Article 3 (insertion d'un article 47-1 après l'article 47 de la Constitution) - Procédure d'élaboration des lois de financement de la sécurité sociale

Cet article propose d'insérer après l'article 47 de la Constitution (relatif à la procédure d'examen des lois de finances) un nouvel article 47-1 traitant de la procédure d'examen des lois de financement de la sécurité sociale.

La première partie du présent rapport évoque toutes les interrogations que soulève cette procédure et dispense donc votre rapporteur d'un long commentaire.

Dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture, l'article 47-1 de la Constitution comporterait cinq alinéas.


Premier alinéa : le renvoi à une loi organique

Cet alinéa dispose que les projets de loi de financement seraient votés par le Parlement dans les conditions prévues par une loi organique. Par l'emploi du pluriel (et non du singulier, comme le proposait le projet initial) et la suppression de conséquence de la mention « chaque année » , l'Assemblée nationale a rétabli l'exact parallèle entre le premier alinéa de cet article et le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution.

Sous réserve des dispositions constitutionnelles figurant aux alinéas suivants, c'est donc à la loi organique qu'il appartiendra de fixer les règles procédurales d'examen des lois de financement, ce qui n'était jusqu'à présent pas possible, comme l'avait considéré le Conseil constitutionnel en 1988 à propos de la proposition de loi organique de M. Michel d'Ornano.

En tout état de cause, cet alinéa n'appelle guère d'observation car c'est seulement au moment de l'examen de la loi organique en question que le Gouvernement et les deux assemblées du Parlement devront faire valoir leurs points de vue respectifs.

On peut toutefois souligner que s'agissant d'une loi organique qui concernera le Sénat, elle devra être adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat en application de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution. Le Gouvernement a d'ailleurs indiqué qu'il en irait ainsi pour l'ensemble des dispositions organiques d'application de la présente révision constitutionnelle.


Deuxième alinéa : les délais d'examen des lois de financement en première lecture

Là encore, cet alinéa est assez similaire au deuxième alinéa de l'article 47 de la Constitution en ce qu'il assigne des délais particuliers d'examen en première lecture des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le délai accordé à l'Assemblée nationale serait toutefois plus bref : vingt jours (et quinze jours pour le Sénat si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans le délai requis), au lieu de quarante jours.

On note à cet égard que l'écart de délai entre le Sénat et l'Assemblée nationale serait plus faible dans le cas des lois de financement (cinq jours) que dans celui des lois de finances (vingt-cinq jours) ce qui, toute proportion gardée, atténue quelque peu la disparité entre les deux assemblées.

D'autre part, il convient de souligner qu'au stade de la première lecture, ce dispositif ne représente une véritable contrainte juridique que pour l'Assemblée nationale, et non pour le Sénat. En effet, si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans le délai requis, le Gouvernement saisit aussitôt le Sénat du projet de loi. En revanche, si le Sénat ne se prononce pas dans les quinze jours, aucune mesure particulière n'est prévue et c'est seulement au terme du délai total de cinquante jours (applicable à l'ensemble de la navette) que le Gouvernement pourra, s'il le souhaite, mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi par ordonnance. Cette faculté n'a d'ailleurs rien d'obligatoire et le Gouvernement pourra toujours décider de laisser la nouvelle se poursuivre jusqu'à son terme normal.

Pour le reste, le problème des délais d'examen de la loi de financement est lié à celui de la priorité conférée à l'Assemblée nationale par l'article 2 du projet de révision. Aussi votre rapporteur ne juge-t-il pas nécessaire d'en présenter à nouveau le détail.


Troisième alinéa : le délai total d'examen de la loi de financement par les deux assemblées et la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi par ordonnance si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de cinquante jours.

Ainsi qu'il vient d'être exposé, le délai total d'examen de la loi de financement par le Parlement serait fixé à cinquante jours et n'appelle pas d'observation particulière de votre rapporteur.

On doit seulement noter que la succession des délais respectivement accordés à chaque assemblée pour l'examen en première lecture de la loi de financement (vingt jours pour l'Assemblée nationale et quinze jours pour le Sénat, soit au total trente-cinq jours) laisserait un laps de quinze jours pour achever la navette.

En réponse à une question de votre rapporteur, le garde des sceaux a indiqué qu'à l'issue de la première lecture, le Premier ministre « pourra » convoquer la commission mixte paritaire, ce qui lui laisse, le cas échéant, la possibilité de ne pas la convoquer et de laisser se poursuivre la navette.

Votre rapporteur s'est interrogé sur cette éventualité. Ne serait-il pas préférable que la commission mixte paritaire « doive » être convoquée dès la fin de la première lecture ?

Car dans le cas contraire, un désaccord persistant entre les deux assemblées conduirait à multiplier les lectures et, en fin de compte, à dépasser le délai de cinquante jours, ce qui permettrait au Gouvernement de mettre en oeuvre par ordonnance les dispositions du projet de loi.

