N° 51

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 octobre 1997

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes,

Par M. Jacques BIMBENET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 202 , 228 et T.A. 9 .

Sénat : 11 et 49 (1997-1998).

Droit pénal.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le jeudi 23 octobre 1997, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Bimbenet sur le projet de loi n° 11 (1997-1998) relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs victimes.

M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis , a souligné que ce projet de loi avait pour objet de répondre au problème angoissant que posait la récidive de personnes appréhendées par la justice après avoir commis des violences de nature sexuelle dirigées en particulier contre les mineurs.

Il a précisé que l'évolution des techniques médicales permettait d'espérer une prévention efficace grâce à l'application simultanée de soins psychothérapiques et médicamenteux.

Après avoir rappelé les principales caractéristiques du tableau clinique de la pédophilie, qui est considérée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie, il a rappelé les dispositions du code pénal définissant et sanctionnant les diverses infractions sexuelles.

Puis, il a fait état des statistiques diffusées par les services de police et le ministère de la justice en précisant que celles-ci ne permettaient sans doute pas de rendre compte de l'ensemble du phénomène de la délinquance sexuelle.

Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'augmentation des infractions sexuelles constatée au cours des dix dernières années en indiquant qu'elles pouvaient résulter d'une augmentation du nombre des actes délictueux, d'une plus grande vigilance des autorités judiciaires ou d'une moins grande réticence des victimes à porter plainte.

Enfin, il a souligné que certains types d'infractions sexuelles donnaient lieu à un taux de récidive élevé.

Après avoir évoqué les soins psychothérapiques et les traitements antiandrogéniques qui seront appliqués aux délinquants sexuels, il a indiqué que les traitements médicamenteux soignaient les symptômes mais pas les causes de la pédophilie et qu'ils pouvaient être inefficaces dans certaines hypothèses.

Puis, M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis , a présenté les dispositions du projet de loi relatives à la peine de suivi socio-judiciaire en mettant l'accent sur les aspects médicaux prévus dans le dispositif.

Il a montré que la séparation fonctionnelle entre un médecin coordonnateur et un médecin traitant permettait d'assurer un certain équilibre afin de garantir, dans certaines limites, les principes du libre-choix du médecin par le malade, de la liberté de choix thérapeutique du médecin traitant et du respect du secret professionnel.

En conclusion, il a souligné que les mesures d'application du texte devraient veiller à ce que le médecin coordonnateur, qui doit jouer un rôle de référent, ne s'ingère pas dans les choix du médecin traitant.

Enfin, il a appelé de ses voeux une revalorisation des expertises psychiatriques à caractère judiciaire qui sont nécessaires au bon fonctionnement du dispositif.

S'agissant du consentement aux soins demandé au condamné, M. Claude Huriet s'est demandé si le choix du terme " accord " ne serait pas préférable dans la mesure où la peine privative de liberté qui est prévue en cas de refus du soin altère la liberté de choix. Constatant l'augmentation des infractions sexuelles, il s'est interrogé sur l'influence négative que pouvaient exercer les sollicitations véhiculées à travers les messages suggestifs de certains médias en particulier publicitaires.

M. François Autain a souligné que le projet de loi constituait un progrès mais a regretté l'absence de mesures spécifiques pour les adultes victimes d'agression sexuelle. Il a estimé en particulier que les femmes victimes de viol devraient bénéficier d'une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale et que certaines des mesures prévues au chapitre II du titre Ier du projet de loi relatives à la protection des mineurs devraient être étendues aux femmes victimes de viol et notamment les dispositions prévues en matière de prescription ou de motivation d'un classement sans suite d'une plainte. Enfin, il s'est interrogé sur la composition de la commission prévue à l'article 32 bis pour la sortie d'une hospitalisation d'office.

