II. DES INCERTITUDES PÈSENT ENCORE SUR LA CAPACITÉ DE NOS ARMÉES À RELEVER LES DÉFIS DE LA HAUTE INTENSITÉ ET DE LA PRÉPARATION DE L'AVENIR

A. LA CAPACITÉ DES ARMÉES À ASSURER LEURS CONTRATS OPÉRATIONNELS EST ENCORE IMPARFAITE ET INÉGALE

1. La capacité des armées à assurer la fonction stratégique « intervention » sous hypothèse d'engagement majeur est variable

Les contrats opérationnels prévus par la LPM 2019-2025 établissent deux hypothèses d'emploi des forces :

- une situation d'endurance, dite « situation opérationnelle de référence » (SOR) ;

- une situation d'exception dite « hypothèse d'engagement majeur » (HEM), dans le cadre dans laquelle les armées doivent être en mesure de porter les capacités militaires à leur niveau maximal sous un délai de six mois.

Le contrat opérationnel prévu par les LPM 2019-2025 en matière d'intervention

Situation opérationnelle de référence

« En matière de gestion des crises et d'intervention, les armées pourront être engagées dans la durée et simultanément sur trois théâtres d'opération, avec la capacité à assumer le rôle de Nation-cadre sur un théâtre et à être un contributeur majeur au sein d'une coalition. En termes de volume cumulé de forces, pourront ainsi être mobilisés :

- un état-major interarmées de niveau stratégique, un état-major de niveau opératif et les systèmes de commandement associés, ainsi que des moyens de renseignement interarmées, de guerre électronique, de soutien santé, munitions et pétrolier, cyber et soutien de l'homme adaptés aux opérations menées ;

- l'équivalent d'une brigade interarmes (6 000 à 7 000 hommes), incluant 4 groupements tactiques interarmes (GTIA), équipés de blindés modernisés, 1 bataillon du génie, 1 à 2 groupements d'artillerie, 1 à 2 groupements aéromobiles, 1 groupement de renseignement multi-capteurs, 1 groupement de transmissions et jusqu'à 3 groupements logistiques ;

- le porte-avions (hors arrêt technique majeur) avec son groupe aérien, ainsi que des capacités amphibies incluant 1 à 2 bâtiments de projection et de commandement (BPC). Les escortes incluront jusqu'à 6 frégates et un patrouilleur, jusqu'à 3 avions de patrouille maritime (ATL2), 1 à 2 pétroliers ravitailleurs, 1 sous-marin nucléaire d'attaque et 1 groupe de guerre des mines. Ces moyens s'appuient sur les éléments constituant l'échelon national d'urgence (ENU) ;

- 2 à 3 bases aériennes projetées incluant leur poste de commandement air (PC Air), 14 avions de chasse, 4 avions de ravitaillement en vol MRTT, 5 avions de transport tactique, jusqu'à 6 systèmes de drones moyenne altitude longue endurance-MALE (dont l'armement programmé permettra d'élargir le champ d'emploi opérationnel), 1 à 2 avions de guerre électronique, 1 plot d'hélicoptères de manoeuvre pour les missions de recherche et sauvetage au combat (RESCO) et jusqu'à 7 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) ;

-pour les forces spéciales, 2 groupements et un détachement de forces spéciales, 2 plots hélicoptères et des avions de transport tactique. »

Hypothèse d'engagement majeur

« Les armées devront pouvoir également être engagées dans une opération majeure de coercition, tout en maintenant un niveau d'engagement adapté sur les théâtres de gestion de crise déjà ouverts. Dans ce cadre, les armées devront être capables de mener, en coalition, sur un théâtre d'engagement unique, une opération à dominante de coercition, dans un contexte de combats de haute intensité. Elles pourront assumer tout ou partie du commandement de l'opération et auront la capacité, dans les trois milieux, de participer à une opération d'entrée en premier sur un théâtre de guerre. Cette hypothèse d'intervention se caractérise par un engagement majeur aux côtés de nos alliés. La France pourra ainsi déployer :

- un état-major interarmées de niveau stratégique, un état-major de niveau opératif et les systèmes de commandement associés, ainsi que des moyens de renseignement interarmées, de guerre électronique, une capacité de commandement d'un groupement de soutien interarmées de théâtre intégrant les soutiens santé, munitions et pétrolier, cyber et soutien de l'homme adaptés aux opérations menées

