la gestion des paysages traditionnels (notamment par le biais des zones Natura 2000) ;

- l'aide à la sylviculture ;

- l'aide à la transformation et à la commercialisation ;

- le soutien d'une production de qualité ;

- l'aide à la diversification, par exemple dans le secteur du tourisme ;

- la mise en oeuvre d'une stratégie de développement par les communautés montagnardes, notamment grâce aux programmes Leader qui soutiennent des projets innovants.

Enfin, la politique concernant la filière laitière mérite d'être mentionnée car elle est d'une grande importance pour l'élevage de montagne. Cependant, comme elle fait l'objet d'un traitement particulier et attentif de la part de la commission des affaires européennes du Sénat, elle ne sera pas développée dans le présent rapport.

2. La politique régionale

Michel Barnier, alors commissaire européen en charge de la politique régionale et de la cohésion, déclarait le 17 octobre 2002 lors de la conférence sur « les politiques communautaires de la montagne », que « les zones de montagne couvrent environ le tiers du territoire de l'Union. Aucune politique européenne de développement du territoire ne peut se permettre de les négliger, ce qui explique qu'aujourd'hui, elles soient couvertes à environ 95 % par la politique de développement régional de l'Europe. »

De fait, les Fonds structurels reconnaissent dans le Règlement général « le besoin d'une attention spécifique aux régions de montagne 2 ( * ) » . Mais, dans le respect du principe de subsidiarité, une latitude est laissée aux États membres d'établir des programmes pour permettre aux régions destinataires des fonds de mettre en oeuvre des politiques visant les zones de montagne. C'est pourquoi les aides aux montagnes peuvent donc varier d'un État à l'autre et d'une région à l'autre. Avant 2006, les régions de montagne ont bénéficié des programmes pour l'aide au développement (ancien objectif 1), à la reconversion socio-économique (ancien objectif 2) et des Programmes d'initiative communautaire (PIC).

Dans la programmation 2007-2013, les zones de montagne bénéficient des sommes allouées par le fond européen de développement régional, le FEDER, par le biais des trois axes de la politique régionale :

- l'aide à la convergence, qui concerne exclusivement les régions périphériques françaises (objectif 1) ;

- les programmes d'amélioration de la compétitivité et de l'emploi (objectif 2), qui apportent sur la période plus de dix milliards d'euros à la France et notamment, des sommes pour les massifs via des programmes plurirégionaux, soit 40 571 457 € pour le Massif Central et 34 936 532 € pour les Alpes ;

- et par l'aide à la coopération territoriale (objectif 3), qu'elle soit transfrontalière, transnationale ou interrégionale.

3. Les autres politiques sectorielles

Au-delà de la politique agricole commune et de la politique régionale, certaines politiques sectorielles apportent un soutien non négligeable au développement économique des régions de montagne.

La politique des transports joue un rôle clé dans le désenclavement des massifs. L'UE a lancé en 1996 la politique des réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) ayant pour objectif d'accélérer la circulation des personnes et des biens en vue de concourir à l'achèvement du marché intérieur et améliorer la cohésion territoriale. Elle accompagne financièrement les efforts des États membres dans la réalisation de projets d'infrastructures routières, ferroviaires ou fluviales visant à interconnecter leurs réseaux de transport. A ce titre, une attention toute particulière est portée à la réalisation des sections transfrontalières, surtout lorsqu'elles se situent dans des massifs montagneux et requièrent la construction de tunnels. En ce qui concerne la France, on peut citer :

- l'axe ferroviaire Lyon-Turin-Ljubljana-Budapest-Frontière ukrainienne avec la réalisation d'un tunnel à la frontière franco-italienne entre Saint-Jean de Maurienne et la vallée de Susa ;

- l'axe ferroviaire à grande vitesse « Sud-ouest de l'Europe » pour lequel un tunnel vient d'être réalisé entre Perpignan et Figueras pour la partie méditerranéenne du projet ;

- un projet d'axe ferroviaire Sines-Algesiras-Madrid-Toulouse-Paris pour le fret est à l'étude, qui prévoit la réalisation d'un tunnel pour la traversée centrale des Pyrénées.

On peut aussi évoquer l'eurovignette qui permet de financer les infrastructures de transport et reconnaît le coût additionnel de ces dernières dans les régions frontalières ou de montagne.

Les politiques de l'environnement revêtent une importance particulière pour les zones de montagne, notamment en ce qui concerne l'eau. La directive cadre sur l'eau a été adoptée en 2000, mais sa mise en oeuvre n'en est qu'à ses débuts et son impact encore peu visible : le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement en prévoit une première évaluation en 2015. Par ailleurs, le programme LIFE dont fait partie le réseau Natura 2000, a reconnu les spécificités de régions biogéographiques montagneuses, telle que la région alpine. Selon Nathalie Kosciusko-Morizet, on peut « évaluer grossièrement à environ 700 sur 1750 le nombre de sites situés en zone de montagne, pour une superficie de 2,6 millions d'hectares en sites oiseaux (57 % du réseau) et 2,4 millions d'hectares en sites « habitats » (57 % du réseau terrestre) ». En nombre, la montagne comprend 43 % des sites Natura 2000 . Avec l'appui des mesures agro-environnementales territorialisées, les caractéristiques topographiques et géographiques de la montagne ainsi que l'implication des élus de montagne, on constate que les habitats et espèces des zones de montagne sont en moins mauvais état qu'ailleurs.

Enfin, les zones de montagne bénéficient des mesures prises dans les domaines de la recherche, de l'éducation et de la culture . Le 7 e PCRD encourage la coopération, l'éco-innovation et la mobilité des chercheurs. Il met l'accent sur les avantages et le potentiel pour les PME d'un marché intérieur qui fonctionne bien, en accordant une attention particulière au secteur des services qui est fondamental pour la croissance et l'emploi des zones de montagne. Les mesures européennes prises en faveur de l'éducation visent à améliorer la qualité et l'efficacité des systèmes d'éducation et de formation dans l'Union européenne, à assurer que ceux-ci soient accessibles à tous et à ouvrir l'éducation et la formation au monde extérieur. Le programme « Culture » de l'Union européenne pourrait quant à lui favoriser les échanges au sein des massifs de montagne en élargissant la gamme des opérateurs culturels, souvent situés en zone urbaine.

4. Bilan du dispositif actuel

Bien qu'elle n'ait pas de politique dédiée à la montagne, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de politique de l'Union européenne pour la montagne. On constate que les programmes de l'Union européenne ont des implications pour les différentes régions de montagne, mais pas spécifiquement en raison de leur caractère montagneux.

Ainsi, les zones de montagne sont aidées au titre de leur ruralité et de leur périphéricité, de leur retard de développement industriel et de leur secteur touristique important. Les projets sont souvent axés davantage sur ces aspects plutôt que sur les aspects purement montagnards. Dès lors, les services écologiques fournis à la société par les communautés de montagne à travers la protection et la gestion de ces ressources ne sont pas totalement payés de retour.

