Rapport d'information n° 15 (2002-2003) de M. Jean-Paul AMOUDRY , fait au nom de la mission commune sur la politique de la montagne, déposé le 9 octobre 2002

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N° 15

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission commune d'information (1) chargée de dresser un bilan de la politique de la montagne et en particulier de l 'application de la loi du 9 janvier 1985 , de son avenir , et de ses nécessaires adaptations ,

Par M. Jean-Paul AMOUDRY,

Sénateur.

TOME I : RAPPORT

(1) Cette mission commune d'information est composée de : M. Jacques Blanc, président ; M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur ; MM. Auguste Cazalet, Jean-Pierre Vial, Michel Moreigne, Mme Josette Durrieu, M. Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Bailly, Jean-Paul Émin, François Fortassin, Mme Josiane Mathon, M. André Rouvière, secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Jean-Pierre Bel, Roger Besse, Jean Boyer, André Ferrand, Charles Ginésy, Georges Gruillot, Pierre Jarlier, Philippe Leroy, Paul Loridant, Jean-Pierre Masseret, Paul Natali, Roger Rinchet, Bernard Saugey, Daniel Soulage.

Aménagement du territoire.

PROPOSITIONS DE LA MISSION COMMUNE D'INFORMATION

PROMOUVOIR UNE DÉMARCHE CONCERTÉE POUR LA PROTECTION DU PATRIMOINE NATUREL

Proposition n° 1 : Déléguer par voie de convention la gestion des parcs nationaux aux collectivités territoriales.

Proposition n° 2 : Veiller, en cas de chevauchement de territoires, à ce que la politique du pays respecte les orientations de protection et de développement du parc naturel régional.

ENCOURAGER UNE GESTION INTÉGRÉE DES HAUTS BASSINS VERSANTS

Proposition n° 3 : Déconcentrer la procédure d'élaboration d'un contrat de rivière, au niveau du préfet coordonnateur de bassin.

Proposition n° 4 : Elaborer des schémas d'aménagement par bassin versant, dans la concertation, le consensus et la co-responsabilité pour fixer les objectifs à atteindre à moyen terme.

Proposition n° 5 : Etablir pour chaque bassin versant un système intégré d'observation et de monitoring fiable et représentatif et constituer des bases de données.

RELANCER UNE POLITIQUE FORESTIÈRE VALORISANTE

Proposition n° 6 : Appliquer l'article 32 de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt reconnaissant en zone de montagne à une association foncière forestière un droit de délaissement sur des parcelles dont les propriétaires n'ont pu être identifiés.

Proposition n° 7 : Instaurer un droit de préemption au profit des communes, au moment de la mise en vente de parcelles forestières ayant vocation de forêt et de protection d'intérêt général.

Proposition n° 8 : Conforter les financements de l'ADEME en faveur de projets soutenant le bois-énergie.

Proposition n° 9 : Soutenir financièrement les actions menées par l'OEFM en faveur des forêts de montagne.

RENFORCER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Proposition n° 10 : S'engager sur une hausse raisonnable des crédits d'entretien et d'investissements RTM.

Proposition n° 11 : Préciser les participations financières des différents services de l'Etat aux missions remplies pour leur compte par les services RTM.

Proposition n° 12 : Prendre en compte le « surcoût montagne » dans l'élaboration des PPR.

Proposition n° 13 : Instaurer une commission de concertation consultée lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, dans laquelle siègent des représentants des communes.

Proposition n° 14 : Définir un périmètre pertinent pour l'élaboration d'un PPR.

SOUTENIR UNE AGRICULTURE DE QUALITÉ ET COMPENSER LES SERVICES A L'ENVIRONNEMENT

Proposition n° 15 : Sans bouleverser les modalités de calcul et d'attribution de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) retenues dans notre pays, renforcer la souplesse du dispositif et notamment permettre l'augmentation des primes versées aux 25 premiers hectares afin de favoriser les petites exploitations.

Proposition n° 16 : Conformément à une logique de projet et d'entreprise agricole, mettre l'accent sur les aides à l'installation des jeunes agriculteurs sous forme de prêts à taux réduits, en complément des dotations actuelles dont le montant est nécessairement limité.

Proposition n° 17 : Revaloriser les aides à l'investissement de l'agriculture de montagne qui sont la clef de son avenir et de sa création de valeur ajoutée, et réviser régulièrement les plafonds des aides, afin d'éviter un alourdissement excessif du poids des investissements sur les agriculteurs.

Proposition n° 18 : Soutenir la mise aux normes des exploitations de montagne qui ne bénéficient pas du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) afin de ne pas entraver leur nécessaire modernisation et leur éligibilité aux aides européennes.

Proposition n° 19 : Veiller à l'efficacité de la mise en oeuvre de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.) et, s'agissant de son montant, à la réduction de l'écart entre les subventions aux différentes formes d'alimentation du bétail.

Proposition n° 20 : Poursuivre la réduction du différentiel d'aide constaté entre l'hectare agricole montagnard et l'hectare agricole en zone de plaine.

Proposition n° 21 : Lever les obstacles de la réglementation européenne au développement de l'agriculture biologique en montagne.

Proposition n° 22 : Soutenir prioritairement les initiatives de structuration de filières de production et de transformation qui sont la clef d'une meilleure répartition de la valeur ajoutée des produits de montagne.

Proposition n° 23 : Maintenir le principe de l'introduction en agriculture d'une logique de projet d'entreprise et d'innovation, au moyen du contrat territorial d'exploitation (CTE), auquel souscrivent les exploitants de montagne ; tout en réduisant les lourdeurs administratives du dispositif initial.

Proposition n° 24 : Déplafonner en zone de montagne le volet économique des CTE pour prendre en compte le surcoût des investissements.

Proposition n° 25 : Etudier la mise en place d'une « dotation sylvo-pastorale » comprise ou non dans les mécanismes actuels de dotation globale de fonctionnement et de dotation de solidarité rurale attribuées aux collectivités locales.

Proposition n° 26 : Approfondir les notions de droits d'utilisation des surfaces collectives et définir un cadre national « CTE estives » pour les groupements pastoraux et les associations foncières pastorales exploitant elles-mêmes.

Proposition n° 27 : Elaborer un statut spécifique des surfaces à usage pastoral permettant d'élargir la vocation de ces espaces naturels au multi-usage .

Proposition n° 28 : Approfondir la réflexion sur les signes de qualité ou les mentions valorisantes susceptibles de mieux promouvoir l'identification des productions à base d'herbe.

Proposition n° 29 : Mettre fin à l'introduction des grands prédateurs incompatibles avec l'activité pastorale.

Proposition n° 30 : Préserver les quotas laitiers et augmenter les droits à produire en zone de montagne en prévoyant une affectation prioritaire à l'installation des jeunes agriculteurs.

ENCOURAGER LE TOURISME DE MONTAGNE

Proposition n° 31 : Intensifier l'action collective en faveur des jeunes et relancer, en particulier, les classes de neige.

Proposition n° 32 : Promouvoir une image plus douce et plus accessible du tourisme de montagne qui ne se limite pas à l'élite sportive ou aux cascadeurs.

Proposition n° 33 : Développer les prestations annexes aux sports d'hiver et les produits culturels y compris les visites de sites industriels pour mieux valoriser le tourisme de découverte en Montagne.

Proposition n° 34 : Sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel existant en moyenne montagne.

Proposition n° 35 : Développer l'agrotourisme à proximité des sites à fort potentiel touristique.

Proposition n° 36 : Renforcer l'accessibilité des stations et la qualité de l'interconnexion des infrastructures de transports dans les zones de montagne.

Proposition n° 37 : Exploiter les potentiels touristiques tout au long de l'année pour réduire le coût des séjours ; poursuivre l'étalement des vacances par un aménagement du calendrier scolaire au niveau européen.

Proposition n° 38 : Rendre plus attractifs les métiers du tourisme et améliorer les conditions de vie et de logement des personnels en zone de montagne par une meilleure affectation du prélèvement au titre du 1% logement.

Proposition n° 39 : Elaborer un plan de sauvetage des petites stations de ski associant l'Etat, les régions, les départements et les communes et les établissement publics de coopération intercommunale.

Proposition n° 40 : Stabiliser les exigences réglementaires d'encadrement des activités récréatives et adapter le dispositif relatif aux refuges de montagne.

CONFORTER LES SOUTIENS À L'ARTISANAT, L'INDUSTRIE ET LE COMMERCE

Proposition n° 41 : Fidéliser le personnel en s'inspirant des expériences réussies de recours au travail à temps partiel annualisé.

Proposition n° 42 : Créer des zones franches montagnardes répondant à des critères précis sur le modèle des zones franches urbaines.

Proposition n° 43 : Soutenir les progrès du thermalisme en montagne en prenant en compte toutes ses composantes, y compris la stabilité du régime de remboursement des cures thermales.

Proposition n° 44 : Prendre en compte, dans les décisions d'implantation d'établissements sanitaires et sociaux, la vocation particulière de la montagne dans ce domaine et accentuer la démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la mise en réseau des différents acteurs.

SORTIR DE L'IMPASSE DE LA PLURIACTIVITÉ

Proposition n° 45 : Mettre en place un « numéro vert » de renseignements et un site internet consacrés aux pluriactifs.

Coordonner étroitement ce dispositif tourné vers l'usager avec une cellule interministérielle ayant vocation à analyser tous les aspects économiques, sociaux, fiscaux et éducatifs de la pluriactivité ainsi qu'à proposer les évolutions nécessaires.

Proposition n° 46 : Clarifier l'enjeu financier que représentent les pluriactifs pour les diverses caisses de protection sociale.

Proposition n° 47 : Prolonger, à titre transitoire, les possibilités de multiaffiliation offertes aux pluriactifs ayant une activité agricole.

Proposition n° 48 : Combattre une entrave majeure à la pluriactivité et à la « micro-activité » en réformant la cotisation maladie forfaitaire sur la base du principe de proportionnalité.

Proposition n° 49 : Simplifier l'exercice ponctuel d'activités indépendantes en s'inspirant du « chèque emploi service ».

Proposition n° 50 : Favoriser le développement des groupements d'employeurs en diffusant une information adaptée et en facilitant l'adhésion des collectivités locales et des personnes morales de droit public.

Proposition n° 51 : Assouplir, en faveur des pluriactifs et des saisonniers,  les conditions d'accès à la formation initiale et continue.

STRUCTURER L'AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES

Proposition n° 52 : Améliorer le cadre de la coopération locale en matière de services publics, en particulier en zone de montagne, ce qui pourrait notamment passer par :

- au niveau national, l'adoption de dispositions législatives et/ou la conclusion d'un accord-cadre (fixant notamment les modalités de participation des collectivités locales au financement du maintien des services publics concernés, ainsi que la manière dont l'Etat assurerait ce financement dans le cas des communes disposant d'un « projet de territoire ») ;

- dans le cas de La Poste, l'inclusion dans le prochain contrat de Plan Etat-La Poste des obligations en matière de maintien des bureaux de poste en zone de montagne, la mise en oeuvre des propositions des rapports Larcher de 1997 et 1999 et la réalisation d'expérimentations en zone de montagne.

Proposition n° 53 : Renforcer les moyens de la politique de développement des services de proximité en zone de montagne, et rendre cette politique plus favorable aux zones peu densément peuplées ainsi qu'au petit commerce traditionnel.

Proposition n° 54 : Réaliser rapidement la liaison Perpignan-Figueras.

Proposition n° 55 : Réaliser rapidement le TGV Lyon-Turin.

Proposition n° 56 : Imposer, par des dispositions législatives, le développement de l'itinérance, en particulier en zone de montagne.

Proposition n° 57 : Faciliter l'intervention des collectivités locales dans le domaine des télécommunications, en leur permettant de subventionner des opérateurs ou de jouer un rôle d'opérateur.

Proposition n° 58 : Expérimenter à grande échelle diverses solutions techniques (radio, satellitaire...) afin de favoriser la démocratisation de l'accès au haut débit en zone de montagne.

ADAPTER LES CONTRAINTES EN MATIÈRE D'URBANISME

Proposition n° 59 : Préciser par voie de circulaire certaines notions utilisées par la loi « montagne » (continuité ; adaptation, réfection et extension limitée des constructions existantes ; terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ; patrimoine naturel et culturel montagnard ; chalet d'alpage).

Proposition n° 60 : Harmoniser par circulaire les modalités de retrait des certificats d'urbanisme par l'administration.

Proposition n° 61 : Supprimer la référence à la notion de hameau, ou faire préciser cette notion par les prescriptions particulières de massif.

Proposition n° 62 : Permettre la réalisation de travaux sur des chalets d'alpage, même en l'absence de raccordement à la voirie ou aux réseaux d'eau et d'électricité, moyennant l'instauration d'une servitude administrative, publiée aux hypothèques, interdisant l'utilisation du chalet l'hiver.

Proposition n° 63 : Dans les communes dépourvues de document d'urbanisme, autoriser la mise en place du permis de démolir par une délibération du conseil municipal.

Proposition n° 64 : Dans le cas des lacs de montagne, prévoir que les documents d'urbanisme peuvent, après réalisation d'une étude paysagère (soumise à enquête publique), pour la portion de la rive les concernant, déterminer la zone dans laquelle l'urbanisation est interdite, en respectant la contrainte d'une distance moyenne de la rive de 100 ou 300 mètres (selon que le lac concerné est soumis à la loi « montagne » ou à la loi « littoral »).

Proposition n° 65 : Prévoir que dans les communes de montagne où la pression urbanistique est faible (cette pression pouvant être évaluée par référence à des critères relatifs à la démographie et aux constructions de résidences secondaires), le conseil municipal et le préfet peuvent autoriser des constructions ou installations en-dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

Proposition n° 66 : Modifier le régime des remontées mécaniques sur les points suivants :

- remplacer la référence actuelle à un seuil financier, pour le déclenchement de la procédure UTN, par un seuil relatif aux nombres de skieurs concernés ;

- alléger le contenu des dossiers destinés à la demande d'autorisation et de construction ;

- préciser que les règles figurant dans la loi « montagne » concernent les seules remontées mécaniques dédiées au ski ou à des loisirs assimilés.

Proposition n° 67 : Préciser dans la loi quels équipements sont considérés comme UTN.

Proposition n° 68 : Adopter une disposition selon laquelle un SCOT peut prévoir une « enveloppe » de petites UTN.

Proposition n° 69 : Alléger la procédure UTN pour les petites opérations, les situations d'urgence, le remplacement d'installations de remontées mécaniques et, sous certaines conditions, les petites communes.

Proposition n° 70 : Mieux intégrer les commissions UTN aux comités de massif, et rendre obligatoire l'élaboration par chaque commission de règles générales destinées à guider son action.

Proposition n° 71 : Etudier l'éventualité d'une expérimentation en matière d'UTN.

Proposition n° 72 : Renforcer le rôle du service d'études et d'aménagement touristique en montagne (SEATM), afin de lui permettre d'apporter aux massifs une véritable assistance technique.

Proposition n° 73 : Confier aux comités de massif (dotés d'une commission d'urbanisme) l'élaboration des prescriptions particulières de massif, cette procédure étant mise en oeuvre dans le cadre de la future politique d'expérimentation en matière de compétence des collectivités locales.

Proposition n° 74 : Permettre aux prescriptions de massif, ou à défaut à certains documents d'urbanisme (SCOT et PLU), après réalisation d'une étude paysagère et avis conforme du préfet, d'adapter les règles d'urbanisme dans certains domaines (définition du hameau, travaux effectués sur les chalets d'alpage, urbanisation par rapport à la rive des lacs...).

RENFORCER LES MOYENS D'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Proposition n° 75 : Instaurer une dotation de fonctionnement minimale en faveur des petites communes de montagne.

Proposition n° 76 : Permettre aux collectivités locales de montagne de voir leurs contraintes spécifiques prises en compte dans la détermination du montant des dotations de l'Etat dont elles bénéficient, par un recours accru au critère de potentiel fiscal superficiaire, ou par l'instauration de critères environnementaux (surface toujours en herbe, superficie occupée par la forêt, importance du pastoralisme...), tout en prenant en compte les « externalités positives » pour les communes voisines (inverse du nombre de résidences secondaires ou de logements touristiques).

Proposition n° 77 : Renforcer l'aide de l'Etat aux collectivités locales de montagne en matière de collecte et de traitement des déchets.

Proposition n° 78 : Reprendre les règles de la circulaire de 1978 relatives au zonage du territoire dans une ou plusieurs normes juridiques opposables aux tiers (loi ou décret).

Proposition n° 79 : En ce qui concerne la viabilité hivernale :

- ne pas aller, en matière de temps de repos, au-delà de ce qu'exige l'application de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 ;

- compenser le désengagement de l'Etat observé dans certains départements par une augmentation équivalente des dotations aux collectivités concernées.

Proposition n° 80 : Préciser, par voie de circulaire, l'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des immobilisations mises à la disposition de tiers, en particulier :

- dans le cas des télécommunications ;

- dans celui des chalets d'alpage et d'estives utilisés pour la production fromagère (appliquer le droit actuel, qui prévoit que les investissements concernés sont éligibles au FCTVA).

Proposition n° 81 : Prévoir l'instauration d'une servitude en cas d'installation de réseaux destinés à permettre la production de neige de culture.

Proposition n° 82 : Conforter les moyens techniques des collectivités locales et des opérateurs privés, par le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

Proposition n° 83 : Supprimer, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans, afin que le droit commun, défini par la loi « Sapin », s'applique (possibilité de prolonger une délégation de service public afin de permettre l'amortissement d'investissements matériels nécessaires et non prévus au contrat initial).

Proposition n° 84 : Adapter le régime des sections communales, afin notamment de favoriser leur « communalisation ».

Proposition n° 85 : Modifier l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre aux communes d'instituer une participation pour une extension de réseau, même non accompagnée de la création d'une voie ou d'une extension d'une voie existante.

Proposition n° 86 : Adapter le régime de l'énergie réservée à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité.

AFFIRMER L'IMPORTANCE DES MASSIFS EN TERMES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Proposition n° 87 :

- Etudier la possibilité d'une révision de la carte PAT, afin de mieux prendre en compte les zones de montagne ;

- A défaut, instaurer, en faveur des zones de revitalisation rurale ne bénéficiant pas de la PAT, un régime particulier destiné à leur assurer un niveau d'aide analogue à celui de la PAT.

Proposition n° 88 : Envisager le regroupement dans un fonds spécialisé de l'ensemble des crédits du FNADT en faveur des massifs.

Proposition n° 89 : Améliorer la coordination des CPER et des conventions interrégionales de massif.

Proposition n° 90 : Etudier la possibilité de régionaliser, à titre expérimental, les crédits communautaires utilisés en faveur de la montagne.

Proposition n° 91 : Créer de véritables « zones franches de montagne », en s'inspirant éventuellement de la « zone franche de Corse », pour les zones de montagne souffrant des plus graves handicaps.

Proposition n° 92 : Etudier l'opportunité de rattacher le Morvan au Massif central.

Proposition n° 93 : Instaurer une présidence du comité de massif par le seul président de la commission permanente.

Proposition n° 94 : Améliorer la composition et le mode de fonctionnement des comités de massif, et leur donner davantage de moyens humains et financiers.

Proposition n° 95 : Afin de réconcilier les régions et les comités de massif, faire de ces derniers des instances décentralisées de réflexion, de proposition et de coordination entre régions se partageant un même massif.

Proposition n° 96 : Transformer les comités de massif en syndicats mixtes ouverts.

Proposition n° 97 : Déconcentrer davantage les pouvoirs de l'administration au niveau des commissariats de massif, notamment en matière de gestion des crédits, et accroître les moyens (en particulier humains) des commissariats de massif.

Proposition n° 98 : Obtenir la reconnaissance du handicap de la montagne au niveau communautaire.

AVANT-PROPOS

En décrétant cette année 2002, « Année des Montagnes du Monde », l'Assemblée générale des Nations Unies a utilement pointé le caractère d'extrême diversité des terres d'altitude, au moment où les pratiques simplificatrices de la communication contemporaine soumettent la montagne à quelques clichés réducteurs, à l'usage de nos sociétés urbaines : « espace de détente et loisirs », « poumon de verdure et d'oxygène », « cimes enneigées équipées pour les sports d'hiver... ».

En effet, la réalité est tout autre, et la montagne est faite de diversité, presqu'à l'infini :

- diversité des montagnes du monde, que la consistance géologique, comme les latitudes, les climats, et les hommes qui les habitent rendent si différentes.

- diversité des montagnes de France : « humides » au Nord, « sèches » au Sud ; ici, siège d'une monoactivité agricole, là riche d'une pluriactivité agro-industrielle ou agro-touristique ; montagnes encore et toujours frappées par l'exode quand d'autres sont soumises aux flux importants des populations saisonnières ou des véhicules en transit ; haut-plateaux herbageux si différents des aiguilles surplombant névés et glaciers ; montagnes métropolitaines, ou massifs insulaires de la Méditerranée, de l'Océan Indien ou de la Mer des Caraïbes.

Et pourtant, malgré cette extraordinaire et si riche diversité, les montagnes de France, qui couvrent 28 % de son territoire, où vit 13,5 % de la population nationale, offrent de très nombreux points communs, qui sont autant de questions posées aux responsables politiques.

*

* *

* Une agriculture, activité traditionnelle, dont le niveau de soutien public est inférieur à celui de la moyenne nationale, réalité en totale contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap montagne » affirmés depuis plusieurs décennies par la législation française ;

* Une industrie, souvent fortement enracinée, qui revendique de continuer à vivre dans une montagne incapable de lever, seule, les handicaps de l'enclavement, et qui ressent un fort déficit de solidarité nationale sur cette question essentielle ;

* Un tourisme, dont l'essor est freiné par une absence de politiques fiscales et sociales adaptées à la saisonnalité, et par le manque récurrent de réponse au besoin de créer un véritable régime de la pluriactivité ;

* La quasi inexistence de politiques nationales et européennes pour régler la question de la traversée des massifs frontaliers ou proches des pays voisins : l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne ; cette situation infligeant aux populations sédentaires les nuisances causées par une forte croissance du trafic routier et ne laissant entrevoir à échéance raisonnable aucune perspective de solutions alternatives susceptibles d'apaiser les tensions locales ;

* Des initiatives environnementalistes, telles la réintégration de grands prédateurs, prises sans concertation avec les responsables locaux et au mépris des activités ancestrales, comme le pastoralisme, avivent le sentiment que les « grandes » décisions concernant la montagne relèvent d'un processus centralisé, voire « colonial » ;

* La lente, mais apparemment inéluctable disparition de services : publics, médicaux, et privés, disparition qui dans beaucoup de massifs entraîne puis accroît la dévitalisation démographique.

*

* *

Telles sont, sans forcer le trait, quelques manifestations du sentiment très largement ressenti et exprimé par les habitants des montagnes, en charge de responsabilités socioprofessionnelles, électives, et même associatives.

Cette réalité ne devrait pas manquer de surprendre et d'interroger tous ceux qui, avec les Parlementaires ayant voté à l'unanimité la loi dite « montagne » du 9 janvier 1985, avaient mis tant d'espoirs dans cette loi d'auto-développement, de compensation des handicaps, d'équilibre entre développement et protection de la nature, en un mot, dans cette loi d'authentique décentralisation.

La déception aujourd'hui est à la mesure de l'oubli dans lequel est tombée cette loi, s'agissant de la plupart de ses dispositions, à l'exception de l'une d'entre elles, mais de taille celle-là : l'urbanisme.

En effet, la référence à la loi « montagne » est quotidiennement faite pour justifier l'application stricte par l'Etat, de quelques principes organisant l'inconstructibilité des terres de montagne (avec au besoin, l'aide en renfort du tribunal administratif), si bien que cette loi est devenue la pomme de discorde permanente entre tant d'élus locaux et de représentants de l'Etat, Préfets et DDE.

Devenue le chiffon rouge des collectivités territoriales, propriétaires et autres acteurs de l'aménagement, la loi « montagne » n'a pu, dans le même temps, faire reconnaître les mérites et atouts que le législateur avait placés en elle : parce que tant de décrets d'application ne sont jamais parus ; parce qu'en peu de temps, le Fonds interministériel d'aménagement de la montagne (FIAM) a fondu comme neige au soleil ; parce que le louable principe de maîtrise par les collectivités territoriales de leur développement est contrecarré par l'application du droit de la concurrence aux délégations des services publics de transports par remontées mécaniques ; parce que l'équilibre voulu entre les objectifs de développement et de protection de la nature a été rompu au profit du second ; parce que les comités de massifs ont échoué sur les récifs du centralisme renaissant et du découpage régional.

*

* *

Ce rapide état des lieux, qui explique pourquoi, ainsi qu'on l'a dit, la loi « montagne » est tombée dans l'oubli, traduit aussi une crise, dont il n'est pas exagéré de dire qu'elle est profonde, et que, pour concerner la montagne, elle n'en constitue pas moins une question prioritaire à l'échelle du territoire national dans son ensemble. Autrement dit, si les montagnards sont intéressés au premier chef par l'avenir de la montagne, ce défi concerne aussi, à l'évidence, la société française tout entière.

Ce défi doit également intégrer l'évolution annoncée des politiques communautaires. Les inflexions ou les réaménagements en profondeur de la politique des fonds structurels ou de la politique agricole commune auront des répercussions significatives sur l'aménagement et le développement des zones de montagne. L'avenir des territoires de montagne en Europe passe par la reconnaissance, au niveau communautaire, de leurs spécificités et la définition d'une politique transversale adaptée.

C'est pourquoi, conformément à sa vocation constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales de la République, le Sénat a jugé nécessaire de provoquer réflexions et débats sur la situation de la montagne française.

A cet effet, la Haute Assemblée a institué en février 2002 une mission commune d'information, composée de sénateurs issus de tous les massifs montagneux, et représentants des différentes sensibilités politiques.

La mission s'est mise au travail, sans retard, afin de déposer ses conclusions avant la fin de cette année internationale des montagnes.

D'avril à septembre, elle a conduit au Sénat près de 50 auditions au cours desquelles elle a entendu quelque 80 spécialistes et acteurs de la vie en montagne.

Elle s'est également appuyée sur les travaux très complets de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne 1 ( * )

Elle a, en outre, visité les massifs de la France métropolitaine. Au cours de ces déplacements, environ 40 auditions ont été menées, réunissant au total quelque 400 élus locaux, professionnels, responsables des services publics et milieux associatifs. Elle a naturellement bénéficié, avec notre collègue Pierre Jarlier, secrétaire général de l'Association des élus de la montagne, d'un relais privilégié pour connaître la position des élus locaux.

Regrettant que les délais impartis ne lui aient pas laissé le temps de se rendre en Corse et dans les DOM, la mission a néanmoins longuement auditionné à Paris, les représentants des montagnes françaises insulaires.

Enfin, elle s'est rendue à Bruxelles pour échanger avec les responsables des cinq directions concernées par les « politiques-montagne ».

La mission remercie l'ensemble des personnes qui ont bien voulu apporter leurs contributions et permis ainsi de nourrir de façon très « vivante » l'information sur les réalités actuelles de la montagne et l'analyse entreprise par le présent rapport.

INTRODUCTION : DIVERSITÉ ET SPÉCIFICITÉS
DES ZONES DE MONTAGNE

La situation économique des zones de montagne présente une forte hétérogénéité.

Avant de décrire cette hétérogénéité, il convient de souligner que cette situation économique est également mal connue.

Ainsi que l'a affirmé M. François Philizot, directeur adjoint au délégué de la DATAR, lors de son audition par la mission commune d'information : « Il n'existe pas aujourd'hui d'approche statistique coordonnée, cohérente sur les espaces de montagne. Il y a certes une géographie des zones de montagne, mais notre appareil statistique ne contient aujourd'hui aucun regroupement systématique sur la montagne. L'INSEE ne sort notamment aucune statistique identifiée autour de l'idée de montagne : ses statistiques respectent le découpage traditionnel des départements, des régions, par zones d'emploi ».

La dernière étude réalisée sur le sujet, le rapport du Commissariat général du Plan et du Conseil national de l'évaluation sur la politique de la montagne 2 ( * ) , date de 1999, et ses données les plus récentes concernent l'année 1996.

Les chiffres indiqués dans les développements qui suivent proviennent de cette étude (les principaux d'entre eux sont synthétisés dans le tableau ci-après), mais les analyses sont celles de votre mission d'information.

Zone montagne

Espace de référence

Total France

Alpes du Nord

Alpes du Sud

Corse

Jura

Massif central

Pyrénées

Vosges

Superficie (km 2 )

124.000

396.300

543.966

17.684

17.680

8.013

6.375

52.871

15.314

4.364

Dont SAU %

32,9

53,4

52,6

24,4

16,0

13,5

37,3

49,2

18,8

16,1

Dont forêt %

33,3

25,2

23,5

32,8

34,9

40,6

41,6

29

31,3

62,9

Dont alpages %

8,8

2,4

2,3

9,0

18,7

16,1

3,3

1,6

22,9

0,6

Population (1990) (milliers hab.)

4.338

22.941

56.562

959

303

112

298

1.931

331

329

Densité (hab./km 2 )

34,9

21,6

104,1

54,2

17,2

13,9

46,8

36,5

21,6

75,5

Evolution annuelle 1982/1990

+ 0,35

+ 0,65

+ 0,51

+ 1,41

+ 1,52

+ 0,52

+ 0,90

- 0,21

- 0,06

- 0,39

Dont solde migratoire

+ 0,30

+ 0,48

+ 0,10

+ 0,92

+ 1,49

+ 0,86

+ 0,38

- 0,06

+ 0,42

- 0,53

Dont solde naturel

+ 0,04

+ 0,17

+ 0,41

+ 0,52

+ 0,03

- 0,36

+ 0,53

- 0,15

- 0,48

+ 0,13

% de 20 ans

24,9

27,1

26,5

27,4

23,6

21,2

28,3

24,0

20,7

26,1

% + de 60 ans

20,0

22,0

23,6

17,5

24,8

28,1

18,6

26,1

30,7

21,8

Part en 1990 des personnes venues depuis 1982 d'un autre département (%)


13,0


15,0


16,2


15,9


20,4


19,1


14,6


10,5


15,0


7,5

Part parmi les actifs (%)

13,5

15,2

17,4

16,2

20,9

18,9

16,2

10,6

15,2

7,7

Part parmi les retraités (%)

7,3

7,5

7,7

6,8

13,2

18,3

4,4

6,2

10,2

3,8

Taux d'activité (1990) (%)

42,9

42,5

44,4

46,4

43,1

36,1

46,8

41,3

40,4

43,5

Secteur primaire (%)

9,7

11,6

5,7

4,3

8,4

12,5

6,7

13,5

13,3

3,9

Secteur secondaire (%)

33,4

34,6

30,1

35,8

22,0

21,1

49,2

32,6

26,0

48,4

Secteur tertiaire (%)

58,3

53,8

64,2

59,9

69,6

63,5

44,1

53,9

60,8

47,7

Taux de chômage 1990 (%)

9,2

10,4

10,9

6,7

9,8

14,1

5,8

10,3

12,3

9,4

Evolution actifs occupés 1982/1990 (%)

+ 2,3

+ 4,0

+ 3,1

+ 14,0

+ 10,4

+ 3,0

+ 10,1

- 4,0

- 4,1

- 2,2

Variation des emplois existant sur place 1982-1990 (%)

0

0

+ 3,1

+ 12,4

+ 6,1

- 2,1

+ 3,8

- 5,1

- 3,8

- 8,7

Evolution emplois salariés secteur privé 1989/1994

Créativité d'établissements (étab. Créés ou repris dans la période 1980/1988 p 1000 hab.)


- 1,2


nd


+ 3,1


+ 4,9


+ 6,5


nd


- 2,9


- 1,5


+ 6,2


- 0,2

8,5

6,7

7,0

13,0

11,3

11,1

7,3

6,4

9,1

6,5

Capacité d'accueil touristique (1000 lits)

4.815,7

10.415,2

19.043

1.328,1

732,9

299,3

173,0

1.354,6

739,2

188,6

Dont résidence secondaire (%)

48,9

55,4

54,0

41,8

52,9

41,0

52,0

59,4

41,7

46,2

Emplois hôtellerie + restauration (% du total en 1990)

4,6

3,0

3,4

5,9

7,3

7,2

3,9

3,2

6,4

4,0

Evolution 1989/1994 (%)

+ 17,6

+ 13,0

+ 15,1

+ 20,7

+ 10,2

nd

+ 3,8

+ 14,0

- 31,6

+ 15,2

Logements construits 1982/1990 (%)

15,8

14,2

12,8

23,5

18,9

17,9

13,9

11,4

16,6

11,1

Enclavement de 1 er niveau 1988 (par rapport à 7 services de base (km)


2,5


1,7


1,7


1,9


3,0


3,9


2,2


2,5


2,5


1,0

Evolution de l'enclavement 1980/1988 (%)

9,6

17,2

14,7

7,1

1,2

- 7,7

8,0

17,5

10,9

10,5

Enclavement de 2 e niveau 1988 (par rapport à un ensemble de services élaborés) (km)


17,9


11,9


11,8


13,5


23,2


25,9


12,0


18,3


17,5


9,1

Evolution de l'enclavement 1980/1988 (%)

- 4,9

- 3,2

- 3,9

- 5,3

- 9,7

- 5,9

- 0,5

- 3,8

- 4,0

- 1,2

Revenu imposable moyen 1990 (euros)

10565

11281

12653

12562

11159

9406

11845

9498

9665

11007

% de communes sans école primaire

9

7

6

7

10

22

13

7

19

7

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

Cadrage socio-économique et démographique des zones de montagne (zonage agricole-1996-toutes communes)

A. UNE FORTE HÉTÉROGÉNÉITÉ ENTRE MASSIFS ET AU SEIN DES MASSIFS

La forte hétérogénéité des zones de montagne se manifeste tout d'abord entre les différents massifs.

La situation économique des massifs peut être évaluée par une comparaison des revenus imposables moyens. Cet indicateur semble d'autant plus pertinent que, selon la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne : « la politique de la montagne a pour finalité de permettre aux populations locales et à leurs élus (...) d'établir (...) la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions ».

Selon le critère du revenu par habitant, il est possible d'établir la typologie suivante.

1. Deux zones bénéficiant d'atouts économiques diversifiés : les Alpes du Nord et le Jura

Tout d'abord, l'ensemble Alpes du Nord 3 ( * ) -Jura est plus développé que la moyenne des zones rurales hors montagne, avec des revenus imposables moyens de 12.500 euros et 12.000 euros respectivement en 1990 (contre 11.000 euros pour les zones rurales hors montagne).

Ce sont les massifs dont le taux de chômage est le plus faible (respectivement 6,7 % et 5,8 % en 1990, pour une moyenne de 10,4 % dans les zones rurales hors montagne).

Ils figurent également (avec les Alpes du Sud) parmi les plus dynamiques sur le plan démographique (+1,4 % et +0,9 % respectivement de 1982 à 1990).

a) Les Alpes du Nord : tourisme et villes moyennes dynamiques

L'économie des Alpes du Nord est caractérisée par la place très importante occupée par le tourisme.

Ainsi, en 1990 la restauration et l'hôtellerie employaient 5,9 % de la population active dans les Alpes du Nord (la moyenne de la zone montagne française étant de 4,6 %).

Les emplois indirects sont eux aussi importants, en particulier dans le domaine du tertiaire marchand.

Le tourisme joue également un rôle déterminant dans la nature des activités industrielles. En effet, trois départements concentrent l'essentiel de celles liées aux sports d'hiver et à l'alpinisme : la Haute-Savoie (équipements de ski, de matériel d'alpinisme et de vêtements de montagne), la Savoie (dameuses et remontées mécaniques) et l'Isère (skis et remontées mécaniques) 4 ( * ) . Il convient cependant de souligner que la part de la main-d'oeuvre employée par le secteur secondaire (35,8 % en 1990) est dans les Alpes du Nord analogue à celle observée dans l'ensemble des zones de montagne (33,4 % en 1990). Le tourisme semble donc influencer la nature de l'activité industrielle, plus que son poids en terme de main-d'oeuvre employée.

Le massif des Alpes du Nord bénéficie également d'un réseau de petites villes dans les basses vallées. Les villes sont en effet, par nature, le lieu privilégié de l'activité économique, et leur situation économique est généralement meilleure que celle des zones rurales.

b) Le Jura : une forte présence industrielle

Le tourisme joue en revanche un faible rôle dans le cas du Jura. Ainsi, la restauration et l'hôtellerie n'y employaient en 1990 que 3,9 % de la population active, ce qui en faisait, avec le Massif central, le massif où ces activités étaient les moins développées.

L'économie du Jura repose en fait sur l'activité industrielle. Il s'agit du massif le plus industrialisé : en 1990, 49,2 % de la population active était employée dans le secteur secondaire. L'industrie, diffuse, est localisée dans sa partie sud.

2. Les autres massifs connaissent des difficultés économiques

La situation des autres massifs est en revanche moins favorable que celle de la moyenne des zones rurales hors montagne.

a) Des massifs dans la moyenne des zones de montagne : Vosges, Alpes du Sud

Tout d'abord, jouxtant au nord et au sud l'ensemble Alpes du Nord-Jura, on trouve des massifs moins développés que la moyenne des zones rurales hors montagne, mais qui s'inscriront en 1996 dans la moyenne des zones de montagne : Vosges, Alpes du Sud (revenu imposable par habitant de 11.000 euros, contre une moyenne de 10.500 euros).

Ces massifs ont un taux de chômage inférieur à la moyenne des zones rurales hors montagne (respectivement 9,4 % et 9,8 % en 1990, contre 10,4 % en moyenne).

(1) Les Vosges : une région industrielle en mutation

Les Vosges sont dans leur quasi-totalité une région industrielle en mutation, utilisant une main-d'oeuvre souvent peu qualifiée. Ainsi, le secteur secondaire y employait en 1990 48,4 % de la population active, ce qui en faisait le massif le plus industrialisé après le Jura.

Ce massif est celui qui se dépeuple le plus rapidement (diminution de la population de 0,4 % de 1982 à 1990, en raison d'un solde migratoire fortement négatif).

(2) Les Alpes du Sud : un environnement d'excellence

Les Alpes du Sud sont quant à elles organisées en trois zones concentriques : la haute montagne est une zone de « grand tourisme », sa périphérie, désertifiée et enclavée, s'efforce de développer une activité analogue, et les Préalpes sont une zone rurale démographiquement attractive et comprenant 25 % d'agriculteurs (contre 11,6 % dans l'ensemble des zones de montagne).

b) Les Pyrénées : le massif le moins homogène

Les Pyrénées sont le massif le moins homogène : la haute montagne est une zone de grand tourisme, sa partie orientale bénéficie d'une activité touristique moins développée et sa partie occidentale est constituée de régions agricoles en difficulté.

Ainsi, les chiffres moyens ne reflètent que très partiellement la réalité de ce massif (revenu imposable de 10.000 euros en 1996 et taux de chômage de 12,3 % en 1990, stagnation de la population).

c) Des massifs moins favorisés que la moyenne des zones de montagne : Massif central, Corse

Les autres massifs sont moins développés que la moyenne des zones de montagne : Massif central et Corse (revenu imposable de 9.500 euros par habitant en 1990).

Ce sont ceux dont le taux de chômage est le plus élevé (respectivement 10,3 % et 14,1 % en 1990, contre 9,2 % pour l'ensemble des zones de montagne).

De 1982 à 1990 la population a diminué dans le cas du Massif central (- 0,21 %) et augmenté dans celui de la Corse (+ 0,52 %). Cependant le Massif central est (avec les Vosges) le seul massif à avoir un solde migratoire négatif (- 0,06 %).

(1) Le Massif central : des régions agricoles en difficulté

Le Massif central est presque exclusivement constitué de régions agricoles en difficulté, souvent très enclavées.

(2) La Corse : une opposition entre centre et périphérie

La Corse quant à elle est composée d'une partie centrale agricole en crise, entourée de zones urbaines et zones touristiques.

3. Une forte hétérogénéité entre cantons

A un niveau plus microéconomique, il convient de souligner l'existence d'une forte hétérogénéité entre cantons.

Le rapport du Commissariat général du Plan et du Conseil national de l'évaluation sur la politique de la montagne 5 ( * ) propose à cet égard une typologie intéressante, synthétisée dans le tableau ci-après.

TYPOLOGIE DES CANTONS DE MONTAGNE SELON
LE RAPPORT D'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE LA MONTAGNE (1999)

Désignation

Principales caractéristiques

Principales localisations

Grand tourisme confirmé

Importance de la capacité d'accueil touristique

Fortes proportions d'emplois dans l'hôtellerie et la restauration

Alpes du NE

Une partie des Pyrénées

Cantons les plus touristiques du Sud de la Corse

Développement diversifié

Groupe rural « classique » (environ 30 habitants/km², 25 % d'agriculteurs)

Attractivité démographique

Principalement les Préalpes du Sud

Economie et démographie fragiles

Groupe rural « classique » (environ 30 habitants/km², 25 % d'agriculteurs).

Population en déclin

Essentiellement le Massif central

Forte influence urbaine

164 habitants/km², population jeune, emploi et population en forte croissance (+2 % et +12,8 % par an), 1/3 d'industrie, 2/3 de tertiaire, revenus supérieurs à la moyenne nationale, tourisme peu important

Cantons comportant les principales petites villes qui animent les massifs ou situés dans les basses vallées (notamment dans les Alpes du Nord).

Cantons désertifiés en conversion touristique

Faible densité de population (11 habitants/km²).

Stagnation démographique à cause de l'âge élevé de la population

Fort enclavement.

Importance du tourisme, moindre cependant que dans le cas du 1 er groupe et incapable d'entraîner l'ensemble de l'économie.

Etage agro-forestier des montagnes sèches, où les deux saisons touristiques sont souvent compromises, et le handicap de la pente très difficile pour l'agriculture.

Exemples : certaines régions du Massif central (rebord du Vivarais et des Cévennes, cantons isolés du Limousin et de l'Auvergne), régions des Alpes du Sud périphériques des régions de grand tourisme, chaînes pré-pyrénéennes.

Industrie en difficulté

Forte place de l'emploi industriel (main-d'oeuvre faiblement qualifiée, recul sensible de l'emploi non compensé par le secteur tertiaire).

Enclavement moindre que la moyenne nationale.

Faible développement du tourisme.

Quasi-totalité du massif vosgien, sud du Jura, Bugey, basse vallée de la Maurienne, monts du Beaujolais, vallée de la Dore, sites industriels anciens du Massif central, de la vallée de l'Ariège et des cantons du piémont pyrénéen.

Très agricoles à très forts handicaps

Extrême spécialisation agricole (44 % de l'emploi).

Recul de l'emploi dans tous les secteurs.

Territoires fortement enclavés : Massif central, Corse centrale, 7 cantons des Pyrénées.

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

B. UN DOUBLE ENSEIGNEMENT

La mission commune d'information estime qu'il est possible de tirer de cette hétérogénéité un double enseignement.

1. Quelles sont les différences entre la montagne et les autres zones rurales ?

Tout d'abord, la montagne présente par rapport aux autres zones rurales de fortes spécificités.

a) De fortes spécificités

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne 6 ( * ) fonde la délimitation des zones de montagne sur l'existence de fortes pentes et de conditions climatiques difficiles.

Ce constat ne doit pas dissimuler le fait que les conditions naturelles et historiques varient fortement d'une montagne à une autre.

b) Des problématiques parfois non spécifiques à la montagne

Cependant, certaines des difficultés rencontrées par les zones de montagnes peuvent également se rencontrer sur le reste du territoire.

(1) Des zones rurales en difficulté

Tout d'abord, certains cantons de montagne sont avant tout des cantons ruraux en difficulté. Ainsi, de nombreux cantons de montagne ont une population active constituée pour 25 % d'agriculteurs.

Ces cantons sont dans une situation difficile. Tous ont un faible revenu par habitant. Parmi eux, certains sont démographiquement attractifs (ce qui concerne principalement les Préalpes du Sud), d'autres en déclin démographique (ce qui est essentiellement le cas de nombreux cantons du Massif central).

Malgré certaines spécificités montagnardes (comme le type d'activité agricole), ces cantons présentent de fortes similitudes avec d'autres zones rurales en difficulté.

(2) Des zones industrielles en crise

De même, il existe en montagne des zones industrielles en crise, telles qu'on peut en rencontrer ailleurs sur le territoire national.

Tel est le cas de la quasi-totalité du massif vosgien, du sud du Jura, du Bugey, de la basse vallée de la Maurienne, des monts du Beaujolais, de la vallée de la Dore, des sites industriels anciens du Massif central, de la vallée de l'Ariège et des cantons du piémont pyrénéen.

2. Comment expliquer les écarts de développement entre zones de montagne ?

Plusieurs facteurs permettent d'expliquer les écarts de développement entre zones de montagne.

a) Les zones au revenu par habitant le plus faible sont celles qui emploient la plus forte proportion d'agriculteurs

Tout d'abord, un élément essentiel semble être l'importance du secteur primaire (c'est-à-dire agricole) dans les massifs les moins développés. En effet, alors que celui-ci représentait, en 1990, 9,7 % de la population active dans les zones de montagne (soit légèrement moins que dans les zones rurales hors montagne, où ce taux est de 11,6 %), il était de 12,5 % en Corse, 13,3 % dans les Pyrénées et 13,5 % dans le Massif central (pour un taux compris entre 3,9 % et 8,4 % pour les autres régions).

b) Les principaux facteurs d'inégalité de développement industriel entre les zones de montagne : l'enclavement et la faible densité de population ?

Ensuite, la faible densité de population et son corollaire, l'enclavement, constituent peut-être le principal facteur explicatif des écarts de développement industriel (mais pas de revenu par habitant) entre zones de montagne.

Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, la densité de population ne semble pas empêcher un revenu par habitant élevé.

D'une manière générale, la corrélation entre densité de population et revenu imposable par habitant est faible. Ainsi, les Vosges et les Alpes du Sud avaient en 1990 un revenu imposable moyen analogue (de l'ordre de 11.000 euros par an), alors que les Vosges étaient, de loin, le département le plus densément peuplé (75,5 habitants au km²), et que seule la Corse avait une densité de population plus faible que les Alpes du Sud (17,2 habitants au km²).

En fait, l'enclavement semble principalement gêner la constitution d'industries, en réduisant les possibilités d'économies d'échelle par la réunion d'une main-d'oeuvre importante sur un même lieu de production. Ainsi, les zones à faible densité de population sont victimes d'un cercle vicieux : le faible développement industriel renforce la faible densité de population, ce qui incite les industries à s'installer ailleurs.

La faible densité démographique est à son tour génératrice d'enclavement, faute d'infrastructures de transports appropriées. Ainsi s'instaure un cercle vicieux, l'enclavement suscité par la faible densité démographique aggravant cette dernière.

Le graphique ci-après permet de mettre en évidence ce phénomène. Ainsi, la Corse et les Alpes du Sud, massifs dont l'industrie est la moins développée, sont aussi les massifs les moins densément peuplés. D'autres phénomènes entrent cependant en jeu : ainsi, le développement industriel du Jura est identique à celui des Vosges, alors que sa densité de population est nettement inférieure. Ces écarts par rapport à la tendance ne remettent cependant pas en cause la pertinence de l'analyse.

DENSITÉ DE POPULATION (1990) ET MAIN-D'OEUVRE EMPLOYÉE
DANS LE SECTEUR SECONDAIRE (1996)

Densité de population

(hab./ km²)

Main-d'oeuvre employée dans le secteur secondaire (en % de la population active)

Source : données figurant dans le rapport du Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

La faible densité de population peut cependant se révéler dramatique dans le cas de zones dépourvues d'activité de services, en particulier touristique.

Ainsi, elle constitue l'une des causes essentielles de l'existence de zones que le rapport du Conseil national de l'évaluation et le Commissariat général du plan qualifie de « très agricoles à très forts handicaps ».

Ces cantons, caractérisés par une extrême spécialisation agricole (44 % de l'emploi) et un recul de l'emploi dans tous les secteurs, sont essentiellement ceux du Massif central et de la Corse centrale, ainsi que quelques cantons des Pyrénées (principalement occidentales).

c) Le principal facteur de développement du secteur tertiaire : le tourisme

Le tourisme s'affirme comme le principal facteur de développement du secteur tertiaire, comme l'indique le graphique ci-après.

Emplois de l'hôtellerie et de la restauration et emplois du secteur tertiaire

(1996)

(en % de la population active)

Hôtellerie+restauration

Secteur tertiaire

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

Ce phénomène s'explique notamment par le fait que les emplois de l'hôtellerie et de la restauration suscitent le développement d'autres services.

Il convient de distinguer les zones de grand tourisme confirmé (Alpes du nord-est, une partie des Pyrénées, cantons les plus touristiques du sud de la Corse) de celles s'efforçant de développer leur activité touristique (certaines régions du Massif central -rebord du Vivarais et des Cévennes, cantons isolés du Limousin et de l'Auvergne-, régions des Alpes du Sud périphériques des régions de grand tourisme, chaînes pré-pyrénéennes).

PREMIÈRE PARTIE -

MAÎTRISER, METTRE EN VALEUR ET PROTÉGER LES ÉLÉMENTS DU PATRIMOINE NATUREL

La montagne figure parmi les grandes richesses patrimoniales de la France. Elle est le symbole même d'une nature riche et préservée et la diversité de ses ressources naturelles, de la faune et de la flore constitue un atout inestimable. Les éléments physiques qui la caractérisent, comme l'altitude, la pente et le climat se déclinent de manière très diversifiée d'un massif à l'autre. D'où la variété des paysages, façonnés de longue date par l'activité humaine et la richesse du patrimoine naturel montagnard. Mais cette nature est également soumise à une forte pression humaine qui la rend écologiquement vulnérable. Il importe de protéger de façon dynamique les espaces et les milieux naturels, de chercher à valoriser les ressources naturelles, tout en prenant en compte les risques naturels qui sont plus fréquents en zone de montagne qu'ailleurs.

I. PROMOUVOIR UNE DÉMARCHE CONTRACTUELLE ET CONCERTÉE POUR PRÉSERVER LE PATRIMOINE NATUREL

Comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs, l'exceptionnelle biodiversité des zones de montagne fait l'objet d'une large protection, ce qui localement entraîne des superpositions de zonages et de réglementations parfois préjudiciables à la lisibilité des objectifs poursuivis.

Dans ces conditions, la tentation d'accroître encore la réglementation des activités ou de recourir à des outils de protection pour gérer les milieux peut constituer une atteinte à l'esprit de liberté et de responsabilité propre à la montagne.

Il faut, à l'inverse, encourager les démarches contractuelles de cogestion sur des objectifs précis.

A. UNE RICHESSE PATRIMONIALE LARGEMENT RECONNUE

1. Une protection étendue de l'espace montagnard

L'article 1 er de la loi « montagne » précise que la politique de la montagne assure : « la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites et des paysages, la réhabilitation du bâti existant et la promotion du patrimoine naturel ».

Les diverses législations de protection qui ont structuré le dispositif de protection des milieux naturels et des paysages ont été largement appliquées en zone de montagne. Il s'agit notamment de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960 créant les parcs nationaux, de la loi n° 93-24 sur la protection et la mise en valeur des paysages, sur les parcs naturels régionaux, et de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature créant les réserves naturelles.

Ainsi on estime qu'en 1996, 89 % de la surface du territoire couverte par une protection forte (parcs nationaux, réserve intégrale et réserve naturelle) se situe en zone de montagne.

30 % de la superficie montagnarde est protégée contre 12 % en moyenne nationale et 20 % des communes de montagne sont concernées par un parc national ou régional, une réserve naturelle volontaire, un arrêté de protection de biotope ou une forêt de protection.

Il faut noter également que la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN) a entraîné, le plus souvent en compensation des autorisations accordées, l'intervention de 91 mesures de protection, dont 21 réserves naturelles, 53 classements de sites, 11 classements en forêt de protection et 7 arrêtés de biotope.

PATRIMOINE NATUREL DE LA MONTAGNE
(TABLEAU COMPARATIF ENTRE MONTAGNE, PLAINE ET LITTORAL)

Ensemble du territoire

Zone de montagne

Zone de plaine

Zone littorale

Superficie

5 433 965 km 2

118 971 km 2

21,9 %

417 983 km 2

76,8 %

7 011 km 2

1,3 %

Végétaux (1)

434 espèces

196 espèces

45,2 %

227 espèces

52,3 %

79 espèces

18,2 %

Mammifères (2)

53 espèces

46 espèces

86,8 %

43 espèces

81,1 %

-

-

(1) Espèces végétales protégées (arrêté du 20 janvier 1982 modifié) une espèce peut être présente dans plusieurs zones)

(2) Mammifères protégés (arrêté du 17 avril 1981 modifié) (une espèce peut être présente dans plusieurs zones).
Source : L'évaluation de la politique de la montagne 1999.

2. La multiplicité des outils de protection recensés en montagne

a) Les parcs nationaux

Sur les sept parcs nationaux existants, cinq intéressent le patrimoine montagnard et ont été mis en place entre 1963 et 1989. Quatre sont situés en haute montagne (Vanoise, Ecrins, Mercantour, Pyrénées) alors que le Parc des Cévennes est situé en moyenne montagne et abrite une activité économique traditionnelle.

L'ensemble des zones centrales -qui bénéficient de la protection la plus forte- représente moins de 1 % du territoire national et moins de 4 % du territoire montagnard. Pour les zones périphériques, les pourcentages sont respectivement de moins de 2 % et moins de 8 %. La population concernée par les parcs nationaux s'élève à 200.000 habitants, soit 0,4 % de la population totale.

b) Les réserves naturelles

Sur les 150 réserves naturelles installées sur le territoire, qui concernent 536.210 hectares, 40 se situent en zone de montagne (80.713 hectares protégés).

Cet outil tend à la préservation de la reconstitution de populations d'espèces animales ou végétales ou d'habitats en voie de disparition, de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables. Le choix des nouvelles réserves repose sur les inventaires scientifiques réalisés. Les réserves sont l'un des instruments permettant à la France de satisfaire à ses obligations communautaires ou résultant d'une convention internationale.

Le régime des réserves naturelles vient d'être modifié dans le sens d'une plus grande décentralisation par les dispositions de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 sur le statut de la Corse et la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Le nouveau dispositif s'articule désormais autour de trois régimes distincts :

- les réserves naturelles nationales, dont le classement relève de la compétence de l'Etat, la gestion étant confiée par voie de convention, à un organisme gestionnaire. Un comité consultatif présidé par le préfet, composé de représentants des propriétaires, des collectivités territoriales, des administrations concernées ainsi que des associations de protection de la nature donne son avis sur la gestion et le fonctionnement de la réserve. Le financement de la gestion des réserves est essentiellement assuré par l'Etat, les collectivités territoriales participant dans certains cas, notamment aux dépenses d'investissement ;

- les réserves naturelles régionales ; depuis la loi du 27 février 2002 précitée, les régions peuvent classer en réserve naturelle régionale, à la demande des propriétaires ou à leur initiative, des espaces présentant un intérêt pour la protection des milieux ;

- les réserves naturelles corses relèvent désormais de la compétence de la collectivité territoriale de Corse.

c) Les parcs naturels régionaux

Créés en 1967 à l'initiative de la DATAR, les parcs naturels régionaux, au nombre de 40, concernent près de 12 % du territoire national et comptent environ 3,5 millions d'habitants. Parmi eux, 19 sont concernés par des massifs et sont situés principalement en moyenne montagne, à l'exception du parc du Queyras.

Sur les parcs en projets, deux sont situés en territoire de montagne : les Pyrénées catalanes et le Territoire des Mille-vaches en Limousin.

d) Les arrêtés de protection de biotopes

L'arrêté de protection de biotope, mis en place par la circulaire du 27 juillet 1990 relative à la protection des biotopes nécessaires aux espèces vivant dans les milieux aquatiques tend à assurer la préservation d'habitats nécessaires à la survie d'espèces protégées.

L'arrêté de protection de biotope est pris par le préfet du département après avis de la commission départementale des sites et il n'est pas soumis à enquête publique. De manière informelle, l'avis des conseils municipaux est demandé, mais le préfet peut passer outre à un refus. L'arrêté fixe les mesures permettant la conservation des biotopes et à ce titre peut interdire ou réglementer certaines activités. A priori, il concerne des espaces relativement restreints.

L'arrêté de protection de biotope ne doit pas être confondu avec une réserve naturelle, et les contraintes qui résultent de sa mise en oeuvre ne doivent pas être trop lourdes.

Interrogée sur cet outil de protection, lors de son audition par la mission commune d'information, Mme Claudine Rysberg, chargée de mission à la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale du ministère de l'Ecologie et du développement durable, a considéré que l'arrêté de biotope est un outil « qui doit être manié avec précaution et utilisé à bon escient -sur un territoire relativement restreint- pour protéger une espèce qu'elle soit animale ou végétale. Dans la mesure où il peut déboucher sur d'autres types de protection, il constitue un outil d'attente. Cela fait précisément sa singularité en même temps que sa faiblesse, dans la mesure où il paraît possible d'envisager d'emblée d'autres types de protection plus pérennes et en quelque sorte mieux gérés ».

B. DES OUTILS DE PROTECTION QUI DOIVENT S'INSCRIRE DANS UNE DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

1. Vers une utile évolution de la politique des parcs nationaux

a) Une organisation juridique fortement centralisée

La procédure de création d'un parc national est conduite par le ministère en charge de la protection de l'environnement et le territoire est classé en parc national par décret en Conseil d'Etat. L'emplacement du parc est inscrit dans le Plan local d'urbanisme en qualité de servitude d'utilité publique opposable aux tiers.

Le parc national est géré par un établissement public administratif, dont le directeur nommé par le ministre dispose d'un pouvoir de police dans l'intérêt de la protection de la nature. Le fonctionnement du parc est assuré par un conseil d'administration composé de représentants des administrations concernées, des collectivités locales, du personnel et de personnalités qualifiées.

Lors de son audition devant la mission commune d'information, M. Bernard Glass, ingénieur général du génie rural des eaux et forêts à l'Inspection générale de l'Environnement a relevé que « le partage politique des parcs nationaux n'est pas à la hauteur de ce qu'il pourrait être ».

Au cours des déplacements effectués dans les massifs, votre rapporteur a pu entendre de nombreux élus faire état de désaccords voire d'oppositions permanents entre la direction du parc national et les représentants des collectivités territoriales au sein du conseil d'administration.

Si l'objectif de protection d'espaces naturels sensibles particulièrement remarquables a été atteint par les parcs nationaux, il n'y a pas réellement de mise en place d'une politique concertée de préservation, de développement et d'aménagement du territoire.

Pour donner un second souffle à cet outil de protection remarquable, qui bénéficie d'une labellisation internationale, il convient de réfléchir à une évolution de ses règles de gestion afin que les collectivités territoriales y soient réellement associées. Les annonces faites par le Gouvernement 7 ( * ) « pour décentraliser la gestion du patrimoine naturel » s'inscrivent dans cette démarche et doivent être appuyées.

Proposition n° 1. : Déléguer par voie de convention la gestion des parcs nationaux aux collectivités territoriales

b) Garantir la mise en oeuvre d'une politique de développement en zone périphérique

La réglementation sur le territoire d'un parc national est adaptée à chacun d'entre eux. Le décret de création réglemente ou interdit un certain nombre d'activités énumérées par la loi pour éviter l'altération de l'aspect, de la composition et de l'évolution du milieu naturel. Le décret peut édicter des contraintes particulières dans certaines zones, qui deviennent des réserves intégrales, afin d'assurer une protection plus grande de la faune et de la flore.

Enfin, le décret peut prévoir la délimitation d'une zone périphérique autour du parc dans laquelle sont prévues des mesures pour « permettre un ensemble de réalisations d'ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature dans le parc » (article L. 331-15 du code de l'environnement).

Ce texte là est manifestement insuffisant, selon M. Philippe Huet, pour garantir la mise en oeuvre d'une politique de développement en zone périphérique.

Il importe en effet de définir plus précisément les axes structurants d'une politique plus complémentaire entre zone centrale et zone périphérique, avec l'objectif, pour les parcs nationaux, de participer plus activement au développement local.

2. Conforter la contribution des parcs naturels régionaux au développement local

a) Des territoires pilotes, pionniers du développement durable

La démarche du parc naturel régional s'inscrit dans une démarche partenariale qu'il convient de souligner. Les régions prennent l'initiative de la démarche, les collectivités territoriales s'engagent sur un projet de développement durable sur un territoire dont l'identité repose sur un patrimoine naturel commun, et l'Etat prononce, par décret, le classement, ce qui autorise l'utilisation de la dénomination « parc naturel régional » et de l'emblème du parc, marque déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Fondée sur la notion de contrat et de libre adhésion, la démarche s'appuie sur une charte approuvée par les collectivités territoriales et l'Etat qui fixe les principes de l'aménagement du territoire du parc pour une durée de dix ans. Le renouvellement du classement est prononcé selon la même procédure. La gestion du parc est assurée par un syndicat mixte.

L'article L. 333-2 du code de l'environnement précise que « les parcs naturels régionaux situés dans les massifs de montagne constituent un instrument exemplaire au service de la protection de l'équilibre biologique et de la préservation des sites et paysages ».

Comme le rappelait M. Jean-Paul Fuchs, président de la Fédération nationale des Parcs naturels régionaux, les actions plus particulièrement menées pour répondre à cet objectif portent sur :

« - le maintien d'une agriculture vivante et gestionnaire de l'espace par la mobilisation des procédures et aides financières en faveur du pastoralisme ;

- la reconquête de l'espace agricole et des actions en faveur de la diversité biologique des boisements pour lutter contre les conséquences de la déprise agricole ;

- des mesures en faveur d'un tourisme de qualité misant sur la richesse environnementale et paysagère ;

- la concertation avec les associations de sports de pleine nature et les guides professionnels et des actions de sensibilisation des participants pour le respect de « codes de bonnes pratiques » ;

- la maîtrise de la pénétration des espaces naturels les plus sensibles ;

- l'appui à la création ou à la rénovation d'hébergements diffus, intégrés au paysage et respectant les contraintes environnementales ;

- la préservation d'espèces animales emblématiques, comme le vautour, le gypaète, le lynx et le loup ».

b) Une structure à préserver en zone de montagne

D'un point de vue géographique, il convient de souligner que la grande majorité des parcs de montagne est généralement centrée sur de petits massifs en intégrant les parties hautes des piémonts.

De ce fait, beaucoup d'entre eux voient leur périmètre concerné par plusieurs pays organisés autour des villes et bassins d'emplois périphériques ou des fonds de vallée, à l'exception du Parc du Queyras, qui est totalement inclus dans le pays du Briançonnais.

M. Jean-Paul Fuchs s'inquiétait ainsi : « le risque est donc de voir la cohérence et la lisibilité du projet de territoire, porté par le parc, éclatées par des dynamiques différentes, selon chaque pays. Si une réflexion particulière n'est pas engagée par les collectivités pour différencier les missions du parc ou du pays sur le territoire commun, deux approches différentes du développement pourraient s'affronter, à terme :

- un développement résolument « durable », fondé sur une identité patrimoniale, porté par le Parc ;

- un développement par rapport aux pôles urbains, tirant les entreprises dans les vallées et faisant des espaces de montagne des zones d'habitat résidentiel ou de récréation, porté par les pays ».

Comme le prévoit l'article 22 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 portant loi d'orientation de développement et d'aménagement du territoire, « si le territoire du pays recouvre une partie du territoire d'un parc naturel régional, la reconnaissance de la dernière entité constituée nécessite la définition préalable, par convention entre les parties concernées, des missions respectives confiées aux organismes de gestion du parc naturel régional et du pays sur les parties communes. La charte du pays et les actions qui en découlent doivent être, sur les parties communes, compatibles avec les orientations de protection, de mise en valeur et de développement définies par la charte du parc naturel régional en application de l'article L. 333-1 du code de l'environnement ».

Il convient de veiller à ce qu'il soit fait une juste application de cette disposition afin de ne pas porter atteinte à la cohérence des parcs naturels de montagne.

La recherche de la compatibilité entre les orientations de chaque structure doit résulter d'un accord entre les parties concernées qui se traduit par une convention.

Comme le soulignait M. Jean-Paul Fuchs, devant la mission commune d'information, « l'organisation des collectivités territoriales en pays ne pose pas de difficultés aux parcs, lorsque le Conseil régional s'investit clairement dans sa compétence d'aménagement du territoire, en tenant compte de ses parcs, et contractualise avec ces derniers sur la base d'un projet global au même titre qu'avec les pays ».

Proposition n° 2. : Veiller, en cas de chevauchement de territoires, à ce que la politique du pays respecte les orientations de protection et de développement du parc naturel régional.

3. Des initiatives décentralisées s'inscrivant dans une démarche concertée

Lors des déplacements qu'elle a effectués dans les massifs, la mission commune d'information a visité ou eu connaissance d'initiatives innovantes en matière de protection de l'environnement, qui s'inscrivent dans une logique de gestion locale participative.

a) Des exemples de la diversité des démarches locales
(1) L'institution patrimoniale du Haut Béarn

Depuis 1994, les trois vallées au Haut-Béarn d'Ossau, d'Aspe et de Barétons se sont engagés dans un nouveau mode de gestion de leur territoire et de leur patrimoine naturel à travers la signature avec l'Etat d'une charte de développement durable. Se sont ainsi engagés les maires de vingt communes, l'Association des éleveurs et transhumants des Trois Vallées, la Fédération départementale des chasseurs, le Conseil général des Pyrénées Atlantiques et le Conseil régional d'Aquitaine.

Pour appliquer la charte, a été créée l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn, syndicat mixte ou siègent les maires des vingt communes, cinq conseillers généraux et trois conseillers régionaux. Les décisions du syndicat s'appuient sur les avis du Conseil de gestion patrimoniale, instance de concertation et de proposition où siègent les élus, des personnalités qualifiées (des représentants des administrations de l'Etat, de l'Office national des forêts, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, des fonctionnaires territoriaux du Conseil général et du Conseil régional ainsi que des représentants des « valléens » -bergers, chasseurs, pêcheurs, associations de protection de la nature socio-professionnels-). Une équipe de gestion prépare les dossiers et met en oeuvre les décisions du syndicat mixte.

Le champ d'intervention de cette structure couvre l'agropastoralisme, la forêt, la gestion cynégétique et la gestion de la faune et de l'ours en particulier.

Les clefs de la réussite de cette démarche tiennent au partage par l'Etat du pouvoir de gestion du territoire avec les acteurs économiques locaux dans le cadre d'un contrat d'objectifs et à la démarche concertée avec tous.

(2) La SAFER Lozère

Lors de son déplacement dans le Massif central, la mission commune d'information a eu connaissance d'une démarche innovante et concertée, menée par la SAFER-Lozère, en partenariat avec la Chambre d'agriculture, tendant à analyser l'impact des activités d'élevage sur la conservation de la faune et de la flore. Les territoires géographiques pris en compte sont situés dans les montagnes du sud du Massif central à des altitudes supérieures à 1.200-1.300 m.

L'objectif du programme financé sur des crédits LIFE-environnement portait d'abord sur le diagnostic à établir sur les conséquences de l'arrêt de la transhumance, de la suppression des petits élevages et de la forte déprise agricole. Le constat analyse l'impact négatif de la progression de l'enfrichement et des milieux qui se referment sur la biodiversité, sur les risques d'incendie et sur la désintégration du tissu social de ces territoires.

Une fois le diagnostic établi, le programme a mis en place, sous forme contractuelle, des aides aux éleveurs qui s'engagent à réexploiter ces territoires.

La SAFER-Lozère a joué un rôle d'animation foncière en aidant les éleveurs à se grouper dans des groupements pastoraux, pour louer des espaces à des associations foncières pastorales, ou encore des biens sectionnaux ou communaux.

Les éleveurs adhérents de ces groupements s'engagent, à travers un plan de gestion, à une utilisation raisonnée de l'espace. Ils ont bénéficié -sur 2001-2002- de mesures agrienvironnementales pour financer le démarrage du programme.

Au total le programme a porté sur 700.000 euros pour le département de la Lozère et le nord de l'Hérault, financé comme suit :

- 40 % fonds LIFE-environnement ;

- 17 % ministère de l'Environnement et du développement durable ;

- 9 % Conseil régional Languedoc-Roussillon, à travers l'Agence méditerranéenne de l'environnement ;

- 6,7 % Office national des forêts ;

- 6,7 % Office national de la chasse et de la faune sauvage ;

- 20,7 % Parc national des Cévennes.

En juin 2002, huit groupements pastoraux étaient constitués, concernant 29 éleveurs qui utilisaient 2.900 ha pour faire transhumer 6.500 ovins.

En outre, une démarche qualité est engagée pour obtenir une certification de conformité pour l'Agneau de Lozère ainsi qu'une indication géographique protégée (IGP) au niveau communautaire.

b) Des démarches transfrontalières
(1) L'Espace Mont-Blanc

En 1989, les élus locaux de Savoie, de la région autonome du Val d'Aoste (Italie) et du canton du Valais proposent aux Etats la prise en charge, au niveau local, de la gestion et de la valorisation du massif du Mont-Blanc. Il est constitué un « espace » de coopération dénommé Espace Mont-Blanc.

Les entités adhérentes sont :

- pour la France, le syndicat intercommunal Espace nature Mont-Blanc qui rassemble quinze communes situées en Savoie et Haute-Savoie ;

- pour l'Italie, cinq communes de la région autonome du Val d'Aoste ;

- pour la Suisse, treize communes du Valais.

Au total 100.000 personnes sont concernées par la structure qui protège une superficie de 2.000 km² environ. Les organes décisionnels de la structure sont la conférence transfrontalière constituée de cinq membres par pays dont trois au moins, par délégation, doivent représenter les institutions régionales et locales, et la commission permanente.

Les activités de l'Espace Mont-Blanc sont cofinancées par chacune des entités et poursuivent les objectifs suivants : conservation d'un espace cultivé et d'une activité pastorale, sauvegarde de la nature et des paysages, encouragement à un tourisme respectueux des ressources et de l'environnement et enfin, limitation dans l'impact des transports et de leurs infrastructures.

(2) Le réseau alpin des espaces protégés

En 1994, la France, lors de sa présidence de la Convention Alpine, a fait valoir l'intérêt de constituer un réseau alpin des espaces protégés au niveau européen afin de contribuer à l'application du « protocole de la nature et entretien des paysages » de la Convention.

Le réseau rassemble l'ensemble des gestionnaires des espaces protégés des Alpes (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles...). Il permet une collaboration plus étroite entre l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Italie, la Principauté du Liechtenstein, la Slovénie, la Suisse et la Principauté de Monaco 8 ( * ) .

En 2002, le réseau alpin concerne 300 espaces protégés de plus de 100 ha gérés par plus de 3.000 gestionnaires.

Les missions du réseau alpin sont définies par un comité de pilotage international, composé de représentants de tous les pays alpins. Toutes les décisions sont soumises à l'Assemblée générale qui se réunit tous les deux ans et des groupes de suivi nationaux encadrent le travail courant.

Les axes de travail prioritaire sont :

- protection et gestion des espaces protégés des Alpes ainsi que de leurs ressources naturelles, habitats et espèces en prenant en considération les conventions et directives internationales en vigueur, et notamment les dispositions pour la mise en place du Réseau Natura 2000 ;

- développement d'un tourisme maîtrisé en cohérence avec la conservation du patrimoine et le projet économique territorial ;

- soutien de l'agriculture et de la sylviculture de montagne concourant au maintien de la biodiversité ;

- sensibilisation, information et formation du grand public et de la population locale sur les enjeux naturels et culturels des Alpes ainsi que sur l'importance de la conservation et des actions engagées.

C. INSCRIRE LA MISE EN oeUVRE DE NATURA 2000 DANS UNE APPROCHE CONCERTÉE

1. Un dossier mal engagé

a) Les fondements de Natura 2000

L'objectif de la directive « Habitats Naturels » est de contribuer à assurer la préservation de la diversité biologique européenne, principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique intitulé « Natura 2000 » de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire.

La directive cherche à concilier cet objectif de protection avec les exigences économiques, sociales et culturelles des Etats membres. Ainsi, la désignation des sites entraînera pour les Etats membres une obligation de résultat, c'est-à-dire, selon la directive, le maintien ou la restauration des habitats naturels et des habitats d'espèces d'intérêt communautaire, dans un état de conservation favorable. Mais l'article 2, dans son paragraphe 3, précise qu'il est tenu compte tant des exigences économiques, sociales et culturelles que des particularités régionales et locales.

L'objectif de la directive est donc de mettre en place un réseau d'habitats dits d'intérêt communautaire en créant des Zones spéciales de conservation (ZSC) visant la conservation des 253 types d'habitats, des 200 espèces faunistiques et des 432 espèces végétales figurant dans ses annexes.

Ces habitats ou ces espèces sont soit en danger de disparition dans leur aire de répartition naturelle « et sont donc considérés comme prioritaires dans la directive », soit ont une aire de répartition naturelle réduite, sont menacés ou vulnérables ou enfin constituent des exemples remarquables des caractéristiques propres à l'une ou à plusieurs des six régions biogéographiques européennes.

La directive est complétée par six annexes :

- annexe I : types d'habitats naturels d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC (basée sur la classification CORINE-biotopes) ;

- annexe II : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de ZSC ;

- annexe III : critères de sélection des sites susceptibles d'être identifiés comme sites d'importance communautaire et désignés comme ZSC ;

- annexe IV : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ;

- annexe V : espèces animales et végétales d'intérêt communautaire dont le prélèvement dans la nature et l'exploitation sont susceptibles de faire l'objet de mesures de gestion ;

- annexe VI : méthodes et moyens de capture et de mise à mort et modes de transport interdits.

La constitution de ce réseau fait l'objet d'une procédure détaillée prévue aux articles 4 et 5 de la directive et qui requiert une collaboration étroite entre la Commission européenne et les Etats membres : sur la base de listes nationales transmises par les Etats membres, la Commission doit établir la liste des sites d'intérêt communautaire que les Etats membres devront désigner ensuite en ZSC.

Le calendrier prévisionnel de la constitution du réseau « Natura 2000 » s'établissait ainsi :

- établissement d'une liste nationale de sites (1992-1995) ;

- établissement de la liste communautaire (1995-1998) ;

- incorporation des sites retenus au réseau « Natura 2000 » (1998-2004), et adoption des mesures de gestion, mais tous les Etats membres ont pris du retard dans la mise en oeuvre de la directive.

Il convient de rappeler que la directive 92/43/CEE « Habitats naturels » intègre également les zones de protection spéciale (ZPS) désignées au titre de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages. Ainsi, à compter de l'entrée en vigueur de la directive 92/43/CEE/»Habitats naturels», le 5 juin 1994, l'article 7 prévoit que les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 se substituent à celles de l'article 4, paragraphe 4 de la directive 79/409/CEE/Oiseaux sauvages et s'appliquent tant aux ZPS désignées à cette date qu'aux ZPS créées ultérieurement.

L'article 6, paragraphes 1 et 2, donne compétence aux Etats membres pour définir les mesures appropriées permettant d'atteindre les objectifs définis à l'article 2, afin d'éviter notamment toute perturbation ou détérioration ayant des effets significatifs sur les espèces ou les habitats visés dans les annexes.

En conséquence, et tout en laissant aux Etats membres le soin de définir les moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés, la directive prévoit de façon détaillée à l'article 6, paragraphes 3 et 4, la procédure d'évaluation de l'impact d'un projet sur l'environnement, lorsque ce projet est prévu dans une ZSC.

- Il s'agit de s'assurer que tout nouveau projet d'activités prend en compte effectivement les intérêts de conservation de la nature. Ceci passe par une évaluation appropriée des incidences du projet sur les objectifs de conservation du site et la consultation du public en cours de procédure.

- S'il est démontré que l'impact du projet porte préjudice à l'intégrité du site, les autorités nationales ne peuvent donner leur accord que sous certaines conditions :

* s'il est démontré qu'il n'existe pas d'autre solution ;

* si le projet répond à un intérêt public majeur qui peut être de nature sociale ou économique ;

* l'Etat doit alors adopter des mesures compensatoires pouvant, au besoin, prévoir la recréation du même type d'habitat sur le site ou ailleurs.

Enfin, lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou d'espèce prioritaire, le projet ne peut porter préjudice à l'intégrité du site que pour des considérations majeures liées à la santé de l'homme et à la sécurité publique.

En ce qui concerne le régime de protection des espèces, la présence de celles dotées d'un statut prioritaire justifie, en outre, la mise en place de mesures évitant toute perturbation et dérangement.

b) Les difficultés de constitution du réseau Natura 2000 en France
(1) Les très fortes oppositions rencontrées

Comme le rappelait notre collègue Jean-François Le Grand dans son rapport d'information 9 ( * ) adopté par la Commission des Affaires économiques en avril 1997, le très mauvais contexte dans lequel a été mise en oeuvre la directive 92/43/CEE « Habitats naturels » explique le rejet unanime constaté, en 1996, contre ce texte, et ce parmi l'ensemble des acteurs du monde rural. Ainsi, relevait-il, on avait à faire à « un texte mal connu, mal interprété, une règle du jeu quasi inexistante, un défaut majeur de communication et à des réactions de défense de la part de certains se sentant pris au piège de l'intégrisme écologique prôné par quelques autres ».

Lors de l'examen du projet de loi portant transposition par ordonnances de directives communautaires, le Sénat avait, sur proposition du rapporteur pour avis de la Commission des Affaires économiques 10 ( * ) , adopté un amendement tendant à supprimer la directive « Habitats naturels » de la liste faisant l'objet du projet de loi d'habilitation.

Par ce vote, le Sénat entendait protester contre la procédure employée par le Gouvernement qui privait le Parlement d'un débat approfondi sur un sujet majeur pour l'aménagement de l'espace rural, en raison de ses répercussions possibles sur des projets d'infrastructures et de ses atteintes éventuelles au droit de propriété.

D'autant plus qu'en juin 1998, le Gouvernement avait refusé de débattre de la proposition de loi relative à la mise en oeuvre du réseau écologique européen dénommé « Natura 2000 » 11 ( * ) , et avait même opposé l'article 40 à l'article de la proposition de loi relatif à l'indemnisation des propriétaires et gestionnaires concernés.

Le Sénat a finalement accepté, compte tenu des retards accumulés vis à vis de la Commission européenne, que la transposition de la directive « Habitats naturels » se fasse par voie d'ordonnance, en imposant que, pour les sites ayant déjà fait l'objet d'une transmission à Bruxelles, soient organisées au niveau départemental des réunions d'information pour les élus des communes concernées.

Même si, après une phase de démarrage extrêmement conflictuelle, le dialogue a repris avec profit, la mission commune d'information a pu constater, au cours de ses déplacements, que les oppositions locales pouvaient rester fortes.

Comme le soulignait M. Jean-Paul Fuchs, président de la Fédération des parcs naturels régionaux, « en France, la procédure a été pilotée par l'Etat, alors que Bruxelles souhaitait qu'il y ait un dialogue, une participation de l'ensemble des acteurs ».

Les élus locaux rencontrés, opposés à la mise en place d'un zonage Natura 2000, dénoncent une fois encore ce manque de concertation effective sur la désignation des périmètres.

(2) Mais l'insuffisance des propositions selon la Commission européenne

Le réseau Natura 2000 est constitué des zones spéciales de conservation désignées en application de la directive « Habitats » et des zones de protection spéciale désignées en application de la directive « Oiseaux ».

Au titre des zones spéciales de conservation (ZSC) :

1.174 propositions de sites couvrant plus de 4 millions d'hectares (dont 5.000 km² marins et 7,4 % du territoire terrestre) ont été transmises entre octobre 1997 et septembre 2002.

La Commission européenne ayant considéré que ces propositions étaient insuffisantes pour certains habitats ou espèces, les préfets ont été saisis de demandes complémentaires : 200 nouveaux sites devraient être proposés en 2002.

Parallèlement, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France, le 11 septembre 2001, pour insuffisance de propositions et une nouvelle procédure en manquement a été engagée par la Commission susceptible d'aboutir d'ici environ 18 mois à une deuxième condamnation de la France, assortie d'astreinte .

De plus, la Commission a pris la décision de conditionner le versement des fonds structurels (DOCUP 1 et 2 et PNDR) à l'engagement des Etats membres de transmettre des propositions complémentaires dans les plus brefs délais.

Les retards accumulés vis à vis de la Commission européenne ne laissent plus guère de choix.

Néanmoins, pour se conformer à la décision du Conseil d'Etat annulant, le 22 juin 2001, 534 propositions de sites (parmi les 1.109 envoyées à la Commission), les préfets ont repris les procédures de consultation sur ces sites qui devraient être achevées courant 2002.

Au titre des zones de protection spéciale (ZPS) :

117 ZPS ont été classées sur 830.000 hectares (1,6 % du territoire). Un contentieux est également engagé par la Commission européenne pour insuffisance globale de classement qui risque d'aboutir à la condamnation de la France en 2002.

2. Les conditions de redémarrage de Natura 2000

a) Engager un partenariat véritable avec les acteurs locaux

Le réseau Natura 2000 est un réseau écologique majeur qui doit structurer la politique européenne de protection de l'environnement. C'est une réalité que la puissance publique -Etat et collectivités territoriales- doit désormais prendre en compte .

Il faut donc chercher à définir les moyens permettant de sortir de cette impasse afin que les acteurs locaux et les gestionnaires de terrains puissent s'approprier cette procédure et mettre en oeuvre ce réseau.

Comme le soulignait M. Pierre Bernard-Reymond, maire de Gap, devant la mission commune d'information en déplacement dans les Alpes : « il s'agit de susciter le dialogue entre les différents pratiquants de la nature pour qu'ils déterminent ensemble le meilleur équilibre possible et se portent volontaires auprès de l'Europe pour respecter ces équilibres et lui demander en retour qu'elle leur apporte son aide ».

b) Contractualiser pour mobiliser des moyens financiers
(1) Une procédure de gestion concertée et contractualisée

La mise en oeuvre de la directive « Habitats naturels » doit permettre d'encourager des activités économiques compatibles avec les exigences de conservation des habitats et des espèces pour lesquels les sites ont été désignés. Pour cela un document d'objectifs doit être établi pour chaque site avant 2004.

Le décret n° 2001-1216 du 20 décembre 2001 relatif à la gestion des sites Natura 2000 fixe le contenu de ce document et la composition du comité de pilotage chargé de préparer le document d'objectifs, de son suivi et de son évaluation.

Ce comité comprend « les représentants des collectivités territoriales intéressées et de leurs groupements et les représentants des propriétaires et exploitants de biens ruraux compris dans le site... Le comité peut être complété notamment par des représentants des concessionnaires d'ouvrages publics, des gestionnaires d'infrastructures, des organismes consulaires, des organisations exerçant leurs activités dans les domaines de la chasse, de la pêche, du sport et du tourisme et des associations de protection de la nature ».

La définition des règles de gestion applicable à un site Natura 2000 est donc conduite, sous la responsabilité du préfet du département, par l'ensemble des parties concernées. Actuellement, la réalisation de 500 documents d'objectifs est en cours.

L'application des documents d'objectifs est contractuelle, en application de l'article L. 414-3 du code de l'environnement. « Le contrat Natura 2000 comporte un ensemble d'engagements conformes aux orientations définies par le document d'objectifs, portant sur la conservation et, le cas échéant, le rétablissement des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la création du site Natura 2000. Il définit la nature et les modalités des aides de l'Etat et les prestations à fournir en contrepartie par le bénéficiaire. En cas d'inexécution des engagements souscrits, les aides de l'Etat font l'objet d'un remboursement selon des modalités fixées par décret ».

Ce contrat Natura 2000 a une durée minimale de cinq ans qui peut être prorogée ou modifiée par avenant.

Comme le précise le décret du 20 décembre 2001 précité les aides financières accordées au titre des contrats Natura 2000 sont versées par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA). Pour les exploitants agricoles, les contrats prendront la forme d'un contrat territorial d'exploitation (CTE) ou d'autres engagements environnementaux.

(2) Des moyens budgétaires à mobiliser

Au niveau national, des moyens budgétaires importants sont mobilisés pour accompagner la montée en puissance des documents d'objectifs et des contrats Natura 2000 :

- dans le projet de loi de finances pour 2003, le budget du ministère de l'environnement et du développement durable consacre, au sein du Fonds de gestion des milieux naturels créé en 1999, 19,8 millions d'euros pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, soit une progression de + 4,8 % par rapport à 2002 ;

- les mesures agro-environnementales (dans ou hors CTE) pourront être également financées sur le budget du ministère chargé de l'agriculture.

Au niveau communautaire, sont également prévus des cofinancements spécifiques à Natura 2000 :

- au titre du FEOGA-Garantie dans le cadre du Plan de développement rural national (PDRN) ;

- au titre de l'instrument financier d'appui à la politique européenne de l'environnement LIFE, des projets exemplaires peuvent être financés sur des sites Natura 2000. Entre 1992 et 1999, 350 millions d'euros ont été attribués à près de 500 projets et 300 millions d'euros sont à nouveau disponibles d'ici à 2004.

II. FAVORISER LA MISE EN VALEUR DES RESSOURCES NATURELLES : L'EXEMPLE DE L'EAU ET DE LA FORÊT

A. ENCOURAGER UNE GESTION INTÉGRÉE DES HAUTS BASSINS VERSANTS

1. Le rôle stratégique des zones de montagne au regard de la ressource en eau

a) Des réservoirs naturels

Les zones de montagne sont les « châteaux d'eau » de la planète et vu leur étendue et leur altitude, elles concentrent une part importante des précipitations dans les parties hautes des bassins versants. En outre, la plupart des grands fleuves prennent leur source en zone de montagne.

Mais, compte-tenu de la pente et du relief, conjugués à une végétation souvent rase et fragile du fait d'un climat plus rude, les montagnes sont des zones d'intense érosion et de concentration rapide des eaux , ce qui entraîne des crues et inondations qui pourront être ravageuses pour les parties basses des bassins et les plaines.

Ces situations peuvent être aggravées sous l'effet des activités humaines. Ainsi en est-il de l'imperméabilisation du sol par les constructions, les aires de stationnement et les routes, en particulier dans les zones de fort développement urbain et touristique. A l'inverse, l'abandon des secteurs les plus difficiles par la population et les activités économiques traditionnelles, comme le pastoralisme, peuvent avoir pour conséquence la destruction des ouvrages collectifs, les terrasses, les drainages et le retour à la friche...

En définitive, on peut caractériser les « têtes de bassin » comme des zones à forte pluviométrie donnant naissance à de nombreuses rivières. Il s'agit de zones de relief, avec des chevelus de cours d'eau de bonne qualité, plus ou moins préservés de la pollution, mais artificialisés avec la présence de barrages, de microcentrales ou encore le drainage des zones humides. Ce sont parfois des territoires en déprise économique et humaine avec néanmoins un fort potentiel de développement économique lié à l'eau.

b) Mais une qualité des eaux qui se détériore

D'une part, il convient de souligner qu'en dépit de son abondance apparente, l'eau naturellement potable peut être rare en zone de montagne compte tenu de la géologie complexe des massifs. Les ressources en eau ne présentent pas toujours les qualités physico-chimiques requises car elles peuvent être séléniteuses, turbides ou contenir des métaux toxiques tels que l'arsenic ou l'antimoine. Le renforcement des normes communautaires sur ces paramètres pourrait ainsi conduire à l'abandon de certains captages. En outre, les eaux parfois très agressives, caractéristiques des massifs cristallins présentent des risques de dissolution des matériaux constitutifs des canalisations et notamment du plomb.

D'autre part, ces ressources de type granitaire sont très vulnérables et sensibles aux pollutions de surface, notamment aux contaminations bactériologiques.

Force est de constater que la qualité des petits cours d'eau en amont se détériore, et ceci est dû à la combinaison de plusieurs facteurs, la réalité des problèmes différant fortement d'un bassin à l'autre, comme le soulignait M. Jean-Paul Chirouze, directeur de l'Agence Rhône-Méditerranée-Corse devant la mission commune d'information : « Les problèmes de l'eau dans les Alpes ne sont pas les mêmes que dans le Massif central. C'est ainsi qu'il peut non seulement y avoir des pollutions locales fortes dans des grandes villes telles Grenoble, mais aussi des pollutions diffuses dans les domaines de l'industrie et de l'agriculture, à prendre spécifiquement en compte. A titre d'exemple, le bassin de l'Arve en Haute-Savoie connaît des problèmes de pollution liés à l'activité de la mécanique ou du traitement de surface concernant plus d'un millier de petits industriels. Autre exemple sur le bassin Rhône-Méditerranée-Corse : le Jura qui subit, lui, la pollution organique d'activités laitières et fromagères, ces coopératives ayant dû travailler ensemble pour améliorer en six ans la situation des cours d'eau ».

En outre, et de manière paradoxale, ajoutait-il « l'assainissement réalisé dans de petites communes a pu être défavorable, car de telles infrastructures ont conduit à concentrer les rejets ».

2. L'eau en montagne, une source de richesse et de développement, donnant lieu à des conflits d'usage

a) L'importance de l'énergie hydraulique
(1) Etat des lieux de l'énergie hydraulique produite en zone de montagne

La production hydroélectrique française représente 14 % de la production totale d'électricité, soit 70 térawatt/heure (TWh), ce qui correspond à une puissance installée totale d'environ 25 gigawatts (GW).

A l'heure actuelle, plus de 2.000 centrales sont exploitées en France, dont :

- 1.810 de puissance inférieure à 10 MW (total de 2 GW) ;

- 281 de puissance supérieure à 10 MW (total de 22,5 GW) ;

La production d'hydroélectricité est principalement située dans les Alpes (70 %), puis dans le Massif central (20 %) et les Pyrénées (10 %).

EDF, au titre de sa production d'hydroélecticité, exploite :

- 150 barrages où sont stockés 7 milliards de m3 d'eau, soit ¾ des réserves nationales en eau de surface ;

- 500 centrales pour une puissance installée de 20 GW.

Ces installations hydrauliques représentent 20 % de la puissance installée totale d'EDF. Elles sont très rapidement mobilisables et capables de stocker de l'eau, donc de l'énergie pour les périodes de pointe hivernales.

En dehors d'EDF, qui est le principal producteur, il convient de citer la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) qui produit 16 TWh, soit 25 % de la production hydroélectrique française. Les producteurs indépendants produisent 4 TWh/an en moyenne. Le secteur de la petite hydroélectricité (7 TWh au total) est adossé à un secteur industriel performant.

En dehors des performances de l'énergie hydraulique dans la lutte contre l'effet de serre, il faut souligner l'intérêt d'une telle activité en matière d'aménagement du territoire. Dans certaines zones de montagne, c'est bien souvent la seule activité économique qui subsiste, avec un certain nombre d'emplois à la clef.

(2) Les handicaps de l'énergie hydraulique

Des contraintes environnementales à prendre en compte

Sur le plan environnemental, la loi du 29 juin 1984 relative à la pêche, ou encore la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau ont eu un impact direct sur la production hydraulique, soit que l'eau ne soit plus turbinée, soit qu'elle le soit différemment et de façon moins optimisée par rapport aux besoins. Ainsi, le relèvement des débits réservés au dixième du module, comme le prévoit l'article L. 432-5 du code de l'environnement représente une perte de près de 4 % de la production hydroélectrique et est évalué à 1 % du coût du kWh.

