EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mardi 29 novembre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine, en nouvelle lecture, le rapport de Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 145, 2022-2023).

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons le rapport de la rapporteure générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en nouvelle lecture.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Après l'échec de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'Assemblée nationale a examiné ce texte en nouvelle lecture.

Les députés ont pu débattre en séance de l'article liminaire, qu'ils ont amendé pour coordination, et de la première partie, relative aux comptes de 2021, qu'ils ont curieusement adoptée conforme. Je dis : « curieusement », car cela signifie qu'ils ont adopté l'article 1 er dans la version adoptée par le Sénat, en suivant les préconisations de la Cour des comptes. Pour autant, même après ce vote, l'article 2, qui approuve le tableau patrimonial, n'a pas été amendé. De ce fait, l'un des articles affiche un déficit de 29,3 milliards d'euros pour l'année dernière et l'autre un déficit de seulement 24,3 milliards d'euros. Nous verrons si le Conseil constitutionnel sera amené à se prononcer sur cette incohérence et les conséquences qu'il en tirera, le cas échéant.

Par ailleurs, les députés ont examiné la deuxième partie, sur les comptes de l'année en cours, essentiellement pour adopter une nouvelle rallonge de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) 2022, à hauteur de 0,5 milliard d'euros, afin de compléter les financements octroyés au système hospitalier en vue de « compenser les surcoûts liés à l'épidémie de covid-19 pour les établissements de santé en 2022 ». La rectification de l'Ondam 2022 est ainsi portée à 10,1 milliards d'euros par rapport au montant voté dans la loi de financement de sécurité sociale de 2022. Il me semble que cela est de nature à conforter notre prudence quant aux estimations du Gouvernement pour ce qui concerne 2023.

Une fois passé l'examen de ces cinq articles, la suite a été beaucoup plus expéditive puisque le Gouvernement a engagé sa responsabilité à deux reprises : l'une au tout début de la troisième partie, l'autre au tout début de la quatrième. Il n'y a donc eu aucun débat en séance publique sur ces deux parties en nouvelle lecture : ni les recettes ni la branche maladie n'auront fait l'objet d'un quelconque débat en séance à l'Assemblée nationale lors de ce PLFSS, en première lecture comme en nouvelle lecture.

De ce fait, ce sont bel et bien les mesures que le Gouvernement a souhaité retenir qui nous sont aujourd'hui soumises dans la version qui nous est transmise.

Or, reconnaissons-le, les apports du Sénat qui figurent dans ce texte sont particulièrement modestes. On retiendra, pour l'essentiel : dans la partie recettes, un amendement à l'article 11 bis qui aligne le régime social des rachats de jours de réduction du temps de travail (RTT) et des heures supplémentaires pour les entreprises de 20 à 249 salariés ; sur le volet autonomie, un amendement de Bernard Bonne qui traduisait l'une des recommandations du rapport d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à savoir le plafonnement du montant des excédents pouvant être mis en réserve ; et, enfin, sur le volet maladie, le maintien de la prolongation de la garantie de financement des établissements de santé. Le Gouvernement a également retenu un amendement encadrant le développement de la biologie médicale délocalisée, qui intervient lorsque le prélèvement ou la phase analytique d'un examen de biologie est réalisé en dehors d'un laboratoire de biologie médicale. Je précise enfin que, comme notre rapporteure de branche l'avait fortement souhaité, l'entrée en vigueur de la réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation est reportée au 1 er juillet 2023. Je souligne que la rapporteure générale Stéphanie Rist avait remis en cause l'amendement du Gouvernement en ce sens déposé au Sénat durant l'examen du texte : c'était tout de même fort de café !

Mme Catherine Deroche , présidente . - J'ai envoyé un courrier assez sec à la ministre pour lui dire que les engagements pris devaient être respectés.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Telles sont les quelques mesures véritablement normatives qui ont été retenues.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Elles ne sont pas nombreuses !

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Je précise que les auteurs d'amendements trouveront dans le rapport écrit un tableau qui retrace le sort de chacun d'entre eux. Évidemment, aucun des amendements les plus significatifs adoptés par le Sénat n'a été retenu. À cet égard, je citerai plusieurs exemples.

Premièrement, nous avions introduit un article additionnel pour améliorer l'emploi des seniors et engager le redressement de notre système de retraite. Même si nous n'avions aucun espoir que le Gouvernement le maintienne, cela nous aura tout de même permis de marteler l'idée qu'il faut se pencher sur notre système de retraite.

Deuxièmement, nous avions proposé différentes mesures visant à restaurer un contrôle parlementaire en cas de dépassement de l'Ondam et de son enveloppe covid-19, que nous considérons sous-estimée. Là encore, on le voit bien, plus de 500 millions d'euros ont été rajoutés subrepticement en nouvelle lecture au titre de l'année 2022, sans aucun contrôle.

Troisièmement, nous avions voté un amendement tendant à accorder au ministre un pouvoir supplémentaire, celui de refuser une convention médicale dont les conséquences financières seraient incompatibles avec l'Ondam voté par le Parlement.

