II. UN IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT ENCORE DIFFICILE À ÉVALUER

Si la forêt française a été profondément affectée par les aléas climatiques de l'été dernier, notamment en raison des incendies de forêts, la faune et la flore, en particulier dans les zones aquatiques, semblent avoir été relativement préservées.

A. LA FORÊT FRANÇAISE FRAGILISÉE

1. Les forêts incontestablement touchées

a) Un premier bilan lourd et des incertitudes à moyen terme
(1) Le bilan le plus lourd des trente dernières années

On rappellera que la France se place au troisième rang des pays les plus boisés de l'Union européenne, avec 13 millions d'hectares de forêts. Cette richesse naturelle rend notre territoire vulnérable aux incendies, qui ravagent chaque année des milliers d'hectares de forêts 22 ( * ) .

QU'EST-CE QU'UN INCENDIE DE FORÊT ?

On parle d'incendie de forêt lorsque le feu concerne une surface minimale d'un hectare d'un seul tenant, qu'une partie au moins des étages arborés (parties hautes) est détruite et que le phénomène échappe au contrôle de l'homme, tant en durée qu'en étendue. Pour qu'il y ait inflammation, trois facteurs doivent être réunis en proportions convenables : un combustible, la forêt dans son ensemble devant être considérée comme tel, une source externe de chaleur et de l'oxygène nécessaire à l'alimentation du feu.

Source : ministère de l'écologie et du développement durable.

Les feux de forêt ont touché le sud du pays du 15 juin au 15 septembre, mobilisant les secours sur une période particulièrement longue. Selon le colonel Richard Vignon, président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), « chacun garde en mémoire le bilan humain, environnemental et économique dramatique de cet été : plus de 2 000 départs de feux ; plus de 60 000 hectares de forêt détruits ; 10 victimes (...). Il s'agit du bilan le plus lourd des trente dernières années ».

Au total, depuis le début de l'année 2003 en France, la superficie touchée par le feu peut ainsi être évaluée à 72 500 hectares (alors que la moyenne au cours des dix dernières années est de 19 000 hectares), comparable à celles des années 1989 et 1990 au cours desquelles 75 000 hectares avaient été parcourus.

Sans minimiser l'importance des incendies de forêt de l'été 2003 dans le sud-est de la France, M. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'ONF, a souligné que ces pertes importantes s'inscrivaient dans un contexte mondial exceptionnel : « e n effet, sur un territoire plus petit, (les Portugais) déplorent 400 000 hectares brûlés. Au Canada, près de 4 millions d'hectares ont été perdus... ».

Ce constat a été partagé par M. Christian de Lavernée, directeur de la défense et de la sécurité civiles au ministère de l'intérieur : « En Californie, on compte 254 victimes, 300 000 hectares ont brûlé et 3 000 maisons ont été détruites. Au Canada, la Colombie britannique a connu un phénomène de même ordre de grandeur que la Californie... ».

On notera que la zone exposée aux incendies en France couvre environ 2 millions d'hectares de forêts et 2 millions d'hectares d'espaces naturels dans les 15 départements du sud-est, ainsi qu'un million d'hectares de forêts dans le massif landais. Les incendies touchent les forêts mais aussi les landes, composées de genêts et de petits arbustes ; le maquis et la garrigue, qui constituent la végétation traditionnelle des départements du sud-est, sont également concernés.

Comme l'a précisé M. Drège, « les incendies de l'été dernier ont ainsi durement frappé le sud-est du pays, le département du Var en particulier, mais aussi les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, la Corse ... ».

On rappellera ainsi que, sur les dix dernières années, 65 % de l'ensemble des surfaces brûlées et 55 % des départs de feux constatés dans les départements méditerranéens ont touché la Corse.

STATISTIQUES DES FEUX DE FORÊT
(NOMBRE DE FEUX, SURFACES EN HECTARES)

Départements

Année 2004

Année 2003

Année 2002

Nbre feux

Surf. totale

Nbre feux

Surf. totale

Nbre feux

Surf. totale

Alpes de Haute-Provence

2

2

57

879

68

583

Hautes-Alpes

5

1

15

388

12

19

Alpes Maritimes

1

0

381

2.744

249

1.050

Ardèche

0

0

341

2.284

154

662

Aude

0

0

106

480

92

564

Bouches-du-Rhône

0

0

350

2.308

239

1.537

Drôme

0

0

98

326

22

49

Corse du Sud

0

0

407

6.451

352

1.030

Haute-Corse

0

0

677

20.904

560

5.306

Gard

0

0

94

334

70

322

Hérault

0

0

209

1.303

193

727

Lozère

0

0

181

3.507

42

130

Pyrénées-Orientales

0

0

72

566

67

292

Var

0

0

380

18.813

324

1.064

Vaucluse

0

0

123

232

51

95

TOTAL

8

3

3.491

61.519

2.495

13.430

Source : base de données PROMETHEE

Le directeur général de l'ONF a insisté également sur l'extension géographique inédite des feux de forêt de l'été 2003 (3 000 hectares dans le sud-ouest) par rapport à leur aire traditionnelle : « D'autres départements habituellement épargnés ont souffert, notamment l'Isère qui a connu des incendies aux portes de Grenoble ou encore la Lozère... ».

(2) Des incertitudes à moyen et long terme

Indépendamment des incendies, les forêts françaises ont souffert de la canicule et de la sécheresse à divers titres et il est impossible d'évaluer à ce jour l'ampleur des dommages.

Les conséquences sur les massifs forestiers sont de différentes natures. Certains arbres fragiles ont dépéri ; le plus souvent, ils étaient relativement isolés et déjà affaiblis par une maladie ou un événement antérieur -en particulier par la tempête de décembre 1999- et « ceci n'a pas représenté une menace pour la forêt en tant que telle », d'après M. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'Office national des forêts (ONF).

Ce dernier s'est déclaré plus préoccupé par les dommages sur les plantations. En effet, après la tempête de 1999, la France et l'Union européenne ont contribué au financement de ces plantations tant en forêt privée qu'en forêt publique. La régénération au travers de plantations ou de semis récents, au système racinaire peu développé, est plus fragile face à la sécheresse. Or, les dégâts subis par ces plantations représentent environ 40 % des régénérations par plantation et 15 % des régénérations naturelles.

M. Pierrick Givonne, directeur scientifique adjoint au Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et forêts (CEMAGREF) a précisé à la mission que les incendies dans le sud-est de la France ayant brûlé l'essentiel des graines, la régénération sera plus difficile et plus lente qu'habituellement.

