II. UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT RENFORCÉE, DES EFFORTS D'ADAPTATION À POURSUIVRE

Au-delà du suivi des procédures en cours, les présents travaux d'actualisation trouvent leur justification dans les évolutions sensibles qu'a connues le cadre d'application du droit communautaire au cours des derniers mois .

Ces évolutions traduisent un renforcement de l'obligation de résultat faite aux Etats membres , et imposent à la France de poursuivre ses efforts d'adaptation.

A. « POUR UNE EUROPE DES RÉSULTATS »

Votre rapporteur spécial a la conviction que les précontentieux et contentieux constituent, tout spécialement dans le domaine de l'environnement, un instrument privilégié de la Commission . Au demeurant, la Commission rappelle elle-même que « Le principal objectif des procédures d'infraction est d'encourager les Etats membres à se conformer volontairement et le plus rapidement possible au droit communautaire » 37 ( * ) .

1. Les initiatives de la Commission

Dans ce contexte, les récentes initiatives prises par la Commission témoignent d'une volonté de renforcer sensiblement le contrôle qu'elle exerce sur la bonne application du droit communautaire.

Dans une communication du 5 septembre 2007 intitulée : « Pour une Europe des résultats - Application du droit communautaire », la Commission propose notamment des améliorations de ses méthodes en matière d'échange d'informations et de résolution des problèmes avant l'ouverture des procédures d'infraction, ainsi qu'en matière de gestion de ces infractions .

a) L'échange d'information et la résolution des problèmes « en amont »

La Commission juge tout d'abord indispensable de perfectionner les échanges d'informations avec les Etats membres concernés par une plainte ou une demande de renseignements concernant l'application du droit communautaire. Elle observe notamment que, malgré les « réunions paquet », qui permettent de passer en revue tous les dossiers en cours avec un Etat membre dans un secteur concerné, « certaines questions continuent de faire l'objet de longues discussions entre la Commission et les Etats membres » et « un nombre important d'affaires ne sont réglées qu'après l'ouverture d'une procédure d'infraction ».

Ce constat étant fait, la Commission indique que les Etats membres devront, dans des « délais serrés », communiquer des éclaircissements, informations et solutions directement à l'auteur de la plainte ou de la demande de renseignement. En l'absence de solution, la Commission prendra le relais des Etats membres et ouvrira, le cas échéant, une procédure d'infraction. Cette pratique reposera sur un point de contact central au sein de chaque Etat membre, chargé de traiter les demandes de renseignements et d'envoyer les réponses.

Dans le courant de l'année 2008, la Commission a mis en oeuvre une expérience pilote de manière à tester cette nouvelle procédure. Il a toutefois été indiqué à votre rapporteur spécial que la France n'avait pas souhaité participer à cette expérience , non seulement en raison de la forte mobilisation des administrations qui résulterait de la présidence française de l'Union européenne, mais aussi du fait des incertitudes qui pesaient sur la nature juridique des réponses que les Etats membres auraient vocation à adresser directement aux plaignants 38 ( * ) .

b) La gestion des procédures d'infraction

S'agissant de la gestion des procédures d'infraction, la Commission entend désormais établir des priorités claires , tout en continuant d'assurer le traitement de l'intégralité des cas.

Une « attention plus immédiate et plus intense » sera en particulier portée sur les infractions qui « présentent les plus grands risques et entraînent des retombées particulièrement étendues pour les citoyens et les entreprises, ainsi qu'à celles dont la persistance a été confirmée par la Cour de justice ». Sont plus principalement visés :

1) les cas de non-notification de mesures nationales de transposition ou d'autres obligations de notification, pour lesquels la Commission veut limiter à 12 mois le délai maximal entre l'envoi de la lettre de la mise en demeure et la résolution de l'affaire ou la saisine de la Cour ;

2) les infractions au droit communautaire soulevant des questions de principe ou concernant l'application des traités ou d'éléments déterminants des règlements et directives-cadres ;

3) les cas de non-respect d'un premier arrêt en manquement de la Cour. Dans ce dernier cas, la Commission fera en sorte que la durée moyenne de la procédure visant à faire respecter un tel arrêt soit comprise entre 12 et 24 mois.