Quatrièmement, nous souhaitions matérialiser la contribution des organismes complémentaires d'assurance maladie au sein de ce PLFSS à hauteur de 300 millions d'euros.

Cinquièmement, enfin, nous avions refusé de transférer 2 milliards d'euros de charges de la branche maladie à la branche famille.

Concernant l'Ondam 2023, malgré les hausses incessantes de celui de 2022, le Gouvernement n'a toujours pas estimé nécessaire de le revaloriser à l'occasion de la nouvelle lecture. C'est donc de nouveau le montant que le Sénat avait rejeté en première lecture qui nous revient de l'Assemblée nationale.

Au-delà de ces marqueurs, même des apports plus modestes et potentiellement plus consensuels n'ont pas été retenus. Au bout du compte, même si nous avions des points d'accord dans le texte d'origine, on peut considérer que le nombre de mesures retenues est particulièrement maigre, ce qui est assez peu respectueux des débats riches et sérieux que nous avons eus pendant toute une semaine. Qui plus est des seuls débats au Parlement !

Dès lors, comme cela est, hélas !, devenu la tradition - mais on ne saurait s'y habituer ! -, force est de constater qu'il ne sert à rien de poursuivre la navette, d'autant que le Gouvernement va très probablement recourir de nouveau, lors de cette lecture définitive, à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution et qu'il a déjà clairement indiqué les propositions du Sénat qu'il souhaitait retenir.

En conséquence, je vous propose d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce PLFSS pour 2023 afin de marquer nos désaccords de fond et de méthode sur ce texte.

M. René-Paul Savary . - Que le Gouvernement n'ait pas retenu l'amendement relatif aux retraites, cela se comprend et cela fera même plaisir à certains... En revanche, la fin du transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco à l'Urssaf avait été votée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et par le Sénat, de façon transpartisane d'ailleurs. On pouvait donner ce gage de confiance aux partenaires sociaux. Or, si je comprends bien, le report du transfert a été décalé au 1 er janvier 2024. Il est sidérant de constater que le Gouvernement veut passer en force.

M. Philippe Mouiller . - Les quelques amendements ayant donné lieu à un avis favorable ou un avis de sagesse de la part du Gouvernement sont-ils intégrés dans le texte qui nous est soumis ou le Gouvernement a-t-il procédé à une sélection limitative ?

Mme Raymonde Poncet Monge . - J'ai vraiment l'impression que le Gouvernement fait son marché, à l'Assemblée nationale au travers de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, et au Sénat en ne retenant que quelques mesures. Je suis étonnée que des amendements à faible enjeu, tels que l'amendement d'Olivier Henno et mon sous-amendement relatifs aux assistantes maternelles, n'aient pas été retenus. Et tout cela, sans aucune justification, sans la moindre explication eu égard à notre travail. Cette négation du travail parlementaire est inacceptable et cette méthode témoigne de méthodes antiparlementaristes. Cette volonté discrétionnaire du Gouvernement est une forme de recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution au Sénat.

De ce fait, quels sont les attendus de la question préalable, Madame la Rapporteure générale ?

M. Daniel Chasseing . - Certes, le nouveau texte ne reprend que peu d'amendements du Sénat. Cependant, si j'ai voté en faveur de l'amendement de René-Paul Savary sur les retraites, il semblait évident qu'il ne serait pas retenu dans le PLFSS, des consultations préalables avec les partenaires sociaux étant nécessaires sur un tel sujet. Je conviens néanmoins que certains points liés à l'emploi des seniors auraient pu être retenus.

Par ailleurs, une nouvelle augmentation de 0,5 milliard d'euros est prévue pour l'Ondam, afin de compléter les financements du système hospitalier. À ce titre, la rapporteure générale a signalé une augmentation très importante depuis 2017. Il faut toutefois considérer cette hausse en gardant à l'esprit les dépenses liées au Ségur de la santé et à la crise du covid.

Quant à l'amendement portant sur l'Agirc-Arrco, il aurait pu être retenu.

Enfin, ce PLFSS enregistre néanmoins des avancées, notamment dans les domaines de la prévention et de la vaccination.

Pour conclure, je ne voterai pas la motion. En effet, le PLFSS revêt une telle importance pour la Nation qu'il me semble nécessaire de privilégier de possibles ententes.

M. Martin Lévrier . - Je regrette que nous en arrivions encore une fois à cette situation. Nous connaissions les risques liés à l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, mais le Sénat aurait pu jouer un rôle plus constructif.

Des critiques ont été formulées à l'égard du Gouvernement ; je les entends. Mais le vote du Sénat sur l'Ondam 2023 a représenté un point de rupture dans les négociations et cette façon de procéder n'était sans doute pas la meilleure à ce moment-là. Je ne voterai pas la motion.

Mme Véronique Guillotin . - Comme à notre habitude, nous ne voterons pas la motion.

Je voudrais revenir sur le fond. Si, en ce qui concerne les axes majeurs, il ne fallait pas se faire d'illusions quant à la prise en compte du travail du Sénat, des apports moins structurels auraient pu être retenus. Néanmoins, je retiens quelques signes positifs, comme l'intégration de la possibilité d'effectuer un stage hospitalier pendant la quatrième année de médecine générale.