Pourtant, les politiques européennes ont eu des effets positifs sur les montagnes. En France, les fonds de cohésion semblent trouver un meilleur emploi maintenant qu'ils sont orientés vers un échelon adapté, le massif. Néanmoins, les massifs restent tributaires des choix politiques effectués aux échelons supérieurs. Il n'y a de politique de cohésion européenne en faveur des massifs montagneux que si États et régions décident d'en faire une priorité sur leur territoire. Par exemple, le Languedoc-Roussillon avait mis en place jusqu'en 2004 un programme intitulé « montagne plus » qui permettait de majorer les aides pour les communes situées sur les territoires de montagne. Il fut abandonné par la suite.

Les régions de montagne sont encore confrontées à un retard de développement dans la plupart des cas. Les difficultés de rééquilibrage par rapport aux zones les plus dynamiques du territoire européen proviennent notamment du fait que le concept de « montagne » est noyé dans celui de zone défavorisée ou en retard de développement. Or, la spécificité de ces régions appellerait au contraire la définition d'objectifs propres, ainsi qu'une meilleure adaptation des différentes politiques à cette spécificité.

En raison du caractère permanent et commun des handicaps à l'ensemble des montagnes d'Europe, la politique de cohésion devrait pouvoir viser directement les massifs de l'Union . Cela permettrait une meilleure prise en compte des spécificités montagnardes et de bâtir de véritables stratégies de développement de ces territoires fondées sur leurs qualités et leur potentiel.

En matière de politique agricole, les résultats sont incontestables. Les aides développées dans le second pilier ont permis de maintenir et renouveler une activité agricole dynamique en montagne et les agriculteurs ont vu leurs revenus augmenter. Cependant, un écart de 30 à 40 % demeure par rapport aux revenus des agriculteurs de plaine. Les problèmes structurels demeurent : le poids des systèmes herbagers défavorisés par rapport aux grandes cultures, et la taille réduite des exploitations qui ne leur permet pas de financer elles-mêmes leur modernisation. Pourtant, une agriculture de montagne extensive mérite d'être soutenue et mise en valeur, comme produisant une alimentation de qualité.

A l'heure où l'Union européenne dessine ses grandes politiques pour la période 2014-2020, votre rapporteur souhaite présenter quelques propositions dans le but de donner à la montagne toute sa place dans les grandes politiques européennes.

II. LA MONTAGNE DOIT AVOIR TOUTE SA PLACE DANS LES GRANDES POLITIQUES EUROPÉENNES

Il est difficile de dire aujourd'hui ce que sera le budget de l'Union européenne dans les années qui viennent. La crise financière a durement éprouvé les budgets nationaux et la solidarité des États membres. Chacun cherche à maîtriser ses dépenses et la pression pour limiter le budget européen sera très forte dans les négociations sur les perspectives financières. Or, c'est dans ce contexte de restriction budgétaire que s'ouvrent les réformes de la politique agricole commune et de la politique de cohésion. Lors des auditions menées à Bruxelles, votre rapporteur a pu sentir la grande incertitude qui règne dans les cabinets des commissaires à l'agriculture et à la cohésion quant aux budgets dont ils disposeront. Néanmoins, cela ne doit pas empêcher notre commission de proposer des mesures ambitieuses - et parfois audacieuses -pour l'Europe et pour ses montagnes.

A. POUR UNE POLITIQUE DE COHÉSION RENOUVELÉE À DESTINATION DES MASSIFS DE MONTAGNE

Les travaux de votre rapporteur s'inscrivent pleinement dans la continuité du rapport adopté par notre commission intitulé « De nouvelles ambitions pour la politique européenne de cohésion après 2013 » 3 ( * ) . Certaines propositions formulées pour la montagne reprennent celles formulées d'une façon plus générale dans ce dernier.

1. Un nouvel objectif et une nouvelle architecture pour la politique de cohésion
a) La cohésion territoriale, nouvelle dimension de la politique de cohésion

Le traité de Lisbonne a introduit - enfin ! - dans la politique de cohésion de l'Union européenne, la dimension territoriale et la nécessité de porter une attention particulière aux régions souffrant de handicaps naturels, comme les régions de montagnes. Il s'agit d'une avancée majeure pour les habitants de ces territoires. Est enfin reconnue dans les traités, l'existence de handicaps structurels et permanents qui entravent le développement économique et social de certains territoires. La cohésion territoriale devient un objectif européen.

Cohésion économique, sociale et territoriale

Article 174

Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale.

En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées.

Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne .

Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Forte d'une tradition d'aménagement du territoire, la France a soutenu cette évolution, dans l'espoir d'une meilleure prise en compte de la diversité des territoires de l'ensemble de l'Union européenne. L'enjeu ici est de reconnaître que même dans les pays les plus riches de l'Union, même dans les régions les plus développées, il existe des territoires qui ont besoin de solidarité et qui en auront toujours besoin.

Cette préoccupation a notamment été reprise au Parlement européen. A l'initiative d'élus montagnards, un intergroupe y a été créé pour prendre en compte les spécificités des régions de montagne, insulaires, ultrapériphériques et à faible densité de population, l'Intergroupe 174. Il a pour ambition de fournir aux députés européens un forum de débat et de réflexion autour des nouvelles approches et perspectives offertes par le Traité de Lisbonne sur le sujet. Il est notamment à l'origine de la résolution sur « la stratégie européenne en faveur du développement économique et social des régions montagneuses, insulaires et à faible densité de population » adoptée par le Parlement européen le 22 septembre 2010.

Le nouvel objectif doit maintenant trouver une traduction dans la mise en oeuvre de la politique régionale. C'est pourquoi le projet de la commission européenne d'une nouvelle catégorie de régions pour l'allocation des fonds de la politique régionale doit être soutenu.

b) Une nouvelle architecture pour la politique de cohésion : la création des régions intermédiaires

Les fonds de cohésion représentent sur la période 2007-2013 une enveloppe de 348 milliards d'euros, soit plus du tiers du budget européen. Pour la période qui s'ouvre, afin de remédier au déséquilibre qui s'est installé dans la répartition des fonds en faveur des nouveaux entrants, le commissaire en charge de la politique régionale, Johannes Hahn propose de créer un niveau de région dit intermédiaire.

