EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 novembre 2022, la commission a examiné le rapport de M. Laurent Somon sur la proposition de loi n° 66 (2022-2023) de M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie ; celle-ci a été déposée par notre collègue Fabien Gay et sera examinée en séance publique le mercredi 7 décembre.

Cette proposition de loi ayant été inscrite dans le cadre d'un espace réservé d'un groupe d'opposition, nous appliquons le gentlemen's agreement conclu en 2009, entre les présidents de groupe et de commission, validé par la Conférence des présidents : la commission ne peut pas modifier le texte au stade de son examen en commission, sauf accord du groupe l'ayant inscrit à l'ordre du jour. Elle ne peut que l'adopter ou le rejeter. Elle pourra toujours le modifier au stade de son examen en séance.

M. Laurent Somon , rapporteur. - Le sujet qui nous réunit aujourd'hui, celui de la hausse des prix de l'énergie et de la protection des collectivités territoriales, est crucial.

Les vingt interlocuteurs que j'ai auditionnés ou sollicités me l'ont bien rappelé. Je pense ici aux associations d'élus locaux, aux fournisseurs d'électricité et de gaz - dont EDF et Engie - à l'administration centrale, à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ou au Médiateur national de l'énergie (MNE). Mais ces interlocuteurs m'ont aussi indiqué que l'évolution proposée par ce texte n'est sans doute pas la bonne pour répondre à cette situation.

La proposition de loi poursuit l'objectif louable d'une plus grande régulation des marchés de l'électricité et du gaz, en suggérant à cette fin deux évolutions.

L'article 1 er vise à appliquer les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à l'ensemble des collectivités territoriales.

Depuis la loi « Énergie-Climat » du 8 novembre 2019, ces tarifs bénéficient aux collectivités territoriales dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kilovoltampères (kVA), le nombre d'employés à 10 équivalents temps plein (ETP) et les recettes annuelles à 2 millions d'euros.

Les TRVE couvrent actuellement 22,2 millions de sites résidentiels et 1,5 million de sites professionnels, ce qui représente 28 % de la consommation nationale d'électricité, selon la CRE. Parmi leurs bénéficiaires, on dénombre 13 500 communes, soit 106 000 sites et une consommation de 0,6 térawattheure (TWh), pour le groupe EDF.

L'article 2 entend maintenir les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVG), notamment pour les collectivités territoriales.

En effet, la loi « Énergie-Climat » a supprimé ces tarifs, à partir du 1 er décembre 2020, pour les consommateurs finals non domestiques consommant moins de 30 000 kilowattheures (kWh) par an, et à partir du 1 er juillet 2023, pour les consommateurs finals domestiques ainsi que les propriétaires d'immeubles d'habilitation dont la consommation est inférieure à ce niveau.

À ce jour, les TRVG englobent 3 millions de sites résidentiels, soit 7,5 % de la consommation nationale de gaz, selon la CRE. Pour autant, plus de 25 000 communes ne sont desservies par aucun réseau de distribution de gaz naturel, pour l'Association française du gaz (AFG).

L'impact de la hausse des prix de l'énergie sur les consommateurs d'énergie, et notamment les collectivités territoriales, est un sujet de préoccupation légitime. Je le répète.

Dans le cadre des dernières lois de finances initiales ou rectificatives, plusieurs dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux ont d'ailleurs été appliqués aux collectivités territoriales notamment : un blocage des TRVG, du 1 er janvier au 30 juin 2023 ; une compensation des TRVE, du 1 er février au 31 décembre 2023 ; un amortisseur électricité pour les collectivités territoriales non éligibles aux TRVE, pour un montant de 3 milliards d'euros. Mais aussi un filet de sécurité pour celles connaissant une baisse de 25 % de leur épargne et une hausse de 60 % de leurs coûts, pour un montant 2 milliards d'euros, ces critères ayant été amendés par le Sénat il y a quelques jours, pour rendre éligibles d'autres collectivités ; une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), au minimum européen de 0,5 euro par mégawattheure (MWh) ; le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) de 100 à 120 TWh, compensé par une hausse partielle de son prix de 42 à 46,2 euros par MWh.