Par ailleurs, un certain nombre d'arbres ont réagi avec leur système de défense naturelle, provoquant en particulier le jaunissement ou la chute de feuilles. M. Givonne a toutefois indiqué que l'« état actuel ou visuel du paysage n'est pas un indicateur fiable de l'état futur de la forêt. Le jaunissement de grandes portions de forêt ne veut pas dire que la situation s'aggravera au printemps prochain. A l'inverse, une forêt verte n'est pas un gage de bonne santé. Il pourra y avoir des problèmes importants lors de la prochaine repousse au printemps prochain ».

Ce n'est donc qu'au printemps 2004 que la capacité de résistance de la forêt pourra être mesurée, à travers la régénérescence ou la mort des arbres affaiblis.

A plus long terme, selon le directeur général de l'ONF, la question des répercussions globales du réchauffement climatique sur la forêt reste en suspens. Si ce réchauffement favorise un allongement de la durée annuelle de végétation des arbres, d'autres effets devraient être cependant beaucoup moins positifs. En effet, si un climat plus heurté devait entraîner la multiplication d'épisodes brutaux comme la sécheresse ou la canicule, les essences et la sélection génétique spontanée en seraient affectées. Selon lui, un déséquilibre entre essences pourrait voir le jour et avoir des conséquences biologiques importantes.

La mission rappellera enfin qu'un Observatoire de la santé des forêts a été mis en place par l'ONF, le ministère de l'agriculture et divers organismes de recherche, afin de recueillir « des données scientifiques à la fois conjoncturelles et en longue période permettant d'étudier ces éventuels changements climatiques. »

b) Les dispositifs de prévention et de lutte : des insuffisances révélées par les incendies de l'été 2003
(1) Les causes des départs de feux

• L'impact des départs de feux simultanés et des incendies volontaires

Les causes des incendies de forêt ne sont pas toujours identifiables. Selon les données disponibles, les origines des feux de forêt se répartissent ainsi qu'il suit :

La multiplication des départs de feux et des incendies volontaires semble avoir été déterminante dans l'extension des incendies de forêt de l'été. Les motivations des auteurs peuvent être diverses (vengeances, délinquance, pyromanie...). Le pyromane relève tantôt d'un placement en psychiatrie, s'il n'est pas considéré comme pénalement responsable par le tribunal, ou de la prison, dans le cas contraire, comme les incendiaires volontaires 23 ( * ) .

Les peines prévues n'ont pas empêché la multiplication des incendies volontaires dans les forêts pendant l'été. Une cellule d'investigation, mise en place dans le Var après l'été avec des moyens importants, a permis l'interpellation et la présentation de certains incendiaires au tribunal correctionnel, selon la procédure de comparution immédiate 24 ( * ) .

M. Nicolas Sarkozy a indiqué à la mission : « nous avons interpellé, durant les mois de juillet et d'août, 88 incendiaires et un total de 25 incendiaires ont été écroués. Jamais nous n'avons eu tant d'interpellations. »

• Une propagation rapide des feux de forêt en raison de la sécheresse

« La canicule et la sécheresse sont deux phénomènes à la fois concomitants et complémentaires qui ont affecté nos forêts... » a rappelé devant la mission M. Pierre-Olivier Drège. L'importance de la sécheresse semble avoir eu un rôle majeur dans la vitesse de la propagation des feux qui ont embrasé les massifs forestiers des Maures ou de la Corse.

Soumises au « double stress » de la canicule et de la sécheresse, les espèces végétales des forêts du sud-est étaient en effet particulièrement sensibles aux feux.

Dans le même sens, M. Pierrick Givonne, directeur scientifique adjoint à l'institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement (CEMAGREF) a noté : « En 2003, les pompiers ont constaté que les vitesses de feu avaient été deux fois plus importantes qu'auparavant ».

(2) Les insuffisances de la prévention

La préservation de la forêt repose sur la collaboration de plusieurs acteurs :

- au niveau national, la direction générale de la forêt et des affaires rurales du ministère de l'agriculture a en charge les actions de prévention, la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur pilote les actions de lutte contre les incendies. En outre, le ministère de l'écologie et du développement durable coordonne les nouveaux plans de prévention des risques naturels prévisibles, le ministère de la défense collabore aux actions de lutte et le ministère de l'équipement, grâce à Météo France, procède à une appréciation des risques.

- au niveau local, concernant la forêt méditerranéenne, l'ensemble des actions est coordonné par le préfet de zone sud, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les élus locaux sont les partenaires habituels de l'Etat puisque la prévention des feux de forêt repose sur de nombreuses actions définies en commun. Les départements financent une partie des plans de surveillance de la forêt et sont responsables des services départementaux d'incendie et de secours. Le maire, en tant que responsable de la police municipale, dispose d'attributions spécifiques pour faire respecter les mesures de prévention des incendies de forêt.

- il faut signaler enfin le rôle déterminant de l'office national des forêts (ONF) qui gère plus de 4,4 millions d'hectares de forêts tempérées en métropole, tant en termes de protection que d'exploitation, accueille et informe le public tout en ayant une mission de surveillance.

• L'entretien des massifs forestiers : le nécessaire respect de l'obligation de débroussaillement

Afin de réduire les facteurs naturels à l'origine des départs de feux, une politique globale d'aménagement et d'entretien de l'espace forestier est pratiquée depuis longtemps dans les zones concernées (la forêt couvre environ 58 % du département du Var), reposant sur une concertation entre les services de l'Etat et des collectivités territoriales.

La politique de prévention des feux de forêt est commandée par les caractéristiques des massifs forestiers. Dans les forêts méditerranéennes, le relief difficile, la propriété morcelée (70 000 propriétaires dans la forêt du Var) et la faible exploitation de la forêt ont conduit à prendre des mesures spécifiques (brûlage dirigé, pastoralisme) élaborées avec le concours du Conservatoire de la forêt méditerranéenne (créé en 1986) et des agents de l'ONF, dans le cadre des PIDAF 25 ( * ) .

LE DÉBROUSSAILLEMENT (ARTICLE L. 321-5-3 DU CODE FORESTIER)

« On entend par débroussaillement les opérations dont l'objectif est de diminuer l'intensité et de limiter la propagation des incendies par la réduction des combustibles végétaux en garantissant une rupture de la continuité du couvert végétal et en procédant à l'élagage des sujets maintenus et à l'élimination des rémanents de coupes. Le représentant de l'Etat dans le département arrête les modalités d'application du présent article en tenant compte des particularités de chaque massif. »

Le débroussaillement doit empêcher les flammes d'atteindre la cime des arbres et la propagation du feu sur de vastes étendues en cloisonnant la forêt en îlots.