Les 3 objectifs de la politique de cohésion
pour la période de programmation 2007-2013

Objectifs

Priorité

Éligibilité

Fonds concernés

Montants alloués

Régions avec un PIB/hab = 75 % de la moyenne UE 27

+

CONVERGENCE

(= ex-objectif 1)

Aider les régions et les États les plus en retard de développement

Effet statistique: Régions avec un PIB/hab = 75 % de la moyenne UE15 et = 75 % de la moyenne UE27

FSE et FEDER

81,54% =
251 milliards d'euros

États membres avec un PIB/hab = 90 % de la moyenne UE 27

Fonds de cohésion

COMPÉTITIVITÉ RÉGIONALE ET EMPLOI

(= ex objectifs
2 et 3)

Anticiper et promouvoir le changement en s'appuyant sur 2 axes : l'emploi et la compétitivité économique

Régions non-couvertes par l'objectif Convergence. Les États membres proposent une liste de régions

FSE et FEDER

15,95 % =
49 milliards d'euros

COOPÉRATION TERRITORIALE EUROPÉENNE

(= ex. programme INTERREG)

Promouvoir un développement harmonieux et équilibré de l'Union

Régions frontalières et de coopération transnationale

FEDER

2,52 % =
7,75 milliards d'euros

Comme Yann Gaillard et Simon Sutour l'ont montré, après avoir constaté que l'Europe de la politique de cohésion était coupée en deux, la nouvelle architecture proposée par la Commission européenne apparaît comme plus simple et plus juste en assurant un traitement équivalent à toutes les régions d'un même niveau de richesse. Le projet « permettrait en effet de lisser l'effet de seuil existant aujourd'hui dès qu'une région voit son PIB dépasser 75 % de la moyenne communautaire, le rapport étant de 1 à 10 entre l'intensité des aides accordées au titre de la convergence et au titre de la compétitivité : l'Union européenne ne serait pas coupée en deux mais partagée en trois zones (moins de 75 %, 75 à 90 % de la moyenne du PIB communautaire, et au-delà), l'intensité des aides étant modulée en fonction inverse du niveau de richesse des régions. Ce nouveau système permettrait d'adoucir la transition entre les aides aujourd'hui massives au titre de la convergence et les aides dix fois plus réduites au titre de la compétitivité » .

Cette évolution est nécessaire. L'objectif de convergence a porté ses fruits. Les régions les plus dynamiques des pays entrés dans l'Union en 2004 et en 2007 voient leur revenu par habitant se rapprocher de celui des pays de l'Europe des 15. Bien évidemment, il reste des régions très en retard de développement et des fonds de convergence doivent leur être destinés. Mais à l'ouest comme à l'est, il y a des régions qui souffrent de handicaps permanents. A l'ouest comme à l'est, il y a des montagnes...

En permettant à la politique de cohésion de s'adresser à l'ensemble des régions de l'Europe des 27, ce projet apparaît comme la première étape de la concrétisation d'une politique de cohésion territoriale. L'enjeu pour la France est d'autant plus important que selon les dernières statistiques publiées par Eurostat (données 2008), ce n'est désormais plus huit, mais onze régions françaises qui seraient concernées. En plus des régions déjà éligibles au regard des statistiques 2007 (la Martinique, la Corse, le Languedoc-Roussillon, la Picardie, le Limousin, le Nord-Pas-de-Calais, la Basse-Normandie et la Lorraine), s'ajoutent par ordre croissant la Franche-Comté, Poitou-Charentes et l'Auvergne. Or, plus de la moitié de ces régions comportent des massifs montagneux . C'est la raison pour laquelle votre rapporteur propose de renouveler notre soutien à la création de régions intermédiaires en Europe.

2. Conjuguer Stratégie UE-2020 et développement territorial en montagne

Les zones rurales en général et les territoires de montagne en particulier sont les grands oubliés des orientations de la future politique de cohésion. La proposition de la Commission européenne, dans le cadre fixé par la stratégie UE 2020, semble principalement tournée vers les zones urbaines et périurbaines. Par ailleurs, il est regrettable que dans sa réponse à la consultation sur le Ve rapport sur la politique de cohésion, la France ne mentionne à aucun moment la montagne.

Pourtant, il serait dommageable d'opposer zones urbaines et zones rurales ou de montagne. La richesse de l'Europe réside dans sa diversité. Si les montagnes continuent de bénéficier d'une bonne image et d'un certain attrait pour les habitants des zones urbaines, c'est parce qu'elles ont su accompagner la modernisation et l'urbanisation des sociétés. Et elles disposent des moyens de continuer à le faire.

Car, comme le fait remarquer André Marcon, président d'Euromontana, les montagnes possèdent beaucoup d'atouts pour contribuer à la stratégie UE 2020 et à ses objectifs de croissance verte, durable et inclusive :

- concernant une croissance verte, les montagnes se caractérisent par une très grande richesse en ressources naturelles. Elles sont les châteaux d'eau de l'Europe et leur principale réserve de biomasse. Elles doivent se développer comme des laboratoires de la croissance verte, par une exploitation durable des ressources dans les domaines de la biodiversité, l'énergie, les forêts ou encore l'agro-alimentaire. Leur rôle dans la gestion de l'eau sera déterminant dans les décennies qui viennent.

- concernant une croissance intelligente, rappelons que les montagnes sont des terres d'innovation. Du fait de leurs contraintes, elles ont depuis longtemps développé des solutions qui ont ensuite inspiré les territoires non-montagneux. Il ne faut pas que l'Europe ait une vision trop étroite de l'innovation, mais au contraire reconnaisse l'innovation sociale, incrémentale, organisationnelle. Par exemple, profitant de la qualité de son environnement naturel, la Lozère a toujours défendu une vocation sanitaire et sociale en accueillant des personnes handicapées ; et, de surcroît, elle a su développer le thermalisme ;

- concernant une croissance inclusive bénéficiant à tous les citoyens et à tous les territoires, la montagne, comme d'autres territoires ruraux, peut offrir beaucoup aux populations en recherche d'un type de vie différent de celui que développent nos sociétés : qualité de la vie, espace, alimentation de qualité et de proximité, espaces récréatifs. Plusieurs régions de montagnes telles que la province de Teruel (Espagne), la région Dalarna (Suède) ou encore la région Auvergne ont mis en place des politiques d'accueil de nouveaux habitants qui rencontrent un franc succès et conduisent des territoires qui se dépeuplaient hier à être aujourd'hui en repeuplement.

Ainsi, comme le rappelle Euromontana dans sa contribution au Ve rapport sur la cohésion, « la croissance et le développement des territoires ruraux, isolés, montagneux, « à la géographie spécifique », offrent une voie de développement tout aussi intéressante que la métropolisation, qu'elle peut compléter et équilibrer , « et la consolidation des chaînes de valeur et de la qualité de vie dans les territoires telles que les montagnes offrent des perspectives de long terme durables. »

3. Faire du massif le niveau territorial privilégié d'une politique de montagne en Europe
a) Promouvoir le modèle de massif à la française

Pour la mise en oeuvre de ses politiques sectorielles au niveau des territoires, la Commission européenne souhaite développer la notion de territoire fonctionnel. Le principe est que chaque territoire a ses spécificités et qu'il constitue un ensemble géographique et économique cohérent, parfois différent des régions administratives mais plus pertinent pour développer une approche intégrée des différentes politiques européennes (cohésion, développement rural, environnement, etc). A ce titre, la Commission s'est montrée particulièrement convaincue par la notion de massif développée par la France, qui associe un représentant de l'État, des élus de plusieurs collectivités de niveaux différents (régions, départements, communes), acteurs socio-économiques et associations présents sur son territoire.