Par la même occasion, un prix de référence du gaz, pour lequel la CRE doit remettre une proposition d'ici janvier prochain, a aussi été introduit.

Je rappelle que le coût de ces dispositifs de soutien budgétaires et fiscaux s'élève à 45 milliards d'euros au total et 20 milliards d'euros nets. Cela est important.

Notre commission a joué tout son rôle pour protéger les consommateurs d'énergie, et notamment les collectivités territoriales, dans le cadre de ses attributions législatives.

Lors de l'examen de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat d'août dernier, notre commission a fait adopter un rapport d'évaluation sur le niveau d'exposition des collectivités territoriales aux hausses des prix et l'opportunité de renforcer les mesures fiscales, budgétaires ou tarifaires, prises pour les accompagner.

Dans le cadre de l'examen de la loi de finances initiale pour 2023, elle a proposé des amendements, pour garantir l'éligibilité des collectivités territoriales à l'amortisseur électricité ou consolider la protection des consommateurs de gaz par le chèque énergie. Ils seront examinés ce vendredi en séance publique.

Dans ce contexte, très critique, la proposition de loi présente de lourdes difficultés, à commencer par sa contrariété avec le droit de l'Union européenne, qui rendent ses dispositions en définitive inapplicables.

S'agissant de l'article 1 er , sur l'extension des TRVE, il est contraire au cadre européen. La directive du 5 juillet 2019 réserve en effet l'application des tarifs réglementés aux clients résidentiels et aux microentreprises, auxquelles sont assimilées les collectivités territoriales. Elle prévoit aussi une méthode non discriminatoire et une notification dans un délai d'un mois. Ce cadre a été assoupli, sans tout autoriser pour autant, par le règlement du 6 octobre 2022, qui permet d'appliquer ces tarifs réglementés aux PME. Il prévoit cependant une indemnisation des fournisseurs et un réexamen des mesures. Ces conditions précises d'éligibilités et de méthode ont été reprises par le Conseil d'État, dans un arrêt du 8 novembre 2019. Or, l'article ne respecte aucune de ces conditions, puisqu'il appliquerait les TRVE à l'ensemble des collectivités territoriales, sans indemnisation ni notification. Pire, il supprimerait la référence au dispositif de l'Arenh qui, s'il doit à terme être réformé, garantit actuellement la conformité du marché national de l'électricité avec le cadre juridique européen.

De plus, l'article ne répond pas aux besoins des collectivités territoriales. Tout d'abord, les TRVE ne sont pas, en eux-mêmes, protecteurs des hausses de prix, dans la mesure où leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Les TRVE sont construits selon une méthode d'empilement des coûts, qui prend en compte, pour leur construction, tous les coûts d'un opérateur efficace, ce qui garantit leur contestabilité, soit la faculté pour un fournisseur alternatif de proposer des tarifs de marché égaux ou inférieurs aux TRVE. Ce sont donc plutôt les dispositifs tarifaires, budgétaires et fiscaux liés aux TRVE qui assurent aujourd'hui cette fonction protectrice. En outre, la moitié des collectivités territoriales a souscrit des offres de marché, souvent via des groupements d'achat proposés par leurs syndicats intercommunaux ou départementaux d'énergie. Une résiliation anticipée de ces offres les obligerait à indemniser leur fournisseur d'électricité, ce qui les fragiliserait contractuellement et les pénaliserait financièrement. Plus largement, appliquer aux collectivités territoriales des TRVE contraires au droit européen les exposerait à un risque de contentieux et de remboursement. Enfin, il n'est pas précisé si une telle application concernerait les services en délégation, comme ceux en régie, les zones non interconnectées, comme la France hexagonale, laissant ainsi augurer des différences de traitements peu opérationnelles et peu justifiables.

Outre les collectivités territoriales, l'article pénalise aussi les fournisseurs d'électricité. Le groupe EDF serait ainsi contraint d'acquérir des volumes non anticipés, dans des proportions importantes et des délais serrés, sur les marchés de l'électricité ou auprès d'autres fournisseurs. En l'absence de réservation préalable, cela l'exposerait à un risque financier très élevé. C'est la raison pour laquelle la dernière révision d'ampleur des TRVE, sur les tarifs « jaunes » et les tarifs « verts », avait été précédée d'un délai de cinq ans. Quant aux fournisseurs alternatifs, ils seraient évincés au profit du groupe EDF, qui peut seul commercialiser les TRVE, ce qui éroderait leurs clients et leurs recettes et les obligeraient à redimensionner leurs offres et leurs personnels. Le principe constitutionnel de libre concurrence s'en trouverait affaibli.