Plus généralement, et il convient de s'en féliciter, chaque renouvellement de concession s'accompagne de nouvelles mesures environnementales, qui ne sont pas sans impact sur le niveau de la production.

Mais, néanmoins, l'opposition reste forte entre les partisans de l'équipement des rivières en micro-centrales pour développer la production d'énergies renouvelables et ceux qui dénoncent les atteintes environnementales de ces infrastructures et l'impact lourd en matière de pêche.

Une fiscalité pénalisante

La fiscalité pesant sur l'hydroélectricité n'a cessé de progresser ces dernières années et les taxes représentent désormais 40 % du coût de production, ce qui ne favorise pas son développement.

L'évolution des principaux postes sur les cinq dernières années est :

EVOLUTION DE LA FISCALITÉ EN M€ RECONSTITUÉE POUR LE PARC EDF ACTUEL

Source : EDF

Comme le soulignait Mme Claude Nahon, déléguée au domaine hydraulique d'EDF, lors de son audition devant la mission commune d'information, les gains de productivité obtenus ont été intégralement compensés par des augmentations de la fiscalité. Par ailleurs, les charges d'amortissement s'élèvent en moyenne à 15 ou 20 % et ne baissent que très faiblement compte tenu des charges d'entretien des ouvrages.

Ainsi, la rentabilité des investissements en matière d'hydroélectricité n'est pas jugée satisfaisante comme le relevait Mme Claude Nahon : « l'hydroélectricité n'est pas rémunérée en France à la hauteur des ambitions de sa politique énergétique. Dans l'état actuel des choses, il nous manque 10 % pour boucler un projet d'investissement dans ce secteur... Il n'est guère possible de développer un produit en le surtaxant. »

(3) Un potentiel de développement limité

L'engagement français au plan communautaire est fort

La directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, prévoit qu'à l'horizon 2010, la production d'électricité d'origine renouvelable devra atteindre 22 % en Europe et 21 % en France (contre 14 % aujourd'hui), cet engagement ayant pour objectif de limiter le taux de dépendance énergétique de l'Union européenne (évalué à 70 % en 2030) et de limiter les émissions de gaz à effet de serre.

Le potentiel techniquement utilisable est limité

Le potentiel « sauvage » a été évalué à 270 TWh, mais techniquement, le potentiel « équipable » est estimé à 100 TWh, mais à des coûts très élevés, qui ne permettent pas de rentabiliser les projets. En définitive, le potentiel économique est évalué entre 4 et 8 TWh. En outre, la prise en compte des exigences environnementales renchérit le coût des projets.

Le développement de la PHE (petite hydroélectricité d'une puissance inférieure à 8 MW) nécessite, d'un point de vue économique, une tarification incitative pour équiper les sites restant à exploiter. Plus généralement, il est tributaire des arbitrages qui seront rendus sur l'évaluation de son impact global sur l'environnement. L'objectif de 4 TWh/an attribué à la PHE proposé par les syndicats de producteurs d'hydrauliques, implique en effet la réalisation de nouvelles installations, ce qui, a priori, ne peut se faire sans modifier le classement des rivières réservées au titre de la loi du 16 octobre 1919. En contrepartie, il doit être procédé à une évaluation précise de la contribution de la PHE à la lutte contre les effets du changement climatique et de l'impact des dispositifs annexes aux micro-centrales comme les échelles à poisson et les mécanismes de dévalaison conçus pour atténuer les conséquences négatives de ces équipements hydrauliques sur leur environnement immédiat.

b) Des conflits d'usage de plus en plus marqués
(1) Une méconnaissance mutuelle entre l'aval et l'amont

L'interdépendance géographique et physique résultant de l'unité de la rivière et du partage de la ressource ne s'est pas -loin s'en faut- traduit dans la mise en place de structures permettant de tenir compte des intérêts de l'amont et de l'aval. Les intérêts légitimes des uns et des autres sont perçus négativement et leur non prise en compte génère des conflits. Faute de réglementation sur la solidarité financière inter-bassin ou de mise en commun des connaissances, des actions contradictoires sont parfois mises en oeuvre par une multitude d'acteurs aux intérêts concurrents.

L'unité des rivières ne correspond plus à une réalité et le sentiment de solidarité et d'appartenance à un même bassin versant s'est fortement estompé.

Or, cet enjeu est stratégique dans de nombreux domaines. Ainsi, une politique de prévention des inondations se doit d'être globale pour être pertinente. Elle passe par une nouvelle gestion de l'espace et de l'eau qui intègre la dimension « amont/aval ». Certes, l'aval doit repenser son développement urbain hors zone d'expansion des crues pour ne pas augmenter le risque d'inondation, mais les têtes de bassin ont également un rôle primordial à jouer pour ralentir le débit des rivières en période de crue, à la faveur de la gestion des sols et des cours d'eau.

Malgré l'identification de tels enjeux, force est de constater que les problèmes restent traités au coup par coup. Ainsi très peu de schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), institués pourtant par la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, ont été mis en place . Ce document permet de définir des objectifs d'intervention concernant la ressource, les inondations, la dépollution ou encore la protection des captages d'eau potable. Elaboré à partir d'une longue concertation entre les différents usagers, il constitue, une fois adopté, un document opposable aux tiers.

Par ailleurs, la procédure des contrats de rivière, qui peut constituer une étape préalable intéressante avant la rédaction d'un SAGE ou, à tout le moins, lui apparaît comme complémentaire, reste aujourd'hui excessivement centralisée.

Ce dispositif, créé en 1981 et adapté par des circulaires successives 12 ( * ) , a évolué vers une prise en compte globale et intégrée de la rivière et de son écosystème, les efforts financiers de l'Etat étant recentrés sur les travaux de restauration du lit et des berges, ainsi que sur la mise en place de structures pérennes de gestion.

Il s'agit d'un contrat signé entre l'Etat, les collectivités locales, les propriétaires riverains et les agences de l'eau, qui constitue un label national.

L'accord sur le contrat de rivière doit être soumis, tant pour le dossier préalable présenté à l'initiative des élus locaux, que pour le dossier définitif incluant le programme d'actions défini par le comité de rivière, à l'avis favorable du comité national d'agrément des contrats de rivière ou de baie, défini par l'arrêté ministériel du 22 mars 1993, et dont le président est désigné par le ministre.

La mission commune d'information souligne tout l'intérêt qu'il y aurait à déconcentrer la procédure des contrats de rivière à une échelle pertinente, qui lui paraît être celle d'un bassin hydrographique.

Proposition n° 3. : Déconcentrer la procédure d'élaboration d'un contrat de rivière, au niveau du préfet coordonnateur de bassin.

(2) Des conflits d'usage plus marqués au sein des « têtes de bassin »

L'évolution rapide d'une société agropastorale vers une société touristique s'est traduit par une véritable révolution des usages de l'espace et de la ressource en eau dans les zones de montagne.

Dans les vallées des têtes de bassin versant, où les terrains plats sont rares, le développement des constructions se heurte à la nécessaire prise en compte de la rivière.

Les conflits d'usage résultant du développement touristique portent d'une part sur la gestion qualitative et quantitative de la ressource en eau en période hivernale ; l'afflux de touristes concentré sur une très courte période accroît la demande en eau potable. Ainsi, en Haute-Savoie, les collectivités situées en tête des hauts bassins reçoivent en haute saison touristique plus de la moitié du flux touristique, soit 400.000 lits concentrés sur 20 % du territoire du département. La population est multipliée par 7 ou 10 alors que les débits d'étiage peuvent être au plus bas. En effet, dans les territoires de haute montagne, si la ressource hydrographique est globalement abondante, la ressource effectivement mobilisable en hiver est faible, surtout sur des bassins versants de taille réduite.

RESSOURCE EN EAU MOBILISABLE EN FÉVRIER

Cours d'eau à régime glaciaire : < 10 l/s/km²

Cours d'eau à régime nival : > 20 l/s/km²

Cours d'eau de plaine à régime pluvial : < 20 l/s/km²

Pour une station de sports d'hiver, dont la population atteint 30.000 habitants, les besoins sont évalués à 6.000 m 3 /j, soit un débit moyen journalier d'environ 70 l/s.

En outre, toute baisse du débit d'étiage restreint la capacité auto-épuratoire du cours d'eau.

Les besoins en neige de culture sont amenés à se renforcer pour augmenter la sécurité sur les pistes et assurer le bon déroulement du début et de la fin de saison. La production de neige de culture, qui se caractérise par une consommation d'eau importante, se concentre de novembre à février et donc à une période de faible étiage. La ratio de consommation « théorique » communément admis pour la production de neige de culture est de 1 m 3 d'eau pour 2 m 3 de neige fabriquée.

Un état des lieux réalisé dans le périmètre de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse fait état de 104 stations équipées, pour 15 % des surfaces skiables en moyenne et la consommation d'eau observée sur un an est estimée de 6,6 millions de m 3 .

Les trois types de mobilisation de l'eau pour la fabrication de la neige de culture sont :

- le prélèvement direct dans la ressource (cours d'eau ou plus rarement ressources souterraines), ce qui pose des problèmes compte tenu du faible niveau d'étiage ;

- le prélèvement dans les réseaux d'eau potable, ce qui est peu satisfaisant. Des pénuries ont déjà été recensées et la priorité doit être donnée au maintien de la distribution d'eau potable aux populations ;

- la mise en place de retenues collinaires, solution la plus utilisée, car elle présente l'avantage « de décaler » dans le temps le prélèvement sur le cours d'eau et de mobiliser par drainage les eaux de ruissellement.

Mais l'autorisation administrative de construire une retenue tient compte de trois paramètres, liés au respect du débit réservé du cours d'eau, à la préservation des milieux naturels remarquables ou préservés, notamment les zones humides, et aux impératifs de sécurité. Ceci explique que certains projets ne puissent être réalisés.

Les conséquences du développement touristique sur la demande d'eau doivent également tenir compte de la production hydroélectrique qui mobilise une ressource en eau très importante.

Enfin, le développement de produits touristiques estivaux peut donner lieu à des conflits d'usage. Il s'agit des sports d'eaux vives sous toutes leurs formes (du canoë cayak au canyonning).

Là également, les usages liés à ces pratiques viennent concurrencer d'autres utilisations de la ressource en eau : les besoins en irrigation de l'agriculture, mais surtout la production d'hydroélectricité. Ainsi, EDF a dû savoir prendre en compte ces nouveaux usages de l'eau à travers des partenariats, des protocoles signés au niveau national ou des conventions avec des acteurs régionaux ou locaux.

Dès l'origine, l'aménagement du lac de Serre-Ponçon (200 millions de m 3 réservés) a été prévu pour alimenter la Durance en aval en eau d'irrigation. C'est également un outil remarquable pour l'économie touristique des Haute-Alpes.

En outre, EDF a conclu une convention sur quatre ans avec la Fédération française de canoë kayak (FFCK) qui est régulièrement reconduite pour promouvoir la pratique des sports d'eaux vives et un protocole annuel définit un programme de lâchers d'eau pour permettre diverses manifestations.

3. Promouvoir une gestion intégrée des hauts bassins versants

a) Prendre en compte les obligations communautaires à venir

La directive du 23 octobre 2000 établissant un cadre communautaire de l'eau affiche des objectifs ambitieux et exige un cadre d'organisation très rigoureux.

(1) Les objectifs poursuivis par la directive-cadre

Le principe général de la directive-cadre est de définir, pour tous les milieux aquatiques continentaux et côtiers un cadre poursuivant les objectifs suivants :

- Sur le plan technique, est fixée une obligation de résultats ; d'ici à 2015 il faudra attendre le « bon état » -chimique, biologique, physique et hydrologique- pour l'ensemble des milieux considérés.

Des dérogations seront possibles mais dans des cas limités et elles devront être motivées. Elles pourront porter sur les délais, l'objectif de « bon état » pour les milieux très pollués ou encore la définition de dispositions spéciales s'agissant de milieux artificiels ou fortement modifiés.

- Sur le plan de l'organisation, le cadre de la planification s'appuie sur la constitution de « districts hydrographiques », unités de base de la gestion de l'eau et la désignation des « autorités compétentes » responsables de la mise en oeuvre des mesures.

Au préalable un état global du bassin doit être effectué en 2004 sur la base duquel doit être élaboré un plan de gestion en 2006, décliné à travers un programme de mesures défini en 2009 et opérationnel en 2012 afin d'atteindre l'objectif de « bon état » du milieu aquatique concerné. Le plan de gestion s'inscrit dans une révision et un élargissement du contenu du SDAGE (schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux).

- La directive-cadre introduit également une forte dimension économique à travers la notion de coût disproportionné pouvant justifier un régime dérogatoire et une approche « coût-bénéfice » dans l'analyse et le choix des actions à conduire. En outre, d'ici à 2010 les systèmes de tarification des usages de l'eau doivent inciter à une utilisation rationnelle de cette ressource et permettre une contribution appropriée de chaque secteur (domestique, industriel et agricole) aux coûts réels (techniques et environnementaux) de consommation d'eau.

- Enfin, la directive-cadre affirme la nécessité d'une meilleure participation du public au processus de planification, à travers une communication en amont lors des différentes étapes d'élaboration du plan de gestion et du programme de mesures, et l'obligation, à chaque étape de la consultation, de respecter un délai de six mois pour recueillir l'avis du public.

(2) Les implications de la directive-cadre pour les zones de montagne

Le cadre général de la directive n'établit pas de distinction directe selon les milieux géographiques, mais les conditions de sa mise en oeuvre présentent des enjeux spécifiques pour les zones de montagne.

- S'agissant de l'objectif fixé quant au bon état des milieux aquatiques, les têtes de bassin peuvent être prises comme référence. A l'inverse, les dérogations sur cet objectif admises pour les milieux fortement modifiés pourront trouver à s'appliquer sur les cours d'eau ou plans d'eau, supports d'équipements nécessaires à la production d'hydroélectricité.

- La mise en oeuvre de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, adoptée en 1991, impose des obligations lourdes aux collectivités locales, tant en ce qui concerne la collecte que le traitement des eaux usées à mettre en oeuvre avant fin 2005. En particulier, les difficultés seront importantes pour les stations touristiques caractérisées par des fortes variations de population, et des pics de fréquentation concentrés sur de courtes périodes pendant lesquelles les capacités d'auto-épuration des cours d'eau sont faibles en raison du niveau d'étiage.

- La nouvelle directive sur la qualité de l'eau potable adoptée en 1998 impose des règles strictes s'agissant des points de captage. En zone de montagne, ces points de captage sont multiples et de faible importance unitaire ; une évaluation de leur protection devra être établie, sans doute en privilégiant l'approche « coût-bénéfice ».

b) Les conditions d'une gestion intégrée des ressources en eau

Lors du colloque organisé à Megève en septembre 2002 sur la gestion intégrée des hauts bassins versants, auquel ont participé les délégués de plus de vingt pays, il a été réaffirmé la nécessité d'organiser une gestion effective et intégrée au niveau des bassins versants, en définissant le rôle et les compétences de chaque intervenant. La mission commune d'information fait siennes les recommandations et les propositions qui ont été faites au cours de ce colloque.

(1) Un cadre décentralisé de gestion

Il faut ainsi réaffirmer que le niveau des prises de décision, de maîtrise d'ouvrage et d'exploitation doit être décentralisé au plus près du terrain.

- A côté des administrations gouvernementales compétentes, la participation des représentants des autorités territoriales concernées, des différentes catégories d'usagers de l'eau et des écosystèmes aquatiques, ainsi que des associations porteuses d'intérêts collectifs de la société civile, doit être assurée au sein des conseils ou comités de bassin.

Il convient de prévoir et organiser l'information et la formation des cadres des administrations et des organismes de bassin, ainsi que celle, sous des formes appropriées, des membres des comités de bassin, des élus locaux et des représentants des usagers.

Proposition n° 4. : Des schémas d'aménagement doivent être élaborés par bassin versant, dans la concertation, le consensus et la co-responsabilité pour fixer les objectifs à atteindre à moyen terme.

- Pour connaître l'état de la ressource et des milieux, il faut recenser les usages, faire le bilan des pollutions et par la suite évaluer l'efficacité des programmes mis en oeuvre. Pour cela, il faut pouvoir disposer de systèmes d'information harmonisés afin de permettre des synthèses et des comparaisons inter-bassins.

Proposition n° 5. : Elaborer pour chaque bassin versant un système intégré d'observation et de monitoring fiable et représentatif et constituer des bases de données.

(2) Des moyens financiers adaptés

Il est certain que la réalisation des programmes d'intervention nécessaires pour remplir les objectifs fixés par le schéma directeur entraînera nécessairement des investissements importants pour gérer et préserver la ressource en eau et les écosystèmes et pour assurer la maintenance et le renouvellement des équipements. Ceci mobilisera des moyens financiers considérables.

Le mécanisme des redevances de bassin fondé sur l'application du principe « pollueur-payeur » et « utilisateur-payeur » doit être renforcé. En outre, les services collectifs d'eau potable, d'assainissement et d'irrigation doivent être facturés à leur coût véritable, tout en assortissant ce mécanisme de dispositifs de péréquation.

B. RELANCER UNE POLITIQUE FORESTIÈRE VALORISANTE

1. Les spécificités des forêts en zone de montagne

Les forêts de montagne tiennent, par nature, une place multifonctionnelle. En matière de protection, elles assurent un rôle de contention et de limitation de différents phénomènes naturels. Elles remplissent une fonction de préservation du milieu naturel, en abritant des espèces végétales et animales très variées. Elles assurent une fonction sociale évidente, en s'inscrivant dans des paysages de montagne de grande qualité et en accueillant de nombreux utilisateurs. Elles remplissent enfin une fonction économique longtemps primordiale pour l'économie locale, qui, tant bien que mal, est censée permettre à la forêt d'assurer aujourd'hui encore cette multifonctionnalité exemplaire.

L'équilibre économique fragile, en raison de handicaps naturels structurels et des contraintes pesant sur les marchés du bois, suppose pour être atteint que ceux-ci soient compensés. Il convient également pour encourager la multifonctionnalité de la forêt de montagne, de s'inscrire dans une démarche concertée.

a) Etat des lieux
(1) Prédominance des massifs forestiers

La forêt de montagne tient une large place dans l'espace montagnard (le taux de boisement est de l'ordre de 40 %, alors que la moyenne nationale est de 25 %). Elle représente 37 % du potentiel national en superficie comme en volume sur pied, et les enjeux directs de la gestion multifonctionnelle de cette forêt, en terme d'aménagement et de développement durable des territoires de montagne, sont plus grands que ceux de la plupart des forêts de plaine, notamment par leur rôle de réduction des phénomènes naturels d'érosion.

Une place plus forte est accordée aux sapins et épicéas (24 %) et les forêts non soumises au régime forestier (71 %) prédominent. Au cours des dix dernières années, la progression de la forêt de montagne a été supérieure à la moyenne nationale (6 % contre 3 %).

RÉPARTITION DES VOLUMES DE BOIS SUR PIED

Types de forêts

Volume
(milliers de m3)

%

m3/ha

Forêts de plaine et collines

1.261.240

63,37

146

Forêts de montagne

671.576

33,74

172

Forêts méditerranéennes

57.545

2,89

55

Total

1.990.361

100 %

146

Source : Inventaire forestier national, hors peupleraies - 1999

Schématiquement, du point de vue des handicaps et de l'exploitation, on peut distinguer :

- des massifs de moyenne altitude, au taux de boisement élevé, au réseau de desserte forestière dense, connaissant une production biologique élevée, base d'une exploitation forestière et d'une filière bois active. C'est le cas, des Vosges (330.000 ha), du Jura (225.000 ha) et, à un degré moindre, du Massif central (1.860.000 ha) ;

- des massifs de haute montagne, où l'exploitation se heurte à des handicaps naturels liés à l'altitude, à la pente et à la situation socio-économique locale ainsi qu'aux contraintes imposées par la protection de l'environnement. C'est le cas des Alpes (1.210.000 ha) et des Pyrénées (400.000 ha) ;

- des massifs méditerranéens où les peuplements forestiers de faible valeur économique subissent la menace constante des feux de forêts. C'est le cas de la forêt de Corse (100.000 ha), de la frange littorale des Alpes du Sud et des Pyrénées-Orientales, voire de l'Ariège.

Les forêts de montagne se caractérisent aussi par une importante accumulation de bois sur pied : le volume moyen par ha (165 m3) est supérieure de 20 % à la moyenne nationale. L'accroissement du volume de bois sur pied enregistré au cours des dix dernières années (+ 17 %) a été sensible dans certains massifs. Ce phénomène d'accumulation de bois sur pied traduit en fait le vieillissement des peuplements ; d'ailleurs dans la plupart de ces massifs montagnards, les taux de prélèvement de bois sont parmi les plus faibles de France.

Cette caractéristique révèle la sous-exploitation des forêts de montagne, qui est particulièrement marquée dans les Alpes et en Corse.

Parmi ces forêts de montagne, 300.000 ha relèvent de séries domaniales classées sous servitude de Restauration de terrains en montagne (RTM), acquises ou expropriées entre 1860 et 1914. Le service RTM, placé sous l'autorité du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales y conduit une politique de prévention des risques naturels.

Par ailleurs, il faut évoquer l'application de la loi du 28 avril 1922 dite « loi Chauveau » instaurant le statut de forêt de protection, pour, en montagne, classer des terrains boisés dont la conservation était nécessaire au maintien des terres. Ceci permettait d'accroître les possibilités de contrôler la gestion forestière en dehors des périmètres RTM domaniaux et de lutter contre l'exploitation abusive de certains massifs forestiers. L'essentiel des forêts de protection se trouve dans les Pyrénées (34.786 ha) et dans les Alpes (13.629 ha) et depuis 1982 sept classements ont été prononcés dans des départements de montagne (Savoie, Alpes de Haute Provence, Hautes-Alpes et Vaucluse).

Enfin, il faut souligner que le statut de forêt communale est fortement représenté dans les massifs montagneux. Ainsi dans les Vosges, le Jura, en Franche-Comté et dans l'Ain, les forêts publiques, sous maîtrise communale pour l'essentiel, représentent plus de la moitié des espaces boisés (33 % pour l'ensemble de la France).

(2) De bons indicateurs de santé

Les différents indicateurs de tableaux de bord disponibles témoignent dans l'ensemble du bon état de la santé des forêts de montagne.

Celles-ci présentent des spécificités par rapport aux forêts de plaine en matière de pathologie des arbres, en raison des rigueurs climatiques, du vieillissement des peuplements, de la pluviométrie élevée et de la prédominance des résineux.

Les rigueurs du climat montagnard sont à l'origine de risques spécifiques : ainsi les bris dues aux neiges lourdes mettent à la disposition des insectes d'importants stocks de bois mutilés, qui peuvent favoriser la multiplication des insectes sous-corticaux (hylésine, sténographe, érodé, pissode), au point de menacer parfois les bois sur pied. Les épisodes de gels précoces peuvent aussi être à l'origine du dépérissement actuel du hêtre dans les Ardennes belges.

Par ailleurs, les contraintes fortes à l'exploitation des peuplements propres aux zones de montagne (fortes pentes, faible desserte), sont à l'origine d'un vieillissement des peuplements, en particulier dans les séries RTM. Ce vieillissement donne à certaines pathologies l'occasion de s'exprimer. C'est par exemple le cas du gui, ou de l'armillaire dans les peuplements de sapin.

Il faut enfin souligner que les pathologies des arbres forestiers en zone de montagne présentent un tableau différent de zones de plaine tout simplement parce que la palette des essences y est différente, avec en particulier 55 % de résineux, contre 35 % au plan national. Or beaucoup de pathogènes ou de ravageurs ont partie liée avec une essence, ou un groupe d'essences. Il faut souligner que l'état de santé des résineux, lorsqu'ils n'ont pas été plantés dans des conditions trop différentes de leur optimum écologique (comme cela a été le cas pour nombre de plantations d'épicéas en plaine), n'est pas plus mauvais que celui des feuillus. En particulier, les déficits foliaires observés dans le réseau européen de suivi des dommages forestiers affectent moins les résineux que les feuillus.

Enfin, les forêts de montagnes sont soumises à une pluviométrie élevée, qui favorise l'acidification naturelle des sols, et accroît la part de dépôts acides reçus du fait des activités humaines. Ces dépôts sont de surcroît plus intenses dans les forêts de résineux, dont le feuillage, généralement persistant, filtre l'atmosphère et collecte les dépôts toute l'année, et dont la litière est en général naturellement plus acidifiante que celle des feuillus. La conjonction de ces facteurs expose les forêts de montagne, en particulier dans la moitié nord de la France (où les pluies sont plus chargées) au risque d'acidification des sols.

Source : Département Santé des Forêts - DERF - Ministère de l'Agriculture

Les tempêtes de 1999 ont diversement affecté les massifs forestiers en montagne. Ainsi, si les massifs alpins et pyrénéens ont été relativement peu touchés, les forêts des Vosges ainsi que du Jura ont été très sévèrement endommagées. On estime que l'équivalent de dix récoltes annuelles ont été ainsi perdues, ce qui impose de réviser l'ensemble des aménagements forestiers et des plans de gestion et aura des conséquences à court terme sur la santé des espaces forestiers. Le Massif central a été également sévèrement atteint par les tempêtes et plus particulièrement le Limousin, notamment le massif de la Margeride.

En dehors de cet événement climatique exceptionnel, de fortes inquiétudes étaient apparues au début des années 80 quant à l'état de santé à moyen terme des massifs forestiers en moyenne montagne en raison de l'acidification des sols. Ainsi, dans les Vosges ou les Ardennes où se conjuguent dépôts acides importants et roche pauvre, des problèmes d'acidification des sols apparaissent conduisant à une symptomatologie « de dépérissement » (jaunissement ou défoliation) constatée pour l'épicéa et le sapin. Un dispositif de suivi a été mis en place avec le soutien de l'Union européenne. Comme le relevait M. Michel Badré, directeur général adjoint de l'Office national des forêts (ONF) lors de son audition : « La communauté scientifique forestière s'accorde désormais pour considérer que cette grosse alerte était en réalité la conséquence de deux ou trois années de sécheresse exceptionnelle à la fin des années 70. Nous avons donc assisté, cinq ou six ans après, au contrecoup -classique en forêt- de cette sécheresse. En revanche, depuis vingt ans, aucune dégradation significative n'est à noter dans la santé des massifs de moyenne montagne. Toutefois, les tendances de très long terme font apparaître de manière significative une augmentation de la production ligneuse dans les forêts. Ce phénomène est probablement corrélé à l'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère. Cette accélération de la photosynthèse peut entraîner un appauvrissement de la composition des sols à laquelle il faut être vigilant ».

Enfin, s'agissant des surfaces acquises au titre de la RTM, une partie importante a été reboisée en essences rustiques, pin noir pour l'essentiel, afin de protéger les sols. Ces arbres doivent désormais être coupés et exploités et se posent alors les problèmes techniques de recomposition d'une forêt plus diversifiée, pour reconstituer progressivement le sol.

b) Identification des difficultés d'exploitation des massifs forestiers et des faiblesses de la filière bois
(1) Les difficultés d'exploitation

Le phénomène de vieillissement et de fragilisation progressive des forêts de montagne est accentué par la perte régulière de leur rentabilité économique.

Cette analyse vaut pour les forêts situées en haute montagne, qui sont insuffisamment desservies et où l'exploitation du bois est déficitaire. Il s'agit de forêts situées sur des pentes abruptes ou difficilement accessibles, où compte tenu de l'altitude, la production de bois y est plus faible et de moins bonne qualité.

Au coût d'exploitation, incluant le salaire des bûcherons et le coût du tracteur pour amener le bois en bord de route, il faut ajouter, en haute montagne, des surcoûts de bûcheronnage ou de débardage. Parfois, il est nécessaire de débarder par câble, voire même par hélicoptère, ce qui renchérit très fortement les coûts d'exploitation.

Dans les conditions extrêmes d'exploitation, la valeur nette du bois en valeur « sur pied » devient souvent négative. Ceci est d'autant plus fréquent qu'on enregistre une diminution quasi constante du prix du bois sur pied.

Les pouvoirs publics ont pris la mesure des difficultés rencontrées et comme le relevait M. Michel Badré devant la mission commune d'information, des mesures ont été adoptées pour « réduire le handicap économique incontestable dû aux conditions d'exploitation en zone de haute montagne ».

- Le câble a fait l'objet de différentes expérimentations pour développer son utilisation, à l'instar de ce qui se pratique en Autriche notamment.

- Dans le cadre du programme « compétitivité plus », des aides publiques ont aidé à la pérennisation de ce mode de débardage.

- Dans le cadre du Plan de développement rural national (PDRN), plusieurs mécanismes de subventions à l'exploitation et au débardage de bois par câble ont été mis en place, soit sous forme d'aide à l'installation du câble ou d'aide au m3 sorti ou encore d'aides à l'hectare.

- Pour améliorer les conditions de mobilisation du bois, il faut aussi porter une attention particulière à l'entretien et l'aménagement des dessertes forestières. Compte tenu de la topographie et des conditions climatiques, leur réalisation et leur entretien imposent des surcoûts importants.

La réalisation de ces dessertes, pour lesquelles les collectivités locales acceptent, dans certains cas, de se constituer maîtres d'ouvrage est rendue également plus difficile par le morcellement de la forêt privée entre de multiples propriétaires.

La loi d'orientation sur la forêt n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt a aménagé deux dispositifs afin de faciliter la réalisation de ces dessertes forestières :

- d'une part, l'article 33-XX modifie l'article L. 151-36 du code rural pour préciser que les collectivités territoriales peuvent prescrire ou exécuter des « travaux de desserte forestière ou pastorale lorsqu'ils présentent, du point de vue agricole ou forestier, un caractère d'intérêt général ou d'urgence ». L'article L. 151-38 du code rural est également complété pour indiquer : « lorsque en application du 1° de l'article L. 151-36 des travaux de desserte sont réalisés, l'assiette des chemins d'exploitation est grevée d'une servitude de passage et d'aménagement » ;

- d'autre part, l'article 33-IV de la loi du 9 juillet 2001 modifie l'article L. 321-5-1 du code forestier pour instaurer « en zone de montagne, une servitude de passage et d'aménagement nécessaire à l'enlèvement qui bénéficie à tout propriétaire ».

Cette disposition résulte d'un amendement défendu au Sénat par les membres du groupe d'études sur la montagne afin de faciliter autant que faire se peut l'exploitation forestière, y compris des fonds enclavés.

(2) Les faiblesses de la filière bois en zone de montagne

Comme le rappelait M. Michel Badré devant la mission commune d'information : « les difficultés rencontrées par la filière forêt-bois renvoient à la problématique plus générale de la compétitivité mondiale de l'industrie du bois résineux. Depuis une vingtaine d'années, on assiste à une évolution extrêmement rapide qui a abouti à une concentration forte et à une compétition mondiale accrue. Le marché apparaît ainsi entièrement déterminé par les grands pays producteurs -Canada, Finlande, Suède et Russie- et les pays fortement consommateurs -Etats-Unis, Japon et Europe de l'Ouest-, en particulier la Grande Bretagne, l'Allemagne, et, dans une moindre mesure la France ».

Plus généralement, si la forêt tient une large place dans l'occupation de l'espace montagnard, son poids dans les activités et l'emploi n'est cependant pas suffisant pour en déterminer l'évolution économique et sociale. Certes, à un niveau très local, la forêt peut être en mesure d'offrir un nombre significatif d'emplois, d'induire un développement touristique particulier et de jouer un rôle important dans la vie sociale, mais, force est de constater que, dans les douze départements où 80 % de la forêt sont en montagne, la sylviculture n'occupe que 4 % des actifs du secteur primaire et la filière-bois (comprise ici comme l'ensemble sylviculture, exploitation forestière, travail du bois, industries de l'ameublement et du papier-carton) 1,7 % de l'emploi total. L'économie rurale de beaucoup de régions montagnardes s'est progressivement diversifiée dans d'autres activités (tertiaire, santé, tourisme...) et surtout la répartition des entreprises de la filière-bois ne répond pas toujours à des logiques de proximité de la ressource , et nombre d'emplois induits par la production forestière échappent-ils en partie à la montagne.

Cette dernière remarque est moins vraie pour les entreprises de première transformation (sciage pour l'essentiel). Ainsi, environ 1.289 d'entre elles sont localisées en zones de montagne et elles induisent près de 40 % des emplois de l'activité de sciage en France. Elles sont généralement de petite taille, 16 seulement dépassent 50 salariés. Il est cependant certain qu'une partie de la production montagnarde de bois est sciée dans des entreprises situées en périphérie. En effet, on note qu'en zone de montagne il y a 1,7 emploi de sciage pour 1.000 ha de superficie de production, alors que ce même ratio s'établit à 2,8 dans les zones de plaine des départements situés partiellement en montagne. La géographie des entreprises de seconde transformation montre qu'elles sont principalement localisées dans des basses vallées, à proximité de grands centres urbains ou de zones portuaires.

Les principales difficultés que rencontrent les entreprises et qui ont été évoquées devant la mission commune d'information, lors de ses déplacements dans le sud du Massif central et le Jura, concernent la pénurie de main d'oeuvre, les surcoûts d'exploitation, l'enclavement, la longueur des transports pour les scieries installées en zone de montagne et le coût des investissements. Ainsi l'investissement nécessaire pour un matériel de séchage ne peut être amorti que sur un volume de production de sciage suffisant. Une petite scierie dont l'activité oscille entre 4.000 et 5.000 m3 par an ne peut pas s'équiper d'un tel matériel alors que le marché est demandeur de bois séchés.

Pour toutes les entreprises de sciage -et pas seulement celles situées en zone de montagne- qui peuvent consentir ces investissements, la loi d'orientation du 9 juillet 2001 sur la forêt a mis en place un dispositif d'amortissement spécifique pour la période 2001-2005. En effet, l'article 71 de la loi autorise les entreprises de la première transformation du bois à pratiquer, pour les matériels de production, de sciage ainsi que de valorisation des produits forestiers, le taux d'amortissement dégressif en vigueur, majoré de 30 %.

2. Garantir la multifonctionnalité des forêts de montagne

La mission commune d'information est convaincue de l'intérêt qu'il y a à encourager la multifonctionnalité des forêts de montagne, ce qui suppose une amélioration des conditions de la fonction productive des forêts garante des fonctions écologiques et sociales qui s'amplifient.

(1) Soutenir la fonction productive de la forêt

Pour permettre une meilleure valorisation des ressources forestières en montagne, il convient d'encourager le regroupement des parcelles, pour parvenir à des unités d'exploitation pertinentes.

S'agissant des petites parcelles, il convient de mentionner que l'article 69 de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt exonère du droit fixe d'enregistrement (1.500 F) les apports à un groupement forestier existant, constitués de terrains de bois ou à boiser, d'une surface inférieure à 5 ha et d'un montant inférieur à 50.000 francs.

Plusieurs dispositifs ont également été adoptés pour favoriser le regroupement des sylviculteurs pour leurs opérations de gestion et de commercialisation.

Ainsi l'article 32 de la loi introduit une procédure spécifique pour les zones de montagne, permettant à une association forestière autorisée par le préfet, à gérer des parcelles dont les propriétaires n'ont pu être identifiés au bout d'un délai de dix huit mois à compter de la décision préfectorale d'autorisation. Ces propriétaires non identifiés sont présumés avoir délaissé sans contrepartie leur droit de propriété sur le bien.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, un décret d'application est à l'étude.

Proposition n° 6. : Appliquer l'article 32 de la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt reconnaissant en zone de montagne à une association foncière forestière un droit de délaissement sur des parcelles dont les propriétaires n'ont pu être identifiés.

Il convient, par ailleurs, de se féliciter que le statut juridique et les conditions d'agrément des organismes de gestion et d'exploitation forestière en commun (OGEC) fasse l'objet d'un décret d'application à paraître très prochainement. Ce dispositif donne une base légale à des organismes qui concourent de façon significative à la structuration de l'amont de la filière forêt-bois, par le regroupement technique et économique de producteurs forestiers à un niveau macro-économique pertinent.

S'agissant des aides financières, certains dispositifs mis en place prennent en compte les handicaps et les surcoûts des forêts de montagne, comme prévu par l'article L. 7 du code forestier.

Les dispositifs d'aides aux investissements forestiers sont fixés pour 2001-2006 dans le volet forestier du plan de développement rural national (PDRN) et repris dans deux circulaires :

- la circulaire DERF/SDF/C2000-3021 du 18 août 2000 relative aux conditions de financement par le budget de l'Etat des projets de boisement, reboisement, de conversion, d'amélioration, d'équipement en forêt de production et des outils d'aide à la gestion ;

- la circulaire DERF/C2001-3010 du 7 mai 2001 relative aux conditions de financement par le budget de l'Etat des projets d'investissements forestiers ou d'actions forestières à caractère protecteur, environnemental et social.

D'une manière générale, les conditions de mise en oeuvre de ces deux circulaires ne prévoient pas de chapitre spécifique consacré aux investissements en forêt de montagne. Par contre pour prendre en compte les conditions naturelles et la situation particulière des forêts de montagne le taux de subvention, établi de manière forfaitaire au niveau régional, est majoré de 10 % pour les opérations en zone de montagne et remplissant les conditions de handicap de relief ou de desserte fixée au niveau régional. Une majoration supplémentaire de 10 % peut également compléter le taux de subvention pour les opérations situées dans les zones géographiques prioritaires retenues pour l'attribution des aides communautaires au développement rural.

Deux autres possibilités de majoration (zone d'intérêt écologique dit Natura 2000, opérations groupées) existent mais elles ne concernent pas spécifiquement les zones de montagne. La majoration maximum du taux de subvention est fixée à 20 %.

(2) Mettre en place les contreparties exigées par la fonction de protection des forêts

D'ores et déjà la circulaire du 7 mai 2001 contient un chapitre spécifique « restauration des terrains en montagne » lié au caractère spécifique de certains massifs forestiers de montagne dans la mise en oeuvre de la politique de prévention des risques naturels. Pour les massifs forestiers concernés par ce rôle de protection, les travaux pouvant bénéficier des aides de l'Etat concernent la zone située à la source du phénomène pour réduire la probabilité d'apparition du phénomène gravitaire et dangereux (protection active).

En outre, la mise en oeuvre de l'article 32 du RDR rédigé sur l'initiative de la France pour prendre en compte le rôle protecteur et écologique d'intérêt public des forêts, notamment de montagne, est un outil financier nouveau dont les conditions de mise en oeuvre ont été transcrites dans la mesure i.7.1 du PDRN.

Dans le cadre du PDRN, en application du règlement CE n° 1257/1999, il s'agit de mettre en place un dispositif de financement pour aider à la préservation et l'amélioration de la stabilité écologique des forêts remplissant un rôle protecteur d'intérêt public. Il s'agit d'une aide annuelle versée pendant toute la durée du contrat (5 à 10 ans) souscrit par le bénéficiaire sous la forme de paiements compensatoires. Ces paiements comprennent la prise en compte du déficit créé entre le montant de l'opération projetée et la valeur du revenu cadastral des parcelles comprises dans le périmètre du projet.

Ces opérations peuvent bénéficier d'un financement de l'Etat, éventuellement complété par les collectivités territoriales, l'ensemble étant cofinancé à hauteur de 40 % des dépenses publiques par la Communauté européenne.

Sont concernées par ces paiements compensatoires, les forêts détenues par les collectivités locales (communes et association de communes, sections) ainsi que les forêts privées. Ces forêts devront avoir un rôle reconnu de protection d'intérêt publique soit physique ou à caractère de prévention des feux de forêts. Le coût des mesures envisagées de gestion devra être supérieur au produit d'exploitation ordinaire de la forêt.

Source : Direction de l'espace rural et de la forêt, ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales

234.000 hectares de forêt de montagne sont concernés ainsi qu'environ 175.000 hectares de forêts à caractère de prévention des feux de forêt. Il est envisagé de traiter le dixième de cette surface dans un premier temps, c'est-à-dire pendant la durée d'application du PDRN (jusqu'en 2006). Le propriétaire de la forêt demandeur d'une aide devra démontrer le déficit économique en calculant d'une part son produit d'exploitation moyen annuel sur une période référence (le plus souvent 20 à 30 ans) et d'autre part le coût moyen annuel des mesures envisagées (sur la durée du contrat). En cas de déficit avéré il pourra alors bénéficier du versement de paiements compensatoires dont le montant ne peut être inférieur à 40 euros par hectare et par an, ni supérieur à 120 euros par hectare et par an.

Les prévisions d'engagements des crédits d'Etat font apparaître une moyenne annuelle d'environ 2 millions d'euros répartis sur 14 ans.

La mission commune d'information se félicite de la prochaine mise en place de ce dispositif financier pour aider à la préservation et à l'amélioration de la stabilité écologique des forêts de montagne.

Au delà, -et dans le cas où les propriétaires privés ne souhaitent plus ou ne peuvent plus assumer le coût d'entretien de cette fonction de protection- , il pourrait être justifié de faciliter l'achat de ces parcelles par les collectivités locales.

Comme le suggère, notamment l'association des communes forestières de Haute-Savoie, il pourrait être instauré un droit de préemption au profit des communes, au moment de la mise en vente des parcelles forestières ayant vocation de forêt de protection d'intérêt général.

Proposition n° 7. : Instaurer un droit de préemption au profit des communes, au moment de la mise en vente de parcelles forestières ayant vocation de forêt et de protection d'intérêt général.

(3) Soutenir les actions en faveur du « bois énergie » en zone de montagne

En matière d'énergies renouvelables, le bois joue un rôle central dans les zones de montagne. Le bois reste un secteur de consommation d'énergie important pour la France, puisque 5 % de l'énergie qui y est consommée provient du bois. Le bois est la deuxième énergie de chauffage des ménages. Il est surtout utilisé dans les maisons individuelles du secteur rural. Ainsi, la consommation du secteur rural est-elle de 8,5 millions de tonnes équivalent pétrole. On assiste toutefois aujourd'hui à une certaine tendance au recul, dans la mesure où le bois est un mode de chauffage qui reste souvent l'apanage de personnes âgées ou de maisons présentant des standards de confort assez faibles.

Pour le chauffage domestique au bois, l'ADEME a engagé trois actions majeures. Tout d'abord, elle encourage le développement de systèmes de chauffage plus performants. Dans cet esprit, a été lancé, avec l'ensemble des producteurs de matériel de chauffage existants en France, le label Flamme Verte. Son objectif est d'améliorer de 10 % le rendement des systèmes de chauffage, ce qui revient à réduire « la corvée de bûches ».

Le second axe d'action porte sur la caractérisation du bois pour mieux informer le consommateur. Dans ce cadre, une marque NF doit être mise en place en partenariat avec des producteurs de bois de chauffage.

Enfin, en vue de soutenir l'utilisation du bois comme énergie d'appoint, l'action développée par l'ADEME consiste à associer le bois à d'autres énergies, comme par exemple l'électricité. Ce type de solution se développe très rapidement, notamment dans les zones périurbaines et chez des ménages jeunes. Compte tenu de ces efforts de relance, on peut envisager d'accroître d'ici à 2010 la consommation de bois dans le chauffage domestique des ménages de plus de deux millions de tonnes équivalent pétrole.

A côté des actions menées dans le domaine de l'habitat individuel, l'ADEME encourage le développement de petits réseaux de chaleur, c'est-à-dire adaptés au chauffage de petits hôpitaux ou de bâtiments communaux (écoles, HLM, etc.) avec un objectif de 1.000 chaufferies collectives et industrielles d'ici à 2006. Le rythme actuel, qui atteint 150 installations par an, devra donc être accru. Les systèmes mis en place équivalent d'ores et déjà à un transfert vers le bois d'une consommation annuelle de 50.000 tonnes d'équivalent pétrole ; ils présentent l'intérêt de permettre une substitution des importations d'énergie par du travail dans les zones qui ont le plus besoin d'emplois. Ces actions portent sur des programmes qui concernent essentiellement la moyenne montagne : ils connaissent plus de succès dans les Vosges, le Jura et le Massif central que dans les Alpes et les Pyrénées. Actuellement, le montage de projets collectifs bois représente un investissement total de 50 millions d'euros.

Proposition n° 8. : Conforter les financements de l'ADEME en faveur de projets soutenant le bois-énergie

(4) Encourager la mise en place des chartes forestières de territoire

Afin que la forêt, notamment de montagne, assure un concours plus actif dans l'aménagement et le développement des territoires, la Charte Forestière de Territoire (CFT), créée par l'article L.12 du code forestier et introduite par la loi d'orientation sur la forêt, ouvre la voie aux modes contractuels pour prendre en compte des problématiques spécifiques à la forêt sur un territoire donné. La création de ce nouvel outil permet de conforter le rôle de la forêt dans les politiques d'aménagement et le développement durable des territoires, tout en favorisant l'implication des collectivités dans les évolutions de la politique forestière locale. L'Etat encourage ainsi les acteurs professionnels et institutionnels locaux à négocier les conditions de satisfaction des demandes particulières dont le massif forestier est l'objet. Selon la nature des problématiques traitées, l'Etat peut s'associer et financer le contrat.

Ce dispositif doit notamment permettre de promouvoir et valoriser certains biens et services actuellement non marchands auxquels la société accorde de plus en plus de valeur, et d'assurer ainsi une juste rémunération de certains services rendus par les forêts dès lors qu'une demande formalisée est identifiée et qu'un contrat prenant en compte le coût de satisfaction de cette demande particulière est librement négocié. Mais elle permet également d'envisager la contractualisation des approvisionnements d'une scierie, ou toute autre industrie de première transformation du bois, sur un massif forestier d'une certaine ampleur, au-delà des différents types de propriété, et contribuer ainsi au développement économique et social des territoires montagnards.

La charte favorise la rencontre entre les prestataires de biens et services que sont les propriétaires forestiers, et des demandeurs responsables, motivés par un ou plusieurs de ces biens et services, par une évolution de la sylviculture au service d'un objectif précis, voire par l'avenir global d'un territoire forestier. Les chartes forestières de territoire, signées pour une durée déterminée, portent donc sur un territoire identifié a priori comme pertinent vis-à-vis d'une ou plusieurs problématiques, selon la logique suivante : une problématique conduisant à une offre et à une demande identifiées, des acteurs, un territoire, un contrat. La charte forestière de territoire regroupant les projets individuels dans une approche globale sur un territoire donné permet de faire bénéficier, les porteurs de projets, d'une majoration des aides de l'Etat de 10 %. De même, la charte de territoire forestier est le support idéal pour la mise en oeuvre des paiements compensatoires définis à l'article 32 du RDR et déclinés dans la mesure i.7.1 du plan de développement rural national.

Actuellement 20 chartes sont à l'étude dont 10 en zone de montagne . Deux chartes forestières de territoire ont été signées début janvier 2002. Elles concernent des territoires de montagne : le parc naturel régional des Bauges (Savoie et Haute-Savoie) et la communauté de communes du Pays de Murat (Cantal). Le dispositif est intéressant, mais il gagnerait à être simplifié sur le plan de la procédure. Il conviendrait, notamment, de désigner un chef de file unique sur le plan administratif pour piloter le projet de charte.

3. Pour une politique de la forêt de montagne reconnue au niveau européen

Les forêts de montagne représentent un tiers des forêts d'Europe. Diversifiées, dans un milieu naturel et socio-économique fragile, elles restent une richesse, un moyen de protection contre les risques naturels, une source d'emplois et de revenus pour les populations aussi bien de montagne que de plaines.

En 1995, le Conseil Supérieur de la Forêt et des Produits Forestiers, fixait dans quinze propositions les axes d'une politique en faveur des forêts de montagne en France. L'Observatoire Européen des Forêts de Montagne (OEFM) a été mis en place en 1996 suite à une de ces propositions, avec l'appui de la Fédération Européenne des Communes Forestières et le soutien financier du Ministère français en charge de la forêt, de l'Office National des Forêts et de la Région Rhône-Alpes où il se situe.

En 1998, les ministres européens et la Commission confient à l'OEFM le mandat de coordination internationale de la Résolution S4 « Forêts de montagne » de la Conférence pan-européenne sur les forêts, en collaboration avec la FAO, Nations Unies. Aux vingt-cinq pays signataires actuels s'ajoute le Royaume-Uni qui a officiellement annoncé sa volonté se signer la Résolution S4 lors de la prochaine Conférence ministérielle de Vienne en 2003.

Depuis, l'OEFM a produit, avec le soutien financier de la Commission européenne, le Livre Blanc de la forêt de montagne en Europe en se situant comme un outil fédérateur entre les acteurs locaux (propriétaires privés et communes forestières), les régions, les états, l'Europe, les Nations Unies et les organisations concernées, y compris les scientifiques.

Aujourd'hui, l'OEFM qui est basé en France, est une institution reconnue et incontournable dans les initiatives d'échange, de suivi et de propositions dans les domaines technique, scientifique, économique et politique.

Actuellement, trois perspectives se dessinent :

- l'adhésion des régions d'Europe, au même titre que les parties signataires de la S4 ;

- l'identification des massifs transfrontaliers pour une définition de lignes directrices harmonisées dans les domaines de la production du bois, la protection des sites, la lutte contre les risques et le développement des loisirs ;

- l'expérimentation commune en Europe de mesures et d'initiatives de développement, conservation, gestion et formation.

Dans cette perspective européenne, il pourrait être intéressant de développer, s'agissant des Alpes et des Pyrénées, une coordination plus étroite en matière forestière respectivement avec l'Italie et l'Espagne, dans le cadre de plans de développement forestier par massif ainsi que dans des chartes forestières de territoire trans-frontalières. L'OEFM pourrait se voir confier ce rôle de coordination et de transfert de savoir-faire.

Il convient, comme le souligne la Fédération des communes forestières, au sein des organismes nationaux concernés par la montagne, de renforcer l'OEFM en tant qu'outil permanent au service de la conservation et du développement des régions de montagne dans une perspective aussi bien nationale qu'européenne.

Proposition n° 9. : Soutenir financièrement les actions menées par l'OEFM en faveur des forêts de montagne.

III. RENFORCER LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Les risques naturels sont beaucoup plus fréquents en zone montagnarde que sur la moyenne du territoire national. Près des trois quarts des communes de montagne sont soumis à un au moins des risques inondations, séismes, mouvements de terrain, avalanches ou feux de forêts, contre une commune sur deux à l'échelle nationale. Dans les Alpes, un quart des communes en cumule au moins quatre.

Ainsi, le bilan des avalanches établi pour 2001 -année considérée comme relativement clémente- s'établit comme suit :

Départements

Nombre

de couloirs suivis

Nombre d'avalanches observées

74

668

52

73

1 114

223

38

653

89

05

854

269

04

150

83

06

229

99

66

35

0

09

78

40

31

86

5

65

193

2

64

78

28

Total

4 138

890

Source : Rapport RTM 2001

Le nombre de morts, qui s'établit à 28, est légèrement en dessous de la moyenne des 30 dernières années, alors que la fréquentation de la montagne est en augmentation.

A signaler d'autre part qu'aucune victime n'est à déplorer dans les zones où le public s'estime sécurisé (habitations, routes, pistes de ski ...).

Pour les autres risques, 253 événements ont été recensés : 167 pour les Alpes du Nord, 80 pour les Alpes du Sud et 6 pour les Pyrénées. Il s'agit principalement de glissements de terrain (103), mais aussi de crues torrentielles (65) et d'instabilités rocheuses.

D'où l'importance stratégique de mener une politique de protection efficace mais également de prévenir les conséquences de ces phénomènes naturels.

A. POUR UNE RÉNOVATION DE LA POLITIQUE DE RESTAURATION DES TERRAINS EN MONTAGNE (RTM)

1. L'importance historique du service RTM

a) Définition d'une politique RTM dans la seconde moitié du XIXe siècle
(1) Apparition d'une « idéologie » de la restauration et du boisement

Jusqu'à la fin du XVIII e siècle a perduré l'idéologie du défrichement. Le bois, produit industriel, devait répondre à la consommation croissante des manufactures et de la marine. L'intérêt et la nécessité du reboisement n'apparaissent que progressivement.

Ce mouvement est accompagné par l'émergence d'une doctrine technique faisant appel au génie biologique puis civil pour défendre l'idée d'une « forêt de protection ».

Plus prosaïquement, la première loi votée en 1860 le fut sous la pression de catastrophes naturelles, en l'occurrence des crues survenues sur la plupart des grandes rivières entre 1845 et 1860 et ces phénomènes d'inondation ont occasionné un grand nombre de victimes et de dégâts.

(2) Mise en place progressive et laborieuse du cadre législatif

Abrogée en 1874, la loi adoptée en 1860 était avant tout une loi de boisement systématique, imposée par l'Etat centralisé, fondé sur l'expropriation et qui a rencontré les plus vives oppositions des populations locales. L'objectif affiché portait sur plus de 1,3 millions d'hectares. Outre le coût très élevé de ce dispositif pour les finances publiques, il est apparu que le boisement devait s'accompagner d'autres mesures pour régler des cas d'érosion extrêmes.

Adoptée en 1864, la loi pour le « ré-engazonnement » des montagnes mettait l'accent sur la reconstitution d'un couvert végétal ce qui autorisait les activités de pastoralisme, enjeu essentiel pour l'activité locale.

La loi de 1882 sur la restauration des terrains de montagne fonde alors le dispositif actuel en instituant les « périmètres RTM », zones expropriables par l'Etat. Sur les zones réellement expropriées dites « séries RTM » ont été mis en place des boisements mais également des ouvrages de protection.

b) La mise en oeuvre de la politique RTM
(1) « L'âge d'or » (1882 -1914)

Pendant cette période, sont réalisés la plus grande partie des travaux et des ouvrages, souvent de très grande importance, mobilisant des moyens financiers et humains considérables. 1.100 torrents ont été traités, une centaine de couloirs d'avalanches et plus de 100 glissements de terrain. Les 177 périmètres RTM définis ont permis de prendre en compte 300.000 hectares. Vingt six départements sont alors couverts par un service RTM.

(2) L'âge de la gestion (1914-1940)

Comme dans tous les pays alpins, les difficultés économiques et les effets démographiques dus à la première guerre mondiale entraînent un fort ralentissement dans la politique d'acquisition et de travaux « neufs ». En France, la seconde guerre mondiale va accélérer cette évolution. Entre 1940 et 1980, et malgré des besoins d'entretien de plus en plus importants, on constate une réduction tendancielle des crédits, aggravée par un renchérissement du coût de la main d'oeuvre.

2. Vers une rénovation en profondeur du service RTM

a) La réforme du service RTM en 1980

Cette évolution importante dans la définition du service et de ses missions s'inscrit dans le contexte dramatique des accidents de Val d'Isère et de Passy en 1970 qui a mis l'accent sur le risque d'avalanche et sur les moyens de protection des personnes et des biens à mettre en place. Le développement du tourisme en montagne imposait cette évolution. La création du service RTM se traduit alors par un recentrage territorial fort et par la diversification de ses missions.

(1) Réduction de l'implantation territoriale

La couverture territoriale du service RTM se limite désormais à onze départements de haute montagne, où s'exerce « une érosion active et à haut risque ».

Ils se répartissent ainsi :

Alpes du Nord : Haute-Savoie, Savoie, Isère ;

Alpes du Sud : Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence et Alpes-Maritimes ;

Pyrénées : Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques.

Dans les départements où l'érosion est moins active, « la gestion normale des peuplements constitués » est confiée à l'Office national des forêts au titre des forêts domaniales.

Lorsque la mission commune d'information s'est interrogée sur l'utilité de disposer de services RTM dans les autres départements, notamment pour pouvoir disposer de leur capacité d'expertise et d'intervention, la réponse apportée a été malheureusement d'ordre budgétaire ! Comme le soulignait M. Yves Cassayre 13 ( * ) : « Ceci ne semble pas être à l'ordre du jour : actuellement, le financement du service RTM est tenu à bout de bras par le ministère de l'Agriculture. Chaque année, les discussions sont âpres pour que le financement ne soit pas revu à la baisse ».

La multiplication des phénomènes climatiques brutaux, aux conséquences dramatiques tant en vies humaines qu'en ce qui concerne l'activité économique, conduit néanmoins à s'interroger sur l'éventuelle nécessité de doter de nouveaux départements d'un service RTM.

(2) La forte diversification des missions du service RTM

Aux tâches traditionnelles de gestion patrimoniale des terrains domaniaux RTM sur lesquels on recense 20.000 ouvrages, se sont ajoutées des missions tendant à assurer la sécurité « directe » des personnes et des biens. Selon les départements, et en fonction de l'implication plus ou moins grande des collectivités territoriales, ces nouvelles missions occupent une part croissante des services RTM.

Ces nouvelles activités portent sur :

- la cartographie réglementaire des risques naturels. Dans les années 1970, cette cartographie a été initiée en zone de montagne à travers la cartographie des avalanches, confiée au CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et forêts), les cartes des zones d'exposition au risque du mouvement de sol et du sous-sol (cartes ZERMOS), les plans des zones exposées aux avalanches (PZEA) et les plans des zones exposées aux risques naturels (PZERN). La loi du 22 juillet 1987 modifiée par la loi du 2 février1995 met en place les plans de prévention des risques naturels et fusionne ces différentes cartographies au sein du PER (plan d'exposition aux risques naturels prévisibles) qui devient le PPR (plan de prévention des risques naturels) ;

- la prise en compte des risques naturels dans l'aménagement et l'urbanisme. A la demande des services déconcentrés de l'Etat en charge de l'urbanisme et de l'aménagement ainsi que des communes, les services RTM sont de plus en plus sollicités à l'occasion de l'instruction des autorisations d'urbanisme.

Les tableaux ci-dessous recensent ces différentes interventions :

PLANS LOCAUX D'URBANISME À L'ÉTUDE EN 2001

Nbre de « porté à connaissance »

Nbre de PLU « vérifiés »

Nbre de participations à des réunions communales

Haute-Savoie

20

38

13

Savoie

71

17

30

Isère

31

24

29

Hautes-Alpes

17

17

39

Alpes-de-Haute-Provence

2

5

1

Alpes-Maritimes

20

3

3

Pyrénées-Orientales

1

11

16

Ariège

14

0

0

Haute-Garonne

0

0

0

Hautes-Pyrénées

15

6

0

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

TOTAL

191

121

131

Source : Rapport RTM 2001

ENQUÊTES ALÉAS-ENJEUX-RISQUES EN 2001

Nombre de communes à l'étude en 2001

dont mis à l'étude en 2001

achevées

en 2001

Haute-Savoie

1

0

0

Savoie

9

0

0

Isère

39

8

30

Hautes-Alpes

0

1

2

Alpes-de-Haute-Provence

0

0

0

Alpes-Maritimes

1

1

0

Pyrénées-Orientales

0

0

0

Ariège

0

0

0

Haute-Garonne

0

0

0

Hautes-Pyrénées

0

0

0

Pyrénées-Atlantiques

0

0

0

TOTAL

50

10

32

Source : Rapport RTM 2001

DOSSIERS PONCTUELS 2001

U.T.N.

P.I.D.A.

Avalanches

Permis de construire ou certificats d'urbanisme

dont remontées mécaniques

Haute-Savoie

8

3

587

29

Savoie

16

0

350

20

Isère

0

2

433

9

Hautes-Alpes

3

4

516

3

Alpes-de-Haute-Provence

1

0

499

2

Alpes-Maritimes

0

0

48

2

Pyrénées-Orientales

0

5

383

4

Ariège

1

2

350

2

Haute-Garonne

0

0

25

0

Hautes-Pyrénées

1

4

222

21

Pyrénées-Atlantiques

1

0

12

3

TOTAL

31

20

3 425

95

Source : Rapport RTM 2001

Comme cela a été souligné devant la mission commune d'information, la plupart des services ont atteint le seuil de saturation :

- La sécurité publique . Les services RTM interviennent de plus en plus fréquemment, à la demande du Préfet ou de maires confrontés à une situation de danger potentiel ou établi. Les questions à résoudre sont directement liées à la sécurité des personnes. En outre, les services RTM peuvent être amenés à élaborer les dossiers techniques d'aide à la reconnaissance de catastrophe naturelle.

- Participation aux travaux de protection réalisés par les communes . En complément des travaux effectués par l'Etat, la plupart des communes souhaitent, en complément ou en substitution, organiser la protection rapprochée de certains immeubles ou infrastructures. Une partie de ces travaux sont subventionnés par l'Etat -sur des crédits RTM-, les régions et les départements dans le cadre des contrats de plan Etat-Région ou des nouvelles conventions de massifs (Alpes et Pyrénées).

En 2001, le montant des travaux réalisés par les communes s'élevait à 90,71 millions de francs, répartis comme suit :

- Etat : 18,56 %

- Région : 15,31 %

- Département : 7,38 %

- Europe : 1,67 %

- Commune : 54,89 %

- Autres : 2,18 %

Au total, les travaux réalisés par les services RTM s'élèvent à 154,28 millions de francs en 2001 répartis comme suit :

REGIONS

Gestion patrimoniale

Travaux des Communes

TOTAL GÉNÉRAL


ADMINISTATIVES

Entretien + Travaux neufs

Travaux neufs

M.F.

%

RHÔNE-ALPES

27,451

49,846

77,297

50,10

PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

28,910

11,970

40,880

26,50

LANGUEDOC-ROUSSILLON

5,262

2,885

8,147

5,28

MIDI-PYRÉNÉES

17,799

7,538

25,337

16,42

AQUITAINE

0,000

2,623

2,623

1,70

TOTAL

79,422

74,862

154,284

100


Source
: Rapport RTM 2001

Les travaux d'investissement et d'entretien ont été consacrés pour 70 % à la correction torrentielle, 12 % au risque avalanche et 11 % aux chutes de pierres.

b) Une clarification nécessaire des moyens budgétaires et des compétences
(1) Des moyens budgétaires à renforcer

S'agissant des moyens budgétaires alloués à la gestion des terrains en montagne, force est de constater -pour le regretter- leur faible progression.

- Entre 1991 et 2000, en ce qui concerne les crédits d'entretien, la dotation travaux a été simplement reconduite ou en forte diminution en 1995, 1997 ou 1999. Une remise à niveau semble néanmoins s'amorcer comme le montre le tableau ci-dessous.

EVOLUTION DE LA LIGNE BUDGETAIRE 35.92 - 90.92

Travaux d'entretien RTM et coût du service depuis 10 ans

(en euros)

CREDITS OUVERTS

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

8.761.301

9.213.758

9.174.558

8.200.122

9.368.664

8.360.021

10.229.307

10.364.718

13.219.044

15.680.554

A déduire prix du service payé dans l'année en cause

4.808.968

5.433.022

4.974.587

5.821.918

6.140.784

6.225.734

6.387.592

7.314.213

7.174.440

7.219.633

Dotation Travaux

3.952.332

3.780.736

4.199.970

2.378.205

3.227.880

2.134.286

3.841.715

3.050.505

6.044.604

8.460.920

Travaux

------------------------  %

Crédits ouverts

45,11

41,03

45,78

29,00

34,45

25,53

37,56

29,43

45,73

53,96

- La diminution des crédits d'investissement est encore plus marquée sur la même période, la tendance s'inversant cependant à partir de 1998.

CREDITS D'INVESTISSEMENT

(CHAPITRE 51.92 - ART. 90.92)

Evolution des enveloppes annuelles

(en euros - hors réaffectations)

ANNEE

EUROS COURANTS

EUROS 2001

1982

2.355.337

4.117.130

1983

3.111.866

4.963.426

1984

3.249.070

4.824.869

1985

3.384.368

4.748.269

1986

3.296.474

4.506.280

1987

3.244.115

4.298.452

1988

3.384.368

4.365.835

1989

3.704.511

4.612.116

1990

4.283.817

5.162.000

1991

5.183.267

6.048.872

1992

3.236.035

3.689.080

1993

2.240.238

2.502.346

1994

2.530.654

2.781.188

1995

2.286.735

2.469.674

1996

1.753.164

1.856.600

1997

2.134.286

2.232.463

1998

2.805.062

2.914.459

1999

2.949.257

3.049.531

2000

3.384.521

3.442.057

2001

3.468.977

3.468.977

Source : Rapport RTM 2001

CRÉDITS D'INVESTISSEMENT

(CHAPITRE 51.92 - ART. 90.92)

Autorisations de programme créées en 2001

(en euros)

REGION

Crédits du

budget 2001

Rhône-Alpes

1.051.898

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1.349.936

Languedoc-Roussillon

228.674

Midi-Pyrénées

838.470

TOTAL

3.468.977

Source : Rapport RTM 2001

Compte tenu de l'importance des travaux engagés par les services RTM pour assurer l'entretien des ouvrages, renouveler les plus anciens ou réaliser des investissements pour assurer le maintien et la protection des terrains en montagne, la mission commune d'information attache la plus grande importance à ce que les crédits budgétaires alloués soient préservés voire augmentés.

Proposition n° 10. : S'engager sur une hausse raisonnable des crédits d'entretien et d'investissements RTM

(2) Une nécessaire clarification des compétences et des participations financières au sein de l'Etat

La diversification des missions confiées aux services RTM ne s'est pas accompagnée d'une clarification s'agissant des donneurs d'ordre. L'implication du ministère de l'agriculture et de la pêche sur le budget duquel sont inscrits les moyens du service RTM est clairement identifiée. Mais il n'en est pas de même des autres ministères en charge de l'équipement, de l'environnement ou encore du ministère de l'Intérieur.

Lors de son audition, M. Yves Cassayre a été amené à déclarer : « Ainsi, je regrette fondamentalement que, depuis trente ans qu'existe le ministère de l'Environnement -et alors même qu'il a logiquement été doté d'un nombre croissant de compétences, notamment en matière de risques naturels-, ce ministère n'ait pas pris en charge, au moins partiellement, les services RTM qui travaillent sur ce créneau ».

Cette question est fondamentale pour assurer une meilleure lisibilité de l'action de l'Etat sur le terrain, et elle devrait permettre de conforter le financement des services RTM.

Proposition n° 11. : Préciser les participations financières des différents services de l'Etat aux missions remplies pour leur compte par les services RTM

Plus généralement, on peut considérer que la politique de restauration des terrains de montagne doit se rénover en profondeur pour répondre aux nouvelles attentes de la société et ceci suppose une évaluation fine de celles-ci mais également des mécanismes de fonctionnement du service RTM.

B. RENFORCER LA MISE EN PLACE DES PLANS DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS (PPR) EN MONTAGNE

1. Un instrument indispensable en zone de montagne qui nécessite des moyens budgétaires supplémentaires

a) Définition et contenu du plan de prévention des risques
(1) Une politique globale de prévention des risques

Le PPR s'inscrit dans un ensemble de réflexions et de dispositifs de prévention des risques :

- L'information préventive des citoyens, prévue par l'article 21 de la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs.

- La protection des lieux habités par des ouvrages réalisés par l'Etat ou par les collectivités locales afin de contribuer à réduire la vulnérabilité de l'existant et à améliorer les conditions de vie face aux risques.

- Les plans de secours et d'évacuation fixent à l'avance les conditions d'organisation de la gestion de crise dans les implantations soumises à un événement naturel.

Le principe du PPR a été défini dans le cadre de la nouvelle politique de prévention des risques naturels définie par le comité interministériel du 24 janvier 1994.

La circulaire interministérielle (Intérieur-Equipement-Environnement) du 24 janvier 1994 relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables précise ainsi les objectifs à atteindre :

- interdire les implantations humaines dans les zones les plus dangereuses où la sécurité des personnes ne peut être intégralement garantie ;

- préserver les capacités d'écoulement et d'expansion des crues pour ne pas aggraver les risques ;

- sauvegarder l'équilibre des milieux dépendant des petites crues et la qualité des paysages.

Le PPR est régi par les articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement qui reprennent les articles 40-1 à 40-6 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs, modifiée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Les modalités d'application de cet outil réglementaire qui reprend, en se substituant en partie à eux, les plans d'exposition aux risques (PER), les périmètres de risques délimités en application de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, ainsi que les plans de surface submersibles (PSS), sont fixées par le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995.

Le PPR a pour objet de délimiter les zones directement exposées à des risques, et d'autres zones qui ne sont pas directement exposées mais où certaines occupations ou certains usages du sol pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux.

Les documents d'urbanisme doivent prendre en compte les risques naturels en application de l'article L. 121-10 du code de l'environnement. En conséquence, le PPR constitue une servitude d'utilité publique qui s'impose à tous et il doit notamment être annexé au plan local d'urbanisme (PLU).

Plus largement, l'objectif du PPR est de prendre en compte les risques naturels dans l'aménagement et le développement des territoires.

(2) Contenu du plan de prévention des risques

Le PPR relève de la responsabilité de l'Etat. Celui-ci doit afficher le risque et prendre les mesures pour réduire la vulnérabilité.

Avec le PPR, le préfet peut ainsi délimiter les zones exposées ou non directement exposées aux risques naturels comme les couloirs d'avalanches et y définir les interdictions ou prescrire des conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation de nouvelles constructions. Il peut également définir des mesures de prévention (maintien du couvert forestier), de protection (réalisation d'un ouvrage) et de sauvegarde (dispositif d'alerte et d'évacuation) à prendre par les particuliers et les collectivités territoriales. Il peut aussi, et surtout, définir des mesures d'aménagement, d'utilisation ou d'exploitation des constructions et ouvrages existants que doivent prendre les propriétaires ou utilisateurs (renforcement des constructions, obstruction d'ouvertures exposées, renforcement de toiture, interdiction de dépôts de matériaux, occupation temporaire). Ces deux types de mesures peuvent être rendus obligatoires dans un délai maximal de 5 ans avec exécution d'office par l'Etat si celles-ci n'ont pas été réalisées aux échéances fixées.

La stratégie adoptée pour l'élaboration des PPR consiste à mobiliser les connaissances actuelles et des études qualitatives pour engager rapidement une démarche concertée et aboutir à un document lisible et opérationnel.

Celle-ci passe par plusieurs étapes successives d'élaboration de cartes.

Une première étape de recueil des données historiques, des études et des connaissances locales doit aboutir à la carte informative des phénomènes. Puis la carte des aléas en trois niveaux est établie notamment à partir de l'intensité du phénomène prévisible. Ensuite la carte des enjeux actuels et futurs va identifier les secteurs à traiter en particulier. Le croisement de ces deux cartes permet de définir la trame de la cartographie réglementaire où seront ainsi délimitées les zones inconstructibles ou constructibles sous conditions particulières. Le règlement des zones permettra de définir les conditions de nouvelles constructions, les mesures à prendre sur l'existant et les mesures de prévention à prendre notamment par les collectivités publiques.

Dans les départements de montagnes, l'élaboration des PPR est essentiellement réalisée par les services de restauration des terrains en montagne (RTM) et les directions départementales de l'équipement qui sont fortement mobilisées sur ce programme.

Le PPR constitue ainsi une excellente procédure du point de vue du contenu mais aussi du point de vue de la sécurité juridique des élus et des services de l'Etat. Il substitue à une série d'avis donnés au coup par coup une stratégie globale et préalablement définie.

b) Un bilan à conforter par un renforcement des moyens budgétaires
(1) Une couverture encore insuffisante des zones de montagne

Au 1 er août 2002, sur la France entière, 3.300 communes sont dotées d'un PPR approuvé tandis que 5.000 autres sont en cours d'élaboration.

Dans les départements à dominante montagneuse, essentiellement dans les massifs alpin et pyrénéen, la plupart des PPR élaborés présentent un caractère multirisque où le risque d'inondation par crue torrentielle côtoie d'autres aléas naturels et notamment celui de mouvement de terrain.

Le tableau ci-dessous précise par département de montagne le nombre de communes ayant un PPR prescrit ou approuvé ainsi que les risques pris en compte.

NOMBRE 14 ( * ) DE COMMUNES COUVERTES PAR UN PPR (PPR ET VALANT PPR -R 111.3 ET PER-)
PAR DÉPARTEMENT DE MONTAGNE ET PAR RISQUE

Tout risque confondu

Inondation

Mouvement de terrain

Avalanche

Séisme

Incendie de forêt

04

Approuvé

27

25

21

5

18

0

Prescrit

6

6

5

3

5

0

05

Approuvé

5

3

5

3

2

0

Prescrit

20

21

20

20

16

0

06

Approuvé

38

20

25

0

12

5

Prescrit

28

16

7

0

2

19

38

Approuvé

194 15 ( * )

190

176

90

19

0

Prescrit

8

7

7

9

14

0

73

Approuvé

29

25

10

8

9

0

Prescrit

45

48

29

14

16

0

74

Approuvé

85

85

73

48

0

0

Prescrit

21

21

21

5

12

0

Sous-total

Approuvé

378

348

310

154

60

5

Alpes

Prescrit

128

119

89

51

65

19

09

Approuvé

13

12

13

4

11

2

Prescrit

3

3

3

0

2

0

31

Approuvé

27

26

21

14

17

0

Prescrit

63

63

20

4

14

0

64

Approuvé

39

34

11

12

4

0

Prescrit

32

35

10

8

6

0

65

Approuvé

36

23

26

19

22

7

Prescrit

21

21

16

12

19

3

66

Approuvé

42

42

38

8

22

0

Prescrit

13

12

7

0

5

0

Sous-total

Approuvé

157

137

109

57

76

9

Pyrénées

Prescrit

132

134

56

24

46

3

39

Approuvé

10

72

0

0

0

0

Prescrit

94

1

0

0

0

0

88

Approuvé

11

0

0

0

0

0

Prescrit

94

0

0

0

0

0

2A

Approuvé

28

0

0

0

0

0

Prescrit

9

0

0

0

0

0

2B

Approuvé

26

0

0

0

0

0

Prescrit

32

0

0

0

0

5

Total

Approuvé

610

557

419

211

136

14

montagne

Prescrit

489

254

145

75

111

27

Source : base de données Corinte du ministère de l'Ecologie et du développement durable

NB : sont comptés comme PPR prescrits les PPR prescrits non approuvés

La complexité des études en montagne rend leur élaboration difficile : on dénombre néanmoins dans les départements de montagne plus de 600 communes dotées d'un tel document tandis que pour près de 500 autres il est en cours d'élaboration.

(2) Un renforcement des moyens budgétaires indispensable

Il convient de souligner que des moyens financiers conséquents et en progression constante, assortis de moyens en personnels renforcés ont permis d'accélérer le rythme d'élaboration des PPR. En effet, en application de l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 1999, les dépenses de l'Etat afférentes aux études nécessaires à la préparation et à l'élaboration des PPR sont financées pour moitié par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs du 1 er janvier 2000 au 1 er septembre 2006. Ainsi, les crédits délégués aux services déconcentrés pour l'élaboration des PPR sont passés de 4,03 millions d'euros en 1998 à 12,48 millions d'euros en 2000 et 15,88 millions d'euros en 2002.

L'objectif ambitieux fixé à 5.000 PPR réalisés en 2005 sera vraisemblablement atteint mais selon M. Yves Cassayre, il serait souhaitable d'accélérer encore la réalisation des PPR en montagne.

Au-delà de ces objectifs quantitatifs, il convient de dégager des moyens budgétaires supplémentaires pour prendre en compte les spécificités territoriales.

Comme le soulignait M. Philippe Huet, ingénieur général du génie rural des eaux et forêts à l'Inspection générale de l'Environnement lors de son audition, on ne peut en montagne réaliser un PPR avec les mêmes moyens qu'en plaine : la discontinuité du relief, le caractère local et brutal des événements exigent des moyens complémentaires. Le coût d'un PPR multirisques varie en France de 20.000 à 30.000 euros, mais dans le Val d'Aoste, il s'établit à 100.000 euros, car il comporte plus d'études et une cartographie plus précise.

La mission commune d'information souhaite, pour assurer une meilleure efficacité des PPR, en enrichir le contenu, ce qui implique des moyens supplémentaires.

Proposition n° 12. : Prendre en compte le « surcoût montagne » dans l'élaboration des PPR

2. Une procédure d'élaboration à réformer

a) L'exception française en matière de PPR

La politique française de prévention des risques naturels se caractérise par sa centralisation. La situation diffère sensiblement dans les autres pays de l'Arc Alpin, où la décision d'établir de tels documents relève le plus souvent du niveau communal, cantonal ou parfois régional.

En France, l'Etat conserve la responsabilité première de « dire le risque ». Certes la procédure d'élaboration d'un PPR respecte les règles de concertation de droit commun en matière d'urbanisme : enquête publique, consultation des communes et d'autres organismes dans certains cas, étant précisé que les avis non rendus dans un délai de deux mois sont réputés favorables.

Même si la procédure d'élaboration des documents techniques entend privilégier -dans les faits- une concertation approfondie avec les collectivités territoriales, il est curieux de constater, comme le soulignait M. Yves Cassayre, que cette concertation ne figure pas dans les textes qui réglementent le PPR, qu'il s'agisse de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ou du décret d'application du 5 octobre 1995.

C'est l'arrêté préfectoral prescrivant l'établissement d'un PPR qui délimite le périmètre d'étude et les dispositions arrêtées par le PPR s'imposent aux maires des communes et aux particuliers. Elles peuvent concerner -dans certaines conditions- des bâtiments ou des infrastructures existantes et certaines mesures peuvent faire l'objet d'une application anticipée. Dans ce cas le maire de la commune concernée en est simplement informé et dispose d'un mois pour faire part de ses observations.

Cette situation est pour le moins paradoxale et peut expliquer une partie des difficultés de mise en oeuvre des PPR, car les élus locaux n'ont pas été suffisamment associés à leur élaboration.

b) Vers un « meilleur » partage des responsabilités

Il conviendrait -au minimum- de mieux formaliser le rôle des collectivités locales lors de l'élaboration du PPR, et donc modifier les textes en conséquence.

Comme l'indiquait M. Yves Cassayre, lors de son audition devant la mission commune d'information : « S'il n'y a pas un réel échange avec la collectivité locale, le PPR ne fonctionne pas, comme nous avons pu le constater dans un certain nombre d'endroits. Il est nécessaire qu'il y ait à la fois une responsabilisation de la collectivité pour qu'elle formule des propositions constructives, et au niveau des services de l'Etat, des cellules spécialisées pour mener cette action tant sur le plan technique que sur le plan de la concertation. Si ces deux conditions sont remplies, je suis persuadé que nous tenons là une très bonne politique en matière d'affichage des risques ».

Lors de son audition devant la mission commune d'information, M. Philippe Huet rappelait la proposition de notre collègue Yves Dauge, chargé d'un rapport sur les politiques de prévention des inondations en 1999 et sur la mise en place de commissions de concertation sur les PPR, soulignant que « le risque concerne d'abord les personnes qui habitent sur place. Un débat local doit avoir lieu pour dégager un consensus sur le niveau de risque acceptable, qui peut varier selon la culture locale ».

Faut-il aller plus loin et réfléchir à un équilibre mieux réparti entre l'Etat et les collectivités, ces dernières devant alors s'impliquer plus fortement ?

La mission commune d'information n'a pas tranché sur ce sujet mais elle juge que la question mérite d'être posée afin d'améliorer la prise en compte des risques naturels dans les documents d'urbanisme et les projets d'aménagement en général. Elle considère, à tout le moins, que la proposition d'une meilleure concertation doit aboutir.

Proposition n° 13. : Instaurer une commission de concertation consultée lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, dans laquelle siègent des représentants des communes

En outre, il convient d'encourager la réalisation de PPR à une échelle pertinente qui pourrait être le bassin versant. Restreindre le périmètre d'investigation au seul territoire communal ne permet pas toujours d'appréhender la problématique du risque examiné dans son ensemble.

Proposition n° 14. : Définir un périmètre pertinent pour l'élaboration d'un PPR.

DEUXIEME PARTIE -

RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES

La mission commune d'information a constaté la nécessité de prendre en compte le caractère global de la logique économique montagnarde et les interactions entre toutes ses composantes économiques, sociales, culturelles et administratives. Il est par exemple évident que le tourisme de montagne est une occasion propice à la découverte de produits agricoles de qualité et que la saisonnalité d'une partie de l'économie montagnarde exige l'adaptation de notre droit social à la pluriactivité qui en découle. Relever les défis économiques de la montagne implique donc à partir de la valorisation de puissants atouts sectoriels, d'élaborer des stratégies « interactives » et différenciées fondées sur une logique de bassins d'emploi montagnards pour entretenir le « cercle vertueux » de l'économie montagnarde.

Il est regrettable qu'en dehors de son activité agricole, répertoriée avec précision, la montagne demeure une oubliée des statistiques officielles : l'INSEE ne diffuse que très rarement des indicateurs sur la montagne et pour obtenir des données, cet organisme exige du demandeur une délimitation des massifs en « zones à caractère administratif définies par un code chiffré à trois caractères ».

I. SOUTENIR UNE AGRICULTURE DE QUALITÉ AINSI QUE SA CONTRIBUTION A L'ENVIRONNEMENT

L'agriculture de montagne présente deux caractéristiques essentielles : en premier lieu, le relief et le climat dessinent depuis longtemps une agriculture extensive et orientée vers les productions de qualité. En même temps, du point de vue technique et financier, les agriculteurs de montagne ne luttent pas à armes égales. Le climat et la pente sont générateurs de surcoûts importants : en prenant l'exemple de la construction des étables laitières, le commissariat général au plan a chiffré à 30 % le coût supplémentaire de l'investissement agricole en montagne par rapport à la plaine.

Ces surcoûts demeurent imparfaitement compensés : le revenu moyen d'un hectare agricole en zone de montagne est de 30 % inférieur à celui d'un hectare en zone de plaine. Même si des progrès ont été enregistrés, la mission commune d'information constate donc que le principe de parité des revenus inscrit dans la loi « montagne » n'est pas atteint. Ces faibles revenus de l'agriculture de montagne ne suffisent pas à financer les investissements nécessaires à sa modernisation et ne rémunèrent pas non plus les services rendus à la collectivité

S'interrogeant sur le profil de l'agriculture montagnarde de demain, au moment où l'avenir de la politique agricole commune (PAC) est en train de se dessiner, la mission commune d'information souhaite tout d'abord réaffirmer la nécessité de ne pas laisser se « dissoudre » les spécificités et les acquis de l'agriculture de montagne dans les évolutions irréversibles en cours. Il s'agit de rompre le cercle vicieux de l'insuffisance des revenus et des investissements de modernisation. Les handicaps naturels et structurels ainsi que les difficultés d'exploitation inhérentes au climat et à l'altitude doivent faire l'objet d'une compensation revalorisée de façon substantielle. En même temps, pour permettre à l'agriculture de montagne de valoriser ses atouts, l'effort d'investissement nécessaire à la constitution de filières de qualité doit être particulièrement soutenu.

En effet, par contraste avec la tonalité excessivement « environnementaliste » de certains rapports d'experts sur le devenir de l'agriculture de montagne, votre mission a constaté que les agriculteurs montagnards avaient une conception résolument économique et offensive de leur activité. « Si la logique d'assistanat de l'agriculture venait à prendre le pas sur le maintien de productions économiquement rentables, la relève des générations actuelles d'agriculteurs risquerait de ne pas être assurée » : tel est le message que la mission sénatoriale a clairement perçu.

Les agriculteurs de montagne auditionnés par la mission commune d'information ont mis en évidence un paramètre économique fondamental : la production de qualité et les résultats économiques sont les ressorts essentiels de leur motivation ; l'idée de « devenir des agents rémunérés sur fonds publics pour entretenir le territoire » suscite en même temps peu d'entrain chez un certain nombre d'exploitants agricoles montagnards.

Cette réalité humaine ne doit pas conduire la mission commune d'information à minimiser la contribution essentielle de l'agriculture à la vitalité et au « développement durable » de la montagne : l'apport de l'agriculture en termes de beauté des paysages et de prévention des risques influencent directement la qualité de la vie montagnarde et l'image touristique de ces territoires. L' agriculture reste en même temps un des piliers majeurs de l'économie des zones montagnardes et la présence des agriculteurs, le dernier rempart, dans bien des cas, contre une totale désertification.

A. LES ATOUTS ET LES HANDICAPS DE L'AGRICULTURE DE MONTAGNE

1. Les données de base : l'omniprésence de l'herbe valorisée par un élevage extensif et les savoir-faire

a) Une surface agricole étroite

Malgré leurs vastes espaces, les massifs ne regroupent, avec près de 4 millions d'hectares de SAU, que 13 % de la surface agricole nationale. La composition du territoire de montagne se caractérise en effet par l'importance des surfaces impropres à toute activité productive (prés de 20 %), des ressources forestières et des parcours et terres collectives. La surface agricole utile représente moins de 30 % de ce territoire contre plus de 50 % en moyenne nationale. Les différences entre massifs sont notables: le territoire du Massif central est composé pour près de la moitié de surface agricole, alors que celle-ci ne représente guère plus de 10 % dans les Alpes du Sud et la Corse.

Outre son faible poids dans le territoire de montagne, l'espace agricole se caractérise par l'importance des surfaces toujours en herbe, qui concerne près des 3/4 de cet espace contre seulement 36 % en moyenne nationale. Les conditions climatiques et la pente sont à l'origine de cette omniprésence de l'herbe.

b) Une économie agricole fondée essentiellement sur l'élevage et un génie agricole spécifique

A l'exception des « hauts » -c'est-à-dire du massif réunionnais- dont l'agriculture produit 40 % de la canne à sucre et les deux tiers des fruits et légumes de l'île, l'agriculture de montagne est principalement herbagère et extensive.

Comme l'a opportunément rappelé un représentant des jeunes agriculteurs à votre mission lors d'une visite de terrain dans le Massif central : « les aides façonnent l'agriculture ». Néanmoins, c'est aussi et surtout les conditions climatiques et topographiques qui ont fait de la montagne le « royaume » de l'élevage, qui est aujourd'hui la première activité agricole pour prés des 3/4 des exploitations montagnardes contre moins de 40 % en moyenne nationale. Les zones de montagne rassemblent 40 % des brebis, 20 % des vaches allaitantes et 16 % des vaches laitières de notre pays.

De manière générale, cet élevage est nettement plus extensif : la charge animale est en moyenne de 0,7 UGB/ha contre 1,1 UGB/ha pour la France entière. Ces « bonnes pratiques agricoles  habituelles » qui assurent à la fois la protection du sol, de l'eau, de la biodiversité et l'ouverture des paysages expliquent le faible impact de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en zone de montagne et justifient l'image favorable auprès des consommateurs des produits de montagne.

Fondamentalement, la valorisation de ces systèmes herbagers extensifs repose sur des savoir-faire agricoles montagnards qui se manifestent notamment par les productions sous appellation contrôlée ou autres signes de qualité (labels...).

2. Un milieu fragilisé par la forte régression des activités agricoles avec toutefois des différences selon les massifs

Pour fonder son analyse sur des constats précis, la mission commune d'information s'est efforcée de recueillir les données statistiques les plus pertinentes auprès des experts qu'elle a auditionnés. Ces données sont souvent sensiblement divergentes en valeur absolue : ainsi le nombre des exploitations agricoles de montagne a été estimé tour à tour, pour l'année 2000, à 95.000 par M. Gilles Bazin, rapporteur de l'instance d'évaluation sur la politique de la montagne au Commissariat général du Plan ; puis à 135.000 et à 115.000 par le ministère de l'Agriculture, ce qui correspond à des zonages sans doute différents. A travers ces difficultés de chiffrage, votre mission a choisi avant tout de s'assurer de la convergence des statistiques en termes d'évolution afin de focaliser son attention sur les grandes tendances.

a) La présentation faussement rassurante d'une déprise agricole proche de la moyenne nationale.

Le nombre d'exploitations situées en zone de montagne ne cesse de diminuer : 143.500 en 1988, 105.000 en 1995 (36 hectares en moyenne) et, selon M. Gilles Bazin entendu par votre mission, 95.000 aujourd'hui et 75.000 en 2005 (49 ha en moyenne).Cette diminution n'est pas spécifique à la montagne et correspond exactement à l'évolution moyenne nationale (une diminution de 42 % entre 1979 et 1995), si bien qu'en proportion ces chiffres se traduisent par un pourcentage constant : la zone de montagne abrite 14 % du total des exploitations agricoles françaises.

Sur le fondement de ce chiffrage global, M. Gilles Bazin a fait valoir qu'il n'y avait pas de déprise particulière en zone de montagne. En recherchant les explications de ce phénomène, il a souligné le rôle essentiel du maintien de la prime à l'herbe. D'un montant modeste, environ 300 francs par hectare, la prime à l'herbe a néanmoins favorisé le maintien d'un certain nombre de surfaces herbagères.

b) La réalité : certains massifs souffrent particulièrement de la forte diminution en valeur absolue du nombre d'exploitations agricoles

La mission commune d'information ne peut pas se satisfaire de la conclusion purement statistique selon laquelle la diminution du nombre des exploitations en montagne correspond à une tendance générale. En effet, sur le terrain, on constate immédiatement que cette diminution « moyenne » a des conséquences beaucoup plus dévastatrices sur la vitalité des territoires de montagne.

En effet, l'impact de la régression de l'activité agricole sur la gestion de l'espace montagnard est renforcé par sa faible densité de population (23 % du territoire national mais seulement 8 % de sa population) et l'inégale répartition de celle-ci : les zones les plus difficiles, et bien souvent les plus fragiles, se dévitalisent et se désertifient.

La déprise agricole pèse lourdement sur le maintien d'une société rurale en zone montagnarde. Cette fragilité particulière de la société rurale montagnarde se mesure à la proportion élevée de la population agricole familiale qui représente 11,8 % de la population totale des différents massifs contre 5,8 % pour la moyenne nationale, soit près du double.

D'après l'analyse du dernier recensement agricole de l'année 2000, effectué à la demande de la mission sénatoriale par M. José Rey, chef du Service central des enquêtes et études statistiques au ministère de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, la main d'oeuvre agricole en montagne reste aujourd'hui principalement familiale : ainsi, alors qu'en moyenne nationale la proportion de salariés agricoles est passée d'un sixième à un quart, elle est restée constante en zone montagnarde.

En outre, contrairement à l'idée reçue, seuls 22 % des chefs d'exploitations de montagne sont aujourd'hui pluriactifs, ce qui correspond presque exactement à la moyenne nationale (21 %). La pluriactivité agricole montagnarde est plus répandue dans les départements des Alpes du Nord ou des Vosges, où l'emploi est plus abondant, que dans les zones montagnardes du Massif central où l'activité fait défaut et qui représente 40 % de la montagne française.

En « renversant le tableau » on constate qu'environ 80 % des agriculteurs de montagne sont mono actifs, taux qu'il convient de rapprocher d'une autre grandeur fondamentale : les revenus agricoles sont en montagne inférieurs de 30 % à la moyenne nationale. Ces chiffres permettent de mieux cerner la réalité vécue sur le terrain : les faibles revenus agricoles montagnards constituent, en l'absence de possibilités d'emplois alternatives ou cumulatives, l'unique source de revenus pour la très grande majorité des agriculteurs de montagne.

Votre mission commune d'information ne saurait donc trop insister sur l'importance qui s'attache à la préservation et à l'amélioration de ces revenus qui constituent le dernier rempart contre une désertification totale de territoires que les agriculteurs sont les seuls à valoriser et à entretenir.

