B. LA MÉTHODE

Le groupe de travail a défini huit principes devant guider la construction des dispositifs de péréquation :

- respecter l'autonomie fiscale ;

- procéder en deux temps : regrouper les dotations de l'Etat avant d'arrêter les critères qui président à leur répartition ;

- mettre en oeuvre des moyens suffisants ;

- raisonner dans le cadre du «contrat de croissance et de solidarité » (progression de l'enveloppe normée égale à : inflation + ½ PIB) ;

- mettre en oeuvre la péréquation de façon progressive ;

- tenir compte de la nouvelle étape de décentralisation proposée par le gouvernement ;

- mettre en place des instruments de péréquation reflétant la réalité des recettes et des charges entre départements ;

- agir rapidement.

1. Le respect de l'autonomie fiscale

Aux termes de l'avant-projet de loi organique, l'autonomie fiscale sera mesurée par un ratio « recettes fiscales et autres ressources propres » / « ensemble des ressources ». Ce ratio ne devra pas descendre sous le niveau atteint en 2003.

Il sera apprécié par « catégorie de collectivités ». Ceci signifie que l'autonomie fiscale de certaines collectivités prises individuellement pourra baisser, pourvu que la moyenne du ratio ne se dégrade pas.

Mais pour le groupe de travail, la mise en oeuvre de la péréquation ne doit pas se traduire par la dégradation de l'autonomie individuelle de certains départements . Il estime que, pour surmonter la contradiction entre péréquation et autonomie, il convient de recourir à la péréquation verticale plutôt qu'à la péréquation horizontale 2 ( * ) , c'est-à-dire à une péréquation s'effectuant par l'intermédiaire des dotations de l'Etat plutôt que par des transferts de ressources entre départements. L'instrument privilégié de cette redistribution verticale serait la dotation globale de fonctionnement (DGF).

2. Une démarche en deux temps

Avant de déterminer les critères de répartition des sommes dévolues à la péréquation entre collectivités, l'intention du gouvernement inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004- est de restructurer les enveloppes des concours de l'Etat pour séparer celles qui ont un caractère forfaitaire de celles qui auront un objectif de péréquation.

Le groupe de travail valide cette méthode , qui a déjà été utilisée par le passé et qui consiste, dans un premier temps, à regrouper en deux enveloppes les dotations qui se sont superposées en couches successives au gré des réformes, et dont la diversité des modes de calcul a rendu l'ensemble très complexe et quasiment ingérable.

L'architecture de la DGF des départements comprendrait :

une dotation de base regroupant les actuelles dotation forfaitaire, dotation « impôts ménages », dotation « contingents communaux d'aide sociale », compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, 95 % de la dotation générale de décentralisation 3 ( * ) ;

une dotation de péréquation regroupant les actuelles dotations « potentiel fiscal » et dotation de fonctionnement minimale, cette dernière subsistant en tant que composante spécifique.

Dans un deuxième temps, au cours de l'année 2004, une réflexion s'engagera en vue d'aboutir à de nouveaux critères de répartition de la dotation de péréquation, à mettre en oeuvre en 2005.

3. Définir une enveloppe suffisante

Il est nécessaire que l'enveloppe dévolue à la péréquation soit d'un volume tel qu'il permette d'égaliser le niveau de prestations obligatoires par habitant de chaque département .

La nouvelle enveloppe de DGF « péréquation » envisagée par le gouvernement représente 26,55 % de la DGF actuelle, soit 750 millions d'euros environ.

En outre, et dès 2004, l'augmentation de la masse de la DGF, notamment par l'intégration de la compensation de la part « salaires » de la taxe professionnelle permettra de dégager des moyens nouveaux, puisqu' une partie de la progression de l'ensemble de l'enveloppe sera affectée à la péréquation.

Le chiffrage des besoins estimé par le groupe de travail permet de considérer l'ordre de grandeur de l'enveloppe ainsi constituée comme suffisant pour réaliser la péréquation recherchée 4 ( * ) . Il conviendra bien entendu de s'en assurer à nouveau le moment venu.

4. Raisonner dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité

Le groupe de travail a voulu tenir compte de la situation des finances publiques de notre pays. Il souhaite donc que la nouvelle péréquation n'entraîne pas de majoration globale des charges de l'Etat. Il ne propose qu'une nouvelle distribution des enveloppes actuelles.

Ceci signifie qu'il faudra donner relativement moins à certains et davantage à d'autres. Toutefois, même si les écarts de dotation par habitant entre les départements devront évoluer, la dotation globale ne devra diminuer pour aucun département .

Aussi sera-t-il nécessaire que l'enveloppe de DGF des départements continue de progresser d'année en année, selon un indice conforme au « contrat de croissance et de solidarité ».

5. Une mise en oeuvre progressive

Le groupe de travail ne demande pas « un grand soir de la péréquation ».