Votre rapporteur spécial observe que la volonté d'accélération du traitement des affaires s'est déjà traduite par un accroissement du rythme des réunions dédiées au passage en revue des infractions qui, de trimestrielles, sont devenues mensuelles 39 ( * ) .

c) La médiatisation des procédures : un outil à part entière de la Commission

Enfin, votre rapporteur spécial considère que la médiatisation des procédures d'infraction constitue un outil précieux à la disposition de la Commission.

En témoignent les communiqués de presse dont sont très souvent assorties les initiatives de la Commission visant à faire franchir une étape de plus à la procédure précontentieuse ou à saisir la Cour de justice. La tonalité souvent « vigoureuse » de ces communiqués conforte l'image de « gardienne des traités » de la Commission tout en faisant office de puissant stimulant pour l'Etat membre ainsi désigné.

La France a, à plusieurs reprises, éprouvé « l'âpreté » des méthodes de communication communautaires, et notamment lors de l'envoi du dernier avis motivé dans l'affaire des eaux résiduaires urbaines. Ainsi, dans un communiqué 40 ( * ) , la Commission adressait un « dernier avertissement à la France », jugeait « inacceptables » les méthodes employées par notre pays pour soustraire certaines agglomérations à l'application de la directive, qualifiait de « déplorable » le retard accumulé dans la mise aux normes des stations d'épuration et « demand(ait) instamment » à la France de construire des installations de traitement dans les localités où elles étaient nécessaires 41 ( * ) .

Votre rapporteur spécial observe, enfin, que l'effet de cette médiatisation est renforcé par l'habitude prise par la Commission de désigner simultanément plusieurs cas d'infraction à une même législation, concernant un nombre parfois important d'Etats membres . Ces inventaires faisant figure de « listes noires » de l'application du droit communautaire de l'environnement ont par exemple concerné 12 Etats membres, dont la France, n'ayant pas adopté de plans d'urgence pour des usines chimiques, ou encore 9 Etats ayant dépassé le délai de délivrance d'autorisations d'exploitation pour certaines installations industrielles.

2. Les autres éléments de contexte

Parallèlement aux initiatives de la Commission, d'autres éléments de contexte contribuent à renforcer l'obligation de résultat pesant sur les Etats membres en matière d'application du droit communautaire. Au nombre de ces éléments, votre rapporteur spécial identifie plus particulièrement les conséquences potentielles de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et le rôle de « vigie » joué par le Parlement européen .

a) Les conséquences du traité de Lisbonne

Sans préjudice de l'achèvement du processus de ratification 42 ( * ) , le traité de Lisbonne aurait un impact substantiel sur la gestion de certaines procédures d'infraction . En effet, la nouvelle rédaction de l'article 260 (ancien article 228) dispose que :

« Lorsque la Commission saisit la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en vertu de l'article 258, estimant que l'Etat membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d'une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu'elle le considère approprié, indiquer le montant d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte à payer par cet Etat, qu'elle estime adaptée aux circonstances.

« Si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l'Etat membre concerné le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission. L'obligation de paiement prend effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt. »

Il résulte de cette rédaction que, dans le cas spécifique des infractions pour défaut de transposition d'une directive 43 ( * ) , une sanction pécuniaire pourrait être infligée à l'Etat membre dès le premier arrêt en manquement , et non à l'issue d'un second arrêt de la Cour. Cette modification est porteuse d'enjeux très importants pour les Etats membres et l'on observe que, si cette procédure était actuellement applicable, la France aurait déjà supporté une condamnation pécuniaire dans l'affaire OGM.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction du traité prévoit la suppression de la phase d'avis motivé lors de la procédure d'exécution d'un arrêt en manquement (actuelle procédure 228), ce qui aurait probablement pour effet d'accélérer le cours de cette procédure.

b) Un Parlement européen vigilant

Si la Commission, en tant que « gardienne des traités », joue un rôle central dans la gestion des infractions au droit communautaire, votre rapporteur spécial constate que le Parlement européen s'efforce également de contribuer au contrôle du respect de ce droit.