Pour André Marcon, comme pour René Souchon, président de la région Auvergne et président du comité du Massif central, le massif présente des résultats indéniables. Il décline les priorités définies dans le contrat de partenariat conclu entre l'État et la Commission dans un programme opérationnel qui lui est dédié, en prenant mieux en compte les spécificités montagnardes qui lui sont propres. A titre d'exemple, le Massif central bénéficie d'un programme interrégional doté de 101 millions d'euros, dont 40 sont apportés par le FEDER. Ce programme est centré sur trois priorités qui se déclinent en programmes opérationnels très ciblés : l'accueil de nouvelles populations, la création de richesses et l'accessibilité et attractivité des territoires.

On peut donc imaginer une politique des massifs à l'échelle de l'Union européenne . Votre rapporteur propose d'inviter la Commission européenne à inciter chaque État membre à définir ses massifs en vue de développer un politique intégrée de la montagne dans l'ensemble de l'Union.

Une telle politique nécessitera au préalable l'adoption d'une définition européenne de la montagne ou à défaut la détermination par l'Union européenne de critères communs à l'ensemble des États membres. Ces critères pourraient être ceux établis dans la directive sur les zones défavorisées, critères « de bon sens » pour l'association nationale des élus de montagne (ANEM), que sont l'altitude, la pente et le climat.

Nom du programme

Autorité de gestion

Superficie du territoire et nombre de collectivités concernées

Dotation FEDER

Dotation
en coût total

PO Interrégional FEDER 2007-2013 Massif des Alpes (POP Massif des Alpes)

Préfet de la Région Provence Alpes Côte d'Azur, Préfet coordonnateur de Massif (SGAR PACA)

Superficie : 40 000 km²

Collectivités concernées

-   2 régions (Rhône-Alpes et PACA)

-   9 départements (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie, Var et Vaucluse).

34,9M€ FEDER

76,7M€

PO Plurirégional du Massif central 2007-2013 (POP Massif central)

Préfet de la Région Auvergne, Préfet coordonnateur de Massif (SGAR Auvergne)

Superficie : 84 807 km²

Collectivités concernées

-   6 régions (Auvergne et Limousin en entier, Rhône Alpes, Languedoc Roussillon, Midi-Pyrénées + Bourgogne depuis 2005)

-   22 départements

40,6M€ FEDER

101,2M€

Volet plurirégional Massif des Vosges - Axe E du PO FEDER Lorraine  (VOP Vosges)

Préfet de la Région Lorraine, Préfet coordonnateur de Massif (SGAR Lorraine)

Superficie : 7 357 km²

Collectivités concernées

-   3 régions (Lorraine, Alsace, un peu moins la Franche-Comté)

-   7 départements (3 en Lorraine, 2 en Alsace, 2 en Franche Comté)

-   590 communes

10,9 M€ FEDER

28,2M€

Volet plurirégional Massif des Pyrénées - Axe 4 du PO FEDER Midi-Pyrénées (VOP Pyrénées)

Préfet de la Région Midi-Pyrénées, Préfet coordonnateur de Massif (SGAR Midi-Pyrénées)

Superficie : 19 000 km²

Collectivités concernées

-   3 régions (Midi-Pyrénées, Languedoc Roussillon, Aquitaine)

-   6 départements (1 en Aquitaine, 2 en Languedoc Roussillon, 3 en Midi-Pyrénées)

-   1 182 communes

19,2M€ FEDER

47,16M€

Volet plurirégional Massif du Jura - Axe 4 du PO FEDER Franche Comté (VOP Jura)

Préfet de la Région Franche-Comté, Préfet coordonnateur de Massif (SGAR Franche-Comté)

Superficie : 14 000km² pour la totalité du Massif, dont 10 000km² en France

Collectivités concernées

-   2 régions (Franche Comté, Rhône Alpes)

-   4 départements (Ain, Doubs, Jura et une toute petite partie du Territoire de Belfort)

-   60 communautés de communes et 14 Pays

9,8M€ FEDER

29,7M€

Po : Programme opérationnel

b) Optimiser les outils à destination des massifs

Un massif de montagne peut se trouver dans une seule région mais il peut également s'étendre sur le territoire de plusieurs régions, voire de plusieurs États membres.

Au sein d'un même État membre, les programmes opérationnels sont le principal instrument de gestion des fonds, qui transposent le contenu des documents stratégiques nationaux en priorités concrètes sur le terrain. Mais des approches transversales de développement local ont également été mises en oeuvre par le biais des programmes Leader, qui mobilisent des crédits FEADER autour de projets de développement des territoires ruraux. Bien qu'ils soient employés sur l'ensemble du territoire, leurs principes fondamentaux s'appliquent particulièrement aux massifs montagneux parce qu'ils portent une approche intégrée du développement d'un territoire par l'emploi d'une démarche ascendante trouvant son origine sur le terrain et l'utilisation de partenariats public-privé au sein de groupes d'action locale (GAL). Cette approche transversale pourrait être étendue à l'ensemble des fonds structurels à destination d'un massif.

Par ailleurs, l'Union européenne a développé des outils de coopération comme les programmes INTERREG, les GECT (Groupement européen de coopération territoriale) qui ont une vocation interrégionale et transfrontalière qui s'appliquent particulièrement bien aux massifs de montagne. Pour une chaîne de montagne comme les Alpes, on peut même imaginer une stratégie de macro-région à l'image de ce qui a été fait pour la mer Baltique ou plus récemment pour le Danube. Que ce soit dans les Alpes ou les Pyrénées, un certain nombre de questions (gestion de la biodiversité, désenclavement, tourisme, etc) se posent dans les mêmes termes que l'on soit Français, Allemand, Espagnol ou Italien. Ces outils doivent être mieux valorisés et promus. Les montagnes, anciennes frontières naturelles entre États, peuvent ainsi devenir le premier lieu de coopération en Europe !

De surcroît, pour accompagner le développement d'une politique européenne de massifs, il importe de renforcer le volet « coopération territoriale » de la politique de cohésion. Celui-ci ne représente sur la période 2007-2013 que 2,5 % des fonds de cohésion. Dans une Union européenne qui dit faire de la coopération territoriale une priorité, un tel pourcentage est insuffisant. Cet objectif doit être doté d'une enveloppe plus consistante pour avoir un impact décisif sur les territoires.

c) Doter les massifs de budgets cohérents

Une approche intégrée d'une politique de montagne nécessite une plus grande cohérence budgétaire des fonds à destination des massifs : FEADER, FEDER et FSE. Cette cohérence est nécessaire tant lors de la l'élaboration d'une enveloppe financière pour les montagnes que lors de l'utilisation des fonds localement.