3. Les handicaps et les surcoûts dus aux contraintes naturelles et aux spécificités du foncier

a) Les incidences de la pente et du climat sur les rendements agricoles

Les handicaps naturels de l'agriculture de montagne sont principalement liés à l'altitude et à la baisse consécutive des températures moyennes, qui est de l'ordre de 0,5 à 0,7°C par 100 mètres. Il en résulte essentiellement un allongement de la durée de la période hivernale, qui réduit d'autant la période de végétation (diminution de 8 à 9 jours par 100 mètres d'altitude). Le potentiel de production des cultures et des prairies s'amenuise donc avec l'altitude et à partir d'un seuil variable localement la plupart de celles-ci sont « condamnées » économiquement, sinon techniquement.

La durée de stabulation des animaux s'accroît et les capacités de stockage de fourrages doivent donc être plus importantes. Les bâtiments d'élevage doivent être fermés, plus isolés du froid et plus résistants (poids de la neige) qu'en plaine. Le coût par animal logé est ainsi plus élevé. En Savoie, ce surcoût de construction par vache logée a par exemple été estimé à 73 % en haute montagne et à 40 % en montagne par rapport aux exploitations de plaine.

De plus, ce gradient thermique provoque un accroissement du nombre de jours de gelées en début ou fin de cycle de croissance végétative. Le rendement des productions végétales prend donc un caractère de plus en plus aléatoire avec l'altitude et la gestion du risque devient une notion décisive dans le choix des itinéraires techniques. La pente vient le plus souvent s'ajouter aux limitations d'ordre climatique et rend difficile voire impossible la mécanisation des travaux agricoles. Les machines agricoles les plus courantes ne sont généralement pas utilisables et le matériel adapté -avec un centre de gravité abaissé et quatre roues motrices- doit être acquis à un prix dans certains cas deux fois plus élevé qu'en zone de plaine. Ce coût élevé s'explique non seulement par les spécificités techniques des matériels qui doivent évoluer en sécurité dans les pentes, mais aussi par l'absence de débouchés aussi larges qu'en plaine, qui ne permet pas de fabriquer le matériel en grande série.

b) « Beaucoup d'espace mais peu de foncier disponible »

D'autres handicaps s'imposent à l'agriculture de montagne. Au cours de ses déplacements, la mission commune d'information a pu constater, par exemple dans le Massif central, que l'impression visuelle de vastes étendues herbagères se révélait trompeuse : les agriculteurs ont à faire face à une rareté foncière et à un coût d'acquisition de la terre parfois « aberrant » et par exemple qualifié de « beauceron » par un interlocuteur, ce qui correspond à 6.000 à 7.500 euros à l'hectare.

Cette rareté foncière s'explique, tout d'abord, par l'histoire. L'héritage des structures agraires du XIXe siècle et le mécanisme des successions ont débouché sur un fort morcellement du foncier et des parcelles généralement exiguës.

En outre, plusieurs raisons expliquent la difficulté du remembrement :

- l'absentéisme d'un grand nombre de propriétaires qui ont émigré définitivement en milieu urbain ;

- l'augmentation du prix des terres et la concurrence avec d'autres activités économiques dans les régions à potentiel touristique ;

- et l'importance de son coût financier: proportionnel au nombre de transactions, il est très élevé en raison de la multitude de parcelles concernées.

Le grand nombre de parcelles entraîne, pour les producteurs, de multiples déplacements, des perte de temps et au total une limitation de la productivité du travail agricole.

A ces freins à l'agrandissement des exploitations, s'ajoutent les très importantes difficultés rencontrées dans l'application du statut du fermage en milieu montagnard. Hormis le faire-valoir direct, l'accès aux ressources fourragères ne peut généralement se faire que par des « ventes d'herbe » (vente de production sur pied) annuelles et donc précaires. De ce fait, les investissements dans l'amélioration des terres pastorales souffrent d'une grande insécurité et ne peuvent donc être que plus difficilement réalisés.

c) Les handicaps liés à l'isolement

La faible densité de population et la baisse de l'activité économique ont conduit à la concentration des services publics, des sources d'approvisionnement et des marchés dans les pôles urbains. Leur éloignement implique d'importants surcoûts de transport, des pertes de temps et des prix locaux majorés.

Outre les surcoûts dans l'achat de biens de consommation courants, ces contraintes se traduisent par des surcoûts dans l'achat des intrants pour l'activité agricole. A titre d'exemple les producteurs laitiers de montagne achètent leurs aliments concentrés à un prix en moyenne 20 % supérieur à celui en vigueur en plaine.

De plus, l'isolement et les difficultés d'accès aux exploitations, la taille réduite des troupeaux et leur dispersion spatiale limitent fortement la diffusion du progrès technique par les services individuels et collectifs du développement agricole. La conjugaison de ces diverses contraintes augmente le temps passé par les techniciens en déplacement et diminue donc le nombre d'exploitations « visitées » par jour. A titre d'exemple, le nombre d'inséminations artificielles réalisables annuellement par un technicien était dans les années 80 deux fois moindre en haute montagne alpine que dans les zones de plaine.

Pour finir, il convient de noter que les résultats de la recherche agronomique concernent essentiellement les systèmes de culture et d'élevage des zones de plaine. Les références techniques adaptées à la spécificité des zones montagnardes sont donc restées rares et éparses.

B. UNE COMPENSATION INSUFFISANTE DES HANDICAPS

1. Les indemnités compensatoires de handicaps naturels

a) Jusqu'en 2000
(1) Historique et principe

Créée en 1972 sous la dénomination de « prime à la vache tondeuse » et consacrée au niveau communautaire en 1975, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est considérée depuis son origine comme la mesure essentielle de la politique de soutien à l'agriculture de montagne. Son principe est de compenser financièrement les surcoûts de production des exploitations liés aux handicaps naturels permanents qu'elles subissent par rapport aux régions de plaine. Afin de diminuer les distorsions de concurrence, l'objectif est donc de placer l'agriculture de montagne sur « un pied d'égalité » avec les exploitations de plaine, tout au moins du point de vue des conditions de production.

Cette compensation consistait, jusqu'en 2001, en une prime calculée en fonction du nombre de têtes de bétail détenues durant l'hivernage et/ou par hectare de certaines cultures dans un nombre réduit de cas. Le nombre maximum d'animaux primables a été en France initialement fixé à 40 unités gros bétail (UGB) puis à 50 UGB à partir de 1988. Etaient ainsi éligibles : les ovins (brebis mère et antenaises), les bovins de plus de 6 mois, les caprins (chèvres mères) et les équins. Une UGB par ha de surface fourragère, qui correspond à une norme standard d'agriculture extensive et garante de qualité, était primée au maximum.

(2) L'extension des ICHN hors des zones de montagne.

Après avoir été exclusivement réservé aux zones de montagne, le bénéfice de cette indemnité a été progressivement ouvert à d'autres zones, mais à taux réduit du fait du moindre impact des handicaps locaux. Ainsi, les ovins à partir de 1980 et les bovins-viande à partir de 1987, ont-ils pu bénéficier de l'indemnité dans les zones défavorisées.

Avec l'extension progressive des zones bénéficiaires, le montant total des primes versées au titre de l'ICHN est passé de 290 millions de francs en 1974 à 400 millions d'euros (2,62 milliards de francs) en 2000, ce qui correspond à un décuplement. Au cours des dix dernières années plus de la moitié des bénéficiaires se situaient en zone de montagne (contre 66 % en 1986) et ont perçu les 3/4 des primes versées.

Néanmoins, on constate une diminution particulièrement forte du nombre de bénéficiaires en haute montagne. Depuis 20 ans, le nombre de bénéficiaires des ICHN a globalement diminué de près de 20 %, essentiellement en raison des cessations d'activité. Cette diminution a été particulièrement notable dans les zones de haute montagne où elle a atteint 30 %.

La dynamique régressive de l'activité agricole en haute montagne apparaît donc comme préoccupante car l'évolution des structures de production se traduit par la concentration spatiale du cheptel et par une dégradation de la gestion de l'espace dans les zones les plus difficiles.

(3) Un rééquilibrage en faveur des petites exploitations

Jusqu'à la fin des années 80, le montant des subventions perçues au titre de l'ICHN était, dans la limite des plafonds autorisés, directement corrélé au nombre d'UGB présentes dans l'exploitation, sans modulation selon la taille du cheptel. En outre, le montant de l'ICHN par UGB, déterminé par des coefficients d'équivalence entre espèces primables, était le même quel que soit le type d'élevage (bovin ou ovin).Ces conditions d'application de l'ICHN avaient pour effet de favoriser les exploitations les plus grandes possédant un cheptel plus important et se situant généralement dans les massifs humides. En revanche, les agriculteurs des zones les plus difficiles (altitude, topographie, climat plus sec...), dans lesquelles l'agriculture était le plus en déclin et où la gestion de l'espace était donc la plus difficile, percevaient les indemnités les plus faibles.

Afin de remédier à cette situation, diverses décisions ont été prises: une majoration de l'ICHN pour l'élevage ovin en général, puis une majoration spécifique à l'élevage ovin en zone sèche, et enfin une revalorisation de la prime unitaire pour les 25 premières UGB .

(4) L'ultime versement en 2000 selon les modalités anciennes

En 2000, les ICHN ont encore été mises en oeuvre, selon les anciennes modalités. Elles ont été versées en fonction du nombre d'UGB des espèces bovine, ovine, caprine et équine détenues en permanence par l'éleveur pendant l'hivernage, le nombre maximum d'UGB primées étant de 50 par exploitation. En zone de montagne sèche, une indemnité spéciale a été versée à certaines cultures, dans la limite de 40 hectares.

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ET MONTANTS VERSÉS

AU TITRE DES ICHN (en millions d'euros)

Année

Indemnités compensatoires de handicaps naturels

Nombre de bénéficiaires

Part nationale

Part communautaire

1990

161.215

213,44

71,15

1991

156.503

215,38

71,79

1992

153.435

209,85

69,95

1993

144.351

230,02

76,68

1994

140.634

237,13

79,04

1995

132.213

239,35

79,78

1996

127.658

305,88

101,96

1997

122.955

246,65

82,22

1998

118.000

281,88

93,96

1999

112.469

265,28

90,43

2000

115.293

187,09

187,09

Il convient de noter que la dotation de 240 millions d'euros (1,57 milliard de francs) ouverte en loi de finances initiale pour 2000 s'est avérée nettement supérieure aux besoins : du fait des nouvelles règles de cofinancement communautaires, applicables à partir du 1 er janvier 2000, la part nationale a été réduite à 187 millions d'euros (1,23 milliard de francs), contre 265 millions d'euros (1,74 milliard de francs) l'année précédente.

b) Les nouvelles règles d'attribution des ICHN depuis le 1er janvier 2001

Le règlement de développement rural n° 1257/88 du Conseil a apporté des modifications substantielles pour l'attribution des ICHN. Le paiement s'effectue désormais en fonction du nombre d'hectares de surface fourragère et non plus en fonction du nombre de têtes de bétail.

Le règlement était applicable depuis le 1 er janvier 2000 mais est entré en vigueur en France pour la campagne 2001.

Si les conditions d'éligibilité et les zonages ne sont pas modifiés, les modalités de calcul changent. Le principe de base d'attribution est le respect des bonnes pratiques agricoles habituelles compatibles avec les exigences de protection de l'environnement en assurant la protection du sol, de l'eau, de la biodiversité et l'ouverture des paysages. L'éleveur est réputé les respecter si son système d'élevage répond notamment à des critères d'extensivité tendant à encadrer le nombre d'animaux primés par hectare.

En-deçà du seuil de chargement minimum et au-delà du seuil supérieur, les indemnités ne sont plus versées. Elles ne le sont pas non plus si l'exploitant ne se conforme pas aux directives en matière de bien-être des animaux ou lorsqu'il ne respecte pas la réglementation en matière d'épandage des effluents applicable dans les zones vulnérables ou d'excédent structurel.

Le nombre d'hectares primés est au maximum de 50 par exploitation individuelle et pour les exploitations sociétaires, sauf pour les groupements agricoles d'exploitation en commun qui bénéficient d'une part par associé éligible. Une majoration de l'ensemble des taux de 10 % est prévue pour les 25 premiers hectares, afin d'apporter un soutien renforcé aux petites exploitations.

Un tarif unique de prime s'applique par type de zone défavorisée : il dépend de la localisation (haute montagne, montagne, piémont, zone défavorisée simple) et de l'appartenance ou non à la zone sèche. De plus, une compensation supplémentaire de 10 % en zone de haute montagne et de montagne et de 20 % dans les autres zones est accordée dans le cas d'exploitations pratiquant une transhumance de leur cheptel apte à utiliser les fourrages ligneux, car elles ont une fonction importante en matière d'entretien de l'espace et des milieux.

En outre, cette réforme comporte un recentrage des indemnités accordées sur les zones de montagne, au détriment des autres zones défavorisées telles que les zones de piémont. Désormais, les trois quarts de l'enveloppe allouée à ces indemnités doivent bénéficier aux seules zones de montagne et haute montagne. Cette exigence a conduit à réduire ou supprimer les ICHN attribuées aux éleveurs de bovins laitiers purs dans les zones de piémont et les zones défavorisées simples.

Une phase transitoire de trois ans a été instaurée pour permettre aux agriculteurs de s'adapter au nouveau régime.

Par ailleurs, les versements, assurés par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), ont désormais lieu à l'automne, alors qu'ils étaient auparavant effectués au printemps mais un acompte a été versé, à titre exceptionnel, en 2001 en début d'été pour tenir compte des difficultés de trésorerie liées au déplacement de la date du dépôt des demandes de la fin janvier à la fin avril.

Les agriculteurs de montagne entendus par la mission commune d'information ont insisté sur les difficultés de trésorerie que suscite la non-reconduction de ce versement exceptionnel.

Ces modifications des règles d'attribution, qui ont pour objectif de favoriser les bonnes pratiques agricoles, sont accompagnées d'un doublement du cofinancement communautaire qui est passé en 2000 de 25 % à 50 % et d'un engagement de la Commission à verser 1,42 milliard d'euros (9,3 milliards de francs) sur sept ans.

(1) L'application de cette réforme a suscité plusieurs séries de craintes et d'effets pervers.

- Conçue pour tenir compte de la sévérité accrue des règles anti-dumping de l'organisation mondiale du commerce, la modification des modalités d'attribution de l'ICHN apparaît aux montagnards comme une « décision technocratique ». C'est, en effet, l'herbivore qui entretient la montagne et pas l'hectare. D'après les spécialistes de l'agriculture de montagne : « mieux aurait valu un dispositif de compensation des handicaps proche de la réalité des exploitations et qui tiendrait compte de la pente, de l'altitude, de l'enclavement de la parcelle, du pâturage ou du fauchage, comme le fait la Suisse. »

- Comme en témoigne, dans certaines zones, la hausse du prix de la terre, l'aide à l'hectare a provoqué une course à l'agrandissement.

- Elle entraîne, pour certains éleveurs, un risque d'exclusion du dispositif, soit parce qu'ils ne satisfont pas aux nouveaux seuils de chargement, soit parce qu'ils ne se conforment pas aux « bonnes pratiques agricoles », soit enfin parce que leur exploitation est située en dehors des zones ciblées.

- Un effort supplémentaire a été demandé par le Sénat, au cours de la discussion de la loi de finances pour 2002, pour procéder aux ajustements qui s'imposent s'agissant notamment de la situation des producteurs laitiers des zones de piémont, des zones de haute montagne, des petites exploitations, des jeunes agriculteurs et de certaines productions végétales (comme les fruits) qui n'étaient pas encore éligibles.

(2) Le bilan de l'application des ICHN en 2001

D'après les indications fournies par M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, lors de son audition, les principales conclusions du bilan de l'application des ICHN en 2001 sont les suivantes :

- les grands équilibres sont maintenus : 79% des ICHN bénéficient aux exploitations de montagne et 21 % en zone de développement surveillé et en zone de piémont ; la dépense totale pour l'année 2001 est de l'ordre de 427 M€ (dont 50 % d'origine communautaire) ;

- 1,4 % du nombre des exploitants antérieurement bénéficiaires sont exclus ;

- 70 % des dossiers ont bénéficié d'une augmentation des montants alloués ;

- 13 % sont en diminution, essentiellement chez les éleveurs de bovins en piémont et d'ovins en zone de développement surveillé (ZDS) humide. Toutefois, les ajustements des modalités de gestion en 2002 devraient résoudre les difficultés pour le piémont et les ovins.

- l'extension des exploitations à des fins d'optimisation du montant de la prime concerne seulement 17 % des dossiers, pour la plupart situés en zone défavorisée simple. Ce phénomène est par ailleurs encadré par trois règles de gestion : la limitation à 50 hectares par agriculteur, ce qui limite l'intérêt des extensions au delà de ce seuil ; une majoration de l'ICHN pour les 25 premiers hectares ; et un écrêtement du montant payé en 2001 à 120 % du montant payé en 2000 pour éviter les effets d'aubaine.

Pour 2002, la dotation a progressé de 30,5 M€. Cette dernière augmentation sera consacrée à la haute montagne dont les taux à l'hectare augmenteront de 20 %, à la montagne et au piémont (+3 %), à la zone défavorisée simple (+ 2%), aux cultures de pommes, poires et pêches qui sont primées à compter de cette année et au financement de quelques reclassements de zone (le Morvan en 2001 et quelques ajustements en Rhône-Alpes en 2002).

Proposition n° 15. : Sans bouleverser les modalités de calcul et d'attribution de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) retenues dans notre pays, renforcer la souplesse du dispositif et notamment permettre l'augmentation des primes versées aux 25 premiers hectares afin de favor iser les petites exploitations.

2. Les majorations d'aides

a) Les aides à l'installation et les propositions en faveur des jeunes agriculteurs

La dotation aux jeunes agriculteurs est en moyenne deux fois supérieure en montagne : 26.175 euros, (171.700 francs) contre 12.608 euros (82.700 francs) en plaine. 20 % des installations se font en zone de montagne alors que cette zone représente 14 % des exploitations agricoles.

Deux catégories de prêts sont, en outre, mobilisables :

- les prêts spéciaux de modernisation, prévus dans le cadre des plans d'amélioration matérielle (au taux de 3 % en zones défavorisées, contre 4 % en zones de plaine) ;

- et les prêts d'installation : avec des taux de 2,55 % en zone défavorisée, contre 3,8 % en plaine ; la durée maximale de la bonification est de 15 ans, contre 12 ans en plaine.

Il convient de noter que la limitation des ICHN pour les 50 premiers hectares de SAU a également pour effet de soutenir l'installation de jeunes agriculteurs.

La mission commune d'information a été frappée par la combativité et le dynamisme des jeunes agriculteurs de montagne qu'elle souhaite voir encouragés.

Proposition n° 16. : Conformément à une logique de projet et d'entreprise agricole, mettre l'accent sur les aides à l'installation des jeunes agriculteurs sous forme de prêts à taux réduits, en complément des dotations actuelles dont le montant est nécessairement limité.

b) Les aides à la modernisation des exploitations en zone de montagne : bâtiments d'élevage et mécanisation

Les subventions en faveur de la modernisation des exploitations sont réservées aux seules zones de montagne. Elles intéressent essentiellement les investissements en bâtiments d'élevage (bovins, ovins, caprins) et d'exploitation, ainsi que l'acquisition de certains matériels spécifiques à ces zones.

Les crédits de l'Etat étaient complétés jusqu'en 1999 par les remboursements du FEOGA-Orientation. A partir de 2000, l'aide aux investissements en zone de montagne bénéficie d'un cofinancement communautaire d'un niveau équivalent dans le cadre du FEOGA-Garantie, cette action étant inscrite dans le programme de développement rural national. Ce cofinancement a atteint 2,53 millions d'euros (16,60 millions de francs) en 1999 et 2,50 millions d'euros (16,40 millions de francs) en 2000 ; il devrait dépasser 3 millions d'euros (19,68 millions de francs) en 2001, comme le montre le tableau ci-après.

AIDES A LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS EN ZONE DE MONTAGNE (1) (en millions d'euros)

Année

LFI

Après régularisation budgétaire

Retours du FEOGA

1990

14,74

14,01

1,05

1991

12,59

11,34

2,06

1992

12,59

11,59

2,09

1993

12,56

11,31

3,17

1994

11,69

10,76

2,01

1995

11,69

8,77

1,92

1996

6,86

6,86

1,97

1997 (2)

15,24

13,54

1,72

1998

7,47

10,34

2,87

1999

11,28

13,84

2,53

2000

11,28

(nc)

2,50

2001

11,28

(nd)

3,05

(1) en autorisations de programme. (2) y compris 8,38 millions d'euros attribués par loi de finances rectificative 1996.

Source : ministère de l'Agriculture et de la Pêche.

Deux modifications importantes expliquent les variations d'enveloppes annuelles constatées :

- à partir de 1991, ces aides aux investissements, jusque là attribuées à l'ensemble du territoire, ont été réservées aux seules zones de montagne ;

- cette action était proposée à la contractualisation dans le cadre des contrats de plan État-régions. Alors que seules six des douze régions concernées avaient contractualisé cette action dans les contrats de plan de la génération précédente, la majorité des régions a accepté la contractualisation pour la période 2000-2006, à hauteur de 9,91 millions d'euros (65 millions de francs) par an.

Les engagements en 2000 ont atteint le montant de 13,87 millions d'euros (91 millions de francs). Ils ont concerné 1.760 dossiers dont 1.300 en bâtiments d'élevage, qui représentent 84 % du montant de la subvention.

Malgré des enveloppes annuelles qui dépassent sensiblement le montant contractualisé, des files d'attente se sont constituées, évaluées à un montant stable de 6,1 millions d'euros (40 millions de francs) fin 2000.

Interrogé par la mission commune d'information sur l'érosion et la nécessaire revalorisation des aides de l'Etat à l'investissement en zone de montagne, le ministre de l'agriculture a indiqué que :

- ces aides étaient en constante augmentation depuis 1998 avec une augmentation de 46 % entre 1998 et 2000, une notification de 17,37 M€ (114 MF) en 2001 et une prévision de 21,2 M€ (139 MF) en 2002. Cette augmentation des aides a permis de résorber les dossiers non traités en 2001 ;

- l'arrêté du 26 mars 2001 et sa circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides aux bâtiments d'élevage ont revalorisé les prix plafonds et permis le cumul des aides spécifiques à la zone de montagne avec d'autres aides, notamment les aides liées au dispositif des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) ou les aides de l'office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) ;

- enfin, des efforts ont été faits pour revaloriser les aides à la mécanisation en zone de montagne (arrêté du 26 mars 2001 et circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides à la mécanisation).

La mission commune d'information, prenant acte de ce chiffrage sur l'évolution des crédits, a cependant constaté sur le terrain que les besoins subsistent : en particulier la modernisation et la constitution de filières de production nécessitent des financements importants.

Proposition n° 17. : Revaloriser les aides à l'investissement de l'agriculture de montagne qui sont la clef de son avenir et de sa création de valeur ajoutée, et réviser régulièrement les plafonds des aides, afin d'éviter un alourdissement excessif du poids des investissements sur les agriculteurs.

c) Les concours attribués au titre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA )
(1) Définition du PMPOA

Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) vise à éviter les pollutions des effluents d'élevage :

- par une meilleure gestion de la fertilisation azotée et notamment une amélioration des épandages d'effluents d'élevage et de la gestion des terres ;

- et par la réalisation des investissements nécessaires (ouvrages de stockage, imperméabilisation d'aires bétonnées, séparation des eaux pluviales et des eaux souillées, matériels assurant une meilleure répartition des effluents,...).

(2) Le zonage et l'exclusion des zones de montagne

Comme l'a confirmé à la mission commune d'information le ministre en charge de l'agriculture, les aides attribuées au titre du PMPOA entre 1994 et 2000 ont été attribuées aux élevages importants (intégration par taille décroissante des élevages de plus de 200 UGB (unité de gros bétail) en 1994 jusqu'à 90 UGB en 2000, ainsi que quelques élevages de 70 UGB aidés localement, dans les zones à forte pollution). Cette classification avait été retenue dans le but de résorber les pollutions occasionnées par les plus gros élevages. Ce dispositif a été arrêté en décembre 2000. Il n'a pu concerner que très marginalement la montagne où l'immense majorité des élevages sont de taille inférieure à 70 UGB.

Dans le cadre du nouveau dispositif agréé par l'Union européenne depuis l'automne 2001, les élevages sont intégrés selon leur localisation en zones vulnérables délimitées par les préfets de région, et ils peuvent alors bénéficier des aides, quelle que soit leur taille.

Dans les autres zones, les gros élevages (plus de 90 UGB) peuvent être aidés, considérant qu'ils sont les plus pollueurs. Les petits élevages peuvent bénéficier des aides CTE pour la maîtrise des pollutions, à condition d'engager des travaux qui vont au-delà de la réglementation. En tout état de cause, le texte européen oblige à consacrer 80 % des crédits aux zones vulnérables où les subventions ne pourraient pas être accordées au-delà de 2006.

Le ministre a estimé souhaitable d'autoriser à nouveau les opérations coordonnées qui permettent une position équilibrée et globale dans le cadre des politiques de gestion par bassin versant avec des financements des agences de l'eau, des régions et des départements.

La mission commune d'information souligne que la plupart des zones de montagne ne sont pas classées dans les zones sensibles ou vulnérables. Le nouveau programme exclut, de fait, la quasi totalité des zones de montagne du bénéfice des aides prévues. Or, cette question conditionne l'accès aux aides publiques des exploitations . Paradoxalement, le caractère non polluant de l'agriculture de montagne risque d'entraver le financement de sa modernisation .

Face à cette situation tous les agriculteurs de montagne entendus par la mission ont manifesté :

- un sentiment d'injustice car ils ont la sensation d'être des « non pollueurs-payeurs » ;

- et une très forte attente à l'égard de la revalorisation de ces crédits.

Dans le cadre des groupes de travail montagne et pastoralisme 16 ( * ) , une réflexion a été conduite sur la détermination des zones prioritaires et la définition d'un soutien public pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage en zone de montagne.

Proposition n° 18. : Soutenir la mise aux normes des exploitations de montagne qui ne bénéficient pas du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) afin de ne pas entraver leur nécessaire modernisation et leur éligibilité aux aides européennes.

d) Les aides à la qualité

Les zones de montagne bénéficient d'aides sectorielles destinées à encourager les productions de qualité et qui sont versées par les offices correspondants. C'est le cas en particulier de l'aide à la qualité du porc et de l'aide à la qualité du lait.

L'aide à la qualité du porc est financée par les crédits de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL), à hauteur d'une enveloppe annuelle de 4,57 M€ (30 millions de francs), autorisée par la Commission européenne. Elle est accordée aux agriculteurs qui acceptent les contraintes d'un cahier des charges : plus les critères respectés sont nombreux, plus l'aide est élevée. Elle atteint en moyenne 2.287 euros par éleveur (15.000 francs) et concerne environ 2.000 éleveurs. Les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Limousin sont les principales bénéficiaires.

Afin de prendre en compte les spécificités de la production laitière en zone de montagne, les pouvoirs publics apportent aussi, à travers l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), leur concours financier à l'amélioration et à la valorisation du lait produit dans cette zone. C'est ainsi qu'a été créée « l'aide à la qualité du lait en zone de montagne ». Ce dispositif s'inscrit dans une stratégie de maîtrise qualitative des produits, puisque l'aide est attribuée aux producteurs mettant en oeuvre des actions d'amélioration de la qualité de leur production.

Pour la mise en place de cette mesure, des modalités particulières ont pu être arrêtées par l'ONILAIT dans le cade d'une convention type, la maîtrise des actions étant confiée à un organisme interprofessionnel. Les actions éligibles portent pour l'essentiel sur des appuis techniques aux producteurs et aux fromagers et des investissements relatifs à la collecte et à la qualité du lait.

Pour les exercices 1999 et 2000, les dotations octroyées ont été respectivement de 7,47 et de 6,25 millions d'euros (de 49 et 41 millions de francs). En 2000, un crédit de 1,26 million d'euros (8,27 millions de francs) a été ajouté dans le cadre des conventions de massifs.

e) La disparition de la prime à l'herbe et son remplacement par un nouveau dispositif : la prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.)

La prime à l'herbe ou prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs (PMSEE ) a été instituée par le décret n° 93-738 du 29 mars 1993 dans le cadre du plan d'accompagnement de la réforme de la politique agricole commune et, à la demande de la France, reconnue comme l'un des éléments du dispositif agri-environnemental.

Elle concerne les élevages dont le chargement n'excède pas l'équivalent d'une unité de gros bétail par hectare (UGB) ou 1,4 UGB lorsque les prairies représentent plus des trois quarts de la surface agricole utilisée (SAU). L'éleveur doit respecter ses engagements d'entretien pendant cinq ans. La prime a été fixée, à partir de 1995, à 300 francs par hectare, ce qui correspond, comme l'ont fait observer les interlocuteurs de la mission commune d'information, au cinquième de l'aide publique à l'ensilage-maïs.

Dans le cadre de la réorientation des soutiens vers les mesures agri-environnementales, l'Union européenne a refusé une reconduction pour un troisième quinquennat de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs en raison de son caractère national et insuffisamment environnemental. Elle cessera d'exister au 1er avril 2003.

Toutefois, elle est d'ores et déjà remplacée par les mesures agri-environnementales présentes dans les synthèses régionales. Il s'agit des mesures 19 ou 20 relatives à la gestion extensive des prairies. Ces mesures reprennent les engagements de « la prime à l'herbe » mais ont été, à la demande de l'Union européenne, régionalisées et, dans la plupart des cas, le montant des aides à l'hectare a été revalorisé. Elles font l'objet d'un co-financement communautaire à hauteur de 50 % dans le cadre du deuxième pilier de la PAC (Développement rural).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à l'occasion de son discours du 3 octobre 2002 devant les Assises pour le développement de la montagne tenues à Clermont-Ferrand après avoir insisté sur le caractère à la fois « fondé et légitime » de la reconduction d'un dispositif d'encouragement des productions herbagères a apporté les précisions suivantes : « sur ma proposition, le Président de la République et le Premier ministre ont arbitré. Un nouveau dispositif sera mis en oeuvre en faveur des bénéficiaires de l'ancienne formule de la prime à l'herbe et des jeunes agriculteurs qui s'installent sur ses territoires. La nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.) sera mise en oeuvre dès 2003. Les ajustements techniques avec les services européens sont en cours. Le budget 2003 et la loi de Finances rectificative en décembre 2002 permettent d'envisager une majoration moyenne d'environ 70 %. Toutefois, dans tous les massifs les avis ne convergent pas sur les critères à prendre en compte. Le taux de spécialisation herbagère et le taux de chargement à l'hectare sont des variables d'ajustement importantes. Pour ma part, je souhaite que tous les bénéficiaires de la prime 1997-2002 puissent bénéficier de la nouvelle prime herbagère. »

La mission commune d'information se félicite de la réaffirmation de la nécessité d'une politique de l'herbe forte et généreuse et suivra attentivement les modalités de la mise en place de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.)

Les modalités de cette aide qui sont actuellement envisagées, selon les informations transmises par le ministère de l'Agriculture sont doubles ; il s'agit  :

- d'offrir la possibilité aux éleveurs qui le souhaitent de signer un contrat territorial d'exploitation. Des départements ont déjà entamé le basculement dans le cadre d'un dispositif simplifié (par exemple, le Lot, le Jura et le Cantal) ;

- et de proposer aux éleveurs de souscrire des engagements agri-environnementaux en dehors du contrat territorial d'exploitation.

Afin d'apporter une réponse simple aux éleveurs qui ne peuvent pas entrer dans une démarche de projet global, il est envisagé de leur permettre de déposer une demande avant le 30 avril 2003, pour bénéficier d'une seule mesure (19 ou 20), en introduisant un pourcentage des surfaces fourragères d'au moins 75 % dans la surface agricole utile, complété d'un plafonnement individuel, sur le modèle de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs.

Proposition n° 19. : Veiller à l'efficacité de la mise en oeuvre de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.) et, s'agissant de son montant, à la réduction de l'écart entre les subventions aux différentes formes d'alimentation du bétail.

3. La permanence d'un important différentiel de revenus

Le revenu des exploitations agricoles de montagne est de 30 % inférieur à la moyenne nationale. L'instance d'évaluation de la politique de la montagne 17 ( * ) a démontré que l'hectare agricole montagnard était moins aidé que l'hectare en zone de plaine. On ne peut donc pas parler de véritable compensation des handicaps ni de respect de «  la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions » prévue par l'article premier de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

Revenu disponible, EBE et revenu courant avant impôt par zone défavorisée.

- L'analyse des résultats du dernier recensement agricole, a fait apparaître que le revenu disponible de l'agriculture de montagne (environ 28.000 euros par exploitation et par an) était, pour l'année 2000, inférieur de 16 % à la moyenne nationale (33.200 euros) et de 19 % par rapport à l'agriculture de plaine (35.900 euros). Sur ces bases, M. Christian Dubreuil, directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi au ministère de l'Agriculture, a indiqué, lors de son audition : « on peut conclure que le différentiel entre zone de montagne et zone de plaine cité dans le rapport de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne s'est réduit ».

Cette réduction des écarts de revenus dont bénéficie la montagne s'explique par les transferts de soutien entre le premier et le deuxième pilier de la PAC. En effet, les cultures de céréales, oléagineux et protéagineux sur lesquels porte essentiellement la modulation ne sont pas des productions très développées dans les zones de montagne alors que les aides du deuxième pilier (les ICHN en particulier) leur sont destinées majoritairement.

Proposition n° 20. : Poursuivre la réduction du différentiel d'aide constaté entre l'hectare agricole montagnard et l'hectare agricole en zone de plaine.

C. FAVORISER LES PRODUCTIONS DE QUALITÉ ET COMPENSER LES SERVICES A L'ENVIRONNEMENT

L'avenir de l'agriculture de montagne dépend fondamentalement d'une amélioration de la compensation de ses handicaps. Néanmoins, il convient de faire en sorte que cette compensation serve de tremplin à une nouvelle offensive de l'agriculture montagnarde dans la valorisation de ses indéniables atouts. Tous les outils de la création de valeur ajoutée agricole doivent être mobilisés, avec notamment un positionnement adéquat de la dénomination « montagne » parmi les signes de qualité et une impulsion nouvelle dans les démarches collectives de constitution de filières de production et de transformation.

Cette émulation en faveur de la qualité des produits doit être conjuguée avec la reconnaissance et la compensation financière des services rendus par les agriculteurs montagnards en matière d'entretien de l'espace et de protection de l'environnement.

1. La signalétique montagne et la gestion de l'image positive des produits de montagne

Les signes de qualité traditionnels sont une composante essentielle de la valorisation des produits de montagne. Plus des deux tiers de la production d'AOC fromagères françaises sont ainsi d'origine montagnarde et environ 40 % de la collecte de lait montagnard sont transformées en fromages AOC.

L'introduction d'une nouvelle signalétique spécifique à la montagne est cependant une arme à manier avec précaution : ajouter une catégorie supplémentaire au « foisonnement » actuel des signes de qualité risque, en effet, de brouiller encore davantage le message délivré au consommateur.

L'abstention est néanmoins inconcevable. D'une part, le parcours du consommateur doit être mieux balisé ; un chiffre permet d'illustrer cette nécessité : 70 % de la consommation fromagère est distribuée en grandes surfaces. D'autre part, la distinction des produits de montagne correspond non seulement à une réalité agricole spécifique- la vertu du système herbager extensif montagnard -mais aussi à une attente et à un fort potentiel de mobilisation de la part des producteurs.

a) Le contexte : l'évolution de la politique des signes de qualité
(1) Le dispositif traditionnel

Le dispositif français des signes officiels d'identification s'est construit progressivement, au cours du temps, pour répondre à des évolutions de l'agriculture et des demandes des consommateurs. Il correspond à trois angles d'approche de la notion de qualité.

- La qualité reposant sur l'origine : le concept d'appellation d'origine contrôlée (AOC), le plus ancien des signes officiels d'identification, a été formalisé dans le secteur viticole en 1935, année de la création de l'Institut national des appellations d'origine (INAO). Pour bénéficier d'une AOC, le produit doit provenir d'une aire de production délimitée, répondre à des conditions de production précises, posséder une notoriété dûment établie, et faire l'objet d'une procédure d'agrément.

- La qualité supérieure : la notion de label rouge agricole a été mise en place à partir de 1960, pour des productions dont le lien au terroir est moins évident que pour le vin, et en réponse à une évolution des modes de production vers l'intensification.

Il s'est développé à l'origine principalement dans le secteur avicole, afin de différencier et de valoriser les productions de volailles à croissance lente, alimentées avec des céréales et élevées dans des bâtiments de faible densité, avec accès à un parcours extérieur. Proposé par une structure collective (producteurs et/ou transformateurs), le produit candidat au label doit apporter la preuve de sa qualité supérieure, fondée sur le respect d'un cahier des charges (exigences de moyens) et des analyses sensorielles (exigences de résultats).

- La qualité reposant sur un mode de production respectueux des équilibres naturels : l'agriculture biologique qui s'est développée à la fin des années 1950. Ce mouvement porté par des associations de producteurs incriminant les produits chimiques utilisés en agriculture ainsi que la transformation industrielle des produits agricoles a été soutenu par des mouvements de consommateurs. Ce secteur était alors uniquement régi par des cahiers des charges privés.

En 1980, fut mis en place un cadre réglementaire national concernant « l'agriculture n'utilisant pas de produits chimiques de synthèse ».

Depuis, tout opérateur souhaitant faire référence au mode de production biologique sur ses produits, doit respecter les cahiers des charges définissant les règles de production biologiques (par grandes catégories de produits), qui sont homologués par les pouvoirs publics.

(2) Un enjeu au niveau national et européen

A partir des années 1980-1990, la politique de qualité est devenue un véritable enjeu de politique agricole, aux niveaux national et européen, destinée  à apporter aux consommateurs la confiance et les garanties qu'ils demandent sur les produits et à permettre le développement d'une agriculture génératrice de richesse et de valeur-ajoutée, contribuant au maintien des exploitations, et de l'activité économique induite, y compris dans les régions peu favorisées en matière de productivité.

La dernière décennie 1990-2000 a connu une intensification du rythme de développement de la politique de qualité.

Tout d'abord, au niveau français le début des années 1990 a été marqué par :

- l'extension de la notion d'appellation d'origine contrôlée à l'ensemble des produits agricoles et alimentaires ;

- la rénovation des procédures de certification du label et du mode de production biologique : la mise en conformité des organismes certificateurs privés chargés du contrôle du respect des cahiers des charges avec la norme européenne EN 45011 permet de garantir l'indépendance, l'impartialité, l'efficacité et la compétence de ces organismes ;

- et la mise en place d'un quatrième signe d'identification avec la certification de conformité.

Ce nouvel outil atteste qu'une denrée alimentaire ou un produit agricole est conforme à des caractéristiques spécifiques ou à des règles préalablement fixées portant, selon les cas, sur la fabrication, la transformation ou le conditionnement.

Les caractéristiques certifiées du produit reposent sur des critères objectifs, mesurables, contrôlables et significatifs pour le consommateur. Elles sont décrites dans un cahier des charges, qui peut être élaboré par une structure collective de producteurs ou un opérateur individuel. La certification de conformité constitue un outil plus souple que le label rouge, destiné à garantir et à donner confiance sur certaines caractéristiques du produit.

Au niveau européen , le début des années 1990 a été marqué par la mise en place de trois règlements européens ayant trait à la reconnaissance et à la protection des produits spécifiques :

- le règlement n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles ; ce règlement de 1991 ne concernait que les produits végétaux et les produits transformés d'origine végétale ; il a été étendu en juillet 1999 aux produits animaux ;

- le règlement n° 2081/92 du Conseil du 14 juillet 1992 (AOP/IGP) organise un système d'enregistrement communautaire des dénominations géographiques des produits qui leur assure une protection dans toute l'Union européenne ; ce texte distingue deux notions, l'appellation d'origine et l'indication géographique, qui se distinguent seulement par la nature forte (pour les appellations d'origine) ou moins forte (pour les indications géographiques) du lien du produit avec son origine géographique ;

- le règlement n° 2082/92 du Conseil du 14 juillet 1992 relatif aux attestations de spécificité permet de protéger les dénominations de produits à caractère traditionnel, qui ne présentent pas, ou plus, de lien avec leur origine géographique.

Ces nouvelles réglementations européennes ont conduit à mieux articuler les outils de protection communautaires avec le dispositif des signes de qualité préexistant :

- l'équivalence entre les notions d'AOP et d'AOC est complète ;

- les indications géographiques protégées (IGP) ou les attestations de spécificités ne peuvent être obtenues que sur la base d'un cahier des charges de label ou de certification de conformité (qui satisfait aux exigences du règlement).

A partir de 1996, après la mise en place de tous ces instruments, la politique de qualité a connu un véritable essor, en France, et dans l'Union européenne. Ce développement a concerné en France, tous les secteurs de production, et tous les signes de qualité.

- ainsi à ce jour, sont reconnues près de 450 AOC pour les vins, eaux-de-vie et cidres, 43 AOC pour des produits laitiers et 22 AOC pour des produits autres ; on recense en montagne 14 appellations d'origine contrôlées (AOC) au lait de vache sur un total de 32 AOC fromagères en France ;

- environ 120 000 exploitations françaises sont concernées par une production d'AOC, qui génère, toutes productions confondues, un chiffre d'affaires de près de 19 milliards d'euros ;

- en matière de label rouge, plus de 400 produits ont été homologués ; ils représentent un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros ;

- le nombre des certifications de conformité approuvées s'élève à plus de 270 ; c'est un secteur en forte progression, puisque le chiffre d'affaires cumulé est passé de 2 milliards de francs en 1994 à près de 15 milliards de francs en 2001 (soit plus de 2 milliards d'euros).

Ces démarches se traduisent par des résultats tangibles pour les filières et les bassins de production concernés : on constate ainsi que les produits bénéficiant d'un signe officiel de qualité et d'origine résistent en général bien aux crises alimentaires.

A la fois outil de segmentation des marchés, de valorisation des produits et d'aménagement du territoire, la politique de qualité et d'origine et l'une des pièces maîtresse du modèle agricole européen, tel qu'il a été redéfini dans les nouvelles orientations de la politique agricole commune, dans le cadre de l'Agenda 2000.

b) Un problème général de lisibilité pour le consommateur dans le « maquis des signes de qualité »

La multiplication des signes de qualité :

- La conclusion majeure du rapport du Conseil économique et social (CES) adopté le 14 mars 2001 sur les signes d'identification des produits alimentaires, présenté par le président de la Commission nationale des labels et des certifications (CNLC ), Gilbert Louis, est qu'il faut « rendre le système plus lisible », et ne retenir à titre officiel que quatre de ces signes : l'AOC, le label rouge, l'agriculture biologique et la certification de conformité. Le Conseil économique et social a ainsi adopté une attitude réservée à l'égard de l'appellation « montagne ».

- Le rapport du « Comité permanent de coordination » des inspections au ministre de l'agriculture (Quel avenir pour l'élevage allaitant) (13 décembre 2001), partant d'un constat similaire, « la complexité et les spécificités de la notion de qualité dans le domaine des viandes imposent de s'appuyer sur les signes officiels de qualité, en les rendant plus lisibles pour les consommateurs », comporte des recommandations particulièrement utiles pour les produits de montagne.

Ce rapport précise à propos des Labels Rouges dont la logique les destine principalement à des filières spécialisées, qu'il faut déplorer, dans certaines zones, le foisonnement d'initiatives qui se traduisent par la création de labels dédiés à une petite région de production et ne disposant pas de la capacité à alimenter de façon régulière, dans le temps et en qualité, leurs outils d'abattage et de distribution. A l'inverse, il souligne la pertinence d'autres démarches qui ont conduit à ne mettre en place qu'un label pour une race ou une région.

Il estime nécessaire d'introduire plus de cohérence dans les opérations engagées pour garantir l'application des meilleures techniques agricoles (Bonnes Pratiques d'Elevage, Qualification des Elevages, Agriculture Raisonnée, Bonnes Pratiques Agricoles Habituelles, cahiers des charges des CTE, ...). Cette floraison de dénominations, qui recouvrent pourtant des exigences largement concordantes, mériterait d'être rassemblée sous un socle commun pour faciliter leur perception par les éleveurs, les producteurs et les consommateurs dont l'une des principales demandes est précisément d'être rassurés sur les conditions de production des animaux d'élevage.

Il est également jugé souhaitable de développer en France la recherche sur les facteurs favorables pour la santé que peut contenir la viande bovine provenant d'animaux nourris à l'herbe . Dans ce domaine, les références se trouvent surtout à l'étranger, notamment au Canada. Les plus prometteuses portent sur les effets bénéfiques pour la santé des acides linoléiques composés (CLA), dont les propriétés anti-vieillissement et anticancérigènes ne font pas de doute. Ces produits sont spécifiques aux ruminants, car synthétisés par la flore du rumen. Les études étrangères susvisées semblent démontrer qu'ils se trouvent en quantité nettement supérieure chez les animaux nourris à l'herbe par rapport aux animaux nourris à l'ensilage.

c) La dénomination « montagne » : un droit sous contrainte européenne
(1) L'intention initiale de la loi « montagne »

La dénomination montagne a été protégée par l'article 34 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne qui précisait les conditions et les modalités selon lesquelles pouvaient être utilisés le terme de montagne et les références géographiques spécifiques aux zones de montagne.

Il était notamment prévu qu'un décret en Conseil d'Etat pris après avis des organismes professionnels représentatifs en matière de certification de qualité fixe les techniques de fabrication, le lieu de fabrication et la provenance des matières premières permettant l'utilisation des références géographiques protégées par la dénomination « montagne ».

Il était précisé à l'article 35 18 ( * ) de la loi précitée que cette dénomination ne devait pas porter atteinte à la protection due aux appellations d'origine.

(2) Un dispositif jugé non conforme en 1997

Le dispositif français d'encadrement de la dénomination « montagne » issu de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne a fait l'objet d'un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 7 mai 1997.

Dans le cadre d'une procédure contentieuse, la Cour de cassation a posé une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes sur la compatibilité de la réglementation française avec l'article 30 du traité de Rome. Dans un arrêt du 7 mai 1997, la Cour de Luxembourg a jugé que le dispositif issu de la loi du 9 janvier 1985 était en infraction avec le droit communautaire : elle a en effet considéré que la « dénomination « montagne » ne pouvait être réservée aux seuls produits fabriqués sur le territoire national et élaborés à partir de matières premières nationales. »

(3) La nouvelle base législative et le décret du 15 décembre 2000 sur la dénomination « montagne »

Afin de se conformer à cette décision, l'article 87 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 prévoit que le terme « montagne » ne peut être utilisé, pour les denrées alimentaires autres que les vins et pour les produits agricoles originaires de France, que s'il a fait l'objet d'une autorisation administrative préalable ; dans ce cas, ces produits doivent avoir été élaborés dans les zones de montagne telles que définies par la réglementation communautaire.

Les procédures et les conditions de délivrance de cette autorisation font l'objet du décret du 15 décembre 2000.

Afin d'encadrer strictement l'utilisation de cette dénomination, et d'en préserver le potentiel de valeur ajoutée, le décret du 15 décembre 2000 prévoit une forte contrainte de localisation : toutes les opérations liées à l'élaboration des produits (production, élevage, engraissement, abattage, fabrication, affinage et conditionnement) doivent être situées en zone de montagne, de même que le lieu de provenance des matières premières entrant dans l'alimentation des animaux ou dans la fabrication des denrées alimentaires.

Pour se conformer à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, la provenance des matières premières entrant dans la composition des produits ne peut pas être limitée aux seules zones de montagne françaises.

Les dérogations admises à ces principes sont limitées et devront être justifiées par des conditions techniques ou naturelles. Elles pourront être encadrées par des règlements techniques nationaux et concernent :

- les matières premières (épices, agrumes...) qui, pour des raisons naturelles, ne sont pas produites en zone de montagne ;

- les céréales et les oléoprotéagineux entrant dans l'alimentation des animaux, lorsqu'ils ne peuvent pas être produits en quantité suffisante en zones de montagne ;

- le lieu d'abattage des animaux ;

- le lieu de conditionnement des produits.

La mission commune d'information souligne l'importance de ces règlements techniques nationaux, à qui incomberont l'essentiel de la mission de verrouillage du dispositif en encadrant strictement ces dérogations définies selon une procédure de consultation publique et approuvées par arrêté des ministres chargés de l'agriculture et de la consommation.

En ce qui concerne la délivrance de l'autorisation administrative, le texte répond à un souci de déconcentration des décisions et d'allégement des procédures par rapport à celles antérieurement en vigueur. Ainsi, l'autorisation d'utilisation du terme « montagne » est délivrée à une personne physique ou morale ou à un groupement par arrêté du préfet de région après avis de la Commission régionale des produits alimentaires de qualité (CORPAQ), et, le cas échéant, du préfet coordonnateur de massif. Le dossier peut être soumis, pour avis, à la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires (CNLC).

Le demandeur doit présenter un cahier des charges et préciser ses méthodes et moyens de contrôle mis en oeuvre pour garantir que le produit est bien originaire de la zone de montagne et respecte les conditions de production et d'élaboration.

Dans le cas de produits bénéficiant d'une certification, c'est-à-dire d'un label ou d'une certification de conformité, le demandeur doit fournir son cahier des charges homologué ou validé et préciser le nom de l'organisme certificateur. Après consultation de la CORPAQ et du préfet coordinateur de massif, l'autorisation d'emploi du terme «  montagne » est accordée par arrêté préfectoral.

Enfin, la loi d'orientation agricole prévoit que, lorsque le terme montagne figure dans la dénomination enregistrée comme AOC/AOP, comme IGP ou comme attestation de spécificité, les dispositions de la loi montagne modifiée ne s'appliquent pas. Cela signifie que pour les AOC/AOP et pour les labels et les certifications de conformité avec IGP ou attestation de spécificité, l'utilisation du terme « montagne » est possible, mais elle s'obtient dans le cadre des procédures de reconnaissance des AOC et d'homologation des labels et des certifications de conformité avec IGP ou attestation de spécificité.

S'agissant des règles de contrôle, le dispositif retenu relève soit de l'auto-contrôle soit du contrôle interne mais ne prévoit pas un contrôle par un organisme tiers.

(4) Les limites du dispositif au niveau communautaire

La loi d'orientation agricole prévoit explicitement que les matières premières entrant dans l'élaboration des produits de montagne doivent provenir des zones de montagne françaises ou européennes, sauf dérogations explicitement prévues.

En outre, le décret stipule clairement que les denrées alimentaires et les produits agricoles non alimentaires et non transformés originaires d'un autre Etat membre de l'Union européenne sont dispensés d'autorisation administrative pour utiliser le terme « montagne ».

C'est au nom de la libre circulation des marchandises que la Cour de justice de l'Union européenne a déclaré contraire au Traité de Rome les dispositions de la loi montagne et a imposé la possibilité d'utiliser des matières premières venant des zones de montagne européennes dans l'élaboration des produits nationaux. Toutes mesures visant à imposer les contraintes du décret à des produits de montagne élaborés hors de France seraient considérées comme une entrave aux échanges et une mesure discriminatoire.

En conséquence, pour maintenir un haut niveau de protection de la dénomination « montagne » sans créer de distorsions économiquement préjudiciables aux professionnels français, il convient d'engager une démarche au niveau européen visant à obtenir une protection communautaire de cette dénomination.

Une des solutions envisageables consiste à faire protéger le terme «  montagne » dans le cadre du règlement « attestation de spécificité » . L'exercice est jugé difficile car le texte s'applique à l'ensemble des pays membres de l'Union européenne et ne prévoit pas de possibilité de zonage. En outre la protection qu'il instaure s'applique par produit.

A l'heure actuelle, il n'existe aucune proposition de la part des Etats membres ou de la Commission européenne dans ce domaine.

d) Le positionnement de la dénomination « montagne »
(1) Un dispositif trop récent pour être évalué.

Selon le ministère de l'Agriculture, la mise en place récente du nouveau dispositif ne permet pas, à l'heure actuelle, d'avoir le recul nécessaire pour mener à bien une telle évaluation, d'autant plus que le nouveau dispositif est déconcentré au niveau régional.

Dans un souci de lisibilité, le choix a été fait de ne pas prévoir d'identification des produits « montagne » par un logo officiel délivré par l'Etat (comme pour le label rouge ou l'agriculture biologique). Néanmoins des marques commerciales existent et à titre d'exemple on peut citer les marques apposées sur certaines eaux minérales et sur le porc de montagne.

Cette question, concernant la promotion de la signalétique montagne au sein du dispositif des signes de qualité, pourrait conduire à une réflexion qui devrait, le cas échéant, être menée conjointement avec les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). De plus, cette réflexion doit s'inscrire dans une perspective plus large d'évolution du système des signes d'identification de l'origine.

Comme l'ont indiqué, sur le terrain, certains producteurs à la mission d'information, il convient de réfléchir à la nécessité de « flécher », notamment dans la grande distribution, le parcours du consommateur grâce à un logo officiel « montagne ».

(2) Le positionnement de la dénomination montagne parmi les signes de qualité

D'après les spécialistes de la signalétique agricole auditionnés par votre mission commune d'information, même si la loi d'orientation agricole de 1999 fait désormais figurer la dénomination « montagne » parmi les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine, au même titre que les AOC, les labels, les certifications de conformité et le mode de production biologique, le dispositif « montagne » ne présente pas les mêmes caractéristiques que les autres signes officiels de qualité.

L'encadrement de la dénomination « montagne » vise avant tout à garantir que l'ensemble des étapes d'élaboration du produit, y compris les matières premières utilisées et l'alimentation des animaux sont situées en zone de montagne, ceci afin de favoriser la valorisation de la production agricole dans ces zones, et de lutter contre les utilisations infondées de cette dénomination.

Ainsi, même si des dérogations sont possibles (codifiées en tant que de besoin dans des règlements techniques par filière) l'objectif n'est cependant pas de fixer a priori des conditions particulières d'élevage, d'alimentation, de choix des races, ou de transformation. En effet, le dispositif ne fixe aucune contrainte qualitative prédéterminée , en terme de moyens ou de résultats, sur le produit « montagne ».

Une démarcation par la qualité nécessite de recourir à un autre signe de qualité. C'est, par ailleurs, ce qui explique que les modalités de contrôle des produits « montagne » soient allégés par rapport à celles des autres signes de qualité.

La mission commune d'information tient cependant à rappeler que les produits issus de l'agriculture de montagne offrent des garanties substantielles de traçabilité qui ne se limitent pas à une simple indication de provenance géographique, comme en témoigne l'exemple de la filière porcine en zone de montagne.

Ainsi, la dénomination montagne évoque, pour le consommateur, non seulement la provenance géographique du produit mais également les spécificités des composantes du sol et le faible degré d'utilisation d'azote dans nos massifs. Encore faut-il que ce réflexe du consommateur puisse se fonder sur le respect de critères bien définis : la mission commune d'information estime donc souhaitable de réfléchir à la possibilité de consolider la dénomination montagne par la définition de cahiers des charges fixant des contraintes qualitatives bien délimitées.

e) Préserver l'acquis et l'image des filières protégées par des signes de qualité en écartant tout risque de signalétique confusionnelle

Lors du débat au Sénat sur le dispositif relatif à la dénomination montagne, M. Jean Faure, rapporteur de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, soulignait la « nécessité de n'utiliser qu'à bon escient la superposition » des signes de qualité pour éviter toute confusion dans l'esprit du public.

Très soucieuse de s'assurer de la mise en oeuvre effective de cette protection à l'égard, notamment, des AOC fromagères, la mission commune d'information a demandé au ministère de l'Agriculture des précisions sur l'efficacité des moyens juridiques de protection d'une AOP ou d'une IGP qui serait confrontée à un produit sous dénomination « montagne » prêtant à confusion avec le nom de l'AOP ou IGP considérée.

La base législative de la protection des signes de qualité est l'article L.642-4 du code rural. Celui-ci précise que « l'utilisation d'indication d'origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d'induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit , de détourner ou d'affaiblir la notoriété d'une dénomination reconnue comme appellation d'origine contrôlée ou enregistrée comme indication géographique protégée ou comme attestation de spécificité, ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l'utilisation abusive d'une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d'origine contrôlées, aux indications géographiques protégées et aux attestations de spécificité. »

L'article L.641-6 du code rural attribue à l'Institut national des appellations d'origine (INAO) la mission de « contribuer, en France et à l'étranger, à la promotion des appellations d'origine ainsi qu'à la défense des appellations d'origine protégées et des identifications géographiques protégées. Il peut, en France et à l'étranger, dans les mêmes conditions que les syndicats professionnels, constitués conformément aux dispositions du chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code du travail, contribuer à la défense des appellations d'origine mentionnées dans le présent chapitre, ainsi que des appellations d'origine protégées, collaborer à cet effet avec les syndicats formés pour la défense de ces appellations et ester en justice pour cette défense ».

Cet article reconnaît que la protection des AOP et IGP est fondamentale car elle constitue la sauvegarde légitime des droits acquis par des générations de producteurs d'une région qui ont su s'imposer des règles et des disciplines pour mettre sur le marché un produit original et unique.

Dans ces conditions, tout produit -sous dénomination « montagne » ou non- qui serait susceptible de prêter à confusion avec un produit sous AOP ou IGP peut faire l'objet d'une action en justice, diligentée par l'Institut national des appellations d'origine.

Il convient néanmoins de rappeler qu'un producteur est libre d'annoncer les caractéristiques et les qualités des produits qu'il met sur le marché. Cette publicité est effectuée sous sa responsabilité et si les qualités que sont en droit d'attendre les consommateurs au vu de cette annonce ne correspondent pas aux indications fournies, ceux-ci peuvent demander des dommages-intérêts et porter plainte pour publicité trompeuse (article L.121-1 du code de la consommation) ou tromperie (article L.213-1) du même code.

2. Les obstacles réglementaires au développement de l'agriculture biologique en montagne

a) Des atouts indéniables

La montagne dispose d'atouts indéniables en matière d'agriculture biologique à travers la qualité de son environnement et de ses savoir-faire locaux qui peuvent être valorisés pour la mise en oeuvre d'un mode de production respectueux des équilibres naturels susceptible de permettre d'obtenir le signe relatif à l'agriculture biologique. A titre d'exemple, le massif du Jura, en particulier le département du Doubs, constitue depuis plusieurs années l'un des principaux pôles de développement de l'agriculture biologique.

b) Les aides mobilisables

Il n'existe pas d'aides spécifiques « bio » pour la valorisation des produits de montagne, mais ces zones bénéficient assez aisément des deux types d'aides octroyées pour le développement de l'agriculture biologique.

L'aide à la conversion de l'exploitation à l'agriculture biologique

Celle-ci a vocation à compenser la perte de revenus liés aux surcoûts générés par ce mode de production, alors que pendant la durée de conversion, les produits ne peuvent être valorisés sous la dénomination « agriculture biologique ». L'aide à la conversion s'effectue à travers le CTE : le montant moyen est de 53.000 euros sur cinq ans.

L'accompagnement des projets par les offices

Au niveau régional, les offices interviennent à travers les crédits contractualisés dans le cadre des contrats de plans Etat-régions. Il s'agit principalement du financement de projets de recherche ou de structuration de filière ou d'animation.

Au niveau national, les offices interviennent également, sur des opérations ayant trait à des projets de structuration de filières, des programmes de recherche ou de communication. Pour l'année 2001, les offices y ont consacré un peu moins de 2 millions d'euros.

Les maîtres d'ouvrage sont des organisations de producteurs biologiques, des structures interprofessionnelles de l'agriculture biologique ou encore des chambres régionales d'agriculture.

Ces aides soutiennent quatre types d'actions : appui technique aux producteurs entrant dans des démarches de qualité, constitution de réseaux, recherche utile à la production biologique, et structuration de filières.

c) Les obstacles incombant à la réglementation européenne

Deux difficultés particulières contrecarrent le développement de l'élevage en montagne selon le mode de production biologique.

Il s'agit, tout d'abord, de la mise en oeuvre de l'interdiction de l'attache des bovins (sauf en période hivernale, sous réserve d'un accès à l'extérieur au moins deux fois par semaine). Cette prescription relève du règlement communautaire n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles. Il ne concernait que les produits végétaux et les produits transformés d'origine végétale et a été étendu en juillet 1999 aux produits animaux. L'application de ce principe n'est, à l'évidence, pas compatible avec les conditions d'élevage en montagne puisqu'il mettrait aussitôt en danger la vie du troupeau.

Des discussions ont été engagées cette année, par le ministère de l'Agriculture, pour que soient prises en compte les spécificités de l'agriculture de montagne, mais, d'après les indications fournies à la mission commune d'information, elles n'ont pas pu aboutir jusqu'à présent.

La deuxième difficulté tient à l'obligation de respecter le principe du lien avec le sol : celui-ci impose qu'une partie significative de l'alimentation des animaux soit produite sur l'exploitation. Cette contrainte revêt une acuité particulière pour les exploitations en montagne. Une modification du dispositif autorisant des partenariats entre exploitations en mode de production biologique pourrait permettre de résoudre cette difficulté. Les discussions ont été engagées au niveau communautaire sur ce point.

Proposition n° 21. : Lever les obstacles de la réglementation européenne au développement de l'agriculture biologique en montagne.

3. Les incitations au développement de filières de valorisation des produits de montagne et la contractualisation.

De manière générale, l'une des caractéristiques de la production dans les massifs réside dans la faible superficie des exploitations qui génèrent de faibles quantités de produits à mettre en marché à travers une offre atomisée. Il en résulte des moyens financiers limités peu à même de permettre un développement individuel ainsi qu'une forte diversité des produits.

Dans ces conditions, la compensation des surcoûts et le perfectionnement de la signalétique sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes de la valorisation de l'agriculture de montagne. On observe, par exemple, des prix du lait relativement faibles dans des zones qui détiennent pourtant plusieurs AOC fromagères. Tout dépend, en réalité, du bon niveau d'intégration et de la gestion de la filière, du respect des savoir-faire traditionnels et de la capacité à éviter la surproduction.

Un des facteurs essentiels de la stratégie agricole en zone de montagne est, par conséquent, d'encourager la structuration collective des producteurs pour « capturer » la valeur ajoutée des produits de montagne.

Comme l'a souligné avec force M. Michel Teyssedou, ancien président de la Chambre d'agriculture du Cantal, lors de son audition devant la mission commune d'information, il convient de généraliser les « expériences réussies d'élaboration et de transformation de produits par des regroupements d'agriculteurs de montagne qui permettent un dialogue équilibré avec les distributeurs », « car c'est l'acte de distribution, plus que l'acte de production, qui détermine la rentabilité ».

Dans cet esprit, les aides à l'investissement doivent être mobilisées pour soutenir les initiatives en matière d'ateliers collectifs de transformation, de vente directe ou de fermes-auberges.

Proposition n° 22. : Soutenir prioritairement les initiatives de structuration de filières de production et de transformation qui sont la clef d'une meilleure répartition de la valeur ajoutée des produits de montagne.

Pour mettre en oeuvre cette restructuration agricole, beaucoup d'espoirs ont été fondés sur la contractualisation avec l'introduction d'une logique de projet dans le dispositif d'attribution des aides à l'agriculture.

a) Les débuts difficiles des contrats territoriaux d'exploitation (CTE)

Le contrat territorial d'exploitation (CTE) devait constituer l'une des dispositions majeures de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999. Dans l'esprit de ses promoteurs, « il s'appuie sur un projet global qui engage l'exploitant à développer une activité multifonctionnelle contribuant à la fois au développement de la valeur ajoutée, à la protection et à la gestion des espaces naturels, des paysages, à la diversité biologique, à l'équilibre des territoires et à l'emploi. Les approches collectives sont favorisées pour construire des projets de territoire et de filières territorialisées. Les collectivités territoriales sont également associées . »

Le démarrage de la signature des CTE a été beaucoup plus lent que prévu. Les chiffres annoncés étaient de 50.000 exploitants sous contrat en 2000, 75.000 en 2001 et 100.000 en 2002. En réalité, 3.700 contrats ont été signés en 2000 puis 15.000 en 2001 et 8.200 au cours du premier semestre 2002, ce qui porte à 26.957 le nombre d'exploitants sous contrat au premier juin 2002.

Le chapitre 44-84 regroupe les crédits destinés à ces CTE à travers le fonds de financement des CTE. En 2002, celui-ci est doté de 76,2 millions d'euros (500 millions de francs), en augmentation de près de 25 % par rapport à 2001. La dotation du fonds de financement des CTE avait fortement diminué en 2001, se traduisant par une baisse de près de 60 % de ses crédits, en raison de son adaptation au rythme de montée en puissance du dispositif et de la sous-consommation des crédits du fonds en 2000.

Les crédits destinés à financer les mesures agri-environnementales hors CTE s'élèvent, quant à elles, à 88,42 millions d'euros (580 millions de francs), niveau identique à celui de 2001, et recouvrent notamment la prime au maintien des systèmes d'élevages extensifs, dite prime à l'herbe (chapitre 44-41, article 22 : amélioration des structures agricoles, programme agri-environnemental).

Le lancement des CTE en zone de montagne a été légèrement plus rapide qu'en moyenne nationale. En effet, parmi les 24.018 CTE signés fin avril 2002, 10.699 dossiers de CTE ont été souscrits dans 39 départements présentant une zone montagne. On dénombre 4.418 CTE souscrits par des exploitants situés en zone de montagne, soit 41 % des CTE souscrits dans ces départements. La répartition par département est présentée dans le tableau ci-dessous.

NOMBRE DE DOSSIERS C.T.E. SIGNES EN MONTAGNE

N° dept.

DEPARTEMENTS

Total

dont CTE montagne au 26/04/02

% par rapport au total montagne France

42

Loire

682

537

12,2%

12

Aveyron

610

492

11,1%

23

Creuse

327

327

7,4%

43

Haute-Loire

285

278

6,3%

81

Tarn

706

209

4,7%

38

Isère

470

200

4,5%

63

Puy de Dôme

277

192

4,3%

07

Ardèche

226

181

4,1%

26

Drôme

417

166

3,8%

64

Pyrénées Atlantiques

557

163

3,7%

15

Cantal

508

153

3,5%

04

Alpes de Hte Provence

160

141

3,2%

25

Doubs

187

139

3,1%

19

Corrèze

147

127

2,9%

05

Hautes-Alpes

225

123

2,8%

73

Savoie

135

117

2,6%

11

Aude

603

115

2,6%

48

Lozère

106

106

2,4%

65

Hautes-Pyrénées

240

90

2,0%

74

Haute-Savoie

179

66

1,5%

31

Haute-Garonne

524

64

1,4%

09

Ariège

177

58

1,3%

68

Haut-Rhin

220

57

1,3%

30

Gard

326

46

1,0%

01

Ain

174

38

0,9%

87

Haute-Vienne

359

31

0,7%

66

Pyrénées Orientales

189

29

0,7%

69

Rhône

96

29

0,7%

34

Hérault

228

21

0,5%

58

Nièvre

315

21

0,5%

2A

Corse de Sud

26

20

0,5%

2B

Haute-Corse

18

18

0,4%

06

Alpes-Maritimes

26

17

0,4%

39

Jura

184

15

0,3%

67

Bas-Rhin

116

13

0,3%

83

Var

148

9

0,2%

88

Vosges

387

6

0,1%

84

Vaucluse

126

2

0,05%

90

Territoire de Belfort

13

2

0,05%

TOTAL

10 699

4 418

Les CTE signés en zone de montagne représentent 20 % de l'ensemble des contrats souscrits, chiffre à rapprocher de la proportion des exploitations classées en montagne dans l'ensemble des exploitations (environ 15 %).

b) Les contrats territoriaux d'exploitation (CTE) : une réponse a priori adaptée à la montagne

Interrogée par la mission commune d'information sur le suivi des recommandations émises par le rapport de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne , la direction des exploitations de la politique sociale et de l'emploi au ministère de l'agriculture et de la pêche a dressé un bilan des onze propositions principales pour lesquelles des actions ont été engagées. Six de ces actions, qui portent sur les conditions essentielles de la modernisation, de la valorisation et, en un mot, de l'avenir de l'agriculture de montagne, pourraient être mises en oeuvre par le canal des contrats territoriaux d'exploitation (CTE).

Le rapport de l'instance recommandait

Les actions engagées

De soutenir la modernisation, la mise aux normes et la diversification des exploitations

Les textes sur les bâtiments d'élevage et la mécanisation ont été revus.

Le CTE prend en compte cette problématique.

De soutenir l'investissement

Par le CTE ou hors du CTE.

De pérenniser et de conforter les droits à produire et les droits à primes

Des droits « résiduels » ont été attribués à la montagne.

De rééquilibrer les soutiens publics

La modulation des aides a pour objet de transférer une partie des aides directes vers les nouveaux dossiers du PDRN, dont certains en montagne, essentiellement au travers du CTE ou des MAE hors CTE.

Rechercher un nouveau dispositif de compensation de handicaps

Les ICHN sont désormais calculées à l'hectare. Cependant, une définition du handicap plus proche des handicaps réels de chaque exploitation n'a pas été entreprise : d'une part, car il fallait répondre à un certain nombre d'engagements auprès de la Commission et aussi auprès des organisations professionnelles agricoles, d'autre part, « faire vite », enfin, pouvoir disposer d'outils pour « mesurer » le handicap de chaque exploitation. Ce dernier point pourrait trouver une application par le biais des déclarations graphiques.

Soutenir la valorisation des principaux atouts de l'agriculture de montagne

La préconisation de l'instance proposait un système de soutien individualisé  du type du CTE...

Réserver des moyens financiers et humains pour les CTE

Les moyens humains ont pu être mobilisés dans les services déconcentrés mais aussi dans les ADASEA, les chambres d'agriculture à qui a été confiée une tâche de préparation des dossiers des agriculteurs par convention départementale.

Réévaluer l'ISM en priorité pour les 25 premières UGB

Cette proposition avait été mise en oeuvre précédemment. Elle a été reconduite.

Le montant des soutiens à la montagne a été renforcé.

Soutenir le développement de filières de qualité

Les CTE ont cette vocation.

Soutenir les microfilières de valorisation des produits

Idem.

Développer un signe de reconnaissance de la montagne

Voir le décret sur la provenance montagne.

c) Les perspectives des contrats territoriaux d'exploitation (CTE)

Coupant court aux incertitudes sur leur éventuelle remise en question M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a indiqué à la mission commune d'information lors de son audition que le contrat territorial d'exploitation « sera maintenu ».

Compte tenu de la mission d'audit dont le rapport a été remis au ministre le 8 juillet dernier, la simplification du dispositif et le recentrage de ses priorités ont été annoncées. D'après ce rapport, « il faut arriver à ce que, pour chaque territoire, soit défini un contrat type comportant un nombre très limité de mesures obligatoires ou optionnelles, répondant aux enjeux essentiels du territoire ». On notera que certains départements ont dores et déjà mis en place des pratiques de contrat-type et que l'ensemble des mesures de simplification qui sont envisagées relève du domaine réglementaire.

La mission commune d'information se félicite de cette perspective d'aménagement et de simplification du CTE qui rejoint le diagnostic qu'elle a pu effectuer sur le terrain : il eût été dommage de sacrifier l'introduction d'une logique de projet d'entreprise et d'innovation, auquel souscrivent les agriculteurs, sans s'efforcer au préalable de réduire les lourdeurs administratives du dispositif initial.

En outre, il est fondamental pour les agriculteurs de montagne de maintenir la possibilité de percevoir la prime au maintien du système d'élevage extensif (PMSEE), dite prime à l'herbe sans obligation de souscrire un CTE.

De manière plus générale, la mission commune d'information souligne la possibilité de dispenser, en dehors des contrats territoriaux d'exploitation, des soutiens agri-environnementaux dans le cadre du deuxième pilier de la politique agricole destiné à financer le développement rural. Elle estime nécessaire d'amplifier ces aides et de décentraliser leurs procédures de gestion.

Proposition n° 23. : Maintenir le principe de l'introduction en agriculture d'une logique de projet d'entreprise et d'innovation, au moyen du contrat territorial d'exploitation (CTE), auquel souscrivent les exploitants de montagne ; tout en réduisant les lourdeurs administratives du dispositif initial.

Enfin, pour que cet outil puisse permettre à l'agriculture de montagne de répondre pleinement au défi de sa modernisation, votre mission commune d'information préconise le déplafonnement en zone de montagne du volet économique des CTE, actuellement fixé à 15.240 euros. En effet, si le principe d'un plafonnement du montant global d'aides perçues se justifie pleinement, il convient de prendre en compte, dans le volet économique, le surcoût des investissements en zone de montagne tel qu'il a été démontré de manière incontestable.

Proposition n° 24. : Déplafonner en zone de montagne le volet économique des CTE pour prendre en compte le surcoût des investissements.

4. Conforter et développer le pastoralisme

Le pastoralisme se définit comme une activité économique réalisée sur de vastes territoires assez contrastés avec une prédominance forte de l'agriculture fondée sur l'élevage.

a) Etat des lieux

Les zones pastorales constituent un vaste territoire sur lequel l'herbe est omniprésente : près de 4 millions d'ha de surfaces toujours en herbe (STH) et 1,4 million d'ha de STH peu productive. Le poids de ces surfaces atteint 60 % de la SAU dans les massifs contre seulement 15 % hors massif. On constate une diminution de la STH au cours des 20 dernières années d'environ 10 %. Les surfaces en herbe peu productives sont, quant à elles, en légère augmentation : + 5 %.

Les exploitations pastorales semblent avoir mieux résisté que l'ensemble des exploitations herbagères depuis 20 ans : on constate ainsi une diminution de 50 % des exploitations avec STH contre 40 % pour les exploitations dites pastorales (avec une STH peu productive). L'évolution du nombre d'exploitations herbagères reste sensiblement identique quel que soit le massif, l'évolution étant plus contrastée pour les exploitations pastorales allant de -5 % pour le massif du Jura à -45 % pour le Massif central.

L' utilisation collective des estives constitue une spécificité du mode de gestion du foncier avec une concentration forte dans les Pyrénées et les Alpes. Sur ces deux massifs, on recense :

- 520 unités pastorales concernées par une association foncière pastorale (AFP) ou par un projet de constitution d'AFP soit 160 000 ha ;

- 862 unités pastorales gérées par un groupement pastoral agréé soit 435 000 ha ;

- près de 40 % des unités pastorales gérées collectivement, 80 % sur le seul massif des Pyrénées.

b) Les contributions du pastoralisme au développement économique de la montagne et à l'environnement
(1) La contribution au maintien de l'élevage en montagne

Le territoire des exploitations pastorales est fondé sur l'élevage et est essentiellement partagé entre les bovins et les ovins. On note une forte complémentarité de ces deux systèmes d'élevage avec un effectif bovin concentré dans le nord des Alpes, des Pyrénées et du Massif central ainsi que dans les Vosges et le Jura et un effectif ovin concentré dans les Alpes du Sud, le pourtour méditerranéen le sud du Massif central et les Pyrénées.

Depuis 20 ans, on constate une baisse généralisée des effectifs ovins mais une augmentation des cheptels bovins. Cette dernière hausse est très significative dans les exploitations herbagères du Massif central.

(2) La contribution du pastoralisme au tourisme

L'apport du pastoralisme au tourisme se manifeste par le fait que 2/3 des unités pastorales sont traversées par un sentier balisé, 10 % d'entre elles accueillent un refuge ou un gîte touristique et 15 % d'entre elles sont utilisées comme domaine skiable d'une station.

(3) La contribution à l'environnement

Plusieurs indicateurs témoignent du rôle du pastoralisme en matière d'environnement notamment en ce qui concerne l'entretien et l'ouverture des paysages ainsi que le maintien de la biodiversité floristique et faunistique. On recense, sur le territoire pastoral, 14 berceaux de races ovines et 9 berceaux de races bovines à très faibles effectifs ou locales ainsi que plusieurs sites Natura 2000.

c) La mise en place d'un groupe de travail interministériel sur le pastoralisme

A l'occasion du Conseil national de la Montagne du 5 février 2001, a été mis en place un groupe de travail interministériel sur le pastoralisme auquel il a été assigné les missions suivantes :

- rechercher les moyens d'améliorer les actions de développement et de protection de l'activité pastorale, notamment dans les zones où celle-ci doit se concilier avec la présence d'animaux de grande faune ;

- adapter le statut des entités collectives afin de simplifier et de moderniser les procédures ; il s'agit notamment d'harmoniser les conditions de versement des aides aux structures gérant collectivement des surfaces herbagères, telles que les groupements pastoraux, les syndicats de communes ou encore les sectionnaux -nom donné à ces structures dans le Massif central-, quel que soit leur statut ;

- rechercher une plus grande cohérence entre les droits d'usage et la réglementation communautaire ;

- adapter la formation et le statut des bergers à la stratégie de relance du pastoralisme.

La principale conclusion du groupe de travail est que le pastoralisme permet la gestion d'espaces naturels par l'élevage . Ce système est fondé sur des pratiques traditionnellement extensives et sur des savoir-faire de production et d'élaboration de produits de qualité. Il joue un rôle important tant au niveau économique qu'au niveau du maintien des populations rurales, de l'aménagement du territoire, et de la qualité des paysages.

Ces zones pastorales sont en majorité propriété de l'Etat, de collectivités locales, de sections de communes ou de commissions syndicales. Cette propriété publique peut être une chance pour ces espaces grâce à la prise en charge de l'entretien, des investissements lourds, de la défense contre les risques naturels, du maintien de leurs diversités (biologiques et de production) ou encore de leur utilisation partagée.

Divers outils sont à disposition des propriétaires, des collectivités locales et des agriculteurs pour permettre de répondre aux problématiques rencontrées sur le terrain telles que la déprise de zones difficiles, le morcellement, l'absence ou la disparition des limites de propriété, l'éloignement des propriétaires. On peut citer à ce titre, les associations foncières pastorales (AFP), les groupements pastoraux (GP), les associations foncières, forestières...

Compte tenu de la multiplication des textes législatifs intervenant à un titre ou à un autre sur le régime du foncier agropastoral, le groupe interministériel s'est attaché à balayer l'ensemble des problèmes du foncier en définissant les actions à court terme, à moyen terme et à long terme et celles qui relèvent de la circulaire, du décret ou de la loi.

Le groupe interministériel a présenté trois séries de propositions : les unes relevant du domaine de la loi, d'autres du règlement et de la coordination interministérielle, une troisième catégorie de mesures enfin relevant de la concertation entre administrations et appelant la production éventuelle de circulaires pour l'application de textes existants.

d) Les propositions particulièrement soutenues par la mission sénatoriale

La mission commune d'information a examiné l'ensemble des propositions du groupe interministériel et a tout particulièrement retenu les suivantes.

Une dotation accordée à des gestionnaires d'estives collectives (dont les commissions syndicales pyrénéennes) devrait permettre de faire face à leurs obligations de gestion durable d'espaces difficiles et à l'entretien d'ouvrages concernant le multi-usage et l'ouverture au public de ces espaces.

Proposition n° 25. : Etudier la mise en place d'une « dotation sylvo-pastorale » comprise ou non dans les mécanismes actuels de dotation globale de fonctionnement et de dotation de solidarité rurale attribuées aux collectivités locales.

Il convient d'améliorer les relations entre les éleveurs et les propriétaires en prenant notamment en compte les usages et en s'efforçant de simplifier les déclarations et les procédures relatives aux exonérations foncières, aux régimes des concessions sur les terrains domaniaux et communaux soumis à l'établissement de conventions pluri-annuelles de pâturage dans les périmètres des AFP.

Proposition n° 26. : Approfondir les notions de droits d'utilisation des surfaces collectives et définir un cadre national « CTE estives » pour les groupements pastoraux et les associations foncières pastorales exploitant elles-mêmes.

L'élaboration d'un statut spécifique permettrait de faciliter la mise en oeuvre de mesures d'aides aux exploitations pastorales, de les conforter économiquement et de mettre en oeuvre un pastoralisme adapté contribuant à la lutte contre les risques naturels et l'ouverture au public des zones considérées.

Cette définition pourrait également ouvrir la possibilité de classer des territoires agropastoraux en « espaces naturels sensibles » dans les documents communaux ou intercommunaux d'urbanisme. Ce type de classement permettrait d'envisager la mobilisation de moyens financiers provenant de la taxe « espaces naturels sensibles » (TDENS) perçue par les départements.

Proposition n° 27. : Elaborer un statut spécifique des surfaces à usage pastoral permettant d'élargir la vocation de ces espaces naturels au multi-usage.

Compte tenu des caractéristiques propres à la production en zone de montagne, l'organisation des producteurs en filières ou micro-filières de qualité rencontrent des difficultés se traduisant par des coûts élevés en amont (animation, regroupement des producteurs, recherche des caractéristiques intrinsèques des produits pour un positionnement qualitatif) ainsi qu'en aval (démarches marketing, organisation des marchés).

Proposition n° 28. : Approfondir la réflexion sur les signes de qualité ou les mentions valorisantes susceptibles de mieux promouvoir l'identification des productions à base d'herbe.

Dans les zones à vocation pastorale, la présence des grands prédateurs (loup, ours et lynx) protégés par la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe a entraîné des dysfonctionnements dans les modalités de gestion des élevages. L'environnement professionnel des éleveurs a été considérablement modifié et a entraîné de nouvelles contraintes d'exploitation et une modification des conditions de travail.

Votre mission commune d'information, très sensible aux témoignages poignants recueillis sur le terrain, estime qu'il convient, sur ce point, d'aller au-delà des préconisations du groupe pastoralisme et propose de mettre fin à l'introduction des grands prédateurs protégés. Les attaques multiples portées aux troupeaux et la consternation des bergers créent une atmosphère de désolation incompatible avec l'harmonie de l'activité pastorale. Les acteurs de terrain ont bien du mal à accepter que le principe de précaution soit remplacé en zone pastorale par le principe de prédation, et les mécanismes coûteux d'indemnisation sont loin d'être une solution satisfaisante.

Proposition n° 29. : Mettre fin à l'introduction des grands prédateurs incompatibles avec l'activité pastorale.

En définitive, il apparaît utile de prolonger le travail du groupe pastoralisme en confiant une mission à un parlementaire qui aurait pour objectif de réouvrir la réflexion sur les aménagements législatifs à apporter aux textes relatifs aux associations syndicales de propriétaires et à leur adaptation à la logique des territoires ruraux actuels. Cette mission pourrait également examiner la faisabilité d'une formule « d'association foncière à définition patrimoniale d'espaces naturels » qui ne serait pas seulement à dominante pastorale afin de mieux mobiliser l'intérêt des propriétaires. Par ailleurs, certains autres aspects législatifs soulevés par le groupe interministériel pourraient être inclus dans les travaux de cette mission parlementaire comme : la demande de reconduction de l'exonération foncière dans la loi de finances pour 2004, l'assouplissement des règles de fonctionnement des AFP et la clarification de l'article 69 de la loi de finances 2001 relatif à la compensation de TVA sur les travaux afin de pouvoir appliquer cette disposition aux bâtiments à usage pastoral saisonnier.

5. Défendre la spécificité montagne au sein de l'union européenne

a) Les grandes étapes de la politique agricole commune et l'érosion d'une politique différenciée au bénéfice de la montagne
(1) L'instauration des quotas laitiers

Avec l'instauration des quotas laitiers en 1984, la montagne a bénéficié de mesures prenant en compte trois grandes caractéristiques de l'agriculture de montagne : l'importance du lait dans l'orientation des exploitations agricole, les faibles possibilités de reconversion vers d'autres productions et la transformation du lait en fromages de qualité ne participant pas aux excédents. La mission commune d'information a pu constater sur le terrain que ces données restent aujourd'hui fondamentales dans nos massifs.

(2) La prééminence de la notion de zone défavorisée

En revanche, la réforme des fonds structurels communautaires en 1988 n'a pas pris en compte la problématique montagnarde : le zonage a, en effet, été conçu sur la base de critères socio-économiques appliqués indifféremment à l'ensemble des zones rurales. Les massifs ont fait l'objet de programmes de développement des zones rurales (PDZR) et de programmes relevant de l'objectif 1 (Corse) ou 2 (reconversion industrielle : Vosges. Massif central...) sans que la montagne soit considérée comme une entité territoriale spécifique. Cette réforme semblait ainsi conforter l'érosion d'une politique originale et différenciée au bénéfice de la montagne malgré les diverses voix qui se sont élevées notamment au Parlement européen en faveur de la préservation d'une entité « montagne ».

Par ailleurs, d'autres facteurs font craindre une dilution de la politique de la montagne dans une politique plus générale et diffuse de soutien aux zones rurales fragiles. Les régions considérées comme zones défavorisées ont été notablement étendues en 1987 puis en 1990. A titre de comparaison les superficies classées en 1993 représentent 3.957.000 ha en zone de montagne contre 8.552.000 ha en zone défavorisée. De plus, l'augmentation de 40 à 50 UGB du plafond d'animaux primables au titre de l'ICHN en 1988 a bénéficié plus particulièrement aux producteurs des zones défavorisées en raison de la taille supérieure de leurs troupeaux. Au-delà des critères « objectifs » de classement. la très forte extension spatiale des zones agricoles défavorisées pourrait à terme se traduire par un poids plus important des groupes de pression régionaux dans la négociation communautaire pour l'obtention du classement et des avantages qui lui sont liés.

(3) La permanence des disparités de revenus

La réforme de la PAC en 1992, avait un objectif de maîtrise des volumes de production et une amélioration de la compétitivité du produit passant par une réduction des prix compensée par le versement d'aides directes soumis à condition de maîtrise, qui devait s'avérer plutôt favorable aux systèmes extensifs. Sans contrevenir à cet objectif, les modalités d'octroi des aides directes se sont en définitive révélées moins défavorables aux systèmes intensifs de plaine que ne le prévoyaient les propositions initiales.

b) La mutation environnementaliste de la PAC et l'agriculture de montagne
(1) L'agenda 2000

La réforme de la PAC intervenue dans le cadre du programme d'actions dit Agenda 2000 a eu pour but d'approfondir et d'étendre la réforme de 1992, en remplaçant les mesures de soutien des prix par des aides directes et en accompagnant ce processus d'une politique rurale cohérente fondée sur la constatation suivante : « le soutien agricole est réparti de façon inégale selon les producteurs et les régions avec comme conséquence un mauvais aménagement de l'espace rural: déclin de l'activité agricole dans certaines régions, dans d'autres pratiques agricoles excessivement intensives entraînant pollution, maladies animales, une moindre sécurité alimentaire ». Les mesures d'accompagnement financées précédemment par le FEOGA -Garantie ont été complétées par les aides en faveur des régions défavorisées et les zones en retard de développement, sans que la spécificité des zones montagnardes fasse l'objet de nouvelles mesures de soutien spécifique.

A travers la nouvelle organisation commune des marchés dans le secteur des produits laitiers, l'élément essentiel pour l'agriculture de montagne est la décision de prolonger le régime des quotas jusqu'en 2007/2008.

(2) Les démarches au niveau européen en faveur d'une stratégie spécifique aux régions de montagne

Le Parlement européen, a adopté le 6 septembre 2001 une résolution sur les vingt-cinq ans d'application de la réglementation communautaire en faveur de l'agriculture de montagne : « considérant le désavantage permanent imposé par la nature aux agriculteurs de montagne, et dans la perspective de l'Année de la montagne (2002), le Parlement européen invite la Commission à concevoir une stratégie globale de l'Union européenne pour le développement durable des régions de montagne dans l'Union européenne et dans les pays candidats à l'adhésion » .

Reçue à Bruxelles par M. Franz Fischler, commissaire européen, chargé de l'Agriculture, la mission commune d'information s'est efforcée, à travers la complexité des enjeux et des modalités de la politique agricole commune, de démontrer clairement la nécessité d'un rééquilibrage en faveur de l'agriculture de montagne. Ainsi, relevant que la PAC est plus que jamais soucieuse de santé, d'environnement et de qualité des produits, la mission a souligné qu'il était paradoxal que les agriculteurs de montagne qui satisfont le mieux à ces préoccupations perçoivent néanmoins les revenus les plus faibles (20 à 30 % de moins en France que la moyenne) et les aides les moins élevées à l'hectare.

(3) Les perspectives de réforme de la PAC et la montagne

L'agriculture de montagne, fondée sur le système herbager extensif et la qualité de ses produits, a une logique de fonctionnement qui la place dans une situation particulière au regard de la PAC. Ainsi, la configuration actuelle des aides européennes n'a pas permis de réduire le différentiel de revenu au détriment des exploitants de montagne. Contestées dans leur ensemble par la France, les propositions contenues dans le projet de révision de la PAC présenté en juillet dernier suscitent également quelques inquiétudes chez les agriculteurs de montagne notamment en ce qui concerne l'avenir des quotas laitiers après 2008 : leur maintien est, en effet, vital pour l'agriculture de nos massifs .

Proposition n° 30. : Préserver les quotas laitiers et augmenter les droits à produire en zone de montagne en prévoyant une affectation prioritaire à l'installation des jeunes agriculteurs.

En outre, on doit s'interroger sur la prise en considération de la montagne dans la perspective de l'augmentation des fonds alloués au développement rural (deuxième pilier) financée par la « modulation » des aides directes ( premier pilier).

Enfin le renforcement de « l'éco-conditionnalité » des aides ne pourra bénéficier aux agriculteurs de montagne que s'ils trouvent les soutiens nécessaires aux investissements de mise aux normes de leurs exploitations.

Préparer l'avenir, c'est aussi travailler dès à présent à mettre en évidence la contribution environnementale de l'agriculture de montagne, en s'inspirant, au besoin, comme l'a suggéré le ministère de l'Agriculture, de l'expérience de nos voisins suisses et autrichiens, ce qui renforcera tout naturellement la légitimité des contreparties à y apporter. La qualité de l'environnement et l'attrait pour les produits agricoles de qualité interagissent fortement. Comme l'a rappelé M. Bernard Debarbieux, directeur du laboratoire « territoire, environnement montagnard et organisations sociales » à l'Institut de géographie alpine : « cette reconnaissance a été acquise de longue date en Suisse où historiquement,  le montagnard incarne une figure emblématique de la nation ». Simultanément, les consommateurs de ce pays acceptent de payer les produits agricoles de montagne à un prix plus élevé. Cette situation s'explique, en partie, par l'effort de démonstration des « aménités » qu'apportent les agriculteurs à la montagne, et la montagne à l'ensemble du pays.

II. ENCOURAGER LE TOURISME DE MONTAGNE COMME VECTEUR ÉCONOMIQUE DU DÉVELOPPEMENT LOCAL

Les origines du tourisme montagnard remontent au XIXème siècle et renvoient au concept de la montagne « réserve de santé ». Jusqu'au début du XXème siècle, où l'initiative privée a suscité les premiers engouements pour les sports d'hiver, le tourisme de montagne est resté principalement estival. C'est après la seconde guerre mondiale, et tout particulièrement dans les années 1960 à 1980, que l'Etat a stimulé juridiquement et techniquement le développement des grandes stations de ski, et, au nom de la « rénovation rurale », des petites stations-villages, sans toujours bien éclairer les élus sur les risques financiers supportés par les collectivités locales dans ce processus à haute intensité capitalistique.

Le tourisme de montagne est aujourd'hui confronté à deux grands défis. En premier lieu, la croissance touristique mondiale s'annonce, d'après les prévisions, très rapide pour les prochaines décennies. Ce marché en forte croissance s'est caractérisé, au cours des cinq dernières années, par une mondialisation accrue, avec notamment un élargissement de la palette des choix de destinations offertes aux consommateurs.

