III. LES CONSÉQUENCES POUR L'ALLEMAGNE ET POUR LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE

A. LA NOUVELLE « LÉGISLATION D'ACCOMPAGNEMENT »

La législation d'accompagnement adoptée le 22 septembre 2009 comprend :

- d'une part, la loi « relative à l'exercice de la responsabilité d'intégration du Bundestag et du Bundesrat dans les affaires de l'Union européenne » (loi sur la responsabilité dans l'intégration) ;

- d'autre part, une modification de la loi « relative à la coopération entre le Gouvernement fédéral et le Bundestag allemand dans les affaires de l'Union européennes » (loi sur la coopération Parlement/Gouvernement).

La loi sur la responsabilité dans l'intégration tire toutes les conséquences de l'arrêt « Lisbonne » .

Elle rend tout d'abord nécessaire l'approbation par une loi chaque fois que les traités prévoient qu'une décision sera approuvée par les États membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » . Il en est ainsi :

- pour la révision simplifiée des traités,

- pour une adhésion de l'Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme,

- pour la fixation du système des ressources propres de l'Union,

- pour les dispositions complétant la liste des droits constitutifs de la citoyenneté européenne,

- pour l'adoption d'une procédure uniforme d'élection des membres du Parlement européen,

- pour l'attribution à la Cour de justice d'une compétence pour les litiges concernant des titres européens de propriété intellectuelle,

- pour la mise en place d'une défense commune de l'Union.

La loi sur la responsabilité dans l'intégration rend également nécessaire l'approbation par une loi de l'utilisation d'une des « clauses passerelles » générales , ou lors de l'établissement de la liste des aspects du droit de la famille susceptibles de faire l'objet d'actes européens selon la procédure législative ordinaire.

Ainsi, dans tous les cas où le traité de Lisbonne ouvre un droit d'opposition à chaque parlement national, le parlement allemand (selon le domaine concerné, soit le Bundestag, soit le Bundesrat avec l'accord du Bundestag) ne pourra donner son approbation qu'en adoptant une loi : il ne pourra pas se borner à une approbation passive, consistant à ne pas exercer son droit d'opposition (en l'absence d'une loi, le représentant de l'Allemagne du Conseil européen ou au Conseil sera tenu de s'opposer au projet de décision). Pour une décision de rejet, la responsabilité incombe au seul Bundestag lorsque le domaine concerné est essentiellement de compétence fédérale ; dans les autres cas, le Bundestag et le Bundesrat disposent chacun du droit de rejet.

Une décision explicite du Bundestag et, le cas échéant, du Bundesrat, est également nécessaire pour que l'Allemagne donne son accord à l'utilisation d'une des « clauses passerelles » spéciales .

De même, l'intervention d'une loi est nécessaire pour que l'Allemagne donne son accord aux décisions concernant l'extension de la définition de la criminalité transfrontalière grave, l'extension des attributions du Parquet, et la modification des statuts de la Banque européenne d'investissement (7 ( * )) .

Par ailleurs, l'Allemagne ne peut donner son accord à toute utilisation de la clause de flexibilité des compétences de l'Union qu'en vertu d'une loi.

Enfin, le mécanisme du frein (saisine du Conseil européen suspendant la procédure législative) doit être mis en oeuvre par le représentant de l'Allemagne dès lors que le Bundestag ou, le cas échéant, le Bundesrat en fait la demande.

Il est à noter que la loi sur la responsabilité dans l'intégration donne au Gouvernement une obligation d'information renforcée du Parlement pour tout texte entrant dans son champ d'application.

• La loi sur la coopération Gouvernement/Parlement prévoit notamment que, sur les projets d'actes législatifs, le Gouvernement doit, dans les deux semaines, transmettre au Bundestag une évaluation détaillée : « outre la vérification de la compétence de l'Union européenne d'adopter l'acte législatif proposé, ainsi que celle du respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, cette évaluation comporte, dans le cadre d'une évaluation détaillée relative aux effets pour la République fédérale d'Allemagne, un exposé du contenu de la norme, des alternatives, des coûts, des charges administratives et de la nécessité de mise en oeuvre, et ce, en tenant compte notamment des aspects juridique, économique, financier, social et écologique. » Sur les autres projets d'actes, le Gouvernement doit, dans le même délai, transmettre une fiche incluant, notamment, une évaluation de la base juridique et de la conformité aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Par ailleurs, cette loi précise comment, lors de la délibération de projets d'actes normatifs par le Conseil, le Gouvernement doit tenir compte de la position prise par le Bundestag. Celui-ci se voit reconnaître un droit d'influence qui ne va pas jusqu'à un mandat :

« Lorsque le Bundestag use de sa faculté d'émettre un avis en vertu de l'article 23 alinéa 3 phrase 1 de la Loi fondamentale (8 ( * )), le gouvernement fédéral fait valoir au Conseil le droit d'approbation préalable du Bundestag, s'il s'avère que la décision du Bundestag ne peut être réalisée dans l'un de ses objectifs essentiels.

« Le gouvernement fédéral en informe immédiatement le Bundestag par un rapport séparé. De par sa forme et son contenu, ce rapport doit être approprié pour permettre une délibération au sein des organes du Bundestag.

« Préalablement à la décision définitive au Conseil, le gouvernement fédéral essaie de parvenir à un accord avec le Bundestag. Ceci vaut également pour les cas où le Bundestag prend position à l'égard de projets de l'Union européenne relatifs à des questions touchant aux services d'intérêt général locaux. Il n'est pas dérogé au droit du gouvernement fédéral de prendre une décision différente en connaissance de l'avis du Bundestag pour des raisons importantes de politique étrangère ou de politique d'intégration.

« Après la prise de décision au Conseil, le gouvernement fédéral informe immédiatement le Bundestag par écrit, notamment sur la manière dont l'avis du Bundestag a été retenu. S'il n'a pas été possible de tenir compte de tous les intérêts défendus dans l'avis, le gouvernement fédéral en indique les raisons. Sur demande du Bundestag, le gouvernement fédéral explique ces raisons dans le cadre d'un débat en séance plénière. »

• Si la loi sur la coopération Gouvernement/Parlement renforce l'information et l'influence du Bundestag, c'est surtout la loi de responsabilité dans l'intégration qui rehausse sensiblement les pouvoirs du Bundestag et, le cas échéant, du Bundesrat dans le processus de décision, en exigeant une approbation parlementaire pour toute utilisation des différentes souplesses introduites par le traité de Lisbonne afin de permettre d'adapter les traités sans suivre la procédure de révision. Les évolutions ne pourront plus se faire « en catimini », du moins pour ce qui concerne l'Allemagne. Cette nouvelle situation ne sera pas sans conséquence, notamment, sur l'emploi de la « clause de flexibilité des compétences » dont il a été fait usage avec libéralité dans le passé : cette clause ne pourra être utilisée, désormais, sans de solides justifications puisqu'il faudra convaincre le Parlement allemand de sa nécessité.

* (7) Ces statuts font l'objet d'un protocole annexé au traité, de même valeur que celui-ci, mais pouvant être modifié selon une procédure spéciale. Il est donc cohérent que l'intervention d'une loi soit exigée dans ce domaine.

* (8) L'article 23, alinéa 3 de la Loi fondamentale est ainsi rédigé : « Avant de concourir aux actes normatifs de l'Union européenne, le gouvernement fédéral donne au Bundestag l'occasion de prendre position. Dans les négociations, le gouvernement fédéral prend en considération les prises de position du Bundestag. Les modalités sont réglées par la loi. »

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