Comme le signalent Yann Gaillard et Simon Sutour, « une difficulté majeure pour les porteurs de projets locaux provient de la diversité des règles de gestion des fonds européens. Notamment, les règles de gestion du FEADER diffèrent sensiblement de celles, plus souples, du FEDER, alors que ces deux fonds interviennent souvent en parallèle ». Sur le terrain, le FSE et le FEDER sont « comme les deux faces dune même médaille, le premier facilitant la reconversion économique, le second accompagnant les personnes actives dans cette nécessaire transition » . Aussi, pour les massifs, comme pour d'autres territoires, l'adoption d'un cadre stratégique commun pour ces fonds doit être soutenue. La simplification des règles de gestion des fonds est nécessaire pour rendre la politique européenne plus accessible et plus visible aux yeux des citoyens européens.

Enfin, une politique à destination de territoires spécifiques doit pouvoir également se traduire par un fléchage budgétaire. La spécificité montagne pourrait conduire à la répartition entre les États-membres d'un préciput exprimé en pourcentage du budget de la politique de cohésion et de la PAC, en fonction des superficies des zones de montagne de chaque État membre. Les États seraient ensuite invités à décrire dans le contrat de partenariat pour le développement comment ces spécificités seraient prises en compte. Le préciput serait ainsi une garantie pour les montagnes que les actions envisagées à leur endroit disposeraient des financements nécessaires sans risque d'être concurrencés par les projets d'autres territoires.

B. POUR UNE POLITIQUE AGRICOLE DE MONTAGNE EUROPÉENNE À L'HORIZON 2020

La commission européenne a présenté le 18 novembre 2011 une communication présentant les grandes orientations qu'elle souhaite donner à la politique agricole commune à l'horizon 2020. Cette réforme aura un impact très important sur les montagnes, tant l'agriculture y est une activité déterminante. Dans le prolongement du rapport du groupe de travail du Sénat sur la réforme de la PAC, votre rapporteur souhaite présenter quelques pistes pour une agriculture de montagne à l'horizon 2020. Mais, avant cela, il importe de rappeler que si l'Europe veut conserver une politique agricole commune ambitieuse, il lui faut conserver un budget conséquent.

1. Ne pas accepter une diminution supplémentaire du budget de la Politique agricole commune

Les négociations sur les perspectives financières de l'Union européenne et celles sur la réforme de la PAC pour la période 2014-2020 ont été ouvertes au même moment et se déroulent en parallèle. Elles interviennent alors que la crise financière éprouve encore durement nos économies et notre monnaie. Ce contexte oriente les négociations vers une baisse du budget communautaire et, par là même, vers une diminution des crédits de la PAC.


La place de l'agriculture dans les perspectives financières

Perspectives financières

Principales rubriques

Part dans le budget total

1988-1992

1. FEOGA garantie

60,7 %

2. Action structurelle

1993-1999

1. PAC

50,9 %

AII* du 29 octobre 1993

2. Action structurelle

2000-2006

1. Agriculture

46,4 %

AII du 6 mai 1999

1a. Dépenses PAC

1b. développement rural

2. Action structurelle

2007-2013

1. Croissance durable

AII du 17 mai 2006

1a. compétitivité pour la croissance et l'emploi

1b. Cohésion

2. Conservation et gestion des ressources naturelles dont dépenses de marché et paiements directs

43 %

33,9 %

* Accord interinstitutionnel

Comme l'a rappelé le groupe de travail du Sénat sur la réforme de la PAC, la politique agricole commune représente le premier budget en crédits de l'Union européenne. Elle a apporté 56 milliards en 2010, en additionnant FEOGA (premier pilier) et FEADER (2 e pilier). Mais ce budget est en baisse : « sa part dans les dépenses communautaires n'a cessé de décroître pour atteindre 40 % à peine aujourd'hui, soit 0,45 % du PIB de l'Union européenne ». Dans la programmation actuelle, il est prévu que ce pourcentage atteigne 39,3 % en 2013.

Alors qu'on demande à l'agriculture européenne de répondre à de nouveaux défis (assurer une alimentation de qualité), de fournir des biens publics (protection de l'environnement, maintien de la diversité), et de participer à l'aménagement du territoire (elle est souvent la principale activité économique dans les zones défavorisées comme les montagnes), elle ne peut voir son niveau de subvention baisser indéfiniment. Et ce d'autant plus que l'ouverture à la concurrence internationale malmène fortement ce qu'on peut appeler le coeur de métier, la production de biens agricoles. La volatilité des prix sur les marchés mondiaux et la négociation d'un accord avec les pays du Mercosur, dont les coûts de production sont bien plus faibles que les coûts européens, en sont deux exemples symptomatiques.

Or, l'exigence d'un budget conséquent pour la PAC est partagée par beaucoup : le Comité des Régions d'Europe et le Conseil économique et social européen s'y sont montrés favorables. La commission agriculture du Parlement européen vient de le rappeler dans un avis adopté le 28 mars. Il ne peut y avoir de politique agricole qui assure aux Européens une alimentation de qualité sans que celle-ci n'ait un coût. Le budget de la PAC ne peut être comparé aux autres, car il s'agit de la seule politique qui a vraiment consacré une réalité européenne.

Votre rapporteur souhaite le réaffirmer avec force : le budget de la PAC ne peut et ne doit pas diminuer davantage pour la période 2014-2020. Pour la France, ce serait inacceptable ! Le ministre de l'agriculture de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, Bruno Le Maire l'a d'ailleurs rappelé : « Nous ne voulons pas que la politique agricole commune perde un seul centime » . Il importe de l'assurer de tout notre soutien sur ce point dans les discussions qui s'engagent.

2. De nouvelles orientations pour la PAC a priori favorables à l'agriculture de montagne

La commission européenne propose trois objectifs pour la future PAC :

- assurer une production alimentaire viable, en contribuant au revenu agricole et en limitant ses variations, en améliorant la compétitivité du secteur agricole et l'apport de sa valeur ajoutée dans la chaîne alimentaire et enfin, en offrant une compensation aux régions soumises à des contraintes naturelles ;

- assurer une gestion durable des ressources naturelles et des mesures en faveur du climat par la mise en oeuvre de bonnes pratiques de production et la fourniture de biens publics environnementaux, par l'innovation pour une croissance écologique et par des actions d'atténuation des changements climatiques auxquels l'agriculture est particulièrement vulnérable.

- assurer un développement territorial équilibré, par le soutien à l'emploi rural, la diversification des activités en milieu rural et par la promotion de la diversité structurelle dans les systèmes agricoles en développant les marchés locaux, notamment.

Tout d'abord, on ne peut que se réjouir que la Commission rappelle que la politique agricole commune doit continuer à proposer une compensation aux régions souffrant de handicaps naturels tout en les incluant dans une agriculture viable et compétitive. Les agriculteurs montagnards sont avant tout des producteurs qui souhaitent vivre de l'exploitation de leur terre. Ils demandent simplement que soit reconnu qu'en raison des handicaps structurels, ils ne peuvent exercer leur activité de la même façon que les autres.