En outre, la clientèle touristique a évolué, remettant assez sensiblement en cause les schémas traditionnels de l'offre touristique. L'aménagement et la réduction du temps de travail modifient les comportements, avec une progression des très courts séjours, une recherche de tarifs compétitifs mais également une demande de loisirs plus diversifiés et une exigence de qualité. Simultanément, on constate une progression du tourisme dit « éthique » et la montée des préoccupations de sécurité avec « l'obsession du risque zéro ».

Les équilibres traditionnels du tourisme de montagne sont ainsi amenés à se transformer pour répondre à une concurrence et à une demande de qualité accrue.

La question d'un développement durable  du tourisme restait centrale pour la montagne, mais il convient de dépasser l'alternative entre l'aménagement « ravageur » et « l'intégrisme » écologiste pour prendre en compte d'autres approches essentielles :

- le tourisme de montagne est en étroite relation avec tous les autres secteurs qui font vivre les massifs : l'agriculture, l'artisanat, le commerce, les transports, les services publics et la culture ;

- en montagne, comme dans le reste de la France, il convient de réfléchir à une meilleure distribution des flux touristiques qui ne bénéficient qu'à une proportion trop faible du territoire

- ce tourisme doit être organisé localement mais nécessite, pour garantir la viabilité économique des projets, une cohérence régionale, nationale, et européenne  ;

- enfin, en montagne, où l'investissement touristique est d'un coût en moyenne bien supérieur à celui du tourisme littoral ou de plaine, la réflexion stratégique et les outils d'anticipation de l'avenir doivent faire preuve d' une performance exceptionnelle.

A. L'ESSOUFFLEMENT DE LA FRÉQUENTATION TOURISTIQUE EN MONTAGNE

1. Les signes du plafonnement des parts de marché de la montagne

a) Un parti pris de réalisme dans l'interprétation des statistiques

Selon l'affichage statistique habituel, la France est la « première destination touristique mondiale » avec 75,6 millions de touristes en 2000 et 76,5 millions de touristes pour 2001.

La mission commune d'information a constaté que cette méthode de présentation ne donnait pas une image totalement fidèle de l'impact économique de ce secteur sur les comptes des entreprises car une proportion non négligeable de ces 76 millions de « touristes » se déplace en France, et notamment dans les zones montagnardes, mais n'y séjourne pas.

L'indicateur pertinent concerne plutôt le chiffre d'affaire : avec 6,3 % (dont le dixième réalisé en montagne) des recettes mondiales du tourisme, la France se situe devant l'Italie (5,7 %) et légèrement derrière l'Espagne (6,5 %). Avec 51 millions d'arrivées aux frontières contre 76 millions en France, les Etats-Unis enregistrent des recettes touristiques internationales presque trois fois supérieures (17,8 %).

Les efforts à mener en matière d'accueil et d'adaptation aux attentes des clients pour que les « arrivées aux frontières » se transforment en « nuitées » ou en « vacances », c'est-à-dire au moins quatre nuits consécutives selon la norme européenne, ne sont pas spécifiques, en France, aux zones de montagne.

b) L'évaluation globale: 10 % du tourisme national, 120 000 emplois

La montagne française, qui représente 23 % du territoire métropolitain, rassemble 5,15 millions de lits touristiques dans l'ensemble des massifs dont 2,13 millions dans les communes support de stations.

Le poids économique du tourisme en montagne est considérable : on estime qu'il représente 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires (60 milliards de francs), ce qui correspond à 10 % de la consommation touristique nationale. La clientèle étrangère représente un peu moins de 30 % de ce total.

Contrairement à une idée reçue, les recettes du tourisme d'été sont supérieures, en montagne, à celles du tourisme d'hiver : environ 5 milliards d'euros contre 4. En outre, les remontées mécaniques représentent 80 millions d'euros, soit 20 % des recettes du tourisme d'hiver. 19 ( * )

L'emploi touristique dans l'ensemble des stations d'hiver et d'été est estimé à 120.000 personnes, avec notamment :

- 17.839 employés des remontées mécaniques dont 3.546 permanents ;

- 12.000 moniteurs de ski en activité ;

- 27.000 salariés de l'hôtellerie-restauration ;

- 5.600 accompagnateurs en moyenne montagne ;

- 1.280 guides de haute montagne.

c) Les signes de l'érosion de la demande touristique en montagne

Compte tenu des statistiques disponibles, on peut noter une érosion de la fréquentation touristique en zone de montagne à travers un certain nombre d'indices.

La répartition des séjours en fonction du type d'espace20 ( * ) indique qu'en 2000 la montagne était devenue, en France, toutes destinations confondues la quatrième destination avec 14,8 % des séjours après la ville (53,7 %), la mer (47,4 %), et la campagne (16,9 %) -le total étant supérieur à 100 % car plusieurs espaces pouvant être fréquentés lors d'un même séjour-.

La dernière étude de conjoncture touristique publiée en mai 2002 sur les intentions de départ des français pour l'été 2002 confirme que la mer reste l'endroit préféré pour passer les vacances d'été suivie de la campagne, des grandes villes et de la montagne. Les évolutions par rapport à 2001 font apparaître une baisse de 5 % des intentions de départ à la mer et en montagne au profit des grandes villes : +8 %, et de la campagne : +2 %.

Les chiffres publiés en 1997 par le Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne (SEATM), selon une méthodologie statistique très sensiblement différente, plaçaient en 1994 la montagne au deuxième rang des séjours de vacances après la mer mais devant la ville et à peu près à égalité avec la campagne.

Les taux de départ des français aux sports d'hiver ( recensés par la direction du tourisme et la SOFRES) ont globalement décliné entre 1995 et 2001 en passant, pour les longs séjours, de 8,6 % à 7,1 % tandis que les courts séjours ont connu une stabilisation autour de 1,8 %.

Cette évolution n'est pas spécifique à la montagne puisque, de manière générale, les taux de départ des français en vacances d'hiver (toutes destinations confondues) ont baissé entre 1995 et 2001 en passant de 40,7 % à 36,7 %. Cependant, d'après ces chiffres, qui corroborent les observations de terrain, le repli des sports d'hiver est plus accentué que celui des vacances d'hiver.

Le tourisme en montagne des enfants, mesuré par l'évolution des séjours collectifs, a sensiblement diminué . D'après les statistiques du SEATM, la Haute Savoie, bien qu'étant le premier département d'accueil, a subi -entre 1994 et 1999- une réduction de sa fréquentation pour les séjours des mineurs, de près d'un cinquième (18 %).

Le tableau ci-après détaille l'évolution de la fréquentation pour les séjours des mineurs dans les six premiers départements touristiques de montagne.

Source : Les chiffres clés du tourisme de montagne 3 ème édition mai 2002. Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne.

La lecture de ces chiffres renforce la conviction de votre rapporteur quant au rôle fondamental des classes de neige pour développer chez les jeunes générations le goût des sports d'hiver. De ce point de vue, la fonction des petites stations de ski est irremplaçable pédagogiquement et économiquement : les classes de neige d'aujourd'hui sont le vivier de la clientèle future des grandes stations de ski.

Proposition n° 31. : Intensifier l'action collective en faveur des jeunes et relancer, en particulier, les classes de neige.

Il convient de noter que, selon un certain nombre d'indices, le fléchissement de la fréquentation des stations de haute montagne en hiver et en été s'est, selon certains indices, accompagné d'une augmentation du tourisme diffus en moyenne montagne, moins concentré par nature.

2. Les caractéristiques des séjours en montagne

a) L'évolution de la clientèle

Comme l'indiquent des enquêtes sociologiques conduites dans certaines stations, trois tendances de la fréquentation touristique peuvent être relevées :

- la fidélisation d'une clientèle attachée au site et, à la faveur de l'urbanisation de la vallée, cette clientèle devient massivement acquéreur de résidences secondaires ;

- l'apparition d'une clientèle nouvelle , souvent de nationalité étrangère, volontiers volatile notamment en hiver, de plus en plus exigeante au cours des décennies en matière de qualité des prestations et d'organisation des stations. Avec le temps et l'expérience, les touristes d'hiver deviennent de plus en plus attentifs à des facteurs pour lesquels certaines stations se trouvent pénalisées :

. le confort des installations : le parc d'hébergements marchands et de remontées mécaniques a vieilli ;

. la fonctionnalité de la station : les sites aménagés pour la pratique des sports d'hiver sont parfois dispersés et mal reliés les uns aux autres ;

- l'apparition de visiteurs effectuant de courts séjours ou même des visites à la journée ; ce phénomène est relativement récent ; il correspond à une évolution de l'organisation du temps des loisirs et à une nette amélioration de la desserte des vallées de montagne. Un peu partout, la durée des séjours touristiques tend à diminuer rapidement.

La notoriété et l'accessibilité des stations sont les déterminants essentiels de cette fréquentation.

b) La multiplicité des activités

La répartition des séjours dans l'espace montagnard, en fonction des activités pratiquées, place aux trois premières positions les visites de monuments, de sites et de musées (34,2 %), la promenade (32,2 %) et la randonnée pédestre (19,6 %).Viennent ensuite le ski alpin (17,7 %) et le ski de fond (4,2 %) 21 ( * ) .

Ce classement illustre la nécessité de la réhabilitation et de la mise en valeur de grands sites du patrimoine naturel et culturel montagnard soutenue par votre mission.

L'analyse des séjours par tranches d'âge indique que la montagne ne présente aucune spécificité notable par rapport à l'ensemble des espaces touristiques 21 ( * ) . Le marché des « seniors » qui représente aujourd'hui environ 40 % des séjours (22 % de 50 à 64 ans et 18 % de plus de 65 ans) est donc susceptible, selon certains professionnels, d'être mieux ciblé par le tourisme « doux ».

La durée moyenne des séjours est supérieure en montagne (7,3 nuitées) à la moyenne (5,8) ; les longs séjours (supérieurs à 4 nuits) représentent ainsi 67 % des séjours en montagne contre 48,2 % dans l'ensemble des espaces touristiques. D'après les observations de la mission commune d'information sur le terrain, il est vraisemblable que ces statistiques, publiées en mai 2002 mais fondées sur des recensements plus anciens, ne traduisent pas encore l'infléchissement à la baisse de la durée des séjours consécutif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.

c) Les modes d'hébergement

S'agissant du mode d'hébergement, le tourisme de montagne se distingue essentiellement de l'ensemble des espaces touristiques :

- par la place importante qu'occupe la location avec 17,2 % des modes d'hébergement contre 9,4 % en moyenne nationale ;

- et la fréquence -moindre en montagne- de résidences secondaires avec 37,1 % d'hébergement non marchand contre 56,5 % pour l'ensemble des espaces touristiques.

Il convient de préciser que ces proportions globales recouvrent des situations différentes par massifs : la prédominance de l'hébergement locatif est plus accentuée dans les Alpes du Nord, les Alpes du Sud et les Pyrénées tandis que la situation du Massif central se rapproche de la moyenne nationale avec une proportion plus élevée d'hébergements en résidence secondaire.

d) Les déséquilibres locaux

Les inégalités régionales de répartition des flux touristiques en montagne peuvent être, en partie, appréhendées par la carte suivante publiée par le SEATM.

Il faut souligner que le domaine skiable, qui représente 1 % du territoire montagnard, génère à lui seul directement presque un dixième du total des recettes touristiques de la montagne, en se limitant au chiffre d'affaires des remontées mécaniques. En doublant cette superficie pour y inclure l'immobilier de tourisme, on peut très approximativement estimer qu'en montagne la moitié du tourisme (d'hiver et d'été) se concentre sur 2 % de son territoire.

Tout en constatant que le tourisme de neige est par nature extrêmement concentré, ce qui limite à une zone très restreinte les éventuelles atteintes à l'environnement, la mission commune d'information estime qu'un certain rééquilibrage des flux touristiques à travers les massifs pourrait être obtenu par le développement du « tourisme diffus » en moyenne montagne .

3. Les raisons de l'essoufflement global de la fréquentation

a) L'aléa climatique

L'analyse du SEATM

Les données disponibles permettent de conclure à une tendance générale à la diminution de l'enneigement au cours des 40 dernières années. Toutefois, d'après les indicateurs du SEATM, les fluctuations d'une année sur l'autre sont beaucoup plus marquées que l'évolution à long terme.

L'avenir de l'enneigement et l'impact de l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère est difficile à anticiper : différentes hypothèses ont été formulées à ce propos et plusieurs modèles numériques très complexes sont utilisés pour estimer cet impact. Les projections du changement climatique par les modèles donnent une fourchette de variation des températures globales à la fin du XXIe siècle comprise entre +1° et + 4,5°C 21 ( * ) . Les augmentations de températures simulées sur l'Europe sont généralement comprises entre +1° et + 3,5°C . Par ailleurs, la tendance générale des modèles est de simuler des précipitations plus importantes en hiver sur le nord de l'Europe et plus faibles en été sur le sud de l'Europe. Les cartes suivantes, à prendre avec précaution donnent une idée de l'impact sur l'enneigement d'un réchauffement de 1,8°C dans les Alpes et les Pyrénées , d'après le modèle CROCUS de Météo-France.

Les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Dans son rapport d'information n°224 (2001-2002) consacré à l'évaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100, M. Marcel Deneux, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques commente, sur la base des mêmes modèles météorologiques, les estimations de l'évolution de la couverture neigeuse dans les Alpes et les Pyrénées en indiquant :

« Les altitudes les plus basses seraient particulièrement concernées, alors qu'au dessus de 2.000 mètres et, a fortiori de 2.500 mètres, l'enneigement en hiver serait peu touché.

De même, la diminution du nombre de jours où la hauteur de neige est supérieure à 20 cm serait réelle au-dessous de 2.400 mètres, notamment, lors des périodes très touristiques allant du 20 au 31 décembre et du 15 au 30 avril ; ce phénomène étant davantage marqué en hiver qu'au printemps.

L'étude citée de la MIES considère que « des problèmes se poseraient aux stations ne disposant pas de domaine de haute altitude (quel que soit le massif : Alpes, Pyrénées, Massif central, Jura, Vosges). Il n'y a pas de régions favorisées ou défavorisées a priori. Certes, l'enneigement est plus faible à altitude égale dans les Alpes du Sud et les Pyrénées que dans les Alpes du Nord, mais les stations de sports d'hiver sont également situées plus haut . ».

Sans contester l'importance fondamentale de l'aléa climatique, votre mission note que, d'après certains observateurs, la variabilité des goûts de la clientèle a un impact au moins aussi important sur le chiffre d'affaires touristique que la variabilité du climat.

b) L'accessibilité de la montagne et la concurrence des « destinations soleil »

Comme l'a indiqué à votre mission l'Assemblée Générale des Offices de Tourisme de Haute Savoie, la forte concurrence des « destinations soleil » est notamment liée au phénomène de raccourcissement des distances dû à la modernisation des transports et à la baisse du coût des billets d'avion. De ce point de vue le désenclavement de la montagne et l' accélération de l'accès aux stations est une des conditions fondamentales de l'avenir du tourisme dans ces zones. De manière plus générale, la réduction et l'aménagement du temps de travail et les goûts de la clientèle impliquent un changement de logique en remettant en cause le schéma traditionnel de la semaine de vacances du « samedi au samedi ».

c) Le coût élevé des séjours en montagne

L'offre touristique est relativement chère en montagne : comme le détaille le tableau ci-après, le coût moyen d'une « nuitée » à la montagne en 2001 varie, selon la durée du séjour entre 45 et 82 euros sans pratique du ski et entre 64 et 122,40 euros pour les séjours incluant le ski.

B. LES CONDITIONS D'UN NOUVEL ÉLAN

1. La nécessité de poursuivre l'amélioration de l'offre touristique

a) La promotion et l'image du tourisme de montagne
(1) Les moyens

Maison de la France, organisme chargé de la promotion de la destination France à l'étranger, mène des actions de promotion importantes en faveur de la montagne. Ce groupement d'intérêt économique qui permet un partenariat entre les professionnels du tourisme et l'État a investi un budget total de promotion de la montagne pour la saison 2000/2001de plus de 2 millions d'euros.

Par ailleurs, le soutien financier à la campagne de promotion menée par les Professionnels Associés de la Montagne en faveur de la montagne en été a été reconduit.

Créée en 1993, l'Agence française de l'ingénierie touristique (AFIT) est un groupement d'intérêt public, sous tutelle du ministre chargé du tourisme, qui a pour vocation principale d'améliorer la compétitivité de l'offre touristique française pour mieux répondre à la demande et faire face à la concurrence internationale.

La mission commune d'information estime nécessaire de développer la recherche et l'ingénierie touristique en montagne afin d'éclairer les professionnels sur ses potentialités de développement. Elle souhaite en conséquence qu'un effort exceptionnel soit consenti dans ce domaine pour mobiliser les organismes compétents comme l'Agence française de l'ingénierie touristique (AFIT).

(2) Les actions

Les modes de commercialisation du tourisme de montagne méritent d'être remaniés pour s'adapter à une clientèle de plus en plus exigeante sur la qualité et à une concurrence de plus en plus vive sur les prix.

Tout en maintenant l'effort de promotion des grands marchés de la « glisse », et en notant l'insuffisance de la couverture médiatique dans ce secteur en dehors des périodes des jeux olympiques d'hiver, il convient également, selon votre rapporteur, d'insister sur les produits susceptibles d'attirer des clientèles tout au long de la saison en faisant notamment valoir le potentiel de « réserve de santé » et de culture de la montagne.

Ce type de promotion repose sur le ciblage préalable, dans des périmètres relativement restreints :

- d'un capital « nature » de qualité (paysage, faune, flore, calme) ;

- d'un patrimoine culturel ou même artisanal et industriel important matériel (bâti) et immatériel (animations, fêtes, marchés, traditions, gastronomie) ;

- d'un potentiel d'activités été-hiver avec un « panier » de propositions attractives en toutes saisons et en rapport avec les attentes actuelles des clientèles : promenades pédestres et en raquettes, ski alpin ou fond, eaux vives, eaux chaudes, possibilités de baignades, ...

Le maintien de l'ensemble des services de première nécessité (épicerie, pharmacie, distributeur bancaire, poste, médecin, garderie, lieu de culte), particulièrement en moyenne montagne, doit accompagner cette stratégie.

Proposition n° 32. : Promouvoir une image plus douce et plus accessible du tourisme de montagne qui ne se limite pas à l'élite sportive ou aux cascadeurs.

Proposition n° 33. : Développer les prestations annexes aux sports d'hiver et les produits culturels y compris les visites de sites industriels pour mieux valoriser le tourisme de découverte en Montagne.

Proposition n° 34. : Sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel existant en moyenne montagne.

Proposition n° 35. : Développer l'agrotourisme à proximité des sites à fort potentiel touristique.

b) L'accessibilité des sites touristiques montagnards

L'avenir touristique de la montagne est étroitement liée à celui de son désenclavement et de son accessibilité.

Le développement d'une offre de transports quantitativement suffisante, à des prix abordables et adaptée aux déplacements en montagne, est un véritable enjeu pour son activité touristique. Mais, parallèlement, on constate un rejet des populations contre les nuisances liées au bruit, tandis que les tenants du développement durable privilégient les transports les moins polluants. Il est inquiétant de constater, par exemple, que le développement des courts séjours se fait essentiellement au bénéfice de l'automobile, moyen de transport cher, polluant et dangereux. Il convient donc de raisonner en termes de multimodalité, alliant le transport ferroviaire et le développement des navettes, notamment.

La mission commune d'information souligne l'importance fondamentale de la qualité de l'interconnexion des infrastructures de transports dans les zones de montagne.

Proposition n° 36. : Renforcer l'accessibilité des stations et la qualité de l'interconnexion des infrastructures de transports dans les zones de montagne.

c) Poursuivre les efforts de réhabilitation de l'hébergement touristique
(1) Les enjeux : le risque d'éclosion de friches touristiques

De nombreuses stations de montagne connaissent un vieillissement de leur patrimoine immobilier qui, conjugué avec un entretien insuffisant, aboutit à une dégradation de l'offre. Le risque d'éclosion de diverses friches touristiques a été mis en évidence par les élus locaux qui constatent une baisse dans la fréquentation de leurs stations, se traduisant notamment par un surcoût du fonctionnement des équipements publics et une diminution d'activité pour les entreprises locales liées au tourisme.

On estime à 6 millions le nombre de lits en meublés et résidences secondaires concernés par la réhabilitation, dont 1,3 million situés sur des stations de montagne et concentrés dans les Alpes et les Pyrénées (avec une prédominance dans les Alpes du Nord). La plupart sont destinés à un usage exclusivement saisonnier.

(2) Les outils de la réhabilitation : l'ORIL (Opération de Réhabilitation de l'Immobilier de Loisirs) et le VRT (Village Résidentiel de Tourisme)

Face à cette situation, l'État et les collectivités publiques se sont engagés dans un processus de réhabilitation et de modernisation de l'immobilier de loisir, dont l'objectif est d'inciter les propriétaires à engager des travaux de réhabilitation et à mettre en marché leurs appartements.

Tel est l'objet des Villages résidentiels du tourisme (VRT), associés à un dispositif public de réhabilitation de la station dénommé Opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir (ORIL ).

Outre le levier fiscal que constitue la possibilité, pour les propriétaires, de bénéficier du remboursement de la TVA sur les travaux de réhabilitation de leurs appartements, l'État, dans le cadre des contrats de plan entre l'Etat et les Régions (CPER) et des conventions interrégionales de massifs a mis en place des aides à la mise en oeuvre de telles opérations. Ces aides portent sur les études préalables, en particulier sur les études engagées par les communes avant la mise en place d'une ORIL ou sur des études permettant d'apprécier la pertinence de la création d'un VRT.

(3) Le détail des mesures

L'article 34 de la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998 a complété l'article 261 D du code général des impôts et prévu l'assujettissement à la TVA des prestations d'hébergement, permettant ainsi la déductibilité de la taxe grevant les travaux d'investissement des meublés dans les villages résidentiels de tourisme (VRT), sous réserve que ceux-ci s'inscrivent dans une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir (ORIL). Le décret n° 2001-343 du 19 avril 2001 a défini les villages résidentiels de tourisme, dont les normes et la procédure de classement ont été précisées par arrêté du 19 juillet 2001.

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a créé une section II « Opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir » au chapitre VIII du titre Ier du livre III du code de l'urbanisme. L'article L.318-5 définit l'ORIL comme une opération d'aménagement ayant pour objet l'amélioration du parc immobilier touristique et l'amélioration des espaces publics, du stationnement, des équipements d'infrastructures et du traitement de l'environnement, leurs objectifs, la procédure de création et le financement. Cet article précise également que la délibération créant l'ORIL prévoit les aides susceptibles d'être accordées par les collectivités territoriales ou leurs groupements aux personnes chargées des travaux de réhabilitation et de la mise en marché locatif durable.

Les avantages attendus par la mise en place du nouveau dispositif sont, d'une part, la création d'un cadre d'intervention adapté aux stations touristiques qui permette la réhabilitation de l'hébergement touristique tout en améliorant l'organisation urbaine, notamment les espaces publics, et, d'autre part, une incitation aux propriétaires pour qu'ils engagent ou fassent engager des travaux de réhabilitation, afin de remettre leurs appartements sur le marché pour mieux répondre aux besoins de la clientèle.

Le nouveau produit touristique que constitue le village résidentiel de tourisme suppose que trois conditions soient réunies. L'opération de réhabilitation et de commercialisation doit être réalisée par un exploitant unique, enregistrant dans ses comptes et sous sa responsabilité les mouvements de perception et déduction de la TVA. En outre, les propriétaires doivent conclure, avec l'exploitant, un contrat de location d'au moins neuf ans. Enfin, un classement rigoureux permettant d'identifier un produit d'hébergement et des prestations touristiques est effectué par le préfet, conformément à la réglementation édictée par le ministre chargé du tourisme.

Afin de lancer la mise en oeuvre de VRT sur le terrain, le secrétariat d'Etat au tourisme, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale et la Caisse des dépôts et consignations ont signé, le 21 décembre 2001, une convention d'une durée de deux ans visant à engager des opérations pilotes dans treize sites répartis sur les espaces à potentiel touristique vieillissant (stations de montagne, littorales et thermales). La signature de cette convention faisait suite aux décisions adoptées lors du Conseil national de la montagne du 5 février 2001 et du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 9 juillet 2001.

Sur le plan national, l'objectif est de préciser les actions qui seront menées prioritairement dans le cadre des dispositifs prévus pour la réhabilitation de l'hébergement touristique, ORIL et VRT, et de faciliter la mise en place d'une méthodologie adaptée à plusieurs opérations.

Au niveau local, des études diagnostics et des expertises d'ingénierie financière et immobilière, de marketing et d'impact sur le développement urbain et sur l'économie résidentielle seront réalisées dans le but de définir le périmètre, l'économie générale et les actions à développer dans le cadre de l'ORIL. Parallèlement, il s'agit de permettre aux collectivités territoriales de définir leur projet de station, d'apporter une aide au financement de ces mesures de requalification de la station et de l'hébergement touristique et de les assister dans la mise en oeuvre juridique et technique de ces nouvelles dispositions

d) La maîtrise du coût des séjours

La mission commune d'information insiste sur le fait que l'étalement des vacances est une des clefs majeures de la réduction du coût du tourisme de neige ; au vu des fortes variations de la fréquentation touristique, il conviendrait de réfléchir à une meilleure articulation du calendrier des vacances scolaires au plan national et européen. L'enjeu de l'étalement de la fréquentation touristique en montagne n'est pas seulement économique, mais aussi social, de sécurité dans les transports et de qualité du séjour et du repos.

Proposition n° 37. : Exploiter les potentiels touristiques tout au long de l'année pour réduire le coût des séjours ; poursuivre l'étalement des vacances par un aménagement du calendrier scolaire au niveau européen.

2. Moderniser et adapter les espaces ludiques et sportifs

a) Les espaces nordiques

Comme l'ont indiqué à la mission commune d'information les acteurs du terrain et en particulier le réseau France ski de fond (composé de 220 entités, regroupant 600 communes et 21 départements), la loi « montagne » a permis d'asseoir le ski de fond sur des bases légales, et favorisé son essor grâce à la formation et à la professionnalisation des acteurs.

Aujourd'hui, l'enjeu est celui de l'adaptation du ski de fond à l'évolution de la pratique, à travers un repositionnement de l'ensemble de la filière nordique dans tous les massifs, tant au niveau local qu'au niveau national.

(1) Un sport de masse

Les statistiques publiées en mai 2002 par le service d'études et d'aménagement touristique de la montagne (SEATM) chiffrent à 3,7 millions le nombre de personnes déclarant pratiquer le ski de fond, et à 1,9 million le nombre de fondeurs réguliers. On peut estimer que le nombre de pratiquants du ski nordique représente la moitié de celui des skieurs alpins.

Face à cette demande, on recense environ 10.000 km de pistes linéaires et 5.000 km d'itinéraires de randonnées, à l'intérieur d'un domaine skiable nordique d'une superficie de 233.151 hectares géré par 335 sites (dont 237 font payer la redevance). Cette offre se repartit entre 6 massifs, 11 régions, 35 départements et 835 communes.

Le ski nordique est donc une activité essentielle pour la montagne et dont l'intensité capitalistique est bien moindre que celle du ski alpin.

(2) 1500 emplois directs et environ 15 000 emplois indirects ou induits

Le ski nordique, après avoir démarré dès 1962 sur la base du bénévolat en milieu associatif, s'est par la suite développé en créant des emplois salariés. Aujourd'hui on recense 600 moniteurs de ski et 550 professionnels brevetés d'Etat employés par les communes, auxquels s'ajoute le personnel d'accueil et d'entretien, soit au total 1 500 emplois directs selon le SEATM. Celui-ci évalue en outre le nombre d'emplois indirects ou induits par le ski nordique à un chiffre compris entre 8.800 et 16.900.

D'après les indications du réseau France ski de fond à la mission commune d'information, chaque 0,15 euro investi dans les espaces nordiques se traduit par une retombée de 1,90 euro sur le tissu économique local et de 4,50 euros globalement, pour les professions de montagne, les artisans, les entreprises et le tourisme.

Cependant, la seule ressource des collectivités locales est constituée par la redevance, alors que l'entretien des pistes est très onéreux, et que ces mêmes collectivités ont supporté très largement les charges d'investissement en termes de bâtiments d'accueil et d'achat d'engins de damage.

Un certain nombre de sites, une centaine au total, dont la situation, les capacités d'hébergement et l'offre de services ont d'ores et déjà évolué pourront perdurer sur le plan économique. A l'inverse, les sites qui n'ont pas les pistes ou une neige suffisantes risquent de disparaître, sauf s'il existe une volonté politique de les maintenir, comme c'est le cas dans l'Ardèche et la Drôme, où les départements prennent en charge leur gestion afin de maintenir une vie locale.

(3) Les voies du repositionnement de la filière nordique

En haute altitude, les pratiques nordiques occupent une part croissante dans les stations de ski alpin du fait de l'augmentation de la fréquentation touristique et de la diversification des activités. Ainsi 50 % du chiffre d'affaires annuel issu de la redevance d'accès aux pistes, soit plus de 900.000 euros, est réalisé dans les Alpes du Nord, où les facilités d'accès et les capacités d'hébergement sont satisfaisantes, ce qui n'est pas toujours le cas dans les villages de moyenne montagne, qui n'ont pas les ressources financières suffisantes pour développer des structures d'accueil

Le constat des disparités, entre certaines entités de ski de fond orientées vers des objectifs de rentabilité très stricts et d'autres sites dont le fonctionnement repose largement sur le bénévolat, incite à préconiser le renforcement de la cohérence et de la complémentarité des services proposés par les différents sites sur un périmètre géographique déterminé .

En « moyenne montagne », où il a contribué au maintien des emplois, le ski nordique constitue une activité importante en matière d'aménagement du territoire, et plus particulièrement en moyenne montagne. Cependant, la raréfaction de la neige est une des difficultés majeures du ski nordique.

Face à cette situation, le réseau France ski de fond préconise notamment de développer les pistes à une altitude plus élevée, d'investir en neige de culture, de favoriser les séjours scolaires en début de saison et l'utilisation des pistes d'entraînement par les sportifs de haut niveau.

Fondamentalement, l'avenir est aux sites qui ont la capacité de diversifier leurs pratiques en fonction des attentes nouvelles de la clientèle, qui ne sont plus seulement des attentes de sport, mais également de bien-être, de convivialité, de découverte du patrimoine et des paysages, et ce grâce notamment à des espaces aménagés et sécurisés, des sentiers de randonnées à pied ou à cheval, des activités ludiques familiales, en hiver comme en été. Telle est l'orientation choisie par le Massif central, où les élus veulent généralement développer le tourisme dans les villages.

Cette évolution des pratiques de ski nordique pose notamment le problème de l'aménagement de l'espace, car les nouveaux tracés des pistes devant désormais inclure plusieurs activités -pistes de ski, de promenade en raquettes, chemins pour piétons, stade de luges- doivent bénéficier de nouvelles servitudes.

Les professionnels entendus par la mission commune d'information préconisent également un élargissement de la redevance de ski de fond à l'ensemble des pratiques nordiques.

b) Le « ski alpin » et l'exploitation des remontées mécaniques

Les régions interviennent parfois dans les investissements relatifs à la production de neige de culture, à l'aménagement des pistes de ski et à la réhabilitation de l'immobilier de loisir. En revanche, elles ne participent pas au financement des remontées mécaniques, qui relève exclusivement des exploitants publics et privés ; on notera cependant que les départements apportent souvent leur garantie au remboursement des emprunts contractés pour la construction de ces installations.

(1) Le premier parc mondial de remontées mécaniques

Le parc français de remontées mécaniques occupe la première place mondiale avec environ 4.000 installations qui se décomposent comme suit : 2.912 téléskis, 857 télésièges, 142 télécabines, 63 téléphériques dont 8 double monocâble découplables, 19 funiculaires, 4 chemins de fer à crémaillère, 10 ascenseurs et 6 divers (parc des installations en service en 2000-2001).

Selon les données fournies par le Syndicat national des téléphériques de France, « ces 2.967 km de remontées en service (soit la distance aérienne Paris-Le Caire) -qui représentent 756 km de dénivelée cumulée (soit la distance routière Grenoble-Lille), et un débit total maximum de 3.485.970 passagers par heure (la population de Rome pourrait être transportée en une heure)- ont été parcourus, en 2000-2001 par environ 7,6 millions de skieurs (dont 1,8 million d'étrangers) ayant fait 56,5 millions de journées de ski (57,6 millions en 99-2000) et effectué 635 millions de passages (697 millions en 99-2000). Les pistes sont entretenues au moyen de 1.200 chenillettes de damage environ. »

Les données relatives à l'évolution du parc des installations depuis 1945 font apparaître un décuplement entre 1960 et 1990 suivie d'une quasi stagnation qui correspond au plafonnement de la demande de ski diagnostiquée par les interlocuteurs de la mission commune d'information . A partir de 1990, une succession d'années à faible enneigement a orienté les investissements vers des installations de production de neige de culture.

1945

50

1994-95

4 106

1960

400

1995-96

4 139

1970

1 809

1996-97

4 018*

1980

3 270

1997-98

4 038

1990-91

4 036

1998-99

4 035

1992-93

4 082

1999-00

4 008

1993-94

4 117

2000-01

4 013

S'agissant de la sécurité de ces installations, on observe que depuis plus de 10 ans, en dépit de l'augmentation du trafic, le chiffre global des blessés graves dus à ces accidents reste, en moyenne annuelle et pour la France entière voisin de 20.

ANNÉE

2000/2001

1999/2000

1998/1999

Nombre de passages (en millions)

635

697

670

Nombre d'accidents graves

16

20

21

Cela représente un risque de blessure grave pour environ 40 millions de montées. Le comportement de l'usager reste à l'origine de deux accidents sur trois.

Du point de vue fiscal, les entreprises de remontées mécaniques ont indiqué qu'elles subissent des redressements au titre de la taxe professionnelle parce que l'administration des impôts ne considère pas comme des taxes sur le chiffre d'affaires les prélèvements -de 2 % au profit des communes et de 3 % au profit des départements- institués par les articles 85 et 87 de la loi « montagne » du 9 janvier 1985. Par ailleurs, les entreprises de remontées mécaniques souhaiteraient être autorisées à constituer des provisions « déductibles pour risque », afin d'apporter une réponse fiscalement adaptée aux aléas d'exploitation notamment climatiques.

En matière sociale, les opérateurs ont attiré l'attention de la mission commune d'information sur la nécessité :

- d'un assouplissement du dispositif relatif à la réduction de la durée du travail et tout particulièrement du contingentement des heures supplémentaires pour tenir compte de la spécificité des activités saisonnières ;

- et d'une amélioration des conditions de logement du personnel en zone de montagne par une meilleure affectation du prélèvement au titre du 1 % logement.

La mission commune d'information estime nécessaire d'améliorer les conditions de vie et d'emploi des personnels du tourisme.

Proposition n° 38. : Rendre plus attractifs les métiers du tourisme et améliorer les conditions de vie et de logement des personnels en zone de montagne par une meilleure affectation du prélèvement au titre du 1% logement.

(2) Une préoccupation majeure: le coût de renouvellement des installations

Une des préoccupations principales des exploitants réside dans le coût élevé du renouvellement des remontées mécaniques . Les investissements représentent, en effet, le quart du chiffre d'affaire de ce secteur économique (209,8 M euros pour 783M euros en 2001).

A titre d'exemple :

- un téléski de 200 m de dénivelée et de 900 skieurs/heure de débit coûte l'équivalent de 40 petites automobiles, soit environ 0,3 millions d'euros ou 2 millions de F. ;

- un télésiège de 300 m de dénivelée et d'un débit de 1 500 skieurs/heure coûte 1,5 millions d'euros ou 10 millions de F. ;

- une télécabine de 500 m de dénivelée et d'un débit de 1 800 skieurs/heure coûte 3,7 millions d'euros ou 25 millions de F. ;

- certaines grosses installations (téléphériques, funiculaires) coûtent l'équivalent d'une rame de T.G.V. ou d'un avion "Airbus A 319" (soit plus de15 millions d'euros ou 100 millions de F.)

c) La solidarité à l'égard des petites stations soumises à un fort aléa climatique
(1) Le débat sur le « fonds neige »

L'article 69 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier définitivement adoptée par le Parlement le 3 juin 1998 avait institué une « contribution » de 0,5 % des recettes brutes provenant de la vente des titres de transport délivrés par les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique.

Le produit de cette contribution devait être affecté à un fonds (communément baptisé « fonds neige ») ayant pour objet de soutenir les entreprises qui connaissent des difficultés de financement liées aux fortes variations d'enneigement

Lors du débat au Sénat du 27 mai 1998, Mme Janine Bardou avait préconisé l'adoption de ce dispositif en indiquant que « depuis plusieurs années, les stations de sports d'hiver, particulièrement celles de moyenne montagne, qui accueillent une clientèle familiale, connaissent de très graves difficultés financières qui mettent en péril leur avenir, et ce du fait d'un enneigement très irrégulier... La contribution qu'il nous est proposé de créer nous semble une solution acceptable de nature à remédier au problème posé. En effet, elle permettrait, dans une dynamique de solidarité, de maintenir des activités qui animent la vie de nos communes, raison pour laquelle cette disposition est également importante en termes d'aménagement du territoire . »

Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-402 DC du 25 juin 1998 sur la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a déclaré ce dispositif contraire à la Constitution comme ayant été adopté au terme d'une procédure irrégulière : « issus d'amendements adoptés après l'échec de la commission mixte paritaire, ces articles ont été insérés dans le texte en discussion sous la forme d'amendements sans relation directe avec aucune des dispositions de ce texte ; que leur adoption n'est pas davantage justifiée par la nécessité d'une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ».

(2) La mutualisation du risque d'insuffisance de neige : Nivalliance

Le système NIVALLIANCE est une assurance mutualisée qui couvre les aléas d'exploitation des remontées mécaniques, mise en place après l'échec du « fonds de neige ». Financée par une cotisation comprise entre 0,35 % et 0,75 % du chiffre d'affaire des exploitants, NIVALLIANCE indemnise (à hauteur de 60 %) les baisses de plus de 20 % des recettes des remontées mécaniques en cas de manque ou d'excès de neige, de grèves ou de modification radicale du calendrier des vacances scolaires. Les vingt exploitants les plus importants et dont la « sinistralité » est la plus faible représentent 50 % des cotisations.

La mission commune d'information se félicite de cet esprit de mutualisation qui prend notamment en compte la logique selon laquelle les petites stations ont un rôle important dans la formation des jeunes skieurs, c'est à dire la clientèle de demain des grands centres de ski.

(3) La nécessité d'un plan de sauvetage des petites stations

Stimulées dans les années 1970 par l'Etat, qui a apporté son appui technique à des opérations impliquant un engagement financier substantiel des collectivités locales, ces stations-villages manifestent, à l'occasion des aléas climatiques, leur fragilité économique, leur rentabilité et leur base capitalistique insuffisantes.

Plusieurs raisons justifient un appui exceptionnel en faveur des petites stations en difficulté :

- elles sont tournées vers une clientèle régionale ou de proximité, majoritairement familiale et disposant de revenus moyens ainsi que beaucoup de jeunes ;

- un certain nombre de ces petites stations sont situées en moyenne montagne avec un enneigement aléatoire « en pied de pistes », mais sur des sites possédant un fort potentiel de développement pour la saison d'été ;

- situées dans des zones de montagne menacées de dépeuplement, où l'agriculture ne peut plus assurer seule la survie économique et où le tourisme contribue au maintien d'un minimum de services publics et à la survie des villages, elles constituent un enjeu très important en terme d'aménagement du territoire.

Proposition n° 39. : Elaborer un plan de sauvetage des petites stations de ski associant l'Etat, les régions, les départements et les communes et les établissement publics de coopération intercommunale.

d) Le développement de la neige de culture pour garantir la fréquentation des sites.

Partant du principe que les skieurs viennent en montagne pour « descendre et non pas pour monter », les exploitants de remontées mécaniques estiment insuffisante l'aide de l'Etat à la production de neige de culture, alors qu'il s'agit d'un facteur vital pour l'ensemble du secteur économique des stations de montagne. Les représentants du ski nordique ont exprimé un besoin similaire.

Au cours des douze dernières années, les principaux concurrents des stations de ski françaises ont investi, grâce à des aides locales ou nationales, dans la neige de culture afin de préserver leur saisons d'hiver. L'Autriche a ainsi financé en 1999 la production de neige de culture à hauteur de 108 millions d'euros, c'est-à-dire trois fois et demi plus que la France (30 millions d'euros), et possède aujourd'hui un domaine de neige de culture beaucoup plus important que le nôtre, comme cela a été rappelé lors des discussions de la convention alpine.

La mission commune d'information, tout en rappelant que la production de neige de culture n'est pas possible lorsque la température est exceptionnellement élevée et qu'elle suppose une ressource en eau suffisamment abondante, estime néanmoins que son développement apparaît aujourd'hui comme une solution indispensable pour contrecarrer les effets de l'aléa climatique, notamment en début et en fin de saison ; elle souligne également que ce procédé contribue à garantir la sécurité de l'utilisation du domaine skiable.

3. L'amélioration du potentiel touristique de la « moyenne montagne »

Le tourisme en moyenne montagne, représente un triple enjeu :

- mieux répartir la fréquentation entre les massifs et compenser les variations d'enneigement ;

- maintenir le tissu économique et social local ;

- répondre à la demande sociale et culturelle actuelle, par son offre de sites et de patrimoine ainsi que par les échanges avec les habitants qu'il occasionne.

Ce développement impose un partenariat et un professionnalisme accrus.

Les mesures envisagées, dans le rapport publié en juin 2000 par le secrétariat d'Etat au tourisme sur la contribution du tourisme au développement durable de la moyenne montagne, visent d'abord à optimiser les potentialités et à renforcer l'efficacité des moyens déjà existants.

Parmi les mesures spécifiques du rapport, trois sont particulièrement pertinentes.

Il est suggéré, en premier lieu, d'identifier les territoires de moyenne montagne à forte potentialité touristique, pour lesquels se mobiliseraient, dans le cadre d'une intercommunalité adaptée, les partenariats des acteurs locaux publics et privés autour d'un projet d'aménagement et de développement touristique. Ce projet associerait station-centre et communes périphériques et prendrait en compte l'exigence de plurisaisonnalité et d'utilisation des équipements et des hébergements existants.

Pour chaque territoire concerné, un contrat de pôle touristique permettrait de le doter de ressources financières pour mettre en place les moyens techniques et humains nécessaires. Les crédits tourisme des contrats de plan et des conventions de massif soutiendraient l'organisation de ces pôles touristiques de moyenne montagne.

Il conviendrait, ensuite, de doter ces pôles touristiques d'un outil d'intervention spécifique, dont le statut juridique reste à définir.

Cet outil aurait vocation à conduire les missions de production, de promotion, d'organisation de l'offre du pôle, tout en assurant auprès des divers partenaires un rôle d'assistance et d'accompagnement. Il pourrait bénéficier de moyens propres attribués par les collectivités locales dans le cadre des nouvelles intercommunalités.

Enfin, pour que les actions de développement soient cohérentes sur l'ensemble du massif, il est souhaitable que, dans le cadre de l'évolution des instances de massif, un outil spécialisé soit chargé en leur sein de la logique de développement touristique sur le massif.

Sur le terrain, et notamment dans le Massif central, la mission commune d'information a rencontré les acteurs du « tourisme diffus » ; elle a conclu de ses entretiens que les initiatives qui se manifestent rencontrent un certain nombre d'obstacles réglementaires parfois excessifs.

Proposition n° 40. : Stabiliser les exigences réglementaires d'encadrement des activités récréatives et adapter le dispositif relatif aux refuges de montagne.

La mission estime également nécessaire de s'efforcer de fidéliser les personnels en leur offrant des garanties de stabilité de l'emploi.

Proposition n° 41. : Fidéliser le personnel en s'inspirant des expériences réussies de recours au travail à temps partiel annualisé.

III. CONFORTER LE SOUTIEN À L'INDUSTRIE, L'ARTISANAT ET LE COMMERCE EN MONTAGNE

A. LE COMMERCE ET L'ARTISANAT

Lors de son examen de la politique de la montagne, l'instance d'évaluation du commissariat au plan a « volontairement écarté de son champ d'analyse » le commerce et l'artisanat en soulignant que ces secteurs sont « restés en marge du développement de la politique de la montagne ».

Votre mission commune d'information ne pouvait pas en rester là : la présence de l'artisanat et du commerce est essentielle pour vivifier le tissu économique montagnard, constitué pour l'essentiel de petites entreprises. L'artisanat, qui apporte des services de proximité et des services aux personnes à travers ses deux cent cinquante métiers, ainsi que le commerce sont, en effet, avec l'agriculture et les services publics, les piliers de l'activité en montagne.

La loi « montagne » consacre trois articles au commerce et à l'artisanat ; cependant, votre mission a constaté, de même que les chambres consulaires, que la reconnaissance du rôle de l'artisanat qui y est exprimée n'a pas été prolongée par des mesures d'application suffisantes.

1. L'inapplication du dispositif prévu par la loi « montagne »

a) L'absence d'indicateurs

L'article 58 de la loi « montagne » prévoit la présentation par le Gouvernement d'un rapport annuel « rendant compte des mesures prises par l'Etat en faveur des commerçants et des artisans installés en zone de montagne ».

S'étant enquise de la publication de ce rapport, il a été indiqué à la mission commune d'information que cette obligation légale était « indirectement satisfaite par la publication annuelle du rapport sur l'évolution des secteurs du commerce et de l'artisanat, en application de l'article 62 de la loi Royer de 1973 » 22 ( * ) .

Cependant, parmi les quelques 750 pages des cinq derniers rapports publiés sur ce fondement, aucun développement n'est consacré à l'évolution des secteurs du commerce et de l'artisanat en zone de montagne : l'emploi, le nombre de créations et de défaillances ou de cessations d'entreprises, les taux de reprise d'activité, les parts de marché et les évolutions sectorielles y font l'objet de statistiques globales dans lesquelles il est impossible de discerner les évolutions spécifiques aux zones de montagne.

b) L'exigence minimale d'un « tableau de bord »

On peut noter que ces publications évoquent elles même l'existence de « sources statistiques nombreuses et variées » mais aucune n'a été exploitée en utilisant le zonage montagne élaboré en application de la loi. Afin d'estimer l'ampleur du déclin ou les signes de renouveau de ce secteur essentiel à la vitalité montagnarde, la mission commune d'information aurait souhaité obtenir, à défaut de statistiques précises, un document de synthèse présentant un bilan sommaire du commerce et de l'artisanat en zone de montagne, avec notamment l'évolution du nombre d'entreprises depuis 5 ans et une décomposition par filières.

En outre, votre rapporteur estime fondamental de tenter de mettre en évidence les relations entre le tissu économique et démographique local et les créations ou les disparitions d'entreprises. Les élus locaux, qui sont parfois en montagne les principales forces d'initiative économique, savent parfaitement qu'une installation de commerce ou d'artisanat bien ciblée peut être source de revitalisation globale et qu'inversement certaines cessations d'activité ont un « effet domino » sur un environnement économique fragile.

Au cours des auditions -et il faut le déplorer- il a été très clairement indiqué qu'au niveau national, l'absence de données suffisamment fines ne permettait de dresser aucun bilan statistique du commerce et de l'artisanat en zone de montagne ni de dégager un quelconque diagnostic sur le déclin ou le renouveau, et les atouts à valoriser dans ces secteurs.

2. L'insuffisance des mesures spécifiques en faveur du commerce et de l'artisanat de montagne

a) Le principe posé par la loi : le maintien du commerce et de l'artisanat en zone de montagne est d'intérêt général

Votre mission commune d'information souhaite rappeler avec force le principe posé par l'article 55 de la loi « montagne » :

« L'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général.

L'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics, dans la limite de leurs compétences respectives, prennent en compte la réalisation de cet objectif dans le cadre des actions qu'ils conduisent en matière de développement économique et social.

Cette prise en compte peut, notamment en cas de carence ou de défaillance de l'initiative privée, porter sur :

- le maintien, sur l'ensemble du territoire montagnard, d'un réseau commercial de proximité compatible avec la transformation de l'appareil commercial de la nation;

- l'amélioration des conditions d'exercice des activités commerciales et artisanales de services en milieu rural de montagne en en favorisant l'évolution et la modernisation. »

b) L'insuffisance des mesures d'application au niveau central

On peut ainsi présenter les mesures prises en faveur de l'artisanat et du commerce de montagne :

- globalement, le fonds d'intervention et de sauvegarde du commerce et de l'artisanat (FISAC), entre 1992 et 2001, a aidé 939 opérations en faveur des petites et moyennes entreprises de haute et moyenne montagne, pour un montant total de 29,6 millions d'euros ;

- en particulier, s'agissant de l'approvisionnement des personnes âgées qui ont des difficultés à se déplacer, le fonds d'intervention et de sauvegarde du commerce et de l'artisanat (FISAC) finance des tournées afin de répondre à leurs besoins spécifiques ;

- à l'égard des artisans, la tendance consiste à transformer les prêts bonifiés en aides au cautionnement ; les prêts bonifiés sont, en revanche, maintenus pour le financement des travaux de mise aux normes imposées notamment aux commerçants qui se rendent sur les marchés.

Il convient de rappeler que le FISAC créé par l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 a été mis en place en mars 1992. Il s'agit d'un outil d'accompagnement des évolutions collectives concernant les secteurs du commerce et de l'artisanat. Il est alimenté par un prélèvement sur l'excédent de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Les décisions d'attribution des aides sont prises par le Ministre chargé du commerce au vu des avis émis par une commission nationale chargée d'examiner les demandes de subvention présentées par les différents maîtres d'ouvrage. Le FISAC finance en zone rurale -dans les communes de moins de 2.000 habitants- les opérations visant à inciter les propriétaires de locaux commerciaux et artisanaux, qu'il s'agisse de collectivités territoriales ou des exploitants, à les réhabiliter ou les moderniser.

Sont éligibles :

- les dépenses d'investissements relatives à la modernisation des entreprises et des locaux ;

- l'achat des locaux d'activité lorsque le bénéficiaire est une collectivité locale ;

- l'aménagement des abords de commerce, notamment pour en faciliter l'accès ;

- les halles et marchés couverts, ainsi que les marchés de plein vent.

Les opérations individuelles doivent présenter les caractéristiques suivantes :

- le projet doit mettre en évidence les atouts spécifiques locaux et s'appuyer sur des besoins identifiés ;

- le projet commercial ou artisanal doit être économiquement viable ;

- le projet ne doit pas induire une distorsion du commerce ;

- la maîtrise d'ouvrage peut être publique ou privée.

Les entreprises bénéficiaires :

- doivent être inscrites au registre du commerce ou au répertoire des métiers ;

- leur chiffre d'affaire doit être inférieur ou égal à 750.000 euros (5.000.000 F Hors Taxes) ;

- les pharmacies et professions libérales sont exclues du champ d'intervention, ainsi que les activités liées ou tourisme, les restaurants gastronomiques et les hôtels restaurants ;

- en revanche sont éligibles les cafés, ainsi que les restaurants lorsque l'essentiel de leurs prestations d'adressent à la population locale ;

- le montant de l'aide ne peut excéder 20 % du montant des dépenses pouvant faire l'objet d'une subvention, limitées à 45.000 euros (300.000 F).

La mission a constaté une certaine discordance entre la vision locale et la vision centralisée du commerce et de l'artisanat en zone montagnarde.

« Plutôt que de tenter de retranscrire le modèle révolu du commerce d'antan », a-t-il été indiqué à la mission commune d'information pour justifier l'absence de données et de mesures spécifiques à la montagne, « la politique du commerce et de l'artisanat en zone rurale doit prendre en compte les attentes réelles de consommateurs qui souhaitent s'approvisionner à des prix attractifs. »

En revanche, sur le terrain, les acteurs manifestent un point de vue très différent. Par exemple, au cours du déplacement de la mission d'information dans le Massif central, un représentant de l'Etat a souligné qu'« à la limite, on peut vivre sans bureau de poste ; c'est beaucoup plus difficile sans médecin et sans commerce de proximité ». Ceci confirme la prise de conscience, au niveau déconcentré de l'Etat, de la nécessité vitale de maintenir des services de proximité, au besoin selon des formes innovantes, dans les zones de montagne menacées de dépeuplement.

B. LES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES ET LES PROPOSITIONS DE LA MISSION

1. La contribution présentée par le réseau des chambres de métiers : « Créer les conditions d'un développement économique durable et équitable de la montagne »

En vue de leur audition de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) par la mission sénatoriale sur la loi « montagne », de nombreuses chambres de métiers départementales, régionales ou regroupées par massif, ont transmis des avis et des propositions. Bien que ce sujet leur ait semblé secondaire ou délaissé depuis quelques années, et que le bilan actuel de la loi « montagne » leur paraisse limité, l'initiative du Sénat a suscité un réel intérêt auprès des chambres de métiers qui veulent y voir une nouvelle chance pour l'artisanat en montagne 23 ( * ) .

Se référant au chapitre « Du commerce et de l'artisanat en zone de montagne » de la loi du 9 janvier 1985, qui se résume à trois articles, les chambres de métiers considèrent que la reconnaissance du rôle de l'artisanat qui y est exprimée est restée sans suite réelle, que les spécificités des activités artisanales en zone de montagne n'ont pas été prises en compte aux plans législatif et réglementaire et que, dans l'ensemble les entreprises n'ont pas bénéficié de mesures dérogatoires compensant les handicaps subis. De même les chambres de métiers restent dans l'attente des rapports prévus aux articles 57 et 58.

Ce constat négatif ne doit pas occulter le fait que les chambres de métiers ont conduit avec une grande vigueur, en montagne en particulier, une politique active d'appui à la création et au développement des entreprises, et ce en liaison avec leurs partenaires naturels, - collectivités territoriales et leurs regroupements, pays et parcs, État-, et souvent en inter-consulaire. À cette fin, les chambres de métiers ont contribué activement à l'élaboration des contrats de plan et à l'inscription de financements d'actions bénéficiant directement ou indirectement aux entreprises artisanales.

Depuis 1985, la loi « montagne » semblait, si l'on peut dire, perdue de vue et c'est donc dans les partenariats avec l'ensemble des acteurs locaux qu'ont été recherchés les moyens pour enrayer le déclin des zones de montagne, tenter de maintenir et développer les services et les filières artisanales, au profit de populations qui ne sauraient se passer des services rendus par l'artisanat.

Constatant que, dans la perspective d'une deuxième vie de la loi « montagne », la parole est donnée à l'artisanat, les chambres de métiers ont tenu à contrebalancer le bilan critique qu'elles dressent de la loi par une série de propositions constructives , visant à permettre d'améliorer l'environnement des entreprises, de renforcer les conditions d'intervention en leur faveur, afin d'offrir aux populations de montagne les services de première nécessité en particulier, comme le prévoit la loi, mais aussi de permettre le déploiement de nouvelles activités économiques. Sans artisanat, il n'y a pas de vie possible en montagne, et sans des entreprises artisanales de qualité, il n'y a pas non plus de développement concevable du tourisme ni même de l'agriculture.

L'APCM tient enfin à souligner dans le cadre de ce préambule que les entreprises artisanales de la zone de montagne seraient extrêmement confortées par l'adoption du projet de loi d'orientation de l'artisanat et de la petite entreprise , renforcé et enrichi, dont les dispositions, non spécifiques à la montagne, viseraient au contraire l'ensemble du secteur, sans distinction territoriale.

2. Les difficultés du commerce et de l'artisanat de montagne et les propositions de la mission

La vitalité du commerce et de l'artisanat en montagne et la survie des entreprises de ce secteur dans les zones en voie de désertification dépendent de la prise en compte de deux facteurs : les surcoûts et l'environnement économique général. Votre mission commune d'information propose, sur la base de cette analyse, une série de mesures mettant en oeuvre les principes posés par la loi « montagne ».

a) Le commerce et l'artisanat de montagne subissent des surcoûts

Les surcoûts en zone de montagne sont évidents : les déplacements sont importants ; selon les lieux, l'activité est impossible à certains moments de l'année et le coût de la vie est élevé dans les zones fortement touristiques. Toute la question est de parvenir à quantifier ces handicaps avec précision. Parmi les suggestions recueillies sur le terrain, votre mission a retenu l'idée d'une « évaluation du nombre d'heures perdues, multipliée par un prix horaire ». En généralisant et en approfondissant cette approche, il serait sans doute possible de démontrer, certes, que sur l'ensemble du territoire des heures de travail sont perdues, mais que, par exemple en zone urbaine, les embouteillages ne provoquent qu'un simple retard, tandis que la montagne subit des handicaps et des évènements récurrents qui se rattachent à la notion juridique de « force majeure ».

b) Les effets cumulatifs de l'inégale répartition territoriale

Le commerce de montagne n'échappe pas à une loi générale : il se développe en fonction des effets d'entraînement de l'activité économique globale. Ainsi la concentration du commerce est la plus forte dans les zones de montagne à fort potentiel touristique et dans les zones urbaines. En revanche, l'appareil commercial s'affaiblit dans les cantons d'économie rurale.

Synthèse des propositions

___

1. Impliquer l'INSEE dans l'observation économique du commerce et de l'artisanat de montagne

2. Développer les multiservices en favorisant l'implication des grandes surfaces.

3. Modérer l'extension et l'implantation de la grande distribution en zone de piémont.

4. Décentraliser la gestion des crédits du fonds d'intervention et de sauvegarde du commerce et de l'artisanat (FISAC)

5. Soutenir par une dotation d'installation l'accueil des jeunes artisans et commerçants dans les zones désertifiées tout en facilitant la transmission des entreprises et la scolarisation des enfants des jeunes couples

6. Créer des zones franches montagnardes répondant à des critères précis sur le modèle des zones franches urbaines

7. Etudier les possibilités de détaxation du carburant au bénéfice des artisans et des commerçants de montagne

8. Favoriser la transmission des entreprises de ce secteur dans des conditions satisfaisantes.

9. Mieux prendre en compte l'artisanat dans les programmes communautaires en tant que vecteur de développement rural.

10. Eviter l'excessive majoration par les services de l'Etat des contraintes imposées par la réglementation européenne.

11. Combattre la lourdeur générée par l'empilement des structures administratives centrales et décentralisées.

C. FORTIFIER LE POTENTIEL DE L'INDUSTRIE MONTAGNARDE

1. Les créations et disparitions d'emplois dans l'industrie

En zone de montagne, 3 actifs sur 10 environ sont employés dans le secteur industriel. Le secteur industriel est indissociable d'un certain nombre d'activités tertiaires induites.

Tous les secteurs sont représentés -construction mécanique ou électrique, textile-habillement, métallurgie, chimie, agro-alimentaire....- ; cependant, des traditions industrielles spécifiques existent dans chaque massif : le jouet ou le bois-ameublement dans les Vosges et le Jura, la tournerie-tabletterie et la lunetterie dans le Jura, la micro- électronique dans l'agglomération grenobloise ou encore la papeterie dans l'Isère, dans les Pyrénées et les Vosges, la coutellerie à Thiers (Auvergne), le décolletage (micro-mécanique) dans la Vallée de l'Arve en Haute-Savoie.

Les observations de terrain et les données disponibles, permettent de dégager le panorama suivant :

L'industrie représente 40 % des emplois dans le massif des Vosges, avec des établissements industriels dans presque chaque commune. Les industries de biens de consommation, avec des usines textiles et des ateliers de travail du bois, représentent l'essentiel des activités industrielles des communes de montagne ou des vallées du versant lorrain. Ces activités sont plus diversifiées dans les autres zones du massif, et notamment sur le versant alsacien, avec des établissements de construction mécanique ou électrique.

La mission commune d'information a constaté que ce développement industriel reposait sur une densité des réseaux de transport supérieure à celle des autres massifs.

Dans le Jura, la part de l'industrie dans l'ensemble des emplois est presque aussi importante que dans les Vosges. Toutefois, un assez grand nombre de communes du centre du massif ou du Bugey n'ont pas d'établissement industriel. Les activités dominantes relèvent du secteur des biens d'équipements avec la mécanique de précision et l'horlogerie dans le Nord-Est du massif, des biens intermédiaires, avec les plastiques dans les districts du sud du massif, et dans une moindre mesure des biens de consommation ou de l'agro-alimentaire.

La proximité de la Suisse est un facteur d'environnement économique essentiel pour certaines parties du Jura.

L'industrie représente le quart du total des emplois dans les Alpes du Nord. Les communes sans établissement industriel se situent essentiellement dans l'Oisans et le sud de la Drôme ; la plupart des communes de haute montagne comptent au moins un atelier de transformation. Le tissu d'activités industrielles est assez diversifié dans le sillon alpin, tandis que les vallées adjacentes restent largement spécialisées dans le travail des métaux, l'électrométallurgie ou la chimie. L'agro-alimentaire ou le secteur de transformation du bois sont essentiels dans les zones de montagne.

Le massif des Alpes du Sud ne compte que 12 % d'emplois dans l'industrie. La plupart des communes du centre du massif n'ont pas d'établissement industriel. Les activités industrielles se regroupent dans quelques pôles relativement spécialisés, dans la vallée de la Durance notamment. L'agro-alimentaire ou les biens de consommation occupent une place prédominante dans les activités industrielles des autres communes.

La Corse compte également très peu d'emplois dans l'industrie (7 % de l'ensemble des emplois). Ceux-ci se concentrent sur le littoral, avec, la plupart du temps, une forte part de l'industrie agro-alimentaire. Ces emplois se sont globalement maintenus, y compris à l'intérieur de l'île où seules quelques communes ont de très petits ateliers industriels.

Le quart des emplois relève de l'industrie dans le Massif central. Ces emplois se concentrent dans plusieurs zones situées dans la partie nord du massif : le nord-est, avec le bassin stéphanois mais aussi les plateaux du Puy et la plaine du Forez, dont l'une des spécialisations est la construction mécanique et la métallurgie, la zone clermontoise et les pôles voisins de l'Allier, avec notamment l'industrie du pneumatique, ou encore la zone de Limoges. Le sud du massif comporte quelques pôles industriels, assez isolés et de taille plus réduite, tels que les bassins de Carmaux et de Castres-Mazamet, en reconversion. Comme dans d'autres massifs, l'agro-alimentaire n'est une activité industrielle dominante que dans certaines communes rurales.

Le massif des Pyrénées compte 17 % d'emplois dans l'industrie. Dans l'ouest du massif, les activités industrielles se regroupent essentiellement sur les piémonts et remontent assez peu vers l'intérieur de la chaîne. A l'est, elles se concentrent dans quelques vallées pénétrantes, comme celles de l'Ariège ou de l'Aude, mais les Albères ou la Côte Vermeille ont quelques établissements industriels. La gamme des activités industrielles du massif est assez étendue, chaque zone ou chaque pôle est relativement spécialisé...

Dans l'ensemble, les massifs français n'ont pas échappé au repli des activités industrielles traditionnelles en dépit des aides spécifiques à la reconversion. A l'exception du sillon alpin et de ses zones proches, la diversification des activités industrielles et leur diffusion autour des principaux pôles restent limités. Cependant, les mouvements les plus significatifs concernent les créations ou suppressions d'emplois dans des foyers isolés possédant quelques activités industrielles : les exemples sont rares dans les Alpes du Sud ou les Pyrénées mais plus nombreux dans d'autres massifs.

L'agro-alimentaire recouvre de nombreuses activités. Certaines d'entre elles, comme l'industrie du lait et les fabrications de produits laitiers, sont implantées avant tout dans les zones d'élevage. Globalement, le nombre de salariés des industries agro-alimentaires a crû légèrement de fin 1989 à fin 1994, au plan national comme dans chaque massif. De nombreuses communes de l'ouest de la France, où ce secteur est particulièrement développé, ont connu des créations d'emplois relativement importantes.

2. Les conclusions tirées des visites sur le terrain

La mission commune d'information a pu tirer quelques conclusions de ses déplacements et de ses entretiens conduits sur le terrain.

a) Les conditions du développement du tissu industriel montagnard et les freins

Conformément aux analyses des représentants des organisations consulaires, le développement du tissu industriel montagnard repose sur trois conditions principales:

- un environnement favorable en termes d'infrastructures de communication et de réseaux ;

- la présence de centres de compétences techniques et universitaires ;

- et la mise en place de politiques structurées de développement territorial.

Les freins les plus souvent évoqués en zone de montagne demeurent la géographie accidentée, la taille insuffisante des entreprises et la rareté de la main d'oeuvre, en particulier de cadres supérieurs ingénieurs ou techniciens

La stratégie qui découle de cette analyse est la suivante :

- développer le niveau de compétences technologique pour privilégier les productions à forte valeur ajoutée ;

- apporter des compétences externes sous forme de conseil ou internes par du recrutement de personnel qualifié et le développement de la formation.

- faire émerger des unités de taille suffisante pour affronter le marché international.

Votre mission commune d'information estime que l'effort des pouvoirs publics doit se concentrer prioritairement, en la matière, sur le perfectionnement des voies de communication sous toutes ses formes : le désenclavement routier, l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile et la généralisation du haut débit numérique sont, en effet, les conditions de base de la compétitivité des entreprises montagnardes. Il convient, en outre, de faciliter l'accueil et l'installation des cadres et de leurs familles sur le territoire montagnard grâce à un environnement favorab le en termes d'accès aux soins, au logement et aux services publics (éducation, culture...).

b) Certaines industries de montagne sont tentées par la délocalisation

Le poids des charges sociales est, en zone de montagne comme ailleurs, un facteur de délocalisation de l'activité industrielle. Par exemple, un industriel du Jura a démontré à la mission commune d'information, chiffres à l'appui, que le coût de production de ses filiales en Suisse était inférieur à celui de ses établissement situés en France.

L'attachement sentimental au territoire d'un certain nombre de chefs d'entreprise -tout comme celui des agriculteurs- joue donc un rôle essentiel dans le maintien de l'activité économique en zone de montagne. Cependant, la pression de la concurrence milite très fortement en faveur de mesures concrètes de rééquilibrage. En matière d'aides apportées aux entreprises, votre mission commune d'information se déclare en faveur de mécanismes de défiscalisation plutôt que de recourir aux subventions.

Proposition n° 42. : Créer des zones franches montagnardes répondant à des critères précis sur le modèle des zones franches urbaines.

D. LA VOCATION SANITAIRE ET SOCIALE DE LA MONTAGNE : L'EXEMPLE DU THERMALISME

Les massifs constituent des espaces prometteurs pour enrayer le processus de surconcentration, de tension et d'asphyxie urbaines. Dans cette perspective, la reconnaissance de la vocation sanitaire et sociale de la montagne peut constituer l'un des axes majeurs de la volonté politique d'accorder une place spécifique à la montagne dans le domaine de l'aménagement du territoire.

1. L'exemple du thermalisme

Il existe en France 105 stations thermales reconnues par le Ministère de la Santé. Elles sont réparties sur l'ensemble du territoire, dans 42 départements, mais avec une concentration particulière au sud-est de la ligne Metz-Bordeaux, c'est-à-dire dans les massifs montagneux et leurs bordures.

a) La fréquentation et le poids économique du thermalisme

Les résultats enregistrés pour l'année 2000 évaluent à 541.929 le nombre de curistes, auxquels il convient d'ajouter la clientèle des accompagnants qui représente environ 300.000 personnes et 25.000 consommateurs de séjours de santé ou de remise en forme. L'Aquitaine arrive en tête avec 88.963 curistes, devançant le Languedoc-Roussillon (88.817 curistes), Rhône-Alpes (85.705 curistes), Midi-Pyrénées (74.831 curistes) et l'Auvergne (67.173 curistes), ces 5 régions accueillant à elles seules près de 74 % des curistes.

En France, 95 % des curistes sont des assurés sociaux, dont 1/3 sont dispensés du ticket modérateur. Il s'agit le plus souvent de personnes de troisième âge, en situation de retraite : 60 % des curistes ont plus de 60 ans et deux sur trois sont accompagnés par les conjoints ; 58 % sont des femmes.

La clientèle est française à 99 %. En 1999, l'ensemble a représenté 10. 196 266 journées de cure. Le chiffre d'affaires qui en découle est évalué à environ 1 milliard d'euros dont 80 % redistribués dans l'économie locale. Le nombre d'emplois directs, indirects ou induits (permanents et saisonniers) générés par le thermalisme est estimé à 120 000.

b) Les perspectives de développement

Le développement du thermalisme n'est pas seulement lié à la modernisation des équipements existants : il dépendra également de la capacité de ce secteur à faire preuve d'un véritable dynamisme commercial.

Un rapport remis en mars 1998 au Conseil national du tourisme insiste, à ce titre, sur la nécessité de s'orienter, au-delà du thermalisme médical, sur un thermalisme renouvelé et ludique, associant les vertus de l'eau thermale à des prestations de santé et s'inspirant d'expériences développées à l'étranger. Il préconise :

- la recherche de nouveaux clients pour de nouveaux traitements ;

- une amélioration des prestations offertes aux accompagnateurs en innovant dans des produits combinant santé et loisirs ;

- ainsi qu'une ouverture, tout au long de l'année, des services médicaux et touristiques pour permettre l'élargissement de la fréquentation des curistes et de leurs familles.

Des actions spécifiques ont été conduites dans cet esprit par la mise en réseau des stations thermales, notamment avec la création d'une association « Route des villes d'eaux du Massif central » dont le but est de créer une véritable alternative touristique s'appuyant sur deux axes prioritaires : le sport et l'activité physique, le patrimoine et la culture.

c) La prise en compte de l'efficacité des dépenses de thermalisme

A la suite d'une augmentation importante des dépenses thermales remboursées (+5 % en 1998 par rapport à 1997), la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), « dans le cadre de sa réflexion sur les moyens de parvenir à une meilleure utilisation des ressources de l'assurance maladie », a proposé le 12 juillet 1999 de restreindre la prise en charge des cures thermales : il était suggéré de maintenir le remboursement du traitement des voies respiratoires et des personnes gravement brûlées ou atteintes de dermatoses difficiles à traiter. Pour les autres indications thérapeutiques, telle la rhumatologie, il était prévu de diminuer progressivement la prise en charge sur une période de cinq ans, cette période devant permettre aux établissements concernés d'opérer une réorientation de leur activité.

Il a été fait observer au Gouvernement, notamment par le président de votre mission commune d'information, que les cures thermales offraient, pour de nombreux patients, et, en particulier, pour les personnes âgées, un moyen efficace et peu onéreux de se soigner . Cette efficacité thérapeutique n'est plus à démontrer, puisque, postérieurement à ces traitements, une amélioration notable de l'état de santé, pour 60 à 80 % des patients, est médicalement observée, permettant ainsi d'éviter des dépenses supplémentaires d'hospitalisation, de produits pharmaceutiques et de consultations.

Un rapport d'information de 1996 émanant de la commission des finances de l'Assemblée nationale avait estimé qu'un forfait de trois semaines de cure équivalait, en termes de dépenses, à une journée d'hospitalisation et que la totalité des bénéfices observés en terme de santé publique résultant de l'activité thermale générait un crédit de plus de 800 millions de francs en faveur de l'assurance maladie.

En outre, l'application d'une telle mesure aurait engendré une baisse notable de fréquentation des établissements thermaux, ce qui aurait eu des conséquences particulièrement néfastes tant en terme d'aménagement du territoire qu'en terme d'impact socio-économique pour les zones concernés, situées, pour l'essentiel, dans des zones fragilisées, en particulier les zones de montagne. En effet, ayant misé sur le développement et la pérennité de ces activités, bon nombre de communes et régions thermales ont souvent investi d'importants moyens financiers et matériels pour offrir aux curistes des infrastructures adaptées. Au surplus, les habitants de ces zones tirent du thermalisme l'essentiel de leurs revenus.

Sur ces bases, « la ministre de l'emploi et de la solidarité et la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ont décidé de ne pas donner suite à ces propositions » de la CNAMTS de ne plus prendre en charge ces dépenses qui ne représentent que 0,2 % du total des dépenses de santé 24 ( * )

Votre mission commune d'information estime essentiel de ne pas entraver l'effort engagé par les pouvoirs publics pour relancer le thermalisme, qui reste une activité essentielle et souvent la seule possible dans les zones fragiles, en bordure de montagne, dans lesquelles elle se développe le plus fréquemment.

Proposition n° 43. : Soutenir les progrès du thermalisme en montagne en prenant en compte toutes ses composantes, y compris la stabilité du régime de remboursement des cures thermales .

2. La montagne « réserve de santé » et pôle d'actions sanitaires ou sociales.

Le secteur sanitaire et social constitue dores et déjà un atout important pour certains départements de montagne : ainsi, en Lozère, ce secteur, reconnu pour la qualité de son accueil et le savoir-faire des personnels, représente 2.000 emplois avec près de 5.000 places en établissements sanitaires et sociaux.

La mission commune d'information tient à exprimer ses réserves à l'égard de la tendance générale, qui se manifeste à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire (S.R.O.S.), à réorganiser au profit des pôles urbains la distribution spatiale des structures dites de « convalescence » polyvalentes ou spécialisées ainsi que celles de réadaptation fonctionnelle.

Pour soutenir le développement du potentiel des massifs dans ce secteur, la mission commune d'information estime qu'il convient d'affirmer la vocation sanitaire et sociale de la montagne et d'alléger les contraintes qui freinent l' utilisation de sa « réserve de santé ».

Proposition n° 44. : Prendre en compte, dans les décisions d'implantation d'établissements sanitaires et sociaux, la vocation particulière de la montagne dans ce domaine et accentuer la démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la mise en réseau des différents acteurs.

IV. LA PLURIACTIVITÉ EN MONTAGNE : UN RÉVÉLATEUR DES BESOINS D'ADAPTATION, D'EXPÉRIMENTATION ET D'ASSOUPLISSEMENT DES CONTRAINTES

La situation des pluriactifs montagnards illustre au plan social la nécessité de l'adaptation des dispositions de portée générale à la spécificité de la montagne fixées par l'article 8 de la loi du 9 janvier 1985.

La loi montagne énonce en matière de pluriactivité et de travail saisonnier deux principes :

- l'article 59 prévoit une continuité de garantie pour les risques dont la couverture est subordonnée à une durée minimale d'assurance ou un montant minimum de cotisation et précise qu' « afin de préserver les intéressés des excès de complexité que peut engendrer la pluralité des régimes de protection sociale dans les zones de montagne (...) les organismes de sécurité sociale mettent en place des guichets uniques d'information et de conseil destinés aux travailleurs pluriactifs. » ;

- l'article 60 indique que dans les zones de montagne, et sous certaines réserves, l'exercice de plusieurs activités professionnelles par une même personne ne peut, par lui-même, faire obstacle à l'attribution d'aides de l'Etat en vertu de l'une de ces activités.

A. LES PLURIACTIFS MONTAGNARDS ENTRE NÉCESSITÉ ÉCONOMIQUE ET LABYRINTHE ADMINISTRATIF ET SOCIAL

La pluriactivité présente deux caractéristiques spécifiques en montagne : elle y est à la fois plus nécessaire et souvent plus saisonnière qu'en zone de plaine. La pluriactivité est en effet une conséquence directe et traditionnelle des contraintes liées à la modicité de la plupart des revenus montagnards, à l'insuffisance générale de la compensation des surcoûts et à la saisonnalité de l'activité économique en zone de montagne

La pluriactivité répond ainsi à une nécessité économique évidente pour les montagnards et tous ceux qui la pratiquent. En revanche, du point de vue administratif et juridique, rares sont les sujets d'une telle complexité. La pluriactivité perturbe, en effet, à la fois la logique « mono active » du droit social et les cloisonnements administratifs : de manière symptomatique, les quelque 800 pages du Bottin administratif ne font guère référence à un phénomène qui concerne aujourd'hui quelque 2,3 millions de personnes.

La pluriactivité recoupe un très grand nombre de situations différentes et constitue un sujet par nature « interministériel » qu'aucune administration n'est encore en mesure d'envisager à la fois de manière globale et analytique. Les rares instances qui se sont préoccupées de cette question se sont senties impuissantes face à la rigidité des structures administratives, ce sentiment étant partagé depuis longtemps par les montagnards eux-mêmes.

Proposition n° 45. : Mettre en place un « numéro vert » de renseignements et un site internet consacrés aux pluriactifs.

Coordonner étroitement ce dispositif tourné vers l'usager avec une cellule interministérielle ayant vocation à analyser tous les aspects économiques, sociaux, fiscaux et éducatifs de la pluriactivité ainsi qu'à proposer les évolutions nécessaires.

Malgré la difficulté de l'exercice, il est urgent de limiter les anomalies les plus flagrantes et les tracasseries, sans quoi la tentation de recourir au travail non déclaré risque de perdurer. En effet, l'application simultanée de plusieurs régimes sociaux aboutit, dans un grand nombre de cas, à amoindrir la protection des pluriactifs tout en majorant leurs charges, essentiellement par le jeu des minima contributifs.

Cotisant parfois proportionnellement plus que la moyenne des assujettis, les pluriactifs contribuent ainsi, dans une certaine mesure, à l'équilibre financier de certaines caisses. Le statu quo observé par certains organismes de protection sociale et l'impossibilité pendant 17 ans d'appliquer les dispositions de la loi « montagne » sur la mise en place d'une caisse pivot ne sont peut-être pas étrangers à ce phénomène...

Proposition n° 46. : Clarifier l'enjeu financier que représentent les pluriactifs pour les diverses caisses de protection sociale.

En même temps, les tracasseries administratives et le renvoi systématique du travailleur pluriactif d'un organisme de protection sociale à l'autre sont susceptibles de décourager les meilleures volontés.

A défaut de pouvoir réduire la complexité de la réglementation, des expériences pilotes conduites en montagne visent tout au moins à éviter de faire peser le poids des formalités sur les pluriactifs en reportant la gestion sur des organismes pivots, conformément à l'article 59 de la loi « montagne ».

1. L'évolution : la nécessité économique et le pragmatisme montagnard ont pris le pas sur les controverses idéologiques

a) Une pluriactivité inhérente au fonctionnement de l'économie montagnarde

« Fille du hasard et de la nécessité de gagner sa vie », la pluriactivité est ancienne et traditionnelle dans les zones de montagne et du littoral. Comme l'indique le rapport de M. Hervé Gaymard (publié en 1994) 25 ( * ) , « les pluriactifs peuvent représenter jusqu'à un tiers de la population active dans certains départements des Alpes, des Pyrénées ou du Massif central ».

Dans les années 1960, c'est la question de la pluriactivité agricole qui a dominé dans des débats parfois conflictuels. Certaines organisations syndicales, professionnelles ou corporatistes ont pu être tentées, à cette période, d'organiser sa disparition au nom de l'intangibilité du modèle de l'emploi à plein temps, de la reconnaissance de l'identité professionnelle et d'un sentiment de concurrence déloyale ou même, parfois, de jalousie, comme l'a rappelé un interlocuteur de la mission. Dans ce contexte, les pluriactifs ont été exclus du bénéfice de certaines aides, agricoles en particulier.

Avec le développement du tourisme dans les années 1970, l'évidence de la saisonnalité de l'activité économique en montagne a permis d'atténuer l'aspect idéologique du débat sur la pluriactivité pour l'amener sur un terrain concret : l'adaptation de la protection sociale. Au cours des 20 dernières années, les besoins accrus de flexibilité et de création d'activités se sont traduits par une augmentation de l'offre de pluriactivité ainsi que son extension vers les zones urbaines industrialisées.

Aujourd'hui, même si les avancées concrètes restent limitées, chacun s'accorde à reconnaître le bien-fondé de la pluriactivité et manifeste le souci d'en «simplifier véritablement l'exercice », selon l'expression retenue par Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés au nom de Mme Martine Aubry, lors d'une intervention au Sénat le 10 octobre 2000.

b) Des indicateurs imprécis

A travers des données chiffrées éparses et parfois peu cohérentes entre elles, le centre interrégional de ressources sur la pluriactivité et le travail saisonnier, qui définit la pluriactivité comme « l'exercice de plusieurs emplois ou activités professionnelles assurés de façon successive ou simultanée dans l'année par un seul individu », estime qu'environ 2,3 millions de personnes répondent à ce critère. Ce total se décompose de la manière suivante :

- 1,5 million exerce une pluriactivité exclusivement salariale ;

- et 750.000 pluriactifs cumulent soit un emploi salarié avec une (ou plusieurs) activités indépendantes, soit plusieurs activités indépendantes.

Ce dernier chiffre recoupe une estimation nationale qui, se fondant sur les déclarations fiscales, évalue le nombre de pluriactifs à 720.000, répartis comme suit : 29 % d'agriculteurs, 22 % de commerçants et artisans et 39 % de professions libérales.

Selon les statistiques du ministère de l'Agriculture, élaborées selon un mode déclaratif, un exploitant agricole sur cinq a deux activités professionnelles en plaine ou en montagne.

2. Les obstacles traditionnels et la remise en cause de l'idée d'un statut des pluriactifs

Les divers rapports sur la pluriactivité convergent sur l'essentiel : ils dénoncent unanimement les nombreux freins législatifs, réglementaires et sociaux ; certaines réticences perdurent également dans les mentalités. La raison d'être de cette situation est que la législation est fondamentalement construite selon une logique de travail à durée indéterminée au service d'un employeur unique.

a) La protection sociale

Une des difficultés traditionnelles du pluriactif au regard de son régime social est l'adhésion et le versement de cotisations à plusieurs caisses ayant des règles de fonctionnement différentes.

Lorsqu'un salarié travaille dans plusieurs entreprises relevant de secteurs différents, il est contraint de cotiser à plusieurs caisses de retraite distinctes. Son employeur principal doit payer l'ensemble des charges patronales, puis se faire rembourser auprès des autres entreprises qui l'emploient. Cette lourdeur administrative n'incite guère les PME à se lancer dans l'aventure du multisalariat. De même, elle place le salarié dans une situation inconfortable. Si ce dernier perd l'un des ses emplois partiels, il ne pourra toucher d'indemnités de chômage qu'à condition de renoncer à tous ses autres emplois.

b) La fiscalité

La pluriactivité est bien souvent la seule solution pour créer une activité touristique viable en milieu montagnard ou rural. Or la complexité administrative qu'implique ce statut décourage les meilleures volontés et accroît la tentation de recourir au travail illégal.

Par exemple, la gestion d'un centre équestre conduit à déclarer des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'activité d'hébergement, des bénéfices agricoles au titre de l'élevage de chevaux et des bénéfices non commerciaux au titre des cours d'équitation. C'est particulièrement simple, mais il faut le faire.

c) Le droit du travail : la remise en cause de la nécessité d'un statut des pluriactifs

Au cours des dernières années, les pouvoirs publics ont reconnu que des modifications du droit du travail étaient nécessaires pour assurer le développement du multisalariat.

Néanmoins, plutôt que de créer un statut à part, dont l'expérience démontre qu'il pourrait être à l'origine de rigidités et de complexités supplémentaires, il a été jugé préférable d'adopter une démarche visant à adapter à la pluriactivité les dispositions du code du travail relatives aux congés payés, aux heures supplémentaires et à la médecine du travail

3. La monoaffiliation et le « dépassement » de la notion de caisse pivot

a) L'inapplication et l'abrogation du dispositif instituant une caisse pivot

L'échec de la caisse pivot, interlocuteur unique de l'assuré social pluriactif soumis à différentes législations sociales

Lors de son audition par la mission commune d'information, M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a rappelé les circonstances dans lesquelles le dispositif législatif relatif à la caisse pivot avait été abrogé.

Le principe du rattachement d'un pluriactif à une « caisse pivot » du régime de son activité principale avait été prévu dans la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social. Cependant l'article 43 de la loi n° 95-95 du 1 er février 1995 de modernisation de l'agriculture avait modifié l'article 34 de la loi du 27 janvier 1993 précitée offrant aux pluriactifs la possibilité de choisir pour la gestion de leur protection sociale une caisse de rattachement qui ne soit pas obligatoirement celle de leur activité professionnelle principale sous réserve de conventions conclues entre les caisses concernées. Le décret n° 97-362 du 16 avril 1997 avait déterminé les modalités d'application du dispositif de la caisse pivot. Toutefois, en l'absence de conventions signées par les caisses et organismes nationaux, ce dispositif, n'a jamais fonctionné et a été abrogé par l'article 53 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.

b) La situation générale résultant du régime introduit par la loi du 9 juillet 1999 d'orientation agricole

L'article 53 de cette loi assujettit aux seules cotisations du régime de l'activité principale les revenus tirés de l'exercice d'une ou plusieurs activités non salariées non agricoles et d'une ou plusieurs activités non salariées agricoles. Les autres catégories de pluriactifs n'ayant pas d'activité agricole restent en dehors de ce dispositif de « monoaffiliation ».

(1) Le cas des pluriactifs ayant une activité agricole

Le nouveau dispositif et l'abrogation de la caisse pivo t

L'article 53 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole a introduit dans le code de la sécurité sociale un article L.171-3 qui prévoit que les personnes exerçant « simultanément une activité non salariée agricole et une activité non salariée non agricole sont affiliées au seul régime de leur activité principale. Elles cotisent et s'acquittent des contributions sociales sur l'ensemble de leurs revenus selon les modalités en vigueur dans le régime de leur activité principale . »

La notion, essentielle dans ce dispositif, d'activité principale « est déterminée au regard du temps consacré à chaque activité et du montant respectif des revenus professionnels retenus pour la détermination des assiettes telles que définies aux articles L.136-3 et L.136-4 ou, à défaut, au regard du montant respectif des recettes professionnelles prises en compte pour déterminer lesdits revenus. »

Elaboré conjointement par le ministère de l'agriculture, le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises et le ministère de l'emploi et de la solidarité, ce dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2002.

Les pluriactifs concernés, une fois le rattachement au régime de l'activité principale opéré, sont traités comme s'ils exerçaient une seule activité. Tel est, selon les indications du ministère des Affaires sociales, le motif de l'abrogation du mécanisme de la caisse pivot. En effet, l'idée d'un organisme assurant le recouvrement de l'ensemble des cotisations dues par ces personnes aux différents régimes dont elles relèvent n'a de sens qu'en cas d'affiliation multiple et apparaît donc comme périmée au regard de ce dispositif de monoaffiliation.

La prolongation de la possibilité de multiaffiliation pour les pluriactifs ayant une activité agricole

Néanmoins, un certain nombre de montagnards pluriactifs, et notamment les agriculteurs par ailleurs moniteurs de ski quelques mois par an, ont attiré l'attention des pouvoirs publics sur les conséquences dommageables de leur rattachement au régime de l'activité principale qui leur interdit le libre choix de leur caisse : « compte tenu des critères retenus, pourtant agriculteurs dans les faits, ils perdent leur statut d'agriculteur et ne peuvent donc plus obtenir leur affiliation à la Mutualité sociale agricole (MSA). »

Il convient de rappeler que le bénéfice des aides agricoles, et en particulier de l'indemnité spéciale de montagne (art. R. 113-20 du code rural), n'est pas subordonné à l'affiliation au régime agricole. Néanmoins, il apparaît que, dans la pratique, l'affiliation au régime agricole peut faciliter la procédure d'attribution des aides.

Comme l'a rappelé M. Hervé Gaymard, des dérogations au principe de l'affiliation exclusive ont été aménagées : les personnes déjà affiliées au régime des non-salariés non agricoles et au régime des non-salariés agricoles lors de l'entrée en vigueur de l'article 53 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement ont la possibilité, sur leur demande, de continuer à être affiliées à ces deux régimes.

Un décret en Conseil d'Etat du 21 avril 2001 fixe les conditions d'application de l'article L.171-3 du code de la sécurité sociale et, en particulier, les critères de détermination de l'activité principale en prenant comme critère majeur le revenu professionnel le plus élevé, à savoir celui pris en compte pour le calcul de la CSG, et comme critère mineur, le temps consacré, au cours de l'année civile, à chaque activité non salariée. L'évaluation de ce second critère se fait sur la base d'une déclaration établie par l'intéressé.

Ce décret détermine également la première période pendant laquelle le choix de l'activité principale ne pourra pas être modifiée : du 1 er janvier 2002, date d'application de la loi, jusqu'au 30 juin 2004. Par la suite, aucun changement de régime ne peut intervenir dans des périodes de trois ans successives.

Un arrêté du 9 août 2001 fixe les modalités de demande de maintien de la multiaffiliation et le délai limite pour la déposer. La date retenue était fixée au 15 décembre 2001.

Le ministre a indiqué à la mission commune d'information qu'un projet d'arrêté modifiant l'article 6 de l'arrêté du 9 août 2001 était en cours de rédaction pour supprimer le délai limite de dépôt de la demande de maintien de la multiaffiliation et préciser que le délai est réouvert sans terme fixé, était en cours de préparation. Début octobre 2002, il n'a pas encore été publié.

Pour l'avenir, le ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a fixé deux séries d' objectifs .

A moyen terme, il s'agirait de modifier l'article 1 er du décret en Conseil d'Etat du 26 avril 2001 qui fixe les critères de détermination de l'activité principale en tenant compte des remarques faites par les professionnels (expression de leur métier principal, temps de travail représenté par l'activité support). De plus, l'article 4 dudit décret pourrait être modifié afin de raccourcir la première période d'impossibilité de modification de l'activité principale.

A plus long terme, il est envisagé de modifier l'article L.171-3 du code de la sécurité sociale en revenant à un dispositif plus proche de celui qui s'appliquait antérieurement et qui semblait donner meilleure satisfaction aux professionnels.

Votre mission commune d'information reste convaincue de l'extrême complexité de l'arbitrage entre la multiaffiliation et la monoaffiliation et elle note la diversité des points de vue exprimés par les experts et les professionnels. Elle propose, à titre transitoire, la prolongation des possibilités de multiaffiliation offertes aux pluriactifs ayant une activité agricole.

Proposition n° 47. : Prolonger, à titre transitoire, les possibilités de multiaffiliation offertes aux pluriactifs ayant une activité agricole.

Par la suite, on peut considérer que la pratique constituera le meilleur critère de décision entre :

- le retour à un système de multiaffiliation assorti d'un dispositif de caisse pivot pour alléger les formalités des pluriactifs ;

- ou la prolongation de la monoaffiliation instituée par la loi, qui supprime, de fait, la nécessité des caisses pivot.

(2) Les pluriactifs n'exerçant aucune activité non salariée agricole

D'après les indications qui ont été fournies à votre rapporteur, les obligations des personnes ayant une activité salariée et une activité non salariée sans lien avec l'agriculture n'excèdent guère celles induites par l'exercice exclusif d'une activité non salariée : la responsabilité du versement de leurs cotisations salariales appartenant à l'employeur (art. L.241-7 du code de la sécurité sociale), leur seule formalité supplémentaire est la déclaration des revenus et durée du travail salariés pour la détermination de l'activité principale (art. R. 615-4 du même code).

Quant aux salariés pluri-employeurs, leur seule obligation supplémentaire était de déclarer à chacun de leurs employeurs les salaires perçus par ailleurs ; toutefois, ceci n'avait d'intérêt que si le total de leurs salaires excédait le plafond de la sécurité sociale afin de leur éviter de payer un surcroît de cotisations d'assurance vieillesse, lesquelles sont plafonnées. C'est pourquoi l'article 73 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 rend désormais ces salariés seuls juges de la nécessité de remplir cette formalité et leurs employeurs, en l'absence d'opposition de leur part, pourront désormais « proratiser » le calcul des charges en fonction de leur durée de travail.

c) L'amélioration et l'assouplissement des régimes de prestation et de cotisation des pluriactifs

De manière générale, un certain nombre de mesures ont permis, ces dernières années, d'après le ministère des Affaires sociales, d'améliorer la situation des pluriactifs, au regard des prestations et cotisations à leurs différents régimes de protection sociale.