Il propose d'affecter à la péréquation une partie substantielle de l'augmentation annuelle des dotations de l'Etat de façon à parvenir en quelques années à la correction recherchée. L'étude réalisée par le groupe de travail montre que c'est possible, dans un délai raisonnable, sans pour autant léser les départements aujourd'hui les mieux placés 5 ( * ) .

Ainsi, par exemple, pour permettre à tous les départements d'atteindre au moins la valeur médiane de l'indice synthétique, soit des recettes supérieures de 32 € par habitant à leurs charges, il est nécessaire de dégager une enveloppe de 659 millions d'euros. A supposer que l'on affecte 20 % d'une augmentation prudente de la DGF annuelle (de 2,25 % par an en valeur) à la péréquation, ce chiffre peut être atteint en 10 ans environ. Si 50 % sont affectés à la péréquation, 5 ans suffiront.

Le niveau et le rythme de la correction pourront faire l'objet d'un débat, mais le groupe de travail peut d'ores et déjà affirmer que, toutes choses égales par ailleurs, une correction efficace est possible dans un délai raisonnable.

Une première étape en ce sens, pourra être assez vite réalisée, grâce à l'intégration dans la DGF de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle dont une partie de la progression se trouvera affectée à la péréquation.

Au delà, il sera donc nécessaire de définir un calendrier .

6. Une vision prospective

Le groupe de travail estime d'autant plus justifiée la démarche en deux temps du gouvernement qu'il lui paraît plus nécessaire de tenir compte des transferts de compétences et de ressources prévus en 2004 et en 2005. Il y a toute raison de penser que ces nouveautés se traduiront par de nouvelles inégalités.

L'enjeu est d'importance, car les compétences nouvelles représenteront environ 8,5 Mds d'euros pour les départements, dont 5 dès 2004, au titre du revenu minimum d'insertion / revenu minimum d'activité.

Ainsi que l'y invite la Constitution, le gouvernement devra transférer aux départements des sommes permettant de couvrir les charges réelles que l'Etat assume sur le territoire de chacun d'eux au titre des compétences transférées. Le gouvernement prévoit que la compensation se fera par des ressources fiscales (la taxe intérieure sur les produits pétroliers, une partie de la taxe sur les conventions d'assurance et, à terme, tout ou partie de la fiscalité directe régionale).

Mais on se rendra naturellement assez vite compte que ces transferts seront à l'origine de nouvelles inégalités :

une même recette fiscale est inégalement dynamique selon le territoire sur lequel elle est prélevée ;

on observera aussi que l'Etat n'a pas traité de façon parfaitement égale tous les départements dans l'exercice des attributions qui sont actuellement les siennes.

Par conséquent, avant de définir les critères de répartition de l'enveloppe de péréquation, il sera indispensable de mesurer ces inégalités .

Cette mesure devra être globale : il conviendra d'éviter les mécanismes partiels de péréquation, attachés à une compétence ou à une ressource, qui compliquent le système et empêchent d'en vérifier l'efficacité.

7. La mise en place d'instruments reflétant la réalité des écarts de ressources et de charges

Les travaux du groupe de travail ont montré que les instruments actuels de péréquation n'atteignaient pas leurs objectifs parce que les écarts de ressources et de charges entre les départements n'ont pas été évalués de façon adéquate.

Les critères utilisés sont souvent trop grossiers, ou bien, tout en cherchant à refléter la situation socio-économique d'un territoire, sont dépourvus de lien avec les recettes et les dépenses des conseils généraux. En outre, les dotations accordées ne sont pas toujours proportionnées aux inégalités à corriger.

Les critères d'attribution doivent donc refléter la réalité du terrain, c'est-à-dire les niveaux de ressources et de charges des départements.

8. La diligence dans l'action

Les réformes menées dans le plus grand désordre sous la précédente législature ont mis les départements les plus pauvres en grave difficulté. Leur situation est critique.

S'il faut prendre le temps nécessaire pour reconstruire des instruments de péréquation adaptés aux écarts à corriger, et pour tenir compte des réformes en cours, il est néanmoins urgent d'agir .

* 2 Le problème est posé en des termes différents pour les communes. Dans le cas de ces dernières, les inégalités de richesse sont tellement gigantesques qu'il est techniquement impossible de ne pas recourir à une péréquation horizontale.

* 3 Selon le groupe de travail, il conviendrait de laisser de côté la dotation CCAS et la partie de DGD correspondant aux compétences transférées, qui n'obéissent pas à la logique de substitut à la fiscalité qu'est la DGF.

* 4 Voir infra III, tableau relatif aux « enveloppes nouvelles à répartir ».

* 5 Voir infra III, tableau relatif aux marges de manoeuvre nécessaires pour subvenir aux besoins de la péréquation.

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