II. LE FINANCEMENT DU SPORT

A l'occasion de la réforme de la loi sur le sport, qui pourrait intervenir en 1997, votre rapporteur a souhaité dresser un bilan des problèmes juridiques posés par l'encadrement du financement du sport par les personnes publiques.

A. LE FINANCEMENT DU SPORT ET LES RÈGLES COMMUNAUTAIRES

De façon croissante, le sport doit prendre en compte l'encadrement juridique communautaire.

1. L'arrêt Bosman assujettit le sport aux règles communautaires

L'arrêt rendu le 15 décembre 1995 aura des conséquences très importantes sur l'organisation du sport et son financement.

Dans cet arrêt, la CJCE a considéré en effet que l'article 48 du traité de Rome, qui interdit les entraves à la libre circulation des travailleurs, s'oppose à l'application des règles édictées par les associations sportives, selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant d'un Etat membre, ne peut, à l'issue du contrat qui le lie à un club, être employé par un club d'un autre Etat membre que si ce dernier a versé au club d'origine une indemnité de transfert. Selon la Cour, le même article s'oppose à l'application des règles qui prévoient que les clubs de football ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs ressortissants d'autres Etats membres dans les matches de compétition qu'ils organisent.

Cet arrêt comporte un certain nombre d'autres précisions applicables à l'ensemble du sport.

En premier lieu, si la Cour reconnaît qu'il peut être difficile de distinguer les aspects économiques des aspects proprement sportifs, elle rappelle qu'il n'est pas nécessaire pour que les dispositions communautaires relatives à la libre circulation des travailleurs s'appliquent, que l'employeur soit une entreprise, le seul élément requis étant « l'existence d'une relation de travail, ou la volonté d'établir une telle relation » .

En second lieu, si l'application des dispositions communautaires est limitée au domaine économique, cette restriction "ne peut être invoquée pour exclure toute activité sportive du champ d'application du traité".

Enfin, le principe de subsidiarité, si souvent invoqué par le mouvement sportif, ne saurait justifier que les réglementations adoptées par les associations sportives puissent avoir pour effet de limiter l'exercice des droits conférés par le traité aux particuliers.

La portée de cet arrêt dépasse de beaucoup le seul domaine des transferts de joueurs entre les clubs de football. L'ensemble des disciplines sportives sont, en effet, affectées. Le sport professionnel est désormais considéré comme une activité économique comme une autre au regard du droit communautaire.

Votre rapporteur estime qu'en conséquence il convient d'élaborer un statut européen de joueur professionnel dans les disciplines se prêtant aux échanges de joueurs.

Mais l'arrêt Bosman laisse présager l'application d'autres articles du traité sur l'Union européenne au sport économique.

2. Les pratiques d'exclusivité sous le contrôle du droit communautaire

Les articles 85 et 86 du traité de Rome proscrivent les ententes et l'abus de position dominante, dans le but de garantir le libre jeu de la concurrence et de lever les obstacles aux échanges sur le marché intérieur. Sont visées par ces dispositions toutes les entreprises exerçant " des activités économiques ou commerciales telles que la production, la distribution ou la prestation de services", sans qu'il soit nécessaire que ces activités dégagent un bénéfice.

A ce titre, les fédérations et les associations sportives peuvent être considérées comme des entreprises, dès lors qu'elles exercent une activité à caractère économique ou commercial, et être soumises de ce fait au droit communautaire de la concurrence.

Or il n'est pas douteux que l'organisation de manifestations sportives dont l'entrée est payante, qui procurent des recettes importantes et dont la retransmission télévisée fait l'objet de contrats d'exclusivité, entre dans cette catégorie d'activité.

La CJCE a déjà condamné les ventes exclusives de billets d'entrée en méconnaissance de l'article 85 du Traité lors de la Coupe du monde de football de 1990 en Italie (décision du 27 octobre 1992).

En revanche, les droits exclusifs de retransmission télévisée accordés à l'Union européenne de radiodiffusion, qui regroupe les diffusions du secteur public, bénéficient d'une mesure explicite d'exemption des dispositions de l'article 85 jusqu'en février 1998 (décision 93/403/CEE du 11 juin 1993).

3. Le rôle des fédérations

Le monopole des fédérations délégataires de service public en matière de compétitions sportives, en tant qu'elles ont des effets économiques et peuvent être assimilées à des positions dominantes pourrait également être remis en question par le droit communautaire.

4. Les aides publiques au sport pourraient être également concernées

Dans la plupart des pays, les organismes sportifs sont subventionnés sur fonds publics, qu'il s'agisse d'aides accordées par l'Etat ou par les collectivités territoriales.

Si le principe de ces aides n'est pas contesté en ce qui concerne le sport de masse, il n'en va pas de même pour le sport d'élite.

C'est le cas en particulier pour certaines disciplines, comme le football ou le basket ball qui bénéficient de soutiens financiers souvent importants de la part des communes, les dépenses correspondantes étant considérées par ces dernières comme liées à la promotion de leur image et au renforcement du sentiment d'identité locale. Ces aides financières permettent aux clubs, en acquittant des primes de transfert élevées, de recruter des joueurs bien cotés et de participer ainsi aux compétitions européennes avec de meilleures chances. Il en résulte une discrimination objective par l'argent, les clubs les plus riches étant évidemment à même d'attirer vers eux les meilleurs joueurs.

Dans la mesure où la pratique des aides sur fonds publics est de nature à fausser la concurrence entre les clubs, elle serait susceptible de tomber sous le coup de l'article 92 du traité de Rome, qui interdit les aides accordées par les Etats lorsqu'elles créent des avantages concurrentiels injustifiés.

La commission et la Cour de justice, qui ont fait preuve jusqu'ici d'une relative indulgence à cet égard vis-à-vis des associations sportives, en prenant implicitement en compte la spécificité du sport, pourraient être amenées, selon certains observateurs, à durcir leur position, en particulier sous la pression du Parlement européen, qui tend à réclamer une application stricte et sans concession du droit communautaire au mouvement sportif. Ce dernier, qui a été surtout concerné par le principe de libre circulation des personnes, pourrait dès lors être conduit, dans un avenir assez proche, à se confirmer de façon beaucoup plus effective au droit communautaire de la concurrence.

Les dispositifs législatifs nationaux pourraient également être appelés à évoluer. Ainsi, la loi française du 16 juillet 1984 sur le sport a été modifiée en août 1994, sous la forme d'un article additionnel qui prévoit d'interdire aux collectivités locales, à compter du 31 décembre 1999, de participer au financement des groupements sportifs professionnels.

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