Concernant l'article 2, sur le maintien des TRVG, il est lui aussi contraire au droit européen. Dans son arrêt du 19 juillet 2017, le Conseil d'État a ainsi estimé que les TRVG ne respectaient pas la directrice du 13 juillet 2009, telle qu'interprétée par l'arrêt du 7 septembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le droit européen requiert en effet la poursuite d'un intérêt économique général - le maintien de prix raisonnables, la cohésion territoriale, la sécurité d'approvisionnement - ainsi que le respect de critères de proportionnalité, de temporalité, de clarté, de transparence, de non-discrimination et de contrôle. Or, pour le Conseil d'État, les TRVG ne poursuivent pas d'intérêt économique général : ni la garantie des prix, car ils doivent couvrir les coûts des fournisseurs ; ni la cohérence territoriale, car le gaz n'est pas substituable, son prix est peu harmonisé et sa desserte peu étendue ; ni enfin la sécurité d'approvisionnement, qui n'entre pas dans les missions des fournisseurs de gaz. Le règlement du 6 octobre 2022 n'a rien changé à cet état de droit, car il n'autorise, pour le gaz, que la possibilité d'instituer une contribution de solidarité temporaire, et non des tarifs réglementés. En rétablissant les TRVG, l'article serait donc frontalement contraire à la jurisprudence du Conseil d'État et de la CJUE. C'est d'autant plus vrai qu'il ne viserait pas seulement à prolonger les actuels consommateurs éligibles à ces tarifs, mais plutôt à faire bénéficier tous les consommateurs de ces tarifs.

En outre, l'article ne répond pas non plus aux besoins des collectivités territoriales. Tout comme les TRVE, les TRVG ne protègent pas, en tant que tels, des hausses des prix, car leur niveau doit couvrir l'ensemble des coûts des fournisseurs. Et la généralisation des TRVG serait déstabilisatrice pour les offres de marché souscrites par les collectivités territoriales, avec un risque de pénalités, liées aux résiliations anticipées de ces offres, mais aussi de contentieux et de remboursement.

Enfin, l'article déstabilise les fournisseurs de gaz, en plus des collectivités territoriales. Tout d'abord, il remettrait en cause l'extinction des TRVG. Or, aucune nouvelle souscription n'est possible depuis 2019, la sortie des consommateurs non domestiques est réalisée depuis 2020 et celle des consommateurs domestiques doit l'être dans six mois. Du reste, le groupe Engie s'est déjà organisé en conséquence. Plus encore, le maintien des TRVG éroderait le signal-prix du gaz, qui reste une énergie fossile, dont la consommation doit être modérée et « verdie ». Enfin, ces tarifs réglementés ne sont plus nécessaires à l'application des dispositifs de soutien tarifaires, budgétaires ou fiscaux liés, qui reposeront désormais sur un prix de référence du gaz, fixé par la CRE, comme prévu par la loi de finances initiale pour 2023.

En définitive, si je ne suis pas hostile à une évolution des TRVE et des TRVG, j'estime qu'elle ne peut être réalisée que dans le strict respect du cadre constitutionnel et du droit européen, faute de quoi les consommateurs d'énergie, dont les collectivités territoriales, seraient exposés à un grave risque juridique et financier. Si une évolution doit être recherchée, c'est à l'échelle européenne, plutôt que nationale, et sur le marché de gros, outre celui de détail ; rappelons que la France n'a toujours pas obtenu un découplage du prix de l'électricité de celui du gaz, contrairement au Portugal ou à l'Espagne.

C'est pourquoi j'ai accueilli avec intérêt la position exprimée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui réunit les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la distribution d'énergie - je cite  : « la FNCCR est pleinement consciente que ces propositions se heurtent à un problème de conformité aux directives de l'Union européenne relatives à l'organisation des marchés intérieurs de l'électricité et du gaz, outre le fait qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir aux consommateurs finals un niveau de protection adéquat, ce qui plaide par conséquent en faveur d'une réforme structurelle de ces marchés ».