- une capacité de commandement terrestre de niveau corps d'armée (CRR-FR), et les moyens organiques de nature à permettre d'assumer les responsabilités de Nation-cadre correspondant au niveau divisionnaire (systèmes de commandement, renseignement, logistique ...). Jusqu'à 2 brigades interarmes représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, mettant en oeuvre près d'un millier de véhicules de combat (dont environ 140 LECLERC, 130 JAGUAR et 800 véhicules de combat d'infanterie), 64 hélicoptères et 48 CAESAR, susceptibles d'être renforcées par des brigades alliées pour constituer une division de type OTAN ;

- une capacité de commandement d'opérations aériennes de type Joint Force Air Command (JFAC), jusqu'à 45 avions de chasse hors groupe aérien embarqué, 9 avions de transport stratégique et de ravitaillement, 16 avions de transport tactique, 4 systèmes de drones armés, jusqu'à 4 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), 2 à 3 bases aériennes projetées, des moyens de défense anti-aérienne de théâtre, des moyens de sauvetage au combat ;

- une capacité de commandement de force navale à la mer, une force navale composée du porte-avions (hors arrêt technique majeur) avec son groupe aérien, ainsi que 2 bâtiments de projection et de commandement, disposant de moyens de commandement à la mer et d'accompagnement intégrant jusqu'à 8 frégates (frégates multi-missions-FREMM, frégates de défense aérienne-FDA ou frégates de taille intermédiaire-FTI), 2 sous-marins nucléaires d'attaque de type Suffren, 5 avions de patrouille maritime et des moyens de guerre des mines et de ravitaillement à la mer ;

- des forces spéciales s'appuyant sur des capacités adaptées (PC de composante SOCC, véhicules tactiques protégés, avions de transport tactique, hélicoptères, insertion maritime avec moyens de mise en oeuvre associés, drones tactiques polyvalents et ISR ...) ;

- une composante « cyber ».

Les forces engagées bénéficieront d'un soutien adapté dans les domaines munitions, systèmes d'information et de communication, carburant, santé, soutien de l'homme et infrastructures. Pour garantir leur capacité de réaction autonome, les armées maintiendront un échelon national d'urgence de 5 000 hommes en alerte permanente. Possédant tout l'éventail des capacités des armées, il constitue la réserve d'intervention immédiate apte, entre autres, à saisir un point d'entrée, à renforcer en urgence un dispositif ou à évacuer des ressortissants. Cet échelon d'alerte permet de mettre sur pied une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes. Cette force sera projetable à 3 000 km du territoire national ou depuis une implantation à l'étranger, dans un délai de 7 jours. »

Source : rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025

Les indicateurs de performance de l'objectif 4 du programme 178 renseignent sur le niveau de préparation des forces au titre de leur contrat opérationnel en matière d'intervention, traduisant la capacité des armées, directions et services à être engagées, pour une durée limitée, dans une opération de coercition majeure tout en conservant une partie des responsabilités exercées sur les théâtres d'opération déjà ouverts . Il appelle de la part du rapporteur spécial les observations suivantes :

- l'armée de terre est celle qui affiche le taux le plus élevé de capacité à réaliser son contrat opérationnel, avec un taux stabilisé à 90 %. Il convient à cet égard de relever qu'elle se déploie durablement sur six théâtres au lieu de 3 (BSS, Liban, Chammal, République centrafricaine, Estonie, Roumanie) ce qui excède le contrat ;

- les prévisions concernant la capacité de la marine à intervenir les trois prochaines années marquent une tendance à la baisse . Le taux de réalisation du contrat est en effet passé de 89 % en 2020 à 70 % en prévision 2022, et le relèvement de ce taux à 88 % en prévision 2023 tient à un changement de méthode de calcul de l'indicateur et non à une inversion de tendance. Les composantes frégates, bâtiments de soutien logistique et bâtiments de guerre des mines sont les principaux facteurs de cette évolution. Après le désarmement programmé de la frégate anti-sous-marine (FASM) Latouche Tréville en 2022 et dans l'attente de la mise en service des premières Frégates de Défense et d'Intervention (FDI) en 2025, le projet annuel de performance indique notamment que la composante frégates ne sera pas en capacité d'honorer sa pleine contribution à la fonction stratégique avant cette échéance ;

- la situation de l'armée de l'air et de l'espace est particulièrement préoccupante, avec un taux de capacité à réaliser qui chuterait de 75 % à 65 % entre 2022 et 2023 . En ce qui concerne l'hypothèse d'engagement majeur, les délais de montée en puissance ne sont pas tenus. Le projet annuel de performance indique clairement que cette tendance s'explique, d'une part, par les retraits des flottes C160 Transall et Mirage 2000C et d'autre part, par l'export à la Grèce et la Croatie de 24 Rafale prélevés sur la dotation l'armée de l'air et de l'espace. Le taux de réalisation du contrat opérationnel se stabiliserait donc à ce niveau jusqu'en 2025, année où commencerait le recomplètement de la flotte de Rafale .