Dans les communes concernées, et selon leur localisation 26 ( * ) , les propriétaires doivent se conformer à l'obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé de leur terrain « sur les zones situées à moins de 200 mètres de terrains en nature de bois, forêts, landes, maquis, garrigues, plantations ou reboisements » 27 ( * ) . Ces travaux sont à leur charge, mais des aides financières de l'Etat sont prévues, plafonnées cependant à 50 % de la dépense.

Si les opérations de débroussaillement et de nettoyage nécessaires ne sont pas effectuées, le maire, au titre des pouvoirs de police municipale, peut assurer le débroussaillement et mettre les travaux à la charge des propriétaires négligents. A défaut, le préfet peut ordonner l'exécution des aménagements nécessaires.

Le non respect de l'obligation de débroussaillement par les propriétaires est sanctionné (indépendamment d'éventuelles poursuites pénales, les propriétaires récalcitrants sont passibles d'une amende de 30 euros par mètre carré soumis à l'obligation de débroussaillement).

Par ailleurs, l'Etat dispose de prérogatives exceptionnelles dans les zones les plus sensibles : dans les régions particulièrement exposées aux incendies de forêt, les bois peuvent faire l'objet d'un classement par décision administrative 28 ( * ) : les massifs forestiers situés dans les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et dans les départements de l'Ardèche et de la Drôme (à l'exception de ceux soumis à des risques faibles figurant sur une liste arrêtée par le représentant de l'Etat dans le département concerné) sont régis par des dispositions spécifiques liées à l'importance du risque d'incendie. Lorsque les incendies, « par leur ampleur, leur fréquence ou leurs conséquences risquent de compromettre la sécurité publique ou de dégrader les sols et les peuplements forestiers, les travaux d'aménagement et d'équipement pour prévenir les incendies, en limiter les conséquences et reconstituer la forêt sont déclarés d'utilité publique à la demande du ministre chargé des forêts, d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales » 29 ( * ) .

Des mesures de protection des massifs peuvent donc être entreprises pour prévenir un risque élevé d'incendie et , plus généralement, le représentant de l'Etat dans le département peut édicter toutes mesures de nature à assurer la prévention des incendies de forêt (périmètres de protection et de reconstitution forestière ou de servitudes établies par l'Etat, « pour assurer exclusivement la continuité des voies de défense contre l'incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts » 30 ( * ) , réglementation de l'usage des feux, limitation de la circulation).

Les dysfonctionnements constatés l'été dernier appellent à une nécessaire évaluation des dispositifs destinés à la prévention des incendies précités. Selon M. Pierrick Givonne, la vitesse de propagation des feux a « mis à mal les coupures » . Plus grave, il semble que les obligations légales de débroussaillement n'aient pas toujours été correctement respectées par les propriétaires .

Le bilan de la lutte contre les incendies de forêt de l'été 2003 présenté par M. Nicolas Sarkozy au Conseil des ministres du 1 er octobre dernier a pris acte de cette situation : « Malgré les campagnes de communication, de nombreux propriétaires ne respectent pas l'obligation de débroussaillement. Ceci a pour conséquence majeure de détourner les sapeurs-pompiers de la lutte contre la propagation du feu en forêt pour protéger les habitations et les personnes. Les communes, si elles effectuent des mises en demeure, n'exécutent que trop rarement les travaux de débroussaillement en cas de carence des propriétaires ».

M. Pierre-Olivier Drège a souligné que les difficultés rencontrées avaient également des causes structurelles : « Nous avons aujourd'hui deux fois plus de forêts que nous n'en avions à la fin du XVIII e siècle. Ce phénomène d'expansion se poursuit, notamment du fait de déprises agricoles (...) l'absence d'activité humaine en forêt ou proche de la forêt qui crée des clairières, des sentiers ou des passages, conduit les forêts à se refermer... ».

• La mise en oeuvre trop lente des plans de prévention des risques naturels prévisibles

L'extension urbaine tend à réduire les coupures entre zones sensibles boisées et zones d'habitation et le développement de l'habitat diffus en forêt contribue au « mitage » des massifs qui fragilise les dispositifs de lutte contre les incendies.

Les plans de prévention des risques naturels prévisibles établis par la loi du 30 juillet 2003 31 ( * ) succèdent aux plans de prévention des risques (PPR) créés par la loi du 2 février 1995. Ils ont pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones les plus sensibles afin de réduire les risques et protéger les constructions existantes. Mis en oeuvre par l'Etat, ils couvrent « les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones » 32 ( * ) . Ces plans sont établis par le préfet en concertation avec les collectivités territoriales concernées. Au terme d'une enquête publique au cours de laquelle sont entendus les maires intéressés, ils sont approuvés par arrêté préfectoral 33 ( * ) .

Ces plans valent servitude d'utilité publique, sont pris en compte par les documents d'urbanisme et sont immédiatement opposables à toute personne 34 ( * ) . La réalisation des mesures de protection des personnes et de sauvegarde des biens ainsi que la définition des règles d'aménagement et de construction à suivre par les  propriétaires  peuvent être rendues obligatoire, en fonction du risque, dans un délai de cinq ans pouvant être réduit en cas d'urgence. Le représentant de l'Etat dans le département, le maire ou ses délégués et les services de l'Etat compétents disposent d'un droit de visite des constructions en cours leur permettant d'effectuer toutes vérifications nécessaires. 35 ( * )

Au 1 er août 2003, 3 860 plans de prévention des risques avaient été approuvés et recensés sur le territoire national (contre 3000 en 2002) mais ils ne recouvraient pas l'ensemble des zones traditionnelles des feux de forêt. Onze plans étaient en vigueur dans les Alpes-Maritimes. M. Pierre-Olivier Drège a confirmé que « la définition des plans de prévention incendie en forêt (PPRIF) avait pris quelque retard dans toute la région méditerranéenne pour de multiples raisons » mais que « les maires et les préfets » s'y employaient.

La mission, consciente de la nécessité de maîtriser l'urbanisation dans les zones forestières sensibles au risque incendie, souligne l'intérêt des plans de prévention des risques naturels « incendies de forêt » pour améliorer la protection des personnes et des biens.