(1) L'amélioration des prestations

Sur le plan des prestations, l'avancée la plus significative est l'affirmation du droit aux indemnités journalières du régime général , même lorsque l'activité salariée est exercée accessoirement à une activité non salariée.

En outre, il convient de relever l'assouplissement des conditions d'ouverture du droit aux indemnités journalières servies aux artisans et aux commerçants puisque le délai de carence a été réduit à trois jours en cas d'hospitalisation et à sept jours en cas d'accident ou de maladie (contre 15 jours auparavant). Cette mesure profite au premier chef aux artisans ou commerçants n'exerçant pas leur activité sur l'année entière car ils ont intérêt à ce que la durée d'interruption d'activité exigée soit la plus courte possible ;

Enfin, les prestations en nature servies par le régime d'assurance maladie des artisans, commerçants et professions libérales ont été alignées sur celles du régime des salariés, qui rend neutre pour l'assuré exerçant une activité non salariée non agricole et une activité salariée le passage de l'un à l'autre des régimes respectivement compétents pour chacune de ces activités.

(2) Les mesures d'allègement des cotisations

En ce qui concerne les cotisations, le principe d'assujettissement de l'ensemble des revenus doit être réaffirmé ; dans le cas contraire, à revenus identiques, le financement de la protection sociale pèserait davantage sur les personnes exerçant une seule activité professionnelle, ce qui serait contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.

Mais sans contrevenir à ce principe, des dispositions ont été adoptées pour alléger les charges des pluriactifs exerçant une activité non salariée non agricole :

- les personnes exerçant alternativement une activité non salariée non agricole et une activité salariée ou non salariée agricole peuvent, depuis 1997, prétendre à une réduction, calculée en fonction de leur durée d'activité, de la cotisation minimale d'assurance maladie due normalement à raison de l'exercice d'une activité non salariée non agricole à titre exclusif ou principal : de 790 euros, cette cotisation peut être abaissée à 198 euros ;

- la cotisation de solidarité dont étaient redevables, à l'égard du régime d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, les artisans, commerçants ou professions libérales ayant une activité agricole accessoire a été supprimée ; cette cotisation, qui ne validait aucun droit à l'assurance vieillesse, était calculée au taux de 12,51 % sur le revenu agricole.

d) La cotisation maladie forfaitaire : une entrave majeure à la pluriactivité

Dès la création d'une activité non salariée, les caisses de retraite, l'URSSAF, et les caisses de régime spécial de sécurité sociale, demandent le paiement de cotisations dont la plupart sont calculées sur la base des bénéfices. Certaines sont cependant calculées selon un minimum forfaitaire. Tel est le cas, en matière d'assurance maladie, pour les travailleurs non salariés des professions non agricoles d'assurance maladie. Ainsi, certaines micro-activités de courte durée font l'objet de prélèvements parfois disproportionnés et dissuasifs, totalement déconnectés du bénéfice ou du chiffre d'affaires.

Diverses mesures ont été prises en vue de l'allègement de cette cotisation minimale :  le taux de ces cotisations, qui était de 11,4 % sur la part des revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale et de 9 % sur la part comprise entre une et cinq fois ce seuil, a été ramené à respectivement 5,9 % et 5,3 % avant d'être porté, au 1 er janvier 2001, à 6,5 % et 5,9 %, en raison de l'alignement du taux de remboursement des prestations en nature servies aux travailleurs non salariés des professions non agricoles sur celui des salariés.

Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a allégé le montant de la cotisation minimale d'assurance maladie due au titre des deux premières années civiles d'exercice d'une activité non salariée non agricole. Ainsi, pour 2001, le montant, pour la première année, est de 2.574 francs (soit 210 francs par mois) et, pour la deuxième année, de 3.786 francs (soit 316 francs par mois). Cette mesure a de surcroît été accompagnée de dispositions réglementaires prévoyant qu'aucune cotisation ou contribution n'était exigible des travailleurs non salariés avant qu'ils aient au moins 90 jours d'activité et, pour les artisans et commerçants, d'une diminution des charges provisionnelles d'assurance vieillesse qui leur sont demandées durant leurs deux premières années d'activité.

La mission commune d'information prend acte de ces mesures et souhaite que soit poursuivie la diminution des cotisations minimales des travailleurs sans détérioration de leur couverture sociale.

Proposition n° 48. : Combattre une entrave majeure à la pluriactivité et à la « micro-activité » en réformant la cotisation maladie forfaitaire sur la base du principe de proportionnalité.

Proposition n° 49. : Simplifier l'exercice ponctuel d'activités indépendantes en s'inspirant du « chèque emploi service ».

4. Le développement limité des groupements d'employeurs

a) Un succès limité

Selon l'article L 127-1 du Code du travail :

- le groupement d'employeurs (G.E.) doit être constitué sous la forme d'une association déclarée ;

- il est constitué dans le but exclusif de mettre à la disposition de ses membres des salariés, liés à ce groupement par un contrat de travail, dans le cadre de l'application d'une même convention collective. Le groupement devient par ces dispositions l'employeur de droit, se substituant à ses membres ;

- la mise à disposition se fait dans un cadre non lucratif pour ne pas encourir une incrimination pour délit de marchandage.

Initialement, seules les entreprises de moins de 10 salariés pouvaient être adhérentes d'un GE. Ce seuil a ensuite été porté à 100 par la loi du 30 juillet 1987.

Le groupement d'employeurs a pour objet d'embaucher et de mettre à la disposition des entreprises ou employeurs adhérents des salariés liés au groupement par un contrat de travail. Ce dispositif présente l'avantage, pour le salarié, de n'avoir qu'un seul employeur -le groupement- auquel il est lié par un contrat de travail unique et, pour les petites et moyennes entreprises qui n'ont pas la possibilité d'employer un salarié à plein temps, de satisfaire à leur besoin de main-d'oeuvre en occupant un salarié à temps partiel.

Cette formule concerne aujourd'hui environ 2.000 groupements et 7.000 salariés, la majorité dans le secteur agricole, où une tradition de mise en commun des ressources existe depuis longtemps. L'industrie et les services commencent à s'intéresser à la formule mais certaines réticences restent à vaincre, et il convient de prendre en considération les difficultés pour les employeurs d'organiser la gestion prévisionnelle de leur charge de travail et de leurs effectifs. Confrontées à l'urgence, et même si le coût en est élevé, certaines entreprises préfèrent ainsi avoir recours aux contrats à durée déterminée, à la sous-traitance ou à l'intérim.

b) Les obstacles aux groupements d'employeurs mixtes

Le principal frein à la mise en place de groupements d'employeurs dans de nombreuses zones de montagne est la difficulté pour le secteur public d'y participer ; or ce dernier représente dans certains départements la moitié du potentiel d'emplois saisonniers .

Divers obstacles s'opposent au recours par les collectivités locales à du personnel mis à disposition par un groupement d'employeurs. La principale limitation découle du principe fixé par l'article L.127-1 du code du travail qui prévoit que les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires.

Proposition n° 50. : Favoriser le développement des groupements d'employeurs en diffusant une information adaptée et en facilitant l'adhésion des collectivités locales et des personnes morales de droit public.

B. L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE DES SAISONNIERS DU TOURISME

1. Le programme d'action prévu en février 2000

Le rapport de M. Anicet le Pors de janvier 1999 consacré aux 420.000 travailleurs saisonniers du tourisme a présenté trente et une propositions pour améliorer leurs conditions de vie. Ce rapport a été suivi en février 2000 d'un programme d'actions mis en place par le secrétariat d'Etat au Tourisme. Ce programme en faveur de l'amélioration de la situation sociale des saisonniers du tourisme comportait une série de mesures favorisant l'accès des saisonniers au logement et l'élargissement de leurs droits sociaux.

L'une des mesures les plus attendues de ce programme est le  « plan visant à créer une offre publique de 6.000 logements ou places pour les travailleurs saisonniers du tourisme » qui devait être réalisé en 3 ans en partenariat avec les collectivités locales qui proposeront des sites.

2. L'état d'avancement de ce programme et l'effort des collectivités locales

Selon le bilan établi fin janvier 2001 par le secrétariat d'Etat au tourisme, « des avancées certaines ont été réalisées » avec :

- une meilleure prise en compte des périodes de travail dans l'attribution des aides aux logements aux salariés saisonniers du tourisme ;

- une modification du code de la sécurité sociale pour permettre de prendre en compte la variation des ressources dans l'attribution de l'allocation logement ;

- des opérations de construction ou de réhabilitation de logements en cours de réalisation à Ouessant, Villars-de-Lans, Belle-Ile-en-Mer, ainsi que dans les Pyrénées-Orientales. Les services des directions départementales de l'équipement apportent leurs compétences et leur appui technique aux collectivités locales initiatrices de ces actions. A Nice, le syndicat de l'hôtellerie réhabilitera un ancien hôtel pour faire du logement à destination des saisonniers. Le conseil général de la Savoie s'est également engagé, en réalisant une étude pour définir un dispositif d'aide financière à l'intention des propriétaires privés qui loueront des logements à des saisonniers du tourisme.

La mission commune d'information a constaté sur le terrain une forte mobilisation des collectivités locales montagnardes pour recenser les besoins et l'offre de logements et appliquer les dispositions édictées par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui autorisent notamment la sous-location aux travailleurs saisonniers de logements sociaux meublés.

C. INNOVER DANS LA FORMATION EN MONTAGNE

1. Adapter les formations aux besoins spécifiques des saisonniers et des pluriactifs

Comme l'a indiqué le Groupement d'établissement (GRETA) de Savoie à la mission lors de son déplacement dans le massif des Alpes, « la pluriactivité c'est aussi la pluricompétence et des besoins spécifiques de formation ». Le mot d'ordre en la matière est celui de la souplesse et de l'individualisation des formations, avec notamment un effort particulier en faveur des formations bi-qualifiantes particulièrement bien adaptées à la saisonnalité de l'activité économique en zone de montagne.

La formation des pluriactifs et des saisonniers rencontre un certain nombre d'obstacles qui tiennent :

- non seulement à la configuration générale des dispositifs et des règles pensées pour le modèle « mono actif » traditionnel ;

- mais aussi, et parfois dans la pratique, surtout à « la résistance spontanée des organisations face aux cas marginaux que représentent les pluriactifs » et cela, même lorsque la loi ou la réglementation prévoient explicitement la possibilité de dérogations.

Les propositions de votre mission commune d'information en matière de formation des pluriactifs et des saisonniers répondent toutes à un impératif commun d'assouplissement et d'adaptation ; elle souhaite ainsi :

- adapter le financement et l'accès des pluriactifs au plan de formation de leur entreprise ;

- assouplir les contraintes administratives d'accès au congé individuel de formation (CIF) ;

- moduler les durées des formations qualifiantes ;

- ajuster l'organisation de l'alternance entre l'école et l'entreprise, notamment en matière de contrats de qualification et de contrats d'apprentissage ;

- et réduire les freins pour l'accès aux formations initiales des établissements scolaires et universitaires.

Proposition n° 51. : Assouplir, en faveur des pluriactifs et des saisonniers,  les conditions d'accès à la formation initiale et continue.

2. Favoriser la montagne dans les implantations d'établissements universitaires.

Certains massifs de montagne apparaissent assez largement comme les oubliés de la  carte des implantations universitaires.

Dans le prolongement des travaux de la mission, il conviendra de revenir en détail sur l'analyse de la situation actuelle et sur les conditions de réalisation d'un projet audacieux et novateur : la création d'une université de la montagne qui pourrait donner une impulsion nouvelle au concept de « laboratoire d'idées » et s'attacher à répondre aux besoins de formation initiale et permanente qui se manifestent dans nos massifs.

De façon plus immédiate, il convient d'encourager fortement l'implantation de centres de recherche en zone de montagne.

La mission commune d'information a été ainsi très intéressée par les travaux menés par le Conservatoire botanique national alpin installé à Gap-Charance. Ayant le statut d'établissement public à caractère scientifique et technique, cet organisme est géré par un syndicat mixte, composé de la ville de Gap, du Parc national des Ecrins, du Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles et du département des Hautes-Alpes. L'agrément du ministère de l'environnement et du développement durable a été renouvelé, en 1999, pour cinq ans et lui assure une partie de son financement.

La mission principale du conservatoire est d'assurer la connaissance, la conservation et la valorisation du patrimoine végétal, sur la zone d'agrément. Il a également développé un important rôle d'expertise auprès des collectivités locales, des administrations et des associations notamment pour centraliser et valider les inventaires et la cartographie de Natura 2000. Enfin, il participe au développement économique local, en mettant à disposition son savoir-faire et ses connaissances scientifiques en matière de biodiversité, constituant ainsi une aide à la décision pour les acteurs locaux.

TROISIÈME PARTIE -

PROMOUVOIR UN AMÉNAGEMENT SPÉCIFIQUE
ET SOLIDAIRE DANS LES MASSIFS

I. STRUCTURER L'AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES EN MONTAGNE

A. MAINTENIR LES SERVICES DE PROXIMITÉ

L'évolution de l'implantation des services de proximité sera un facteur essentiel de maintien ou de départ des personnes installées en montagne. On se trouve en effet trop souvent prisonnier d'une spirale implacable : la faible densité de population en montagne est invoquée pour y légitimer l'insuffisance des services de proximité, cette dernière accentuant encore les départs de personnes résidant en montagne.

1. Les services publics

a) Un déclin sur l'ensemble du territoire montagnard

Selon les informations fournies par la DATAR, les implantations publiques en montagne présenteraient une « relative stabilité ».

Ce jugement doit être fortement nuancé. En effet, le moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural décidé en 1993 a été supprimé en 1998 par le Gouvernement de M. Lionel Jospin.

Ainsi, si l'implantation des services publics administratifs est relativement stable, tel n'est pas le cas de certains services publics industriels et commerciaux. En particulier, dans le cas de La Poste on peut s'inquiéter des conséquences de la libéralisation progressive du marché du courrier (qui concernera les plis de plus de 100 grammes en 2003 et de plus de 50 grammes en 2003 -contre 350 grammes actuellement-, avant une éventuelle libéralisation totale en 2009).

Comme le soulignait en 1999 le rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher 26 ( * ) , près d'un cinquième des 17.000 points de contact postaux enregistrent moins de deux heures d'activité par jour. Par ailleurs, La Poste ne semble pas pouvoir supporter seule le coût de cette présence sur l'ensemble du territoire. Ainsi, sur les 17.000 bureaux de poste, seulement 12.000 sont de plein exercice, l'objectif des dirigeants de La Poste étant de les ramener à 8.000, les autres devant être transformés en « points contact postaux » (dans les bureaux de tabac, les cafés, les épiceries, les supérettes...), notamment en zone de montagne.

b) L'insuffisance des institutions existantes

Les institutions existantes ne sont pas à la hauteur des enjeux.

(1) Les commissions départementales, compétentes pour l'organisation des services publics

Tout d'abord, la loi «montagne» prévoit (article 15) que dans chacun des départements comprenant une zone de montagne, une commission propose au président du conseil général et au représentant de l'Etat dans le département les dispositions de nature à améliorer l'organisation des services publics en montagne, notamment en facilitant et en développant leur polyvalence.

Ces dispositions peuvent, le cas échéant, faire l'objet d'un schéma d'organisation et d'implantation des services publics établi de manière conjointe par le président du conseil général et le représentant de l'Etat dans le département.

Ces commissions ont ensuite été généralisées à l'ensemble du territoire par la loi n° 95-115 du 4 février 1995, sous l'appellation de commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics.

Ces commissions ont cependant un rôle insignifiant, faute de pouvoir de décision.

(2) Le rôle des préfets face aux fermetures de services publics

De même, à la suite du CIADT du 15 décembre 1998, les projets de fermeture des services publics devraient être coordonnés sous l'égide des préfets (circulaire du 7 juillet 2000).

Selon les informations fournies par la DATAR, ce dispositif complexe n'est pas appliqué.

c) Quelles solutions ?
(1) Conclure un accord-cadre au plan national ?

La question de l'implantation des services publics en montagne ne semble pouvoir être dissociée de celle de leur implantation dans les zones rurales en général.

Ainsi, la DATAR a suggéré à la mission commune d'information que soit conclu un accord-cadre national entre l'Etat, les associations d'élus et les grands services publics et parapublics, fixant les principes d'une coopération au niveau local. Cette solution mérite d'être envisagée, de même que l'organisation de cette coopération au niveau législatif.

Ce cadre général devrait préciser, notamment, les modalités selon lesquelles les collectivités locales pourraient participer au financement du maintien de certains services publics sur leur territoire, ainsi que les cas où ce financement serait assuré par l'Etat. On pourrait en particulier imaginer que l'Etat s'engage à assurer un tel financement, en contractualisant avec les communes disposant d'un véritable « projet de territoire » (dans le cadre d'un pays, de communautés de communes...).

(2) Le service public postal

Dans le cas du service public postal, il peut sembler souhaitable d'inclure dans le prochain contrat de Plan Etat-La Poste des obligations en matière de maintien des bureaux de poste en zone de montagne.

On peut également rappeler les propositions faites par notre collègue Gérard Larcher dès 1997, et renouvelées en 1999.

Les propositions du rapport Larcher de 1999

Dans un rapport d'information présenté en 1999 27 ( * ) , notre collègue Gérard Larcher propose, notamment, les mesures suivantes :

- faire supporter par La Poste, en tout point du territoire, le coût du service universel postal ;

- faire assumer par l''Etat les incidences financières des actions exigées de La Poste, quand elles correspondent aux normes d'aménagement postal des territoires établies par la loi d'orientation postale à élaborer ;

- possibilité pour les élus locaux de fixer, sur les territoires où ils ont autorité, des normes plus ambitieuses que celles définies par le législateur, en mobilisant les ressources nécessaires au financement des surplus de dépenses pouvant en résulter, quand ces normes excèdent les limites de la solidarité nationale instituée par le Parlement ;

- instituer un fonds d'aide à la modernisation du réseau postal, financé par une partie de la taxe professionnelle versée par France Télécom, ou du produit d'une hausse du prix du timbre, pour soutenir ces initiatives locales.

Certains élus de montagne se sont manifestés auprès de l'Association des maires de France, pour faire savoir qu'ils étaient prêts à accepter des expérimentations sur leur territoire. Ainsi, en Haute-Savoie, la commune de Saint Gervais accepte une expérimentation pour son point contact postal de Saint Nicolas de Véroce, et celle d'Excenevex envisage une contractualisation avec un commerce, qui deviendrait le bureau de poste local.

Proposition n° 52. : Améliorer le cadre de la coopération locale en matière de services publics, en particulier en zone de montagne, ce qui pourrait notamment passer par :

- au niveau national, l'adoption de dispositions législatives et/ou la conclusion d'un accord-cadre (fixant notamment les modalités de participation des collectivités locales au financement du maintien des services publics concernés, ainsi que la manière dont l'Etat assurerait ce financement dans le cas des communes disposant d'un « projet de territoire ») ;

- dans le cas de La Poste, l'inclusion dans le prochain contrat de Plan Etat-La Poste des obligations en matière de maintien des bureaux de poste en zone de montagne, la mise en oeuvre des propositions des rapports Larcher de 1997 et 1999 et la réalisation d'expérimentations en zone de montagne.

2. Les autres services de proximité

Le maintien des services publics n'est que l'un des aspects de la question plus globale des services de proximité.

a) Les services de santé

Il convient tout d'abord de souligner le rôle essentiel des services de santé pour le maintien de la population sur le territoire. Force est de constater que celui-ci est trop souvent insuffisant, contribuant ainsi à la désertification de certaines zones de montagne 28 ( * ) .

b) Le commerce de proximité

L'article 55 de la loi «montagne » prévoit que « l'existence en zone de montagne d'un équipement commercial et d'un artisanat de services répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général ».

(1) Les moyens mis en oeuvre

Selon les indications fournies par M. Patrice Vermeulen, directeur des entreprises commerciales, artisanales et des services, entre 1992 et 2001, le FISAC (fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce) a aidé 867 opérations portées par de petites entreprises de moyenne montagne, et 72 opérations portées par de petites entreprises de haute montagne, pour un total de l'ordre de 30 millions d'euros. Cette contribution du FISAC a représenté environ 20 % des aides qu'il a distribuées au total, et 55 % des décisions qu'il a prises, mais la tendance serait à l'accroissement de l'aide en faveur des zones de montagne.

En particulier, le secrétariat d'Etat aux PME a engagé 1,5 million d'euros dans le Massif central et 1 million d'euros dans les Pyrénées pour favoriser des expériences en matière de création d'activités et d'accès aux services privés. Dans le Massif central ont ainsi été réalisées plusieurs expérimentations : mobilisation des élus locaux en matière d'accueil des nouveaux actifs dans le Limousin, développement de l'accès aux services de diffusion de la presse et installation de distributeurs de billets de banque dans les chefs-lieu de canton (conseil général de l'Ardèche).

De même, dans les Alpes ont été mis en place des espaces ruraux emploi-formation (EREF), qui ont vocation à s'intégrer dans les maisons de services publics (22 points sur les 80 existant au niveau national). Les EREF ont pour l'instant été mis en place au sud du massif, leur généralisation au nord étant prévue grâce aux crédits de la convention interrégionale de massif (1 million d'euros en provenance du FNADT).

(2) Une politique mal orientée ?

On peut s'interroger sur les orientations de cette politique.

(a) Une politique qui néglige le petit commerce traditionnel

Tout d'abord, M. Patrice Vermeulen a indiqué à la mission commune d'information que la politique menée par son ministère ne consistait pas à « maintenir des petites épiceries qui ne vendraient que quelques boîtes de conserve périmées et chères ou des commerces non-alimentaires du type quincailleries, mais à favoriser la venue des jeunes, ainsi que l'implantation d'activités économiques, notamment touristiques ». Ainsi, cette politique favorise :

- l'incitation de la grande distribution à s'implanter dans les zones rurales ou de montagne ;

- l'approvisionnement des personnes âgées grâce à des systèmes de tournées organisés par les supermarchés, soutenus par le FISAC.

On peut s'interroger sur la pertinence de cette approche, qui revient à négliger totalement le petit commerce traditionnel.

(b) Une politique dont ne bénéficient que les zones où la demande est déjà présente

Ensuite, M. Vermeulen a souligné que son ministère ne favorisait le développement du commerce que dans les zones dans lesquelles la demande était déjà présente.

On se trouve donc dans un cercle vicieux : les zones en déclin démographique ne bénéficient pas de la politique menée, ce qui accentue celui-ci.

Proposition n° 53. : Renforcer les moyens de la politique de développement des services de proximité en zone de montagne, et rendre cette politique plus favorable aux zones peu densément peuplées ainsi qu'au petit commerce traditionnel.

B. DÉFINIR UNE VÉRITABLE POLITIQUE DES TRANSPORTS

Un aspect essentiel de la structuration des territoires de montagne passe par leur réseau de transports. Or, on ne peut ici que déplorer l'absence d'une véritable politique prospective des transports en montagne 29 ( * ) .

1. La question du franchissement des massifs frontaliers par les transports de marchandises

a) Une forte croissance des flux routiers de marchandises dans les Alpes et les Pyrénées, mal anticipée par les pouvoirs publics

Alors que les flux routiers de marchandises à travers les Pyrénées et les Alpes étaient comparables en 1996, en 1999 ils étaient dans les Pyrénées près de deux fois supérieurs à ceux observés dans les Alpes, comme l'indique le tableau ci-après.

Comparaison des flux routiers de marchandises à travers les Pyrénées et les Alpes

Année

Unité

Pyrénées

Alpes (1)

1996

Millions de tonnes

53

35

1999

Millions de poids lourds

4,6

2,6

(1) Sur les trois autoroutes franco-italiennes.

Source : Conseil général des ponts et chaussées, Les transports à travers les Pyrénées, enjeux et perspectives, mai 2001.

Cette croissance a été mal anticipée, malgré l'importance accordée à la libre circulation des personnes et des marchandises par les textes communautaires. D'une manière générale, il convient de souligner le manque de coopération avec les pays voisins (Espagne, Italie).

b) Des perspectives inquiétantes pour les Pyrénées

Les transports trans-pyrénéens ont fait l'objet d'une récente étude du conseil général des Ponts et Chaussées 30 ( * ) , dite « rapport Becker », dont nous présentons ci-après les principaux éléments. Les perspectives semblent inquiétantes.

(1) Un trafic de marchandises en forte croissance et en quasi-totalité routier

La forte augmentation du trafic routier de marchandises trans-pyrénéen s'explique par le rattrapage économique de la péninsule ibérique, dont le volume des échanges avec les autres pays de l'Union européenne a progressé de 1990 à 2000 de plus de 65 %.

Ainsi, le trafic de poids lourds sur les autoroutes transfrontalières a doublé de 1989 à 1998, comme l'indique le graphique ci-après.

Evolution du transport de marchandises trans-pyrénéen entre 1989 et 1998

En millions de tonnes

Source : Conseil général des ponts et chaussées, Les transports à travers les Pyrénées, enjeux et perspectives, mai 2001.

Cette forte augmentation du trafic routier suscite des phénomènes de congestion et de pollution, en particulier près des agglomérations de Bayonne et Saint-Sébastien, de Montpellier et de Bordeaux.

Les axes autoroutiers trans-pyrénéens sont localisés de part et d'autre de la chaîne, dans les corridors littoraux sans tunnel transfrontalier. Ainsi, 96 % du trafic de marchandises utilisant le mode routier passe par les axes du Perthus (A9) à l'est et du Biriatou (A63) à l'ouest, avec respectivement 8.400 et 7.600 camions par jour en l'an 2000 (à titre de comparaison, 2.000 camions traversaient le tunnel du Mont-Blanc avant sa fermeture et 6.000 celui du Fréjus).

Dans les années récentes ont été conclus des accords bilatéraux concernant :

- la réalisation du tunnel routier du Somport ;

- la construction et l'exploitation de la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Perpignan et Figueras, accessible aux trains fret, dont la mise en service est prévue pour 2006.

Dans la liste des projets prioritaires arrêtés en 1994 à Essen, le schéma des réseaux transeuropéens a retenu, outre une branche atlantique pour le réseau ferré à grande vitesse, la ligne Perpignan-Figueras.

287 millions d'euros, provenant de l'ouverture du capital des entreprises publiques, doivent être consacrés en 2003 au financement de la part française de la subvention publique prévue par le contrat de concession de cette liaison.

Proposition n° 54. : réaliser rapidement la liaison Perpignan-Figueras.

Le tunnel du Somport

La construction du tunnel du Somport a été décidée par l'accord du 25 février 1991 conclu entre la France et l'Espagne.

Le projet a connu certaines vicissitudes :

- nombreuses manifestations (première occupation du chantier et de ses abords le 27 août 1991) ;

- annulation par le tribunal administratif de Pau de l'arrêté déclarant les travaux d'utilité publique (2 décembre 1992) ;

- report de l'ouverture du tunnel à la circulation, à cause du caractère infructueux de l'appel d'offres européen lancé à l'été 2001 pour désigner un exploitant, et de la réalisation de travaux de sécurité à la suite des catastrophes dans les Alpes (mars 2002).

Selon le conseil général des ponts et chaussées, « l'ouverture du tunnel du Puymorens en 1993 n'a pas eu d'impact sur le trafic poids lourds empruntant cet itinéraire. Le même phénomène pourrait être constaté lors de la mise en service du tunnel du Somport. Actuellement , la RN 134 supporte un trafic plutôt stable de 130 poids lourds par jour à la frontière correspondant à des échanges locaux. Mais aucun élément ne permet de dire aujourd'hui que son ouverture va attirer un trafic nouveau de poids lourds ».

A l'occasion de son déplacement dans le massif des Pyrénées, la mission commune d'information a pu constater le contraste entre l'aménagement routier de part et d'autre du tunnel, la voie d'accès étant en France extrêmement étroite, contrairement au côté espagnol. On ne peut que regretter ce décalage, qui nuit à la coopération entre les deux pays.

(2) Un chemin de fer insuffisamment développé

La structure du réseau ferroviaire est analogue à celle du réseau autoroutier : les deux lignes principales, à doubles voies et électrifiées, empruntent les corridors latéraux et captent la totalité du fret ferroviaire existant et l'essentiel du trafic voyageurs.

Le conseil général des ponts et chaussées estime que « le rôle et la fonction actuels du réseau ferroviaire apparaissent (...) bien modestes au regard de l'importance des échanges et des possibilités qu'on pourrait attendre de ce mode. En 1998, 4,4 millions de tonnes ont été transportés par mode ferroviaire à travers les Pyrénées, principalement en provenance ou à destination de la France et de l'Allemagne. Si l'on reprend la comparaison avec les Alpes, et en particulier les Alpes françaises, force est de constater que la part du mode ferroviaire dans les transports terrestres de marchandises au franchissement de la frontière reste modeste dans les Pyrénées : 6,5 % en fer-fer (10 % côté France, si on ajoute le trafic rail-route) alors qu'elle atteint 20 % sur les Alpes françaises et 34 % sur l'arc Vintimille-Brenner ».

Ce phénomène s'explique par le fait que les infrastructures ferroviaires sont insuffisantes, ce qui provient notamment d'un écartement des rails différent entre la France et l'Espagne. En effet, si pour les voyageurs, l'introduction déjà ancienne des essieux à écartement variable (système Talgo) a permis de surmonter ce handicap, pour les marchandises, il faut encore procéder à des opérations de changement d'essieux ou de transbordement.

Ainsi, selon le conseil général des ponts et chaussées, dans la traversée des Pyrénées, « les camions n'utilisant pas de tunnels à péage ne subissent aucune charge particulière ou aucun délai d'attente qui pourraient en résulter, alors que la même masse de marchandise [la masse par wagon ou équivalent d'un poids lourd] utilisant le mode ferroviaire subit un délai d'attente et doit acquitter une charge de 300 F environ ».

Ce n'est que depuis peu qu'est menée une politique de développement du fret international sur ces corridors, tant en Espagne qu'en France. Ainsi, la SCNF poursuit un objectif de 100 milliards de t.km de fret en 2010, et son homologue espagnole (la RENFE) vise un doublement en cinq ans du transport combiné.

(3) Une saturation inévitable sans rééquilibrage modal ?

Selon le conseil général des ponts et chaussées, l'augmentation rapide des flux de marchandises inter-pyrénéens devrait se poursuivre. Les flux augmenteraient de 110 MT environ, d'ici à l'année 2020.

Le rapport distingue plusieurs scénarios d'évolution des différents modes. Le scénario le plus favorable, privilégié par le CGPC, est ambitieux puisqu'il suppose que les modes ferroviaire et maritime parviennent à améliorer suffisamment leur offre pour accroître leur part modale de manière significative. Dans le cas des deux derniers scénarios (défavorables, soit du fait d'une absence de rééquilibrage, soit du fait d'une hypothèse haute de croissance économique), le trafic de poids lourds sur chacune des deux autoroutes atteint 14.000 à 15.000 véhicules par jour en 2015. Selon le CGPC, « ces trafics sont compatibles avec des autoroutes à 2 x 3 voies, mais ils constituent sans doute une limite supportable qu'il convient de ne pas dépasser ».

Ainsi, la croissance du trafic routier continuerait de s'accroître jusqu'en 2020, avec à cette date un risque de saturation, le seul scénario sans saturation (avec aménagement des autoroutes en 2 x 3 voies) étant celui retenant l'hypothèse de référence de croissance économique, avec rééquilibrage modal.

Ainsi, la mission commune d'information s'interroge sur les moyens à mettre en oeuvre dans les Pyrénées. Sans volonté politique forte, des phénomènes de saturation semblent inévitables.

c) Les Alpes : une situation préoccupante

Les conditions du franchissement des Alpes par les transports de marchandises sont elles aussi préoccupantes.

(1) Les affirmations du rapport Brossier

Selon le rapport Brossier de 1998, l'évolution du trafic routier de marchandises transalpin (tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus) dépend fortement de l'ouverture par la Suisse de son territoire au trafic de l'UE, comme l'indique le graphique ci-après.

Projections du transport routier de marchandises à travers les Alpes

En millions de tonnes

Source : rapport Brossier de 1998

L'hypothèse d'une ouverture progressive, par la Suisse, de son territoire aux flux de marchandises est retenue par le rapport Brossier ainsi que par le schéma de services collectifs de marchandises.

L'importance d'une plus grande ouverture de la Suisse s'explique par le fait que celle-ci est actuellement relativement peu ouverte aux flux transalpins de marchandises, comme l'indique le tableau ci-après.

La répartition des flux de marchandises à travers les Alpes

En %

France

Suisse

Autriche

Part des flux

33

17

50

Source : schéma de services collectifs de transports de marchandises.

Le rapport Brossier estime les capacités à moyen terme des tunnels du Fréjus et du Mont-Blanc respectivement à 48 millions de tonnes pour le Fréjus (soit environ 8.000 poids lourds par jour) et 20 millions de tonnes pour le Mont-Blanc (environ 3.000 poids lourds par jour), soit une capacité totale estimée de 68 millions de tonnes. Ces chiffres sont loin des flux constatés aujourd'hui et des flux prévisionnels pour l'année 2010, même si l'on retient la projection la plus haute, de 35 millions de tonnes par an.

Ainsi, selon le rapport Brossier, les infrastructures actuelles seraient suffisantes à moyen terme.

(2) Un jugement optimiste

Ces considérations peuvent sembler optimistes, pour deux raisons essentielles.

Tout d'abord, les évaluations basses du rapport Brossier et le schéma de services collectifs de transport de marchandises tablent sur un passage accru du trafic par la Suisse. Cette perspective peut sembler irréaliste. Il semble donc nécessaire de retenir les projections hautes du rapport en matière d'évolution du transport routier de marchandises. En outre, on peut s'interroger sur la pertinence d'une approche qui consiste à souhaiter reporter le problème sur l'un de nos voisins.

Ensuite, les contraintes liées à la sécurité -dramatiquement rappelées par la catastrophe survenue dans le tunnel du Mont-Blanc le 24 mars 1999, qui a fait 39 morts- et à la protection de l'environnement pourraient remettre en cause cette analyse. En effet, des considérations de sécurité pourraient conduire à limiter le trafic dans les tunnels en deçà du seuil envisagé par le rapport Brossier. Si tel était le cas, le développement du transport ferroviaire serait d'autant plus indispensable. En effet, l'opposition des habitants des zones concernées au développement du transport routier pourrait inciter à une solution alternative au doublement des tunnels routiers existants.

(3) Des travaux indispensables pour améliorer le transport ferroviaire

Le rapport Brossier affirme en revanche la nécessité d'investissements dans le domaine des infrastructures ferroviaires.

L'évolution des projections de transport ferroviaire de marchandises pourrait être d'ici à 2010 une stabilisation ou un doublement, selon que la politique suisse d'ouverture aux flux européens réussit ou non, comme l'indique le graphique ci-après.

Projections du transport ferroviaire de marchandises à travers les Alpes

En millions de tonnes

Source : rapport Brossier de 1998 (cité dans Conseil national des transports, Rapport sur les conséquences à court, moyen et long terme à tirer de l' incendie dans le tunnel du Mont-Blanc , 24 février 2000).

Contrairement à ce qui est affirmé pour le transport routier, les infrastructures existantes ne semblent pas suffisantes à moyen terme.

Au prix d'investissements relativement modestes (10 % des sommes prévues pour la liaison Lyon-Turin) sur le tronçon ferroviaire fret Ambérieu-Turin, la capacité annuelle de la ligne pourrait être portée à 16 millions de tonnes par an.

Ces chiffres sont à rapprocher des projections estimées de 10 à 25 millions de tonnes par an.

Dans ces conditions, la réalisation de la ligne Lyon-Turin, décidée par un accord franco-italien de janvier 2001, qui concernerait à la fois les voyageurs et les marchandises et dont la réalisation est prévue pour l'année 2012, apparaît indispensable. Cette ligne fait partie des 14 projets prioritaires européens et du réseau ferroviaire trans-européen. Le coût en serait de 10,7 milliards d'euros.

Une limitation du trafic dans les tunnels alpins, consécutive à un renforcement des contraintes en matière de sécurité et de protection de l'environnement, rend la réalisation de cette liaison d'autant plus indispensable.

Proposition n° 55. : Réaliser rapidement le TGV Lyon-Turin.

2. Les autres besoins d'infrastructures de transports en montagne ne sont pas suffisamment pris en compte

On peut également déplorer l'insuffisance de volonté politique en matière de traversée des massifs non frontaliers, ainsi que de désenclavement des zones de montagne.

a) Les politiques française et communautaire des transports se focalisent sur la traversée des massifs frontaliers

En effet, tant la politique française que la politique communautaire des transports se focalisent sur la traversée des massifs frontaliers.

(1) Les schémas de services collectifs de transport

Cette orientation est évidente dans le cas des schémas de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises.

La loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire prévoit d'ailleurs que « les schémas multimodaux de services collectifs de transport donnent la priorité au transport ferroviaire pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées ».

Ainsi, si leurs orientations quant à « la politique multimodale des liaisons transalpines et pyrénéennes » rejoignent les analyses présentées ci-avant, ils ne prennent pas suffisamment en compte la nécessité de désenclaver certaines zones de montagne. Certes, est avancée la nécessité d'améliorer « la desserte des pays isolés ou à faible densité ». Cependant, les mesures prévues ne semblent pas à la hauteur des enjeux.

En particulier, il est indiqué dans ces schémas que « la politique des transports dans les massifs alpin et pyrénéen a pour objectifs de faciliter l'écoulement du transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées, tout en préservant l'environnement sensible de ces massifs ». L'objectif de désenclavement des zones isolées de ces massifs n'est même pas mentionné.

(2) La politique communautaire des transports

Cette orientation est encore plus nette dans le cas de la politique communautaire des transports, telle qu'exprimée notamment par le livre blanc de la Commission européenne sur les choix en matière de transport à l'horizon 2010 31 ( * ) .

Cette situation n'est pas surprenante, dans la mesure où la politique communautaire des transports est perçue comme l'un des corollaires du marché unique, son objectif essentiel étant de favoriser les échanges commerciaux intra-communautaires.

Ainsi, les deux projets d'infrastructures prioritaires adoptés au Conseil européen d'Essen des 9 et 10 décembre 1994 concernant la montagne française (le troisième projet concernant la France étant le TGV Est), portent exclusivement sur le franchissement des Alpes et des Pyrénées :

- le TGV Lyon-Turin ;

- le TGV sud européen reliant Paris à Madrid par l'axe rhodanien d'une part et la façade atlantique d'autre part.

b) L'insuffisance de la politique de traversée des massifs

Ainsi, insuffisante pour les Alpes et les Pyrénées, la politique de traversée des autres massifs est souvent inexistante.

L'exemple des Vosges est à cet égard emblématique. On peut considérer que la politique de traversée de ce massif devrait se conformer aux orientations suivantes :

- création d'un axe interrégional Alsace-Lorraine au centre du massif, via la nationale 59 et le tunnel de Saintes-Marie-aux-Mines (fermé pour des raisons de sécurité à la suite de l'accident du tunnel du Mont-Blanc) ;

- contournement du massif par le nord (autoroute A 4) et le sud (Belfort) ;

- développement du ferroutage.

Malheureusement, l'Etat ne met pas en oeuvre les moyens nécessaires, ce qui retarde la réalisation d'investissements pourtant indispensables, et laisse perdurer des transits difficilement supportables pour les populations locales.

c) Le retard pris dans le désenclavement de certaines zones

De même, faute de volonté politique, un retard a été pris dans le désenclavement de certaines zones de montagne.

Le cas des Pyrénées est éloquent :

- incertitudes quant à la future liaison Pau-Langon-Bordeaux (au sujet de laquelle M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, a assuré dans une lettre du 31 mars 2000 qu'il y aurait une voie « à vocation autoroutière à l'horizon 2010 ») ;

- incertitudes quant aux conséquences d'une augmentation du trafic routier dans la vallée d'Aspe sur la traversée d'Oloron-Sainte-Marie ;

- retards au sujet de la mise aux normes de la RN 135 pour accéder au tunnel du Somport ;

- incertitudes quant à la réhabilitation du tunnel ferroviaire et de la voie ferrée Pau-Canfranc-Sarragosse (fermés depuis 1970 et dont la réhabilitation est prévue dans le contrat de plan Etat-région).

C. L'IMPORTANCE DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (TIC)

1. L'accès aux TIC, un enjeu vital pour les territoires de montagne

L'entrée dans ce qu'il est convenu d'appeler la « société de l'information » peut constituer pour les territoires de montagne un facteur de développement ou de déclin, selon qu'ils y ont ou non accès.

a) Les entreprises du secteur des TIC sont plus susceptibles que les autres de s'installer en milieu rural

Les technologies de l'information et de la communication (TIC) présentent l'avantage de permettre de s'émanciper, dans une certaine mesure, des contraintes géographiques qui empêchent habituellement les industries de s'implanter en zone rurale. En effet, si les industries traditionnelles obligent à réunir un grand nombre de personnes en un même lieu, ce qui favorise les zones densément peuplées, ces contraintes concernent relativement peu les entreprises du secteur des TIC.

La mission commune d'information a pu constater ce phénomène en visitant le CETIR (Centre européen des technologies de l'information en milieu rural), incubateur d'entreprises créé à Saint-Laurent de Neste (Hautes-Pyrénées) par notre collègue Josette Durrieu, qui a permis la venue d'une demi-douzaine de PME dans cette commune de 839 habitants. Selon le CETIR, « aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies de l'information, telles Internet, le lieu d'implantation n'affecte en rien la performance des entreprises » 32 ( * ) . Ainsi, la société Klik'n Go, qui y a implanté son siège social, est présente à Paris et au Maroc (sous forme d'une prise de participation dans une autre entreprise) et prépare l'ouverture de nouveaux centres de téléconseillers en Guadeloupe, à Casablanca et dans l'île Maurice. Il importe de souligner que si certaines des activités du CETIR sont fortement liées au monde rural (tourisme, cartographie numérique à destination des collectivités locales), il s'agit d'exceptions : la plupart des entreprises implantées ont une activité qui n'a rien à voir avec la ruralité : télésaisie (objet de l'un des programmes de recherche et domaine d'activité de la principale entreprise implantée, Bigortel), orthodontie, formation à distance, service informatique.

Il convient cependant de souligner que l'exemple du CETIR ne peut être transposable dans l'ensemble des zones de montagne qu'à condition :

- de mobiliser des moyens conséquents (le CETIR a coûté 381.122 euros, dont 109.122 financés par le Feder) ;

- d'assurer l'accès des zones rurales à la téléphonie mobile et à l'Internet à haut débit 33 ( * ) .

UN EXEMPLE DE DÉVELOPPEMENT DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION EN MILIEU RURAL : LE CETIR

I. Présentation

Créé en 1998, le CETIR (Centre européen des technologies de l'information en milieu rural) est une association loi de 1901 ayant pour but la création d'activités nouvelles de services liés au traitement de l'information.

Il a été créé en 1998.

Il regroupe les divers acteurs concernés :

- membres fondateurs, ayant voix délibérative : Communauté de Communes du Canton de Saint-Laurent-de Neste, conseil général des Hautes-Pyrénées, MATRA Systèmes et Information ;

- membres adhérents, ayant voix délibérative : FRANCE TELECOM, EDF-GDF, SOFRED (GIAT industries), NEUROSOFT, DATAGRAPH, ITESOFT  ;

- membres d'honneur, ayant voix consultative : SET-CNRS (Société Environnement Territoire), INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), CDDE (Comité Départemental de Développement Economique) des Hautes-Pyrénées, ENI (Ecole Nationale d'Ingénieurs) de Tarbes, IUT (Institut Universitaire Technologique) de Tarbes.

Il est conseillé par un comité d'orientation scientifique présidé par M. Bernard LARROUTUROU, PDG de l'INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique).

II. Actions

Le CETIR mène trois programmes de recherche et développement :

- traitement de documents par le télétravail (développement d'une plate-forme de traitement de documents intégrant numérisation, lecture automatique et télé-saisie), programme ayant permis l'essaimage de la société BIGORTEL ;

- HyperC@rta (exploitation de diverses informations utiles au tourisme : culture, cartographie, sport, nature, vie pratique, par un système consultable sur Internet) ;

- HYPERGEO (accès à l'information géographique pour des utilisateurs mobiles, une démonstration devant être faite au travers d'un service d'information touristique).

Parallèlement, le CETIR apporte trois types d'aide aux entreprises :

- aide à l'innovation (conseil et accompagnement des nouvelles PME) ;

- pépinière d'entreprises (accueil des projets élaborés ou dynamisés par le CETIR dans ses locaux pendant la période d'incubation, c'est-à-dire le lancement de l'activité) ;

- hôtel d'entreprises (location à des prix peu élevés et services annexes).

III. Résultats

Le CETIR a permis l'implantation à Saint-Laurent de Neste d'une demi-douzaine d'entreprises représentant une centaine d'emplois.

Source : site Internet du CETIR

b) Les entreprises ont besoin d'avoir accès à la téléphonie mobile et au réseau Internet à haut débit

Il est aujourd'hui essentiel pour une entreprise de disposer de l'accès aux réseaux de télécommunications modernes. Or, les zones rurales sont actuellement à l'écart des réseaux de téléphonie mobile et d'Internet à haut débit.

(1) La téléphonie mobile

En ce qui concerne la téléphonie mobile, un récent rapport du Secrétariat d'Etat à l'Industrie 34 ( * ) a établi un état des lieux de la couverture du territoire et réalisé une analyse économique des zones restant à couvrir :

- 46.000 km² ne sont couverts par aucun réseau (soit 8,4 % du territoire) ;

- 390.000 personnes, soit 0,7 % de la population, n'ont pas accès à un service de téléphonie mobile sur leur lieu de résidence ;

- 1.480 communes ne disposent pas d'une couverture effective de leur centre ;

- la moitié des zones non couvertes se situent au-dessus de 700 mètres d'altitude.

(2) Le haut débit

Selon le schéma de services collectifs de l'information et de la communication, les études convergeraient pour montrer que les dorsales (« backbones ») seraient suffisamment dimensionnées pour répondre à la forte croissance des besoins. Dès lors, la question des hauts débits se poserait essentiellement au niveau des réseaux intermédiaires et des réseaux terminaux d'accès aux usagers finaux, c'est-à-dire à celui de la « boucle locale ».

Selon les informations fournies par la DATAR, 80 % du territoire, représentant 25 % de la population, constitueraient des territoires « de fragilité ». La demande étant « trop faible pour assurer aux opérateurs une quelconque rentabilité », la DATAR estime que sans intervention des pouvoirs publics, « ces territoires sont structurellement exclus du haut débit ».

La désertion des zones rurales par les entreprises pourrait de ce fait être importante au cours des prochaines années. La DATAR précise que « les études menées (...) avec l'observatoire ORTEL en 2001 ont montré qu'à l'échéance de 3 ans, l'absence d'une offre de services haut débit conduira un nombre substantiel de PMI/PME (plus de 30 %) à quitter leur site d'implantation pour rejoindre le pôle d'activités voisin bien desservi ». Ce problème n'épargne pas le CETIR, que certaines entreprises pourraient quitter si elles n'obtenaient pas l'accès au haut débit à courte échéance.

2. Les objectifs ambitieux fixés lors du CIADT de Limoges restent à concrétiser

Parmi les trois objectifs de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, l'aménagement du territoire était, à côté de l'ouverture à la concurrence et du renforcement du service public, l'une des toutes premières priorités du législateur et du Sénat en particulier.

Avec le lancement du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI) en 1997, le précédent gouvernement a affiché sa volonté de créer une « société de l'information pour tous ».

En matière de télécommunications, la montagne fait depuis longtemps l'objet de certaines mesures spécifiques 35 ( * ) . Cependant, elle n'est généralement pas identifiée en tant que telle dans le cadre de la politique de développement des technologies de l'information et de la communication.

La montagne est cependant visée de manière indirecte, car elle est considérée comme un ensemble de zones rurales parmi d'autres, dont l'accès à ces technologies doit être favorisé.

Les objectifs proclamés par les gouvernements successifs sont ambitieux. Encore faut-il que les moyens prévus soient rapidement mis en oeuvre, faute de quoi le déclin des zones de montagne pourrait encore s'accélérer.

a) Des objectifs ambitieux de couverture du territoire

Les deux principaux objectifs sont fixés par le schéma de services collectifs de l'information et de la communication 36 ( * ) :

- « l'établissement d'une couverture territoriale complète des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques), ainsi que des axes de transport prioritaires, pour la téléphonie mobile », à l'horizon 2003 ;

- « la disponibilité d'une offre de connexion à 2 Mbits/s à un coût abordable (...) à l'échéance 2005 ».

Ces objectifs ont été confirmés dans le cadre du comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIADT) de Limoges (9 juillet 2001). Le précédent gouvernement a en outre réaffirmé à cette occasion sa volonté d'« assurer un déploiement équilibré des réseaux d'information et de communication sur tout le territoire, en particulier dans les zones défavorisées, les moins développées économiquement ou les moins peuplées » et d'« accompagner dans les territoires la dynamique du PAGSI ».

b) Le cas de la téléphonie mobile

Le précédent gouvernement a décidé la mise en place d'un dispositif de soutien public à l'investissement des collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de base équipées.

Selon ses termes, « cet engagement vise à assurer dans les trois prochaines années [en 2003 au plus tard] la couverture de l'ensemble des lieux de vie permanents et occasionnels (sites touristiques) et des axes de transport prioritaires, conformément aux objectifs fixés par le schéma de services collectifs de l'information et de la communication ». Seraient donc concernés, notamment, l'ensemble des centres de village qui ne sont aujourd'hui couverts par aucun réseau.

Le coût global de la réalisation de cet objectif a été évalué à 1,4 milliard de francs (215 millions d'euros) sur le territoire métropolitain. Ce chiffre prend en compte l'accord conclu entre le précédent gouvernement et les trois opérateurs mobiles pour la mise en place d'un système d'itinérance locale dans les zones à couvrir (il s'agit de déployer pour chaque zone concernée un réseau unique accessible aux abonnés des trois opérateurs mobiles). A titre de comparaison, selon le rapport précité du secrétariat d'Etat à l'industrie, l'hypothèse d'une couverture à 100 % du territoire par un seul réseau représenterait un investissement d'environ 2,6 milliards de francs (400 millions d'euros).

Ces investissements devaient être cofinancés par les opérateurs à hauteur de 400 millions de francs (60 millions d'euros) et par l'Etat à hauteur de 500 millions de francs (75 millions d'euros), les collectivités locales devant financer les 500 millions de francs (75 millions d'euros) restants. Les investissements de l'Etat et des collectivités locales devaient concerner les stations de base équipées. Le Massif central était considéré comme « zone prioritaire » pour ce dispositif.

Ce dispositif a connu certaines modifications.

- Tout d'abord, Orange et SFR ont accepté d'accroître leur participation à la couverture des mobiles (réduisant d'environ de moitié la charge de la couverture pour les pouvoirs publics, et en particulier pour les collectivités locales), mais en contrepartie ont refusé de souscrire à l'obligation d'itinérance, écartant de ce fait le troisième opérateur, Bouygues.

- Ensuite, l'ART (autorité de régulation des télécommunications) a estimé à 5.000 le besoin de relais, contre 1.500 pour le CIADT.

- Finalement, un accord entre l'Etat et les trois opérateurs semble sur le point d'être conclu au sujet de l'itinérance locale, chaque opérateur acceptant d'en financer un tiers. Lors de son audition par la mission commune d'information, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a en effet indiqué qu'un tel accord était en phase d'examen au niveau interministériel.

Ces orientations restent à concrétiser. En particulier, tous les décrets d'application n'ont pas encore été publiés. En outre, le développement de la couverture est actuellement stoppé, les opérateurs attendant que des études soient effectuées par les départements, avant de poser de nouveaux pylônes. Seul Bouygues Télécom pose de nouveaux pylônes, du fait de son retard initial. Interrogés à ce sujet par la commission des affaires économiques du Sénat, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, ont confirmé les engagements financiers de l'ancien gouvernement. Ceux-ci doivent encore être concrétisés par la prochaine loi de finances.

En tout état de cause, le développement de l'itinérance doit être assuré. On peut à cet égard renvoyer à la récente proposition de loi de nos collègues Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod 37 ( * ) . Cette proposition tend à imposer l'itinérance dans les zones que les collectivités locales auront identifiées selon la méthodologie mise au point par l'Autorité de régulation des télécommunications, dans le cadre de la convention qu'elle a signée le 17 octobre 2001 avec l'Association des départements de France.

Proposition n° 56. : Imposer, par des dispositions législatives, le développement de l'itinérance, en particulier en zone de montagne.

c) Le cas de l'Internet à haut débit

Dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI), le précédent gouvernement a fixé pour objectif l'accès de tous aux réseaux à haut débit d'ici à l'année 2005.

Les travaux menés sur la diffusion du « haut débit », notamment par le Conseil Economique et Social (rapport de juin 2001) ou par l'Observatoire des Télécommunications dans la Ville (rapport du groupe «Rural » présidé par le président de la Fédération nationale des maires ruraux, mars 2002), établissent un même constat : laissé à la seule dynamique du marché, l'essor du haut débit conduirait, à l'échéance de 2005, à une polarisation accrue, une part significative de la population (20 à 25 % selon les estimations) et des territoires n'ayant aucun accès au haut débit à des conditions économiquement viables.

A l'occasion de son audition par la mission commune d'information, M. André Marcon 38 ( * ) a estimé que l'équipement en fibres optiques de toutes les communes de France coûterait de l'ordre de 10 milliards d'euros, dont un tiers serait déjà investi.

Afin d'atteindre son objectif, le précédent gouvernement a chargé la Caisse des dépôts et consignations de mettre « ses capacités d'expertise et d'appui au service des collectivités locales pour accompagner et créer un effet de levier dans le déploiement de projets d'infrastructures, de contenus et d'usages que celles-ci engagent ». La Caisse des dépôts et consignations doit intervenir financièrement de deux manières :

- par un accompagnement en investissement sur ses fonds propres, à hauteur de 1,5 milliard de francs (230 millions d'euros) sur 5 ans ;

- par des prêts à taux préférentiels sur 30 ans aux collectivités locales, en cofinancement avec les établissements de crédits, à l'intérieur d'une enveloppe de 10 milliards de francs (1,5 milliard d'euros).

Le précédent gouvernement a également décidé d'ouvrir la possibilité d'un recours aux infrastructures du Réseau de Transport et d'Electricité (RTE), pour le déploiement de réseaux de télécommunication en fibres optiques qui desserviraient les zones les moins équipées. Cette technologie représente en effet un coût deux à trois fois moins élevé que l'enterrement de la fibre optique. L'intérêt principal du RTE réside dans le réseau à haute tension (63 ou 90 kV), qui assure la répartition de l'électricité à l'échelle régionale et départementale et dessert généralement la périphérie des principales agglomérations de chaque département (à partir de 5.000 à 7.000 habitants, ce qui représente environ les deux tiers de la population française).

D'autres technologies, susceptibles de se développer à plus long terme, concernent l'offre de services de télécommunications à haut débit par radio ou par satellite.

La Caisse des dépôts et consignations a vu le nombre de dossiers de financement d'infrastructures passer de 60 à 120 projets depuis le CIADT de Limoges, et estime qu'elle aura financé, à la fin de l'année 2002, une vingtaine de ces projets. C'est encore peu comparé aux besoins.

3. Le rôle essentiel des collectivités territoriales

a) Le rôle des collectivités territoriales dans le financement des infrastructures
(1) Un rôle important

L'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités, ou les établissements publics de coopération intercommunale ayant bénéficié d'un transfert de compétence à cet effet, peuvent créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications (canalisations, chambres de tirage ou fibres noires destinées à supporter des réseaux filaires, pylônes et alimentation électrique pour les infrastructures de boucle locale radio ou de téléphonie mobile...). Ces infrastructures peuvent ensuite être mises à la disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs par voie conventionnelle, dans des conditions « objectives, transparentes et non discriminatoires ».

Ainsi, les collectivités locales sont appelées à jouer un rôle important en matière de financement des infrastructures.

Tel est tout d'abord le cas en ce qui concerne la téléphonie mobile 39 ( * ) . Ce mouvement devrait s'accélérer, dans la mesure où le CIADT de Limoges a, comme on l'a vu, décidé de mettre en place un système de cofinancement des infrastructures de téléphonie mobile entre l'Etat et les collectivités locales, le Massif central étant considéré comme « zone prioritaire ».

En ce qui concerne l'Internet à haut débit, de nombreuses collectivités locales se sont engagées dans la réalisation de réseaux de collecte à haut débit. Il s'agit de réseaux intermédiaires entre ceux de desserte des clients et les réseaux longue distance. L'objectif est de rendre ainsi possible l'apparition d'offres de services à haut débit de la part des opérateurs.

(2) Une simplification du cadre juridique par la loi du 17 juillet 2001

Après une première modification intervenue dans la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, les modalités d'intervention des collectivités locales ont été simplifiées par la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

La loi du 17 juillet 2001 a supprimé les conditions jusqu'alors exigées par l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, qui limitaient, à l'excès, leurs initiatives en ce domaine :

- obligation pour la collectivité locale d'établir, par « constat de carence », que France Telecom n'était pas en mesure de lui fournir le service demandé ;

- amortissement sur huit ans des infrastructures réalisées par une collectivité locale.

La possibilité est également reconnue aux collectivités territoriales de mettre les infrastructures concernées à la disposition, non seulement des opérateurs de réseaux, mais également d'utilisateurs finaux.

En outre, les collectivités territoriales ont désormais l'autorisation de déduire, du coût de location facturé aux opérateurs, les subventions publiques qui peuvent être consenties « dans certaines zones géographiques ». Ainsi, les collectivités territoriales des zones rurales, en particulier des zones de montagne, devraient pouvoir subventionner les infrastructures de télécommunications.

(3) Propositions de réformes

Plusieurs réformes sont envisageables. Il convient de souligner à cet égard que l'évolution du cadre réglementaire des télécommunications est inévitable à court terme. En effet, elle est prévue dans le dispositif même de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, et le nouveau « paquet télécom » adopté par l'Union européenne doit être prochainement transposé.

(a) Permettre aux collectivités locales de jouer un rôle d'opérateur ou de subventionner des opérateurs ?

Dans son rapport sur l'adaptation de la régulation publié en juillet 2002, l'ART estime nécessaire d'aller plus loin.

En effet, le dispositif actuel présente un double inconvénient :

- un manque de clarté du cadre juridique : selon l'ART, les débats qui ont entouré la rédaction d'un projet de circulaire d'application ont mis en lumière les difficultés de mise en oeuvre du dispositif, notamment lorsqu'il s'agit d'établir une frontière entre « réseaux de télécommunications » et « infrastructures passives », débat qui se heurte selon elle à « des difficultés techniques insurmontables » ;

- l'impossibilité pour certaines zones d'être desservies par les opérateurs dans des conditions de rentabilité suffisante, même avec une aide des collectivités locales.

Ainsi, l'ART propose de permettre aux collectivités locales :

- de subventionner les opérateurs (afin de respecter les principes de la concurrence, établis au niveau européen, il sera vraisemblablement nécessaire de définir les zones dans lesquelles cette intervention se justifie) ;

- de jouer un rôle d'opérateur dans les zones les moins desservies (les collectivités territoriales devant respecter certaines règles afin de ne pas fausser la concurrence).

Les collectivités locales ne pourraient cumuler ces deux types d'intervention sur une même zone géographique.

En conclusion, on peut souligner que les collectivités locales doivent faire preuve de patience et de prudence en matière d'investissements dans les infrastructures de télécommunication . En effet, elles engagent des initiatives qui pourraient être dépassées sur le plan technologique, alors qu'elles devront rembourser des annuités d'emprunt durant de nombreuses années. En particulier, le Conseil d'administration de France Télécom a décidé d'ouvrir le haut débit par le biais de l'ADSL, qui permet d'utiliser les fils existants, alors que certaines technologies permettront de disposer d'un débit supérieur (fibre optique, boucle locale radio, satellite).

Proposition n° 57. : Faciliter l'intervention des collectivités locales dans le domaine des télécommunications, en leur permettant de subventionner des opérateurs ou de jouer un rôle d'opérateur.

(b) Expérimenter diverses solutions techniques

Plusieurs solutions techniques pourraient être expérimentées afin de démocratiser l'accès à l'Internet à haut débit. Ainsi qu'on a eu l'occasion de le souligner, les technologies radio et satellitaire constituent des solutions d'accès potentiellement économiques.

Lors de son audition par la mission commune d'information, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué que « plusieurs expérimentations de grande ampleur permettant de tester des technologies alternatives fixes et sans fil pourraient être lancées : un campus universitaire, un ensemble de résidences, une gare, un aéroport, un ensemble de communes... (...) Ces expérimentations pourraient s'appuyer sur des dispositifs de coopération entre entreprises, établissements de recherche-développement et acteurs publics locaux, l'Etat intervenant par un abondement financier jouant un effet levier (...) et, au besoin, en levant les obstacles réglementaires » 40 ( * ) .

Proposition n° 58. : Expérimenter à grande échelle diverses solutions techniques (radio, satellitaire...) afin de favoriser la démocratisation de l'accès au haut débit en zone de montagne.

b) L'implication des massifs

Les massifs se sont engagés en faveur du développement des technologies de l'information et de la communication (TIC).

Tel a en particulier été le cas du Massif central qui, selon les informations fournies par la DATAR à la mission commune d'information, constitue « une référence dans le secteur » :

- le comité de massif a pris le relais du « groupe d'expérimentation » créé à ce sujet en 1999 ;

- la convention interrégionale de massif prévoit de consacrer 900.000 euros au développement des TIC ;

- l'ADIMAC (Association pour le Développement Industriel et Economique du Massif central et du Centre) emploie à plein temps une personne au sujet des TIC 41 ( * ) ;

- l'Union des chambres de commerce et d'industrie du Massif central a pris l'initiative d'une action de sensibilisation aux TIC (création de cybersites) ;

- le CIADT de Limoges a indiqué que le Massif central était « zone prioritaire » pour le développement de la téléphonie mobile.

Dans le cas des Alpes, la convention interrégionale de massif doit permettre le financement de projets, concernant en particulier l'accès au haut débit par satellite ou par le réseau hertzien.

Dans les Pyrénées, la commission permanente du comité de massif a engagé une réflexion. Le CIDAP (comité interrégional pour le développement et l'aménagement des Pyrénées, créé en 1983) doit en effet dresser une carte destinée à déterminer les zones d'ombre, selon un cahier des charges validé par l'ART (cette étude étant financée par des crédits d'auto-développement de la montagne et les départements concernés).

II. ADAPTER LES CONTRAINTES EN MATIÈRE D'URBANISME

A. DES CONTRAINTES MULTIPLES

1. Les exigences de continuité et de préservation des espaces agricoles

a) La protection de l'environnement et des espaces agricoles

La loi « montagne » a instauré une obligation de protection de l'environnement et des espaces agricoles.

Ainsi, le I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme prévoit que les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées 42 ( * ) .

Cette obligation peut faire l'objet d'exceptions :

- les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés ;

- peuvent être également autorisées, par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale des sites, dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard, la restauration ou la reconstruction d'anciens chalets d'alpage 43 ( * ) , ainsi que les extensions limitées de chalets d'alpage existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière.

Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard.

Le Conseil d'Etat a défini les terres agricoles à protéger au titre de cet article. Il s'agit des terres agricoles plates, et donc mécanisables, qui correspondent souvent à des prairies de fauche complémentaires d'une activité d'élevage (Conseil d'Etat, 6 février 1998, Commune de Faverges).

b) Le principe de continuité de l'habitat
(1) Le principe
(a) La loi « montagne »

La loi « montagne » s'est également traduite par l'obligation de construire en continuité avec les bourgs et les villages existants, en vertu des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.

Cet article prévoit que sous réserve de l'adaptation, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et des installations ou équipements d'intérêt public incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants.

Cette règle n'admet d'exception que lorsque la préservation des espaces naturels et agricoles ou la protection contre les risques naturels imposent :

- la délimitation de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ;

- ou, à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission des sites, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées.

Cet article précise que la capacité d'accueil des espaces destinés à l'urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles.

(b) Depuis la loi « solidarité et renouvellement urbains », la nécessité d'un SCOT pour l'urbanisation de certaines agglomérations

De même, à compter du 1 er juillet 2002 et en application de la loi SRU, en l'absence d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT) applicable, dans les communes situées dans un périmètre d'au maximum 15 kilomètres autour d'une agglomération de plus de 15.000 habitants, « les zones naturelles et les zones d'urbanisation future » délimitées par les plans locaux d'urbanisme (PLU) des communes « ne peuvent pas être ouvertes à l'urbanisation » (article L. 122-2 du code de l'urbanisme). En pratique, cela concerne moins les communes touristiques de haute montagne, appelées à être intégrées dans un SCOT, que des communes de moyenne montagne, et celles situées dans des vallées.

Certaines dérogations sont possibles, avec l'accord du préfet. Tout d'abord, le préfet peut autoriser une « extension limitée ». Ensuite, il peut également constater l'existence d'une « rupture géographique » due à des circonstances naturelles, notamment au relief, et, en conséquence, exclure de cette limitation une commune située dans le périmètre des 15 kilomètres.

Ces nouvelles dispositions ne semblent pas poser de problème d'application. En effet, la distinction entre espaces urbanisés et espaces non urbanisés est aujourd'hui classique depuis une vingtaine d'années et répond à des critères simples et bien définis par la jurisprudence : une zone urbanisée est une zone pourvue de tous les équipements publics et caractérisée par la présence aux alentours d'un nombre suffisant de constructions (Conseil d'Etat, 19 janvier 1985, Baron). En outre, la notion d'extension limitée de l'urbanisation, que l'on trouve déjà dans la loi « littoral » du 3 janvier 1986, est elle aussi bien cernée depuis un arrêt du Conseil d'Etat (12 février 1993, Commune de Gassin).

(2) Une règle stricte et uniforme

La règle de continuité est justifiée dans son principe, dans la mesure où elle permet de protéger les terrains agricoles et les paysages, et aussi de limiter le coût des équipements publics nécessaires aujourd'hui pour toute construction habitable.

Cependant, son application rigoureuse sur des territoires où les zones d'habitat sont dispersées peut parfois accentuer le processus de désertification en limitant les opportunités de construction de nouveaux logements. Certaines communes de montagne se trouvent donc dans l'incapacité d'accueillir de nouveaux habitants, fragilisant ainsi les commerces et les services publics de proximité.

(3) Un contentieux abondant

La disposition de la loi « montagne » en matière d'urbanisme ayant suscité le plus grand nombre de contentieux est celle relative à l'urbanisation en continuité. Les recours concernent essentiellement des certificats d'urbanisme et des permis de construire, mais parfois aussi des documents d'urbanisme.

Le Conseil d'Etat a censuré partiellement des plans d'occupation des sols (POS) qui prévoyaient un certain nombre de zones NB (dites naturelles, mais en réalité constructibles de façon limitée sur de grandes superficies) ou NA (d'urbanisation future) en discontinuité avec l'urbanisation existante.

Ont ainsi été annulés certains de ces zonages dans les POS d'Ampus (Conseil d'Etat, 7 décembre 1990), de Saint-Blaise (Conseil d'Etat, 10 mai 1995) et de Cipières (Conseil d'Etat, 10 juin 1998).

Cependant le juge a également admis la possibilité d'une continuité d'urbanisation en prolongement d'un lotissement existant, assimilé à un hameau (cf. arrêt Commune d'Ampus précité).

c) Des assouplissements ont déjà été effectués
(1) L'assouplissement de la règle de continuité

Le principe d'urbanisation en continuité a fait l'objet d'assouplissements.

Tout d'abord, la loi du 4 février 1995 a autorisé :

- l'urbanisation en continuité des hameaux existants, qui figurait dans la directive du 22 novembre 1977 ;

- la réfection et l'extension limitée des constructions existantes et des installations ou équipements d'intérêt public incompatibles avec le voisinage des zones habitées.

Ensuite, la loi SRU du 13 décembre 2000 a ajouté à cette liste l'adaptation des constructions existantes. Elle a également prévu, à titre exceptionnel, et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission des sites, la délimitation de zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, en l'absence de SCOT.

(2) L'assouplissement du principe de préservation des terres agricoles

La loi du 4 février 1995 a permis de tenir compte de l'évolution de l'agriculture et du développement du tourisme rural.

C'est ainsi que peuvent être aujourd'hui autorisées, par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale des sites, la restauration et la reconstruction d'anciens chalets d'alpage, ainsi que les extensions limitées de chalets existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière.

(3) La possibilité de transferts de coefficients d'occupation des sols, pour les zones à protéger en raison de la qualité de leurs paysages

L'article L. 123-4 du code de l'urbanisme 44 ( * ) prévoit que dans les zones à protéger en raison de la qualité de leurs paysages, le PLU peut déterminer les conditions dans lesquelles les possibilités de construction résultant du coefficient d'occupation du sol (COS) fixé pour l'ensemble de la zone pourront être transférées en vue de favoriser un regroupement des constructions sur d'autres terrains situés dans un ou plusieurs secteurs de la même zone.

Dans ces secteurs, les constructions ne sont autorisées qu'après de tels transferts, les possibilités de construire propres aux terrains situés dans ces secteurs s'ajoutant alors aux possibilités transférées. Par ailleurs, la densité maximale de construction dans ces secteurs est fixée par le règlement du plan.

En cas de transfert, la totalité du terrain dont les possibilités de construction sont transférées est frappée de plein droit d'une servitude administrative d'interdiction de construire constatée par un acte authentique publié au bureau des hypothèques, qui ne peut être levée que par décret pris sur avis conforme du Conseil d'Etat.

Cette disposition, relativement peu connue, mériterait d'être davantage utilisée.

(4) La question de la construction à proximité des axes routiers

Selon l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme (dit « amendement Dupont »), en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites :

- dans une bande de 100 mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations ;

- dans une bande de 75 mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation.

La loi ne reconnaissait qu'une possibilité d'assouplissement : ces règles ne s'appliquaient pas si le PLU contenait des règles concernant ces zones.

Selon le rapport d'information fait par le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation du droit de l'urbanisme 45 ( * ) , ces dispositions interdisaient « toute construction nouvelle dans certaines vallées encaissées où l'essentiel, voire parfois la totalité, des terrains constructibles sont situés dans la bande de terrain inconstructible visée par l'article L. 111-1-4 précité ».

Ces dispositions ont depuis été assouplies par la loi SRU. Désormais, elles ne s'appliquent pas, en l'absence de PLU, si une étude ayant reçu l'accord de la commission départementale des sites est jointe à la demande d'autorisation du projet 46 ( * ) .

d) Réformes pouvant être envisagées

Les règles relatives à l'urbanisme en montagne présentent un double inconvénient :

- elles constituent plus qu'ailleurs une source d'insécurité juridique ;

- elles ne peuvent pas être adaptées aux spécificités locales.

(1) Améliorer la sécurité juridique

La sécurité juridique ne pourra être pleinement satisfaisante tant que l'on n'aura pas donné à la juridiction administrative les moyens nécessaires pour traiter les recours pour excès de pouvoir dans un délai satisfaisant. En effet, la longueur intolérable des délais aboutit au blocage de fait de nombreux projets.

Cette situation étant rappelée, il est possible de faire les propositions suivantes.

(a) Mieux préciser certaines notions par voie de circulaire

Tout d'abord, il pourrait être utile de mieux préciser certaines notions, par voie de circulaire.

Tel est tout d'abord le cas de la notion de continuité. Pour citer un exemple parmi d'autres, votre rapporteur a eu connaissance, dans le département de Haute-Savoie, d'un cas où l'administration avait accordé un certificat d'urbanisme positif pour une parcelle de terrain au mois de juillet 2001, puis l'avait refusé au mois de décembre de la même année pour une parcelle contiguë, sans que rien ne semble justifier cet écart de traitement 47 ( * ) . S'il n'est sans doute pas souhaitable de préciser cette notion par la loi (l'objectif essentiel étant d'améliorer la sécurité juridique, une certaine stabilité de la législation est nécessaire afin d'éviter d'obliger le juge à abandonner sa jurisprudence antérieure), il pourrait en revanche être utile de mieux la préciser à l'administration, à travers à une circulaire.

De même, la notion d'adaptation, de réfection et d'extension limitée des constructions existantes semble interprétée de manière parfois trop restrictive par l'administration. En effet, le code de l'urbanisme ne définit ni les constructions existantes, ni la notion de ruine. C'est pour cette raison que pour autoriser la restauration de la ferme de Fretma 48 ( * ) , dans le parc national des Cévennes, le préfet de Lozère s'est référé aux dispositions relatives aux chalets d'alpage, estimant que ce bâtiment était une ruine. La notion de ruine n'est pas juridiquement définie par le code de l'urbanisme, et la jurisprudence l'utilise différemment selon qu'elle est amenée à appliquer un texte qui n'autorise que la réfection ou l'extension d'habitations existantes, ce qui exclut le changement de destination des bâtiments, ou un texte qui autorise l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes, comme le font l'article L. 111-1-2 et, depuis la loi SRU, l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. Dans le premier cas, les tribunaux examinent si l'état de la construction permet de considérer qu'elle reste affectée à l'habitation, et ils qualifient de ruine non habitable un bâtiment auquel il manque une partie du toit ou des murs extérieurs. Dans le second cas, ils vérifient si l'importance des constructions restant sur le terrain est suffisante pour estimer qu'elles ont une réalité et ne sont pas totalement détruites. Là encore, une précision, par voie de circulaire, serait utile.

En outre, la notion de « terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières » est ambiguë, même si la loi mentionne certains critères devant être pris en compte 49 ( * ) . Tel est également le cas de celle d' « espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ». Comme le souligne M. François Servoin, « ces notions souvent subjectives ne sont pas toutes définies avec précision par les textes juridiques et sont, finalement, en cas de litiges, souvent laissées à l'appréciation du juge » 50 ( * ) .

Enfin, il pourrait être précisé que la notion de chalet d'alpage doit être comprise au sens large, et inclut en particulier les bâtiments d'estive. Cette précision serait particulièrement utile dans le cas du Massif central et des Pyrénées. Elle semble devoir être apportée par voie de circulaire, dans la mesure où une modification de la loi pourrait être interprétée par le juge comme signifiant que la notion de chalet d'alpage était auparavant plus restrictive.

Proposition n° 59. : Préciser par voie de circulaire certaines notions utilisées par la loi « montagne » (continuité ; adaptation, réfection et extension limitée des constructions existantes ; terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ; patrimoine naturel et culturel montagnard ; chalet d'alpage).

(b) La nécessité d'une meilleure autorégulation de l'administration

Une meilleure autorégulation de l'administration est en outre nécessaire.

En effet, il arrive que le préfet décide de retirer un certificat d'urbanisme, alors que la phase de validité de celui-ci n'est pas expirée. Or, le fait qu'un terrain soit soudainement considéré comme inconstructible peut avoir des conséquences dramatiques. Les membres de la mission commune d'information connaissent de ce phénomène des exemples hélas trop nombreux, comme votre rapporteur a pu s'en rendre compte dans le département de la Haute-Savoie. Ainsi, l'administration a demandé, dans le cadre de la révision d'un plan d'occupation des sols, qu'une parcelle soit classée en zone inconstructible, s'opposant par là même aux avis du commissaire enquêteur et au choix du conseil municipal 51 ( * ) . De même, un propriétaire s'est vu indiquer, lors du renouvellement de son certificat d'urbanisme, qu'en application de la loi « montagne » sa parcelle était inconstructible 52 ( * ) . Dans les deux cas, les personnes concernées avaient réalisé d'importants travaux.

Pour ces personnes, ces traitements sont ressentis comme de véritables expropriations, sans indemnité, ce qui est contraire aux principes fondamentaux de notre démocratie. Cela est d'autant plus choquant que les personnes concernées ont acquitté les droits et la TVA correspondant à un terrain à bâtir.

Certes, le principe de légalité impose de retirer un acte illégal. Il n'en demeure pas moins que les modalités d'application de ce principe sont, dans certains départements, difficilement acceptables.

Proposition n° 60. : Harmoniser par circulaire les modalités de retrait des certificats d'urbanisme par l'administration.

(2) Adapter certaines règles
(a) Faut-il supprimer la notion de hameau ?

Actuellement le hameau est défini par l'arrêt Commune de Saint Gervais (Conseil d'Etat, 5 février 2001). Selon cet arrêt, un hameau est « caractérisé par l'existence de plusieurs bâtiments suffisamment proches les uns des autres pour être regardés comme groupés ». Plus précisément, les constructions d'un hameau doivent être distantes de 30 mètres au maximum. Ce critère était justifié dans le cas de la commune de Saint Gervais mais ne peut constituer une définition générale du hameau. Ainsi, dans certaines régions on considère traditionnellement qu'un hameau peut réunir des bâtiments distants de 150 mètres.

L'existence d'un problème au sujet de la définition du hameau fait l'objet d'un consensus parmi les élus. Ainsi, selon le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation du droit de l'urbanisme 53 ( * ) , « la principale difficulté relative à l'application de la loi « montagne » concerne la construction en zone historiquement mitée. Elle pourrait être résolue grâce à une appréciation souple de la notion de « hameau » (...) ».

De même, à l'occasion de la discussion du projet de loi SRU, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté des dispositions tendant à préciser la notion de hameau, qui ont ensuite été supprimées par l'Assemblée nationale 54 ( * ) .

Dans ces conditions, il est parfois envisagé de supprimer la référence faite par la loi « montagne » à la notion de hameau. On pourrait en particulier revenir à la notion de « parties actuellement urbanisées », utilisée par plusieurs articles du code de l'urbanisme et dont l'interprétation a été bien précisée par la jurisprudence. Une solution alternative, étudiée plus loin, consisterait à faire préciser la notion de hameau dans le cadre des prescriptions particulières de massif.

Proposition n° 61. : Supprimer la référence à la notion de hameau, ou faire préciser cette notion par les prescriptions particulières de massif.

(b) Les travaux effectués sur des bâtiments d'alpage ou d'estive

Un autre domaine où la législation mériterait d'être assouplie est celui des travaux effectués sur les chalets d'alpage et des bâtiments analogues.

(i) Autoriser la restauration de chalets non raccordés à la voirie et aux principaux réseaux

Actuellement, selon la loi n° 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction, « peuvent être (...) autorisées, par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale des sites, dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard, la restauration ou la reconstruction d'anciens chalets d'alpage, ainsi que les extensions limitées de chalets d'alpage existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière » (I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme).

Cette disposition a pu être appliquée en moyenne montagne, comme dans le Cantal (restauration de burons sur l'Aubrac) et la Lozère (restauration de la ferme de Fretma, présentant un intérêt historique, dans le parc national des Cévennes).

Il convient de préciser que dans ce dernier cas, le permis de construire a finalement été retiré par le préfet, à la demande des ministres concernés. En effet, le projet avait suscité de fortes polémiques, du fait en particulier de l'opposition du parc national des Cévennes. Le projet n'est cependant pas abandonné, mais doit être rendu compatible avec les objectifs du parc national. Cet exemple illustre la difficulté qu'il peut y avoir à concilier différents aspects de la protection du patrimoine montagnard.

On peut rappeler par ailleurs que depuis une disposition adoptée par le Sénat lors de la discussion de la loi SRU, le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme prévoit que la règle de continuité ne s'applique pas dans le cas « de l'adaptation, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes ».

Cependant, l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme prévoit que la certitude d'un raccordement aux réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité est obligatoire pour que soit délivré le permis de construire 55 ( * ) . Cette disposition ne semble pas adaptée au cas des chalets utilisés seulement l'été : pour ces chalets, seul l'assainissement autonome (au moyen de toilettes chimiques) semble devoir être imposé, l'absence d'eau et d'électricité ne constituant pas une nuisance pour un tiers. Un problème analogue se pose en cas d'absence de raccordement à la voirie.

De même, s'il ne semble pas acceptable que la restauration de chalets d'alpage oblige la commune à effectuer l'hiver de coûteux travaux de déneigement, ce problème pourrait être évité si le chalet était occupé seulement l'été.

Ainsi, certains maires accordent le permis de construire en y prévoyant que le chalet ne sera pas utilisé l'hiver, mais ce document n'est ni légal, ni opposable aux utilisateurs ultérieurs.

Une solution serait d'instaurer, pour les utilisateurs du bâtiment, une servitude administrative, publiée aux hypothèques, interdisant l'utilisation du chalet l'hiver.

Proposition n° 62. : Permettre la réalisation de travaux sur des chalets d'alpage, même en l'absence de raccordement à la voirie ou aux réseaux d'eau et d'électricité, moyennant l'instauration d'une servitude administrative, publiée aux hypothèques, interdisant l'utilisation du chalet l'hiver.

(ii) Empêcher le démontage de certains chalets

Un second problème lié aux chalets d'alpage est celui de la pratique qui consiste à démonter un chalet pour le reconstruire dans une autre commune. Cette pratique conduit à l'appauvrissement du patrimoine architectural des vallées concernées.

En effet, l'article L. 430-1 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire n'est nécessaire que pour certaines communes, dont celles disposant d'un POS ou d'un PLU. Sauf dans certains cas particuliers, la délivrance d'un permis de construire n'est pas obligatoire si la commune ne dispose d'aucun de ces documents.

Il semblerait donc souhaitable de modifier la législation, de manière à prévoir que le conseil municipal d'une commune dépourvue de document d'urbanisme puisse décider de rendre obligatoire le permis de démolir.

Proposition n° 63. : Dans les communes dépourvues de document d'urbanisme, autoriser la mise en place du permis de démolir par une délibération du conseil municipal.

(c) L'urbanisation à la périphérie des lacs

Les règles relatives à la distance d'urbanisation par rapport à la rive des lacs imposent également des contraintes très strictes, appliquées uniformément. Il ne s'agit nullement de remettre en cause cette règle, mais de permettre, pour son application, de prendre en compte les réalités du terrain, dans le strict respect de la protection de l'environnement.

Actuellement, l'article L. 145-5 du code de l'urbanisme prévoit que « les parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares sont protégées sur une distance de trois cent mètres à compter de la rive ». Y sont interdits toutes constructions, installations et routes nouvelles ainsi que toutes extractions et tous affouillements.

Peuvent être cependant autorisés :

- les bâtiments à usage agricole, pastoral ou forestier ;

- les refuges et gîtes d'étapes ouverts au public pour la promenade et la randonnée ;

- les installations à caractère scientifique si aucune autre implantation n'est possible ;

- les équipements d'accueil et de sécurité nécessaires à la pratique de la baignade ou des sports nautiques ainsi que l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes.

Le PLU peut adapter ces dispositions dans deux cas de figure :

- l'extension mesurée des agglomérations ;

- l'ouverture d'un terrain de camping dans le respect du paysage et des caractéristiques propres à cet espace sensible.

Par ailleurs, il est possible de créer, « à titre exceptionnel », des « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement », à condition qu'il existe soit un SCOT ou un schéma de secteur pour l'ensemble des communes riveraines, soit un PLU si le plan d'eau est situé à l'intérieur du territoire administratif d'une seule commune.

Dans le cas des plans d'eau artificiels existant à la date du 10 février 1994 56 ( * ) , les ministres de l'urbanisme et de l'environnement peuvent, « à titre exceptionnel », autoriser l'implantation « d'une opération d'urbanisation intégrée à l'environnement dont la surface de plancher hors oeuvre nette n'excède pas 30.000 mètres carrés », après avis de la commission départementale des sites. Cette disposition, dite « amendement Fabrège », est de portée limitée car elle était destinée essentiellement à régulariser une opération de près de 30.000 mètres carrés déjà réalisée sur les bords du lac de Fabrège, et n'a été utilisée que pour cette seule opération.

Dans le cas des lacs de superficie supérieure à 1.000 hectares, soumis à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur du littoral, des règles spécifiques s'appliquent. Ces règles sont, d'une manière générale, plus strictes. Cependant, elles ne s'appliquent que dans une bande de 100 mètres à partir du rivage.

Ces règles posent un certain nombre de difficultés, en particulier dans les cas où le respect de la règle des 100 ou des 300 mètres conduit à construire des bâtiments sur un terrain pentu, ce qui est fréquemment le cas en montagne. On pourrait imaginer d'adapter ces dispositions, dans une « logique de projet ». Ainsi, on pourrait prévoir que les documents d'urbanisme peuvent, après réalisation d'une étude paysagère intégrée au document d'urbanisme et donc soumise à enquête publique, pour la portion de la rive les concernant, déterminer la zone dans laquelle l'urbanisation est interdite, en respectant la contrainte d'une distance moyenne de la rive de 100 ou 300 mètres ; la règle des 100 ou 300 mètres continuant à s'appliquer, sous sa forme actuelle, pour les communes dépou rvues de documents d'urbanisme.

Proposition n° 64. : Dans le cas des lacs de montagne, prévoir que les documents d'urbanisme peuvent, après réalisation d'une étude paysagère (soumise à enquête publique), pour la portion de la rive les concernant, déterminer la zone dans laquelle l'urbanisation est interdite, en respectant la contrainte d'une distance moyenne de la rive de 100 ou 300 mètres (selon que le lac concerné est soumis à la loi « montagne » ou à la loi « littoral »).

(3) Prendre en compte les spécificités de la moyenne montagne

L'un des principaux problèmes posés par la législation actuelle semble être son inadéquation à la situation de la moyenne montagne, dont l'urbanisation est, par nature, discontinue.

(a) Le problème

Comme le souligne le rapport du groupe de travail de la commission des affaires économiques du Sénat sur la modernisation du droit de l'urbanisme 57 ( * ) , « la loi « montagne » a été principalement conçue pour protéger les espaces de haute montagne. Elle a permis de préserver des pans entiers du territoire d'une urbanisation galopante. Il ne saurait donc être question de revenir sur ses acquis. Cependant, son application pose des problèmes récurrents en zone de moyenne montagne où, depuis toujours, l'habitat est dispersé. (...) Une interprétation par trop restrictive des textes empêche tout développement des communes intéressées. (...) C'est pourquoi il serait souhaitable, au sein des zones montagnardes, de distinguer entre les zones de haute montagne qui doivent continuer à bénéficier d'une protection absolue et les régions de moyenne montagne où l'habitat est structurellement et historiquement « mité » ».

En particulier, certaines zones ont été qualifiées de zones de montagne afin de pouvoir les faire bénéficier des primes à l'élevage et à l'agriculture de montagne. Si cette revendication était légitime, elle a eu pour conséquence d'entraîner pour ces zones des contraintes en matière d'urbanisme qui n'avaient pas lieu d'être.

Ainsi, il arrive que le principe de continuité soit inadapté, soit parce que la totalité de certains territoires n'est pas exploitée par l'agriculture (comme dans le cas de certaines zones du Massif central), soit parce que l'extension urbaine est inévitable (comme dans celui des communes de l'arrière-pays niçois).

(b) Diverses possibilités ont pu être envisagées

On pourrait donc distinguer deux niveaux de zonage :

- un premier niveau , constituant la protection de base, aurait pour objectif essentiel de maintenir les activités agricoles . Il comprendrait les dispositions figurant actuellement à ce sujet au I de l'article L.145-3 du code de l'urbanisme (préservation des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières), et permettrait aux communes concernées de bénéficier des primes prévues pour l'agriculture de montagne ;

- un second niveau , constituant une protection complémentaire dans certaines zones, aurait pour objectif de limiter les extensions urbaines (comme l'implantation des stations de sports d'hiver en haute montagne). Il comprendrait les dispositions figurant actuellement à ce sujet au III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme (obligation de construire en continuité avec les bourgs et les villages existants).

Une autre possibilité, envisagée par le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation du droit de l'urbanisme 58 ( * ) , consisterait à distinguer deux niveaux de contrainte en matière d'urbanisme : dans les régions historiquement « mitées », « le POS [devenu PLU] devrait comporter trois grands types de zonages seulement. L'un couvrirait les zones inconstructibles, le deuxième les zones urbanisées, et le troisième les zones « mitées » et susceptibles de recevoir de nouvelles constructions selon un coefficient maximal d'occupation qu'il conviendrait de définir compte tenu des spécificités locales ».

Certains envisagent d'aller plus loin.

Ainsi, notre collègue Michel Teston a proposé, lors de l'examen du projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, que dans les communes dotées d'un document de planification, la règle de construction en continuité avec les bourgs et hameaux existants soit assouplie lorsque l'intérêt de la commune affirmé par une délibération du conseil municipal, le justifie. Bien évidemment, ces extensions ne pourraient s'effectuer que sous réserve des impératifs de sauvegarde des espaces naturels, des paysages, de la salubrité et de la sécurité publiques.

De même, le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation du droit de l'urbanisme 59 ( * ) , estimant que « l'application de la loi « montagne » peut conduire à interdire tout développement à certaines localités », considère qu' « il serait souhaitable de préciser son champ d'application en astreignant l'Etat à produire, lorsqu'une commune voit son développement presque totalement entravé par cette loi, une étude sur la constructibilité résiduelle. Sur la base de ces études, la commune pourrait demander au préfet d'autoriser, après avis de la commission des sites, la création d'une ou de zones de « mutations foncières » destinées à accueillir de nouvelles activités, en fonction des besoins ».

(c) Etendre à la montagne les bénéfices des mesures d'assouplissement de la loi SRU

La solution proposée par la mission commune d'information est d'étendre aux zones de montagne le bénéfice des mesures d'assouplissement de la loi SRU.

A la suite d'un amendement adopté au Sénat sur proposition de sa commission des lois, le 4° de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme prévoit qu'en l'absence de documents d'urbanisme, sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune le justifie, dès lors que cette construction ne porte pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Il est précisé que cet intérêt peut consister à éviter une diminution de la population communale.

Cependant, cette disposition ne concerne pas les zones de montagne, dans la mesure où pour celles-ci, ce sont les dispositions, plus restrictives, de la loi « montagne », qui s'appliquent. On peut s'interroger sur la pertinence d'une telle restriction. Le dernier recensement a en effet malheureusement permis de constater que, dans certains départements -dont le Cantal-, la baisse démographique avait pu représenter, en dix ans, jusqu'à 20 % de la population totale. Cette situation extrêmement préoccupante, si elle perdure, risque de conduire rapidement à une véritable « fracture territoriale ». C'est pourquoi il est vital de ne pas amplifier cette désertification en interdisant trop systématiquement la construction dans ces secteurs, même si les constructions qui seraient ainsi autorisées doivent s'insérer dans leur environnement de façon maîtrisée et faire l'objet d'une attention particulière sur le plan de la qualité tant architecturale que paysagère.

Ainsi, il serait utile de prévoir que dans les communes de montagne où la pression urbanistique est faible (cette pression pouvant être évaluée par référence à des critères relatifs à la démographie et aux constructions de résidences secondaires), le conseil municipal et le préfet peuvent autoriser des constructions ou installations en-dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

Proposition n° 65. : Prévoir que dans les communes de montagne où la pression urbanistique est faible (cette pression pouvant être évaluée par référence à des critères relatifs à la démographie et aux constructions de résidences secondaires), le conseil municipal et le préfet peuvent autoriser des constructions ou installations en-dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

(4) Les communes soumises à la fois à la loi « littoral » et à la loi « montagne »

Il convient également de mentionner la situation des communes soumises à la fois à la loi « littoral » et à la loi « montagne ».