Capacité des armes à honorer leurs contrats opérationnels
au titre de la fonction stratégique « intervention »

(en pourcentage)

2020

2021

2022
(Cible)

2023
(Cible)

2024
(prévision)

2025
(prévision)

Armée de terre

90

90

90

90

90

90

Marine

89

78

70

88

85

84

Armée de l'air et de l'espace

70

75

75

65

65

65

Source : documents budgétaires

Il est à cet égard important de souligner, comme l'ont relevé les députés Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot dans leur rapport d'information en conclusion d'une mission d'information de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale sur la préparation à la haute intensité 6 ( * ) , que ces contrats opérationnels, et en particulier l'hypothèse d'engagement majeur, peuvent être considérés comme « caducs eu égard à la cinétique des crises d'aujourd'hui » . Le délai de six mois prévu par le contrat opérationnel serait trop long comparé à la réalité des besoins d'une gestion de crise. Selon les rapporteurs, s'appuyant sur l'analyse du général Maigret, ancien commandant des forces aériennes stratégiques auditionné dans le cadre de leurs travaux, « l'hypothèse d'engagement majeur prévue dans le contrat opérationnel ne prend pas non plus suffisamment en compte la consommation des munitions et l'attrition prévisible en cas de conflit de haute intensité. Il serait nécessaire de penser un modèle en repartant d'hypothèses politiques » .

2. Une disponibilité technique opérationnelle des matériels encore insuffisante, en particulier s'agissant des forces aériennes
a) Dans l'armée de terre, la disponibilité du parc d'hélicoptères reste d'environ 50 %

La disponibilité de l'équipement de l'armée de terre par rapport aux exigences des contrats opérationnels souffre d'une utilisation intensive de certains équipements en opérations , en même temps que de l'obsolescence de certains modèles.

Évolution du taux de disponibilité technique opérationnelle
des matériels de l'armée de terre

(en %)

2017 Réalisation

2018 Réalisation

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021
Prévision

2021
Réalisation

2022 Prévision

2023 Prévision

Armée de terre
Char Leclerc

93

85

80

87

94

87

94

87

Armée de terre EBRC
(dont AMX 10 RC) 7 ( * )

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

77

65

92

84

Armée de terre EBMR (dont VAB) 8 ( * )

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Sans objet

101

101

89

99

Armée de terre VBCI

84

74

67

58

65

61

53

65

Armée de terre Pièces de 155 mm (artillerie)

92

84

80

88

86

76

90

92

Hélicoptères de manoeuvre

40

36

39

45

60

43

61

61

Hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance

60

55

68

51

65

55

64

69

Note : EBRC : engin blindé de reconnaissance et de combat ;; VBCI : véhicule blindé de combat et d'infanterie.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et réponses au questionnaire

La disponibilité du Char Leclerc devrait repasser au-dessus des 90 % dans les prochaines années suite aux opérations de pérennisation du parc et à la signature d'un nouveau marché de soutien de service en mars 2021 pour 10 ans.

Sur la plupart des équipements, comme l'indique le tableau ci-dessus, la réalisation 2021 est inférieure aux prévisions.

Le parc de véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) est fortement mis à contribution en opérations extérieures, ce qui explique la chute de sa disponibilité technico-opérationnelle (DTO) depuis 2017 . Il est employé intensivement dans l'environnement particulièrement abrasif de la bande sahélo-saharienne. La persistance de tensions sur l'approvisionnement nuit à sa disponibilité. Le ministère des armées estime que la baisse de DTO du parc est dorénavant maîtrisée et devrait rester au-dessus de 50 % grâce à l'effort sur la régénération réalisé par la maintenance industrielle 9 ( * ) . La disponibilité prévue pour 2023 est de 65 %.