(3) Les moyens de la sécurité civile : des faiblesses soulignées par la crise

La lutte contre les feux de forêt repose d'abord sur les sapeurs-pompiers 36 ( * ) des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et les forestiers de la zone touchée. Toutefois, des moyens nationaux d'intervention de la sécurité civile sont régulièrement sollicités en renfort.

L'ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE MOBILISÉE CONTRE LES FEUX DE FORÊT

* Les autorités de coordination des crises de sécurité civile :

Ces moyens sont coordonnés par le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) de la direction de la défense et de la sécurité civiles (DDSC) du ministère de l'intérieur au niveau national. En outre :

- les préfets des zones de défense (Paris, Nord, Ouest, Sud-Ouest, Sud, Sud-Est, Est) veillent à la cohérence des plans. Ils disposent à cet effet d'un état-major de zone (EMZ) mettant en oeuvre cette coordination et avec son centre opérationnel de zone (COZ) ;

- les préfets de région assurent la préparation de différentes mesures économiques de défense (protection du patrimoine, planification et gestion des aspects économiques de la crise) ;

- les préfets de département sont responsables de la préparation et de l'exécution des mesures non militaires, disposant de l'ensemble des services du département (police, pompiers, SAMU...). Un centre opérationnel de défense (le COD) peut être activé. Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) sont chargés de la prévention et de la lutte contre les accidents, sinistres et catastrophes. Un centre opérationnel est mobilisé en permanence (CODIS) ;

- le maire est l'acteur essentiel à l'échelon communal, de la mise en oeuvre des mesures de protection et de la diffusion de l'information préventive.

* Les moyens nationaux de la sécurité civile mobilisés contre les feux de forêt (au début de l'été) étaient les suivants :

Les moyens terrestres rassemblaient 3 unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) 37 ( * ) , composées de 600 hommes, des colonnes (interdépartementales) de sapeurs-pompiers, soit 850 hommes mobilisables à titre préventif et les moyens mis à disposition par le ministère de la défense, soit 275 hommes, 2 hélicoptères de manoeuvre et un hélicoptère léger.

Les moyens aériens étaient constitués des 33 hélicoptères et de 28 avions (25 avions bombardiers d'eau et 3 avions de reconnaissance) du groupement des moyens aériens de la sécurité civile.

Les avions bombardiers d'eau sont utilisés pour éteindre les départs de feux ou pour une intervention massive destinée à « casser » la progression des incendies les plus importants. La flotte aérienne a été fortement sollicitée. L'ancienneté des deux Fokker 27 (plus de 30 ans d'âge) et des hélicoptères s'est révélée pénalisante pour l'efficacité des interventions. Les avions bombardiers ont effectué 9.000 heures de vol opérationnel, contre 4 300 en moyenne par an sur la période 1998-2002.

En dépit de ces moyens, notre pays a été contraint de faire appel à l'aide internationale afin de répondre aux besoins des secours (bombardiers d'eau italiens, espagnols et grecs, hélicoptères allemands, italiens et russes). Comme l'a résumé devant la mission le colonel Richard Vignon, « cette crise a mis en lumière l'insuffisance et la grande vétusté de notre flotte aérienne au regard de nos partenaires ».

• Une gestion hésitante des colonnes de renforts

Dans le cadre des moyens nationaux mobilisés au titre de la solidarité nationale, des colonnes de renfort de sapeurs-pompiers ont été constituées, tant sur le continent qu'en Corse.

Selon le témoignage du colonel Richard Vignon, cette gestion par les autorités a été « à la fois tardive, erratique et parcimonieuse. Une mission trop strictement comptable et à court terme et conduit, au début de la crise, à l'annulation du départ de nombreuses colonnes déjà mises en alerte et à de fréquents mouvements d'allers et retours, particulièrement éprouvants pour les personnels -notamment pour les sapeurs-pompiers volontaires, soumis à des contraintes de disponibilité à l'égard de leurs employeurs- et les matériels, compte tenu notamment des délais d'acheminement particulièrement longs en l'absence de tout dispositif prévoyant une utilisation prioritaire des moyens de transport ».

M. Vignon a ainsi indiqué que l'alerte lancée par la Fédération aux médias et aux pouvoirs publics le 30 juillet avait pour objectif de dénoncer les « graves carences observées dans la gestion de la crise » et a permis de dégager des moyens de secours supplémentaires.

Reconnaissant qu'il y avait eu « un grippage dans l'acheminement des colonnes de renforts », M. Christian de Lavernée a ajouté que « Si les choses étaient opérationnellement bien fondées, elles se sont terminées sur un raté (...). Sur cette situation, j'ai fait acte de repentance dans la mesure où les sapeurs-pompiers qui ont été baladés étaient pour la plupart des volontaires ».

On rappellera que le gouvernement, conformément aux conclusions de la mission présidée par M. Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, rendues publiques en mars 2003, se propose de développer le volontariat sapeur-pompier (possibilité de recrutement dès 16 ans...). En effet, la durée d'engagement des volontaires diminue sensiblement depuis 30 ans alors que le nombre d'interventions a été multiplié par 20, fragilisant les services départementaux d'incendie et de secours et le maillage territorial de la sécurité civile.

La gestion des colonnes de renforts ne semble pas avoir été non plus optimale sur le champ opérationnel. Selon le colonel Vignon, « il (...) semble nécessaire de faire évoluer l'utilisation des colonnes de renforts dans le sens de leur affectation prioritaire à la gestion des risques courants » dans les centres de secours des départements frappés par des feux de forêts et « opportun d'assouplir » leur gestion.

c) La mobilisation des secours a permis de limiter les conséquences dramatiques des feux de l'été
(1) Le déploiement préventif des secours

• Les critiques sur l'absence d'anticipation doivent être nuancées

Le colonel Richard Vignon a déploré « une insuffisance totale dans l'anticipation et la mise en oeuvre de moyens de prévention ». Ce jugement doit être nuancé car si les insuffisances de la sécurité civile, déjà évoquées, ont été soulignées par la crise, la mission constate qu'un dispositif préventif, établi à partir des expériences passées, avait été mis en place dès le mois de juin, soit un mois plus tôt que d'habitude. Selon le colonel Vignon, « l'occurrence du risque aurait (...) justifié (...) une anticipation supérieure au mois constaté ».

• La stratégie d'attaque des feux naissants

La mobilisation préventive des moyens d'intervention est une condition de la réussite de la lutte contre les feux de forêt car elle permet la détention rapide des incendies et l'engagement immédiat des secours.

L'application de la stratégie d'attaque des feux naissants repose sur l'analyse du risque incendie par Météo France.