Les statistiques indiquent tout d'abord que la détection de certains cas d'infractions résulte de questions formulées par des parlementaires (222 infractions détectées entre 1996 et 2006) et de pétitions adressées au Parlement (113 infractions détectées sur la même période). Au demeurant, la Commission 44 ( * ) observe que « Dans le secteur de l'environnement , les pétitions revêtent une importance particulière, car la Commission ne dispose pas de pouvoirs d'inspection lui permettant de contrôler sur le terrain l'application pratique du droit communautaire ».

En deuxième lieu, le Parlement européen joue volontiers un rôle « d'aiguillon » de la Commission , en l'invitant à renforcer son contrôle de l'application du droit communautaire. Ce rôle transparaît tout particulièrement dans la résolution adoptée le 21 février 2008 , sur le rapport 45 ( * ) de notre collègue députée européenne Monica Frassoni (Groupe des Verts, Alliance libre européenne). Dans cette résolution, le Parlement européen s'engage notamment à appuyer la Commission par une augmentation des crédits budgétaires dédiés au contrôle du respect du droit communautaire et formule plusieurs recommandations l'invitant notamment à :

1) « envoyer des missions d'investigation dans les différents Etats membres » afin d'enquêter sur les questions soulevées par les pétitionnaires ;

2) être « plus volontariste en contrôlant les faits au niveau national » par l'entremise des ses bureaux de représentation.

Cela se traduit également dans la position exprimée par la résolution précitée sur la communication de la Commission du 7 septembre 2007, « Pour une Europe des résultats - Application du droit communautaire ». Nos collègues députés européens s'y montrent attachés à ce que les nouveaux délais fixés par la Commission pour le déroulement des procédures ne soient « en aucun cas [...] dépassés » et invitent celle-ci à « faire preuve de davantage de fermeté dans l'application de l'article 228 du traité, afin d'assurer le respect des décisions rendues par la Cour de justice ».

Enfin, et au-delà des recommandations qu'il est susceptible de formuler à destination de la Commission, le Parlement européen se considère comme fondé à contribuer directement à la bonne application du droit communautaire. La résolution du 21 février 2008 esquisse un certain nombre de pistes de nature à accroître l'engagement du Parlement en la matière, et en particulier une implication plus forte des commissions permanentes , en généralisant notamment les pratiques initiées par la commission de l'environnement 46 ( * ) , de la santé publique et de la sécurité alimentaire, consistant à organiser, à intervalle régulier, des réunions sur l'application du droit communautaire.

Pour ce faire, le Parlement européen juge nécessaire que soient accrus les moyens administratifs à la disposition des commissions et suggère d'étudier la possibilité d'instituer, au sein du secrétariat de chaque commission, « une task force spécialisée pour garantir un contrôle permanent et efficace de l'application du droit communautaire ».

* 37 24 ème rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit communautaire.

* 38 Ces incertitudes concernent notamment la possibilité d'attaquer ces réponses devant le juge administratif.

* 39 A l'exception des mois de juillet, août et décembre.

* 40 Reproduit en annexe au présent rapport.

* 41 Ces méthodes de communication ne préjugent toutefois en rien des relations de travail nouées entre l'administration française et les autorités communautaires, qui sont globalement bonnes.

* 42 Processus qui vient de se heurter au rejet du traité auquel a abouti le référendum irlandais du 12 juin 2008..

* 43 Hors directives de la Commission, qui ne sont pas adoptées conformément à une procédure législative.

* 44 24 ème rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit communautaire.

* 45 Rapport du 23 novembre 2007 sur le 23 ème rapport annuel de la Commission sur le contrôle de l'application du droit communautaire, fait au nom de la commission des affaires juridiques.

* 46 Votre rapporteur spécial constate, à nouveau, que c'est dans le secteur de l'environnement que sont prises des initiatives « pionnières » en matière de respect du droit communautaire.

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