Les flottes d'hélicoptères de l'armée de terre avaient quant à elle atteint des niveaux préoccupants d'indisponibilité en 2020. Ils s'établissent à 45 % pour les hélicoptères de manoeuvre et 51 % pour les hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance. La montée en puissance de nouveaux contrats de soutien aux différentes flottes (Cougar/Caracal, mais aussi Tigre), notifiés fin 2019, devait permettre une amélioration progressive à compter de 2021. La trajectoire de reprise à la hausse du taux de DTO des hélicoptères d'attaque et de reconnaissance suit la trajectoire initialement prévue, avec un taux prévu à 64 % pour 2022. Cependant, une forte révision a été appliquée quant au taux de DTO des hélicoptères de manoeuvre : le taux de 60 % de disponibilité sera atteint non pas en 2021 mais en 2022 , selon les nouvelles estimations du ministère. À moyen terme, la maintenance de ces véhicules et les performances du contrat verticalisé Chelem permettent d'envisager une dynamique à la hausse malgré le retard pris. À terme, la généralisation de l'Hélicoptère interarmées léger (HIL), appelé de ses voeux par le rapporteur spécial, devrait également entrainer une homogénéisation de la flotte facilitant la maintenance.

b) Dans la marine nationale, une disponibilité opérationnelle inférieure aux objectifs

Les indicateurs de disponibilité des équipements de la marine actualisés annoncent une dégradation générale de cet agrégat, à l'exception des matériels au sein de l'aviation maritime.

La disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque continue de se détériorer , en raison d'un vieillissement des équipements qui cause une multiplication des indisponibilités pour aléa (ex. : travaux supplémentaires en cours de réalisation sur le SNA Perle). Ainsi, elle s'élève à 51 % 2021, contre 74 % en 2018. La disponibilité opérationnelle a diminué en 2021 en raison d'un nombre plus faible de SNA dans le parc. Pour 2022, l'équilibre entre retrait de service et admission en service actif doit permettre une stabilisation de la DTO à 56 %.

La disponibilité des frégates se stabilise quant à elle après des années de baisse (59 % en 2023, comme en 2022, contre 70 % en 2020), compte tenu du retard dans la mise en service des frégates multi-missions de défense aérienne . Le chiffre de disponibilité des frégates avait été revu à la baisse à la suite de l'indisponibilité d'une frégate multi-missions en 2021. Puisque la date de retrait de services de frégates a été repoussée compte-tenu des retards accumulés sur les nouvelles mises en service, il est à craindre une révision à la baisse de la disponibilité des frégates en cours d'exercice.

Évolution du taux de disponibilité technique opérationnelle
de la marine

(en %)

2017 Réalisation

2018 Réalisation

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021
Prévision

2021
Réalisation

2022 Prévision

2023 Prévision

Porte-avion

27

26

98

85

95

94

94

62

Sous-marins nucléaires d'attaque

69

74

66

57

55

51

56

62

Frégates

54

51

70

66

65

58

59

59

Autre bâtiments

76

76

63

82

89

74

76

76

Aviation de Chasse

66

63

57

55

69

73

69

67

Hélicoptères

51

50

51

49

54

46

63

56

Guet aérien, Patrouille, surveillance maritime

57

49

55

54

59

60°

64

67

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et réponses au questionnaire

La disponibilité de la composante chasse de l'aviation de la marine se redresse en 2021 et devrait se stabiliser à 69 % en 2022 , suite à la montée en puissance du contrat verticalisé Ravel qui optimise l'entretien des Rafales. Cette évolution a contribué de façon notoire à la diminution des attentes d'avis techniques sur les aéronefs.

Comme dans l'armée de terre, la flotte d'hélicoptères connait, à l'inverse, d'importantes difficultés en termes de fiabilité . Le taux de disponibilité s'établit finalement sous la barre des 50 % en 2021. Celle-ci est notamment imputable à la flotte de NH90 Caïman Marine, fortement pénalisée par son taux d'immobilisation au soutien industriel. L'amélioration de la situation de la flotte est donc repoussée à 2022, année lors de laquelle les flottes intérimaires de Dauphin et de H160 devraient monter en puissance.

c) Dans l'armée de l'air, des normes de préparation opérationnelle dont l'atteinte à moyen-terme paraît compromise

L'ensemble des DTO des matériels de l'armée de l'air et de l'espace s'est avérée, en exécution 2021, nettement inférieure aux prévisions.