LE DÉVELOPPEMENT DE L'ANALYSE DU RISQUE INCENDIE AVEC MÉTÉO FRANCE

La mission tient à rappeler que la sécurité civile et Météo France sont en dialogue permanent dans les procédures d'alerte et de vigilance météorologiques.

En zone sud, le centre opérationnel de zone (COZ) de Valabre est au centre du dispositif de lutte contre les feux de forêt, centralisant l'ensemble des informations disponibles sur les quinze départements du sud de la France avant d'établir une cartographie des risques. Il bénéficie à ce titre d'une antenne météorologique, présente durant toute la campagne de feux estivale.

Cette antenne analyse deux fois par jour le niveau de risque incendie de forêts de la zone concernée. De là sont définies les mesures de prévention et les tactiques de lutte éventuelles. Cette démarche a été progressivement adoptée pour la zone sud-ouest (Gironde, Dordogne, Landes, Charente-Maritime, forêts du Limousin).

Cette stratégie est aussi fondée sur un dispositif de vigies, de surveillance mobile et le pré positionnement d'unités terrestres à proximité des zones à risques. Le guet aérien armé assuré par les bombardiers d'eau doit permettre une intervention immédiate en cas de départ de feux. En effet, c'est en intervenant sur les feux moins de dix minutes après leur détection que les secours sont les plus efficaces. En moyenne, 95 % des incendies en France parcourent moins de 5 hectares.

Au début de l'été, des moyens terrestres et aériens ont été « pré positionnés » dans le sud-est du pays mais aussi en Corse et dans le sud-ouest. Ainsi, la mobilisation préventive de la sécurité civile et des autres acteurs ne peut être contestée.

Toutefois, selon le bilan des incendies établi par M. Nicolas Sarkozy 38 ( * ) , « le pré positionnement préventif d'un minimum de moyens d'intervention dans des lieux stratégiques devra être revu l'an prochain ».

(2) Un dispositif exceptionnel pour une crise exceptionnelle

• En dépit des difficultés rencontrées, l'alerte et la coordination des secours ont fonctionné

Le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) a intensifié l'information du public à la veille des journées à hauts risques, avec le concours de Météo France. Selon le colonel Richard Vignon, « les conditions météorologiques des mois précédents rendaient largement prévisible une campagne de lutte aussi importante et difficile ». Il convient néanmoins de rappeler que l'intervention médiatisée de la fédération en vue de demander des renforts supplémentaires sur le front des incendies date du 30 juillet, alors que les feux de forêt sévissaient dans le sud du pays depuis la mi-juin. Le COGIC a joué ensuite un rôle déterminant dans la coordination des secours.

Le COGIC , installé à la direction de la défense et de la sécurité civiles (DDSC), à Asnières (Hauts-de-Seine), est mis à la disposition du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en charge de la sécurité civile, sous l'autorité du directeur de la défense et de la sécurité civiles.

Sous l'autorité de ce dernier, le centre (40 personnes) est chargé d'informer en permanence le ministre de l'intérieur de tout événement pouvant conduire à la mise en place d'un dispositif de défense ou de sécurité civile, de fournir aux ministres concernés, par l'intermédiaire de leur haut fonctionnaire de défense, les informations et analyses nécessaires à l'exercice de leurs missions .

En outre, il doit mettre à disposition des préfets des informations ou des moyens de renfort pour la continuité de leurs actions de protection des populations , faciliter la coordination des acteurs et permettre aux préfets d'exercer leurs responsabilités dans les meilleures conditions.

Le COGIC dispose :

- d'un centre opérationnel assurant une veille permanente et la gestion des opérations de secours et de protection des populations . Il traite et exploite l'ensemble des informations lui parvenant de différentes sources (Météo France ; préfectures, centres opérationnels départementaux d'incendie et de secours ; réseau de partenaires composé des hauts fonctionnaires de défense des ministères, de différentes structures comme le centre national d'information routière, de divers experts ; commissariat à l'énergie atomique ; SNCF ; EDF ; France Télécom et grandes associations de secourisme).Il est en contact avec les 7 états-majors des zones de défense, les préfectures et les unités opérationnelles de la sécurité civile ;

- d'un centre de crise , activé lorsqu'un événement de portée nationale risque de générer une situation de crise (Coupe du Monde de football de 1998 par exemple) ou qu'une catastrophe crée une situation de crise immédiate nécessitant une coordination interministérielle (tempêtes de 1999). Ce centre permet de rassembler les compétences et les informations tout en coordonnant l'action des pouvoirs publics face à une crise majeure.

Le COGIC dispose en outre d'un centre de transmissions, en relation avec l'AFP.

M. Nicolas Sarkozy a salué l'action du COGIC dans la gestion des secours face aux feux de forêt, basée sur les grands principes opérationnels qui fondent la sécurité civile (planification d'urgence ; unité de commandement ; mutualisation des moyens) : « Le COGIC était en formation renforcée au cours de l'été 2003, notamment pour faire face aux feux de forêts que nous avons connus (...). Sans l'efficacité de la coordination et de l'appui logistique organisés par le COGIC, je n'ose imaginer l'ampleur de la crise des feux de forêts que nous avons connue cette année ».

• L'adaptation des moyens de secours à l'évolution de la crise

Des polémiques relayées par la presse ont mis en cause a posteriori la gestion de certaines interventions, donnant même lieu, fait inhabituel, à un rapport de l'inspection générale de l'administration rendu public 39 ( * ) . Le dispositif de lutte contre les incendies a pourtant été adapté au cours de l'été pour faire face à un danger d'une gravité exceptionnelle, en particulier dans le massif des Maures et en Haute-Corse et en raison d'une conjugaison de facteurs défavorables (départs de feux simultanés, difficultés d'accès, protection d'habitations isolées).

Selon la communication précitée de M. Nicolas Sarkozy, « le dispositif national de lutte contre les feux de forêts (...) a été amplifié par la mobilisation de renforts exceptionnels dès le mois de juillet (...). 1 500 sapeurs-pompiers venus en renfort de toute la France ont été engagés simultanément au plus fort des risques, en complément de l'action des 33 000 pompiers du sud et avec l'appui constant des unités militaires de la sécurité civile (...). Au total, 500 militaires ont été engagés et ont effectué un millier de missions de quadrillage du terrain et 1 500 heures de vol pour des missions d'héliportage et de surveillance. Il faut enfin souligner la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des personnels forestiers . »

L'importance de l'action des renforts étrangers, déjà évoquée, doit aussi être soulignée, tout en constatant ses limites dans une période aussi exceptionnelle que l'été dernier.