Constatant la non-conformité de ce texte avec le droit européen, ainsi que son coût pour le groupe EDF et ses effets de bord pour les collectivités territoriales, je suis contraint de proposer à notre commission son rejet.

Pour autant, je sais que notre commission continuera d'être très attentive à l'évolution de la régulation des marchés de l'énergie et des dispositifs de soutien aux collectivités territoriales, dans le cadre de ses travaux budgétaires, qui s'achèvent, et de ceux législatifs, qui s'annoncent, notamment en matière d'électricité nucléaire.

Conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient maintenant d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux modalités de détermination et d'application des TRVE et TRVG, et notamment à la prise en compte par ces tarifs des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Il en est ainsi décidé.

M. Fabien Gay , auteur de la proposition de loi . - Je remercie le rapporteur avec qui nous avons étroitement échangé, même si je ne partage pas sa position.

Il existe des combats politiques que nous souhaitons porter en tant que groupe minoritaire et d'opposition. Ainsi, nous avons souhaité avec la proposition de loi déposée en 2019 portant sur la précarité énergétique faire avancer le débat. Mais nous savons que nous ne serons pas suivis, même si nos échanges nous nourrissent.

S'agissant de la présente proposition de loi, j'ai bien conscience que si nous l'avions déposée avant 2020, nous aurions été très minoritaires, si ce n'est seuls. Mais aujourd'hui, je pensais, peut-être naïvement, que nous aurions pu trouver un terrain d'entente. Je le pense toujours. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, les quarante collectivités, qu'elles soient de droite ou de gauche, font toutes face à cette même difficulté d'augmentation du coût de l'énergie, avec des hausses à l'année, de 600 000, 900 000 euros, et de plusieurs dizaines de millions d'euros pour le département. J'entends les arguments portant sur le droit européen, mais si on prend en compte l'amortisseur électricité, le filet de sécurité, la baisse des taxes, l'Arenh et l'indemnisation des acteurs alternatifs à hauteur de plus de 15 milliards d'euros, nous allons au-delà des 45 milliards d'euros !

Nous devons inventer un nouveau système ; la crise sera durable pour les collectivités, les entreprises, les commerçants. Comment le boulanger de ma rue pourra-t-il supporter un surcoût de 5 000 euros sur sa facture d'électricité ? Il faudrait qu'il vende sa baguette à 8 euros ? Ce n'est pas le seul. Il faut donc inventer, pour affronter ces trois ans de crise, car nous ne sommes pas au bout de nos peines ! Les critères des boucliers tarifaires sont incompréhensibles, et même la ministre a été incapable de m'expliquer les choses clairement.

Les tarifs réglementés représentent une solution qui a fonctionné pendant cinquante ans. Je suis ouvert au débat : doit-on les remettre en vigueur pendant trois ans dans le cadre d'un dialogue avec la Commission européenne ?

La situation bouge, les certitudes changent : permettre à nos entreprises de surmonter la crise grâce à des tarifs réglementés constitue non pas un horizon « communiste », mais tout simplement un horizon raisonnable. Il nous reste une semaine pour trouver un chemin ensemble et, quoi qu'il arrive, un signal politique envoyé de la part du Sénat serait de bon ton.

En outre, nous devons à un moment ou à un autre mettre nos paroles en acte. Nous avons eu un débat sur la souveraineté énergétique il y a deux mois, tous les groupes ont alors parlé des tarifs réglementés ! De même, j'ai écouté les propos du président Bruno Retailleau avec attention qui a également évoqué le sujet, et il a mentionné les tarifs réglementés. Je suis donc prêt à travailler avec vous sur cette proposition de loi.

M. Jean-Claude Tissot . - Cette proposition de loi va dans le bon sens pour les collectivités. En effet, si nous avons obtenu un élargissement du filet de sécurité lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, les critères nouvellement définis ne nous permettent pas d'avoir une vraie visibilité sur les collectivités qui pourront être accompagnées. La création de l'amortisseur électricité pour les collectivités non éligibles aux tarifs réglementés, avec une prise en charge de 50 % du coût de l'électricité au-delà de 325 euros par MWh, constitue une bonne nouvelle, mais cela reste insuffisant pour accompagner correctement les collectivités.

