C. LE MAINTIEN DE L'ARCHITECTURE ACTUELLE

Aux yeux du groupe de travail, la distinction classique entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle mérite d'être maintenue, y compris pour la réparation des dommages corporels, à la double condition de rapprocher leurs régimes et de veiller à leur articulation.

1. L'intérêt de conserver la distinction classique entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle

La responsabilité contractuelle désigne l'obligation de réparer les dommages résultant d'un défaut dans l'exécution d'un contrat : inexécution, mauvaise exécution ou encore exécution tardive.

La responsabilité délictuelle, encore appelée extracontractuelle, sanctionne quant à elle les dommages causés à autrui en dehors de tout lien contractuel, l'obligation de réparation puisant alors à la seule source de la loi.

S'il est contesté, ce dualisme demeure justifié.

a) Un dualisme contesté

Les critiques portées à l'encontre de la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, dont les représentants de l'Union syndicale de la magistrature se sont fait l'écho lors de leur audition par le groupe de travail, sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, le principe même de l' existence d'une responsabilité contractuelle est contesté.

Pour les tenants de cette vision, la réparation des dommages causés par le défaut d'exécution d'un contrat relève du domaine de la responsabilité délictuelle ; en l'absence de dommage, seule l'exécution forcée du contrat peut être recherchée, le cas échéant sous la forme d'un équivalent pécuniaire à l'exécution en nature.

En deuxième lieu, les frontières entre le domaine de la responsabilité contractuelle et celui de la responsabilité délictuelle s'avèrent incertaines et mouvantes, l'évolution de la jurisprudence se caractérisant, pour l'essentiel, par un élargissement du domaine de la responsabilité contractuelle, un accroissement des obligations résultant du contrat et une extension des personnes liées par un contrat.

Comme le souligne M. François Terré, professeur émérite de l'université de Paris 2, membre de l'Institut de France, l'existence même d'un contrat est parfois source d'interrogations. Tel est par exemple le cas lorsqu'une personne subit un dommage en portant secours à une autre : la jurisprudence raisonne le plus souvent en termes de responsabilité délictuelle mais certaines décisions retiennent l'existence d'une convention d'assistance. En outre, ajoute-t-il, le contenu des contrats n'est pas toujours défini avec une grande rigueur : la jurisprudence découvre ainsi dans certains contrats une obligation de sécurité que les parties n'avaient pas entendu y inscrire ou encore lui donne une ampleur inhabituelle.

En dernier lieu, la portée de la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle s'amenuise. Leurs régimes se ressemblent en effet sur bien des points -définition du préjudice réparable, établissement du lien de causalité, règles de prescription 13 ( * ) - et leurs résultats sont souvent semblables, de sorte qu'une erreur de qualification peut rester sans conséquence -elle n'est pas sanctionnée par la Cour de cassation.

b) Un dualisme justifié

Comme l'ont fait valoir aussi bien les rédacteurs de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription que les membres du groupe de travail de la Cour de cassation constitué pour analyser leurs propositions, le dualisme actuel du droit de la responsabilité civile n'en demeure pas moins justifié à un double titre :

« D'abord, la responsabilité contractuelle poursuit un objectif indemnitaire qui ne saurait se limiter à la seule fonction d'exécution forcée du contrat. En cas d'inexécution, le créancier insatisfait doit pouvoir non seulement exiger l'exécution du contrat ou sa résolution, mais aussi et cumulativement, le cas échéant, obtenir réparation. Or cette réparation, économiquement et juridiquement, ne se confond pas avec la prestation conventionnellement due .

« Ensuite, si les règles communes aux deux branches de la responsabilité l'emportent assez largement (...), il en subsiste d'autres qui, propres à la responsabilité contractuelle , font obstacle à une assimilation complète. Ainsi le principe selon lequel la réparation est à la mesure du dommage prévisible se justifie par le fait que l'économie du contrat consiste précisément à prévoir et à organiser, par anticipation, un rapport conventionnel. Les mêmes considérations conduisent à admettre plus largement le jeu de clauses exclusives ou limitatives de responsabilité en matière contractuelle 14 ( * ) . »

Le mouvement des entreprises de France (MEDEF) s'est également déclaré favorable à la consécration dans le code civil de la notion de responsabilité contractuelle.

* 13 La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a unifié les règles de prescription applicables aux actions en responsabilité civile, qu'elles aient un fondement contractuel ou extracontractuel. Cf rapport n° 83 (Sénat, 2007-2008) de M. Laurent Béteille : http://www.senat.fr/rap/l07-083/l07-083.html .

* 14 Rapport du groupe de travail de la Cour de cassation sur l'avant-projet de reforme du droit des obligations et du droit de la prescription , 15 juin 2007, pages 29 et 30.

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