Mme Joëlle Dusseau a souligné l'importance des infractions sexuelles commises à l'intérieur des familles en rappelant que le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée disposait de statistiques qui montraient que 67 % des appels liés à une infraction sexuelle concernaient un acte perpétré par la famille proche et mettant ainsi en évidence l'importance de l'inceste. Elle a remarqué que le taux de récidive des infractions sexuelles n'était pas significativement élevé par rapport à d'autres types de délits. Elle s'est interrogée sur les problèmes de l'éventuelle suspension de l'autorité parentale et de l'abrogation de l'obligation alimentaire à la demande de l'enfant victime d'un acte d'inceste. Elle s'est prononcée en faveur de l'extension aux frères et aux soeurs de la victime d'une agression sexuelle de la mesure de prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.

En réponse M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis , a souligné que si les cas de délinquance sexuelle connaissaient une forte augmentation, cela pouvait être dû à la moindre hésitation des victimes à porter plainte et à la plus grande vigilance des juges en ce domaine.

M. François Autain a souligné à cet égard que les problèmes d'inceste au sein d'une famille n'étaient évoqués publiquement que depuis quelques années.

M. Jean-Pierre Fourcade, président , s'est interrogé sur l'impact des moyens de communication modernes et a constaté que la France avait une législation peu protectrice par rapport à d'autres pays européens en matière de contrôle des messages publicitaires à caractère pornographique.

Mme Joëlle Dusseau a souligné que la délinquance sexuelle ne pouvait pas être attribuée exclusivement à une certaine libération des moeurs dans les médias en rappelant la différence entre le fantasme et le passage à l'acte.

M. Claude Huriet a estimé que l'utilité du texte serait mise en question si, à l'issue de la peine de suivi socio-judiciaire, le condamné se retrouvait plongé dans un environnement l'incitant psychologiquement à récidiver.

M. André Jourdain a considéré qu'il était difficile de trancher entre les deux thèses qui insistent soit sur l'environnement du délinquant soit sur le changement de comportement des victimes.

M. Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis , a souligné que le nombre de plaintes déposées par les victimes avait nettement augmenté au cours de ces dernières années tout en remarquant que les cas d'inceste étaient très rarement déclarés par les enfants.

Puis, la commission a procédé à l'examen des articles dont elle avait souhaité plus particulièrement se saisir.

A l'article 6 (mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire), elle a adopté quatre amendements :

Le premier amendement (titre IX du livre III du code de la santé publique) modifie l'intitulé du nouveau titre inséré dans le code de la santé publique afin de viser la prévention des infractions sexuelles pour les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire.

Le deuxième amendement (article L. 355-33 du code de la santé publique) tend à préciser que les médecins coordonnateurs seront choisis parmi des psychiatres ou des médecins ayant suivi une formation appropriée.

Le troisième amendement (article L. 355-34 du code de la santé publique) précise que le médecin traitant pourra obtenir communication, à sa demande, des expertises décidées par le juge en cours d'exécution de la peine privative de liberté du condamné.

Le quatrième amendement (article L. 355-35 du code de la santé publique) prévoit que le secret médical ne pourra être levé entre le médecin traitant et le juge d'application des peines que pour transmettre une information relative à l'interruption du traitement.

Puis, à l'article 21 (prise en charge des soins dispensés aux mineurs victimes d'infraction sexuelle), la commission a adopté un amendement tendant à étendre la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale pour les soins consécutifs à des atteintes sexuelles, à l'ensemble des mineurs de moins de 18 ans et non seulement aux mineurs de moins de 15 ans.

Enfin, à l'article 32 bis (sortie d'un établissement psychiatrique d'une personne pénalement irresponsable), après un large débat au cours duquel sont intervenus MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis, Claude Huriet, François Autain et Mme Joëlle Dusseau , la commission a adopté un amendement tendant à supprimer cet article qui institue une nouvelle procédure de sortie des malades mentaux hospitalisés d'office et déclarés irresponsables pénalement de leurs actes.

Puis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 6, 21 et 32 bis ainsi amendés .

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