Ainsi, cette PPL répond à deux problématiques qui me semblent majeures : l'élargissement du TRV à l'ensemble des collectivités et l'annulation de l'extinction définitive des TRV pour le gaz, qui est prévue pour le 30 juin 2023.

Bien sûr, il était nécessaire d'entendre les réserves du rapporteur sur ce texte, notamment sur les coûts engendrés et les problèmes d'application liés au droit européen, mais nous devons envoyer ce message de soutien aux collectivités face à l'incohérence du marché de l'énergie.

M. Daniel Gremillet . - Cette PPL traduit une nouvelle fois le fait que le sujet énergétique a été totalement abandonné par notre pays depuis quelques années et montre que le défi actuel ne permet pas au Parlement de légiférer dans le bon sens, je le dis très sérieusement. J'estime que votre PPL n'est pas inutile, au contraire, même si je soutiens totalement la position du rapporteur et plus largement de la commission.

Prenons un exemple concret, la hausse des prix en région Grand Est correspond à un coût de 100 millions d'euros supplémentaires entre 2022 et 2023, rien que pour les bâtiments appartenant à la région. À ce jour, les débats qui ont eu lieu au Sénat ne nous ont pas permis d'avoir une vision claire du bouclier ou de l'amortisseur électricité. De plus, sur le terrain, beaucoup d'acteurs passent à travers ces dispositifs.

Je soutiens la position du rapporteur pour deux raisons.

Premièrement, il faut rester prudent vis-à-vis de la législation européenne et la respecter. Néanmoins, cette PPL aura au moins le mérite d'alerter à l'échelle européenne. La France doit être plus présente et tenir des positions plus fermes au niveau européen. Cette PPL fait donc déjà bouger les lignes, car elle pousse à l'action.

Deuxièmement, cette PPL, même si elle n'est adoptée, n'aura pas été inutile. Si je prends l'exemple de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, c'est bien le Sénat qui a ouvert le sujet de la précarité énergétique et des coupures d'électricité, puis qui l'a maintenu en commission mixte paritaire (CMP). Nous avons donc permis son aboutissement tous ensemble.

Je terminerai en citant Philippe Séguin, qui disait souvent qu'une bonne idée passe toujours par le stade minoritaire. Seul le travail commun lui permettra de devenir majoritaire. Je suis donc optimiste pour la suite.

M. Franck Montaugé . - Je souhaite dire au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain que nous partageons totalement les objectifs et les présupposés de cette PPL. J'entends les arguments du rapporteur quant à la législation européenne et nous ne pouvons pas nous y soustraire : les tarifs relèvent de la législation européenne, tandis que la définition du mix énergétique est une compétence nationale.

Toutefois, je pense qu'il faut aider cette PPL à aller plus loin, quitte à la modifier ; un débat doit avoir lieu. Je souhaite néanmoins vous faire une proposition en réaction aux différentes interventions : parallèlement à l'examen de cette proposition de loi, nous devons entamer la rédaction d'une proposition de résolution européenne (PPRE). Et je partage les propos de Daniel Gremillet, car je pense qu'il faut que cette rédaction passe par le travail de co-rapporteurs issus de chaque groupe de notre assemblée.

Je terminerai sur la question du numérique en écho à l'audition de Mme Heydemann : nous devons également aboutir à une PPRE sur ce sujet, et rapidement.

M. Patrick Chauvet . - Je souhaite saluer le travail du rapporteur qui nous éclaire sur les risques de ce qui semble être à première vue une bonne idée, mais qui pourrait aboutir à un dispositif contraignant pour les collectivités.

Nous plaidons pour une réforme structurelle du marché de l'électricité. De nombreuses questions sont restées sans réponse, notamment la sortie de l'Espagne et du Portugal du mécanisme européen d'indexation du prix de l'électricité sur le gaz et ses conséquences, comme l'a souligné le rapporteur. Une telle évolution serait-elle favorable à la France ? Nous ne le savons pas.