Pour M. Nicolas Sarkozy, « force est de reconnaître l'utilité de la coopération internationale. Je vous rappellerai simplement que les incendies ont eu lieu, en même temps, dans les différents pays. Ainsi, j'ai été saisi, cet été, d'une demande de nos amis Portugais, à laquelle j'ai été bien incapable de répondre (...). Tous nos moyens étaient engagés. Nous avons dû faire appel aux hélicoptères russes et italiens pour notre propre territoire . »

• Trois mois de mobilisation pour les secours

Le renforcement des dispositifs de secours et les conditions climatiques favorables ont permis, début septembre, d'éteindre les incendies, mais des moyens d'intervention sont restés déployés sur le terrain jusqu'à la fin du mois. Les incendies de forêt de l'été 2003 auront mobilisé les secours pendant une durée exceptionnelle de trois mois, en leur faisant payer un lourd tribut.

La mission tient à saluer le courage des sapeurs-pompiers et des autres personnels mobilisés lors des incendies de l'été : 275 sapeurs-pompiers ont en effet été blessés et 4 d'entre eux sont morts pendant la période.

Par ailleurs, une aide d'urgence a été accordée aux services départementaux d'incendie et de secours qui avaient envoyé des hommes dans le sud du pays pour soutenir les secours locaux et se retrouvaient en grande difficulté financière.

Le bilan dramatique et coûteux de l'été 2003 doit conduire à une véritable réflexion sur les dispositifs de lutte afin de tirer les leçons de ces feux de forêt exceptionnels et de développer une véritable politique de prévention.

2. Préserver la forêt pour l'avenir

Lors de son audition, Mme Bachelot-Narquin a annoncé qu'un plan gouvernemental serait prochainement présenté pour tirer les leçons des incendies de l'été, à partir des conclusions de la mission d'évaluation confiée à diverses inspections générales. La mission souhaite que ses préconisations permettent d'enrichir la réflexion engagée.

a) Assurer la reforestation

Compte tenu des dommages évoqués précédemment, en particulier s'agissant des plantations, priorité devra être donnée à la reforestation. Les surfaces concernées sont limitées pour ce qui concerne les forêts domaniales -soit 1 200 hectares de plantations et 13 500 hectares de régénérations naturelles- mais il convient d'y ajouter les surfaces en forêts privées.

Selon M. Drège, « ces surfaces sont relativement limitées au regard des 13 millions d'hectares que représente la forêt française. Ce rapport de 1 à 1 000 ou 1 à 10 000 n'est pas en soit désastreux, mais nous sommes confrontés au problème de replanter et de regarnir les plantations qui requièrent des fonds publics, et donc une majoration des forfaits prévus pour récupérer de la tempête de 1999 ».

Plutôt que « d'inventer un nouveau système », il a jugé plus judicieux de « rester inscrits dans le cadre du système européen existant » . Il s'est également montré préoccupé par les délais fixés pour la régénération, qu'il a estimé devoir être prolongés d'au moins un an.

b) Des mesures immédiates contre l'érosion des sols

Les massifs touchés par les incendies de l'été sont particulièrement exposés à l'érosion. L'incendie laisse, en effet, le sol sans protection, au regard des risques de crues et de ruissellements. En l'absence de couvert végétal, le sol doit donc être rapidement stabilisé et des mesures d'urgence ont été prises par l'ONF pour sécuriser les terrains.

Soulignant que les massifs forestiers du sud est avaient été heureusement épargnés à l'automne par les orages, M. Pierrick Givonne a précisé que le risque d'érosion se poserait dans les années à venir, en attendant les effets du reboisement : « Les difficultés liées à l'érosion et aux crues sont à venir, sachant que la repousse nécessitera deux ou trois ans. Il faut dire que la mobilisation de l'ONF a été exceptionnelle. (...) Cela étant, nous sommes loin d'avoir traité l'ensemble des surfaces... ».

Afin de conforter les actions déjà engagées, l'Etat a la faculté d'entreprendre les travaux nécessaires pour lutter contre l'érosion des sols (création de forêts de protection nécessaires au maintien de la terre sur les pentes, défense contre les avalanches, les érosions et les envahissements des eaux et des sables 40 ( * ) ).

La mission souhaiterait que les zones sensibles au risque d'érosion soient précisément définies, en concertation avec les collectivités concernées et que des plans spécifiques à chaque massif soient élaborés par l'ONF pour anticiper ce risque dans les années à venir.

c) Une obligation de débroussaillement effective

Comme l'a relevé M. Pierre-Olivier Drège devant la mission, « nous ne sommes pas à l'abri de la reproduction de cette situation dès l'année prochaine. Tout d'abord parce que nous ne savons pas quel climat sera celui de l'été prochain. Mais même avec un climat moyen, les risques sont graves. Il y a eu, du fait de la sécheresse en 2003, une accumulation de matériaux inflammables qui peuvent être à l'origine de nombreux départs de feux l'an prochain . »

La forêt méditerranéenne est en effet devenue une véritable « poudrière végétale (...) le principal risque en matière d'incendies de forêts réside dans le sous-bois. Les broussailles sont toujours présentes, ont séché sur pied, sont mortes et constituent un réservoir potentiel de matériau combustible présentant un risque supérieur à la normale même si les conditions climatiques restent, elles, normales » selon le directeur général de l'ONF.

Des crédits supplémentaires 41 ( * ) ont été ouverts dans la loi de finances rectificative pour 2003 (financement du « nettoyage » des parcelles situées dans les zones à risques et aux travaux d'équipement des patrouilles de défense des forêts contre les incendies).

Ces mesures répondant à l'urgence doivent être complétées par un dispositif préventif à travers des incitations financières au débroussaillement et au maintien d'activités agricoles ou pastorales dans certains massifs forestiers. L'information et la responsabilisation des exploitants et des propriétaires, dans les massifs forestiers et les zones riveraines, doivent être renforcées en conséquence.

Par ailleurs, force est de constater que le montant élevé des amendes encourues par les propriétaires négligents ne suffit pas à les contraindre à entretenir leurs terrains. Le dispositif annoncé pourrait ainsi comporter un mécanisme de modulation de la franchise des assurés , comme l'évoquait M. de Lavernée lors de son audition : « Nous envisageons de proposer une disposition incitative sur la responsabilité des propriétaires en matière de débroussaillement de façon à ce que les assureurs soient autorisés, par le code des assurances, à pénaliser les propriétaires négligents. Étant donnée la difficulté pour les maires de se substituer aux propriétaires, nous avons pensé qu'il fallait sortir de cette complexité administrative en instaurant un système auto correcteur ».

