N° 275

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale, portant réforme de la procédure criminelle,

Par M. Jean-Marie GIRAULT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud , Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 10 ème législ.) : 2938 , 3232 et T.A. 641 .

Sénat : 192 (1996-1997).

Procédure pénale.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 19 mars 1997 sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M. Jean-Marie Girault, le projet de loi portant réforme de la procédure criminelle, qui a pour objet principal d'instituer un appel des jugements rendus en matière criminelle et tend à cette fin à créer dans chaque département un tribunal d'assises appelé à statuer en première instance, la cour d'assises actuelle étant érigée en juridiction d'appel.

En préambule, M. Jean-Marie Girault, rapporteur, a indiqué que, outre la question de principe de l'institution d'un double degré de juridiction, le projet de loi comportait plusieurs séries de dispositions soulevant des difficultés : la composition du jury et la majorité requise pour les décisions, l'exigence d'une motivation des décisions rendues en matière criminelle, l'abaissement de vingt-trois à dix-huit ans de l'âge minimal des jurés et l'entrée en vigueur de la réforme subordonnée à la mise en place des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre.

La commission a examiné successivement ces différentes questions.

· La commission a tout d'abord approuvé , suivant la proposition de son rapporteur, le principe de l'appel en matière criminelle .

La commission a en outre retenu le principe de la suppression du double degré obligatoire d'instruction prévue par le projet de loi, estimant que le maintien de l'intervention obligatoire de la chambre d'accusation à la fin de l'instruction serait un facteur inutile d'allongement de la procédure.

Elle a cependant prévu que l'appel de l'accusé qui reconnaîtrait sa culpabilité pourrait être limité , sur sa demande, à la décision sur la peine. Le Président Jacques Larché a considéré que cet amendement se présentait comme la première étape d'une réflexion d'ensemble sur une procédure de " plaidoyer coupable " qui, en cas de reconnaissance des faits par la personne poursuivie, permettrait de simplifier et d'alléger le cours d'un procès pénal, tant au niveau de l'instruction qu'au niveau du jugement.

· Au sujet de la composition des juridictions criminelles , la commission s'est déclarée favorable au principe de la participation de jurés en première instance comme en appel.

S'agissant des règles de majorité requises pour les décisions, M. Jean-Marie Girault, rapporteur, a souhaité qu'une majorité des trois quarts soit exigée pour les décisions de condamnation en première comme en seconde instance et que celles-ci reflètent l'expression de la majorité du jury.

En conséquence, la composition prévue du tribunal d'assises (cinq jurés et trois magistrats) lui est apparue satisfaisante dans la mesure où, six voix sur huit étant nécessaires pour une décision défavorable à l'accusé, celui-ci ne pourrait être condamné si la majorité du jury, soit trois personnes, s'y opposait.

En revanche, il a proposé que le nombre de voix requis pour une condamnation par une cour d'assises (qui restera composée de trois magistrats et de neuf jurés) soit porté de huit à neuf. La commission a approuvé cette proposition.

· Attachée au principe de l'oralité des débats, elle a rejeté à l'unanimité la disposition du projet de loi prévoyant que le dossier serait systématiquement emporté dans la salle des délibérations, jugeant préférable de maintenir le dispositif actuel qui permet au président d'ordonner que le dossier soit amené pour permettre la consultation d'une pièce jugée nécessaire par la cour, lequel est alors rouvert en présence du ministère public et des avocats.

· Un large débat s'est ensuite engagé sur l'exigence d'une motivation des décisions rendues en matière criminelle , l'Assemblée nationale ayant prévu la mise en forme, le cas échéant dans un délai de quinze jours, des raisons expliquant le verdict.

A l'issue de ce débat, la commission, unanime sur ce point, n'a pas accepté l'institution d'un délai séparant le prononcé de la décision et la publication de ses motifs , considérant notamment qu'un accusé ne comprendrait pas qu'une juridiction le condamne à une peine pouvant atteindre la réclusion criminelle à perpétuité sans être en mesure de lui en donner immédiatement les raisons.

Elle a ensuite rejeté l'idée, retenue par l'Assemblée nationale, d'une mise en forme des motifs rédigée de façon descriptive , qu'elle a jugée irréaliste, inadaptée à des décisions prises en leur intime conviction par huit à douze personnes et contraire au secret des délibérations protecteur pour les jurés.

Elle a finalement décidé de prévoir un " questionnement " du jury sur les éléments de preuve avant le vote sur le fait principal.

M. Jean-Marie Girault, rapporteur, a rappelé à cet égard que pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, l'ensemble des réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés avaient donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi, tenait lieu de motifs.

· Après avoir constaté que les résultats d'un sondage effectué auprès de lycéens montraient que ceux-ci étaient massivement opposés à un abaissement à dix-huit ans de l'âge minimum requis pour être juré, la commission a décidé à l'unanimité de maintenir cet âge minimum à vingt-trois ans. Elle a considéré inopportun son abaissement, compte tenu notamment de la spécificité des procès d'assises, empreints d'une forte émotivité et qui concernent de plus en plus souvent des crimes sexuels.

· Enfin, elle a retenu le principe d'une entrée en vigueur de la réforme à la date du 1er janvier 1999 comme le prévoyait le projet de loi, mais a précisé que les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre ne sauraient s'imputer sur l'exécution de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice.

Au total, la commission a adopté quelque cent cinquante amendements reprenant les solutions précédemment retenues sur les sujets précités et prévoyant également que :

- la chambre d'accusation serait désormais dénommée " chambre de contrôle de l'instruction " ;

- les parties à un procès criminel pourraient désormais obtenir gratuitement une copie de toutes les pièces de la procédure ;

- l'amende encourue par le jury défaillant serait portée de 5.000 à 25.000 F ;

- l'enregistrement des débats d'assises s'effectuerait sous la responsabilité du greffier et chaque partie pourrait, en cas d'appel, demander une copie de l'enregistrement. Elle a considéré que la transcription de tout ou partie de l'enregistrement serait irréaliste et engendrerait en outre des coûts disproportionnés par rapport à l'intérêt de l'opération.

Le Sénat examinera ce projet de loi en séance publique les mardi 25, mercredi 26 et jeudi 27 mars 1997.

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