Par ailleurs, nous n'avons pas assez creusé la question de la faible efficacité de nos centrales nucléaires. Même si la situation s'améliore, elles ne produisent qu'à hauteur de la moitié de leur capacité de production. Cette baisse s'est faite sous couvert de la crise de la Covid-19, or je rappelle que nos agriculteurs ont continué à nourrir nos concitoyens pendant la crise. Puis la guerre en Ukraine a éclaté.

J'ai bien entendu que l'auteur de la PPL était ouvert à modifier certains aspects, mais, en l'état, nous ne voterons pas cette proposition malgré le grand intérêt que nous lui marquons.

M. Daniel Salmon . - Nous arrivons effectivement au bout d'un cycle : nous avons vécu dans le mythe de l'énergie bon marché, ce qui nous a conduits à ne pas réaliser les investissements qui auraient permis de parvenir à davantage de sobriété et d'efficacité. Nous sommes donc dans une impasse et les collectivités vont payer le prix fort, à hauteur de ces coûts faramineux qui ont été évoqués.

Je souscris totalement aux objectifs et aux propositions de cette loi. Les collectivités ont besoin de lisibilité et de visibilité, au-delà de la juxtaposition de dispositifs proposée par le Gouvernement, même si comme l'a dit le rapporteur, la situation est complexe, car il faut tenir compte du droit européen.

Nous devons travailler sur ce sujet. Nous pouvons dans ce cadre appeler cette PPL, une PPL « d'appel », car elle a peu de chances de se concrétiser. Néanmoins, ce travail devra aboutir à un moment ; les collectivités territoriales nous attendent.

M. Fabien Gay . - Une précision : il ne s'agit pas d'instaurer une obligation pour les collectivités de reprendre un contrat sous tarif réglementé. Le but est simplement de permettre à celles qui n'ont pas la capacité de faire face à la hausse des prix de marché de pouvoir avoir accès, si elles le souhaitent, à des tarifs réglementés au moment de la renégociation de leurs contrats. Si c'est une PPL d'appel, tant mieux, nous n'avons qu'à l'adopter pour faire pression sur la Commission européenne.

M. Laurent Somon , rapporteur . - Je pense en effet que cette PPL est à considérer comme une PPL d'appel, par rapport à un fonctionnement à bout de souffle, ou plutôt comme une proposition de résolution (PPR) ou une PPRE en devenir.

L'objectif est de pouvoir peser sur les dysfonctionnements constatés, c'est-à-dire le fait que le coût de l'électricité soit basé sur le coût marginal de production, lui-même basé sur le coût du gaz. Tant que celui-ci n'était pas cher, le système satisfaisait tout le monde. Mais à partir du moment où la hausse de la demande internationale, avec la reprise post-Covid-19 et la crise en Ukraine, a amené le prix du gaz à flamber, le coût marginal a explosé.

J'entends donc la demande d'un calcul différent du prix de l'électricité suggéré par la PPL. La lecture de son titre met d'ailleurs tout le monde d'accord, à l'image de l'étiquette de présentation d'un produit. Mais à y regarder de plus près, la liste des ingrédients en détail laisse appréhender une réalité plus complexe. Dans ce cadre, aboutir à un texte finalisé sur des sujets aussi complexes en huit jours me paraît un peu illusoire.

Néanmoins, je suis prêt à travailler sur un texte démontrant la volonté du Sénat de faire évoluer le prix de l'électricité, comme du gaz, pour les collectivités et les entreprises. Quant à la réponse immédiate, la proposition du Sénat sur le filet de sécurité me semble appropriée. Nous sommes tous d'accord sur le principe et les objectifs. Seule la voie diffère, mais j'espère que nous en trouverons une, peut-être à travers une PPR ou une PPRE, dans un esprit de consensus.

Mme Dominique Estrosi Sassone , présidente . - Venons-en au vote de cette proposition de loi. Je vous rappelle que son éventuel rejet n'empêchera pas qu'elle soit discutée le mercredi 7 décembre en séance, sur la base de sa rédaction initiale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément, au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposé sur le Bureau du Sénat.

La réunion est close à 12 h 15.

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