N° 272

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 mars 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur les instruments de défense commerciale de l' Europe.

Par MM. Jean BIZET, Robert BRET, Hubert HAENEL et Roland RIES,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM.  Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert del Picchia, Marcel Deneux, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Charles Josselin, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Mme Catherine Tasca, MM. Alex Türk, Serge Vinçon.

Union européenne .

Le 6 décembre dernier, la Commission européenne a présenté un Livre vert sur les instruments de défense commerciale de l'Europe (1 ( * )) et ouvert une consultation publique sur l'opportunité, les voies et les moyens de leur éventuelle réforme.

La délégation a souhaité se saisir de ce dossier et apporter sa contribution à la consultation en cours à un double titre.

D'abord, nous sommes ici très en amont d'un éventuel processus législatif. La Commission a en effet annoncé que, sur la base des réponses à sa consultation, elle allait préparer une communication et probablement des propositions législatives d'ici la fin de l'année. Même si ce calendrier n'est pas nécessairement tenu, il est important que la délégation puisse d'ores et déjà prendre date et arrêter de premières orientations.

Ensuite, avec la défense commerciale, nous touchons à un domaine d'une importance et d'une sensibilité extrêmes dans le cadre des débats actuels sur la mondialisation. Au moment où l'impact de la mondialisation se fait plus pressant sur nos capacités de production, au moment où nous nous interrogeons sur de nouveaux modes de régulation, au moment où s'engage une négociation sur les règles dans le cycle de Doha, il est nécessaire de se pencher sur la place des instruments de défense commerciale. Les récentes affaires du textile chinois en 2005 ou des chaussures chinoises et vietnamiennes en 2006 ont souligné avec force de sérieuses divergences sur leur rôle, mais aussi sur leur adaptation au nouveau contexte commercial international, dès lors que leur dernière réforme importante remonte à maintenant plus de 12 ans.

Il était donc important que la délégation se penche sur ce dossier, dans le prolongement des travaux effectués fin 2005 sur la préférence communautaire (2 ( * )) .

I. QUELS ÉLÉMENTS DE BILAN ?

A. UN ARSENAL DIVERSIFIÉ, DANS LEQUEL PRÉDOMINE L'ANTIDUMPING

A défaut d'un corpus de règles de concurrence au niveau international, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a reconnu aux États la possibilité de mettre en oeuvre des instruments de défense commerciale dans deux circonstances : soit en cas de pratiques déloyales, soit en cas d'augmentation massive d'importations susceptibles de déstabiliser durablement une branche de production nationale.

1. Trois instruments principaux

L'Union européenne a mis en place un arsenal qui est conforme aux règles de l'OMC. Il repose sur trois instruments principaux.

Il y a d'abord les mesures antidumping . On considère qu'il y a dumping quand le prix d'un produit à l'exportation est inférieur au prix du même produit sur son marché intérieur. En cas de dumping, les entreprises communautaires victimes d'un préjudice peuvent déposer une plainte auprès de la Commission. Les entreprises exportatrices peuvent se voir alors imposer des droits additionnels.

La procédure antidumping

La procédure antidumping est destinée à protéger les producteurs européens contre la pratique commerciale déloyale - le dumping - qui consiste à vendre à l'exportation à un prix inférieur aux prix pratiqués sur le marché intérieur ou aux coûts de production. Cette procédure est régie par le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil du 22 décembre 1995.

La procédure est engagée à l'initiative de plaintes émanant d'entreprises. Pour que l'enquête soit ouverte, la procédure doit être soutenue par des producteurs communautaires représentant au moins 25 % de la production communautaire.

Pour que des mesures soient engagées, l'enquête, menée par la Commission, doit établir :

- l'existence du dumping ;

- la réalité du préjudice pour les producteurs communautaires ;

- un lien de causalité entre le dumping et le préjudice.

Les mesures antidumping prennent la forme de droits provisoires (tant que l'enquête n'est pas définitivement close) et de droits définitifs (pour une durée maximale de cinq ans) : ces droits sont calculés de manière à éliminer le préjudice et ne peuvent être supérieurs à la marge du dumping.

La Commission conduit l'enquête, peut décider de droits provisoires après consultation du comité antidumping, et propose au Conseil les mesures définitives.

Les États membres sont consultés à tous les stades de la procédure et décident, à la majorité simple au sein du Conseil, les mesures définitives.

Actuellement, ce sont environ 60 % des enquêtes engagées qui débouchent sur des mesures.

Il y a ensuite les mesures antisubvention . Elles sont similaires aux mesures antidumping à la différence que l'origine des distorsions de concurrence tient cette fois à une subvention accordée à l'exportation.

Il y a enfin les mesures de sauvegarde à l'importation. Elles supposent un accroissement des importations d'une ampleur et d'une rapidité telles qu'il menace la survie même d'un secteur. Il est alors possible de restreindre temporairement les importations pour laisser au secteur en question le temps de s'adapter.

Ces mesures reposent sur une répartition des rôles entre trois acteurs : les entreprises, la Commission, le Conseil. Les plaintes sont engagées à l'initiative des entreprises lésées pour l'antidumping et l'antisubvention et à l'initiative des États pour les sauvegardes. C'est la Commission européenne qui mène les enquêtes, institue des mesures provisoires et propose les mesures définitives. Il appartient au Conseil de statuer sur les mesures définitives (à la majorité simple pour l'antidumping et l'antisubvention, à la majorité qualifiée par la sauvegarde).

* (1) « L'Europe dans le monde - Les instruments de défense commerciale de l'Europe dans une économie mondiale en mutation - Livre vert à soumettre à la consultation publique » (E 3362).

* (2) « La préférence communautaire », rapport d'information de MM. Bizet, Bret, Haenel et Ries au nom de la délégation pour l'Union européenne, N° 112, 2005-2006.

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