Par comparaison, l'article 47 de la Constitution relatif aux lois de finances demeure certes muet sur le moment de la convocation de la commission mixte paritaire mais l'article 39, alinéa 5, de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 pallie ce silence en disposant que dès après le vote en première lecture par le Sénat, « le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence » .

Pour l'heure, il ne s'agit que d'une simple interrogation, d'autant que la mise en oeuvre du projet de loi de financement par ordonnance n'est qu'une faculté et non une obligation. En tout état de cause, ce problème pourra utilement être abordé au moment de l'élaboration de la loi organique.

Quant à la possibilité de mettre en oeuvre le projet de loi de financement par ordonnance après cinquante jours, largement commentée dans le présent rapport, elle n'appelle que trois observations complémentaires :

- ainsi qu'il a été dit, la mise en oeuvre du projet de loi de financement par ordonnance demeurerait une simple faculté dont le Gouvernement ne sera pas tenu d'user ;

- comme dans le cas des « ordonnances budgétaires » prévues par l'article 47 de la Constitution, les ordonnances visées dans le présent article n'auraient pas pour effet de transférer au Gouvernement l'exercice du pouvoir législatif. Tout au plus pourrait-il mettre en oeuvre « les dispositions » de son projet de loi mais non les modifier ou y substituer d'autres dispositions.

- la formulation retenue par le projet de révision constitutionnelle vise la « mise en oeuvre » des dispositions du projet de loi de financement par ordonnance, alors qu'en pareille hypothèse, l'article 47 de la Constitution vise la « mise en vigueur » du projet de loi de finances. Or, la mise en oeuvre d'un texte pourrait sembler ménager un pouvoir d'appréciation quant aux modalités de cette mise en oeuvre, alors que sa mise en vigueur a seulement pour effet de lui conférer une valeur normative. Au cas présent, votre rapporteur estime que la mise en oeuvre du projet de loi de financement doit s'entendre comme une simple mise en vigueur au sens de l'article 47 de la Constitution.


Quatrième alinéa : la suspension des délais lorsque leParlement ne serait pas en session ou au cours des semaines pendant lesquelles les assemblées auraient décidé de ne pas tenir séance.

Comme il a été indiqué dans la première partie du présent rapport, l'Assemblée nationale a introduit en première lecture une disposition selon laquelle les délais d'examen des lois de financement de la sécurité sociale seraient suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance.

En ce qui concerne les semaines où les assemblées auraient décidé de ne pas siéger, on saisit mal l'intérêt pratique de cette précision, dans la mesure où le Gouvernement aurait toujours la possibilité de demander la tenue de séances supplémentaires.


Cinquième alinéa : le contrôle par le Parlement de l'application des lois de financement et le concours de la Cour des comptes

Toujours par souci de parallélisme avec l'article 47 de la Constitution, l'Assemblée nationale a introduit à la fin de l'article 47-1 un nouvel alinéa au terme duquel : « La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. » .

En séance publique, le Gouvernement a exprimé son accord de principe sur cette disposition. Il aurait toutefois préféré que l'article 47-1 de la Constitution fasse référence au contrôle de « la mise en oeuvre » et non à celui de « l ' application » de la loi de financement -pour le différencier du contrôle de la loi de finances, qui porte sur son « exécution » - afin de ne pas « donner à penser à tort, qu'il y aura en ce domaine des lois de règlement » .

L'Assemblée nationale n'a toutefois pas souhaité s'arrêter à cette nuance terminologique. Votre rapporteur n'élève aucune objection particulière à ce sujet, les débats suffisant d'ailleurs à établir très clairement l'intention du Constituant.

Le Garde des sceaux a par ailleurs indiqué « qu'en ce domaine, le contrôle de la Cour des comptes ne saurait avoir la même étendue qu'en ce qui concerne la loi de finances. Les ressources de la sécurité sociale sont en effet d'une nature différente, ses dépenses également, et l'intervention de la Cour des comptes devrait donc se limiter à un rapport et à des enquêtes effectuées à la demande des commissions parlementaires » .

Votre rapporteur note à cet égard qu'une forme de concours de la Cour des comptes était déjà prévue -quoiqu'en termes moins explicites- dans l'avant-projet de loi organique communiqué par le Gouvernement, dont l'article L.O. 4 dispose : « Sont joints au rapport mentionné à l'article L.O. 2 ci-dessus [le rapport présenté en même temps que le projet de loi] tous rapports et avis prévus par la loi en vue de parfaire l'information du Parlement sur les politiques de sécurité sociale et de santé. Est notamment joint le rapport de la Cour des comptes prévu à l'article L.O. 132 du code des juridictions financières » .

En fait, on peut considérer que les formes du concours susceptible d'être apporté au Parlement par la Cour des comptes ressortissent pour l'essentiel au domaine de la loi simple. Par analogie, le ministre a d'ailleurs rappelé, lors des débats de l'Assemblée nationale, que l'intervention de la Cour des comptes dans la loi de finances n'était pas régie par une loi organique.

Quoi qu'il en soit, la disposition constitutionnelle adoptée ne peut que mieux asseoir les dispositions légales prises à cet effet et, peut-être, en favoriser l'application.

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