C. LES ENSEIGNEMENTS POUR L'EUROPE

1. Vers la fin du « despotisme éclairé » ?

Durant les premières décennies de la construction européenne, celle-ci s'est développée dans une assez grande indifférence des peuples, dont les responsables européens s'accommodaient assez bien. Il faut admettre que cette époque est révolue. La législation européenne s'est beaucoup développée, aborde de plus en plus des domaines « sensibles », et la politique du fait accompli nourrit désormais la méfiance des citoyens.

Dans ce contexte, l'arrêt « Lisbonne » souligne fortement que le principe de démocratie exclut que la construction européenne se poursuive de manière « rampante », et prescrit au contraire que ses progrès doivent être consentis en toute conscience.

Il y a là sans doute pour les institutions de l'Union une invitation à la retenue, ou du moins à la réflexion : des extensions de compétences peuvent-elles valablement résulter de décisions juridictionnelles interprétant les traités d'une manière que leurs auteurs n'ont jamais envisagée ? Des évolutions importantes peuvent-elles légitimement découler de simples « accords interinstitutionnels » ?

Au demeurant, il n'est pas certain qu'il faille voir dans chaque « grignotage » des compétences des États membres un progrès ipso facto pour la construction européenne. Ces évolutions non consenties ne sont pas seulement critiquables du point de vue des exigences démocratiques ; elles le sont également du point de vue de la crédibilité de la construction européenne, car le brouillage des compétences finit par susciter des attentes à l'égard de l'Union auxquelles celle-ci n'est pas en mesure de répondre.

L'arrêt « Lisbonne » ne peut que contribuer à ce que l'Europe sorte enfin complètement de l'ère du « despotisme éclairé » qui constitue une phase dépassée de la construction européenne ; on ne voit pas en quoi ce serait desservir celle-ci. Supposons que toutes les Cours constitutionnelles européennes adoptent les analyses de la Cour de Karlsruhe ; supposons également que chaque parlement national soit doté des responsabilités que la « législation d'accompagnement » attribue au Parlement allemand (10 ( * )) : quelles seraient les conséquences pour la construction européenne ? Elle serait plus encore tenue de progresser dans la clarté, incitée à veiller avec la plus grande rigueur au respect des droits fondamentaux, et amenée à tenir son action dans la limite des compétences - souvent très importantes - qui lui ont été explicitement transférées. Il n'y aurait là ni nouveaux principes à respecter, ni matière à un recul dans l'intégration, mais plutôt autant de facteurs favorables à une consolidation de l'adhésion des citoyens à la construction européenne.

* (10) Certains parlements nationaux ont en réalité d'ores et déjà des pouvoirs de contrôle sur la politique européenne plus étendus que ceux prévus par la « législation d'accompagnement ».

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