De par la place singulière qu'elle tient dans l'agriculture européenne et dans la politique agricole commune, l'agriculture de montagne n'a pas à redouter ces nouvelles orientations. Son développement au sein du second pilier de la PAC l'a peut-être plus que d'autres secteurs mieux préparée à ce changement. En premier lieu, la montagne a de tous temps été un lieu d'innovation. Les contraintes de production ont toujours amené les montagnards à chercher des solutions innovantes. La fragilité du secteur agricole en montagne a incité les agriculteurs à diversifier très tôt leurs activités. L'agriculture montagnarde saura trouver sa place dans cette nouvelle perspective.

En second lieu, la multiplication des mesures agro-environnementales territorialisées a eu pour résultante qu'aujourd'hui la production agricole montagnarde est une production respectueuse de l'environnement, soucieuse d'une gestion durable des ressources naturelles. L'inscription dans des contrats pluriannuels a permis aux agriculteurs d'élaborer des projets d'exploitation viables en modifiant leur gestion des ressources avec une certaine sécurité quant à leur rémunération versée en récompense de services rendus. Cette voie peut être un exemple à suivre pour le verdissement des aides voulu par la Commission.

Enfin, la rémunération de la fourniture de biens publics environnementaux est une demande ancienne des agriculteurs de montagne. Il s'agit de rémunérer les services rendus à la société par les agriculteurs de montagne, qui sont un produit induit de leur activité économique, en d'autres termes les « externalités positives » : l'entretien du paysage, l'aménagement du territoire, le maintien de la biodiversité. Les paysages de montagne qui plaisent à tant de nos concitoyens sont entretenus grâce au travail des agriculteurs. Comme le disait Marianne Fischer Boël, commissaire européen à l'agriculture en 2009 : « Les montagnes d'Europe nous donnent beaucoup de choses que nous chérissons(...), les agriculteurs et les autres populations dans les zones de montagne fournissent effectivement un service de valeur. » Ce service doit être rémunéré. Il est important que la Commission européenne trouve des solutions opérationnelles pour ce faire.

3. Légitimer et sanctuariser les soutiens de la PAC pour la montagne : mieux identifier la montagne dans la politique agricole commune

Les futures orientations de la PAC sont actuellement en cours de discussion tant au Conseil qu'au Parlement européen. Près de 1300 amendements ont été déposés sur le projet de rapport de la commission « agriculture » présenté par l'Allemand Albert Dess. Beaucoup de pistes sont lancées et il est difficile aujourd'hui de savoir quelle architecture encadrera la future politique agricole commune. Cependant, quelques idées simples et fortes pour l'agriculture de montagne mériteraient d'être appliquées.

a) Conserver l'aide à la montagne au sein de la politique de développement rural

S'il semble acquis que la PAC continuera de reposer sur deux piliers (qui seront peut-être demain des blocs), ceux-ci devraient être sensiblement modifiés. La volonté de verdissement du premier pilier -les aides directes financées par l'UE- pourrait entraîner le transfert de certaines aides du second pilier vers le premier. Or, le contexte financier et budgétaire laisse présager que les pressions seront fortes pour diminuer les aides directes. Il est logique qu'elles visent l'ensemble des agriculteurs européens, mais quelle enveloppe serait alors accordée à l'agriculture montagnarde ?

En montagne plus qu'en plaine, l'agriculture a des conséquences économiques, sociologiques, environnementales et paysagères. Cela a été montré, la politique de développement rural a eu des effets positifs en montagne, créant une dynamique autour de l'agriculture. Les mesures de soutien à l'installation des agriculteurs, de modernisation des bâtiments d'élevage et d'aide à la mécanisation ne doivent pas être abandonnées ! Elles peuvent s'avérer être un facteur déterminant dans l'évolution vers une agriculture durable. A titre d'exemple, on peut imaginer un financement de l'équipement en panneaux photovoltaïques des bâtiments d'élevage : à condition de respecter le paysage, ceux-ci deviendraient plus économes et plus autonomes en électricité, voire, en raison de leur surface, être producteurs d'électricité.

Aussi, il importe que les principales mesures pour l'agriculture de montagne demeurent dans le bloc dédié au développement rural et soient orientées à destination des massifs, territoires qui représentent plus d'un tiers de la surface agricole de l'Union. Dans une perspective de nécessaire simplification, cela permettrait une meilleure coordination avec la politique de cohésion et dans l'attribution des aides apportées par le FEADER et le FEDER. De surcroît, une concentration d'aides dédiées à l'agriculture de montagne permettrait également de simplifier leur fonctionnement et leurs exigences aujourd'hui trop compliqués. Elles seraient aussi plus lisibles pour le citoyen européen.

b) Les soutiens à la montagne doivent être légitimés et sanctuarisés

Son objectif étant confirmé, on peut espérer que l'indemnité compensatoire de handicap naturel soit renouvelée. Il faudra cependant y veiller : sans elle, l'agriculture de montagne ne survivra pas. De ce point de vue, lors de son audition par votre rapporteur, Bruno Le Maire s'est montré aussi clair que lucide. Il faudra donc veiller à ce que les financements (ceux de l'Union européenne et ceux de l'État) suivent ! L'ICHN doit être sanctuarisée, comme le socle du soutien à l'agriculture de montagne.

Par ailleurs, dans sa volonté de verdissement de la politique agricole commune, la Commission met en avant une composante écologique obligatoire dans les paiements directs du premier pilier. Elle évoque des actions environnementales simples et généralisées et vise en premier lieu, les pairies permanentes. Or, si le soutien aux prairies permanentes est généralisé, la « prime à l'herbe » telle qu'elle existe sera transférée dans le premier pilier. Mais étant donné sa généralisation, son montant baissera substantiellement. En montagne, les prairies permanentes représentent 58 % de la surface agricole utile. L'exemple français d'une augmentation de la part étatique dans la PHAE suite à la baisse des financements européens ces dernières années est symptomatique : une diminution du montant de l'aide à l'hectare de prairies n'est pas viable pour l'agriculture de montagne, ce serait la fin de l'agro-pastoralisme. Le principe d'une généralisation de mesures environnementales ne doit pas se faire au détriment des territoires les plus défavorisés.

Cependant, si une telle généralisation devait se faire, votre rapporteur propose de maintenir une prime à l'herbe de montagne. Elle viendrait en complément de la prime herbagère du premier pilier, mais relèverait du second pilier comme l'actuelle PHAE. En revanche, en vue de simplifier les procédures, elle pourrait être attribuée dans les mêmes conditions que l'ICHN, qui est désormais une aide à l'hectare, pour les prairies permanentes de montagne. Cet ensemble constituerait une aide à l'agriculture de montagne facilement identifiable et justifiable pour le citoyen.

4. Mieux identifier l'agriculture de montagne en Europe : soutenir la création d'un label pour les produits de l'agriculture de montagne.

