C. LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS PUNITIFS : UNE INNOVATION PERTINENTE POUR CERTAINS CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITÉ

1. La nature compensatoire affirmée des dommages et intérêts en droit français

Si le droit français de la responsabilité est fondé sur le principe de la réparation intégrale du dommage, il repose également sur celui, énoncé de longue date par la Cour de cassation, selon lequel « les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit. » 79 ( * )

La gravité du comportement de l'auteur du dommage n'est ainsi pas prise en considération par le juge civil ; celui-ci ne peut se prononcer qu'en considération de la seule valeur du dommage, sans que la nature de la faute puisse avoir une quelconque influence sur le montant de l'indemnité due à la victime 80 ( * ) . Elle ne l'est pas davantage par le juge pénal saisi de l'action civile : la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi récemment réaffirmé que « le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties » 81 ( * ) .

La jurisprudence attribue donc à la responsabilité civile une simple fonction réparatoire - parfois qualifiée de « compensatoire », « restitutoire» ou « satisfactoire » - et lui dénie une fonction de peine privée .

En 1998, Mme Yvonne Lambert-Faivre expliquait ainsi qu'en matière civile, « l'éthique de la responsabilité impose la recherche d'une totale équité par laquelle la victime est totalement indemnisée des dommages causés par le responsable, sans pour autant effectuer un enrichissement de ce fait : l'accident ne saurait être le dé d'une loterie à qui perd, gagne. Le principe indemnitaire exige donc que l'indemnisation ne soit pas supérieure aux préjudices subis . » 82 ( * )

La fonction répressive de la réparation est en conséquence, en l'état du droit, réservée à la matière pénale .

Cette vision a néanmoins été contestée par certaines des personnes entendues par vos rapporteurs. M. Denis Mazeaud, professeur à l'université de Paris 2, a notamment souligné que le droit de la responsabilité civile comportait déjà des aspects punitifs qui s'exprimaient au travers, d'une part, du régime de la clause pénale 83 ( * ) , qui peut conduire l'auteur d'un dommage à payer des sommes dépassant la simple indemnisation du préjudice subi et, d'autre part, les facultés de condamnation sous astreinte au versement de l'indemnité réparant le préjudice 84 ( * ) .

* 79 Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, 23 janvier 2003, Bulletin n° 20.

* 80 Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, 8 mai 1964.

* 81 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 19 mai 2009, n° 08-82.666.

* 82 Yvonne Lambert-Faivre, L'éthique de la responsabilité, Revue trimestrielle de droit civil, 1998, p. 1.

* 83 C'est-à-dire la disposition contractuelle prévoyant le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de violation d'une obligation par le cocontractant. Voir l'article 1152 du code civil.

* 84 Voir les articles 33 et suivants de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

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