Dans son ensemble, le texte semble plutôt positif. En outre, je n'attends pas grand-chose d'un PLFSS en termes de transformations profondes du système de santé. Cependant, il s'agira de faire entendre le travail du Sénat dans l'objectif d'une transformation structurelle vers laquelle il faut se diriger.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Quelles que soient nos positions politiques, nous éprouvons de la frustration. En effet, nous sommes les seuls parlementaires à avoir examiné le texte dans sa totalité, nous avons fourni un travail important et peu de nos propositions sont finalement retenues. Cependant, il n'est pas possible de débattre de nouveau de ce texte alors qu'aucun consensus ne semble imaginable.

D'abord, Monsieur Savary, les propositions du Sénat sur l'Agirc-Arrco auraient pu être reprises par la majorité, mais, dès la réunion de la commission mixte paritaire, la rapporteure générale de l'Assemblée nationale semblait camper sur sa position. Nous nous en tiendrons donc à la proposition initiale et à un transfert du recouvrement prévu pour 2024.

De la même manière, en ce qui concerne la Caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les choses se dérouleront comme prévu.

Monsieur Mouiller, sur la question du sort connu par nos amendements, un tableau figurera dans le rapport écrit. J'observe que des amendements sur lesquels le Gouvernement avait émis un avis favorable n'ont pas été retenus et que des amendements auxquels il était défavorable ont été repris. Il y a donc une part d'imprévisibilité...

Certes, Madame Poncet-Monge, la procédure interpelle, mais la question préalable sanctionne la méthode. Néanmoins, notre travail ne sera pas oublié par ceux qui s'intéressent à la protection sociale dans notre pays.

Monsieur Chasseing, peu de mesures ont été retenues par la majorité. Aussi, nous perdrions notre temps si nous engagions une nouvelle discussion. D'où ma proposition de voter une motion tendant à opposer la question préalable.

Monsieur Lévrier, Madame Guillotin, nous le mesurons chaque année lors de nos débats : une vraie loi Santé serait plus à même de modifier le système de santé que le PLFSS qui est un texte financier. En effet, malgré notre volonté de changement, nous superposons des petites mesures sans parvenir à toucher l'ensemble. Toutefois, la proposition de loi que vient de présenter la rapporteure générale de l'Assemblée nationale n'a pas l'air de plaire à l'ensemble des professionnels de santé et je ne suis pas certaine que nous y trouvions notre compte. Il faudra enrichir ce texte, mais des problèmes de cohérence entre les chambres risquent de se poser.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous passons maintenant à l'examen de la motion.

EXAMEN DE LA MOTION DE LA RAPPORTEURE GÉNÉRALE

Motion tendant à opposer la question préalable

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - J'en viens à la lecture de la motion, qui reprend l'objet des amendements les plus importants que nous avons déposés et qui n'ont pas été retenus par l'Assemblée nationale :

« Considérant que des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels ;

« Considérant que le texte considéré comme adopté en nouvelle lecture reprend le montant de l'Ondam pour 2023 que le Sénat a rejeté en première lecture, en estimant qu'il était sous-évalué. » Je précise à ce sujet, à l'attention de Martin Lévrier, qu'il n'est pas certain qu'un plus grand nombre de nos amendements auraient été retenus si nous n'avions pas rejeté ce financement ;

« Considérant, de surcroît, qu'aucune des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l'Ondam n'a été intégrée dans ce texte. » Je rappelle que nous tenons à cette mesure depuis la discussion sur la loi organique ;

« Considérant que la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement est incompatible avec l'objectif d'apurement de la dette sociale au 31 décembre 2033 ;

« Considérant que le transfert de 2 milliards d'euros de charges de la branche maladie vers la branche famille ne se justifie pas et risque de pénaliser l'action de cette dernière branche en faveur des familles ;

« Considérant qu'il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu'ils subventionnent ;

« Considérant qu'il est nécessaire d'affirmer dès à présent la nécessité d'améliorer l'emploi des seniors et de corriger les déséquilibres structurels de la branche vieillesse, et de mobiliser l'ensemble des parties prenantes à cette fin dans les meilleurs délais ;

« Considérant enfin que l'emploi systématique par le Gouvernement de la procédure définie à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution ne permettra pas l'intégration, en lecture définitive, de nouvelles propositions du Sénat ;

« Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »

La motion n° 6 est adoptée.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Pour l'instant, aucun amendement n'a été déposé. Mais la motion étant adoptée, la commission émettra un avis défavorable aux amendements qui pourraient être déposés d'ici à la séance publique.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Mme Raymonde Poncet Monge . - Je regrette que la motion ne soit pas centrée sur la méthode discrétionnaire employée, qui représente un véritable fait du prince et consiste à prendre ou rejeter les amendements, souvent sans justification.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Il faut aussi évoquer les questions de fond sur lesquelles nous sommes en désaccord.

Mme Raymonde Poncet Monge . - J'ai voté contre le texte en raison de ces oppositions de fond... Mais j'aurais soutenu une motion centrée seulement sur la méthode.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Vous pourrez vous en expliquer en séance publique.

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