La commission européenne a présenté, le 10 décembre dernier, un « paquet qualité applicable aux produits agricoles ». Il s'agit d'un ensemble de textes qui a pour buts de pousser à l'amélioration des productions et d'offrir une garantie de qualité qui soit à la fois une sécurité et une reconnaissance. Tous deux passent essentiellement par un processus d'identification et de mentions valorisantes sous forme de labels. Les labels européens garantissent soit une origine géographique (IGP), soit une appellation d'origine protégée (AOP), soit des spécialités traditionnelles (SPG) ou encore un mode de production respectueux de l'environnement pour l'agriculture biologique. Ils sont attribués en échange du respect d'un cahier des charges.

Cette politique de qualité, garantie par une labellisation réglementée, a un impact économique indéniable. Les 870 noms enregistrés en Europe au nom des AOP/IGP génèrent un chiffre d'affaires situé entre 14 et 15 milliards d'euros. 18 % de la valeur des AOP sont exportés hors de l'État de production. La France et l'Italie sont les deux premiers pays qui bénéficient des AOP/IGP. C'est incontestablement un axe de commercialisation privilégié en France puisque le patrimoine culinaire national repose sur une diversité exceptionnelle des produits et un savoir-faire réputé mondialement.

Malheureusement, le « paquet qualité » ne comporte pas de proposition pour labelliser les produits issus de l'agriculture de montagne. Le cabinet du commissaire Dacian Ciolos a informé votre rapporteur que le sujet était à l'étude. Le souhait de la Commission est d'établir une proposition législative avant la fin de l'année et de la rattacher au « paquet qualité » qui devrait suivre une procédure législative assez longue. Une telle proposition, si elle devait voir le jour, serait une avancée importante pour l'agriculture de montagne, à la condition qu'elle soit exigeante.

En effet, un label n'a de valeur ajoutée que s'il apporte des garanties au consommateur. Or, comme le rappelle Jean-Louis Cazaubon de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, un label pour les produits agricoles de montagne n'aurait de sens que s'il garantit non seulement la production, mais également la transformation des produits en montagne. L'enjeu est ici double : assurer le consommateur de la qualité de son produit (origine géographique, bénéfice des conditions d'agriculture en montagne, savoir-faire), mais aussi maintenir ou ramener sur les territoires de montagne un certain nombre de métiers de transformation. Ce label, certes plus exigeant que d'autres, serait un formidable outil de promotion des produits de nos montagnes et une mesure de soutien à l'activité dans les massifs. On pense notamment au lait de montagne, qui pourrait trouver un débouché comme produit de niche dans la grande distribution. Votre rapporteur propose d'encourager la Commission à présenter dans les meilleurs délais sa proposition sur la qualité des produits issus de l'agriculture de montagne.

En complément de cette mesure visant à soutenir la production agricole montagnarde, il serait nécessaire de favoriser les circuits courts pour leur distribution, c'est-à-dire limiter les intermédiaires entre le producteur et le consommateur. Les circuits courts présentent plusieurs avantages : ils assurent une meilleure rémunération des producteurs, ils permettent de renforcer le lien consommateur-producteur en cas de vente directe (vente à la ferme ou sur les marchés), ils sont plus respectueux de l'environnement puisque les marchandises parcourent moins de kilomètres et enfin, ils renforcent l'identité et l'attrait des territoires (notamment auprès des touristes), l'acheteur consommant en priorité des produits locaux. Un tel système pourrait présenter un grand intérêt dans les massifs, à la condition qu'il ne se réduise pas à la vente directe. Réduire les intermédiaires ne doit pas aboutir à la suppression des interprofessions, qui ont prouvé leur efficacité et qui sont une source d'emplois importante dans nos territoires de montagne.

Selon les informations collectées par votre rapporteur, une reconnaissance des circuits courts par la Commission européenne serait à l'étude. Votre rapporteur propose donc d'encourager une expérimentation de ce mode de distribution au niveau des massifs de montagne.

CONCLUSION

Les débats qui se sont ouverts concernant les politiques de l'Union européenne pour la période 2014-2020 n'en sont qu'au début. Le présent rapport vise à renforcer la position de la commission des affaires européennes du Sénat dans son rôle de proposition sur un sujet qu'elle n'avait pas encore abordé, la montagne.

C'est une nécessité. L'Europe a impulsé une politique des territoires, à laquelle elle semble aujourd'hui tourner le dos. Il est du rôle du Sénat, représentant des collectivités locales, de lui rappeler que l'Europe ne doit pas se construire seulement autour des villes, mais aussi avec ses territoires et notamment avec ses montagnes.

Le processus de négociation doit se terminer à la fin de l'année 2013. Les propositions et les positions vont encore évoluer. Les discussions tant au Conseil qu'au Parlement européen seront longues et âpres. Nous devrons être attentifs au suivi de nos propres propositions. Nos montagnes le méritent bien !

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mardi 26 avril 2011 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Jacques Blanc, le débat suivant s'est engagé :

M. Denis Badré :

Je souhaite saluer la passion de Jacques Blanc pour la montagne et sa ténacité à défendre la Lozère en particulier et la montagne en général ! Je voudrais évoquer la question de l'ICHN et de sa place dans le premier ou dans le second pilier de la PAC. À l'origine, cette aide s'appelait la « prime à la vache tondeuse » ; or, le mot « vache » renvoie plutôt au premier pilier, alors que « tondeuse » renvoie plutôt au second. J'ai le sentiment qu'à terme, le deuxième pilier sera une garantie moins solide que le premier.

Sur le fond, je crois en l'idée d'une enveloppe globale pour un territoire, qui responsabilise les agriculteurs et les amène à se demander ce que doit être l'avenir de leur filière d'exploitation. Lorsque Jacques Blanc était Secrétaire d'État à l'agriculture et que j'étais son directeur de cabinet, nous l'avions expérimenté concernant la filière bovine dans l'Aveyron, avec de très bons résultats allant bien au-delà du seul entretien des prairies. Ce système a depuis été abandonné au profit de la multiplication des aides et du saupoudrage, au détriment du développement local. À mon sens, une approche cohérente ne peut relever que de l'ordre économique, donc du premier pilier avant tout.

M. Jacques Blanc :

Mon raisonnement aujourd'hui plaide plutôt pour le second pilier. J'avoue cependant avoir évolué sur cette question. Et je ne suis pas le seul : le ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, les professionnels eux-mêmes ont d'abord hésité entre premier et deuxième piliers et opté parfois pour le premier. Aujourd'hui, nous penchons pour le deuxième pilier, mais rien n'est figé. En réalité, cela dépendra des ventilations entre les deux futurs blocs, puisque l'appellation de « pilier » devrait être abandonnée.

J'ai pu rencontrer le commissaire Dacian Ciolos à Roquefort chez un grand homme de la montagne, André Valadier. Il m'a affirmé qu'un effort financier serait fait sur le second pilier et qu'il nous serait possible d'avoir de la souplesse et des adaptations dans l'emploi des aides.