La mission ne peut qu'être favorable à un tel système. Cette réforme fondée sur une logique de responsabilisation nécessiterait une modification du code des assurances qui instaurerait une franchise supplémentaire, dont le montant -nécessairement significatif- pourrait varier entre 3 000 et 6 000 euros.

d) La généralisation des plans de prévention des risques naturels prévisibles contre les incendies de forêt

Les difficultés rencontrées par les sapeurs-pompiers pour lutter contre la progression des feux de forêts, en raison de la nécessité de protéger des habitations isolées dans les massifs forestiers, justifient une généralisation des plans de prévention des risques naturels prévisibles. La sécurité des personnes et des biens est en cause, la forêt devant être considérée comme une zone à risques. L'urbanisation doit être maîtrisée dans les zones les plus sensibles, afin de garantir l'efficacité des dispositifs de prévention et de lutte contre les incendies.

La mission constate d'ailleurs que la mise en oeuvre des plans semble s'accélérer depuis la crise. M. de Lavernée a indiqué que « les départements en retard (étaient) en train d'agir dans le cadre de leur plan de prévention des risques naturels d'incendie de forêt », tandis que Mme Roselyne Bachelot-Narquin a annoncé « la prescription de 13 plans de prévention des risques d'incendies de forêt dans le Var alors qu'il n'en existait aucun avant l'été ». Elle a ajouté que la mission d'évaluation des inspections générales précitée avait « fait le constat de l'importance de la maîtrise de l'urbanisme, de la planification régionale, de la nécessité de généraliser les PPRIF ».

On rappellera, en outre, que la loi du 30 juillet 2003 comporte des dispositions favorisant l'information préventive des populations sur les risques naturels majeurs (obligation d'information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels du risque qu'ils encourent, par le vendeur ou le bailleur, et obligation d'information de la population, au moins une fois tous les deux ans, par les maires des communes couvertes par un plan de prévention prescrit ou approuvé).

La mission ne peut donc qu'être favorable à une généralisation des plans de prévention des risques naturels d'incendie de forêt. Elle souhaite que le plan gouvernemental annoncé favorise leur établissement dans les zones les plus sensibles avant l'été 2004 et contribue à développer plus généralement une « approche préventive » des risques incendie dans notre pays.

e) Le renforcement des dispositifs de lutte contre les feux de forêt
(1) L'aggravation des sanctions contre les incendiaires

Alors que les investigations de la cellule « incendies » du Var se poursuivent (interpellation d'un incendiaire présumé le 20 janvier dernier), le Sénat a pris l'initiative, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'évolution de la grande criminalité, de faire de l'incendie de bois, forêts, landes, maquis, plantations ou reboisements d'autrui, une circonstance aggravante.

On rappellera que le code pénal prévoit que « la destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie provoqués par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » sont punies d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende 42 ( * ) . En cas d'incendie de forêt, elles seraient portées à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Si ces actes ont été commis en « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence », les peines encourues sont de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. En cas d'incendie de forêt, elles seraient portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Il en irait de même si l'incendie « est intervenu dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement ». L'infraction serait punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende dans le premier cas et à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros dans le second si l'incendie a provoqué pour autrui une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus.

Les peines seraient portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende dans le premier cas et à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende dans le second s'il a provoqué la mort d'une ou plusieurs personnes.

Lorsque la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui a eu lieu « par l'effet d'une substance explosive ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes », elle est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. En cas d'incendie de forêt, elle serait punie de quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende.

Ces destructions, dégradations et détériorations qui présentent un danger pour les personnes sont punies de :

- quinze ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont entraîné pour autrui une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus. En cas d'incendie de forêt, elles seraient punies de vingt ans de réclusion et 200 000 euros d'amende ;

- vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont été commises en bande organisée, qu'elles ont entraîné pour autrui une incapacité de travail pendant plus de huit jours ou qu'elles ont été commises en raison de l'appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, de la personne propriétaire ou utilisatrice du bien à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée 43 ( * ) . En cas d'incendie de forêt, elles seraient punies de trente ans de réclusion criminelle et 200 000 euros d'amende ;

- trente ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont entraîné pour autrui une mutilation ou une infirmité permanente 44 ( * ) . En cas d'incendie de forêt, elles seraient punies de la réclusion criminelle à perpétuité et à 200 000 euros d'amende ;

- la réclusion criminelle à perpétuité et de 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont entraîné la mort d'autrui 45 ( * ) .

(2) Renforcer le rôle préventif des secours et la mobilisation de la population

Les incendies de forêt de l'été 2003 ont souligné la nécessité d'une évaluation des stratégies et des dispositifs existants, à l'aune de la campagne de feux exceptionnelle de 2003, en vue de leur éventuelle adaptation.

Les réflexions devraient particulièrement porter sur le guet aérien armé et la stratégie d'attaque des feux naissants, qui semblent avoir été parfois pris de court par la multiplication des départs de feux simultanés et la vitesse de propagation des feux de forêts, ainsi que sur le développement d'une culture du risque et de la prévention (campagnes d'information auprès du public ; interventions de forestiers et de sapeurs-pompiers dans les écoles). Les conclusions de ce retour d'expérience et les propositions éventuelles devraient être rendues publiques avant l'été 2004 dans un souci de transparence.

Ainsi que le suggérait le colonel Richard Vignon, la mission estime que l'instauration « d'exercices incendie » dans les zones sensibles garantirait l'efficacité des procédures retenues et permettrait aux différents acteurs de renforcer leur coordination. De tels exercices sont déjà organisés pour évaluer l'efficacité de nos dispositifs de défense civile (exercice Euratox 2002 organisé à Canjuers (Var) en octobre 2002 ; simulation d'un attentat chimique dans le métro parisien à la station Invalides en octobre 2003, ayant mobilisé 500 personnes).

Le recours aux moyens d'intervention étrangers doit enfin être planifié en amont. C'est à l'initiative de la France que la décision du Conseil européen du 23 octobre 2001 a instauré un mécanisme communautaire tendant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile ; mis en oeuvre depuis le 1 er janvier 2002, son objectif est d'apporter un soutien aux plans technique et logistique dans les cas d'urgence majeure et de contribuer à améliorer la coordination des interventions de secours menées par les Etats membres.