L'article L.146-9 du code de l'urbanisme prévoit que dans les espaces proches du rivage des communes riveraines de la mer et incluses dans le champ d'application de la loi « montagne », la loi « littoral » s'applique seule. Cependant, il n'existe pas de telle disposition dans le cas des communes de montagne riveraines de lacs de superficie supérieure à 1.000 hectares (soumis à la fois à la loi « montagne » et à la loi « littoral »).

Afin de supprimer cette contrainte excessive pesant sur certaines communes, à l'occasion de la discussion de la loi SRU, le Sénat a adopté une disposition instituant un droit à une constructibilité minimale pour les communes soumises à la fois à la loi « montagne » et à la loi « littoral », qui s'exercerait, même en l'absence de document d'urbanisme, sur la base d'une étude de constructibilité résiduelle élaborée par l'Etat. Cette disposition a ensuite été supprimée par l'Assemblée nationale.

Une solution peut-être plus aisément applicable serait de prévoir que les règles de la loi « montagne » en matière d'urbanisme ne s'appliquent pas dans les espaces proches du rivage des communes riveraines de lacs de superficie supérieure à 1.000 hectares et incluses dans le champ d'application de la loi « montagne ».

2. Les contraintes en matière de tourisme

La loi « montagne » impose également des contraintes excessives en matière d'aménagement touristique, ce qui est d'autant plus dommageable que celui-ci est l'un des facteurs essentiels du développement économique de la montagne.

a) Des contraintes juridiques supplémentaires dans le cas du tourisme

Le IV de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme prévoit des contraintes spécifiques dans le cas de l'aménagement touristique. Ainsi, « le développement touristique et, en particulier, la création d'une unité touristique nouvelle (UTN) doivent prendre en compte les communautés d'intérêt des collectivités locales concernées et contribuer à l'équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant l'utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative pour les constructions nouvelles. Leur localisation, leur conception et leur réalisation doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels ».

La jurisprudence a permis de préciser la notion de « qualité des sites » et celle de « grands équilibres naturels ».

Le juge tient compte :

- d'une part, de la qualité du site et de la sensibilité des équilibres naturels ;

- d'autre part, de l'importance des atteintes à ce site et à ses équilibres naturels, et des mesures compensatoires envisagées ou non dans le projet d'UTN.

C'est ainsi que le Conseil d'Etat :

- valide une UTN bien intégrée dans le site et comportant peu de déboisements (Conseil d'Etat, 25 mai 1992, Commune de Cruseilles) ;

- annule une opération d'UTN altérant de manière irréversible les paysages, la faune et la flore et engendrant de graves risques d'avalanches (Conseil d'Etat, 4 juillet 1994, Commune de Vaujany).

b) Les unités touristiques nouvelles (UTN)

La loi « montagne » a mis en place une procédure relative aux unités touristiques nouvelles, dite « procédure UTN ». Le principal article concerné est l'article L.145-9 du code de l'urbanisme.

(1) Définition des UTN

L'article L. 145-9 du code de l'urbanisme distingue quatre catégories d'UTN :

- les UTN en site vierge ;

- les UTN en discontinuité ;

- les UTN de plus de 8.000 mètres carrés de surface de plancher hors oeuvre ;

- les UTN portant extension ou renforcement significatif des remontées mécaniques, selon des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. Ce seuil est actuellement de 4 millions d'euros (article R. 145-10 du code de l'urbanisme) 60 ( * ) .

Ainsi, toute installation touristique n'est pas considérée comme une UTN.

(2) Le cas des remontées mécaniques

Dans le cas des remontées mécaniques, à la procédure UTN s'ajoutent des contraintes spécifiques, découlant notamment du fait que les remontées mécaniques, mêmes touristiques et sportives, sont considérées comme des modes de transports publics (et entrent donc dans le champ de la LOTI) 61 ( * ) . En particulier, les remontées mécaniques sont soumises à une procédure de double autorisation préalable (par le maire, sur avis conforme du préfet), la première avant les travaux de construction, la seconde avant la mise en exploitation 62 ( * ) . La mission commune d'information a demandé à M. Edouard Lacroix, avocat à la Cour, de réaliser une étude sur le régime des remontées mécaniques 63 ( * ) qui suggère un certain nombre de réformes, que la mission reprend à son compte :

- remplacer la référence actuelle à un seuil financier, servant à déterminer si la procédure UTN s'applique, par un seuil relatif aux nombres de skieurs concernés (afin de s'assurer que le domaine skiable a la capacité d'accueillir l'accroissement des skieurs permis par des remontées mécaniques plus performantes) ;

- alléger le contenu des dossiers destinés à la demande d'autorisation et de construction ;

- préciser que les règles figurant dans la loi « montagne » en matière de remontées mécaniques concernent seulement celles dédiées au ski ou à des loisirs assimilés (on voit mal pourquoi les remontées mécaniques utilisées comme transports urbains par des communes de montagne -comme le téléphérique de Grenoble- devraient être soumises à cette loi, alors que ce n'est pas le cas d'équipements analogues situés en plaine -comme les funiculaires de Paris et Lyon).

Proposition n° 66. : Modifier le régime des remontées mécaniques sur les points suivants :

- remplacer la référence actuelle à un seuil financier, pour le déclenchement de la procédure UTN, par un seuil relatif aux nombres de skieurs concernés ;

- alléger le contenu des dossiers destinés à la demande d'autorisation et de construction ;

- préciser que les règles figurant dans la loi « montagne » concernent les seules remontées mécaniques dédiées au ski ou à des loisirs assimilés.

(3) Obligation de disposer d'un PLU

Une UTN ne peut être réalisée que dans une commune disposant d'un plan local d'urbanisme (PLU) opposable aux tiers (article L. 145-9 du code de l'urbanisme).

(4) La procédure UTN : une procédure décentralisée dans le cadre du SCOT, depuis la loi SRU

Avant la création des commissions UTN au sein de chaque comité de massif, les décisions étaient prises par la commission nationale des UTN, instance centralisée mise en place par une circulaire de 1977. Ce système centralisé a été rapidement considéré comme insupportable par les maires des communes de montagne.

C'est pourquoi la loi « montagne » a en partie décentralisé cette procédure, cette décentralisation n'étant effective -pour les communes dotées d'un SCOT- que depuis la loi SRU.

(a) Le dispositif antérieur à la loi SRU était en pratique seulement déconcentré

Jusqu'à la loi SRU, qui crée le schéma de cohérence territoriale (SCOT) en remplacement du schéma directeur (créé par la loi du 7 janvier 1983), la loi prévoyait que la procédure de droit commun était celle du schéma directeur, la procédure d'exception étant, comme actuellement, celle d'autorisation par le préfet de massif.

Cependant en pratique la procédure d'exception a été la plus utilisée. Comme le soulignait le rapport de la commission d'évaluation de la politique de la montagne, les schémas directeurs élaborés et approuvés avant 1985 concernaient souvent des zones urbaines de fond de vallée, de sorte que les zones de montagne étaient rarement couvertes par un schéma directeur. Ainsi, en pratique la procédure était seulement déconcentrée.

(b) Une décision prise par l'EPCI chargé du SCOT

Depuis la loi SRU, selon l'article L.145-11 du code de l'urbanisme, en l'absence de SCOT ou de schéma de secteur approuvé, la création d'une UTN est autorisée par le préfet de massif.

Ainsi, la procédure de droit commun est celle du SCOT ou du schéma de secteur. Ce n'est qu'en l'absence de ces documents que la création d'une UTN doit être autorisée par le préfet de massif 64 ( * ) .

Les principales différences entre les deux procédures sont indiquées par le tableau ci-après. Compte tenu d'une durée analogue, la procédure de modification du SCOT pourrait sembler plus souple, et donc plus intéressante.

PRINCIPALES DIFFÉRENCES ENTRE LES DEUX PROCÉDURES UTN EN VIGUEUR

Procédure de droit commun

Procédure d'autorisation

Niveau de prise de la décision

EPCI compétent pour le SCOT

Préfet de massif

Niveau d'élaboration du projet

Intercommunal

Communal

Délai pendant lequel doivent être entrepris les travaux

Durée du SCOT

4 ans

Durée de la procédure (1)

1 an

1 an (préparation + 4 mois)

(1) Estimations avancées par M. François Servoin dans « Les conséquences de la loi SRU sur les unités touristiques nouvelles », revue Géomètre , mars 2002.

En zone de montagne, le SCOT « précise, le cas échéant, l'implantation et l'organisation générale des unités touristiques nouvelles 65 ( * ) .

Par ailleurs, l'article 145-4 du code de l'urbanisme prévoit que le périmètre du SCOT ou du schéma de secteur, arrêté par le représentant de l'Etat, « tient compte de la communauté d'intérêts économiques et sociaux à l'échelle d'une vallée, d'un pays, d'un massif local ou d'une entité géographique constituant une unité d'aménagement cohérent ».

Dans le cadre de cette procédure de droit commun, la décision est donc prise par l'EPCI compétent pour le SCOT.

(c) La commission UTN ne joue qu'un rôle consultatif

Au sein du comité de massif se trouve une commission, appelée « commission spécialisée » par la loi « montagne » puis « commission spécialisée des UTN » par la loi SRU. Cette commission, désignée par le comité de massif en son sein, est composée majoritairement de représentants des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements.

Elle joue un rôle consultatif, dans deux cas de figure.

Tout d'abord, elle est chargée d' « émettre un avis sur les projets d'unités touristiques nouvelles » (article 7 de la loi « montagne »).

Ensuite, elle est consultée au sujet du projet de SCOT « lorsque le projet comporte des dispositions relatives à la création d'une ou plusieurs unités touristiques nouvelles » 66 ( * ) . Cette procédure s'applique également en cas de révision du SCOT ou du schéma de secteur approuvé, de manière plus ou moins complexe selon que la révision a ou non pour seul objet d'y introduire une UTN (avec en ce cas deux passages devant la commission UTN) 67 ( * ) .

(5) Problèmes posés et solutions envisagées

Malgré les aménagements importants introduits par la loi SRU, la procédure UTN continue de poser certains problèmes.

(a) Problèmes de fond

Tout d'abord, les UTN doivent naturellement respecter les dispositions des alinéas I, II et IV de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. Or, on a vu que les notions auxquelles ces dispositions font référence sont souvent imprécises.

Ensuite, l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme distingue quatre catégories d'UTN, sans qu'il soit toujours évident de déterminer si un équipement donné doit ou non être considéré comme UTN.

Proposition n° 67. : Préciser dans la loi quels équipements sont considérés comme UTN.

(b) Alléger la procédure

En outre, la procédure pourrait être allégée -par exemple déconcentrée au niveau des communes- dans quatre cas de figure.

Le premier, envisagé à l'occasion du congrès annuel de l'ANEM en octobre 2001, est celui des petites opérations, notamment pour les projets situés en secteur vierge tels les refuges de haute montagne. Alors que l'aménagement des grands équipements de tourisme hivernal est terminé, les UTN concernent fréquemment de petits équipements. Ainsi, la jurisprudence rend actuellement nécessaire le recours à la procédure UTN pour des travaux aussi peu importants que l'installation d'un fil-neige.

Dans le cas des petites opérations se pose également le problème de leur prise en compte éventuelle par le SCOT. En effet, selon le Conseil d'Etat l'existence et la localisation de l'UTN doivent être prévues par le SCOT. Ainsi, dans l'état actuel du droit, la réalisation d'une UTN non prévue par un SCOT n'est possible qu'après la modification du SCOT. Il semble nécessaire, dès lors, de revoir la relation entre SCOT et UTN. On pourrait ainsi prévoir que le SCOT détermine, outre les principales UTN, un plafond (défini selon des critères à déterminer) en-dessous duquel de petites opérations seraient possibles. Si le gouvernement a proposé de modifier en ce sens le dispositif actuel dans le décret d'application de la loi SRU, le Conseil d'Etat a disjoint sa proposition, la considérant comme contraire à la lettre de la loi « montagne » -bien qu'elle eût été certainement plus conforme à ce qui semble souhaitable du point de vue de la gestion de l'urbanisme 68 ( * ) .

Proposition n° 68. : Adopter une disposition selon laquelle un SCOT peut prévoir une « enveloppe » de petites UTN.

Le deuxième type d'allégement envisageable concerne les situations d'urgence (comme la reconstruction à l'identique d'un équipement ayant subi un sinistre accidentel).

De même, le remplacement d'une installation de remontée mécanique pourrait faire l'objet d'une procédure simplifiée. Une étude d'impact serait nécessaire.

Enfin, la procédure pourrait être allégée dans le cas des petites communes. En effet, comme le souligne le groupe de travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation du droit de l'urbanisme 69 ( * ) , la disposition selon laquelle une UTN ne peut être réalisée que dans une commune disposant d'un PLU « est irréaliste, s'agissant de très petites communes qui, comme on l'a vu ci-dessus, n'ont pas les moyens de réaliser un [tel document]. Aussi a-t-elle pour effet d'interdire toute UTN sur leur territoire. Une procédure respectueuse de l'environnement, prévoyant par exemple l'octroi d'une dérogation, pourrait être mise en oeuvre afin d'exempter les très petites communes de cette disposition ».

Proposition n° 69. : Alléger la procédure UTN pour les petites opérations, les situations d'urgence, le remplacement d'installations de remontées mécaniques et, sous certaines conditions, les petites communes.

(c) Réformer les commissions UTN ?

En outre, il serait envisageable de réformer les commissions UTN.

Tout d'abord, le statut des commissions UTN est ambigu. En effet, elles sont, selon la loi « montagne », constituées au « sein » des comités de massif, mais ne sont pas des commissions « du » comité de massif. En particulier, les membres des comités de massif n'appartenant pas à la commission UTN n'ont aucune vocation à être informés des travaux de celle-ci. Ainsi, selon M. François Servoin, « loin de dynamiser l'action du comité [de massif], elle la confisque à son profit » 70 ( * ) .

Ensuite, selon les informations recueillies par la mission commune d'information, les commissions UTN prendraient trop souvent leurs décisions au cas par cas, sans élaborer de doctrine. On pourrait envisager l'obligation, pour les commissions UTN, d'élaborer périodiquement des règles générales destinées à guider leur action.

Proposition n° 70. : Mieux intégrer les commissions UTN aux comités de massif, et rendre obligatoire l'élaboration par chaque commission de règles générales destinées à guider son action.

(d) Reconnaître un droit à l'expérimentation des collectivités locales en matière d'UTN

Dans l'étude précitée 71 ( * ) , demandée à M. Edouard Lacroix, des propositions sont également faites pour modifier le régime des UTN :

- reconnaissance d'un droit des collectivités territoriales à l'expérimentation en matière d'UTN ;

- traitement différencié de la haute et de la moyenne montagne ;

- transfert des compétences du préfet de massif à un exécutif local en matière d'UTN.

Si les objectifs des deux dernières propositions semblent pouvoir être atteints par certaines des réformes préconisées par la mission commune d'information (allègement de la procédure UTN et renforcement du rôle du SCOT pour les petites opérations), la première mériterait de faire l'objet d'une étude approfondie.

Proposition n° 71. : Etudier l'éventualité d'une expérimentation en matière d'UTN.

(e) La mission conjointe des ministères de l'équipement, de l'environnement et du tourisme

A l'occasion du Conseil national de la montagne de février 2001, le Premier ministre a demandé la mise en place d'une mission conjointe du ministère de l'équipement, du ministère de l'aménagement du territoire et du secrétariat d'Etat au tourisme, relative notamment à une éventuelle révision de la procédure UTN 72 ( * ) . Cette mission a été confiée à MM. Bernard Rousseau, inspecteur général du tourisme, Alain Wauters, représentant du conseil général des Ponts et Chaussées, et Louis Blaise, inspecteur général de l'environnement.

Auditionnés par la mission commune d'information, les membres de cette mission ont envisagé, notamment :

- que la procédure d'autorisation d'une UTN ne concerne plus le préfet de massif mais celui du département ;

- l'instauration d'une procédure analogue à celle des PPDT (programmes pluriannuels de développement touristique) prévue par le décret de 1977, afin d'inscrire les réflexions de la commission UTN dans une perspective d'ensemble.

Les propositions à venir de cette mission devront naturellement être prises en considération dans le cadre d'une éventuelle réforme de la procédure UTN.

(f) Renforcer le rôle du service d'études et d'aménagement touristiques de la montagne

Enfin, on pourrait envisager de renforcer le rôle du service d'études et d'aménagement touristiques de la montagne (SEATM), rattaché au secrétariat d'Etat au tourisme, afin de lui permettre d'apporter aux massifs une véritable assistance technique.

A l'occasion de son audition par la mission commune d'information, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a envisagé une telle éventualité. Il a précisé que cette suggestion serait étudiée à l'occasion de la refonte des décrets sur les comités de massif. 73 ( * )

Proposition n° 72. : Renforcer le rôle du service d'études et d'aménagement touristique en montagne(SEATM), afin de lui permettre d'apporter aux massifs une véritable assistance technique.

B. DÉFINIR DES OUTILS D'ADAPTATION ET DE PRÉCISION

1. Les difficultés d'application des outils existants

La loi prévoit deux possibilités de précision des règles d'urbanisation en zone de montagne, à travers les prescriptions de massif et les directives territoriales d'aménagement (DTA).

Ces documents s'insèrent au même niveau dans la hiérarchie des documents d'urbanisme (indiquée par l'article article L.111-1-1 du code de l'urbanisme), étant rappelé que les documents d'un rang inférieur doivent être compatibles avec celui du rang immédiatement supérieur existant.

Il convient de souligner que ces documents, de nature réglementaire (décret en Conseil d'Etat), ne permettent pas d'adapter les règles fixées au niveau législatif, mais ne font que les expliciter.

Niveau législatif

Dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral des articles L. 145-1 et suivants et L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme

Décret en Conseil d'Etat

DTA et prescriptions de massif

Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et schémas de secteur

Plans locaux d'urbanisme (PLU), cartes communales ou documents en tenant lieu

Le tableau ci-après indique les principales caractéristiques des prescriptions de massif et des directives territoriales d'aménagement (DTA).

Prescriptions de massif et directives territoriales d'aménagement

Prescriptions de massif

Directives territoriales d'aménagement

Base juridique

Article L. 145-7 du code de l'urbanisme

Articles L. 111-1-1 (en général) et L. 145-7 (zones de montagne) du code de l'urbanisme

Champ d'application

Tout ou partie d'un massif non couvert par une DTA

Certaines parties du territoire, en particulier tout ou partie des massifs

Contenu

Orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires

Principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages

Contenu relatif au massif

Prescriptions particulières

Tout ou partie des éléments pouvant figurer dans une DTA

Adaptation de certains seuils et critères (ceux des études d'impact spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 10 juillet 1976, et ceux d'enquête publique spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques)

Désignation des espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine montagnard et définition des modalités de leur préservation

Précision des modalités d'application du principe de continuité (1) et de la préservation des activités agricoles (2)

Elaboration

Possibilité de proposition des conseils régionaux intéressés et du comité de massif

Possibilité, pour les comités de massif, de recommandations particulières à certaines zones sensibles et, notamment aux secteurs de haute montagne

Approbation

Décret en Conseil d'Etat

Décret pris après :

- avis du comité de massif et de sa commission permanente, des communes et des EPCI compétents en matière de documents d'urbanisme concernés ;

- enquête publique

En l'absence de proposition de leur part, décret pris après avis des conseils régionaux intéressés et du comité de massif

Nombre

Aucun de ces documents n'a encore vu le jour.

(1) Paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. (2) I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme.

a) L'existence à éclipses des prescriptions particulières de massif depuis la loi « montagne»

La loi « montagne » a introduit une disposition selon laquelle il était possible que chaque massif se dote d'une « prescription particulière de massif », approuvée par décret en Conseil d'Etat, de manière à disposer d'un document donnant une lecture adaptée à la diversité des réalités des massifs.

Près de vingt ans après la loi « montagne », ces prescriptions de massif n'ont pas vu le jour, ce qui provient notamment d'interrogations sur l'efficacité de la procédure retenue. Ainsi, la loi n° 95-115 du 4 février 1995 (dite « loi Pasqua ») a abrogé la faculté d'élaborer une prescription de massif. La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 (« SRU ») a ensuite rétabli la possibilité d'un tel dispositif.

Selon le III de l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme, des décrets en Conseil d'Etat peuvent définir des prescriptions particulières pour tout ou partie d'un massif non couvert par une directive territoriale d'aménagement.

Il est précisé que les prescriptions de massif comprennent tout ou partie des éléments pouvant figurer dans une directive territoriale d'aménagement (DTA).

Afin d'éviter des problèmes de chevauchement avec une DTA, il est également prévu que les prescriptions de massif couvrent tout ou partie d'un massif non couvert par une DTA. Ainsi, la place laissée aux prescriptions particulières de massif est résiduelle.

Les services de l'Etat ont tenté d'élaborer une prescription particulière de massif relative au Massif central, mais ce projet n'a pas abouti. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a estimé, à l'occasion de son audition par la mission commune d'information, qu'il convenait sans doute de « reprendre ce chantier » 74 ( * ) .

b) L'échec des directives territoriales d'aménagement, créées par la loi du 4 février 1995
(1) Présentation des DTA

Les directives territoriales d'aménagement (DTA) ont été créées par l'article 4 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Elles « peuvent fixer, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires 75 ( * ) » (article L.111-1-1 du code de l'urbanisme).

(2) Les directives territoriales d'aménagement dans les zones de montagne

Les DTA font l'objet de dispositions spécifiques dans le cas des zones de montagne. La principale disposition concernée est le I de l'article L.145-7 du code de l'urbanisme.

Cet article prévoit que les DTA peuvent être établies sur tout ou partie des massifs.

Tout d'abord, elles peuvent adapter certains seuils et critères (ceux des études d'impact spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 10 juillet 1976, et ceux d'enquêtes publiques spécifiques aux zones de montagne découlant de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques).

Ensuite, elles peuvent désigner les espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine montagnard et définir des modalités de leur préservation.

Enfin, elles peuvent préciser les modalités d'application du principe de continuité territoriale (paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme) et de la préservation des activités agricoles (paragraphe I de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme).

Ces directives sont établies par décret en Conseil d'Etat après avis ou sur proposition des conseils régionaux intéressés et du comité de massif.

Les comités de massif peuvent élaborer des recommandations particulières à certaines zones sensibles et, notamment aux secteurs de haute montagne.

La DTA (et non plus la loi « montagne ») est directement opposable aux documents d'urbanisme comme aux autorisations d'utilisation du sol, et notamment aux permis de construire (Cour administrative d'appel de Marseille, 18 mars 1999). Cependant, il est possible à l'occasion d'un recours contre un plan local d'urbanisme ou contre un permis de construire d'invoquer par voie d'exception l'illégalité d'une DTA qui n'aurait pas respecté la loi « montagne » sur un point précis.

(3) Les DTA sont restées à l'état de projets concernant essentiellement des territoires à fort dynamisme

Comme l'a reconnu M. Louis Besson, alors secrétaire d'Etat, à l'occasion de la discussion de la loi SRU 76 ( * ) , les DTA ont été orientées vers les zones à fort développement, en particulier démographique.

Ainsi que l'a souligné notre collègue Jean François-Poncet, « une telle orientation ne figure nulle part dans le projet de loi. C'est un choix qui a été fait par le Gouvernement, mais on aurait parfaitement pu étendre ces directives à la montagne ».

Surtout, malgré cette orientation, aucune DTA n'a jusqu'à présent vu le jour , si l'on excepte le schéma d'aménagement de la Corse (à la fois littoral et montagnard), qui, selon l'article L. 144-5 du code de l'urbanisme, a les mêmes effets qu'une DTA. Deux DTA proprement dites sont à l'étude : celle des Alpes du Nord et celle des Alpes-Maritimes. Cette dernière est la plus avancée puisque, après enquête publique, elle est en attente d'être approuvée par décret en Conseil d'Etat.

2. Quelles préconisations ?

a) Confier au comité de massif l'élaboration des prescriptions de massif ?

La procédure d'élaboration des prescriptions de massif doit tout d'abord être réformée.

La procédure d'adoption par décret en Conseil d'Etat ne peut pas expliquer l'absence de tels documents. Elle doit en outre être conservée, car elle offre l'intérêt d'assurer une certaine sécurité juridique, dans la mesure où il est peu probable qu'un document approuvé par décret en Conseil d'Etat soit ensuite annulé par ce même Conseil d'Etat.

Le problème se situe donc au niveau de l'élaboration des prescriptions de massif. En effet, tout comme les directives territoriales d'aménagement, celles-ci sont actuellement élaborées par l'administration, dont plusieurs personnes auditionnées par la mission commune d'information ont estimé qu'elle était souvent peu pressée d'aboutir. Il serait donc vraisemblablement plus efficace que l'élaboration de ces documents soit confiée aux collectivités territoriales.

La solution la plus appropriée pourrait être de confier la rédaction des prescriptions particulières de massif à un comité de massif rénové. Actuellement, l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme prévoit seulement la consultation du comité de massif.

Le comité de massif devrait auparavant se doter d'une commission d'urbanisme.

Une telle réforme pourrait s'appliquer à plusieurs massifs, dans le cadre de la politique d'expérimentation en matière de compétence des collectivités locales qui devrait être permise par la prochaine révision de la Constitution.

Proposition n° 73. : Confier aux comités de massif (dotés d'une commission d'urbanisme) l'élaboration des prescriptions particulières de massif, cette procédure étant mise en oeuvre dans le cadre de la future politique d'expérimentation en matière de compétence des collectivités locales.

b) Autoriser dans la loi les prescriptions particulières de massif à prévoir des adaptations mineures
(1) La reconnaissance par la loi de cette faculté

Les prescriptions particulières de massif, de nature réglementaire (ce sont des décrets en Conseil d'Etat) ne permettent pas actuellement d'adapter les règles fixées au niveau législatif, mais ne font que les expliciter.

Il serait possible de modifier la loi afin que celle-ci prévoie cette possibilité, tout en l'encadrant suffisamment afin d'éviter des abus (ainsi qu'une probable inconstitutionnalité). Ainsi, pour les normes chiffrées, la loi pourrait fixer certaines fourchettes, indiquant qu'à défaut de précision par une prescription de massif, c'est un certain chiffre qui s'applique.

(2) Les domaines concernés

Les domaines pouvant faire l'objet d'adaptation seraient énumérés par la loi.

Ainsi, les prescriptions particulières de massif pourraient adapter, selon les régions, la définition du hameau.

Un autre domaine potentiellement concerné est celui des travaux effectués sur les chalets d'alpage et des bâtiments analogues (qui pourraient être définis par la prescription de massif).

La distance d'urbanisation par rapport à la rive des lacs pourrait également être adaptée par ces prescriptions de massif.

c) Encourager un effort de programmation territoriale à travers les documents d'urbanisme, et reconnaître à certains de ces documents une faculté d'adaptation

La programmation territoriale à travers les documents d'urbanisme (SCOT, PLU, cartes) doit être encouragée.

Dans cette perspective, il pourrait être utile, dans une « logique de projet », de doter certains de ces documents (SCOT et PLU) d'une faculté d'adaptation mineure des règles législatives, dans un cadre à définir. Ces adaptations ne seraient autorisées qu'après réalisation d'une étude paysagère intégrée au document d'urbanisme (soumise à enquête publique) et avis conforme du préfet.

Cependant, cette procédure présenterait l'inconvénient, par rapport à celle qui consisterait à reconnaître un tel pouvoir d'adaptation aux prescriptions particulières de massif, de ne pas assurer de sécurité juridique équivalente à celle que constitue, pour ces dernières, l'adoption par décret en Conseil d'Etat. En effet, compte tenu du nombre de documents concernés, il ne serait pas envisageable que ceux-ci soient ainsi adoptés.

Proposition n° 74. : Permettre aux prescriptions de massif, ou à défaut à certains documents d'urbanisme (SCOT et PLU), après réalisation d'une étude paysagère et avis conforme du préfet, d'adapter les règles d'urbanisme dans certains domaines (définition du hameau, travaux effectués sur les chalets d'alpage, urbanisation par rapport à la rive des lacs...).

III. RENFORCER LES MOYENS D'INTERVENTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La situation des collectivités locales de montagne se caractérise par la stagnation ou la diminution de leurs ressources, consécutive à leur évolution démographique, et l'augmentation de leurs charges, en matière environnementale notamment.

A. LA SITUATION FINANCIÈRE DES COMMUNES DE MONTAGNE EST CONTRASTÉE

Selon les chiffres fournis à la mission commune d'information, l'ensemble des communes de montagne de moins de 10.000 habitants (au nombre de 4.813 en 1999) représente 10 % de la population totale des communes de moins de 10.000 habitants.

La situation financière de ces communes est très différente selon qu'il s'agit de stations touristiques de sport d'hiver ou de communes de montagne classiques.

1. Les stations de sports d'hiver dépensent trois fois plus que les autres communes, pour un potentiel fiscal supérieur de 22 % et fortement mobilisé

Les stations de sports d'hiver (au nombre de 308 en 1999) se distinguent nettement des autres communes de moins de 10.000 habitants, qu'elles soient ou non de montagne, comme le montre le graphique ci-après. En effet, elles sont caractérisées par une dette et des dépenses élevées (respectivement 2.829 et 3.000 euros par habitant, contre environ trois fois moins pour les autres communes).

Les finances des communes de montagne de moins de 10.000 habitants

En euros par habitant

Source : Direction générale des collectivités locales

Ceci résulte des investissements importants réalisés par les stations de sports d'hiver à partir des années soixante-dix, comme l'indique le graphique ci-après.

Structure des dépenses des communes de montagne de moins de 10.000 habitants

En euros par habitant

Source : Direction générale des collectivités locales

Ce graphique permet de mettre en évidence deux phénomènes :

- les stations de sports d'hiver ont des intérêts de la dette élevés (9,7 % des dépenses de fonctionnement, contre environ 7 % pour les autres communes) ;

- leurs dépenses d'équipement brutes représentent une part moins importante des dépenses d'investissement que celles des autres communes (60 % des dépenses d'investissement, contre 73 % dans l'ensemble des communes de moins de 10.000 habitants). En effet, la majeure partie de leurs dépenses d'équipement sont achevées, et l'essentiel de leur budget d'investissement est désormais constitué par le remboursement de la dette.

Les dépenses des stations de sports d'hiver présentent donc une rigidité importante.

Le manque de neige des années 1989, 1990 et 1991 a révélé un certain nombre de problèmes structurels. En effet, un euro investi au cours de la période 1980-1990 ne rapportait que 15 centimes d'euros de recettes par an. En outre, ces investissements n'étaient généralement pas autofinancés. La crise du « manque de neige » a donc révélé un certain nombre de dysfonctionnements et certaines collectivités se sont retrouvées en cessation de paiement avec un endettement important et une marge de manoeuvre réduite.

Le niveau élevé des dépenses est favorisé par le fait que les stations de sports d'hiver ont un potentiel fiscal plus élevé que celui des autres communes (505 euros par habitant, contre environ 400 pour les autres communes), comme l'indique le graphique ci-après.

Potentiel fiscal des communes de montagne de moins de 10.000 habitants

En euros par habitant

Source : Direction générale des collectivités locales

Ce potentiel fiscal provient notamment de certains impôts spécifiques aux communes touristiques.

Les impôts spécifiques aux communes touristiques

La fiscalité locale présente en montagne certaines particularités.

1. Prélèvements perçus par les communes

a) La taxe de séjour

Tout d'abord, ces communes peuvent percevoir la taxe de séjour, qui sert à financer l'office de tourisme et n'est pas spécifique aux communes de montagne.

Selon l'article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales 77 ( * ) , dans diverses catégories de communes 78 ( * ) , dont les communes de montagne au sens de la loi « montagne », le conseil municipal peut instituer, pour chaque nature d'hébergement à titre onéreux, une taxe de séjour, éventuellement forfaitaire.

En revanche, la taxe sur les entreprises spécialement intéressées à la prospérité de la station, qui avait pour base juridique l'article L. 2333-47 du code général des collectivités territoriales, a été supprimée par l'article 107 de la loi de finances pour 2002, à la suite d'un amendement présenté par nos collègues députés Didier Migaud et Michel Bouvard. En effet, cette taxe, instaurée par la loi du 3 avril 1942 et pour laquelle aucune disposition réglementaire n'avait été codifiée, ne connaissait en pratique aucune application.

b) La redevance pour l'accès aux pistes de ski de fond

La redevance pour l'accès aux pistes de ski de fond concerne, par nature, exclusivement les communes de montagne.

Son régime est fixé par l'article L. 2333-81du code général des collectivités territoriales. Celle-ci peut être instituée sur délibération du conseil municipal de la commune dont le territoire supporte de tels équipements. Le conseil municipal fixe annuellement le montant de la redevance et les conditions de sa perception 79 ( * ) .

L'article L. 2333-83 du code général des collectivités territoriales précise que cette redevance peut être perçue, pour le compte et à la demande des communes concernées, par l'association départementale, interdépartementale ou régionale pour la promotion du ski de fond créée en application de l'article 84 de la « loi « montagne » » 80 ( * ) .

2. Les taxes sur les remontées mécaniques (perçues par les communes et les départements)

a) La taxe communale sur les remontées mécaniques

En application des articles 85, 86 et 87 de la loi « montagne », les communes situées en zone de montagne peuvent instituer une taxe portant sur les recettes brutes provenant de la vente de titres de transport par les entreprises exploitant des engins de remontées mécaniques.

Le produit annuel de la taxe communale est affecté :

- à des interventions favorisant le développement agricole en montagne ;

- aux dépenses d'équipement, de services, de promotion et de formation induites par le développement du tourisme en montagne et les besoins des divers types de clientèle, ainsi qu'à l'amélioration des accès ferroviaires et routiers ;

- aux dépenses de développement d'un tourisme d'initiative locale en montagne et des activités qui y contribuent ;

- à des charges engagées par les clubs locaux de ski pour la formation technique de leurs jeunes adhérents ;

- au financement d'actions de prévention des accidents en montagne conduites par des organismes compétents en la matière, et notamment par les sociétés de secours en montagne.

b) La taxe départementale sur les remontées mécaniques

L'article L.3333-4 du code général des collectivités territoriales institue une taxe départementale sur les remontées mécaniques, soumise au même régime que celui de la taxe communale (notamment en matière d'affectation).

c) Taux et recettes correspondantes

Selon l'article L. 2333-49 du code général des collectivités territoriales, le taux de la taxe communale ne peut excéder 3 % 81 ( * ) , et celui de la taxe départementale 2 %.

Cependant, lorsque le département n'a pas institué cette taxe départementale, la limite du taux de la taxe communale est de 5 %.

En 1999, le produit de la taxe communale sur les remontées mécaniques, perçue par 134 communes, s'est élevé à 23 millions d'euros.

Compte tenu des charges d'emprunt et des dépenses de fonctionnement assez élevées, le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal est bien plus important dans les stations de sport d'hiver que dans les autres communes (93,5 %, contre environ 70 % pour les autres communes).

2. Les autres communes de montagne dépensent légèrement plus que la moyenne nationale, pour un potentiel fiscal plus faible et moins mobilisé

Les communes de montagne ne disposant pas d'une station de sports d'hiver (au nombre de 4.505 en 1999) présentent des caractéristiques relativement semblables à celles des communes classiques de moins de 10.000 habitants. Leur situation est cependant légèrement moins favorable.

En effet, les graphiques ci-avant montrent qu'elles ont :

- un niveau de dépenses légèrement supérieur à la moyenne (1.010 euros par habitant, contre 911 euros en moyenne) ;

- une dette légèrement supérieure à la moyenne (700 euros par habitant, contre 628 euros en moyenne) ;

- un potentiel fiscal légèrement plus faible que la moyenne (368 euros, contre 414 en moyenne), mobilisé de façon modérée (67,5 %, contre 69 % en moyenne).

B. UNE SPÉCIFICITÉ INSUFFISAMMENT PRISE EN COMPTE PAR LES DOTATIONS

Selon l'article L. 1211-2 du code général des collectivités territoriales, le comité des finances locales comprend, notamment, quinze maires élus par le collège des maires de France, dont un pour les communes situées en zone de montagne.

Cette disposition résulte d'un amendement au projet de loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale 82 ( * ) proposé par vos collègues du groupe d'études sur le développement de la montagne. Cette prise en compte se justifie en particulier par le fait que les communes situées en zone de montagne font l'objet de dispositions spécifiques dans le cas de diverses dotations.

1. Certaines dotations prennent en compte les spécificités de la montagne

a) Le potentiel fiscal superficiaire (pour l'ensemble des zones rurales)

Les communes de montagne bénéficient, en tant que communes rurales, de certaines dispositions prévues pour ces dernières. Tel est en particulier le cas du potentiel fiscal superficiaire.

Celui-ci rapporte la richesse fiscale à la superficie. Il prend donc en compte la situation des départements peu peuplés, c'est-à-dire ruraux, qui ont des « charges territoriales » importantes : amélioration des infrastructures de transports, maintien des services publics et des commerces...

Il intervient à la fois au niveau des communes dans la dotation de solidarité rurale (DSR) et au niveau des départements au travers de la dotation de fonctionnement minimale (DFM), comme l'indiquent ci-après les schémas relatifs à chacune de ces dotations.

Le récent rapport au ministère de l'économie et des finances et au ministère de l'intérieur du précédent gouvernement sur la réforme des finances locales 83 ( * ) n'envisage pas de supprimer ce critère, qui semble assez pertinent pour mesurer les charges du monde rural.

b) La prise en compte de la voirie (pour les zones de montagne)

Le classement en zone de montagne induit un certain nombre de majorations de dotations, notamment au travers de la voirie. En effet, plusieurs dotations de l'Etat aux collectivités locales, qu'il s'agisse des communes ou des départements, prennent en compte la longueur de la voirie. La plupart du temps, celle-ci est majorée lorsqu'elle est située en zone de montagne afin de tenir compte de la spécificité de ces communes.

(1) La DGE des communes

Selon l'article L. 2334-34 du code général des collectivités territoriales 84 ( * ) , les modalités de répartition entre les départements des crédits de la dotation globale d'équipement (DGE) attribués aux communes sont fixées, pour la première fraction, par décret en Conseil d'Etat en tenant compte notamment de la longueur de la voirie classée dans le domaine public (à raison de 25 % de cette fraction, selon l'article R. 2334-20 du même code), celle-ci étant doublée en zone de montagne.

Répartition de la DGE

DGE

Préciput au profit des EPCI

Communes

Première fraction

Etablissements éligibles dont la population n'excède pas 2.000 habitants

Seconde fraction

Etablissements éligibles dont la population est supérieure à 2.000 habitants.

Première fraction

Décret en Conseil d'Etat en tenant compte notamment du nombre des communes éligibles dont la population n'excède pas 2.000 habitants, de l'importance de leur population, de la longueur de leur voirie classée dans le domaine public, celle-ci étant doublée en zone de montagne , ainsi que de leur potentiel fiscal.

Seconde fraction

Prorata du nombre d'habitants des communes éligibles dont la population est supérieure à 2.000 habitants.

(2) La dotation de solidarité rurale

De même, l'article L.2334-22 du code général des collectivités territoriales prévoit que la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR) 85 ( * ) est répartie, pour 30 % de son montant, proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal, et que pour les communes situées en zone de montagne, la longueur de la voirie est doublée.

Répartition de la seconde fraction de la DSR

Communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.

30 %

30 %

30 %

10 %

En fonction de la population pondérée par l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et le potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique ainsi que par l'effort fiscal plafonné à 1,2.

Proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal ; pour les communes situées en zone de montagne, la longueur de la voirie est doublée.

Proportionnellement au nombre d'élèves relevant de l'enseignement obligatoire et préélémentaire, domiciliés dans la commune

En fonction de l'écart entre le potentiel fiscal superficiaire de la commune et le potentiel fiscal superficiaire moyen des communes de moins de 10.000 habitants.

(3) La dotation de fonctionnement minimale des départements

En ce qui concerne les départements de montagne, leur principale spécificité 86 ( * ) est la dotation de fonctionnement minimale (DFM).

L'article R. 3334-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que la DFM est répartie entre les départements métropolitains qui en remplissent les conditions d'attribution (soit en 2002 24 départements de métropole) de la manière indiquée ci-après.

Répartition de la DFM

Dotation de fonctionnement minimale

30 %

30 %

40 %

Proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public départemental.

La longueur de voirie située en zone de montagne est affectée d'un coefficient multiplicateur de 1,3.

Proportionnellement au rapport entre le potentiel fiscal superficiaire moyen de l'ensemble des départements et le potentiel fiscal superficiaire de chaque département bénéficiaire.

Proportionnellement à l'inverse du potentiel fiscal brut de chaque département bénéficiaire.

Ainsi, la situation spécifique de la montagne est prise en compte en ceci que la longueur de voirie située en zone de montagne est affectée d'un coefficient multiplicateur de 1,3. En 2002, 14 départements étaient concernés.

En 2002, sur les 143,2 millions d'euros perçus au titre de la DFM et de sa majoration, les départements ayant une partie de leur voirie classée en zone de montagne en reçoivent 76 millions, soit plus de la moitié, comme l'indique le graphique ci-après.

Répartition de la DFM en 2002

en euros

Source : Direction générale des collectivités locales

Le rapport sur les finances locales précité propose de modifier le financement de la DFM de manière à garantir sa progression 87 ( * ) et d'y adjoindre une part plus spécifiquement tournée vers les départements urbains et prenant en compte des indicateurs de charge (tels que le nombre de bénéficiaires d'aide au logement, le nombre de logements sociaux, etc.).

Compte tenu de la situation dramatique de nombreuses petites communes de montagne, il semble souhaitable d'instaurer une dotation de fonctionnement minimale en leur faveur.

Proposition n° 75. : Instaurer une dotation de fonctionnement minimale en faveur des petites communes de montagne.

c) La prise en compte de critères spécifiques à la montagne pour la dotation de développement rural

La dotation de développement rural (DDR) consiste en l'attribution à chaque préfet d'une enveloppe financière dont peuvent bénéficier des communautés de communes rurales, pour subventionner des projets.

Le décret n° 85-260 du 22 février 1985 88 ( * ) , modifié par le décret n°2000-220 du 9 mars 2000, indique les critères de répartition des crédits affectés aux EPCI à fiscalité propre éligibles à la DDR. En particulier, il prévoit qu'ils sont répartis, à raison de 25 %, en fonction du nombre de communes membres des EPCI éligibles et du nombre d'établissements. Dans le cas des zones de montagne, il est prévu que :

- le nombre de communes situées en zone de montagne est doublé ;

- lorsque plus de la moitié des communes concernées sont situées en zone de montagne, l'établissement public de coopération intercommunale est compté pour deux.

Répartition de la DDR

DDR

25 %

25 %

50 %

En fonction :

- du nombre de communes membres des EPCI éligibles ;

- du nombre d'établissements.

En fonction de la population des EPCI à fiscalité propre concernés

En fonction du produit de la population par l'écart relatif entre le potentiel fiscal moyen par habitant de la catégorie et le potentiel fiscal par habitant de chacun de ces établissements publics de coopération intercommunale, pondéré par le coefficient d'intégration fiscale

Prise en compte de la montagne :

- le nombre de communes situées en zone de montagne est doublé ;

- lorsque plus de la moitié des communes concernées sont situées en zone de montagne, l'établissement public de coopération intercommunale est compté pour deux.

2. L'intercommunalité en montagne

a) Une intercommunalité légèrement moins développée que sur le reste du territoire

L'intercommunalité est légèrement moins développée en zone de montagne que sur l'ensemble du territoire, comme le montre le graphique ci-après.

L'intercommunalité en montagne

Source : Direction générale des collectivités locales

La majorité de ces EPCI sont des communautés de communes à fiscalité additionnelle (67 % du total), seuls 24 % étant des communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique. Par ailleurs on recense 19 communautés d'agglomération comptant au moins une commune de montagne.

b) L'abaissement du seuil de population permettant aux communautés de communes à TPU de bénéficier de la DGF bonifiée

La loi de finances pour 2002 a permis une meilleure prise en compte de la situation spécifique des zones de montagne par la dotation globale de fonctionnement (DGF).

En effet, depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, les communautés de communes à TPU dont la population est comprise entre 3.500 et 50.000 habitants au plus (seuil de création d'une communauté d'agglomération) et qui exercent certaines compétences définies par l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales, perçoivent une DGF dite « bonifiée ».

Certaines communes situées en zone rurale, et en particulier en zone rurale de montagne, ne bénéficiaient pas de ce régime, parce qu'elles ne pouvaient pas justifier d'un nombre d'habitants supérieur à 3.500.

Ainsi que le soulignait notre collègue Pierre Jarlier, à l'occasion du débat sur les finances locales qui s'est tenu dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, « dans les zones de montagne et dans les zones rurales, des intercommunalités se créent autour des bassins de vie des chefs-lieux de cantons ou de certains bourgs-centres. La géographie de ces nouveaux espaces de solidarité est cohérente et repose souvent sur des traditions d'échanges marquées par des contraintes de relief ou d'infrastructures de communication. Certaines communautés de communes, créées autour d'un bassin de vie identifié et cohérent, par exemple un canton d'une douzaine de communes, peuvent couvrir un territoire de plus de trois cents kilomètres carrés, ce qui représente plus de trente kilomètres d'un bout à l'autre, mais sans pouvoir justifier de 3.500 habitants » 89 ( * ) .

Désormais, à la suite d'un amendement présenté, notamment, par le président et le rapporteur de la mission commune d'information, le seuil de 3.500 habitants ne s'applique plus pour les communautés de communes à TPU :

- situées en zone de revitalisation rurale de montagne ;

- et comprenant au moins dix communes dont un chef-lieu de canton ou la totalité des communes d'un canton.

3. Vers une meilleure prise en compte par les dotations d'Etat des contraintes des collectivités territoriales de montagne

Les dotations d'Etat doivent mieux prendre en compte les contraintes des collectivités territoriales de montagne.

a) Accroître le rôle du potentiel fiscal superficiaire ?

Il semble tout d'abord souhaitable d'accroître le rôle du potentiel fiscal superficiaire dans la détermination du montant des dotations dont bénéficient les collectivités locales de montagne.

En effet, ce critère permet de prendre en compte les « charges territoriales » des zones rurales. Or, on a vu qu'il ne concernait actuellement que la dotation de solidarité rurale (pour les communes) et la dotation de fonctionnement minimale (pour les départements).

On pourrait envisager d'attribuer une part plus importante de la DGF selon un critère superficiaire, par exemple sous la forme d'une DGF superficiaire intercommunale.

Une utilisation accrue de ce critère pourrait également permettre un meilleur équilibre des budgets annexes de distribution d'eau et d'assainissement, la collecte et le traitement des ordures ménagères et la gestion des services funéraires.

b) Prendre directement en compte le rôle de protection de l'environnement ?

Les obligations en matière environnementale contraignent de plus en plus les collectivités locales à gérer et à entretenir des lieux d'habitat naturel extrêmement vastes, sans bénéficier d'aucune aide particulière.

Il semble donc indispensable de recourir à des critères environnementaux pour la détermination du montant des dotations d'Etat. De tels critères pourraient être justifiés d'un double point de vue.

Tout d'abord, la protection de l'environnement correspond à des charges spécifiques dont il est juste que la commune ne soit pas seule à supporter le coût. Ainsi, on pourrait envisager de prendre en compte, dans le calcul des dotations, la surface toujours en herbe, ou la superficie des forêts 90 ( * ) . De même, le rapport 91 ( * ) récemment remis au ministre de l'agriculture par le groupe interministériel sur le pastoralisme préconise d'étudier un dispositif permettant la mise en place d'une « dotation sylvo-pastorale », comprise ou non dans les mécanismes actuels de dotation globale de fonctionnement et de dotation de solidarité rurale attribuées aux collectivités locales. Cette dotation devrait permettre aux communes de faire face à leurs obligations de gestion durable d'espaces difficiles et à l'entretien d'ouvrages concernant le multi-usage et l'ouverture au public de ces espaces.

Ensuite, il faut prendre en compte le fait que certaines communes protégeant leur environnement et ne disposant pas d'équipements touristiques suscitent des « externalités positives » importantes pour les communes voisines dotées de tels équipements. Dans le cas de ces communes, on pourrait prendre en compte l'inverse du nombre de résidences secondaires et de logements touristiques.

Proposition n° 76. : Permettre aux collectivités locales de montagne de voir leurs contraintes spécifiques prises en compte dans la détermination du montant des dotations de l'Etat dont elles bénéficient, par un recours accru au critère de potentiel fiscal superficiaire, ou par l'instauration de critères environnementaux (surface toujours en herbe, superficie occupée par la forêt, importance du pastoralisme...), tout en prenant en compte les « externalités positives » pour les communes voisines (inverse du nombre de résidences secondaires ou de logements touristiques).

4. La collecte et le traitement des déchets

La collecte et le traitement des déchets posent des problèmes spécifiques en zone de montagne.

Tout d'abord, le ramassage et la collecte sélective des déchets y sont plus coûteux qu'ailleurs. Selon M. Pierre Radanne, directeur de l'ADEME, les surcoûts de collecte en zone de montagne sont de l'ordre de 20 %.

En outre, l'incinération des déchets y est difficile, du fait de la forte variabilité saisonnière de leur volume, qui rend nécessaire la constitution de stocks afin d'effectuer un lissage. Le regroupement des équipements des collectivités locales, notamment en ce qui concerne les incinérateurs, doit être envisagé, mais il peut parfois entraîner des problèmes supplémentaires, liés à la circulation des ordures ménagères conduite par ces regroupements.

a) L'action de l'ADEME

A la suite d'une circulaire de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement reconnaissant la nécessité de distinguer, pour la politique des déchets, les zones urbaines des zones rurales, l'ADEME a mis en place un dispositif spécifique pour les zones de montagne, qui propose pour ces dernières une aide majorée de 10 %.

b) Des politiques nationales insuffisantes

Ces politiques demeurent cependant insuffisantes. En particulier, les moyens financiers de l'ADEME ne lui ont pas permis de tenir ses engagements vis-à-vis des collectivités locales. Le nombre de projets ayant connu une augmentation supérieure aux prévisions, ce qui avait suscité un écart important, pour les années 1999, 2000 et 2001, entre les crédits disponibles (de l'ordre de 400 millions d'euros) et les sommes devant être versées aux collectivités locales (de l'ordre d'1 milliard d'euros), l'ADEME a dû recourir à des moyens supplémentaires, de la part de l'Etat (75 millions d'euros), des départements et des régions (90 millions d'euros par an), et diminuer son taux de subvention.

Il est donc essentiel que l'aide aux collectivités locales de montagne en matière de collecte et de traitement des déchets soit accrue, afin de prendre en compte les difficultés spécifiques auxquelles ces collectivités sont confrontées.

Proposition n° 77. : Renforcer l'aide de l'Etat aux collectivités locales de montagne en matière de collecte et de traitement des déchets.

C. LE CADRE JURIDIQUE NE FAVORISE PAS L'ACTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES DE MONTAGNE

1. La sécurité en montagne

a) La réponse apportée par la loi du 27 janvier 2002 relative à la démocratie de proximité, à la question du financement des secours en montagne

En France, le secours en montagne est assuré par des services publics (gendarmes de haute montagne, membres des Compagnies républicaines de sécurité, sapeurs-pompiers), mais aussi par des bénévoles (guides, volontaires des sociétés de secours en montagne...).

Dès lors que les communes, qui sont responsables de l'organisation des secours sur leur territoire, sont conduites à faire appel à des moyens privés, elles doivent en assumer la charge.

Bien que la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne prévoie la possibilité pour les communes d'exiger des intéressés (ou de leurs ayants droit) le remboursement des frais de secours engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'activités sportives, le décret du 3 mars 1987, pris pour l'application de cette disposition, en avait largement limité la portée. En effet, ce texte n'autorisait les communes à obtenir le remboursement des frais de secours que dans les cas où les accidents étaient consécutifs à la pratique de deux activités sportives : le ski alpin et le ski de fond. La circulaire du 22 septembre 1987, relative au remboursement des frais de secours et qui commentait les dispositions du décret du 3 mars 1987, expliquait : « l'exception au principe de la gratuité des secours (...) est limitée aux accidents liés à la pratique du ski alpin et du ski de fond ; sont ainsi visées toutes les activités pratiquées à ski, y compris le ski de randonnée et le raid nordique ». Par conséquent, les secours privés mobilisés à la suite d'un accident dont avait été victime un alpiniste ou un spéléologue restaient à la charge des communes.

On peut préciser que selon une étude de législation comparée réalisée par le service des affaires européennes du Sénat 92 ( * ) , le secours en montagne est gratuit en Espagne et dans la plupart des cas en Italie, alors qu'il est payant dans les autres pays (Allemagne, Autriche, et Suisse).

Cette situation a justifié le dépôt au Sénat en mars 1999 de la proposition de loi n° 267 93 ( * ) , qui visait à permettre aux communes d'exiger le remboursement des frais de secours qu'elles avaient engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir. Cette proposition de loi, qui touchait toutes les activités de plein air, visait notamment celles qui étaient pratiquées en montagne.

L'article 54 de la loi « démocratie de proximité » 94 ( * ) , introduit par le Sénat en première lecture, reprend le texte de cette proposition de loi. Il prévoit que les communes peuvent exiger des intéressés ou de leurs ayants droit une participation aux frais qu'elles ont engagés à l'occasion d'opérations de secours consécutives à la pratique de toute activité sportive ou de loisir. Il est précisé qu'elles déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue cette participation, qui peut porter sur tout ou partie des dépenses, et que les communes sont tenues d'informer le public des conditions d'application de cette disposition par voie d'affichage.

b) Faut-il modifier le régime de la responsabilité en cas d'accident ?

Depuis une décennie, les mises en examen de responsables politiques (maires) et administratifs (directeurs de service de pistes en particulier) à la suite d'accidents se multiplient.

La sécurité et les secours dans les communes où se pratiquent les sports d'hiver font l'objet de la circulaire n° 78-003 du 4 janvier 1978 du ministre de l'Intérieur. Cette circulaire fait l'objet des réflexions d'un groupe de travail du conseil supérieur des sports de montagne, dont la première réunion s'est tenue le 27 juin 2002.

Selon notamment cette circulaire, il convient de distinguer trois espaces :

- le domaine du ski de montagne (appelé aussi ski de randonnée, ou ski de raid), où on accède généralement avec des peluches (peaux de phoque) et des raquettes, et ne faisant pas partie du domaine de la station ;

- le domaine des pistes balisées, faisant partie de la station et définies par les normes AFNOR NF S52-101 (ski de fond) et NF S52-102 (ski alpin) de juillet 2001 ;

- le domaine « hors-pistes », non balisé mais faisant également partie du domaine de la station, situé entre les pistes ou en bordure de celles-ci, et dont les skieurs redescendent en ski au point de départ des remontées mécaniques.

Le régime de responsabilité varie selon le domaine concerné :

- dans le cas du ski de montagne et du « hors-pistes », le skieur prend en charge sa propre sécurité, et c'est l'Etat qui dirige les opérations de secours ;

- dans celui des pistes balisées, la sécurité et les secours doivent être assurés sous la responsabilité du maire.

Le maire n'est cependant pas déchargé de toute responsabilité dans le cas du ski de montagne et du « hors-pistes ». En effet, les secours venant de la commune sont assurés toutes les fois qu'il n'y a pas impossibilité (danger important pour les secours). En outre, dans le cas du « hors-pistes », les communes doivent prévoir les moyens de secours appropriés, et mettre en garde les skieurs contre les risques éventuels à l'aide de panneaux, d'affiches ou de dépliants.

Compte tenu du flou juridique suscité par la situation actuelle, certains estiment utile 95 ( * ) :

- de reprendre les règles de la circulaire de 1978 relatives au zonage du territoire dans une ou plusieurs normes juridiques opposables aux tiers (loi ou décret) ;

- d'indiquer dans la loi qu'en dehors des pistes de ski alpin et de ski nordique, le ski et les autres loisirs de neige sont placés sous l'entière responsabilité des pratiquants, qui prennent en charge leur propre sécurité.

Le débat relatif à cette seconde proposition paraît devoir être poursuivi. La première proposition semble quant à elle apporter un élément appréciable de sécurité juridique.

Proposition n° 78. : Reprendre les règles de la circulaire de 1978 relatives au zonage du territoire dans une ou plusieurs normes juridiques opposables aux tiers (loi ou décret).

c) Le problème de la viabilité hivernale

Un problème important lié à la sécurité est le coût du déneigement, ou « viabilité hivernale », assuré par les services de l'Equipement et les communes.

Ce coût -déjà élevé compte tenu, notamment, des normes de sécurité relatives aux véhicules- a été récemment accru par la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 en matière de temps de travail et de repos. Ces règles ont été transposées à la fonction publique, en particulier en ce qui concerne les temps de repos, par le décret du 25 avril 2000 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, précisé, notamment, par la circulaire du 21 juillet 2000 du ministre de l'équipement, des transports et du logement relative à l'organisation et à la sécurité du travail en service hivernal.

Les objectifs poursuivis ne sont pas contestables puisqu'il s'agit d'améliorer les conditions de travail des personnes chargées d'assurer le déneigement des routes. Cependant, le droit français a instauré des règles de repos hebdomadaire et journalier plus contraignantes que celles prévues par la norme européenne, et entraîne des risques de rupture de la continuité du service public. A titre d'exemple, le conseil général de la Haute-Savoie a dû recruter, pour respecter la circulaire de juillet 2000, 43 agents temporaires supplémentaires pour l'hiver 2000-2001, ce qui a engendré un surcoût d'environ 4 millions de francs (600.000 euros), alors même que le risque d'une diminution du niveau de service, notamment durant la nuit, a été accru.

Par conséquent, l'application du droit actuel risque d'être préjudiciable à la sécurité des usagers de la route.

Par ailleurs, le désengagement de l'Etat observé dans certains départements doit être compensé par une augmentation équivalente des dotations aux collectivités concernées.

Proposition n° 79. : En ce qui concerne la viabilité hivernale :

- ne pas aller, en matière de temps de repos, au-delà de ce qu'exige l'application de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 ;

- compenser le désengagement de l'Etat observé dans certains départements par une augmentation équivalente des dotations aux collectivités concernées.

2. L'éligibilité au FCTVA des travaux réalisés sur des immobilisations mises à la disposition de tiers

Il est urgent de clarifier les conditions d'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des immobilisations mises à la disposition de tiers. Deux types d'investissement sont particulièrement concernés.

Tout d'abord, les chalets à vocation agricole sont soumis à des obligations de travaux de rénovation et de mise aux normes. Il s'agit d'opérations assez lourdes qui, lorsqu'elles sont exécutées par des collectivités propriétaires du chalet, représentent des engagements financiers importants et difficiles à supporter.

Votre rapporteur a pu constater que dans certains départements, la faculté prévue par la loi de rembourser la TVA aux communes dans le cadre du FCTVA avait été interprétée de façon extrêmement restrictive, les préfets interdisant le remboursement de la TVA alors que le chalet était utilisé pour une activité de production de quantité modeste (en l'occurrence, la fabrication de fromages).

Ensuite, l'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que ces dernières, ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétence à cet effet, peuvent créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications , et les mettre à la disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs par voie conventionnelle.

a) La règle juridique

L'article L.1615-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds.

b) Les dérogations

Des dérogations sont possibles dans deux cas de figure.

Tout d'abord, certaines sont prévues par une circulaire du 23 septembre 1994. Selon cette circulaire, un équipement mis à la disposition d'un tiers non éligible au fonds peut donner lieu à une attribution du FCTVA si l'accès y est ouvert au plus grand nombre. Il est arrivé que dérogation soit interprétée comme concernant, notamment, des mises à disposition destinées à permettre d'assurer un service public : ainsi, la mise à disposition d'un chalet d'alpage remplissant une fonction d'aménagement du territoire peut être considérée comme entrant dans le champ de cette circulaire.

Ensuite, des dérogations sont explicitement prévues par la loi. Ainsi, l'article 69 de la loi de finances pour 2001 a complété l'article L.1615-17 du code général des collectivités territoriales par un alinéa prévoyant que, par dérogation, les communes et les EPCI bénéficient des attributions du FCTVA au titre des dépenses d'investissement « exposées sur leurs immobilisations affectées à l'usage d'alpage ».

c) Une interprétation trop restrictive du droit dans le cas des chalets d'alpage

Selon l'interprétation qui en a été faite par l'administration, l'article L.1615-17 du code général des collectivités territoriales ne concerne pas les chalets d'alpage réalisant une activité de production, qu'elle considère comme soumis au droit commun. Ainsi, en réponse à la demande de la commune de Montriond (Haute-Savoie), sollicitant le bénéfice du FCTVA dans le cadre de la rénovation d'un chalet d'alpage communal, afin d'y aménager un atelier de fabrication fromagère fermière satisfaisant aux normes sanitaires françaises et européennes, le préfet de ce département a indiqué en 2001 au maire de cette collectivité que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 ne pouvait s'appliquer en pareil cas, au motif que la fabrication fromagère serait une activité commerciale faisant obstacle à l'éligibilité au FCTVA. De même, en réponse à une question orale posée à ce sujet par votre rapporteur le 17 octobre 2001, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, a affirmé que l'article 69 de la loi de finances pour 2001 concernait « des dépenses concernant des cabanes de berger, des refuges de haute montagne, etc. », mais pas l'installation précitée.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette interprétation. En particulier, dans les départements alpins, la plupart des alpages communaux comportent sur leur territoire un ou plusieurs bâtiments utilisés par l'exploitant agricole locataire de l'alpage pour abriter son troupeau, vivre auprès de lui et, le plus souvent, y fabriquer des fromages. Sans cette possibilité de fabrication, la plupart des alpages des Alpes du nord seraient voués à l'abandon.

d) Préciser la règle juridique
(1) Dans le cas des infrastructures de télécommunications

La Direction générale des collectivités locales a indiqué à la mission commune d'information qu'elle menait une réflexion dans le cas des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications.

(2) Dans le cas des chalets d'alpage

Dans le cas des chalets d'alpage, il est indispensable que l'administration applique le droit existant, qui, comme on l'a vu, prévoit une dérogation aux règles normales d'éligibilité au FCTVA dans le cas des chalets d'alpage.

Dans ces conditions, une clarification du droit existant, par voie de circulaire, serait la bienvenue. A défaut, une modification législative pourrait être nécessaire 96 ( * ) .

Proposition n° 80. : Préciser, par voie de circulaire, l'éligibilité au FCTVA des investissements réalisés par les collectivités locales sur des immobilisations mises à la disposition de tiers, en particulier :

- dans le cas des télécommunications ;

- dans celui des chalets d'alpage et d'estives utilisés pour la production fromagère (appliquer le droit actuel, qui prévoit que les investissements concernés sont éligibles au FCTVA).

3. Les problèmes liés aux équipements de sports d'hiver

a) La servitude relative à certaines installations de sports d'hiver

L'article 53 de la loi « montagne » prévoit que les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d'une collectivité publique peuvent être grevées au profit de la commune ou du groupement de communes concerné d'une servitude destinée à assurer :

- le passage des pistes de ski ;

- le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques ;

- l'implantation des supports de lignes dont l'emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés ;

- le passage des pistes de montée ;

- les accès nécessaires à l'implantation, l'entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique ;

- les accès aux voies d'alpinisme et d'escalade en zone de montagne.

La servitude est créée par décision motivée du représentant de l'Etat sur proposition du conseil municipal de la commune ou de l'organe délibérant du groupement de communes intéressées, après enquête parcellaire effectuée comme en matière d'expropriation. En cas d'opposition du conseil municipal d'une commune intéressée, elle est créée par décret en Conseil d'Etat.

Au cours des deux dernières décennies, le développement des sports d'hiver a amené les stations à implanter le long des pistes certains équipements destinés à permettre l'entretien et la protection de ces dernières. En particulier, la production de neige de culture rend nécessaire l'installation de divers réseaux (eau, gaz, câbles électriques).

Il ne semble pas que ces équipements puissent être considérés comme assurant « le passage des pistes de ski », au sens de l'article précité de la loi « montagne ». En particulier, l'énumération des travaux contenue dans l'article 53 a été à plusieurs reprises interprétée dans un sens plus restrictif par l'administration.

La loi semble donc devoir être modifiée sur ce point, afin de rendre possible l'imposition d'une servitude en cas d'installation de réseaux destinés à permettre la production de neige de culture. Les propriétaires concernés seraient naturellement consultés 97 ( * ) et indemnisés 98 ( * ) .

Proposition n° 81. : Prévoir l'instauration d'une servitude en cas d'installation de réseaux destinés à permettre la production de neige de culture.

b) Rééquilibrer les relations entre collectivités locales et opérateurs privés
(1) La loi « montagne » prévoit la possibilité de contrats avec les opérateurs touristiques

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit qu'en zone de montagne, la mise en oeuvre des opérations d'aménagement touristique s'effectue sous le contrôle d'une commune, d'un groupement de communes ou d'un syndicat mixte regroupant des collectivités territoriales.

Il précise que, sauf recours à la formule de la régie, cette mise en oeuvre s'effectue dans les conditions suivantes :

- chaque opérateur doit contracter avec la commune ou le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent ;

- chacun des contrats porte sur l'un ou plusieurs des objets constitutifs de l'opération touristique : études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des équipements collectifs, construction et exploitation du réseau de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation et promotion.

La loi « montagne » prévoyait la conclusion de ces conventions dans un délai de quatre années. La loi n°88-102 du 30 décembre 1988, dans son article 64, a prolongé ce délai de 10 ans. Ainsi, toutes les conventions devaient être signées au 11 janvier 1999, ce qui a presque toujours été le cas.

(2) Une possibilité trop peu utilisée, à cause de relations déséquilibrées

Selon les informations recueillies par la mission commune d'information, il semble que cette possibilité ne soit guère utilisée qu'en matière de remontées mécaniques.

Ce phénomène s'explique en partie par le fait que les collectivités supports de station de montagne ont parfois des difficultés à élaborer leur cahier des charges et à analyser les offres. En particulier, la relation des petites collectivités avec les opérateurs est souvent déséquilibrée. Selon les termes utilisés devant la mission commune d'information par Mme Josette Brossolin, directrice régionale de Dexia Crédit Local, « les exploitants ont un pouvoir très important sur les collectivités et disposent de moyens humains et juridiques que les collectivités n'ont pas ».

Dans ces conditions, il pourrait être utile d'assister davantage les collectivités de montagne dans leurs relations avec les opérateurs. On pourrait en particulier envisager le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

Proposition n° 82. : Conforter les moyens techniques des collectivités locales et des opérateurs privés, par le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

(3) L'application conjointe des lois « montagne » et « Sapin » dans le cas des conventions de délégation de service public de remontées mécaniques

L'application conjointe de l'article 42 de la loi « montagne » et de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », suscite certaines difficultés au sujet des contrats de délégation de service public de remontée mécanique.

La mission commune d'information a demandé à M. Edouard Lacroix, avocat à la Cour, de réaliser une étude sur ce thème 99 ( * ) , dont s'inspirent largement les développements qui suivent.

(a) La loi « montagne » fixe à ces conventions une durée maximale de 18 ou 30  ans, source d'insécurité juridique

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit actuellement que la durée des contrats ne peut excéder 18 ans que si elle est justifiée par la durée d'amortissement technique ou lorsque le contrat porte sur des équipements échelonnés dans le temps et ne peut, en aucun cas, être supérieure à 30 ans.

Cette disposition suscite une certaine insécurité juridique.

Tout d'abord, les conditions dans lesquelles doivent s'achever ces contrats sont incertaines, bien que l'article précité stipule que « les contrats (...) prévoient à peine de nullité les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».

Ensuite, la détermination de la durée maximale à prendre en considération (18 ou 30 ans) est source d'incertitudes. On peut en particulier s'interroger sur la légalité de certains avenants d'extension ou de prorogation de contrats. En effet, si les conventions et leurs avenants n'ont pas suscité à ce jour de contentieux significatif, les interprétations du droit effectuées dans le cadre du contrôle de légalité des préfectures relatif aux avenants ont pu varier d'un département à l'autre. En particulier, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble incertaine, bien que le Conseil ait considéré, dans un avis du 2 septembre 1986, « qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la durée maximale de dix-huit ans, ou le cas échéant de trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette prorogation ». Ainsi, certains opérateurs ne sont pas incités à envisager un investissement dans les quinze ou dix dernières années de leur convention.

Il faut souligner que ces contraintes en matière de délais ne proviennent pas de la loi « Sapin ». La loi « Sapin » prévoit en effet que, selon le droit commun, une délégation de service public peut être prolongée lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette prolongation n'est pas assortie de délais.

(b) La loi « Sapin » oblige à un appel à la concurrence pour le renouvellement des contrats

Les fins des contrats de délégation de service public de remontée mécanique constituent une échéance d'autant plus importante que la loi « Sapin » oblige les collectivités territoriales à effectuer un appel à la concurrence pour désigner le nouveau cocontractant, ou pour trouver une succession à la régie.

Les services de remontée mécanique sont en effet des services publics (Conseil d'Etat, Commune d'Huez, 23 janvier 1959), soumis à ce titre à la loi « Sapin ».

La législation actuelle peut donc conduire certaines collectivités locales à changer de partenaires contre leur gré, après des années de collaboration, et, pour un grand nombre de stations, des années de succès de leur politique d'aménagement touristique de la montagne et de développement économique.

(c) Aménager la durée des contrats

Dans ces conditions, il peut sembler souhaitable de modifier l'article 42 de la loi « montagne », en supprimant, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans. Ce serait alors le droit commun, défini par la loi « Sapin », qui s'appliquerait.

Proposition n° 83. : Supprimer, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans, afin que le droit commun, défini par la loi « Sapin », s'applique (possibilité de prolonger une délégation de service public afin de permettre l'amortissement d'investissements matériels nécessaires et non prévus au contrat initial).

4. Le problème des sections communales

Un problème important pour certaines communes (en particulier dans le Massif central) est celui des sections communales.

a) Qu'est-ce qu'une section communale ?

Selon l'article L.2411-1 du code général des collectivités territoriales, constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. La section de commune a la personnalité juridique, et le juge a précisé qu'il s'agissait d'un établissement public.

En pratique, une section de commune n'est pas créée par décision de l'autorité publique, mais existe dès qu'est constatée l'existence d'un patrimoine collectif appartenant aux habitants d'une fraction de la commune. Cependant, les habitants d'une section, d'un hameau ou d'un quartier ne peuvent pas décider de créer une section : s'ils achètent en commun des biens, même en déclarant agir au nom de cette communauté, ils en deviennent propriétaires indivis mais aucune section n'existe de ce fait. Ainsi, l'existence d'une section communale provient des usages locaux.

Une section est gérée par une commission syndicale dont les membres sont élus parmi les personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement.

Les sections peuvent devenir propriété de la commune. En effet, l'article L. 2411-11 du code général des collectivités territoriales prévoit que le transfert à la commune de tout ou partie des biens, droits et obligations d'une section est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande conjointe du conseil municipal et de la commission syndicale se prononçant à la majorité des deux tiers de ses membres (ou, si la commission syndicale n'a pas été constituée, sur demande conjointe du conseil municipal et des deux tiers des électeurs de la section).

Les ayants droit qui en font la demande reçoivent une indemnité, à la charge de la commune, dont le calcul tient compte notamment des avantages reçus durant les années précédant la décision de transfert et des frais de remise en état des biens transférés.

b) La situation actuelle

Selon certaines estimations, il y avait en France 26.800 sections de communes en 1999, douze départements en comptant chacun plus de mille (Aveyron, Cantal, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Loire, Haute-Loire, Lot, Lozère, Puy de Dôme, Tarn, Haute-Vienne).

La gestion des biens de section pose des problèmes importants dans certains départements, comme le Cantal. En particulier, peu de sections mettent en place les sections syndicales chargées de les gérer, ce qui entraîne de fait la gestion de ces biens par les élus municipaux.

c) Propositions de réforme

Le régime actuel des sections communales doit être révisé. Une mission d'étude et de réflexion sur l'évolution souhaitable à court ou moyen terme des sections de communes, confiée à l'inspection générale de l'administration et présidée par M. Jean-Pierre Lemoine, a été mise en place par le précédent gouvernement.

Dans l'attente des conclusions de cette mission, on peut d'ores et déjà envisager un certain nombre de réformes 100 ( * ) :

- associer aux décisions les seules personnes effectivement concernées par la vie de la section (et non la totalité des électeurs) ;

- permettre une délimitation claire et définitive du territoire de la section, par une autorité désignée comme compétente (au lieu de la référence actuelle aux anciens usages et à l'initiative de la partie la plus diligente) ;

- faciliter la gestion des sections dont le territoire s'étend sur plusieurs communes, par l'élaboration de règles précises en ce qui concerne les modalités de cessation de l'indivision ;

- clarifier les compétences respectives du conseil municipal et de la section syndicale (qui gèrent actuellement conjointement les biens sectionnaux, le préfet tranchant en cas de désaccord) ;

- permettre une utilisation plus rationnelle des revenus, en prévoyant notamment leur réinvestissement à des fins collectives ;

- inventorier les biens de section (actuellement il n'est parfois pas possible de savoir qui les exploite, en vertu de quel titre et dans quelles conditions) ;

- s'interroger sur le suivi juridique des usages locaux au niveau des départements, auxquels il est de plus en plus difficile de faire référence à cause de la diminution de la population (dans l'Aveyron, la dernière édition des recueils d'usages locaux remonte à plus d'un siècle).

On pourrait en outre envisager la disparition progressive des sections n'ayant plus aucune vitalité, c'est-à-dire leur communalisation. Celle-ci ne constitue pas une remise en cause des droits acquis, mais seulement une modification du mode de gestion. Une commune peut en effet gérer ces biens tout en en laissant les avantages (produits) aux habitants d'un village.

Tout d'abord, il n'est pas précisé si l'indemnisation des ayant-droit en cas de communalisation de la section concerne la privation de l'usage ou la perte de propriété. Si elle devait concerner à la fois l'une et l'autre, la communalisation deviendrait, de fait, impossible. On pourrait comparer cette situation à celle que rencontre une commune qui acquiert par expropriation un terrain sur lequel se trouve un fermier : le fermier se voit indemnisé pour l'usage et le propriétaire pour le sol. La section (donc la commune après la disparition de celle-ci) pourrait recevoir le prix du sol, et les ayant-droit l'indemnité correspondant à la perte du droit d'usage.

Ensuite, il serait envisageable de prévoir le transfert automatique de la section à la commune en dessous d'un seuil de population et / ou de revenu, ou si elle regroupe exclusivement des résidents extérieurs qui ne sont plus concernés par le fonctionnement des biens de section.

Proposition n° 84. : Adapter le régime des sections communales, afin notamment de favoriser leur « communalisation ».

5. Les participations pour voie nouvelle et réseaux (PVNR)

L'article 46 de la loi n° 2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, modifiant l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, a profondément réformé le régime des participations destinées au financement des voies et réseaux d'infrastructure immédiatement rendus nécessaires par le développement ou par des opérations de réaménagement urbains. Désormais, la commune peut instituer une participation non seulement du premier propriétaire concerné, mais aussi des bénéficiaires de raccordements ultérieurs.

Cependant, les communes sont dans l'impossibilité d'instituer une participation pour une extension de réseau si celle-ci n'est pas accompagnée de création d'une voie ou d'une extension d'une voie existante. En effet, l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme prévoit que le conseil municipal peut instituer une participation pour le financement de « tout ou partie des voies nouvelles et des réseaux réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions ».

Il serait donc souhaitable de rendre alternatifs les critères de l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme. Notre collègue Daniel Goulet a récemment déposé une proposition de loi en ce sens 101 ( * ) .

Proposition n° 85. : Modifier l'article L.332-11-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre aux communes d'instituer une participation pour une extension de réseau, même non accompagnée de la création d'une voie ou d'une extension d'une voie existante.

6. L'énergie réservée

Selon l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919, relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, le concessionnaire d'une chute d'eau peut être tenu de réserver une partie de l'énergie produite au profit de certains consommateurs. La loi « montagne » a confié aux conseils généraux le soin de choisir les bénéficiaires, qui peuvent être des personnes publiques mais aussi des entreprises industrielles ou artisanales 102 ( * ) .

Ce dispositif s'est traduit concrètement par l'application d'un rabais par EDF sur le tarif de vente intégré de l'énergie, c'est-à-dire incluant :

- la fourniture ;

- la distribution.

L'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité conduit à des difficultés pratiques pour la valorisation de l'énergie réservée. En effet, elle concerne la seule fourniture d'électricité. Dès lors, il n'est plus possible de fixer un tarif intégrant la fourniture et la distribution.

Il semble donc nécessaire de remplacer le rabais appliqué par EDF par un rabais appliqué par le concessionnaire de la chute d'eau directement au bénéficiaire. La différence entre la facturation au prix réduit et celle au prix moyen de marché correspondrait approximativement au montant de l'avantage financier actuel. Le coût de l'acheminement serait par ailleurs acquitté normalement par le consommateur attributaire de l'énergie réservée au gestionnaire du réseau public, selon le tarif d'utilisation des réseaux.

Ces éléments sont synthétisés par le schéma ci-après.

L'énergie réservée

SITUATION AVANT OUVERTURE A LA CONCURRENCE

EDF distribue

Vente (si le concessionnaire est distinct d'EDF)

EDF facture l'électricité au client avec un rabais, sur un tarif comprenant :

- la distribution ;

- la production.

Le concessionnaire produit

SITUATION APRES OUVERTURE A LA CONCURRENCE

SOLUTION PROPOSEE

Le gestionnaire du réseau public distribue

Tarif de distribution

Tarif normal

Le concessionnaire produit

Tarif de fourniture

Fourniture à un prix réduit

Proposition n° 86. : Adapter le régime de l'énergie réservée à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité.

IV. AFFIRMER L'IMPORTANCE DES MASSIFS EN TERME D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La nécessité de mieux prendre en compte les spécificités de la montagne dans la politique d'aménagement du territoire est reconnue de longue date, depuis notamment les rapports de nos collègues Jean Brocard, député de Haute-Savoie (1975) 103 ( * ) , et Louis Besson, député de Savoie (1981) 104 ( * ) .

Ainsi, la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire prévoit, dans son article 2, que l'un des quatre « choix stratégiques » de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire est « le soutien des territoires en difficulté », ce qui comprend notamment « les territoires ruraux en déclin » et « certains territoires de montagne ».

A. L'IMPOSSIBILITÉ DE DÉTERMINER LE MONTANT GLOBAL DES CONCOURS PUBLICS DONT BÉNÉFICIE LA MONTAGNE AU TITRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Les chiffres disponibles ne permettent pas de déterminer le montant des concours publics en faveur de la montagne. Il est à plus forte raison impossible de déterminer si ce montant a diminué ou augmenté depuis 1985, ou si leur part dans les investissements totaux d'aménagement du territoire est inférieure ou supérieure à la part de la superficie des zones de montagne par rapport à celle du territoire national (de l'ordre de 30 %) 105 ( * ) .

En particulier, le rapport précité du Commissariat général du Plan et du Conseil national de l'évaluation sur la politique de la montagne 106 ( * ) ne fournit pas de chiffres satisfaisants à cet égard.

1. La part des fonds alloués à la politique des massifs dans les crédits totaux d'investissement de la DATAR est stabilisée

La part des fonds dédiés à la montagne dans les crédits totaux d'investissement de la DATAR, de l'ordre de 1,5 %, est stable depuis la création du FNADT en 1995.

Ce taux était jusqu'alors en diminution. Ainsi, le rapport d'évaluation de la politique de la montagne (1999), qui s'appuyait sur des données datant de 1996, estimait que la tendance était à une prise en compte de la montagne de plus en plus faible. Cette situation est indiquée par le graphique ci-après.

Crédits du FIAM

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation,1999.

La disparition du FIAM a été suivie d'une augmentation, puis d'une stabilisation de la part des crédits spécifiques à la montagne dans les crédits de la DATAR. Ainsi, la « politique des massifs » correspond à environ 1,6 % des crédits totaux du FNADT, comme l'indique le graphique ci-après.

Crédits du FNADT alloués à la politique des massifs

Source : DATAR, rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT.

Ainsi, si en 1999 le renforcement de la politique de massif, affirmé par la loi du 25 juin 1999, s'est traduit par un doublement des crédits du FNADT relatifs à l'auto-développement en montagne, en l'an 2000 la part de ces crédits dans la totalité des crédits du FNADT est revenue à sa moyenne annuelle, du fait de l'augmentation des autres crédits du FNADT.

2. L'impossibilité d'estimer la part des crédits totaux alloués à la montagne

Il semble en revanche difficile d'évaluer la part des crédits totaux alloués à la montagne.

a) Les insuffisances du rapport d'évaluation de la politique de la montagne

Le rapport d'évaluation de la politique de la montagne se contente d'effectuer quatre « sondages » relatifs à la seule rénovation rurale , dont le dernier (relatif à l'année 1995) ne comporte pas d'éléments chiffrés. Ces sondages suggèrent une tendance à l'augmentation de 1971 à 1985, comme l'indique le graphique ci-après.

Estimation des concours publics de rénovation rurale en faveur de la montagne, selon le rapport d'évaluation de la politique de la montagne (1999)

En millions d'euros de l'année 2001

Source : Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

b) Les principaux dispositifs

Les informations disponibles au sujet des principaux dispositifs contractuels ne permettent pas d'effectuer une description satisfaisante de la situation actuelle.

De manière très indicative , on peut évaluer à 9 milliards d'euros l'ordre de grandeur des crédits publics en faveur de la montagne prévus pour la période 2000-2006.

Crédits en faveur de la montagne prévus dans le cadre des principaux dispositifs en faveur de la montagne (France métropolitaine)

2000-2006

En millions d'euros

Sources et modalités de calcul :

(1) Selon l'hypothèse d'un montant de 400 millions d'euros par an (dont la moitié financés par l'Union européenne).

(2) Selon l'hypothèse d'une répartition homogène sur l'ensemble du territoire.

(3)Totalité des CPER des régions concernées pour le Massif central (Auvergne et Limousin), volets montagne des régions concernées pour les Alpes, le Jura et les Pyrénées (les Vosges et la Corse ne sont pas pris en compte). Source : données fournies par la DATAR.

(4) Source : DATAR.

(5) Source : lois de finances initiales.

Même si l'on prend en compte le fait que les chiffres relatifs aux CPER sont probablement sous-estimés (les sommes dont bénéficie la montagne pouvant dépasser le seul volet montagne), il semble que les fonds structurels communautaires représentent environ la moitié des crédits disponibles pour la politique de la montagne (plus de 5 milliards d'euros sur 9 milliards en 2000-2006). D'où l'enjeu stratégique que représente la réforme des fonds structurels au-delà de 2006 pour les zones de montagne.

Il convient cependant de souligner que la situation est peut-être sensiblement différente en ce qui concerne les crédits effectivement dépensés , comme le suggère le graphique ci-après, relatif aux crédits engagés en 2001.

Crédits engagés dans le cadre des principaux dispositifs d'aménagement du territoire en 2001 (France métropolitaine)

En millions d'euros (échelle logarithmique)

(1) Le Massif central n'est pas pris en compte.

Sources :

(a) Cf. graphique précédent.

(b) DATAR.

Ainsi, en 2001, les engagements de crédits des principaux dispositifs d'aménagement du territoire (c'est-à-dire hors ICHN) ont été vingt fois inférieurs à la moyenne annuelle correspondant aux crédits programmés pour la période 2000-2006. En particulier, les fonds structurels européens n'ont pas joué de rôle significatif , avec un chiffre mille fois plus faible que les estimations avancées par la Commission européennes (moins de 600.000 euros, contre environ 500 millions d'euros selon la Commission). En définitive, seuls les crédits de la PAT ont été engagés à un taux satisfaisant (de l'ordre de 100 %), de sorte qu' en 2001 la PAT a représenté la quasi-totalité des engagements de crédits d'aménagement du territoire destinés à la montagne.

(1) Les CPER

Les chiffres transmis à la mission commune d'information par la DATAR ne permettent pas d'évaluer la part des crédits des CPER consacrée à la politique de la montagne.

Interrogée à ce sujet par la mission commune d'information, la DATAR a répondu que « toutes les régions de massif disposent au sein de leur CPER d'un volet montagne ou considèrent lorsqu'elles sont entièrement incluses dans un massif que l'ensemble du programme peut être mobilisé par le massif (Auvergne et Limousin) ».

Cette approche ne permet pas d'obtenir des chiffres satisfaisants.

Tout d'abord, le volet montagne, dans les différents CPER, ne regroupe pas l'ensemble des dépenses dont bénéficient les zones de montagne, mais les dépenses qui, de par leur nature, leur sont spécifiques. Ainsi, les informations fournies par la DATAR ne permettent pas de comparer les crédits dont bénéficie le Massif central (de l'ordre de 1.500 millions d'euros en 2000-2006, dont 1.000 dans le cadre du CPER de l'Auvergne et 500 dans celui du Limousin) à ceux dont bénéficient les autres massifs (si l'on prend en compte les seuls volets « montagne », quelques dizaines de millions d'euros pour les Alpes, le Jura ou les Pyrénées).

Ensuite, la DATAR ne fournit aucune information relative aux Vosges et à la Corse.

Par ailleurs, les chiffres relatifs à certains CPER (PACA, Midi-Pyrénées pour le soutien aux politiques sectorielles des zones de montagne) ne ventilent pas les crédits entre les différents massifs concernés. Les données transmises par la DATAR au sujet des volets « montagne » des CPER sont synthétisées par le graphique ci-après.

Volet « montagne » des CPER : répartition pour trois massifs selon la DATAR (2000-2006)

En millions d'euros

(*) Ces chiffres comprennent des subventions destinées au Massif central (non individualisées).

Source : DATAR.

(2) Les conventions interrégionales de massif

Les chiffres disponibles relatifs aux conventions interrégionales de massif semblent plus satisfaisants.

Le montant total des crédits est de 606 millions d'euros pour la période 2000-2006 (333,5 sans prendre en compte les grands travaux), comme l'indique le graphique ci-après.

Conventions interrégionales de massif 2000-2006

En millions d'euros

Source : DATAR.

Les conventions interrégionales de massif constituent donc un complément appréciable des CPER.

Les conventions interrégionales de massif

1. Les politiques interrégionales de massif

La loi n° 95-115 du 4 février 1995, dite « loi Pasqua », prévoit que « les massifs de montagne s'étendant sur plusieurs régions font l'objet de politiques interrégionales ».

Elle précise que « ces politiques peuvent prendre la forme d'un schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif », « élaboré et approuvé conjointement par les conseils régionaux », au sujet duquel le comité de massif joue un rôle consultatif.

Les politiques interrégionales de massif s'inscrivent dans les orientations définies par la loi « montagne » ainsi que par les schémas de services collectifs.

2. Les conventions interrégionales de massif

Cette politique interrégionale a pris la forme des conventions interrégionales de massif , conclues entre l'Etat et les conseils régionaux concernés.

Lors du Conseil national de la Montagne du 19 mars 1999, le Premier ministre a confié aux préfets coordonnateurs de massif l'élaboration des conventions interrégionales de massif.

Cinq conventions interrégionales de massif ont été conclues en 2000 entre l'Etat et les conseils régionaux (Alpes, Massif central, Pyrénées, Jura, Vosges).

Les programmes portent généralement sur :

- les politiques environnementales propres au massif (connaissance géographique, valorisation des sites remarquables, gestion de l'eau...) ;

- les politiques touristiques (réhabilitation de l'accueil, soutien à la randonnée, diversification de l'offre) ;

- les politiques agricoles (aides à une production diversifiée et de qualité, à l'agriculture biologique, aux programmes pastoraux...) ;

- la gestion des forêts (exploitation durable et mobilisation du bois) ;

- la prévention des risques naturels ;

- le soutien à l'artisanat et aux entreprises ;

- la formation ;

- la communication autour du massif.

(3) Les fonds structurels communautaires

Les fonds structurels communautaires constituent un élément essentiel des financements publics en faveur de la montagne.

(a) Présentation générale

Selon les informations obtenues par la mission commune d'information auprès de la Commission européenne, il n'existe de définition communautaire de la montagne ni au titre de la politique régionale, ni au titre d'aucune autre politique communautaire. Ainsi, jusqu'en 2006, les critères d'éligibilité aux fonds structurels porteront seulement sur le retard de développement.

Dans l'ensemble de l'Union européenne, 85 % de la superficie des zones de montagne est éligible aux objectifs 1 ou 2 (hors zones en phase de sortie du dispositif), comme l'indique le tableau ci-après.

ZONES DE MONTAGNE ET ZONES ARCTIQUES : SUPERFICIE ÉLIGIBLE
AUX OBJECTIFS 1 ET 2, 2000-2006

Objectif

% du total des zones de montagne

Objectif 1

61,5

Sortie progressive de l'objectif 1 ou programme spécial

3,1

Objectif 2

24,7

Sortie progressive de l'objectif 2

5,8

Non éligible

4,9

Total zones de montagne

100

Zones de montagne en % de la superficie totale de l'Union européenne

38,8

Source : Commission européenne, deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale, 2001.

(b) Le cas de la France

La mission commune d'information n'a pas pu obtenir auprès de la Commission européenne un chiffrage précis des crédits de la politique régionale alloués à la montagne française. Cependant, certains ordres de grandeur lui ont été indiqués.

Environ 75 % des zones de montagne françaises seraient éligibles aux objectifs 1 ou 2, mais les massifs métropolitains relèvent de l'objectif 2, la Réunion étant le seul territoire à bénéficier de l'objectif 1.

Les financements des fonds structurels à destination de la montagne seraient de l'ordre de 4 milliards d'euros pour la période 2000-2006. En effet, en France les crédits alloués aux fonds structurels s'élèvent à 17,5 milliards d'euros. Si l'on suppose que les subventions sont réparties en fonction de la superficie, et que la montagne représente 25 % du territoire français (hypothèses retenues par la Commission devant la mission commune d'information), celles allouées aux zones de montagne correspondraient à environ un quart de cette somme.

(4) La prime d'aménagement du territoire (PAT)

Enfin, il convient de prendre en considération l'aide aux entreprises que constitue la prime d'aménagement du territoire (PAT).

Les montants de la PAT inscrits en loi de finances pour la période 1996-2002 ont été de l'ordre de 300 millions d'euros. Si l'on suppose que cette prime est également répartie sur l'ensemble du territoire, et que les zones de montagne représentent 30 % du territoire national, la PAT totale allouée aux zones de montagne aurait été de l'ordre de 100 millions d'euros sur la période 1996-2002, soit 14 millions d'euros par an.

Les crédits engagés en 2001 dans les différents massifs au titre de la PAT se sont d'ailleurs élevés, selon la DATAR, à 14 millions d'euros. Ainsi, la PAT présenterait, par rapport aux autres dispositifs en faveur de la montagne, l'avantage d'avoir un taux d'engagement de l'ordre de 100 % des crédits disponibles.