M. Simon Sutour :

Lors de mon travail sur la politique régionale, j'avais trouvé logique que les sommes du FEADER pour le développement rural relèvent de la politique de cohésion plus que de la politique agricole. Mais j'ai compris que lors de leur transfert d'une politique à l'autre, il y avait un risque que ces fonds se perdent. Soyons pragmatiques : les aides pour la montagne relèvent du deuxième pilier de la PAC, assurons-nous qu'elles y restent !

Par ailleurs, je suis élu d'un département, le Gard, en partie montagneux et les agriculteurs y rencontrent de plus en plus de difficultés pour comprendre l'éligibilité et bénéficier des aides. Le système est beaucoup trop complexe et décourage certains d'entretenir les prairies. Il faut vraiment insister sur la simplification.

Enfin, je souhaite faire remarquer que l'agriculture méditerranéenne, qui concerne également, les montagnes, est une des oubliées de la PAC au profit des grands céréaliers. Il faut rééquilibrer les aides, car la petite agriculture méridionale, respectueuse de l'environnement et qui entretient les paysages, risque de disparaître.

M. Jacques Blanc :

Concernant le rééquilibrage, les choses ont évolué. Michel Barnier, quand il était ministre de l'agriculture, avait eu le courage de prélever sur l'enveloppe des céréaliers pour favoriser les petits éleveurs, ce qui a eu un impact certain sur l'agriculture de montagne. Mais il est vrai que l'agriculture méditerranéenne a été complètement abandonnée au niveau européen : la production de fruits et légumes, de vin, la culture sur des zones sèches n'ont pas été prises en compte. Je pense que l'évolution même des prix permettra une réaffectation des aides vers les productions qui en ont le plus besoin.

De plus, je souscris complètement à la nécessité de simplifier le fonctionnement des aides. Par exemple, le système des seuils dans la PHAE est ubuesque. La proposition de fusionner l'ICHN avec une PHAE pour la montagne que nous proposons doit se faire dans cette optique de simplification.

Concernant le lien entre politique de cohésion et politique agricole commune, je ne crois pas qu'il faille les opposer. L'adoption d'un niveau de régions intermédiaires permettra un rééquilibrage des fonds entre les régions et devrait assurer une plus grande solidarité vers des zones pauvres comme les montagnes présentes sur l'ensemble du territoire européen.

M. Pierre Bernard-Reymond :

Je voudrais d'abord remercier notre rapporteur pour les efforts qu'il a toujours faits pour défendre les montagnes et dont le rapport qu'il nous présente aujourd'hui est le témoignage. Je suis personnellement d'accord avec ses conclusions et les propositions concrètes qui sont faites.

Je souhaiterais simplement qu'on n'aborde pas la montagne sous le seul angle de l'agriculture. Dans les Hautes Alpes, le tourisme représente 80 % de l'activité économique. Le désenclavement est lui aussi un problème récurrent des zones de montagne qui n'est pas assez pris en compte. Je crois que dans une période ultérieure, il faudrait réfléchir à l'idée de présenter la montagne dans une perspective plus large que l'agriculture.

M. Jacques Blanc :

Je suis tout à fait d'accord et c'est pourquoi un équilibre entre politique de cohésion et politique agricole commune a été recherché dans le rapport. L'accessibilité a été évoquée, même si les transports ne sont pas le thème central du rapport. J'ajoute qu'en plus des transports routiers et autoroutiers, il ne faut pas oublier l'accès à l'internet à haut-débit et à très haut débit, secteur qui va conditionner l'ensemble des activités sur les territoires de montagne. Une participation financière substantielle de l'Union européenne aux plans de couverture est nécessaire pour le maintien et le développement d'un tissu économique sur les territoires de montagne.

*

A l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimimté, la publication du rapport.

ANNEXE I

ICHN EN ZONE DE MONTAGNE : MONTANTS FEADER PAYÉS EN 2009 PAR RÉGION

ICHN EN ZONE DÉFAVORISÉES SIMPLES : MONTANTS FEADER PAYÉS EN 2009 PAR RÉGION

PHAE 2009

ANNEXE II : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jacques Blanc a rencontré à plusieurs reprises le commissaire européen en charge de la politique régionale, Johannes Hahn, ainsi que le commissaire chargé de l'agriculture, Dacian Ciolos.

Auditions à Paris :

- Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

- M. Bruno Le Maire, Ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ;

- M. Laurent Wauquiez, Ministre des affaires européennes ;

- M. Michel Dantin, Député européen ;

- M. André Marcon, Président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, président d'Euromontana ;

- M. René Souchon, Président de la Région Auvergne, Président du comité du Massif central ;

- M. Jean-Louis Cazaubon, Vice-Président des chambres d'agriculture (APCA) et Président du groupe permanent montagne ;

- M. Daniel Prieur, Secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, FNSEA ;

- M. François Thabuis, Secrétaire général adjoint de Jeunes Agriculteurs ;

- M. Pierre Bretel, Délégué général de l'Association nationale des élus de montagne, ANEM ;

- M. Nicolas Evrard, Secrétaire général de l'Association des élus de montagne, AEM.
- M. Xavier Chauvin, chargé de mission montagne et littoral à la DATAR

Auditions à Bruxelles :

- M. Yves Madre, Membre du cabinet de M. Dacian Ciolos, Commissaire européen en charge de l'agriculture et du développement rural ;

- Mme Madeleine Mahovsky et Mme Emma Udwin, Membres du cabinet de M. Johannes Hahn, Commissaire européen en charge de la politique régionale ;

- M. Dirk Hahner, Directeur général de la DG Regio de la Commission européenne ;

- Mme Danuta Hübner, Présidente de la commission du développement régional du Parlement européen ;

- M. Jean-Sébastien Lamontagne, Conseiller à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.


* 1 Les Régions ultrapériphériques faisant l'objet d'un suivi particulier au sein de notre Assemblée en raison de leurs caractéristiques ne seront pas évoquées dans le présent rapport.

* 2 Ainsi, dans le considérant n°1 est indiqué : « l'article 160 du traité prévoit que le Fonds européen de développement régional (FEDER) est destiné à contribuer à la correction des principaux déséquilibres régionaux dans la Communauté. Ainsi, le FEDER contribue à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et à rattraper le retard des régions les moins favorisées, y compris les zones rurales et urbaines, les zones industrielles en déclin, ainsi que les régions affectées par un handicap géographique ou naturel, telles que les régions insulaires et les zones montagneuses, les zones à faible densité de population et les régions frontalières ». L'article 13 stipule quant à lui que « (...) Le FEDER devrait aussi traiter les difficultés particulières rencontrées par certains îles, zones montagneuses, régions frontalières et régions faiblement peuplées dont la situation géographique ralentit le développement, afin d'encourager le développement durable de ces zones et régions ».

* 3 Rapport n° 266 de MM. S. Sutour et Y. Gaillard (2010-2011).

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