(3) L'amélioration des capacités opérationnelles

• Accroître les moyens et la polyvalence de la flotte aérienne de la sécurité civile

La nécessité de renforcer les moyens aériens de la sécurité civile est aujourd'hui unanimement soulignée.

Lors de son audition, M. Nicolas Sarkozy a apporté les précisions suivantes : « Je vous rappelle que ces avions ne servent que deux mois de l'année. La question est de savoir s'il est préférable de faire le choix d'un avion spécialisé ou bien d'un avion que l'on pourrait transformer durant les dix autres mois, en particulier pour la sécurité civile (...). La question est la même pour les hélicoptères : nous devons en renforcer et en diversifier le parc ». Il a annoncé qu'il venait de signer l'appel d'offre visant à remplacer les deux Fokker actuellement en service sans préciser le type d'avions qui leur sera substitué 46 ( * ) .

Le groupement d'hélicoptères de la sécurité civile a été en partie renouvelé par la conclusion d'un marché d'acquisition de 32 appareils EC 145 le 22 juillet 1998 avec la société Eurocopter, dont tous, cependant, n'ont pas encore été livrés. La réflexion actuelle porte sur l'éventuelle acquisition d'hélicoptères lourds utilisés par la protection civile italienne qui sont particulièrement appréciés par les pilotes de la sécurité civile dans la lutte contre les incendies.

• Repenser la gestion des colonnes de renforts de sapeurs-pompiers

M. de Lavernée a évoqué devant la mission le problème de l'engagement des colonnes : « Nous envisageons donc de reformaliser l'engagement de ces colonnes de renforts. ». Les colonnes de renforts envoyées lutter contre les incendies de forêt doivent être composées de sapeurs-pompiers formés à ces opérations, et ces colonnes doivent être mobilisées en fonction des cartes de vigilance. En revanche, la sécurité civile doit remédier aux difficultés constatées l'été dernier dans leur acheminement en assouplissant leur gestion, comme le suggérait le colonel Vignon : la mise en place « de groupes d'interventions plus mobiles » (à l'image des commandos intervenant dans la forêt landaise) pourrait ainsi être expérimentée lors des prochains incendies.

* 22 Selon le CEMAGREF, les incendies de forêts et d'espaces naturels ont concerné en moyenne chaque année de 1981 à 1997 :

- 5 000 hectares en Espagne ;

- 30 000 hectares en Italie ;

- 86 000 hectares au Portugal ;

- 49 000 hectares en France.

* 23 Ces peines lourdes, prévues par les articles L. 322-5 et suivants du code pénal, ont été aggravées par le projet de loi portant adaptation de la justice à l'évolution de la grande criminalité.

* 24 Aux termes de l'article 395 du code de procédure pénale, « si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire sur le champ devant le tribunal. »

* 25 Les plans intercommunaux de débroussaillement et d'aménagement de la forêt (PIDAF) prévoient les mesures d'aménagement par massif.

* 26 Abords des constructions, chantiers, travaux et installations de toute nature, sur une profondeur de cinquante mètres, ainsi que des voies privées y donnant accès, sur une profondeur de dix mètres de part et d'autre de la voie ; le maire peut porter de cinquante à cent mètres cette obligation de débroussaillement ; terrains définis dans certaines opérations d'urbanisme ou situés dans les zones délimitées et spécifiquement définies comme devant être débroussaillées et maintenues en état débroussaillé en vue de la protection des constructions, par un plan de prévention des risques naturels prévisibles.

* 27 Article L. 321-6 du code forestier. Des contraintes spécifiques sont prévues aux abords des lignes électriques aériennes (article L. 322-5), des voies ouvertes à la circulation publique (article L. 322-6), des autoroutes (article L. 322-7) et des voies ferrées (article L. 322-8).

* 28 Article L. 321-1 du code forestier.

* 29 Article L. 321-6 du code forestier.

* 30 Article L. 321-5-1 du code forestier. Cette servitude ne peut normalement excéder l'établissement d'une bande de roulement de six mètres sur les voies.

* 31 Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

* 32 Article L. 562-1 du nouveau du code de l'environnement.

* 33 Article L. 562-3 du code précité.

* 34 Articles L. 562-2 et 4 du code de l'environnement.

* 35 Quiconque y fait obstacle risque une amende de 3.750 euros et une peine d'un mois d'emprisonnement. La poursuite des travaux illicites est punie d'une amende de 75.000 euros et de trois mois d'emprisonnement ou d'une de ces peines seulement. La démolition ou la mise en conformité des constructions peuvent aussi être aussi autorisées par la voie judiciaire.

* 36 Sur le territoire national, on compte ainsi environ 250 000 sapeurs-pompiers volontaires et 33 000 professionnels. Pour des raisons historiques, les 2 000 hommes du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM) et les 7 000 hommes de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ont un statut militaire.

* 37 Instaurées en 1968, les unités militaires de la sécurité civile ont pris le nom d'unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) en 1988. Les unités 1,5 et 7, respectivement basées à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Corte (Haute-Corse) et Brignole (Var), ont un rôle de formation et de renforcement des moyens de secours locaux lors de catastrophes de toutes natures.

* 38 Communication au Conseil des ministres du 1 er octobre 2003.

* 39 Ce rapport d'octobre 2003 sur les modalités d'intervention des secours lors de l'incendie dit de « Santa Maria di lota » (Haute-Corse), tout en soulignant que le dispositif avait atteint la limite de ses capacités, conclut que l'examen des évènements « ne permet donc pas d'accabler ni les autorités, ni les unités de secours et de lutte contre l'incendie pour n'avoir pas réussi, jusqu'au bout, à contenir ce feu ».

* 40 Articles L. 411 et suivants du code forestier.

* 41 Ces crédits correspondent à des réductions d'annulations d'autorisations de programme sur les chapitres61-45 « Fonds forestier national et autres opérations forestières » (à hauteur de 2 millions d'euros) et 51-92 « Espace rural et forêts : travaux et acquisitions » du budget du ministère de l'agriculture et à une majoration de 1.260 000 euros environ des autorisations de programme du chapitre 51-2 « Espace rural et forêts : travaux et acquisitions » du même budget.

* 42 Article L. 322-5 du code pénal.

* 43 Article L. 322-8 du code pénal.

* 44 Article L. 322-9 du code pénal.

* 45 Article L. 322-10 du code pénal.

* 46 31 millions d'euros ont été prévus à ce titre en loi de finances rectificative pour 2003.

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