Cette estimation globale ne doit pas dissimuler le fait que la carte PAT présente de graves incohérences, dont pâtissent certaines zones de montagne.

(a) Les aides d'Etat sont généralement interdites dans le cadre de l'Union européenne

Les aides publiques versées aux entreprises sont soumises à la réglementation européenne en matière de concurrence, issue des articles 92 et 93 du Traité instituant le Communauté européenne (TCE), qui interdisent les aides faussant la concurrence au sein du Marché commun, dénommées « aides d'Etat ». Cette réglementation n'a cessé de se développer ces dernières années et fait l'objet d'un contrôle toujours plus strict de la Commission européenne.

Le pouvoir d'appréciation sur les projets d'aides notifiés par les Etats appartient exclusivement à la Commission européenne sous le contrôle du juge communautaire.

Des dérogations, pour la plupart prévues dans le Traité, peuvent atténuer cette interdiction. Tel est le cas, à certaines conditions, des mesures destinées à aider le développement économique des régions en difficulté.

(b) Il existe une dérogation dans le cas des aides à finalité régionale

Les aides d'Etat à finalité régionale 107 ( * ) ne peuvent être autorisées que dans certaines zones (dénommées par référence aux dispositions du traité CE qui leur servent de base juridique) :

- les zones 87.3.a (régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire) ;

- les zones 87.3.c (zones définies par les Etats parmi des critères choisis parmi une liste de cinq).

Il convient de souligner que dans chaque cas, l'éligibilité est déterminée en fonction du retard de développement. Ainsi, la Commission ne fait pas de différence entre deux régions connaissant le même retard de développement, l'une connaissant un handicap géographique, l'autre pas.

Les seules exceptions concernent les régions ultrapériphériques (article 299.2 du traité CE et lignes directrices concernant les aides d'Etat à finalité régionale) et les îles (article 158 du traité CE et déclaration n° 30 du traité d'Amsterdam relative aux régions insulaires).

(c) La France a déterminé elle-même le zonage PAT

Les Etats ont eux-mêmes déterminé leur zonage 87.3.c, dans le respect de certaines règles fixées au niveau communautaire.

Un plafond de population a été déterminé pour chaque Etat au niveau communautaire, en fonction d'un pourcentage global pour l'Union européenne, réparti en fonction de divers critères (dont le PIB par habitant, le taux de chômage et les inégalités entre régions). Dans le cas de la France, ce plafond est de 36,7 % de la population.

Les Etats ont ensuite eux-mêmes établi le zonage 87.3.c. sur leur territoire.

Ils ont pour cela utilisé divers critères, parmi une liste de cinq établie au niveau communautaire. La France n'a retenu que quatre de ces critères (cf. tableau ci-après).

Par ailleurs, afin d'éviter un « mitage » du territoire n'incluant dans le zonage que les zones potentielles d'implantation d'entreprises, les Etats avaient l'obligation de prendre comme échelon du zonage une entité unique. La France a retenu celle du bassin d'emploi.

Enfin, les Etats avaient la possibilité d'inclure dans le zonage 87.3.c. les zones éligibles à l'objectif 2.

(d) Le zonage actuel des aides d'Etat en France

En France, la nouvelle carte des zones PAT n'est entrée en vigueur qu'au mois d'avril 2001 108 ( * ) .

Le zonage se répartit de la manière indiquée par le tableau ci-après.

LE ZONAGE DES AIDES D'ETAT EN FRANCE

Zones

Critère

Part de la population

Régime

Article du traité CE concerné

Taux de subvention autorisé (en % de l'investissement (1) (2))

Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion

PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire

2,8 %

« aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi »

Article 87 paragraphe 3, point a), du traité CE.

65 %

169 zones d'emplois

- revenu net imposable moyen par foyer fiscal ;

- taux de chômage ;

- poids relatif de secteurs industriels potentiellement en crise ;

- importance des suppressions d'emplois par rapport à la population.

32,3 %

« aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun »

Article 87 paragraphe 3, point c du traité CE.

20 % à l'exception de :

- 15 % pour les zones d'emploi ou parties de zones d'emplois qui bénéficiaient jusqu'en 1999 de plafonds d'intensité égaux à 17% ESN ;

- 10% pour les zones en Alsace et dans le Doubs (Franche-Comté).

14 zones d'emploi

Zones bénéficiaires de l'objectif 2 des fonds structurels.

1,6 %

(1) L'investissement est défini par la notion d' « équivalent subvention net » (ESN). L'ESN indique l'intensité nette de la subvention, c'est-à-dire l'avantage final que l'entreprise est censée retirer de l'aide. Il est calculé par la commission selon des modalités explicitées dans ses Lignes directrices concernant les aides d'Etat à finalité régionales (98/C 74/06).

Selon d'autres modalités de calcul, ces taux sont de 11,5 %, 17 % et 23 %.

(2) Pour les PME, ces intensités sont augmentées de 10 points de pourcentage bruts.

(e) Certaines zones de montagne auraient dû être prises en compte

La montagne n'est que partiellement prise en compte par ce zonage.

Ainsi, si la Corse et les Pyrénées sont entièrement éligibles, tel n'est pas le cas de certaines régions du Massif central (région de Clermont-Ferrand, majeure partie de l'Aveyron, Lozère en particulier), d'une partie des Vosges, et de la quasi-totalité des Alpes et du Jura.

Pourtant, la France aurait pu inclure davantage de zones de montagne dans cette carte, dans la mesure où le plafond de la population habitant dans les zones concernées (36,7 %) n'aurait pas été dépassé.

En particulier, les Etats avaient la possibilité d'inclure dans le zonage 87.3.c. les zones éligibles à l'objectif 2. Ainsi, rien n'empêchait la France d'inclure dans la carte PAT, par exemple, la Lozère, éligible à cet objectif.

Selon les informations fournies par la DATAR, « la Commission n'est pas opposée au principe de la révision d'ici 2006 de ce zonage », à condition que le plafond de population ne soit pas dépassé. La DATAR estime cette dernière difficulté insurmontable.

En l'absence de révision de ce zonage, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ne bénéficiant pas de la PAT devraient bénéficier d'un régime particulier destiné à leur assurer un niveau d'aide analogue à celui de la PAT. Ce régime devrait bien entendu respecter les règles communautaires en matière d'aides d'Etat.

Proposition n° 87. :

- Etudier la possibilité d'une révision de la carte PAT, afin de mieux prendre en compte les zones de montagne ;

- A défaut, instaurer, en faveur des zones de revitalisation rurale ne bénéficiant pas de la PAT, un régime particulier destiné à leur assurer un niveau d'aide analogue à celui de la PAT.

3. Propositions visant à améliorer la lisibilité et la coordination des concours financiers

a) Regrouper l'ensemble des crédits du FNADT en faveur de la montagne dans un fonds spécialisé ?
(1) La fusion des fonds spécifiques au sein du FNADT

La montagne a bénéficié, jusqu'à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, de plusieurs fonds, soit partiellement -fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire (FIAT) ; pour les zones rurales, fonds de rénovation rurale (FRR) de 1971 à 1979, puis fonds interministériel de développement et d'aménagement rural (FIDAR)-, soit totalement -fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne (FIAM)-.

L'article 33 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a fusionné notamment ces trois fonds, au sein du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT).

Cette fusion a donc entraîné en particulier la disparition du fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne (FIAM), créé par la loi « montagne » 109 ( * ) .

(2) Une reconnaissance insuffisante des spécificités montagnardes par le FNADT ?

Les spécificités de la montagne identifiées dans le cadre du FNADT sont peu nombreuses.

L'article 7 de la loi « montagne » fait néanmoins obligation au préfet de massif, dans le cas des crédits à gestion déconcentrée (de l'ordre de 15 % des crédits du FNADT), d'informer le comité de massif , au moyen d'un rapport annuel , des décisions d'attribution des crédits correspondant à des projets situés en zone de montagne.

Le décret du 19 septembre 2000 relatif au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire 110 ( * ) prévoit que le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne (ou son représentant) assiste aux débats du CNADT , sans voix délibérative.

Les autres spécificités reconnues à la montagne le sont par la circulaire du 9 novembre 2000 du Premier ministre.

Dans le cas de la section générale (de l'ordre de 50 % des crédits du FNADT, une fois la décision d'attribution prise par le Premier ministre), si l'opération envisagée s'inscrit dans le cadre de la politique des massifs, la personne compétente pour la proposition et la coordination opérationnelle est le commissaire de massif, sous l'autorité du préfet coordonnateur (alors qu'en général la proposition est faite par le préfet, et les opérations gérées par la DATAR, du moins en principe 111 ( * ) ).

Pour les deux sections -générale et locale-, l'interdiction des aides directes aux entreprises peut faire l'objet d' exceptions dans le cadre d'actions relatives « au tourisme, au commerce et à l'artisanat dans les (...) zones de montagne ».

Le FNADT est soumis à des règles particulières en montagne corse

La loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse prévoit que les crédits relatifs à la montagne inscrits à la section locale du FNADT font l'objet, dans les conditions déterminées par la loi de finances, d'une subvention globale à la collectivité territoriale de Corse.

Cette subvention est répartie par l'Assemblée de Corse, sur proposition du conseil exécutif et après avis du représentant de l'Etat, entre les différents projets à réaliser en zone de montagne.

Le comité de massif en est informé au moyen d'un rapport annuel établi par le président du conseil exécutif.

(3) Recréer un fonds spécialisé ?

Dans ces conditions, la création d'un nouveau fonds d'aménagement du territoire spécifique à la montagne peut sembler souhaitable.

Telle était la recommandation du rapport d'évaluation de la politique de la montagne. Selon ce rapport, « les résultats obtenus au moyen du FIAM (...) plaident pour son individualisation claire au sein du FNADT, voire pour sa refondation au niveau national ».

On pourrait envisager que ce fonds regroupe l'ensemble des crédits en faveur de la montagne actuellement versés dans le cadre du FNADT. Ainsi, la lisibilité des subventions accordées par l'Etat aux zones de montagne serait améliorée.

Proposition n° 88. : Envisager le regroupement dans un fonds spécialisé de l'ensemble des crédits du FNADT en faveur des massifs.

b) Inscrire dans la loi la nécessité d'un recensement exhaustif des concours publics en faveur des zones de montagne

On pourrait également proposer de créer un « jaune » budgétaire, obligeant les services de l'État à effectuer annuellement une évaluation, aussi exhaustive que possible, des différents concours publics en faveur des massifs. En particulier, ce « jaune » devrait distinguer les crédits ouverts et les crédits effectivement dépensés.

Tant que ces concours publics resteront mal connus, il sera impossible de déterminer leur évolution, leur part dans les crédits totaux d'aménagement du territoire et, à plus forte raison, l'efficacité de ces crédits.

Proposition n° 89. : Créer un « jaune » budgétaire évaluant les différents concours publics en faveur des massifs (crédits disponibles et crédits effectivement dépensés).

c) Améliorer la coordination des concours financiers

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 prévoit que le CPER « tient compte des orientations retenues (...), le cas échéant, par (...) le schéma interrégional de massif ».

Pourtant, CPER et conventions interrégionales de massif semblent parfois mal coordonnées.

Dans ces conditions, on peut se demander s'il ne serait pas souhaitable, à l'occasion de la révision des CPER, d'assurer une meilleure compatibilité de ceux-ci avec les conventions interrégionales de massif. On pourrait également envisager de modifier la procédure d'élaboration des CPER, en rendant obligatoire la consultation des commissaires de massif, actuellement souvent exclus de la procédure.

Proposition n° 90. : Améliorer la coordination des CPER et des conventions interrégionales de massif.

d) Permettre aux régions de gérer directement les fonds communautaires

L'utilisation directe par les régions des fonds structurels peut permettre une utilisation plus aisée et plus efficace des crédits communautaires.

Une avancée concernant des zones de montagne a déjà été faite en ce sens, avec une gestion directe par les régions d'un programme financé par Interreg III. Ainsi, les fonds du programme relatif aux Pyrénées espagnoles et françaises (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc Roussillon, Pays Basque, Aragon et Navarre), doté à hauteur de 84 millions d'euros jusqu'en 2006, doivent transiter par le gouvernement espagnol, la région Aquitaine étant chargée du pilotage et le comité de suivi présidé par le préfet de la région Midi-Pyrénées. Ce montage, d'un type entièrement nouveau, doit être étendu à deux autres programmes Interreg III, relatifs respectivement au Sud-Ouest européen et à l'arc Atlantique.

Une expérimentation plus générale est en cours. Ainsi, le 6 septembre 2002 le Premier ministre et le président du conseil régional d'Alsace ont décidé le transfert à la région au 1er janvier 2003, à titre expérimental, de la gestion des programmes européens dits « objectif 2 ».

Ne pourrait-on pas envisager, dans le cadre d'une expérimentation analogue, de permettre aux régions de gérer directement une enveloppe de fonds communautaires consacrée à leurs territoires de montagne ?

Proposition n° 91. : Etudier la possibilité de régionaliser, à titre expérimental, les crédits communautaires utilisés en faveur de la montagne.

e) Faut-il instaurer une obligation légale de prise en compte de la montagne par les schémas de services collectifs ?

On peut s'interroger sur l'utilité d'instaurer une obligation légale de prise en compte de la montagne par les documents nationaux de planification.

(1) Contrairement à ce que prévoyait la loi « montagne », les documents nationaux de planification n'ont pas d'obligation légale de prendre en compte les spécificités de la montagne

La loi « montagne » prévoit, dans son article 9, que le plan de la Nation comporte des dispositions particulières relatives au développement, à l'aménagement et à la protection de la montagne. Elle précise que dans chaque région comprenant une zone de montagne, le plan de la région comporte des dispositions relatives au développement économique, social et culturel de chacun des massifs de montagne de la région. Elle ajoute que le conseil régional consulte le comité de massif intéressé sur les dispositions envisagées et, éventuellement, sur leurs modifications.

Du fait de la disparition du plan de la Nation depuis la loi du 4 février 1995 (qui le remplaçait par un schéma national d'aménagement et de développement du territoire), cette disposition ne trouve plus à s'appliquer.

Par ailleurs, depuis la loi du 25 juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du territoire, dans toutes les dispositions législatives, les références au schéma national d'aménagement et de développement du territoire sont remplacées par des références aux schémas de services collectifs.

(2) Ces spécificités sont cependant prises en compte par les schémas de services collectifs

Trois schémas de services collectifs concernent particulièrement la montagne :

- le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux ;

- le schéma de services collectifs de transport ;

- le schéma de services collectifs de l'information et de la communication.

Ces deux derniers schémas sont analysés dans les développements du présent rapport relatifs aux transports et aux technologies de l'information et de la communication.

LE SCHÉMA DE SERVICES COLLECTIFS DES ESPACES NATURELS ET RURAUX

1. Présentation générale

Selon l'article 23 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du territoire, le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux « fixe les orientations permettant leur développement durable en prenant en compte l'ensemble des activités qui s'y déroulent, leurs caractéristiques locales ainsi que leur fonction économique, environnementale et sociale ».

Cinq grandes catégories de services collectifs fournis par les espaces naturels et ruraux ont été distinguées :

- les services collectifs liés aux ressources naturelles (air, eau, sols et ressources géologiques) essentielles au maintien et à la qualité de la vie et au développement économique ;

- les services collectifs liés à la biodiversité, dont la reconnaissance -depuis la Conférence de Rio de Janeiro (1992) sur la biodiversité et le développement durable- est née du constat de l'érosion du capital biologique mondial due principalement à la disparition d'espèces considérées comme des facteurs de valorisation des territoires qui les abritent ;

- les services collectifs liés aux aménités : fournisseurs d'agréments nécessaires au bien-être ressenti par les habitants et les usagers des espaces naturels et ruraux, certains territoires présentent à cet égard un attrait particulier qui repose sur des réalités matérielles (paysages, activités ludiques, type d'agriculture, relief, forme du bâti, éléments naturels) et s'appuie sur des représentations ressenties, symboliques, culturelles ou sociales ;

- les services collectifs liés à la prévention des risques naturels : les attentes des citoyens ont beaucoup évolué dans le sens d'une exigence de protection très étendue contre les catastrophes naturelles ;

- les services collectifs liés aux productions agricoles et forestières et à leurs fonctions, économique, environnementale et sociale : les activités agricoles et forestières bien conduites fournissent tout à la fois des matières premières de qualité à des coûts compétitifs, des services d'entretien de l'espace, de protection et de renouvellement des ressources naturelles. Elles contribuent ainsi à l'équilibre du territoire et à l'emploi.

2. La prise en compte des spécificités de la montagne

Ce schéma évoque les spécificités de la montagne.

Son idée directrice relative à la montagne est que « les montagnes ne sont plus seulement des zones à handicaps mais également des régions qui rendent de grands services à la collectivité nationale (ressources en eau, biodiversité, aménités) et qui sont à la base de productions de grande qualité ».

Une de ses sous-parties est consacrée au « renforcement des efforts en faveur des zones montagneuses ».

Outre une politique plus déterminée de prévention des risques naturels, le schéma insiste sur la nécessité de développer les programmes de recherche permettant de mieux connaître l'évolution des écosystèmes montagnards et préconise un renforcement des efforts en faveur des multiples services collectifs que les zones montagneuses mettent à la disposition du pays.

Certains ont pu regretter que le régime du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux ne mentionne pas de nécessité de prendre en compte les spécificités de la montagne.

Ainsi que l'a souligné notre collègue Gérard Larcher à l'occasion de la discussion de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ce schéma prend en compte, par nature, les territoires de montagne.

Dans ces conditions, il n'est peut-être pas utile d'en modifier le titre , ni d'inclure dans la loi l'obligation de ce schéma de prendre en compte les spécificités des zones de montagne.

f) Instaurer des « zones franches de montagne »

Il semble que la survie de certaines zones de montagne présentant des handicaps particulièrement importants (déclin démographique, faible revenu par habitant...) ne pourra être possible qu'à condition de mettre en oeuvre une véritable discrimination positive en faveur de ces territoires.

Dans cette perspective, il serait souhaitable d'instaurer de véritables « zones franches de montagne ».

Divers dispositifs permettent d'ores et déjà à des entreprises s'installant en zones de montagne de bénéficier d'exonérations fiscales et sociales :

- les zones de revitalisation rurale (ZRR), créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

- la zone franche de Corse, créée par la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996.

Les zones de montagne souffrant des handicaps les plus graves devraient bénéficier d'un dispositif spécifique. Il s'agit d'instaurer de véritables « zones franches de montagne ». Il serait utile à cet égard d'effectuer au préalable une étude sur l'impact de la zone franche de Corse, afin de déterminer la forme à donner à ce nouveau dispositif.

Proposition n° 92. : Créer de véritables « zones franches de montagne », en s'inspirant éventuellement de la « zone franche de Corse », pour les zones de montagne souffrant des plus graves handicaps.

B. AMÉLIORER LE DISPOSITIF INSTITUTIONNEL DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN MONTAGNE

1. Les massifs et les comités de massif

a) Les massifs

La loi « montagne » a créé de nouvelles circonscriptions : les massifs.

(1) Définition du massif

Les massifs sont constitués des zones de montagne et des zones qui leur sont immédiatement contiguës.

Un massif ne comprend donc pas exclusivement des zones de montagne. Ceci s'explique par le fait que les zones de montagne ne constituent pas des entités économiquement isolées, mais dépendent fortement de leurs relations avec les principales agglomérations voisines, généralement situées en plaine.

Il convient de garder à l'esprit cette double définition de la « montagne », en particulier lorsque l'on considère les données statistiques.

La délimitation de chaque massif est faite par décret.

(2) La question du nombre de massifs

La liste des massifs figure à l'article 5 de la loi « montagne ». Les massifs de France métropolitaine 112 ( * ) sont actuellement les suivants : Alpes, Corse, Massif central, Massif jurassien, Pyrénées, Massif vosgien.

La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit la réunification du massif des Alpes , jusqu'à présent divisé entre Alpes du Nord et Alpes du Sud, avec pour conséquence la fusion des deux comités de massif. Le nombre de massifs doit ainsi passer de 7 à 6. Cette disposition doit être prochainement appliquée par décret.

La fusion des massifs des Alpes du Nord et des Alpes du Sud

Cette disposition résulte d'un amendement présenté par plusieurs collègues députés, dont le président de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), Jean-Louis Idiart, afin de faire aboutir une promesse non tenue de M. Lionel Jospin, alors premier ministre. Ce dernier s'était engagé le 5 février 2002 devant le Conseil national de la montagne à ce que le gouvernement présente un texte en ce sens.

La division initiale résultait du constat d'un décalage économique entre Nord et Sud et de modes de développement différenciés. Ainsi, le rapport d'évaluation de la politique de la montagne estime que les Alpes du Nord sont une zone de grand tourisme, alors que les Alpes du Sud s'organisent en zones concentriques, avec au centre une zone de grand tourisme, à la périphérie une zone proche de celles du Massif central, et entre les deux une zone s'efforçant de développer son activité touristique.

Lors de la discussion de la loi « démocratie de proximité », on a estimé que ces différences n'étaient pas plus marquées que celles existant entre la plaine de la Limagne et les montagnes sèches de Lozère, et que la division en deux massifs présentait moins d'avantages que d'inconvénients. En effet, la division de ce massif affaiblissait sa position lorsqu'il s'agissait de négocier le contenu des conventions interrégionales de massifs ou de se prononcer sur les politiques transfrontalières, notamment au niveau communautaire.

La question du nombre de massifs n'est cependant pas close. Ainsi, le Sénat a adopté un amendement à la loi « démocratie de proximité », proposé par vos collègues du groupe d'études sur le développement de la  montagne, tendant à reconnaître le Morvan en tant que massif 113 ( * ) . Comme il n'y avait pas, en 1985, de continuité territoriale entre les communes concernées, elles ne pouvaient prétendre à ce statut. Aujourd'hui, à la suite de la révision du classement des communes de montagne, il pourrait en aller différemment. Bien que le ministre de l'intérieur s'en soit remis à la sagesse du Sénat, cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale. Une autre solution consisterait à rattacher le Morvan au Massif central. A l'occasion de son audition par la mission commune d'information, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué qu'il demanderait à la DATAR d'engager une concertation sur cette dernière éventualité.

Proposition n° 93. : Etudier l'opportunité de rattacher le Morvan au Massif central.

b) Les comités de massif, outils de coopération interrégionale
(1) Les propositions ambitieuses du rapport Besson n'ont pas été retenues

Les comités de massif devaient être la clef de voûte de la réforme de la politique de la montagne, telle qu'envisagée, en 1982, par le rapport de commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par Louis Besson 114 ( * ) .

En effet, la proposition du rapport Besson était la suivante :

- l'instauration, dans chaque massif, d'un comité de massif chargé d'élaborer un plan de massif ;

- l'instauration, dans chaque massif, d'une « agence de développement et d'animation », chargée de préparer de d'exécuter les décisions du comité, mais aussi de jouer un rôle d'information et d'animation au niveau local ;

- l'instauration d'un fonds spécialisé, le FIDAM (fonds d'intervention pour le développement et l'aménagement en montagne) pour financer l'action de l'agence, sur décision du comité.

Comme le rappelle M. François Servoin, les espoirs étaient grands. Ainsi, on avait pu parler d'un « parlement pour la montagne » 115 ( * ) .

Ces propositions n'ont pas été retenues, à cause de l'opposition des ministres des Finances et de l'Intérieur. Ce dernier, M. Gaston Defferre, craignait en effet que la mise en place de comités de massif aux pouvoirs importants ne crée de difficultés supplémentaires dans la mise en oeuvre de la décentralisation.

Ainsi, le comité de massif ne s'est pas vu reconnaître de véritables pouvoirs, l'« agence de développement et d'animation » n'a pas été instaurée, et le fonds créé par la loi « montagne », le FIAM (fonds d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne), a été de dimension beaucoup plus modeste que le FIDAM proposé par le rapport Besson.

(2) La création du massif, simple circonscription administrative
(a) Une circonscription administrative

Les comités de massif, créés par l'article 7 de la loi « montagne », sont un simple organe consultatif.

Circonscription administrative de l'Etat, ils sont dépourvus de la personnalité morale et ne disposent pas de services propres. Leur secrétariat est généralement assuré par un fonctionnaire de la DATAR. Ce statut contribue vraisemblablement à expliquer l'intérêt réduit des régions à leur égard, en particulier dans le cadre de l'élaboration des CPER.

Ainsi, au lieu de la décentralisation préconisée par le rapport Besson, la loi « montagne » a mis en place une simple déconcentration. En particulier, jusqu'à la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, le comité de massif était présidé par le préfet coordonnateur de massif.

(b) Une majorité d'élus

Selon la loi « montagne », « chacun de ces comités est composé, à titre majoritaire, de représentants des régions, des départements, des communes et de leurs groupements. Il comprend également des représentants des établissements publics consulaires, des parcs nationaux et régionaux, des organisations socioprofessionnelles et des associations concernées par le développement, l'aménagement et la protection du massif ».

En outre, depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ces comités sont dotés d'une commission permanente , elle aussi composée en majorité d'élus locaux . A la suite d'un amendement de votre commission des lois au projet de loi « démocratie de proximité », son existence est désormais inscrite dans la loi (alors qu'auparavant leur existence résultait d'un décret en Conseil d'Etat).

La composition des différents comités de massif varie selon la taille et la structure des massifs. Elle est indiquée par le tableau ci-après.

COMPOSITION DES COMITÉS DE MASSIF MÉTROPOLITAINS (1)

Massif

Nombre de membres

Comité de massif (2)

Commission permanente (3)

Pyrénées

47

15 au plus

Jura

47

Vosges

51

Alpes du Nord (4)

55

Alpes du Sud (4)

55

Massif central

75

(1) Depuis la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la composition et les règles de fonctionnement du comité pour le développement, l'aménagement et la protection du massif de Corse sont fixées par délibération de l'Assemblée de Corse

(2) Décrets n° 85-995 à 85-1001 du 20 septembre 1985.

(3) Décrets n° 95-1191 à 95-1195 du 6 novembre 1995.

(4) Les massifs des Alpes du Nord et des Alpes du Sud doivent fusionner, en application de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

Les décrets prévoient que les membres du comité de massif sont nommés par arrêté du préfet de la région :

- pour la durée de leur mandat électif pour les représentants désignés par la région, les communes et leurs groupements ;

- lors de chaque renouvellement triennal des conseils généraux pour les représentants désignés par les départements ;

- pour trois ans pour les autres membres.

La loi « montagne » étant muette sur le fonctionnement du comité, les modalités de celui-ci sont fixées par son règlement intérieur.

(c) Un rôle consultatif

Le comité de massif se réunit sur la convocation de son président, au moins deux fois par an.

Le comité joue tout d'abord un rôle de proposition et d'avis, par son association :

- à l'élaboration des orientations du schéma interrégional de massif ;

- aux dispositions relatives au développement économique, social et culturel du massif contenues dans les plans des régions concernées.

Il est en outre consulté sur :

- l'élaboration des prescriptions particulières de massif ;

- les projets d'UTN.

Enfin, il est informé :

- au moyen d'un rapport annuel, établi par le préfet de massif, des décisions d'attribution des crédits inscrits dans la section locale à gestion déconcentrée du FNADT et correspondant à des projets situés en zone de montagne ;

- annuellement, des programmes d'investissement de l'Etat, des régions, des départements et des établissements publics dans le massif, ainsi que des programmes de développement économique, notamment des programmes de développement agricole.

LE CAS DE LA CORSE

L'institution du comité de massif a fait l'objet de certaines adaptations en Corse par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.

Ainsi, le président du conseil exécutif de Corse préside le comité pour le développement, l'aménagement et la protection du massif de Corse.

En outre, la composition et les règles de fonctionnement du comité pour le développement, l'aménagement et la protection du massif de Corse sont fixées par délibération de l'Assemblée de Corse, qui prévoit la représentation des personnes morales concernées par le développement, l'aménagement et la protection du massif, notamment celle de l'Etat, des autres collectivités locales de l'île et du parc naturel régional.

Enfin, le conseil des sites de Corse (qui comprend des membres nommés pour moitié par le représentant de l'Etat et pour moitié par le président du conseil exécutif, et est coprésidé par le représentant de l'Etat et le président du conseil exécutif de Corse) exerce en Corse les attributions dévolues, notamment, à la commission spécialisée dans les projets d'unités touristiques nouvelles au sein du comité de massif.

(d) Une coprésidence qui doit disparaître au profit d'une présidence par le président de la commission permanente

Depuis la loi « démocratie de proximité », le comité de massif est coprésidé par le représentant de l'Etat désigné pour assurer la coordination dans le massif et par le président de la commission permanente. Le constat avait pu être établi que les préfets coordonnateurs de massif, à la fois préfets de région et préfets de département, accaparés par des tâches multiples, n'étaient peut-être pas en mesure de consacrer à ces instances toute l'attention qu'elles méritaient. A contrario , il a été considéré qu'un élu local, élu de montagne, serait sans doute plus intéressé à animer les travaux et à susciter les débats et les réflexions au sein du comité qu'il présiderait.

On peut s'interroger sur la pertinence de cette double présidence, qui risque de susciter un désengagement de l'Etat ou une ambiguïté supplémentaire. Sans doute faut-il considérer qu'il s'agit là d'une étape transitoire : à terme, il serait souhaitable que le comité de massif soit présidé par le seul président de la commission permanente .

Proposition n° 94. : Instaurer une présidence du comité de massif par le seul président de la commission permanente.

(e) Un accroissement récent des pouvoirs du préfet coordonnateur de massif

Les pouvoirs du préfet coordonnateur de massif ont été récemment accrus par un décret du 4 juillet 2002 116 ( * ) .

Jusqu'alors, le préfet disposait des attributions prévues par un décret du 10 mai 1982 117 ( * ) relatif aux politiques d'aménagement du territoire concernant plusieurs régions (animation et coordination de l'action des préfets des départements et des régions intéressés, programmation et ordonnancement des dépenses afférentes aux crédits qui lui sont délégués dans le cadre de sa mission, négociation et conclusion des conventions avec les collectivités territoriales ou leurs établissements publics). Il fallait pour cela que le Premier ministre lui ait confié, par arrêté, une mission interrégionale de mise en oeuvre de cette politique.

Désormais, le préfet coordonnateur exerce, dans le périmètre du massif, les attributions définies au sujet des missions interrégionales, « notamment en ce qui concerne la négociation et la conclusion, au nom de l'Etat, des conventions interrégionales de massif ».

En outre, il décide de la programmation des dépenses afférentes aux crédits qui lui sont délégués dans le cadre de sa mission, après avis d'une conférence interrégionale de programmation qu'il préside et qui comprend :

- les préfets des régions concernées ou leur représentant ;

- les préfets des départements inclus dans le périmètre du massif ou leur représentant ;

- le trésorier-payeur général de la région du préfet coordonnateur du massif ou son représentant.

Il présente annuellement un rapport sur la mise en oeuvre de la politique de l'Etat dans le massif devant le comité de massif.

(3) Un bilan nuancé mais prometteur

Les comités de massif n'ont jusqu'à présent joué qu'un rôle modeste.

En particulier, il semble qu'aucun comité de massif n'ait utilisé ses compétences de proposition en matière de directives territoriales d'aménagement (DTA), prévues par l'article L. 145-7 du code de l'urbanisme.

Ce faible rôle semble pouvoir s'expliquer essentiellement par le fait que, comme on l'a vu ci-avant, les comités de massif sont de simples circonscriptions administratives de l'Etat, dépourvues de moyens et de personnalité juridique, et qui ne dépendent pas d'une collectivité locale.

Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné, l'action du comité de massif tend à être confisquée par la commission UTN.

Le bilan des comités de massif semble néanmoins prometteur. En effet, l'exemple de certains d'entre eux (comme celui du Massif central) suggère que cet organisme peut jouer un rôle utile dès lors que les collectivités locales le considèrent comme un instrument de leur politique de la montagne.

(4) Perspectives d'avenir
(a) La réforme étudiée par la DATAR

Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a demandé à la DATAR d'envisager une réforme importante des comités de massif. Il s'agit de saisir l'occasion de la réforme des décrets constitutifs des comités de massif destinée à organiser la coprésidence.

La DATAR doit étudier en particulier trois questions :

- quelle est la composition du comité de massif la plus adaptée ?

- quel est le mode de fonctionnement le plus approprié pour placer le comité de massif au centre des décisions stratégiques du massif ?

- quels sont les besoins en moyens humains et financiers du comité de massif ?

La réalisation d'une telle réforme est indispensable si l'on souhaite que les comités de massif puissent pleinement jouer leur rôle.

Proposition n° 95. : Améliorer la composition et le mode de fonctionnement des comités de massif, et leur donner davantage de moyens humains et financiers.

(b) Transformer les comités de massif en syndicats mixtes ouverts ?

Les comités de massif, loin d'être des concurrents des régions en matière de politique de la montagne, ont vocation à être l'instrument privilégié de la politique de la montagne de ces dernières, ce qui suppose qu'elles les contrôlent. Les régions seront ainsi incitées à envoyer au comité de massif des responsables dotés d'un véritable pouvoir de décision.

Proposition n° 96. : Afin de réconcilier les régions et les comités de massif, faire de ces derniers des instances décentralisées de réflexion, de proposition et de coordination entre régions se partageant un même massif.

Il pourrait sembler utile de ce point de vue de transformer les comités de massif en syndicats mixtes ouverts , afin d'en faire des instances davantage décentralisées, contrôlées par les régions concernées.

Proposition n° 97. : Transformer les comités de massif en syndicats mixtes ouverts.

Ce renforcement de l'action des collectivités locales en matière d'aménagement et de développement de la montagne pourrait être utilement accompagné d'un renforcement parallèle des structures de l'Etat chargées de la politique de la montagne. Ainsi, il pourrait être envisagé de déconcentrer davantage les pouvoirs de l'administration au niveau des commissariats de massif, notamment en matière de gestion des crédits de la politique de la montagne, et d'accroître les moyens (en particuliers humains) des commissariats de massif 118 ( * ) .

Proposition n° 98. : Déconcentrer davantage les pouvoirs de l'administration au niveau des commissariats de massif, notamment en matière de gestion des crédits, et accroître les moyens (en particulier humains) des commissariats de massif.

2. Le Conseil national de la montagne et l'Institut de la montagne

a) Le Conseil national de la montagne

La loi « montagne » a créé, par son article 6, un Conseil national de la montagne.

Ce conseil est présidé par le Premier ministre.

(1) Un conseil de cinquante-neuf membres

Alors que la loi prévoyait, « notamment », la représentation de seulement certains organismes et institutions, le décret d'application a considérablement accru le nombre d'organismes représentés. Ainsi, le Conseil national de la montagne comprend 59 membres.

(a) Composition du conseil

Sa composition est indiquée par le tableau ci-après.

COMPOSITION DU CONSEIL NATIONAL DE LA MONTAGNE

I. MEMBRES PREVUS PAR LA LOI « MONTAGNE » ET LE DÉCRET 85-994
DU 20 SEPTEMBRE 1985

Loi « montagne »

Décret 85-994 du 20 septembre 1985

Parlement

Quatre députés et quatre sénateurs désignés par leur assemblée

Assemblées permanentes des établissements publics consulaires

Un représentant de l'assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie ; l'assemblée permanente des chambres d'agriculture ; l'assemblée permanente des chambres des métiers.

Organisations nationales représentant le milieu montagnard

Un représentant de l'association des maires des stations françaises de sports d'hiver ; Un représentant de l'Association nationale des élus de la montagne ; Deux représentants du Conseil supérieur des sports de montagne ; Un représentant de la fédération française d'économie montagnarde ; Un représentant du Syndicat national des téléphériques de France.

Chacun des comités de massif

Deux représentants de chacun des comités de massif désignés par ces comités, l'un d'entre eux étant obligatoirement choisi parmi les représentants des régions, des départements, des communes ou de leurs groupements

II. MEMBRES PREVUS PAR LE SEUL DÉCRET 85-994 DU 20 SEPTEMBRE 1985

Elus locaux

Un représentant de l'association des maires de France

Un représentant de l'assemblée permanente des présidents de conseils généraux

Un représentant des associations nationales d'élus régionaux

Un représentant de chacune des régions de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion désigné par les conseils régionaux

Représentants socioprofessionnels

Un représentant de l'organisation syndicale à vocation générale la plus représentative au niveau national des exploitants agricoles ; un représentant de l'organisation syndicale la plus représentative au niveau national des jeunes agriculteurs ; un représentant de la confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles ; un représentant de l'union professionnelle artisanale ; un représentant du conseil national du patronat français ; un représentant de la confédération générale des petites et moyennes entreprises ; un représentant de la confédération générale du travail ;

un représentant de la confédération française démocratique des travailleurs ; un représentant de Force ouvrière ; un représentant de la confédération générale des cadres ; un représentant de la confédération française des travailleurs chrétiens ; un représentant du Conseil supérieur du tourisme ; un représentant du Conseil national de la coopération ; un représentant de la fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers et sylviculteurs ; un représentant du Conseil interfédéral du bois ; un représentant de la fédération nationale des sociétés d'économie mixte.

Ecologistes, chasseurs et autres

Un représentant du Conseil national de la protection de la nature ; un représentant de la fédération française des sociétés de protection de la nature ; un représentant de l'union nationale des fédérations départementales d'associations agréées de pêche et de pisciculture ; un représentant de l'union nationale des fédérations départementales de chasseurs ; un représentant du Conseil national de la vie associative ; un représentant du comité national de liaison des comités de bassins d'emploi.

Les membres sont nommés pour une période de trois ans renouvelable et le décret du 30 septembre 2002 portant nomination au Conseil national de la montagne 119 ( * ) en renouvelle la composition.

(b) Un rôle consultatif

La loi « montagne » prévoit que le Conseil :

- « définit les objectifs et précise les actions qu'il juge souhaitables pour le développement, l'aménagement et la protection de la montagne » ;

- est consulté sur les priorités d'intervention et les conditions générales d'attribution des aides accordées aux zones de montagne par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) ;

- est informé, chaque année, des programmes d'investissement de l'Etat dans chacun des massifs de montagne.

(c) Fonctionnement du Conseil supérieur de la montagne

Le Conseil national de la montagne se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président. Ainsi, il s'est réuni pour la dernière fois le 5 février 2001 à Clermont-Ferrand, et le nouveau conseil qui doit être bientôt nommé doit se réunir « dans les prochains mois » 120 ( * ) .

Le président fixe l'ordre du jour des réunions.

Le Conseil national de la montagne peut entendre toute personne dont l'audition pourrait être utile à ses travaux.

Le Conseil national de la montagne, sur proposition de sa commission permanente, peut, en tant que de besoin, créer en son sein des groupes de travail.

(2) La commission permanente

Depuis le décret 95-1006 du 6 septembre 1995, le Conseil national de la montagne dispose d'une commission permanente.

Cette commission est composée de 17 membres, désignés en son sein par le Premier ministre après consultation du Conseil.

Les membres nommés par l'arrêté du 6 juin 1996 du ministre de l'aménagement du territoire sont des parlementaires (essentiellement des députés) et, surtout, des représentants de catégories socioprofessionnelles.

Cette commission joue un rôle multiple :

- assistance au président du Conseil dans la définition du programme de travail et d'intervention du Conseil ;

- association à la préparation des réunions plénières du Conseil ;

- veille à la mise en oeuvre des recommandations et des propositions émises par le Conseil (à cette fin, elle peut entendre toute personne dont l'audition est utile à ses travaux).

(3) Un secrétariat assuré par la DATAR

Le décret 85-994 du 20 septembre 1985 prévoit que le secrétariat du Conseil national de la montagne, de la commission permanente et des groupes de travail est assuré par le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

b) L'Institut de la montagne

La création à Chambéry d'un Institut de la montagne à vocation nationale a été décidée par le comité interministériel d'aménagement du territoire du 23 juillet 1999. Il s'agit d'un pôle d'expertise scientifique et technique en matière de politiques de développement durable des territoires montagnards.

Si diverses initiatives ont pu être engagées dès 2002, grâce à une convention passée entre 47 partenaires (collectivités territoriales, organismes scientifiques, acteurs économiques et associations de montagne), l'Institut proprement dit ne devrait être créé qu'en 2003, sous la forme d'un GIP « recherche et technologie », l'objectif étant la création d'un établissement public en 2006. La construction de ses locaux doit être financée par le contrat de plan Etat-région Rhône-Alpes, mais les modalités de financement de ses dépenses de fonctionnement restent à déterminer.

L'Institut de la montagne pourrait devenir l'instrument spécialisé auprès des comités de massif pour l'expertise scientifique et technique en matière de politiques de la montagne, comme l'est l'IFREMER dans le domaine marin.

A l'occasion de son audition par la mission commune d'information, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué qu'il était « favorable à ce que l'institut se saisisse de l'évaluation de l'année internationale des montagnes en France, et notamment du bilan et des suites à donner au résultat de l'appel à projets que la DATAR a lancé » 121 ( * ) .

C. LA RÉFORME DES FONDS STRUCTURELS COMMUNAUTAIRES

1. Un enjeu essentiel

Comme ceci a été indiqué ci-avant, la Commission européenne a déclaré à la mission commune d'information que les financements communautaires à destination de la montagne seraient de l'ordre de 4 milliards d'euros pour la période 2000-2006.

Ceci correspond à près de la moitié des crédits de la politique de la montagne. Dans ces conditions, la réforme des fonds structurels communautaires constitue un enjeu essentiel pour les territoires de montagne.

2. Des perspectives incertaines

Les perspectives financières à partir de l'année 2006 sont incertaines.

En effet, après l'adhésion de nouveaux Etats membres, les contributions des Etats dits « payeurs nets » (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Italie, Royaume-Uni, dans une moindre mesure France) vont s'accroître. C'est pourquoi certains d'entre eux (les Pays-Bas et la Suède 122 ( * ) ) souhaitent que la politique régionale soit re-nationalisée. Une diminution des crédits alloués à la politique régionale ne semble donc pas impossible.

L'évolution des crédits alloués aux zones de montagne pourrait cependant être moins défavorable. En effet, la Commission envisage de prendre en considération, lors de la répartition des crédits entre Etats membres, et lors de leur répartition par ces derniers sur leur propre territoire 123 ( * ) , un facteur de handicap 124 ( * ) . Les zones à handicap naturel pourraient comprendre les îles, les montagnes et les régions en dépeuplement.

3. Reconnaître les handicaps de la montagne au niveau communautaire

Selon les informations obtenues par la mission commune d'information auprès de la Commission européenne, les critères destinés à prendre en compte la notion de handicap sont actuellement en cours d'élaboration.

Par ailleurs, le comité économique et social de l'Union européenne a remis en septembre 2002 un avis relatif à la montagne, dans lequel il préconise la reconnaissance des handicaps des territoires de montagne.

Le Commissaire actuellement chargé de la politique régionale, M. Michel Barnier, souhaite profiter de la réforme de cette dernière pour inscrire une référence à la montagne dans la politique de cohésion européenne. On ne peut qu'être favorable à une telle orientation.

Proposition n° 99. : Obtenir la reconnaissance du handicap de la montagne au niveau communautaire.

CONCLUSION

La mission commune d'information, au terme de sa réflexion sur l'avenir de la politique de la montagne, permet de :

- procéder à une analyse objective de la situation des zones de montagne, en apportant des propositions concrètes et précises répondant à la double problématique de la décentralisation et du développement durable ;

- recommander la mise en place d'un véritable réseau d'expertise et de recherche pour assister les structures opérationnelles de chacun des massifs ;

- soutenir le principe d'une participation active au dialogue européen et d'une mobilisation très forte auprès des différentes instances communautaires au moment où se préparent les réformes de la PAC et des fonds structurels, pour faire reconnaître une vraie dimension européenne à la politique de montagne, territoire naturel d'expérimentation des mesures en faveur des zones à handicaps permanents.

Certes, cette démarche répond d'abord aux problèmes des montagnards eux-mêmes, vrais acteurs de la vie en montagne en :

- soutenant une agriculture fondée sur des productions de qualité clairement identifiées, mais aussi les activités de l'artisanat, du commerce, des PMI et des services ;

- réaffirmant la vocation d'accueil touristique mais aussi sanitaire et social de la montagne ;

- surmontant les handicaps, pour permettre une vie authentique garante de la qualité d'un environnement protégé : il n'y a pas de montagne vivante sans la présence des acteurs économiques.

Mais cette démarche va plus loin en ayant pour ambition d'apporter une réponse aux problèmes d'un monde, dans lequel les angoisses déstabilisatrices se multiplient. Les hommes ont besoin de se réconcilier avec eux-mêmes grâce à une harmonie retrouvée avec un environnement naturel protégé. C'est un choix de société qui est proposé : celui d'un aménagement équilibré et harmonieux du territoire, en réaction au mouvement d'hyper concentration urbaine.

Il s'agit aussi de dépasser l'affrontement stérile opposant les défenseurs exclusifs de l'environnement aux partisans acharnés d'un développement exponentiel, afin de prendre en compte les besoins des générations futures.

Faire de la montagne un vrai laboratoire expérimental, exemple de développement durable, c'est rompre enfin le cercle vicieux de l'accumulation des interdits pour laisser place aux initiatives, à la responsabilisation des acteurs locaux, et d'abord des élus, et aux partenariats.

En proposant ces voies et ces moyens pour la montagne, la mission commune d'information répond à la vocation du Sénat, garant des libertés des collectivités territoriales et force de proposition en matière d'aménagement du territoire.

ANNEXE I -

DÉPLACEMENTS DANS LES MASSIFS

A. DÉPLACEMENT MASSIF CENTRAL (3-5 AVRIL 2002)

Mercredi 3 avril :

- La Canourgue : visite d'une opération expérimentale : réhabilitations en centre-ville ;

- Visite d'une opération de formation adaptée : lycée piscicole.

Jeudi 4 avril :

- Florac : visite d'actions spécifiques portées par Parc National des Cévennes ;

- Visite d'entreprises : COGRA, ENGELVIN et rencontre avec les professionnels de la filière bois ;

- Visite de l'abattoir de Marvejols ;

- Déjeuner de travail sur les problématiques liées aux zones de montagne avec les représentants des Chambres consulaires et des organisations professionnelles agricoles ;

- Visite et présentation du complexe de La Chaldette créée par le Département et la SELO - Opération thermalisme vert ;

- Visite du site universitaire d'Orfeuillette ;

- Réunion avec l'ANEM et l'Association départementale des maires avec des maires, conseillers généraux et régionaux, présidents de structures intercommunales du Cantal.

Vendredi 5 avril :

- Réunion avec les Chambres consulaires (CCI, CM)

- Réunion avec l'Association départementale des maires et l'ANEM

- Réunion avec M. le préfet, M. le sous-préfet de St-Flour et les services de l'Etat ;

- Réunion avec les organisations agricoles (FDSEA, CDJA, Confédération paysanne, FDCUMA, fédération nationale bovine, Bienvenue à la ferme) ;

- Déjeuner avec le président du Conseil général et une délégation du Conseil général ;

- Visite de la coopérative de Valuéjols ;

- Visite de la communauté de communes du pays de Murat, à Chalinargues avec MM. B. Delcros et Louis Galtier, directeur du parc régional des volcans, conseiller général, président de la communauté de communes de Pierrefort ;

- Réunion sur le bilan et les problématiques Montagne avec MM. Pierre-Joël Bonte, président de la commission permanente, Yvon Emile, commissaire de Massif DATAR et Didier Cultiaux, préfet coordonnateur de massif.

B. DÉPLACEMENT ALPES (26-28 MAI 2002)

Dimanche 26 mai :

- Dîner de travail autour de Michel Bouvard, député, ancien président de l'ANEM et vice-président du conseil général de Savoie.

Lundi 27 mai :

- Réunion sur l'aménagement, l'environnement et l'urbanisme avec des conseillers généraux et des maires des départements de la Haute-Savoie et de la Savoie ;

- Réunion avec les responsables de l'Association AFTALP (Association des Fromages Traditionnels des Alpes) (Filières fromages au lait cru) ;

- Réunion sur l'industrie, le commerce et l'artisanat avec les présidents des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers de Savoie et de Haute-Savoie ;

- Réunion sur la pluriactivité avec des représentants du CBE d'Albertville, du GRETA-Savoie et deux proviseurs de lycée ;

- Réunion avec les responsables du SUACI (émanation des trois Chambres d'Agriculture 73/74/38) ;

- Réunion sur la politique du tourisme avec des membres du conseil général de Haute-Savoie, des élus locaux et des représentants de l'Agence touristique départementale et de l'ASADAC.

Mardi 28 mai :

- Visite du Conservatoire Botanique de Gap-Charance avec MM. Marcel Lesbros, sénateur, Pierre Bernard-Reymond, maire de Gap, et Jean-Pierre Dalmas, directeur ;

- Réunion avec des représentants socio-professionnels des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires et des élus responsables de la politique de la montagne.

C. DÉPLACEMENT PYRÉNÉES (10-12 JUILLET 2002)

Mercredi 10 juillet :

- Réunion ANEM ;

- Réunion avec des responsables d'établissements sanitaires et thermaux.

Jeudi 11 juillet :

- Réunion avec M. Marc Formé Molné, président du gouvernement de la principauté d'Andorre, sur le thème de la communauté de travail franco-espagnole ;

- Déjeuner de travail avec M. Augustin Bonrepaux, député, président du Conseil général de l'Ariège, ancien président de l'ANEM ;

- Réunion de travail avec Mme Josette Durrieu, sénateur, et le Centre européen des technologies de l'information en milieu rural (CETIR) à Saint-Laurent de Neste (Hautes-Pyrénées) ;

- Réunion avec MM. Hubert Fournier, préfet de la région Midi-Pyrénées et préfet coordonnateur du massif des Pyrénées, Xavier Chauvin, commissaire du massif et Claude Gaits, conseiller municipal de Tarbes et président du Comité interrégional de développement et d'aménagement des Pyrénées (CIDAP).

Vendredi 12 juillet :

- Réunion avec MM. Jean Lassalle et Didier Hervé, président et directeur de l'Institution patrimoniale du Haut Béarn ;

- Visite du tunnel du Somport ;

- Visite d'une estive à Cette-Eygun ;

- Visite d'une coopérative fromagère à Accous ;

- Réunion avec M. Alain Verry, directeur de l'unité de production sud-ouest d'EDF.

D. DEPLACEMENT JURA-VOSGES (17-19 JUILLET 2002)

Mercredi 17 juillet :

- Visite de Dalloz Industrie lapidaire à Septmoncel avec MM. Nicolas Gindre, président de la communauté de communes des Hautes Combes du Jura et Denis Vuillermoz, conseiller général du canton de Saint-Claude ;

- Dîner de travail avec une délégation du Conseil général et des maires.

Jeudi 18 juillet :

- Visite du Fort des Rousses (reconversion d'un site militaire en caves d'affinage) ;

- Réunion de travail avec les socio-professionnels (agriculture, tourisme, industrie, artisanat...) et des représentants des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires ;

- Réunion de travail avec les maires de l'ANEM du Jura ;

- Réunion de l'ANEM à la mairie de Plainfaing.

Vendredi 19 juillet :

- Visite d'un stockage de bois ;

- Visite de l'abattoir à Dommartin-les-Remiremont ;

- Visite de la ferme Rouge Gazon à Saint-Maurice-sur-Moselle ;

- Réunion de travail avec les socio-professionnels et des représentants des chambres consulaires et des élus responsables de la politique de la montagne ;

- Visite de la scierie Duhoux à Ramonchamp ;

- Visite de la « Voie verte » (piste de multiactivités) à Remiremont.

ANNEXE II -

CONTRIBUTION DE MAÎTRE EDOUARD LACROIX, AVOCAT À LA COUR

I. LA PROCÉDURE DÉCONCENTRÉE DES UNITÉS TOURISTIQUES NOUVELLES A VINGT-CINQ ANS : BILAN ET PERSPECTIVES DE RÉFORME

La politique de la montagne a plus de quarante ans, si l'on considère qu'elle est née avec la délimitation de cette zone en tant que support d'une intervention publique identifiée comme telle. La nomination du premier commissaire à la montagne en 1967 et la mise en oeuvre de la politique de rénovation rurale constituent une autre étape. En 1971, sont établis les fondements de soutien spécifique à l'agriculture, dont celle de montagne. En 1973, un Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire (CIAT) est consacré à la « politique de la montagne » dont la formule est ainsi officialisée. L'Europe prend le relais en 1975 avec la Directive 75/268 sur l'agriculture des zones de montagne et défavorisées.

Sur un plan plus sectoriel, celui du tourisme, des actions successives des pouvoirs publics vont être conçues et entreprises, s'intégrant avec plus ou moins de bonheur dans cette politique globale d'aménagement. Les sports d'hiver d'abord, mais aussi le tourisme estival sont reconnus comme des outils de développement, dont on cherchera à favoriser la complémentarité avec l'activité agricole, forestière et pastorale. A ce titre, le Plan Neige 1971-1975 et surtout la directive du 22 novembre 1977, annoncée en 1976 dans le discours du Président de la République à Vallouise consacré à la protection et à l'aménagement de la montagne, marquent définitivement la volonté des pouvoirs publics d'intégrer le tourisme dans la politique en faveur de la montagne. De cette directive, sanctionnée par un décret et non par une loi, naît la procédure des Unités Touristiques Nouvelles (UTN). La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite « Loi Montagne » la reprendra dans un contexte de décentralisation des circuits de décision, liée à la décentralisation issue des textes de 1982-1983. C'est l'objet du chapitre I du Titre IV intitulé « de l'aménagement et de la protection de l'espace montagnard - des règles d'urbanisme dans les zones de montagne », dont l'article 72 insère un certain nombre de dispositions aux articles L. 145-9 à L. 145-13 du code de l'urbanisme.

Cette remarque n'est pas mineure. En effet, de la directive de 1977 à la « Loi Montagne », la procédure UTN a subi quelques changements significatifs que « l'instance d'évaluation » installée en avril 1995 a justement soulignés. La suppression du «plan pluriannuel de développement touristique » (PPDT) qu'imposait la directive de 1977 a, sans doute, gêné l'autorité chargée d'autoriser la création d'une UTN, ainsi que les opérateurs et les élus, la réglementation n'imposant plus une démarche préalable pédagogique et fédérative. Mais cela n'a pas empêché certains préfets de massif, comme celui de Rhône-Alpes, de subordonner dans certains cas l'examen d'une demande d'autorisation UTN à la présentation par l'ensemble des communes concernées d'un « schéma de cohérence » ressemblant fort à un PPDT. On peut en définitive regretter que la procédure issue de la « Loi Montagne » apparaisse davantage comme destinée à maîtriser la consommation d'espace qu'à intégrer des projets dans une démarche d'aménagement global.

« L'instance d'évaluation » relève qu'il s'agit d'une procédure d'urbanisme à l'amont des procédures opérationnelles. C'est, d'après elle, « un bon outil de connaissance des enjeux mais il ne s'agit pas d'une procédure de développement » ( La politique de la montagne . Rapport d'évaluation. Conseil National d'Evaluation. Commissariat Général du Plan. Volume I PP. 393-395. La Documentation Française 4 ème trimestre 1999).

Quoiqu'il en soit, la procédure UTN a modelé la montagne française depuis un quart de siècle. Il n'est donc pas illégitime, dans le doit fil des conclusions de « l'instance d'évaluation », de réfléchir à de possibles inflexions des dispositions législatives qui l'ont instaurée, ne serait-ce que pour tenir compte de l'évolution constatée dans la pratique et la fréquentation de la montagne. La volonté des pouvoirs publics de rassembler les conditions optimales pour un développement économique et social de cette part importante du territoire (23 % de sa superficie et 8 % de sa population) ne s'est jamais démentie. Elle ne peut que s'adapter à une réalité différente, aujourd'hui, de ce qu'elle était il y a un quart de siècle. Le précédent gouvernement avait confié à une mission interministérielle le soin de « réfléchir à l'adaptation de la procédure des unités touristiques nouvelles ». Sans attendre ses conclusions, il n'est pas anormal que la Mission Commune d'information du Sénat s'interroge, elle aussi, sur la pertinence actuelle de cette procédure, au vu de ses résultats et du contexte dans lequel, désormais, s'applique la politique de la montagne.

C'est l'objet de la première partie de cette contribution. Seront ensuite exposés quelques éléments de réflexion sur ce que pourrait comporter une réforme de cette procédure.

*

* *

Cette rubrique portera sur trois domaines que la « Loi Montagne », ainsi que d'autres dispositions législatives ou réglementaires ont marqués de leur empreinte ou qui, eux-mêmes, par leur évolution, ont influé sur la portée attendue de ces dispositions.

A. LE CADRE INSTITUTIONNEL

a) Importance de la jurisprudence

Les lois de décentralisation de 1982-1983 sont venues bouleverser les relations entre les collectivités territoriales et l'Etat. Le contrôle du représentant de celui-ci s'effectue par l'appréciation a posteriori de la légalité des actes et décisions qu'elles prennent, et un certain nombre de compétences leur sont transférées. Si le tourisme fait partie, et depuis longtemps des compétences partagées, il n'en est plus de même pour l'urbanisme, notamment. Ainsi, le maire agissant au nom de la commune délivre les permis de construire dans la majorité des cas. Le juge administratif, auquel peuvent être déférées les décisions des exécutifs locaux, va donc intervenir plus systématiquement dans le processus administratif. De là, l'importance de la jurisprudence des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat dans l'application de la « Loi Montagne ». Ces juridictions seront le garant et l'interprète de la volonté du législateur et les justiciables, en l'occurrence le milieu associatif par exemple, leur donneront l'occasion de la préciser, de l'affiner pour aboutir à une construction jurisprudentielle, de cas d'espèce en cas d'espèce. La lutte contre l'habitat dispersé, la notion même d'unité touristique nouvelle trouveront dans les arrêts du Conseil d'Etat les définitions que la loi ou le décret ne donnaient pas. A défaut, de la part de l'Etat, d'avoir formulé une doctrine administrative, comme le note « l'instance d'évaluation », le juge administratif a dit le droit à partir du fait. Il en est résulté, au-delà des retards liés aux délais de procédure, une incertitude latente que bon nombre de juristes ont soulignée.

b) L'organisation administrative des massifs

La loi du 9 janvier 1985, elle, est venue organiser administrativement la montagne, par la création du Conseil National de la Montagne et l'identification des massifs qu'elle dote de comités. C'est à ces derniers, ou plus exactement à la commission spécialisée constituée en leur sein, que sont soumis les projets d'unités touristiques nouvelles. Quant à la décision d'autorisation de celles-ci, elle est transférée du niveau ministériel au niveau régional. Elle est dévolue au préfet coordonnateur de massif. Il s'agit, là, d'un processus logique de déconcentration que la dynamique de promotion de la montagne comme espace différencié impliquait. « L'instance d'évaluation » reconnaît la valeur pédagogique du nouveau dispositif, même si, de l'avis de membres des commissions spécialisées, l'absentéisme et la faible motivation, face à des dossiers sans intérêt stratégique, ont altéré la crédibilité de ces organes ou, plus exactement, ne l'ont pas conforté.

c) La montagne dans les contrats de plan Etat-Régions

Enfin, les Régions, érigées en collectivités territoriales de plein exercice, se sont intéressées à la montagne, comme le montre leur implication dans les contrats de plan Etat-Régions. Ainsi le IX ème plan (1984-1988) portait l'effort sur l'adaptation des équipements régionaux et de l'offre touristique dans les stations. Cinq régions ont intégré cette préoccupation, articulée autour du concept de contrat de « Station-Vallée ». Le X ème plan (1989-1993) auquel l'Etat a consacré 85 MF et les régions 35 MF au titre du contrat de plan s'est intéressé aux opérations significatives structurantes « susceptibles d'améliorer l'organisation et la professionnalisation des acteurs, d'adapter l'offre touristique aux besoins des clientèles, notamment européennes et d'aboutir à une meilleure rentabilisation de l'aménagement touristique du territoire ». Concrètement, pour la montagne, cela concernait l'aménagement d'espaces touristiques et la modernisation de l'offre. Ainsi ont été signés une quarantaine de contrats de stations moyennes et 17 contrats dits « zones nordiques ». Le XI ème plan (1994-1999) contenait des mesures plus diversifiées et spécifiques à chaque massif. La totalité de ceux-ci, à l'exclusion du Massif Central, a bénéficié des dotations contractualisée. Rhône-Alpes a formalisé 22 contrats de station, Provence-Alpes-Côte d'Azur a retenu la formule des contrats d'objectifs sur 16 stations. Le XII ème plan (2000-2006) contient une mesure nouvelle, celle des conventions interrégionales de massifs, intéressant la totalité du territoire classé en zone de montagne et prévoyant la participation de toutes les régions concernées. Sont prévus 2,187 milliards de francs sur les 7 ans dont 1,213 milliard de la part de l'Etat. Ces contrats visent à la connaissance des marchés et de la clientèle, le développement d'actions de communication, l'appui aux filières et à leur création enfin la requalification immobilière. Les régions ont en outre poursuivi leur effort dans le prolongement des mesures qui figuraient dans le contrat de plan précédent. Ainsi Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec les « contrats Montagne », Rhône-Alpes, les contrats de stations au profit de la moyenne montagne.

B. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE

Les dispositions de la « Loi Montagne » devaient, pour assurer leur pleine efficacité, reposer sur la mise en oeuvre d'une part de la réglementation, antérieure à sa promulgation et de celle qui a dû être élaborée ensuite pour répondre à ses exigences. L'effet conjugué de cette action normative sur le terrain est appréciable, comme on le verra dans les trois domaines suivants.

a) Les documents de planification urbaine

La « Loi Montagne » confirme l'intérêt majeur du plan d'occupation des sols, préalable à la réalisation des équipements et aménagements destinés à la pratique du ski alpin : instauration de servitudes destinées à assurer le passage des pistes de ski, le survol des terrains par les remontées mécaniques, le passage des pistes de montée, etc. Les schémas directeurs allègent les projets d'unités touristiques nouvelles de la procédure spéciale d'instruction. « L'instance d'évaluation » est assez critique sur l'usage fait par les collectivités de cet instrument d'aménagement. Il convient de relativiser cette appréciation. Sans doute n'était-il pas réaliste d'imaginer que la montagne allait se couvrir de documents d'urbanisme. En 1999, on comptait 39 schémas directeurs approuvés dont 8 l'ont été après 1985, 7 étaient en cours d'élaboration, 4 sont révisés, 17 sont en cours de révision. Paradoxalement, ils concernent davantage le Massif Central (17) que les Alpes (Alpes du Nord 5, Alpes du Sud 7). En revanche, les collectivités des Alpes du Nord (Savoie d'abord, Haute-Savoie ensuite) se sont dotées de plans d'occupation des sols en plus grand nombre que les Alpes du Sud, bien devant les Pyrénées, le Jura , les Vosges et le Massif Central. Il semblerait que ce mouvement se confirme en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriale. En revanche, il faut regretter que les prescriptions particulières de massif, prévues par l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme auquel renvoient les articles L. 147-5 de ce même code et 72 de la « Loi Montagne » n'aient pas vu le jour, même si 4 schémas de cohérences ont été approuvés, qu'un cinquième soit en cours d'approbation et que des dossiers UTN de ( micro) massif aient été constitués.

b) La protection de l'environnement

Ce n'est pas une préoccupation récente, y compris et sans doute d'abord pour la montagne. Le premier « parc national », celui du Pelvoux, a été créé par un décret de 1913. Il a été suivi de la création de quatre autres entre 1963 et 1983. Dès 1970, sont institués les parcs naturels régionaux. La loi sur la protection de la nature de 1976 consolide et développe le réseau des réserves naturelles et la directive sur l'aménagement et la protection de la montagne de 1977 conforte la préservation patrimoniale. La procédure UTN en est un élément.

La « Loi Montagne » participe de cette continuité dans les préoccupations des Pouvoirs Publics. Elle souligne, en son article 1, l'importance des enjeux environnementaux, rappelant la vocation des parcs nationaux et régionaux à contribuer à leur prise en compte (articles 93 et 94). On estime qu'en 1996, plus de 89 % de la surface couverte par une protection forte (parcs naturels, réserves intégrales et réserves naturelles) sur le territoire français se situe en zone de montagne. 20 % des communes de montagne sont concernées par un parc national ou régional, une réserve naturelle volontaire, un arrêté de protection de biotope ou une forêt de protection. 30 % de la superficie montagnarde est aujourd'hui protégée contre 12 % en moyenne nationale.

On peut ainsi considérer que tout ce qui pouvait justifier ou mériter une protection a fait l'objet d'une mesure, parmi celles que l'arsenal législatif ou réglementaire français contient.

Il faut noter que la mise en oeuvre de la procédure UTN, le plus souvent en compensation des autorisations accordées, a permis l'intervention de 91 mesures de protection, dont 21 réserves naturelles, 53 classements de sites,11 forêts de protection et 7 arrêtés de biotope. Il est vraisemblable que ce résultat, satisfaisant, sera consolidé par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999, pour l'aménagement et le développement durable du territoire, comme par la concrétisation de Natura 2000. Parmi les auditions auxquelles la Mission Commune d'Information s'est livrée, mérite d'être relevée, de ce point de vue, celle de la représentante du ministère en charge de l'environnement : « nous disposons de tous les outils possibles pour protéger les milieux naturels ruraux et forestiers ainsi que des moyens de gestion nécessaires ». La « Loi Montagne » y a puissamment contribué et la montagne y participe grandement.

c) La réglementation des remontées mécaniques

Indépendamment de la procédure UTN, la « Loi Montagne », dans son article 49, institue une procédure de double autorisation pour l'installation des remontées mécaniques, la première avant l'exécution des travaux, la seconde avant la mise en exploitation. Ces dispositions sont intégrées au code de l'urbanisme (article L. 445-1), ce qui se conçoit, dès lors que cette double autorisation est délivrée par l'autorité compétente pour la délivrance du permis de construire. On pourrait toutefois regretter que cette optique strictement urbanistique, indépendamment des considérations de sécurité, qui sous-tendent ce texte, n'ait pas laissé place, dans l'instruction, à des considérations financières, en raison du caractère fortement capitalistique de tels investissements.

La réglementation, qui aurait pu être jugée comme lourde et complexe semble acceptée et appliquée. L'Etat, d'ailleurs, a fait de son mieux pour que cette mission régalienne de sécurité soit à la fois incontestée et exécutée d'une manière performante. C'est la vocation essentielle du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) installé à Saint-Martin-d'Hères, aux portes de Grenoble, qui relève du ministère en charge des transports. Notons au passage que le législateur a mis à profit l'examen et le vote de cette loi pour soumettre les services de transports terrestres de personnes organisées par les collectivités territoriales ou leurs groupements au contrôle technique et de sécurité de l'Etat (article 50 de la « Loi Montagne ») ! Disposant de relais implantés dans chaque massif au sein de directions départementales de l'équipement, le STRMTG est chargé d'apporter au préfet du département où sera installée la remontée mécanique l'avis technique qu'il relayera auprès de l'autorité compétente pour délivrer soit l'autorisation de construire, soit celle d'exploiter l'équipement. Cet avis est important puisqu'il détermine la délivrance ou le refus de cette double autorisation.

La France occupe la première place dans le monde par l'importance de son parc (15 % de l'ensemble avec environ 4.000 engins). Cette activité a généré plus de 635 millions de passages durant la campagne 2000-2001. La réglementation française donne toute satisfaction, puisque, sur les dix dernières années, ont été enregistrés 6 accidents mortels liés à l'utilisation des remontées mécaniques. Elle fait même autorité, puisque la directive européenne 2000/9/ CE relative aux installations à câble transportant des personnes doit beaucoup au STRMTG. Ce dernier vient d'être retenu comme « organisme notifié » aux côtés de son homologue allemand, dans le cadre de cette directive.

A un moment où, on va le voir, l'évolution du marché du ski incitera les opérateurs à moderniser le parc des remontées mécaniques pour apporter à la clientèle plus de sécurité et de confort, cette constatation d'une réglementation intégrée et adaptée est rassurante. S'il est concevable que la procédure liée à la première autorisation puisse faire l'objet d'un allègement, car les constructeurs livrent du matériel conforme aux normes, -et la directive européenne viendra leur rappeler-, il faut insister sur le fait que la réglementation française doit être maintenue.

C. L'ÉVOLUTION DU MARCHÉ TOURISTIQUE

Au moment où l'on s'interroge sur l'opportunité d'apporter quelques retouches à la « Loi Montagne » et notamment à ses dispositions dans le domaine du tourisme, il paraît s'imposer de se livrer à un exercice de prospective sur ce que représente, en termes de marché, donc de clientèle, l'activité qu'induit l'exploitation de l'espace montagnard.

Ce marché a considérablement évolué. On est loin de cette forme de tourisme née du thermalisme et du climatisme de montagne vers 1850 ou même de la création des stations de sports d'hiver dites de la première génération, juste avant et surtout après la seconde guerre mondiale. Aux stations pieds dans la neige succèdent les stations ski aux pieds, puis les stations dites intégrées. L'offre de lits et d'équipements est alimentée par une demande quasi exponentielle, et l'on peut s'interroger sur le nombre et la capacité de nos sites à accueillir cette clientèle de masse. Croissante depuis des décennies, elle a représenté 195 millions de nuitées pour la campagne 1997-1998 et paraît se situer désormais à ce niveau. Ce chiffre, suivant les données rassemblées par le Service d'Etudes et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM) se décompose ainsi : 2/3 pour le tourisme d'été, dont 1/3 en station, 2/3 en secteur diffus, 1/3 soit 65 millions de nuitées en hiver essentiellement en stations, dont 2/3 dans les Alpes du Nord qui représentent 75 % du chiffre d'affaires des remontées mécaniques, dont 50 % sont à l'actif de 14 stations.

Le Commissariat au Plan a confié au groupe de prospective de la demande touristique à l'horizon 2010 la mission d'éclairer pouvoirs publics et professionnels sur les grandes tendances de celle-ci. On en retiendra :

- une contraction du marché des sports d'hiver, la demande étant à peu près stabilisée. Les sports de glisse seront concurrencés par des pratiques « plus douces ». L'évolution démographique de l'Europe conforte cette analyse, moins de 8,5 millions de moins de 64 ans, ceux qui pratiquent le ski, plus de 7,7 millions de plus de 65 ans davantage attirés par ces « pratiques douces ». Les données pour la France sont légèrement différentes. En 2010, les plus de 60 ans y seront aussi nombreux que les moins de 20 ans. En 2020, ils constitueront 27 % de la population, et les moins de 20 ans 22,7 % ;

- un retour à des valeurs essentielles du tourisme, à travers un mouvement lent, pour des formes de vacances plus familiales, moins longues, plus réparties dans l'année (surtout avec les conséquences, à peine décryptées aujourd'hui, de la réduction du temps de travail), sans doute moins sportives en termes de performances, mais tout aussi actives, ou du moins génératrices d'émotions et de sensations agréables (il s'agit de plus en plus d'être, et pas seulement de faire) ;

- une concurrence des marchés européens proches, qui conserveront probablement leur clientèle autochtone ;

- une recherche du confort immobilier familial, un urbanisme de stations moins citadines, une garantie de sécurité non seulement des remontées mécaniques mais aussi des pistes, une préférence pour les interconnexions des massifs skiables, la certitude de trouver à tout moment de la haute-saison une neige de qualité et, hors le moment du ski, des animations intelligentes, d'autant que le client ne peut encore exiger du soleil sur commande.

Déjà, l'étude SEMA-METRA de 1988 révélait que le marché français pour les vacances de sports d'hiver entrait dans sa phase de maturité. Désormais il s'y trouve. Le «Carnet de Route de la Montagne » guide méthodologique 2001 réalisé par le SEATM et l'AFIT, reprenant une étude de Cofrema-Sociovision de 1999, qui actualisait une première étude de 1992, confirme et précise ces tendances.

Le tourisme estival en montagne, qui s'adresse au secteur diffus, recherche une diversité d'activités. Sa demande, moins spécifique, exige moins d'investissements lourds et une variété d'équipements de loisirs. Le tourisme d'été en montagne demeure un tourisme traditionnel, lié aux vacances scolaires plus qu'aux données climatiques. Il n'est pas sûr que l'étalement des vacances, dont on ne parle plus guère, apporte des changements dans le comportement de la clientèle. Pour les opérateurs des grandes stations de sport d'hiver, la saison estivale ne constitue pas encore un appoint indispensable, mais elle tend à devenir une condition de survie de nombreux sites, surtout en moyenne montagne, quand leurs atouts hivernaux s'avèrent modestes face aux exigences croissantes des clients.

C'est bien le tourisme hivernal, et ses grandes tendances, qui dictera la stratégie des grandes stations françaises de sports d'hiver, mais on peut s'interroger sur ce positionnement singulier en Europe, la plupart des grandes stations étrangères ayant une activité significative en été.

Le contexte dans lequel la « Loi Montagne » avait été votée, et celui dans lequel elle a été appliquée, ont connu un certain nombre de mutations, d'abord en raison des propres effets de la loi, ce que cherchait le législateur, ensuite du fait que la montagne, espace géographique habité et espace d'activité, ne pouvait qu'être concernée par la mise en oeuvre de politiques globales ou sectorielles s'appliquant à l'ensemble du territoire. Notre société, enfin, a enregistré des modifications dans ses comportements, et sa consommation de loisirs présente des caractéristiques nouvelles. Même les changements à l'échelle de la décennie sont perceptibles. Ceci incite les pouvoirs publics à demeurer attentifs à ces signes, s'ils veulent que tout dispositif législatif demeure en phase avec son environnement. L'efficacité de la  « Loi Montagne » ne saurait échapper à cette règle. En outre, ce qui, en termes d'organisation administrative voire politique, se concevait difficilement et, par conséquent, ne pouvait être mis en oeuvre il y a un quart de siècle devient désormais possible et même souhaitable. Les institutions, elles aussi, évoluent.

Ce sont ces considérations qui sous-tendent les propositions présentées de réforme de la « Loi Montagne » dans le domaine de l'aménagement touristique.

D. LE DROIT À L'EXPÉRIMENTATION

Les orientations gouvernementales, d'inspiration décentralisatrice, ouvrent des perspectives au profit des collectivités territoriales candidates à l'exercice d'un droit à l'expérimentation. La politique de la montagne, et tout particulièrement celle relative à son aménagement touristique, se prêteraient aisément à cette démarche, à condition, bien entendu, que les exécutifs locaux le souhaitent.

Divers arguments militent en faveur de l'exercice de ce droit.

En premier lieu, la « Loi Montagne » a créé une dynamique à partir d'une démarche fortement centralisée. La directive montagne réservait les décisions concernant les UTN au niveau ministériel. La loi du 9 janvier 1985 déconcentre celles-ci dans les mains du préfet coordonnateur de massif, mais institue un droit à la consultation au profit du comité de massif, ce qui implique déjà les collectivités territoriales, dont des élus participent à l'exercice des attributions de ces organismes. Les conseils régionaux, par les contrats de plan, participent à l'effort financier en faveur des stations. La prochaine étape, qui laisserait une place plus grande à la décentralisation, s'inscrirait dans cette évolution.

Il s'agit, en second lieu, d'une politique sectorielle, géographiquement parlant. Ceci encadre la portée de l'expérimentation et atténue les effets qu'une administration centrale hésitante pourrait redouter d'une extension. Il convient d'ajouter que les mesures spécifiques déjà largement mises en oeuvre au profit de l'économie montagnarde n'ont pas provoqué de demandes reconventionnelles au profit d'autres parties du territoire. La contagion à partir des dispositions objet de l'expérimentation représente donc un risque mineur.

Les différents massifs répartis sur notre territoire sont à la fois intrinsèquement homogènes et suffisamment différenciés entre eux. On peut ainsi escompter que l'expérimentation, conduite simultanément dans plusieurs massifs, suivant des modalités qui seraient propres à chacun, et pour des champs de compétence à géométrie variable, donnerait à cette expérimentation une incontestable richesse.

Enfin, la « Loi Montagne », ce qui demeure encore exceptionnel dans notre système administratif, a fait l'objet d'une évaluation. La méthodologie que l'instance qui en a été chargée a dû élaborer, avec les tâtonnements inhérents à ce type de démarche, ne pourra que servir à celle qu'impliquera l'expérimentation. Quant aux conclusions auxquelles elle a abouti, elles constitueront une base pertinente pour fonder utilement la nouvelle procédure d'évaluation.

E. LE TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ DE LA HAUTE MONTAGNE ET DE LA MOYENNE MONTAGNE

La politique de la montagne a été fondée sur un zonage auquel était lié un système d'aide. La procédure UTN est venue se calquer sur ce zonage. On a vu combien le développement du tourisme hivernal a entraîné une disparité dans les capacités d'accueil et d'équipement en remontées mécaniques des stations. Si, d'après le classement de Jacky Herbin, cité par l'instance d'évaluation (rapport p. 336), la zone de montagne compte 4.122 communes, 826 n'ont aucune activité touristique, 1.184 ne connaissent qu'un tourisme d'été, 1.772 offrent un faible tourisme d'hiver, 340 communes sont caractérisées par un tourisme d'hiver développé et 22 communes supportent les grandes stations alpines.

Quant à la procédure UTN, elle a concerné pour les 2/3 les Alpes du Nord, 48 % des dossiers instruits intéressaient la zone de haute montagne, moins de 8 % de la superficie de l'ensemble de la montagne française. Enfin, la réalisation des projets autorisés accusait, en 1994, un taux de consommation faible (77 % pour les Alpes du Nord, 46 % pour le massif Central, 43 % pour le Jura, 35 % pour les Alpes du Sud et 30 % pour les Pyrénées).Si l'on doit tirer de cette constatation une conséquence, c'est que les massifs tels que le Massif Central, le Jura, les Vosges ne peuvent être traités comme les Alpes ou les Pyrénées.

Aussi, la proposition qui est faite est de suspendre l'application de la procédure des Unités Touristiques Nouvelles dans le massif Central, le Jura et les Vosges, dès lors que les projets qui devraient lui être soumis intéressent des communes disposant d'un plan d'occupation des sols approuvé ou désormais d'un plan local d'urbanisme. Lorsqu'un projet concernerait plusieurs communes, cette dispense reposerait sur l'adoption d'un schéma de cohérence territoriale.

Mais la procédure des Unités Touristiques Nouvelles comporte une disposition intéressante qu'il serait sans doute dommage d'abandonner même en moyenne montagne : l'évaluation économique du projet, y compris dans le cas où il ne prévoit pas de mobiliser des fonds publics. Ce volet de la procédure a certainement permis de limiter le développement de « friches touristiques », c'est à dire d'hébergements ou d'équipements prématurément abandonnés faute de rentabilité de leur exploitation. Le paysage étant un capital précieux et fragile de la moyenne montagne, tout ce qui peut éviter de l'endommager inutilement doit être préservé, d'autant que de nombreuses aides, nationales ou européennes, poussent à des investissements sans garantie suffisante de la pérennité du fonctionnement.

Pour assurer cette évaluation économique du projet, deux mesures peuvent être suggérées. La première porte sur les compléments d'information des dossiers de permis de construire d'équipements touristiques qui seraient dispensés d'autorisation de création d'une Unité Touristique Nouvelle, de façon à ne pas abandonner l'approche financière que comportait une telle autorisation. Ainsi l'autorité délivrant le permis de construire pourrait s'entourer de l'avis d'un expert en l'occurrence le trésorier payeur général, ou faire référence, le cas échéant, à la convention telle qu'elle est prévue à l'article 42 de la « Loi Montagne » qui, elle, intègre les considérations économiques. La seconde, qui suppose une intervention législative conduirait à l'instauration d'une caution couvrant les frais de démolition en cas d'arrêt prolongé de l'exploitation pour éviter des friches touristiques. Ce dispositif se rapprocherait de celui du code minier pour la remise en état des carrières et des gravières en fin d'exploitation.

F. LA PROCÉDURE DES UTN SERAIT MAINTENUE DANS LA HAUTE MONTAGNE DES ALPES, DES PYRÉNÉES ET DE LA CORSE

La moyenne montagne de ces massifs serait traitée comme celle des massifs dispensés de cette procédure, à moins que les projets intéressent, par leur implantation ou leurs perspectives de développement, à la fois la haute et la moyenne montagne, auquel cas ils relèveraient de la procédure UTN.

Reste à définir ce qu'est la haute montagne des Alpes, des Pyrénées et de la Corse. Cette approche devrait être réaliste, et non technocratique. Elle pourrait faire l'objet d'une délimitation par le truchement des prescriptions particulières, ce qui permettrait de disposer de critères adaptés à chaque massif. L'altitude, la notion de compensation des handicaps naturels (ayant conduit à fixer à 1.300 m la limite entre haute et moyenne montagne en agriculture), les difficultés d'accès et de liaisons pour des domaines skiables en réseau pourraient entrer en ligne de compte dans cette approche. Une procédure de délimitation à laquelle serait associé le Conseil régional serait conforme à l'esprit de décentralisation qui devrait désormais inspirer cet élément de la politique de la montagne que représente son aménagement touristique.

G. UNE AVANCÉE DE LA DÉCENTRALISATION : LE TRANSFERT DE COMPÉTENCE DU PRÉFET DE MASSIF À UN EXÉCUTIF LOCAL EN MATIÈRE D'UTN

La « Loi Montagne », par la création des comités de massifs, était parvenue à en faire un lieu d'échange et un interlocuteur auprès des conseils régionaux. Ces derniers ont pu, ainsi, bénéficier d'une approche particulière et peut-être privilégiée des problèmes que posent ces espaces, aisément identifiables au sein du territoire régional. Depuis au moins trois contrats de plan, les massifs figurent comme interlocuteurs pour la définition et la mise en oeuvre de programmes Des lignes de crédit ont été individualisés. On peut penser que les assemblée régionales ont acquis une sensibilité aux problèmes de leurs massifs montagnards. Il existe une prise de conscience régionale de la spécificité de ceux-ci.

Ces divers éléments, qui révèlent une transformation des mentalités des élus régionaux, incitent à suggérer, comme cela avait été ressenti lors des discussions sur les lois de décentralisation, que des compétences passent des mains du représentant de l'Etat dans celles du Président du Conseil régional, la déconcentration au profit du préfet ayant constitué une sorte de transition. La procédure des unités touristiques nouvelles se prête bien à ce transfert, dès lors que textes et pratique balisent désormais la matière, et que les grands projets paraissent se raréfier. L'expérimentation trouverait là un excellent terrain d'intervention.

Dans l'hypothèse où un projet intéresserait deux régions, il devrait être sanctionné par un arrêté conjoint des deux présidents (Alpes et Pyrénées).

Les services de l'Etat seraient, en tant que de besoin, mis à disposition de l'exécutif régional, pratique que la décentralisation a largement encouragée.

Resterait, bien entendu, au représentant de l'Etat le contrôle de légalité de droit commun.

Le département des Pyrénées-Atlantiques pourrait faire l'objet d'un statut particulier, dans la mesure où la région Aquitaine ne comporte pas d'autre espace de montagne, où ses stations de montagne ne sont ni reliées, ni connectables à celles des Hautes-Pyrénées, et où le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques est fortement impliqué dans l'équipement et le fonctionnement des stations. Ainsi, le président du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques deviendrait l'autorité chargé de décider la suite à donner aux demandes d'autorisations de création d'unités touristiques nouvelles sur le territoire de ce département.

L'Andorre développe une offre touristique tellement concurrentielle contre les Pyrénées françaises qu'il serait sans doute opportun d'inciter l'Ariège (et donc la Région Midi-Pyrénées) et les Pyrénées-Orientales (et donc la Région Languedoc-Roussillon) à coordonner ceux de leurs projets touristiques en montagne qui entrent dans le champ de la concurrence de l'Andorre. Or la structure de coordination existe : la Confédération Pyrénéenne du Tourisme, regroupant notamment les 3 Régions (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon). On peut penser que la nouvelle responsabilité confiée aux Régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, si elles l'acceptent, les conduirait naturellement à recourir à cet outil et à rechercher cet objectif.

On peut enfin souligner que le transfert de compétence du préfet de la région Corse au président de la Collectivité Territoriale ne ferait que consacrer un état de fait, l'Etat n'ayant pas mis en place en Corse les structures prévues par la « Loi Montagne ».

H. UNE CONDITION À CE TRANSFERT : L'ADOPTION PAR LA RÉGION DE PRESCRIPTIONS PARTICULIÈRES DE MASSIF

La « Loi Montagne » avait permis l'élaboration et l'adoption de ce document, d'autant qu'avec sa promulgation, avaient été supprimés les Plans Pluriannuels de Développement Touristique. « L'instance d'évaluation » avait regretté ce vide méthodologique, qui explique que la procédure UTN soit restée une procédure d'urbanisme et de protection plus que d'aménagement. La décentralisation du processus de décision, en impliquant davantage les élus, légitimerait ce préalable dont les pouvoirs publics et, sans doute, les opérateurs tireront le meilleur profit, en termes de clarté des choix et de sécurité des procédures. En effet, cet outil de planification puiserait sa force juridique dans le recours à l'article L. 145-7 /I / 3 du code de l'urbanisme (article 68 de la « Loi Montagne ») qui prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat viendrait sanctionner ces prescriptions. On peut penser que les conditions de leur élaboration, la publicité qui les entourerait et la garantie d'un accompagnement technique par les services de l'Etat, avant l'aval par le Conseil d'Etat, préviendraient tout contentieux intempestif.

En conclusion, au vu d'un bilan somme toute positif, la politique de la montagne supporterait aisément désormais les aménagements proposés. Ils ne remettraient pas en cause un acquis dont les gouvernements successifs ne peuvent qu'être satisfaits dans la protection des équilibres, l'économie des espaces et la constitution d'un domaine skiable remarquable. Bien au contraire, par un recours original et novateur à la dynamique de la décentralisation, cette politique trouverait un nouveau souffle, en même temps que seraient gommées les quelques faiblesses ou imperfections qu'un quart de siècle d'application ont pu faire apparaître ou accentuer, dans l'émergence d'une appréhension globale et prospective du développement de la montagne.

II. LES REMONTÉES MÉCANIQUES, APPAREILS DE TRANSPORTS PUBLICS DE VOYAGEURS : INTÉRÊT ET PORTÉE DE CETTE QUALIFICATION

A. LES REMONTÉES MÉCANIQUES FONT L'OBJET, EN DROIT FRANÇAIS, D'UN STATUT PARTICULIER, NÉ D'UN ENSEMBLE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE PROGRESSIF ET DIVERSIFIÉ.

Peuvent, notamment, être cités les textes suivants :

- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 dite « loi d'orientation des transports intérieurs » ou « LOTI » ;

- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite «  Loi Montagne » ;

- la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002, relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques après événements de mer, accident ou incident de transport terrestre ou aérien et au stockage souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures et de produits chimiques, dite « loi SIST » ;

- les dispositions du code de l'urbanisme et spécialement les articles L. 145-3 et R. 145-10, L. 445-1 à 445-4 et R. 445-1 à R. 445-16.

B. EN LES ÉLABORANT, LES POUVOIRS PUBLICS ENTENDAIENT POURSUIVRE TROIS OBJECTIFS :

- l'organisation et la sécurité des transports ainsi assurés par ces engins. Les remontées mécaniques sont toutes reconnues comme des appareils de transports publics, quels que soient leurs usages effectifs : véritable « remontée » dédiée au ski et autres activités de glisse, ou transports urbains par câble pouvant être sans rapport avec le ski. L'article 43 de la « Loi Montagne » reprend une disposition qui figurait déjà dans la loi relative aux transports publics de voyageurs d'intérêt local du 19 janvier 1979 ;

- l'intégration de ces équipements dans l'aménagement touristique de la montagne, qui englobe, comme l'indique l'article 42 de la « Loi Montagne » « l'aménagement foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des équipements collectifs, la gestion des services publics, l'animation et la promotion » ;

- la préservation des terrains nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières et la protection de l'environnement, la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation d'aménagement durable étant venue modifier la « Loi Montagne ».

C. DEUX PROCÉDURES ONT ÉTÉ PRÉVUES POUR ATTEINDRE CES OBJECTIFS, QUI S'APPLIQUENT SPÉCIFIQUEMENT AUX REMONTÉES MÉCANIQUES :

- celle des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), issue de la « directive Montagne de 1977 » reprise dans la  « Loi Montagne » de 1985, dont les dispositions ont été intégrées dans le code de l'urbanisme. Elle vise les équipements « en site vierge de tout équipement, aménagement ou construction » et « l'extension ou le renforcement significatif des remontées mécaniques » (article L. 445-1 à L. 445-9 du code de l'urbanisme) ;

- celle des articles L. 445-1 à 445-4 et R. 445-1 et 445-2 du code de l'urbanisme qui impose, qu'il y ait ou non autorisation de création d'une UTN, une double autorisation préalable à la réalisation des remontées mécaniques, la première avant les travaux de construction, la seconde avant la mise en exploitation.

D. L'UNE ET L'AUTRE PERMETTENT À L'AUTORITÉ QUI INSTRUIT LES DEMANDES DE CONSTRUCTION DE VÉRIFIER SI LES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DU PROJET RESPECTENT :

- plus généralement « la mobilisation simultanée et équilibrée des ressources disponibles en vue d'une valorisation des aptitudes aux productions agricoles, forestières, artisanales, industrielles et énergétiques, la diversification des activités économiques et le développement des capacités d'accueil et de loisirs nécessaires à la promotion du tourisme, du thermalisme et du climatisme .., la protection des équilibres biologiques et écologiques, la préservation des sites et des paysages, la réhabilitation du bâti existant et la promotion du patrimoine culturel »...(article 1 de la « Loi Montagne »). Les infrastructures liées aux remontées mécaniques et surtout les pistes qu'elles desservent sont effectivement consommatrices d'espaces. La procédure UTN doit répondre à cette préoccupation.

- les servitudes publiques, la prise en compte des règles d'urbanisme et en particulier celle des risques naturels spécifiques, prévue dans la « Loi Montagne » en son article 78. Telle est la finalité de l'autorisation préalable à la construction des remontées mécaniques ;

- enfin, plus précisément, les règles techniques de sécurité propres aux remontées mécaniques. Par les autorisations de mise en exploitation, l'administration relevant du ministère en charge des transports, qui doit obligatoirement donner un avis -qui lie le maire-, s'attache à contrôler que les engins ont été correctement montés et vérifiés, conformément aux spécifications techniques du projet autorisé, à la réglementation technique et de sécurité en vigueur, en plus du respect de règles d'urbanisme et des servitudes publiques. L'intervention de l'administration d'Etat, à ce point précis de la procédure, est fondée sur l'application aux remontées mécaniques de la réglementation née de la LOTI, même si cette dernière distingue les remontées mécaniques assurant un transport régulier de personnes qui ne soit pas uniquement touristique ou sportif (funiculaires de Montmartre, de Fourvière ou téléphérique de Grenoble) et les autres. Ces dernières, certes, ne sont concernées que par les dispositions des articles 1, 5 et 6, du paragraphe III de l'article 7, des articles 9, 14, 16 et 17 de la LOTI.

E. QUEL EST L'INTÉRÊT DE CE CLASSEMENT DES REMONTÉES MÉCANIQUES « TOURISTIQUES ET SPORTIVES » PARMI LES MODES DE TRANSPORTS PUBLICS, QUI JUSTIFIE CETTE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE DONT ON A VU LA RELATIVE COMPLEXITÉ ? PEUT-ON S'AFFRANCHIR, ET JUSQU'À QUEL POINT, DE LA RÉGLEMENTATION QU'INDUIT CETTE CLASSIFICATION ?

Trois considérations viennent éclairer la réponse à apporter.

1. Le législateur ne peut éluder l'aspect sécurité des transports, qu'il considère traditionnellement comme relevant du domaine régalien. On ne saurait contester la compétence de l'Etat en la matière, ni sa capacité à réglementer, ni l'importance qu'il attache à cette obligation. Ceci n'interdit pas que ce champ de la sécurité puisse être partagé. En l'occurrence, il l'est, puisque, d'une part, les communes, et, dans certaines situations antérieures à la « Loi Montagne », les départements se sont vu confier le service des remontées mécaniques. Ces collectivités les exploitent en régie ou par un système de conventionnement (articles 46 et 47 de la « Loi Montagne »). D'autre part, si, en application du code de l'urbanisme, le maire, autorité décentralisée, est compétent pour accorder les deux autorisations, dès lors qu'il l'est pour la délivrance du permis de construire, il ne peut le faire que sur avis conforme du préfet. Le représentant de l'Etat dans le département demeure le seul compétent pour arrêter le règlement de police, le règlement d'exploitation particulier et le plan de sauvetage (circulaire n° 88-63 du 25 juillet 1988). En outre, si cet avis peut être tacite pour la première autorisation, il doit être exprès pour la seconde. Ainsi, les pouvoirs publics ont-ils voulu verrouiller un dispositif dont on ne puisse contester ni la légitimité ni l'efficacité.

2. L'Etat s'est d'ailleurs donné les moyens de cette politique en organisant deux services spécialisés, le premier, interministériel, le Service d'Etudes et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM), est plus spécialement orienté vers les problèmes économiques et sociaux de l'équipement de la montagne à des fins de loisirs, le second, le Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG), est le seul habilité à donner son avis au préfet sur la sécurité des installations. Le premier est localisé à Challes-les-Eaux, près de Chambéry, le second à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble. L'un et l'autre disposent d'antennes par massif, ce qui leur permet d'assurer une déconcentration suffisante dans l'instruction des dossiers. C'est au STRMTG que l'on doit un règlement national des remontées mécaniques arrêté en 1989. Le seul autre règlement qui soit aussi complet est celui adopté en Suisse, mais il présente le handicap d'être plus ancien. Le règlement français fait autorité dans l'Union Européenne et même au-delà. Faut-il préciser que le parc des remontées mécaniques français place notre pays au premier rang mondial (15 % du parc, par le nombre d'engins). Il a enregistré 635 millions de passages durant la campagne 2000-2001. Par rapport à un trafic de cette importance, ont été constatés 6 accidents mortels en dix ans, alors que, durant cette même période, 420 décès liés à la pratique du ski proprement dite sont à déplorer.

3. Il ne faut donc pas s'étonner que le «modèle français » soit devenu une référence européenne, que la récente qualification du STRMG ne pourra que conforter. La présidence autrichienne de l'Union a mis à profit sa présence à la tête de la Commission pour faire adopter la directive 2000/9/CE du 20 mars 2000 relative aux installations à câble transportant les personnes (elle n'utilise pas la formule du transport public). La France a largement contribué à sa rédaction. Cette directive applicable au 3 mai 2002 sera obligatoire le 3 mai 2004. Ceci ne devrait pas soulever de difficultés significatives dans notre pays, qui a déjà largement intégré l'ensemble des dispositions qu'elle contient. En outre, le STRMTG sera dans quelques semaines l'un des deux « organismes notifiés » au titre de l'article 16 de cette directive, aux côtés du cabinet allemand TÜV. Cette prééminence française n'est sans doute pas étrangère à l'installation de bureaux d'études à Modane par le constructeur Doppelmayr et à Montmélian par le constructeur Leitner.

Cette immixtion, prévisible, de l'Union Européenne dans la sphère ses réglementations nationales ne concerne que les constituants des remontées mécaniques, cabines, câbles, pinces etc. Il ne s'agit pas d'une directive d'installation, domaine qui demeure de la compétence nationale. Mais l'existence de deux réglementations connexes, par une sorte de dynamique, rencontrée dans d'autres secteurs, amènera, à terme, à constater la prévalence des textes communautaires.

De ces considérations, il convient de tirer quatre conclusions :

1. La remise en cause de la réglementation française, au nom d'une recherche de la simplification administrative, ne s'impose pas. Elle ne présente même pas de légitimité. Elle a qualifié toutes les remontées mécaniques comme transports publics de personnes alors que la directive européenne n'utilise pas le terme transport public -même si une harmonisation européenne du concept de remontée mécanique devait conduire à ne plus considérer comme transports de personnes certaines remontées mécaniques, comme les téléskis (et rien ne permet actuellement de prédire une telle évolution), tout militerait pour une réglementation sui generis, qui ne pourrait que s'inspirer fortement de celle qui existe et qui a fait ses preuves.

2. Les critères conduisant à exonérer certains aménagements de remontées mécaniques dans des domaines skiables déjà équipés pourraient être revus, du fait de la prise en compte, mieux établie désormais par les collectivités locales, de stratégies d'aménagement fondées sur l'unité du domaine skiable et la mise en réseau des remontées et des pistes. De ce point de vue, le relèvement des seuils financiers des investissements, que les opérateurs ont accueilli avec satisfaction, n'est sans doute pas un élément déterminant dans l'allègement souhaité des procédures. Ce qui importerait, semble-t-il, ce qui, à coup sûr, serait plus pertinent, serait plutôt la mesure de la capacité d'un domaine skiable à accueillir l'accroissement des skieurs que déverseront des remontées mécaniques plus performantes. La référence à cette notion d'acceptabilité du nombre des skieurs par l'ensemble des pistes connectées comme les réseaux des engins rendrait encore moins pertinent le recours à la valeur de l'investissement l'un des deux critères aujourd'hui retenu.

3. Il ne serait pas déraisonnable de concevoir un allègement des procédures, à tout le moins un assouplissement dans la confection des dossiers destinés à la demande d'autorisation de construction. La soumission pure et simple de celle-ci à la formalité du permis de construire, sur lequel porte le contrôle de légalité constituerait une réforme à la fois significative et suffisamment encadrée. S'ajouterait à cette disposition le bénéfice de celles de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme qui prévoit qu'un certain nombre d'ouvrages n'entrent pas dans le champ d'application du permis de construire.

4. Les éléments suivants conforteraient cette orientation :

- la saturation relative du marché, en raison de la densité actuelle du parc de remontées mécaniques. Les investissements tendent à l'accroissement des capacités et des débits et à l'amélioration du confort des skieurs, plus qu'à l'augmentation du nombre d'engins, comme l'indique le tableau ci-après ;

- la concentration des organismes constructeurs comme des cabinets d'études spécialisées, les uns et les autres ayant intégré remarquablement la législation et la réglementation nationales ;

- la spécificité de l'aménagement des domaines skiables par rapport à d'autres aménagements comme les lignes électriques, n'est pas telle qu'elle justifie une procédure particulière, analogue au permis de construire, mais différent de lui, notamment quant à la nature des travaux exonérés du permis de construire (supports, terrassements, petits bâtiments). Cette particularité exige une compétence particulière des agents, en collectivités territoriales ou dans les services déconcentrés de l'Etat, en plus de celle indispensable au permis de construire stricto sensu, et elle peut être source de confusion, et donc de surcoûts administratifs ;

- si l'on estime indispensable d'inciter les maîtres d'ouvrage à se prémunir contre un permis de construire délivré pour un projet qui s'avèrerait inacceptable au niveau de l'autorisation d'exploitation, il suffit de prescrire que l'instruction de la demande de permis de construire doit comporter la consultation du service de contrôle des remontées mécaniques, comme c'est le cas de nombreux établissements industriels ou agricoles : la règle générale consistant à associer à l'instruction du permis de construire le service qui sera chargé de contrôler la future installation paraît rendre inutile une procédure particulière, surtout dans un contexte de décentralisation croissante.

Enfin, il convient de soulever peut être d'une manière accessoire que l'assimilation favorisée par la « Loi Montagne » (et notamment son usage du terme « remontées mécaniques ») de toutes les remontées mécaniques à des équipements touristiques, si elle ne soulève pas de difficultés d'application aujourd'hui pourrait demain révéler son caractère artificiel et générer des conflits de compétence entre différentes autorités organisatrices.

La lisibilité de cette distinction est faible pour un non-initié, et le STRMTG a des difficultés à trier, dans les statistiques officielles, ce qui concerne les remontées dédiées au ski ou à des loisirs assimilés, et les autres. On comprend mal pourquoi un système de transport en commun en zone de montagne est, a priori, un équipement touristique s'il utilise un câble (téléporté ou funiculaire) et un transport urbain s'il comporte des roues (autobus ou tramways), alors qu'en dehors de la zone de montagne tout transport de personne à câble est considéré a priori comme transport urbain, s'il ne s'agit pas d'un manège de parc d'attractions.

Deux exemples permettent de mieux comprendre le caractère artificiel de cette distinction, qui semble vouloir confiner la technologie des transports à câble dans l'équipement des domaines skiables :

- des stations, telle La Plagne, ont développé un véritable réseau de transports urbains à câble reliant les différents pôles d'urbanisation. Des projets sont en cours dans d'autres, et une telle stratégie, si elle facilite naturellement les liaisons entre les hébergements touristiques et les domaines skiables, favorisent aussi une diversification des activités économiques et l'installation d'emplois non saisonniers, notamment tertiaires, dans des ensembles urbains d'une taille supérieure à bien des villes-préfectures, mais jusque là dépourvues de services publics de transports fonctionnant toute l'année et pas seulement pendant l'ouverture des pistes de ski ;

- un ascenseur reliant une vallée à un domaine skiable n'a souvent pas de « ski propre », c'est-à-dire qu'aucune piste régulièrement entretenue ne relie la gare supérieure et la gare inférieure. Un tel équipement a vocation à être intégré dans le réseau de transports urbains ou intercommunaux comme les autobus qui ont les mêmes fonctions.

Les caractéristiques communes de tels équipements semblent être d'une part l'utilisation dans les deux sens (à la montée comme à la descente) et d'autre part une alternative à un transport traditionnel par bus : ils ont vocation à relever des autorités organisatrices des transports urbains ou interurbains, et non de l'autorité organisatrice du développement touristique.

Inversement, les remontées mécaniques à finalité essentiellement touristique ou de loisirs doivent rester dans le champ de compétence de l'autorité organisatrice du tourisme, même si elles sont situées dans le périmètre de transports urbains d'une agglomération ou dans une station déjà desservie par le réseau de transports en commun de l'agglomération, alors que ces circonstances pourraient conduire l'autorité organisatrice des transports urbains à réclamer la maîtrise de tout équipement qualifié de transport public de personnes au détriment de l'autorité organisatrice du tourisme.

Un tel reclassement des transports publics de personnes en espace de montagne, non pas par la technologie (câbles ou roues), mais par la finalité, ne concernerait qu'un petit nombre de remontées mécaniques mais de grandes dimensions unitaires. Il n'aurait aucun effet sur les procédures de contrôle relevant du STRMTG ni donc sur les exigences de sécurité. Il favoriserait d'une part la synergie entre les différents modes de transports en commun et d'autre part le maintien du système de pilotage du produit touristique global. Il ouvrirait de nouvelles possibilités de financement de transports à câbles comme transports urbains (subventions, taxe sur les salaires permise par un périmètre de transports urbains) sans pour autant empêcher la contribution de l'exploitant du domaine skiable au financement d'un transport urbain par l'intermédiaire de la convention de l'article 42, de même que des exploitants de domaines skiables sont chargés de l'exploitation de transports urbains par bus ou autobus ou contribuent à des aménagements d'une route nationale à plusieurs dizaines de kilomètres de la commune organisatrice du tourisme. En dernier lieu, ce reclassement exonérerait sans ambiguïté de la procédure UTN tous les équipements qualifiés de transports urbains.

Enfin, et pour être complet, il faut signaler la volonté de l'Union Européenne de s'intéresser au financement des remontées mécaniques. On a vu que la Commission avait intitulé sa directive 2000/9/CE du 20 mars 2000 « directive relative aux installation à câble transportant les personnes ». Au delà de la sémantique, ceci signifie que les remontées mécaniques touristiques ne sont pas des moyens de transports publics de voyageurs. Elles ne devraient donc pas être subventionnées. Elle vient de le rappeler au gouvernement italien (invitation à présenter des observations 2001/C27/08).

III. LES CONVENTIONS D'AMÉNAGEMENT TOURISTIQUE : APPLICATION DES LOIS « MONTAGNE » ET « SAPIN »

L'article 42 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite « Loi Montagne » confie l'organisation 125 ( * ) des opérations touristiques à la commune territorialement compétente, ou un groupement de communes ou un syndicat mixte regroupant des collectivités locales auquel cette commune aurait explicitement délégué cette compétence 126 ( * ) .

Il distingue deux formules : la régie et la passation d'un contrat avec un ou des opérateurs.

Cette disposition est assez originale, pour ne pas dire unique dans l'ensemble des droits européens. On peut, en effet, s'interroger sur ce rôle ainsi donné aux collectivités territoriales, aux privilèges accordés à leurs régies, lorsque l'on considère les contraintes imposées aux autres opérateurs, c'est à dire au secteur privé ou, autre exception française, aux sociétés d'économie mixte.

Le texte prévoit, pour concrétiser la relation entre la collectivité territoriale et l'opérateur une convention. La mise en application de cette disposition bénéficiait d'un délai qu le législateur avait fixé à quatre années (article 47). La loi n° 88-102 du 30 décembre 1988, dans son article 64 l'a prolongé de 10 ans. Ainsi, au 11 janvier 1999, toutes les conventions auraient dû être signées. Pratiquement, elles l'ont été. Mais, en 1998, soit deux ans avant l'échéance, 245 exploitants sur 584 recensés n'avaient pas de convention avec les autorités organisatrices, ce qui révèle que le respect de la loi devait poser aux partenaires quelques problèmes.

Si donc à ce jour, toutes les conventions ou presque sont intervenues, déjà se pose, pour certains opérateurs la question de la fin de ces contrats, donc celle des modalités de sortie, lorsqu'ils ont été signés au lendemain de la promulgation de la loi et qu'ils valaient concession pour dix-huit ans. En effet, l'application conjointe de la « Loi Montagne » et de celle n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi « Sapin », du nom du ministre de l'économie et des finances qui l'a défendue, oblige les collectivités territoriales à organiser l'appel à concurrence pour désigner le nouveau cocontractant -ou pour trouver une succession à la régie-. Cette perspective entraîne chez les opérateurs à la fois incertitude et insécurité, en dépit de la formule, au demeurant vague, qu'utilise le législateur :

« les contrats prévoient, à peine de nullité...

2° les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».

Ce n'est pas la moindre faiblesse de la « Loi Montagne », si l'on conçoit par ailleurs que la notion de délégation de service public dont elle s'inspirait par anticipation est très légitimée en droit français.

Divers problèmes sont nés, moins à cause des modalités de sotie de la convention observées à ce jour, que du sort réservé à des avenants d'extension ou de prorogation de contrats auxquels le contrôle de légalité réserve un sort différent, d'un département à un autre, à l'intérieur même du délai maximum de trente ans que le législateur a institué.

Au fur et à mesure que les contrats s'exécutent, que l'échéance de sortie s'approche, ou qu'elle s'impose dans la perspective stratégique des opérateurs, ou encore qu'apparaît la nécessité d'un avenant, cette interrogation prend de l'acuité. L'évolution des formes de tourisme, la nécessité de l'entretien et de la réfection des installations et des engins, la recherche de plus de sécurité et de confort tant dans le matériel offert aux usagers que dans la configuration et le damage des pistes, le développement des stations, l'interconnexion croissante de celles-ci constituent autant d'éléments qui viennent compliquer les paramètres de la réflexion à laquelle opérateurs et collectivités territoriales doivent se livrer, bien avant la fin des conventions. A ce jour, la loi offre une solution qui, au moins dans sa mise en oeuvre est discutée. On ne peut reprocher aux partenaires de songer à des formules assurant au moins des garanties à chacun d'eux : maintien de l'effort d'investissement, attendu de la part des collectivités, certitude d'une issue financière « juste », si l'on se réfère au principe de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen instituant l'expropriation, pour les opérateurs.

Avant d'examiner les voies possibles pour répondre aux critiques et aux aspirations des partenaires, sans doute est-il opportun de faire le point sur l'environnement juridique et économique du problème posé.

*

* *

A. L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUE

La « Loi Montagne » institue comme autorité organisatrice de tout aménagement touristique la commune territorialement compétente ou un groupement de communes ou un syndicat mixte regroupant des collectivités locales auquel cette commune aurait explicitement délégué cette compétence. Cette disposition marque la volonté du législateur de lier l'élément de développement économique que constitue le tourisme à la collectivité de base de notre système institutionnel, même si elle reconnaît que cette compétence peut être exercée par un groupement de communes ou un syndicat mixte. Les remontées mécaniques font une exception, puisque, si elles étaient exploitées avant la promulgation de la loi par le département, ce dernier peut continuer à en assurer l'organisation. Il peut aussi, à sa demande, s'associer aux communes ou à leurs groupements pour organiser ce service, leur confier cette compétence ou la recevoir de leur part (article 46).

Autre disposition, tout aussi imprégnée de la prééminence du rôle des collectivités territoriales dans l'aménagement touristique, ce sont les facilités que les rédacteurs du texte paraissent accorder aux régies dans l'exercice de cette attribution. Ainsi est-il stipulé que « sauf recours à la formule de la régie », cette mise en oeuvre peut être confiée à un opérateur privé, qui peut d'ailleurs être une société d'économie mixte ou un établissement public industriel et commercial, encore que celui-ci pourrait exploiter le service en régie comme le stipule expressément la loi (article 47 alinéa 1°).

L'aménagement touristique, tel que la « Loi Montagne » le définit, regroupe un ensemble d'activités que le texte énumère : « études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des équipements collectifs, construction et exploitation de réseaux de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation, promotion » (article 42) . Cette liste est limitative, mais sa rédaction est assez vaste pour englober la quasi-totalité des opérations liées à cet aménagement, dès lors qu'il est en relation avec la politique touristique de la ou des collectivités sur le territoire desquelles les installations ou travaux envisagés seront exécutés.

La vocation globale ainsi reconnue aux collectivités territoriales a une contrepartie, dont la mise en oeuvre peut dissimuler une certaine complexité et comporte un risque de lourdeur et de contentieux, en dépit du fait que le législateur a cherché, à travers les mécanismes qu'il a prévus, à protéger ces dernières, et, à tout le moins, à veiller à leur bonne information. C'est ainsi qu'en ce qui concerne « l'aménagement foncier, la réalisation et la gestion d'équipements collectifs, la gestion des services publics » - cette liste est à rapprocher de la précédente - le cocontractant doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant le bilan prévisionnel des activités et le plan de trésorerie faisant apparaître l'échéancier des recettes et des dépenses.

A cette obligation, dont on conçoit l'intérêt, s'en ajoute une autre : l'intervention préalable d'un protocole d'accord dès que la mise en oeuvre de l'opération suppose la conclusion de plusieurs contrats. Ceci interviendra lorsqu'il y a plus d'un opérateur. Ces contrats devront être individualisés par objet.

On devine combien la gestion de l'ensemble peut être délicate et complexe, dès la négociation du protocole et de celle des contrats particuliers, puis au moment de la négociation d'avenant, et, surtout, lorsqu'un contrat arrive à son terme.

Les remontées mécaniques ont une place à part dans ce dispositif. Si elles sont citées parmi les objets constitutifs de l'opération d'aménagement touristique (article 42), elles sont également régies par les articles 43 et suivants, qui présentent une certaine redondance par rapport à l'article 42. On y confirme le rôle exclusif de la commune, ou celui des groupements ou celui du département. Les formes de gestion sont celles déjà énumérées à l'article 42 alinéa 1. On y évoque les obligations respectives des parties et les participations financières des opérateurs. Deux alinéas de l'article 47 viennent éclairer les dispositions de l'article 42 concernant le traitement de l'opérateur en cas de résiliation, de déchéance et de dévolution des biens en fin de contrat. Il y est mentionné, en effet, que la collectivité, dans le cas de suppression du service en exploitation doit verser à l'exploitant une indemnité de compensation du préjudice éventuellement subi de ce fait, indemnité préalable en ce qui concerne les biens matériels.

Une autre disposition mérite un commentaire particulier. Elle figure à l'article 48 qui renvoie à la loi du 15 juillet 1845 et aux dispositions relatives à la police, à la sécurité et à l'exploitation des chemins de fer, et surtout à l'article 44 qui rend applicables aux remontées mécaniques dites « touristiques » par opposition à celles situées dans un périmètre urbain des dispositions de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs dite « loi LOTI ». Ceci justifie le contrôle technique et de sécurité de l'Etat. Et, comme il s'agit d'un transport public de personnes, le service des remontées mécaniques est un service public auquel s'applique la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », dont la portée, en ce qui concerne les remontées mécaniques, se concrétisera par la mise en concurrence pour les nouvelles conventions, comme à l'expiration de celles en cours. Les remontées mécaniques sont concédées dans le cadre d'une délégation de service public.

On peut défendre que cette application ne concernerait pas les autres opérations d'aménagement prévues à l'article 2 puisque celui-ci distingue « les études, l'aménagement foncier et immobilier, la réalisation et la gestion des équipements collectifs, la construction et l'exploitation du réseau des remontées mécaniques (traitées aux articles 43 et suivants), la gestion des services publics, l'animation et la promotion ». Peut-on en conclure qu'à l'exception des remontées mécaniques et de la gestion des services publics, les autres opérations d'aménagement touristique ne sont pas des services publics et par conséquent, qu'elles n'entrent pas dans la catégorie des services régis par la procédure de la délégation de service public ?

Le conventionnement prévu à l'article 42 est le point-clé du dispositif précisant les relations entre la collectivité et l'opérateur. On y trouvera ce qui est attendu du cocontractant, la règle étant qu'il y a un contrat par opérateur. Le document fixe les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant. Il fait la loi entre les parties. C'est dire son importance, d'autant qu'il sera l'élément déclenchant du contrôle de légalité, lorsqu'il sera transmis à la préfecture ou à la sous-préfecture, avec la délibération l'approuvant. La « Loi Montagne » avait prévu qu'un décret devait définir en tant que de besoin les conditions d'application de cet article 42. Il n'est pas intervenu, alors que l'on peut penser que le besoin d'un contrat-type a dû se faire sentir souvent au cours des négociations entre partenaires. On pourrait faire la même remarque pour le protocole d'accord préalable à la conclusion de plusieurs contrats en cas de pluralité d'opérateurs.

Il apparaît que, contrairement à ce que l'on pouvait attendre, la passation des conventions n'a pas soulevé de difficultés et qu'aucun contentieux significatif n'est né de cette phase de la procédure. Il convient de noter, toutefois, que, si une bonne partie des collectivités territoriales a usé des délais prévus à l'article 47 modifié de la « Loi Montagne », c'est moins, semble-t-il, à cause des lenteurs des négociations qu'en raison du confort que présentait ce délai de quatre puis dix ans ainsi proposé à des partenaires peu désireux de remettre en cause un modus vivendi donnant satisfaction, même si ce délai ne pouvait être utilisé qu'à l'initiative de la collectivité territoriale.

En revanche, le contenu de ces conventions a soulevé un certain nombre de problèmes liés à la durée de la concession, notamment dans le cadre d'avenants. Cette durée doit être, selon la loi, modulée en fonction de la nature et de l'importance des investissements consentis par l'aménageur ou l'exploitant. La « Loi Montagne » institue deux durées maximales de 18 ans, ce qui paraît être le droit commun, et de 30 ans, ce qui devrait être exceptionnel. Seules, en effet, la durée de l'amortissement technique ou l'exécution d'équipements échelonnés dans le temps peuvent justifier un délai supérieur à 18 ans et ce délai ne peut être supérieur à 30 ans.

La loi « Sapin », certes contraignante, notamment pour les formalités de désignation du délégataire de service public, à l'expiration de la convention en cours, si celle-ci était la prorogation du contrat antérieur à la promulgation de la « Loi Montagne », l'est moins en ce qui concerne la prorogation des délais. Ses principales dispositions sont reprises à l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que si un contrat ne saurait être conclu pour une durée indéterminée, une délégation de service public peut être prolongée lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette prolongation n'est pas assortie de délais.

On peut toutefois concevoir qu'elle ait une fin, comme la convention de départ, encore que le Conseil Constitutionnel dans la décision n° 92316 du 20 janvier 1993, rendue précisément sur la « loi Sapin » a affirmé que, si le législateur a précisé que la durée de la concession ne devait pas excéder la durée normale d'amortissement du bien, il a laissé ainsi sous le contrôle du juge une marge d'appréciation suffisante aux collectivités concernées pour la négociation des contrats dans chaque cas d'espèce, eu égard à la multiplicité des modes de calcul d'amortissement ainsi qu'à la diversité et à la complexité des installations susceptibles d'être concernées. Dans le même esprit et dans la même décision, il a déclaré non conforme à la Constitution le fait que le législateur, en imposant par surcroît, en toutes circonstances, que ces prolongations ne puissent augmenter de plus d'un tiers la durée initialement prévue sans égard à la diversité et à la complexité des situations susceptibles d'être ainsi affectées, « a imposé sans justification appropriée une contrainte excessive qui est de nature à porter atteinte à la libre administration des collectivités locales ».

Dans les faits, les opérateurs concessionnaires sont ainsi sous l'effet de la « Loi Montagne » qui fixe des délais maximum et de la loi « Sapin » qui oblige en fin de concession à procéder à un nouvel appel à concurrence.

En outre, si la « Loi Montagne » n'écarte pas de prorogations de concession, celles-ci ne sauraient conduire à un conventionnement pour une durée supérieure à trente ans.

En revanche, le code général des collectivités territoriales, à partir de la loi « Sapin », autorise la prorogation d'une concession dans deux cas et ne fixe pas de délai. L'un d'eux, on l'a vu, concerne : la réalisation d'investissements matériels non prévus au contrat initial pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique. Mais si cet investissement est de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qu'il ne peut être amorti pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive, la collectivité concédante doit alors procéder à la passation d'un nouveau contrat.

Ainsi l'opérateur subit les effets contraignants des deux dispositions législatives.

Il n'en demeure pas moins que le contrôle de légalité qui constitue une étape importante dans le processus de conventionnement a encore accentué la complexité du maquis juridique dans lequel la rédaction des conventions s'aventure pour aboutir à des documents acceptables par le représentant de l'Etat. En effet, des disparités sont apparues d'un département à l'autre, d'un arrondissement à l'autre, cette dernière circonscription étant généralement le niveau reconnu pour le contrôle des actes des collectivités locales, les communes et leurs groupements. Même si aucun contentieux n'a été développé, parce que le contrôle de légalité a été exercé à titre préventif et que les actes litigieux ont été soit retirés, soit amendés, l'impression d'insécurité juridique plane sur les relations collectivités territoriales - représentant de l'Etat, moins sans doute sur les clauses initiales des conventions que sur leurs avenants.

B. L'ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE

L'aménagement touristique de la montagne repose sur la réalisation et la gestion d'un certain nombre d'équipements, parmi lesquels les remontées mécaniques tiennent une place majeure. On y associe très souvent les pistes, dont la préparation, l'entretien et la surveillance constituent une charge non négligeable. Enfin et depuis quelques années, les installations liées à la production de neige de culture connaissent une forte croissance. C'est essentiellement sur l'ensemble de ces dépenses liées à la pratique du ski, et surtout du ski alpin, que vont porter les commentaires qui suivent.

Ces commentaires ont pour but de déterminer, entre autres considérations, combien le contexte législatif et réglementaire né de la « Loi Montagne » et de la « loi Sapin » peut peser sur le niveau et la qualité des équipements proposés à la clientèle hivernale : ils ne concernent donc, parmi les conventions passées en application de la « Loi Montagne », que celles comportant une délégation de service public. Cette restriction ne signifie pas que les autres conventions ne soulèvent pas de difficulté de mise en oeuvre, mais simplement que ces difficultés ne tiennent pas à la coexistence des lois « Montagne » et « Sapin ».

La pratique du ski et, d'une manière générale, l'équipement de la montagne à des fins sportives engendre un besoin d'investissements qui fait que ce secteur d'activité est fortement capitalistique. L'instance d'évaluation, installée en avril 1995 à l'initiative du commissariat au plan, estime dans son rapport (Documentation française 4 ème trimestre 1999), en reprenant les chiffres cités par le Service d'études pour l'aménagement touristique de la montagne (SEATM) qu'il faut de l'ordre d'un million de francs (152.000 euros) d'investissements par emploi créé. Une autre étude conjointe du SEATM, du syndicat national des téléphériques de France (SNTF) et du Service technique des remontées mécaniques et transports guidés (STRMTG), actualisée en juillet 2000, indique que la valeur à neuf du parc français actuel peut être estimé à 27 milliards de francs (plus de 4 milliards d'euros) pour 3.000 téléskis, 700 télésièges et 300 autres téléportés. L'évolution du parc, en vue de l'amélioration du confort des skieurs et de l'augmentation du débit des engins, marquée par une forte diminution des téléskis, l'accroissement du nombre des télésièges à pinces fixes ou débrayables devrait conduire rapidement à une valeur globale de 33 milliards de francs (plus de 5 milliards d'euros).

De fait, le parc des remontées mécaniques se transforme mais, en même temps, il vieillit. Les changements de matériels ou leur adaptation ne compensent pas ce phénomène. L'étude conjointe déjà citée SEATM-SNTF-STRMTG révèle que l'âge moyen constaté était en 2000 de 25 ans pour les téléskis et de 15 ans pour les téléportés, et il semble bien que ces valeurs continuent de croître d'une demi-année tous les ans. Ces chiffres sont à rapprocher des durées des conventions prévues par la « Loi Montagne », soit 18 et 30 ans. S'ajoute à cela le fait que le développement du parc est intervenu dans les années 60-70. Les coûts de maintenance grandissent au fur et à mesure du vieillissement, la périodicité des grandes visites se resserre. Toujours d'après l'étude déjà citée, une grande visite pour un simple télésiège à attaches fixes représentait en 2000 un coût moyen compris entre 700 000 et 800 000 francs (107.000 et 122.000 euros).

En même temps que les opérateurs ont à faire face à cette obsolescence du matériel, la clientèle impose une course à l'équipement à laquelle il faut répondre, si l'on veut à la fois l'attirer et la fidéliser. La modernisation du parc paraît être une réponse pertinente : télésièges à attache débrayables plus que télésièges à attaches fixes (19 et 14 en 2001), télésièges 8 places ou 6 places plus qu'à 4 places (respectivement 3, 14 et 4 en 2001). Sur les 35 téléskis démontés en 2001, 3 ont été remplacés par des télésièges débrayables 6 places. Or, les nouveaux engins sont plus coûteux : 21 millions de francs pour un télésiège débrayable, 11,5 millions de francs pour un télésiège à attaches fixes.

A l'évolution du parc s'ajoute l'obligation pour les stations d'offrir à la clientèle hivernale une neige à la fois au rendez-vous et de qualité. D'où le développement spectaculaire et significatif des installations de neige de culture depuis 20 ans. Les investissements étaient estimés à 222 millions de francs en 2000, ils se sont élevés à 240 millions en 2001. Les réserves collinaires représentaient cette année-là 17 millions de francs. Les deux tableaux ci-après, également tirés du bilan des investissements dans le domaine skiable français en 2001 confirment les tendances indiquées.

A cela s'ajoute le coût de fabrication puis de préparation de la neige de culture estimé pour la campagne 2000-2001 à 5,56 Francs par mètre carré de neige prête à skier.

Ainsi, l'on peut estimer à 400 millions le coût annuel consacré à l'amélioration et à la présence de la neige en saison hivernale. Enfin, l'adaptation permanente des pistes (configuration, pente, obstacles latéraux) aux attentes de la clientèle nécessite des investissements croissants, notamment en ce qui concerne l'équilibre entre pistes faciles et difficiles, et la réduction des conséquences des chutes ou maladresses.

Ce qui peut apparaître comme une fuite en avant est, en réalité, une réponse nationale à une concurrence vive entre les destinations européennes de sports d'hiver. La France, première par le nombre de stations, de remontées mécaniques, le nombre de lits et de nuitées, et le chiffre d'affaires, voit sa clientèle nationale tentée par d'autres destinations proches (Suisse, Andorre, Italie, Autriche) et sa clientèle internationale sensible aux produits offerts par ces pays. Les opérateurs nationaux qu'inquiète cette concurrence, nourrie par la qualité des prestations offertes et aidée par les conditions d'intervention moins contraignantes que connaissent leurs homologues européens dans le domaine du tourisme hivernal et du tourisme de montagne tout court ne peuvent qu'aspirer au moins à un nivellement des législations et des réglementations. Il est, à cet égard assez difficile de connaître les régimes d'aides consenties et le dispositif juridique encadrant le statut des opérateurs. L'Union Européenne, certes, s'intéresse à ce problème. Il n'est pas sûr qu'à ce jour elle soit parvenue à cerner l'ensemble des instruments qu'utilisent ces états membres pour appliquer leur politique d'aménagement touristique.

D'où l'intérêt, pour nos opérateurs, que soient revues les règles de passation des conventions et surtout de leur renouvellement, que soient revues les règles d'intervention des avenants et que soient garanties les conditions de fin de concession. Si le texte de la « Loi Montagne » se montre clair et équitable, son application - puisqu'il n'a pas été possible encore de vérifier si elle était acceptable par eux, continue d'inquiéter. Au-delà du calcul du montant de l'indemnité, qu'un contentieux long et complexe dans bon nombre de cas viendra contrarier, ils peuvent s'interroger sur la capacité des collectivités territoriales à régler ces indemnités, le moment venu, et à honorer leurs engagements.

En s'intéressant aux opérateurs, on ne doit pas oublier également que les collectivités territoriales sont non seulement organisatrices mais aussi partenaires dans l'aménagement touristique de la montagne. Elles peuvent également redouter une mise en concurrence en fin de concession, qui pourrait les amener à changer de partenaires contre leur gré, après des années de collaboration, et, pour un grand nombre de stations, des années de succès dans leur politique d'aménagement touristique de la montagne et de développement économique. Les stations de sports d'hiver ne sont pas réductibles à leurs domaines skiables, et les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées dans un grand nombre de domaines : espaces publics, hébergements touristiques, animation culturelle, transports urbains.

Le positionnement de l'offre touristique d'une station dans la concurrence très vive, notamment internationale, résulte de la combinaison d'éléments (domaine skiable, hébergements, services et commerces) ne dépendant pas tous de la collectivité, et la qualité de chaque élément (comme l'accueil) est rarement normalisable comme peut l'être celle de l'eau distribuée par un réseau public ou la régularité de la tension d'un réseau électrique. La satisfaction globale du client passe donc par une grande efficacité d'un système de « gouvernance » où tous les acteurs ont contact avec la clientèle, dans lequel la commune doit s'impliquer fortement, et qui nécessite de lui conserver les plus grandes marges de manoeuvre notamment dans la délégation de la gestion des remontées mécaniques ou des domaines skiables : elle doit pouvoir tout aussi bien se séparer d'un exploitant qui n'adhèrerait pas à un projet global de station que poursuivre son partenariat avec un exploitant qui se révèlerait un puissant moteur d'un tel projet.

Le contexte législatif dans lequel le conventionnement en matière d'aménagement touristique, et essentiellement d'ailleurs celui portant sur les remontées mécaniques, est appliqué, s'avère indiscutablement pénalisant. La situation française est à de nombreux égards plus contraignante que celle de la Suisse, celle d'Andorre, nos voisins immédiats et premiers concurrents, et même des autres pays de l'Union Européenne, en dépit d'une tendance à l'harmonisation des procédures des marchés publics.

C. MODIFICATION DE LA LOI OU INTERPRÉTATION DE LA LOI

Objectivement, ces deux lois peuvent être considérées comme des lois majeures, auxquelles le législateur hésitera à apporter des modifications sauf nécessités graves ou des amendements mineurs. Cela est indiscutable pour la loi « Sapin » dont l'intitulé, déjà, révèle l'extrême sensibilité du domaine qu'elle régit. Certes, née avec et liée à l'actualité, elle servira longtemps de référence. En outre, son intégration dans le code général des collectivités territoriales lui donne une assise plus forte encore. La « Loi Montagne » ne participe pas à cette valeur moralisatrice. C'est une loi d'aménagement, qui consacre toute la place de la montagne dans le patrimoine de notre pays, elle est placée d'ailleurs sous le signe de la « solidarité de la Nation ». Les dispositions sur le conventionnement ne sont évidemment pas l'élément central du document législatif.

Mais, c'est une loi qui a prévu des domaines particuliers qu'elle entend réglementer spécialement. C'est une « lex specialis ». Ainsi, pourrait-on considérer que la loi « Sapin », dans le domaine du conventionnement, même si elle s'y applique, ne peut venir la contrarier dans ce qu'elle a d'original : les durées des conventions, suivant le principe que « ce qui est spécial déroge à ce qui est général ».

Une modification de l'article 42 est donc souhaitable, au moins pour le mettre en harmonie avec la loi « Sapin », en écartant la disposition relative à la durée des contrats, ou au moins celle de la durée maximale des trente ans qui verrouille toute possibilité de prorogation par avenant. Car, aujourd'hui, tout opérateur n'est pas incité à envisager un investissement dans les quinze ou dix dernières années de vie de sa convention. L'abrogation de ces durées aurait un autre mérite, celui de faciliter l'harmonisation sur un même domaine skiable, des dates de début et surtout de fin des conventions passées par les collectivités organisatrices et les opérateurs.

On peut aussi s'interroger sur la portée à la fois politique et juridique de la décision du Conseil Constitutionnel de 20 janvier 1993 appréciant les dispositions de la loi « Sapin » en regard des libertés locales. Cette considération ne dépasse-t-elle pas la hiérarchie que l'on peut concevoir entre les lois générales et les lois spéciales ?

Une autre solution mériterait d'être explorée. Son processus de mise en oeuvre est plus aisé à concevoir et à concrétiser. C'est l'avis du Conseil d'Etat. On objectera que ce n'est pas le premier sur ce sujet puisque la Haute Juridiction avait déjà considéré le 2 septembre 1986 « qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la durée maximale de dix huit ans, ou le cas échéant de trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette prorogation ». Cet avis ne semble pas avoir été respecté en l'espèce.

Si, depuis, a été votée la loi « Sapin », celle-ci n'aurait pu que conforter la position du Conseil d'Etat, ou au moins ne pas en altérer la portée puisque, pour les délégations de services publics, elle proportionne la durée des concessions à celle de l'amortissement des investissements.

Il convient d'ajouter que dans un avis d'Assemblée du 9 janvier 1995, le Conseil d'Etat a précisé que la procédure de publicité et de mise en concurrence prévue par la loi « Sapin » a vocation à s'appliquer à l'ensemble des services publics qui font l'objet d'une délégation par la voie du contrat. Les remontées mécaniques sont un service public (arrêt commune d'Huez, 23 janvier 1959).

L'hésitation ou plutôt l'interrogation ministérielles n'ont pas échappé ni aux élus ni aux opérateurs. Des courriers ministériels, des réponses aux questions de parlementaires confirment ce sentiment. Il conviendrait d'y mettre un terme.

Aussi, semble-t-il, l'idée d'une consultation du Conseil d'Etat fait à nouveau son chemin. C'est ainsi qu'il faut analyser une correspondance du directeur du cabinet du ministre de l'équipement, des transports et du logement au président d'une association de maires du temps de l'ancien gouvernement.

Le changement de gouvernement, semble-t-il, ne paraîtrait pas avoir entraîner de modifications dans les bonnes dispositions de l'administration centrale. Il est donc opportun de veiller à ce qu'elle demeure.

Au-delà de ces considérations juridiques dont l'importance est capitale, et qui impose une clarification du dispositif juridique car la situation présente entraînera un contentieux lourd, même s'il est diffus, d'autres observations méritent d'être faites.

D. AUTRES DISPOSITIONS

Il est indispensable en premier lieu que l'ensemble des partenaires ait une connaissance précise et actualisée de l'état des conventionnements, des difficultés rencontrées dans leur élaboration, leur sanction au niveau du contrôle de légalité, leur contentieux éventuel et les aléas de leur application. La constitution d'un observatoire dont la composition serait calquée sur celle des groupes de travail qui réfléchissent notamment dans le cadre de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales. Les préfets auraient l'obligation de transmettre à cet observatoire les conventions reçues et de l'informer des suites données, y compris contentieuses. Au fur et à mesure que se présenteront des dossiers de fin de contrat, avec leurs implications financières, l'attention de cet observatoire devra se porter sur les capacités budgétaires des collectivités à en supporter le cas échéant les conséquences.

La variété des conventions ? dans leur forme comme dans leur contenu, n'est pas toujours un signe de rigueur. Elle peut cacher parfois une incapacité compréhensible des collectivités territoriales disposent de faibles moyens en personnel. D'où la nécessité, souvent exprimée d'ailleurs par le SEATM, de rédiger une sorte de vade-mecum rationalisant les formules. Cette sorte de guide pratique aurait une valeur pédagogique essentielle qui pourrait éclairer à la fois élus et opérateurs dès la phase des premières négociations.

Enfin il est à prévoir, si l'on se réfère aux premières difficultés nées de fins de conventions, y compris en cas de déchéance ou de résiliation que des contentieux naîtront de l'interprétation et de l'application des clauses prévues aux contrats. Même si la rédaction de ceux-ci présente a priori toutes les qualités de clarté. La création d'une instance de médiation au niveau régional s'avèrerait utile pour tenter de suggérer des solutions amiables. Elle éviterait ainsi des procès coûteux engendrant des délais et souvent traumatisants pour les partenaires. Cette instance pourrait intervenir dans une procédure exploratoire quelques années avant la fin de la concession pour déterminer les éléments de référence qui seraient retenus lorsque le contrat arrive à son terme. L'échelon choisi aurait le mérite d'inciter le Conseil régional à ne pas se désolidariser des conséquences de la succession d'évènements que la fin des concessions, intervenant vraisemblablement au même moment, peut transformer en éléments majeurs de nature à remettre en cause l'économie de nombreuses collectivités ou à leur assurer un nouvel essor.

ANNEXE III -

CONTRIBUTIONS DES CHAMBRES DE MÉTIERS

La présente contribution reprend l'essentiel des informations et des propositions des chambres de métiers, dont la Mission sénatoriale aura entendu un certain nombre de représentants au cours de ses déplacements dans les différents massifs. C'est cette origine « terrain » qui fait la valeur et authentifie cette contribution, dont les chambres de métiers se tiennent prêtes à débattre pour les préciser et les approfondir. S'il est vrai en effet que des mesures spécifiques à l'artisanat de montagne sont souhaitées, leur mise au point suppose un vrai dialogue avec l'ensemble des parties concernées.

1. Existe-t-il des données permettant d'élaborer un bilan statistique de l'artisanat en zone de montagne avec, par exemple, l'évolution du nombre d'entreprises depuis 5 ans, une décomposition par filières, et une mesure de l'effet sur le tissu économique et démographique local des créations ou des disparitions d'entreprises ?

Quel diagnostic général se dégage : déclin, renouveau, atouts à valoriser ?

Réponse :

À notre connaissance, il n'existe pas de bilan statistique de l'artisanat en zone de montagne, c'est-à-dire couvrant la totalité des massifs et l'intégralité de ceux-ci. Aucun système global d'observation n'a été mis en place, notamment par l'INSEE, malgré des tentatives remontant aux années 1980-1985, sur l'initiative de l'APCM. Des statistiques antérieures, datant de la période 1975-1976, n'étaient pas plus exhaustives, puisque les données relatives à l'artisanat de plusieurs départements n'y étaient pas intégrées.

Il n'existe pas non plus de séries statistiques continues sur l'artisanat par massif.

Cette constatation doit être nuancée pour tenir compte de situations départementales particulières. En effet, dans les départements dont la totalité du territoire est classé en zone de montagne, les chambres de métiers disposent ou pourraient disposer, à travers le répertoire des métiers qu'elles tiennent, de sources permettant une connaissance précise des évolutions de l'artisanat sur de longues périodes. Pour les chambres de métiers dont seule une partie du territoire est en zone de montagne, l'exploitation du répertoire est également possible sous réserve d'un tri préalable. Mais cette exploitation suppose et des moyens, et l'existence d'un enjeu qui les justifie, et le croisement avec les données statistiques détenues par l'INSEE (voir ci-dessous, réponse à la 1 ère question in fine). Il faut bien entendu qu'un cadre d'études commun à l'ensemble des chambres de métiers ait été défini au préalable.

Si l'absence d'un bilan statistique de l'artisanat empêche de délivrer un diagnostic général appuyé sur des chiffres, un certain nombre de constats sont cependant permis :

La zone de montagne n'est pas homogène, ni d'un massif à l'autre, ni au sein d'un même massif et les conditions du développement économique sont extrêmement diverses.

La moyenne montagne est souvent encore en déclin, alors que la haute montagne connaît, grâce aux deux saisons touristiques, été et d'hiver, un essor indéniable.

Le massif pyrénéen, avec ses vallées nord-sud, « qui ne communiquent pas entre elles » montre « un patchwork de situations cantonales diversifié, allant du grand tourisme confirmé, aux sites industriels en difficulté en passant par des zones agricoles en crise. Cette diversité rend une interprétation générale délicate ».

Témoignages de chambres de métiers :

- Chambre de métiers de Haute-Savoie :

Ce que l'on peut indiquer c'est, à l'heure actuelle :

- une stabilité dans la production avec un « ticket d'entrée » de plus en plus élevé dans la création d'entreprises dans le secteur très stratégique du décolletage,

- un pourcentage d'entreprises du secteur alimentaire anormalement bas par rapport aux potentialités démographiques et touristiques de Haute-Savoie. Il s'agit d'un secteur à valoriser. La chambre de métiers de Haute-Savoie a signé une convention avec la Région pour un appui technique des métiers de bouche puisque l'on constate un certain déclin de certains métiers comme les bouchers sur des zones rurales et de montagne peu touristiques,

- un secteur du Bâtiment, très actif en zone de plaine mais également en zone de montagne, en rénovation et en neuf, un secteur des services en progression constante en raison d'un fort dynamisme démographique,

- la chambre de métiers de Haute-Savoie est conduite, au regard de la situation dégradée des métiers artisanaux de l'alimentaire, à préconiser des mesures spécifiques en matière d'équipement commercial.

- Chambre de métiers d'Isère Grenoble :

« La mesure de l'effet sur le tissu économique et démographique local des créations ou des disparitions d'entreprises ne peut être réalisée que par des études qualitatives par territoire difficiles à réaliser en raison du manque de financements disponibles.

Dans le cadre d'un contrat de développement Rhône Alpes l'Oisans a fait l'objet d'une étude de ce type réalisée en commun par la chambre de métiers, la CCI et l'agence d'urbanisme de la région grenobloise. »

- Chambre régionale de métiers Languedoc-Roussillon :

« L'Artisanat est resté pauvre en statistiques économiques démontrant à la fois la poursuite d'un déclin des zones dévitalisées, mais également une « reconquête » non seulement d'habitants saisonniers, mais permanents. Certes les artisans de service sont souvent âgés, mais de nouvelles entreprises, dont le marché n'est souvent pas local - et qui ont besoin de moyens rapides de transmission - sont également en cours d'installation.

- Chambres de métiers de l'Ain, du Doubs et du Jura :

Ces trois chambres ont travaillé à l'élaboration d'un état des lieux de l'artisanat du massif du Jura en novembre 2000, qui en présente l'évolution sur trois ans.

Parmi les conclusions :

§ Un secteur des entreprises de production bien représenté (30,1%) contre 18,6% en France, exerçant principalement dans les métiers de la mécanique, de la plasturgie et du bois,

§ Un vieillissement des chefs d'entreprises du Massif plus particulièrement dans la production (âge moyen approchant 47 ans)

§ Des menaces sur le maintien des entreprises dans le secteur de l'alimentation. Si des financements ont été obtenus dans les années 1990/1995, en particulier pour réaliser des études statistiques et des actions de communication en faveur des entreprises des secteurs clés pour l'économie locale (lunetterie, plasturgie, tournerie, tabletterie dans l'Ain), il n'en demeure pas moins vrai que ces entreprises restent très fragilisées lors des hausses de coût de revient (en 2001, le passage aux 35 heures) et de changements de stratégie de leurs donneurs d'ordres (délocalisation). La diminution des actifs des entreprises de production mettant à son tour en péril le maintien d'autres activités artisanales dans les domaines des services et de l'alimentation.

La chambre de métiers de l'Ain souligne également la grande difficulté à trouver des repreneurs dans la partie « Montagne du département ».

Ce constat souligne que l'artisanat en montagne ne se réduit pas au secteur des services, mais est créateur de richesses et d'emplois dans le secteur de la production, dans le Jura comme en Haute-Savoie. De même, dans une branche particulière de la production, l'artisanat d'art, il contribue au développement du tourisme en ajoutant à l'attractivité d'un territoire. Ce sera particulièrement vrai dans les Alpes du Sud.

Proposition : création d'un observatoire économique :

La chambre de métiers de Haute-Savoie conduit actuellement une expérience remarquable

Un observatoire Économique est en cours de réalisation, il intègrera à terme OLIA, un logiciel de cartographie en lien avec Business Object et des outils d'analyse décisionnelle et d'enquête (MODALISA). OLIA, Outil de Localisation et d'Implantation de l'Artisanat est un logiciel développé par le réseau des chambres de métiers.

L'observation économique a un coût et suppose une implication de l'INSEE.

2. Les observations de terrain montrent qu'à l'évidence, le commerce et l'artisanat de montagne subissent des surcoûts économiques, fiscaux et sociaux : surcoûts de chauffage, de transport, impossibilité en zone dépeuplée de louer du matériel et donc surcoût en termes d'outillage ou d'équipement, etc. Peut-on chiffrer ces handicaps et quels dispositifs permettent aujourd'hui de les compenser  ?

Réponse :

- Chambre de métiers de l'Isère - Grenoble :

o « Le chiffrage de ces handicaps peut se faire par une évaluation du nombre d'heures perdues par grande famille d'activité multipliées par un prix horaire.

o Ce travail devrait être réalisé par saison (surtout pour l'hiver).

o D'autre part les surcoûts pour des postes tels que l'achat ou la location de matériels peuvent aussi être évalués par saison et par grande famille professionnelle.

N'oubliez pas la difficulté de trouver du personnel saisonnier dans les zones à forte fréquentation touristique. » (voir ci-dessous III.2 logements sociaux).

- Chambre de métiers des Hautes-Alpes :

« Les surcoûts sont évidents, mais difficiles à quantifier. Ne pourrait-on pas demander à la Fédération des centres de gestion une étude comparative sur des entreprises installées en montagne ? »

- Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence :

« Il est clair que l'activité en montagne génère des surcoûts que n'ont pas les entreprises en milieu urbain. Les déplacements sont importants ; selon les lieux, l'activité est impossible à certains moments de l'année. Cette remarque pourrait être approfondie par un travail de comparaison entre les comptes de résultats et les bilans d'entreprises situées en zone urbaine et en zone de montagne.

- Chambre de métiers de Haute-Savoie :

« Impossible en l'état actuel de chiffrer ces handicaps réels. Un constat cependant : le coût de la vie en Haute-Savoie mais plus particulièrement dans les zones de montagne à forte attractivité touristiques »

- Chambre de métiers de Haute-Loire :

« Nous ne disposons pas d'éléments chiffrés sur les handicaps (surcoût de transport, équipement, etc....). Toutefois, il serait opportun de mettre en place des dispositifs spécifiques d'exonération fiscale »(pour compenser ces surcoûts).

- Chambre régionale de métiers du Languedoc-Roussillon :

La notion de surcoût d'exploitation est illustrée par de nombreux exemples dus à l'éloignement, à la dispersion de population, aux conditions climatiques....

3. Vue synthétique des aides financières et des mesures de simplification au bénéfice des artisans de montagne. Quelles mesures ont été prises par l'État et les collectivités locales depuis 1985 en faveur des commerçants et des artisans installés en zone de montagne ?

Réponse :

- Chambre de métiers de Haute-Loire :

« Les aides financières et les mesures de simplification mises en oeuvre ne semblent pas particulièrement performantes et ne sont jamais citées ou reconnues comme des mesures entrant dans une stratégie de maintien d'activité en zone de montagne ».

- Chambre régionale de métiers du Languedoc-Roussillon :

Les dispositifs spécifiques n'existent pas : il n'y a jamais eu de « loi Montagne Artisanat », peut être par manque de propositions concertées, mais les volets « montagne » des Contrats de Plan ont permis d'abonder les enveloppes des mesures collectives au profit des artisans d'arrière pays (mesures souvent étendues, de façon plus large, aux zones rurales en difficulté). Aides financières et mesures de simplification n'existent pas en tant que telles, mais les entreprises bénéficient d'aides directes à l'installation (CIFA), au développement (Plan de développement...) ou à l'action collective »

- Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence :

Les aides qui existent ne sont pas spécifiques. Il s'agit du FODAM (Fonds d'aide à la modernisation, financement Europe et Département, maintien du service de proximité dans les communes de moins de 2000 habitants) et de la sous-mesure 3.2.4 du programme Européen Objectif 2.

4. Sur la nécessité de maintenir des services de proximité, qualifiés « d'intérêt général » par la loi Montagne, dans les zones menacées de dépeuplement. Peut-on chiffrer les besoins, quelles sont les mesures prises dans ce domaine ainsi que les réflexions en cours sur la base d'observations étrangères ou d'expériences réussies ?

Réponse :

S'il est possible, le chiffrage des besoins reste à faire sur la base d'analyses statistiques fines, délimitant les zones menacées de dépeuplement.

Plusieurs départements ont institué des dispositifs d'appui au maintien ou à la réimplantation de services d'intérêt général (services de première nécessité, -alimentation, mécanique automobile, dépannage, soins à la personne..), sous certaines conditions : taille de la commune, absence de l'initiative privée, absence de concurrence directe dans la commune ou la zone considérée, consultation des professionnels effectuant des tournées etc..

Cet interventionnisme repose sur le constat que l'existence (ou la réapparition) d'un marché solvable ne suffit pas à elle seule à entraîner automatiquement la réinstallation de services disparus et le retour d'artisans et commerçants pour les assurer. Le département des Hautes-Alpes, notamment, a mis en place un dispositif efficace, le FODAM (fonds départemental d'aide à la modernisation), dont la mise en oeuvre se fait en concertation avec les chambres de métiers et les organisations professionnelles intéressées.

Cette aide avait été également mise en place par le Conseil général des Alpes de Haute- Provence, pour favoriser l'installation de commerce multi-services en milieu rural dans les communes de moins de 500 habitants où l'initiative privée faisait défaut. Il s'agissait d'une aide à l'investissement et d'une aide au fonctionnement. Cette aide a permis l'implantation d'épiceries sur de toutes petites communes.

Proposition de la chambre de métiers des Alpes de Haute Provence : un FODAM spécial zone de montagne ou encore une fiscalité différente pour les artisans de ces zones (ex : tauX de TVA réduits).

Voir note transmise par la chambre de métiers des Hautes-Alpes.

5. Quel est votre bilan du dispositif applicable à la pluriactivité et aux groupements d'employeurs ? Quelles sont les perspectives ?

Réponses :

I. La présence de la pluriactivité va s'étendre sur tout le territoire :

La vitalité de cette forme d'emploi a été mise en évidence à travers de nombreuses études locales et nationales, ces dernières années :

- présence de la pluriactivité sur tout le territoire ;

- faiblesse relative de la pluriactivité agricole comparée aux autres secteurs. Près des 2/3 des pluriactifs n'ont aucun revenu agricole ;

- plus de 86% des pluriactifs associent salariat et non salariat ;

En montagne, dans le département de la Savoie, par exemple, le pourcentage de pluriactifs est plus fort que dans l'ensemble de la France :

- 40 % des agriculteurs

- 27 % des commerçants et artisans

- 49 % des professions libérales s'y déclarant pluriactifs.

Deux facteurs principaux sont venus accompagner cette montée en puissance de la pluriactivité :

- L'attitude des individus face au travail a considérablement évolué ces dernières années.

- L'attitude de la FNSEA et de l'APCA qui n'appellent plus à bloquer toutes les mesures favorables à la pluriactivité.

L'APCA écrit en mai 2000  : « la pluriactivité doit coexister en totale harmonie avec les acteurs du monde rural. L'ensemble des professions rurales doit être soumis à un principe commun : mêmes droits, mêmes devoirs » (Pour une simplification de la pluriactivité en agriculture - Chambre d'agriculture - n° 888- Mai 2000)

II - L'imbroglio actuel des régimes sociaux :

A) Il est nécessaire d'organiser une information simple des pluriactifs pour leur permettre de se situer dans leur environnement administratif très complexe.

L'expérience de « permanences conjointes des différentes caisses » organisées localement dans les zones de forte pluriactivité devrait être multipliée et très largement améliorée.

Les expériences de guichet unique sont peu nombreuses, et semblent n'avoir été tentées qu'en Savoie et dans les Hautes-Alpes, et encore dans ce département, très récemment.

- Chambre de métiers de Savoie : «  La Savoie a mis en place un guichet unique, et ce, dès 1985. Les organismes de protection sociale des trois principaux régimes uniquement y sont représentés sans moyens financiers spécifiques . Ces permanences mensuelles conjointes sont essentiellement fréquentées par les assurés qui préparent la liquidation de leurs droits à la retraite.

Le guichet unique est très peu utilisé par les pluriactifs en activité , car mal connu et peu adapté aux réalités professionnelles (horaires, périodicité et localisation inadéquats, absence de confidentialité des propos tenus).

Contrairement aux voeux exprimés par les intéressés lors des travaux inter-consulaires sur la pluriactivité, réalisés en Savoie de 1987 à 1991, les administrations ( DDTE, services fiscaux) n'y sont pas présentes. L'accessibilité égale pour tous les citoyens aux administrations sur l'ensemble du territoire préconisée par la loi Montagne n'est toujours pas d'actualité ».

B) Certes, un progrès notable : La Caisse Unique de protection sociale pour les pluriactifs non-salariés :

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a fait faire un énorme progrès à l'assuré qui exerce deux activités professionnelles non salariés (l'une relevant du régime agricole, l'autre du régime non-agricole).

Cet assuré est affilié au régime de l'activité principale , pour une durée de 3 ans renouvelable. Son activité principale est déterminée en fonction de ses revenus et du temps passé dans chaque activité.

C) Mais, peu de choses sont faites pour un assuré qui exerce une activité salariée se conjuguant avec une activité non-salariée, (alors que 86 % des pluriactifs associent salariat et non salariat).

1 - Détermination de l'activité principale :

Le seuil des 1 200 heures nécessaire, outre la condition cumulative de revenus salariés au moins égaux à ceux tirés de l'activité non salariée, souvent dénoncé par les assurés, est encore plus exorbitant aujourd'hui en regard du récent abaissement de l'horaire légal de travail.C'était pour une semaine de 40 heures, l'équivalent de 7 mois de travail à plein temps. Il y aurait lieu de ramener les heures nécessaires à un chiffre plus raisonnable : l'équivalent de 5 mois à plein temps serait plus adapté.

2 - Évolution de la réglementation au niveau des cotisations sociales des pluriactifs :

Concernant l'échec de la mise en place de caisses pivot, au profit des pluriactifs qui exercent une activité salariée en parallèle avec une activité non-salariée, deux conclusions s'imposent :

- la résistance des caisses de protection sociale qui éprouvent bien des difficultés à communiquer entre elles.

- la réforme envisagée ne réglait pas les problèmes posés par la détermination de l'activité principale.

Il faut en conséquence, et quel que soit le poids des « corporatismes » des caisses de protection sociale, avancer sur une harmonisation des prestations, quel que soit le régime de protection sociale, salarié ou non salarié.

3 - Conditions d'accès et d'exercice de l'activité :

a) Les artisans souhaitent obtenir les mêmes taux bancaires que les agriculteurs et le respect, par les agriculteurs, des mêmes normes techniques et d'hygiène qui leur sont imposées.

b) Professions du bois : il est souhaitable de mettre de l'ordre dans l'immatriculation des professions forestières et du bois. Ainsi, souligne en particulier la chambre de métiers de Haute-Vienne, les scieurs sont immatriculés au répertoire de métiers, les débardeurs à la Mutualité sociale agricole (MSA), de même que les bûcherons, les exploitants forestiers au registre du commerce.

En zone de montagne, il semble que le bilan du dispositif soit mitigé pour les entreprises artisanales du moins, alors qu'il avait fait naître des espoirs forts. Cela tient à ce que les entreprises qui adhèrent effectivement aux groupements sont bien moins nombreuses que celles qui ont manifesté en amont un intérêt pour ce type de structure. Cela tient à la rareté de la main- d'oeuvre qualifiée, au faible nombre d'entreprises utilisatrices, au total et par type d'activité, à la diversité des métiers susceptibles d'être exercés. La formule du groupement d'employeurs n'a pas obtenu le succès escompté, du moins dans les zones de montagne.

Chambre de métiers des Alpes de Haute Provence : « les groupements d'employeurs existent sur ces zones. Ils pourraient avec une information différente solutionner quelques problèmes de main d'oeuvre dans les entreprises artisanales ».

5. Quelles sont les mesures prises et les réflexions conduites en matière d'amélioration du statut des femmes ou de conjoint collaborateur et d'application des 35 heures ?

Les chambres de métiers de montagne n'ont fait part d'avancées spécifiques sur ces sujets. On relèvera cependant que les 35 heures, en zone de montagne à vocation touristique en particulier, sont irréalistes ou constitueraient un handicap important en pleine saison. Le témoignage cité plus haut des chambres de métiers du massif du Jura soulignait les surcoûts provoqués par les 35 heures dans les entreprises de production, dont le marché est tributaire de cours mondiaux.

III - Pistes et propositions présentées par les chambres de métiers

Outre un certain nombre de propositions exposées ci-dessus, il convient de présenter une série de remarques et de pistes qui mériteraient d'être explorées pour déboucher sur des mesures à prendre dans l'intérêt des territoires de montagne.

1. Pression foncière : les chambres de métiers soulignent l'impact d'une forte fréquentation touristique et notamment d'une forte demande de résidences secondaires sur les valeurs foncières. « Sans constitution de réserve de terrains, les entreprises auront beaucoup de difficultés à se créer et à se développer »

2. Logements sociaux : les chambres de métiers soulignent la rareté ou l'insuffisance des logements sociaux, qui fait obstacle à l'embauche de salariés et d'apprentis. Ce phénomène n'est pas propre à la haute montagne et aux stations de sport d'hiver, mais touche aussi la moyenne montagne. La chambre de métiers de Vaucluse par exemple le signale.

3. Zone économique de montagne : considérant que la montagne n'est pas un territoire homogène, pas plus que le rural ou la ville, des chambres de métiers avancent l'idée de zone économique de montagne , qui constituerait le champ d'application de mesures spécifiques favorisant le maintien, la création-reprise et le développement des entreprises. Un certain nombre de paramètres permettrait de la définir.

La nature et la portée des dispositifs juridiques, fiscaux, sociaux, financiers devrait l'objet d'une approche attentive, à mi-chemin entre les régimes de droit commun et les dispositifs envisagés pour les zones les plus dégradées, appelées à être constituées en zones franches rurales de montagne.

4. Zone franche rurale montagne : des chambres de métiers du Massif central (Lozère, Cantal...) proposent d'instituer des zones franches rurales, à l'instar des zones franches urbaines

a) Des paramètres permettraient de la définir :

Réunir au moins deux des trois critères ci-après :

- cumul des soldes naturels et migratoires négatifs,

- et/ou diminution de la population d'au moins 5% entre les derniers recensements,

- et/ou densité inférieure à 30 habitants au km²

- et potentiel fiscal inférieur à 200 euros/habitant.

b) La zone franche rurale montagne comporterait un « arsenal » juridique, financier, fiscal, social dérogatoire permettant le maintien de la population et renforçant l'attractivité de la zone (Chambre de métiers de la Lozère)

- Mesures d'ordre juridique :

o Régime spécifique de la transmission du patrimoine professionnel.

o Reconnaissance de la notion de moyenne montagne.

o Refonte des critères d'éligibilité à la P.A.T, dont le périmètre d'application a des incidences sur les entreprises artisanales.

- Mesures fiscales : le dispositif, d'une durée de 5 ans comporterait

o L'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises existantes, transmises ou créées dans ces zones,

o L'exonération de plein droit de taxe professionnelle pour les entreprises transmises ou créées dans ces zones,

o L'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour l'immobilier professionnel,

o Un crédit d'impôt pour investissements

o La réduction de la TVA sur les activités de main d'oeuvre.

o La généralisation de l'amortissement dégressif

o La détaxation des carburants professionnels

o Une mesure spécifique en matière d'impôt sur le revenu pour tout nouvel arrivant.

- Mesures sociales :

o Allégement des charges sociales afin d'en affecter l'équivalent à une augmentation des salaires

o L'exonération des cotisations patronales du 1 er au 50 ème salarié sur la fraction de rémunération inférieure ou égale à 1,5 SMIC pour les entreprises artisanales, industrielles et commerciales, y compris les professions libérales, de 50 salariés au plus.

o Baisse globale des prélèvements grâce à une collecte en guichet unique à compétence globale

o Reconnaissance du rôle de formateur des tuteurs en entreprises

o Assouplissement des 35 heures.

- Mesures financières :

o Dotation jeune entreprise artisanale pour faciliter la création et la reprise

o Bonification d'intérêts, notamment pour investissement de contrainte, mise aux normes etc....

o Mise en place au plan départemental ou de pays de plates-formes d'initiative artisanale accordant des avances remboursables sans intérêts.

5. Contrats territoriaux artisanaux de service (Chambre de métiers du Cantal)

L'artisanat en milieu rural doit assurer les services de proximité nécessaires à la population. Dans les situations où le marché n'assurerait pas à lui seul la juste rémunération de l'artisan, il conviendrait d'inscrire le champ de ses prestations dans un contrat territorial artisanal de service.

a) Objectif du contrat territorial artisanal de service :

- assurer la présence d'un artisan dans chaque commune,

- garantir un service de proximité

- créer un maillage territorial d'entreprises.

b) Contenu du contrat :

- assurer à l'artisan ou à son conjoint un travail rémunéré non artisanal, complémentaire à son activité artisanale, lui procurant un complément de revenu. Exemple d'activités : ramassage scolaire, portage des repas à domicile, entretien du patrimoine, environnement, accompagnateur-guide pêche en montagne, garderie d'enfants.

- La mise en place d'un tel contrat, organisation d'une forme de pluriactivité, favoriserait la transmission d'entreprises difficilement viables avec la seule activité exercée par le cédant et d'attirer des candidats à la création-reprise d'entreprise.

6. Moyens d'action des chambres de métiers de montagne : une dotation « animation économique » renforcée pour financer les surcoûts.

Les chambres de métiers conduites à assumer leur mission d'appui à la création-reprise d'entreprise, d'accompagnement du créateur-repreneur, à participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets de développement économique, sont tenues de rapprocher leurs services de l'artisan. Les déplacements, générant des surcoûts matériels et salariaux, la tenue de permanences décentralisées, la création d'antennes font peser sur les chambres de métiers de montagne des surcoûts importants, qui devraient trouver des compensations dans des financements exorbitants des règles habituelles.

Chambre de métiers du Jura : « le coût journalier de l'agent, dans le cadre de la dotation « animation économique de la DECAS titre I doit être relevé pour les départements situés en zone de montagne ».

*

* *

En conclusion, c'est en raison de l'interdépendance qui unit les différents acteurs de la vie économique, en montagne plus encore que partout ailleurs, que les que les chambres de métiers proposent des mesures spécifiques ou dérogatoires pour les artisans de la montagne ou pour certaines zones particulièrement défavorisées, menacées de dépeuplement, des massifs.

De telles mesures méritent d'être analysées en partenariat avec l'ensemble des acteurs. Elles n'ont leur justification que dans les écarts qui caractérisent ces zones par rapport au territoire national ; elles ont vocation à être temporaires, à faire l'objet d'évaluations d'impact. Pour autant, lorsqu'un développement endogène apparaît impossible, la solidarité nationale doit jouer.

ANNEXE IV -

CONTRIBUTION DE LA LOZÈRE :
UN EXEMPLE DE SPÉCIFICITÉ DE ZONE DE MONTAGNE
À VOCATION D'ACCUEIL SANITAIRE ET SOCIAL

Le département de la Lozère a été pionnier en matière d'accueil et de prise en charge des personnes handicapées dans les années 1950 à une époque où la notion même d'activité médico-sociale restait à inventer et si les handicapés mentaux ou les polyhandicapés en furent les premiers bénéficiaires, l'initiative associative privée à but non lucratif a su créer les structures aptes à prendre en charge les handicapés physiques, à leur offrir des possibilités d'épanouissement par le travail et par le sport (organisation des jeux nationaux et internationaux).

La Lozère compte aujourd'hui de nombreuses structures d'accueil et de prise en charge dont les capacités sont évidemment sans rapport avec son faible niveau de population, ce qui pose problème dans un contexte de planification administrative des capacités et de régionalisation des moyens financiers avec des tentations évidentes de redéploiements vers d'autres départements.

Cette vision administrative et financière va souvent à contresens des principes que le législateur a réaffirmés dans la récente loi du 2 janvier 2002 et qui placent la personne en difficulté accueillie au centre du dispositif. En effet, faut-il privilégier la proximité de la structure ou la qualité de la prise en charge ? Que devient le libre choix des personnes dans un système planifié dans lequel les orientations seraient fondées sur des considérations de proximité du lieu de résidence de la personne ou de sa famille.

Les structures lozériennes ont su innover dans le passé en matière d'offre de travail (C.A.T.) de structures alternatives à l'hospitalisation (MAS) de prise en charge des handicapés vieillissants (F.D.T.) et ont su s'adapter aux besoins nouveaux tout en améliorant les projets et les modes de prise en charge. La coopération inter-associative qui se met en place au travers de réflexions communes et de recherches de progrès sur la qualité de la prise en charge (travaux auxquels est associé l'ensemble des personnels) doit permettre de rester innovants en matière de prise en charge et de projets dans un département dont les caractéristiques démographiques et rurales favorisent l'adaptation, l'intégration sociale et la vie associative.

Le département de la Lozère présente la caractéristique d'être le seul secteur sanitaire qui comprend moins de 100.000 habitants et aucune agglomération importante puisque Mende compte 12.000 habitants. Il subit l'attractivité des départements limitrophes et des villes de Montpellier, Clermont-Ferrand et Rodez.

Du fait de ses conditions géographiques et climatiques défavorables aux transports, des seuils d'activité qui rendent difficiles les installations de spécialistes et d'équipements lourds, ce département doit trouver des solutions innovantes pour éviter une perte de chance possible en matière de soins, notamment en ce qui concerne les urgences et limiter le recours à des structures extérieures pour les courts séjours.

Compte tenu de l'équipement actuel :

- un centre hospitalier général à Mende ;

- une clinique chirurgicale à Marvejols ;

- cinq hôpitaux locaux à Marvejols, Florac, Langogne, Le Malzieu, St Chely d'Apcher ;

et dans le droit fil des dispositions des ordonnances d'avril 1996 concernant la coopération interhospitalière et les mises en réseaux, la complémentarité public-privé permet :

- de faire face aux urgences (complémentarité de moyens et de compétences entre la clinique de Marvejols et l'hôpital de Mende) ;

- de diversifier l'offre de soins ;

- d'offrir aux praticiens le choix des statuts d'exercice libéral ou salarié apte à préserver l'attractivité du département pour les spécialistes malgré les seuils d'activité ;

- de mettre en place par construction ou rénovation un patrimoine immobilier hospitalier adapté aux conditions actuelles d'accueil, de soins et d'hébergement.

A cet égard, la création de « pôles de santé » tel que celui envisagé à Marvejols qui intègre dans un même espace le service de médecine de l'hôpital local, la clinique chirurgicale, les services d'imagerie médicale des cabinets médicaux est un exemple de mise en commun de compétences et de moyens apte à :

- augmenter la qualité et l'éventail de l'offre de soins au bénéfice des patients lozériens ;

- recentrer l'activité médico-chirurgicale sur le département pour une meilleure prise en charge des malades évitant des déplacements et des soins hors département ;

- créer des équipements modernes et adaptés avec des économies de moyens ;

- favoriser la coordination et la coopération médecine de ville et médecine hospitalière.

La mise en réseau des établissements de soins de suite (convalescence, réadaptation fonctionnelle, établissements de cure) permet le maintien d'un service de proximité de qualité adapté aux spécificités du département. Les caractéristiques climatiques sont utilisées pour de la convalescence spécialisée en matière d'affections respiratoires qui est une véritable alternative à l'hospitalisation. Dans ce domaine, il faut souligner l'intérêt d'une activité qui n'est pas limitée aux seuls originaires du département ou de la région.

* 1 L'évaluation de la politique de la montagne. Conseil national de l'évaluation. Commissariat général du plan. La documentation français, 1999.

* 2 Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

* 3 Pour la précision de l'analyse, et pour respecter la définition des massifs du rapport du Conseil national de l'évaluation et du commissariat général du plan sur la politique de la montagne, on considère ici que les Alpes du Nord et les Alpes du Sud constituent deux massifs distincts, bien qu'ils aient été juridiquement unifiés par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 «démocratie de proximité».

* 4 L'usine nouvelle, n° 2814, 28 février 2002.

* 5 Rapport précité.

* 6 Celle-ci, dans son article 3, définit en effet la montagne comme « les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus :

1° Soit à l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;

2° Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ;

3° Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée».

* 7 Discours de Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable aux Journées nationales des parcs naturels régionaux - 3 octobre 2002

* 8 La Principauté de Monaco n'a pas d'espaces protégés de montagne à gérer, mais elle est très attachée à la sauvegarde de l'espace alpin et participe aux travaux de la Convention alpine.

* 9 Natura 2000 : de la difficulté de mettre en oeuvre une directive européenne (n°309 - 1996-1997).

* 10 Transposition par ordonnances de directives communautaires - Avis n° 31 (2000-2001)

* 11 JO Débats Sénat - Séance du 29 juin 1998, p. 3581 à 3604.

* 12 La dernière, en date du 24 octobre 1994, adapte le dispositif aux objectifs du « plan décennal de restauration et d'entretien des rivières ».

* 13 Audition précitée

* 14 Ce compte n'intègre pas les PSS (plans de surfaces submersibles) qui valent PPR au regard de la loi du 2 février 1995 mais leur contenu n'est pas suffisamment satisfaisant

* 15 Dans ce département, beaucoup de PPR correspondent en fait à d'anciennes procédures (PER et R111-3) qui valent PPR au titre de la loi du 2 février 1995 mais qui pour beaucoup doivent être révisées compte tenu de leur ancienneté

* 16 Rapport remis le mardi 30 juillet 2002 à M. Hervé GAYMARD sur la base de trois sous-groupes présidés par le sénateur Jean-Paul AMOUDRY, Président de la Société d'Economie Alpestre de la Haute Savoie pour « les entités collectives et leur évolution »; Gérard BEDOS, Président du SUAIA Pyrénées pour  la « valorisation des espaces et des productions »; Paul AUBERT, Président de la Chambre d'Agriculture des Hautes-Alpes et René TRAMIER, membre de la Chambre régionale Provence-Alpes-Côte-d'Azur pour « l'emploi, la formation et les métiers ».

* 17 Conseil national de l'évaluation. Commissariat général au plan. La politique de la montagne. Septembre 1999

* 18 « Art. 35 de la loi du 9 janvier 1985 : Les dispositions des articles 33 et 34 ci-dessus ne portent pas atteinte à la procédure prévue par la loi du 6 mai 1919 relative à la protection des appellations d'origine. Elles ne sauraient être de nature, de quelque manière que ce soit, à provoquer une confusion dans le cas de références géographiques déjà utilisées par des produits d'appellation d'origine. »

* 19 Intervention du 5 février 2001 de Mme Michelle Demessine devant le Conseil national de la montagne.

* 20 Les chiffres clés du tourisme de montagne 3 ème édition mai 2002. Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne

* 1 et 2 Les chiffres clés du tourisme de montagne 3 ème édition mai 2002. Service d'études et d'aménagement touristique de la montagne.

* 21 Source GIEC : Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat

* 22 Audition du 23 avril 2002

* 23 Annexe III : Contributions des chambres de métiers.

* 24 (Réponse publiée au JOAN du 29 Novembre 1999 en relation avec une question écrite de M. Jacques Blanc n° 41206)

* 25 Pour un droit à la pluriactivité : propositions au Premier Ministre.

* 26 Gérard Larcher, Sauver la Poste : est-il encore temps pour décider ?, rapport d'information 463 (98-99), commission des affaires économiques.

* 27 Rapport précité.

* 28 Cf. annexe IV du présent rapport.

* 29 Il va de soi que les préconisations indiquées ci-après s'entendent à titre indicatif, sous réserve des recommandations qui seront faites à cet égard par notre collègue Hubert Haenel, dans le cadre de la mission dont il a été chargé, par le décret du 1 er septembre 2002, auprès du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et du secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

* 30 Conseil général des ponts et chaussées, Les transports à travers les Pyrénées, enjeux et perspectives, mai 2001.

* 31 Commission européenne, La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, 2001.

* 32 Phrase figurant sur son site Internet.

* 33 Le CETIR n'échappe d'ailleurs pas à cette difficulté. L'accès à l'internet à haut débit devrait toutefois y être prochainement assuré.

* 34 Direction générale de l'industrie des technologies de l'information et des postes, Rapport sur la couverture du territoire par les réseaux de télécommunications mobiles, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 2001.

* 35 Ainsi, dans le cas de la diffusion de services de communication audiovisuelle, la «loi montagne» prévoit, dans son article 16, que l'action du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de définition des conditions techniques et d'attribution des fréquences peut faire l'objet d'« aménagements techniques particuliers » afin de « permettre, en zone de montagne, une bonne réception des émissions des services de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne».

* 36 Qui, selon la loi, «définit les objectifs de développement de l'accès à ces services et de leurs usages sur l'ensemble du territoire, dans le respect des dispositions sur le service universel et les services obligatoires des télécommunications».

* 37 Proposition de loi relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs, 3 août 2002 (n° 409).

* 38 Président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie du Massif central, président de la Chambre régionale de commerce et d'industrie Auvergne, premier vice-président de l'Assemblée des Chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

* 39 Par exemple, dans le cas de la région Limousin la mise en place d'une boucle régionale haut débit est l'une des plus importantes opérations inscrites au contrat de plan (de l'ordre de 50 millions d'euros).

* 40 Réponse écrite.

* 41 Créée en 1975, l'ADIMAC rassemble des industriels, des collectivités territoriales, des organismes de développement et des organismes financiers.

* 42 La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition.

* 43 La mission commune d'information estime que la notion de chalet d'alpage doit être comprise au sens large, et inclut en particulier les bâtiments d'estive.

* 44 Dont la rédaction actuelle résulte de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui reprenait les dispositions de l'article L. 123-2, tel qu'il était alors rédigé.

* 45 Louis Althapé, rapport d'information n° 265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 46 Ces règles ou cette étude doivent attester de la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages.

* 47 Commune de La Balme de Thuy.

* 48 Autorisation ensuite retirée.

* 49 Il est précisé que « la nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition ».

* 50 François Servoin, « Les conséquences de la loi SRU sur les unités touristiques nouvelles », revue Géomètre , mars 2002.

* 51 Commune de Thônes,26 mars 2002.

* 52 Commune de Mieussy (mars 2002).

* 53 Louis Althapé, rapport d'information n° 265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 54 L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que la notion de hameau pourrait être définie par le PLU. Le Sénat a ensuite adopté un amendement présenté par MM. Hérisson, Amoudry et Franchis précisant que devait être préalablement demandé l'avis de la commission de conciliation départementale compétente en matière d'élaboration de SCOT, de schémas de secteur, de PLU et de cartes communales. Ces dispositions, auxquelles le gouvernement était défavorable, n'ont pas été retenues dans le texte définitif. Elles risquaient en effet d'apporter un faux sentiment de sécurité et d'entraîner pour les communes des contentieux importants. Si les modalités retenues étaient peut-être perfectibles, la nécessité de préciser la définition du hameau n'en est pas moins reconnue.

* 55 Article L. 421-5 du code de l'urbanisme : «Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés».

* 56 Date de publication de la loi n° 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction.

* 57 Louis Althapé, rapport d'information n°265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 58 Louis Althapé, rapport d'information n°265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 59 Louis Althapé, rapport d'information n°265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 60 Décret n° 2002-748 du 2 mai 2002 relevant le seuil financier au-delà duquel les modifications des remontées mécaniques sont considérées comme unités touristiques nouvelles et modifiant le code de l'urbanisme (le seuil précédent était de 2,67 millions d'euros).

* 61 Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

* 62 Articles L. 445-1 à L. 445-4, R. 445-1 et R. 445-2 du code de l'urbanisme.

* 63 Annexe II du rapport.

* 64 En outre, si un SCOT ne prévoit pas une UTN, celle-ci n'est possible qu'après modification du SCOT (cf. ci-après).

* 65 Décret n° 2001-260 du 27 mars 2001 modifiant le code de l'urbanisme et le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et relatif aux documents d'urbanisme.

* 66 Article L.122-8 du code de l'urbanisme (né de la loi SRU).

* 67 Articles L.122-8 (UTN introduite à l'occasion du SCOT) et L.145-12 (modification d'un SCOT motivée dans le seul dessein d'y introduire une UTN) du code de l'urbanisme.

* 68 Le projet de décret contenait la disposition suivante : « En zone de montagne, le schéma de cohérence territoriale définit les principes d'implantation des unités touristiques nouvelles. Il précise la capacité globale d'hébergement et d'équipement de ces unités touristiques, le cas échéant commune par commune. Il peut définir la localisation des unités les plus importantes, qui doit prendre en compte les risques naturels et la qualité de l'environnement et des paysages ». Le Conseil d'Etat a supprimé cet alinéa au motif qu'« il résulte des dispositions combinées de l'article 74 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et de l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme, issu de l'article 72 de la même loi, que la création de toute unité touristique nouvelle est subordonnée à la condition d'être prévue par un schéma directeur ou un schéma de secteur. Cette règle ne comporte aucune dérogation, notamment en fonction de l'importance des unités touristiques nouvelles à créer. Seule une modification de la loi du 9 janvier 1985 ou de l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme pourrait autoriser la création d'une unité touristique nouvelle ne figurant pas dans un schéma de cohérence territoriale, document qui a remplacé le schéma directeur. En l'état de la législation, il est donc exclu que le schéma de cohérence territoriale se borne à définir les principes d'implantation des unités touristiques nouvelles et la localisation des seules unités les plus importantes à créer. »

* 69 Louis Althapé, rapport d'information n°265 (1999-2000), commission des affaires économiques.

* 70 François Servoin, « Les comités de massif entre décentralisation et déconcentration », 1997.

* 71 Annexe II du rapport.

* 72 L'autre sujet étant l'aspect intercommunal de la gestion du territoire comme de l'offre touristique.

* 73 Réponse écrite.

* 74 Réponse écrite.

* 75 « Elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages. »

* 76 Séance du 4 mai 2000.

* 77 Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 art. 100.

* 78 Les stations classées, les communes qui bénéficient de la dotation supplémentaire aux communes et groupements touristiques ou thermaux et la dotation particulière aux communes touristiques, les communes littorales, les communes de montagne, les communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme et celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.

* 79 Dans le cas d'installations s'étendant sur plusieurs communes, le montant et les conditions de perception de la redevance sont fixés sur délibérations conjointes des conseils municipaux concernés.

* 80 Article 84 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne : « Sur proposition du ou des conseils généraux ou du conseil régional concernés, il peut être créé pour les départements de montagne une association départementale, interdépartementale ou régionale pour la promotion du ski de fond. (...) L'association (...) ainsi créée a pour objet de contribuer sur le territoire des départements concernés à toutes actions propres à faciliter la pratique du ski de fond et notamment le développement des équipements, la coordination des actions de promotion et l'harmonisation du montant des redevances »

* 81 Toutefois, les communes qui percevaient, avant la loi du 9 janvier 1985 la taxe spéciale visée par les dispositions du décret du 14 novembre 1968, perçoivent une dotation du département égale à la différence du produit de la taxe au taux de 3 % et le produit de l'ancienne taxe.

* 82 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 art. 99.

* 83 Direction générale des collectivités locales, La réforme des finances locales, 2002.

* 84 Loi n° 96-241 du 26 mars 1996 art. 13 Journal Officiel du 27 mars 1996, Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 art. 45 Journal Officiel du 29 décembre 2001.

* 85 Attribuée aux communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.

* 86 On peut également mentionner l'article R1614-70 du code général des collectivités territoriales. Cet article affecte au département le droit à compensation correspondant aux dépenses supportées par l'Etat au titre, notamment, des frais de transports des élèves des zones de montagne.

* 87 Au lieu de recalculer chaque année les prélèvements, on définirait un socle assorti d'une indexation annuelle.

* 88 Décret relatif aux modalités de répartition des ressources du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et du Fonds national de péréquation.

* 89 Séance du 27 novembre 2001.

* 90 L'IFEN (Institut français de l'environnement) dispose de mesures de données environnementales précises au niveau communal, obtenues grâce à des photos satellite.

* 91 Groupe interministériel sur le pastoralisme (sous-groupes présidés par MM. Jean-Paul AMOUDRY, Gérard BEDOS, Paul AUBERT et René TRAMIER), rapport à M. Hervé GAYMARD, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales, 30 juillet 2002.

* 92 Service des Affaires Européennes, L'organisation et le financement du secours en montagne, septembre 1999.

* 93 Proposition de loi déposée par notre collègue Jean Faure, adoptée par le Sénat le 16 décembre 1999, sur le rapport de notre collègue Jean-Paul Amoudry.

* 94 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

* 95 Propositions du Conseil supérieur des sports de montagne, groupe de travail sur la circulaire du 4 janvier 1978, réunion du 10 juillet 2002.

* 96 Le Sénat a adopté, à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2002, deux amendements - dont les dispositions ont été supprimées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture et en lecture définitive - spécifiant que cette dérogation concernait les bâtiments traditionnels utilisés, respectivement, pour la fabrication saisonnière de produits alimentaires fermiers, et pour une activité de tourisme rural.

* 97 Ce qui est d'ailleurs rendu obligatoire par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

* 98 Comme le prévoit le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, au sujet de l'institution d'une servitude sur la Tour Eiffel, en application du principe d'égalité devant les charges publiques.

* 99 Annexe II du rapport.

* 100 La plupart de ces propositions proviennent de fiches rédigées par l'Association des maires du Cantal, à la suite d'auditions qui se sont déroulées le 5 avril 2002 à Saint-Flour.

* 101 Proposition de loi portant modification de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme, 19 juin 2001 (n°389).

* 102 Les bénéficiaires sont choisis parmi les services publics de l'Etat, des départements ou des communes, les établissements publics, les associations syndicales autorisées, les groupements agricoles d'utilité générale, ainsi que les entreprises industrielles ou artisanales, dans la mesure où les attributions concourent au développement de l'économie locale ainsi qu'au maintien et à la création d'emplois.

* 103 Jean BROCARD, L'aménagement du territoire en montagne. Pour que la montagne vive , 1975 (rapport réalisé à la demande du gouvernement).

* 104 Louis BESSON, rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la situation de l'agriculture et de l'économie rurale dans les zones de montagne défavorisées, seconde session ordinaire de 1981-1982.

* 105 Ce dernier indicateur doit être considéré avec prudence, du fait de la forte concentration de la présence humaine en haute montagne.

* 106 Conseil national de l'évaluation, Commissariat général du Plan, La politique de la montagne, rapport d'évaluation, 1999.

* 107 JOCE C 74 du 10.03.1998 et JOCE C 258 du 09.09.2000 - ces lignes directrices ne s'appliquent pas aux secteurs de la pêche et de l'agriculture, qui sont régis par des dispositions spécifiques.

* 108 Décret n° 2001-312 du 11 avril 2001 relatif à la prime d'aménagement du territoire.

* 109 Il avait pour mission « de contribuer à la valorisation de tous les atouts de la montagne en soutenant la recherche appliquée, l'expérimentation, l'innovation, l'animation locale et l'assistance technique nécessaires à la mise en oeuvre de projets de développement global, ainsi que la diffusion des expériences et des techniques adaptées au milieu montagnard ».

* 110 Décret n° 2000-907 du 19 septembre 2000 relatif au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.

* 111 Selon la Cour des comptes (rapport 2001 au président de la République), « si la règle apparaît claire, son application l'est moins. Par manque de moyens, la DATAR confie aux préfectures la gestion d'opérations décidées à l'échelon national, ce qui a pour effet d'introduire une confusion dans la responsabilité du contrôle financier ».

* 112 Dans les départements d'outre-mer, il y a un massif par département.

* 113 Cette proposition fait suite au souhait exprimé en 2001 par notre collègue René-Pierre Signé, sénateur de la Nièvre, que le Morvan soit considéré comme massif. Le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement avait alors estimé en réponse que le rattachement du Morvan au Massif central pouvait être envisagé (Sénat, séance du 23 octobre 2001).

* 114 Louis Besson, Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la situation de l'agriculture et de l'économie rurale dans les zones de montagne défavorisées, seconde session ordinaire de 1981-1982, n°757.

* 115 « Un parlement pour la montagne », Le Monde, 29 avril 1986, p. 21.

* 116 Décret 2002-955 du 4 juillet 2002, relatif aux compétences interdépartementales et interrégionales des préfets et aux compétences des préfets coordonnateurs de massif.

* 117 Décret 82-390 du 10 mai 1982, relatif aux pouvoirs des commissaires de la République de région, à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans la région et aux décisions de l'Etat en matière d'investissement public.

* 118 A titre d'exemple, le commissariat de massif des Alpes a perdu quatre cadres en 1998 (pour un total de six actuellement), non remplacés depuis.

* 119 Décret du 30 septembre 2002 (JO du 2 octobre 2002, p. 16287)

* 120 Réponse écrite du ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, transmise lors de son audition par la mission commune d'information.

* 121 Réponse écrite.

* 122 Cette re-nationalisation de la politique régionale serait également souhaitée par une partie des responsables politiques allemands.

* 123 En effet, contrairement à ce qui est actuellement le cas, le zonage objectif 2 serait réalisé par les Etats et les régions, dans le cadre de certaines règles fixées au niveau communautaire.

* 124 D'autres facteurs pouvant être, par exemple, la démographie, l'emploi et le chômage.

* 125 Le texte de la loi utilise le mot « contrôle », mais, dès les premiers alinéas de l'article 42, il apparaît que la compétence de la commune (ou de l'EPIC) est bien celle d'une autorité organisatrice.

* 126 Ces dispositions soulèvent quelques difficultés d'application, par exemple quand le domaine skiable piloté par une commune empiète si peu que ce soit sur le territoire d'une autre commune, plusieurs services de l'Etat estimant que la compétence d'autorité organisatrice du tourisme de la seconde commune ne peut pas être déléguée à la première.

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