Évolution du taux de disponibilité technique opérationnelle
des matériels au sein de l'armée de l'air et de l'espace

(en %)

2017 Réalisation

2018 Réalisation

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021
Prévision

2021
Réalisation

2022 Prévision

2023 Prévision

Avions de combat/chasse

(dont Rafale et M 2000)

92

86

85

82

105

81

84

69

Avions de transport tactique

60

64

57

65

94

60

85

73

Avions d'appui opérationnel

112

115

85

115

110

77

91

76

Vecteur ISR 10 ( * )

Sans objet

Sans objet

70

72

148

68

96

86

Avions à usage gouvernemental

90

93

100

100

148

95

94

95

Hélicoptères de manoeuvre de combat

70

71

76

88

97

72

78

82

Défense sol-air moyenne portée

81

83

82

77

113

77

73

52

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et réponses au questionnaire

La flotte des avions de combat connaît en 2021 une performance stable mais bien en-deçà des prévisions. L'indicateur de disponibilité est actualisé à 81 % en 2021, contre 105 % prévus initialement. L'amélioration constatée au 1 er semestre 2021 sur la flotte Rafale de l'armée de l'air et de l'espace, qui recueille, comme celle de la marine nationale, les bénéfices du marché « verticalisé » de maintien en condition opérationnel Ravel, est pondérée par une performance insuffisante de la flotte Mirage 2000. Pour cette flotte, le marché de soutien « verticalisé » Balzac passé avec Dassault Aviation doit permettre d'améliorer la disponibilité en réduisant le nombre d'appareils en attente de pièces. Cette amélioration de la disponibilité sera toutefois plus que neutralisée par la cession des 24 Rafale à la Grèce et à la Croatie (voir supra ).

Au total, la disponibilité opérationnelle pèse sur la préparation opérationnelle des aviateurs, qui reste encore loin des objectifs fixés par la LPM à horizon 2025 ou de la norme OTAN .

Sous le double effet de cette DTO insuffisante et surtout de la ponction d'appareils sur la dotation de l'armée de l'air et de l'espace dans le cadre des commandes grecque et croate, le nombre d'heures de vol des pilotes de chasse diminuerait fortement en 2023, passant de 162 à 147 heures, soit un niveau très inférieur aux normes LPM et Otan en la matière (180 heures). Dans ses réponses au questionnaire budgétaire le ministère reconnaît lui-même que, en matière d'aviation de chasse, « la disponibilité du matériel, notamment des équipements de mission, ne permet pas un maintien en nombre suffisant des savoir-faire dans le haut du spectre des équipages ».

Préparation opérationnelle des pilotes de l'armée de l'air
et de l'espace

(en heures de vol)

2019
(réalisé)

2020
(réalisé)

2021
(réalisé)

2022
(prévision)

2023
(prévision)

Norme LPM

Norme OTAN

Chasse

159

152

161

162

147

180

180

Transport

185

176

192

208

189

320

400

Hélicoptère

161

155

163

183

181

200

200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

La disponibilité des avions de transport tactique est également peu satisfaisante. En 2021, le taux de DTO s'établirait à 60 % contre 94 % prévu initialement. Elle a été pénalisée principalement par les difficultés structurelles (vieillissement) et conjoncturelles (visites au niveau industriel plus longues en raison des mesures sanitaires appliquées au niveau national, reports successifs du renouvellement de la flotte) rencontrées sur la flotte C130H. Les prévisions pour 2022 et 2023 sont également affectées par le retrait de service des C160R.

d) L'effort en faveur du maintien en condition opérationnelle se poursuit en 2023, dans l'attente de l'évaluation des « contrats verticalisés »

L'exercice 2023 serait marqué par un effort conséquent en faveur du maintien en condition opérationnelle, avec une augmentation des crédits dédiés à l'opération stratégique « entretien programmé des matériels » (EPM) (+ 550 millions d'euros environ), amplifiant la dynamique de ces dernières années. Le taux de croissance annuel moyen des dépenses d'EPM s'établirait ainsi à 7 % sur la période 2020-2023.

Ces efforts s'inscrivent dans le cadre d'un chantier de simplification du paysage contractuel, avec la mise en place de schémas « verticalisés » , c'est-à-dire la passation de contrats longs et globaux, confiant la responsabilité de la quasi-totalité de la maintenance à un maître d'oeuvre unique. Cette politique consiste à remplacer les multiples marchés transverses à tranches conditionnelles fermes par des contrats globaux de soutien sur une plus longue durée donnant de la visibilité aux industriels et avec des objectifs de performance précis, assortis d'obligations de résultat. Il conviendra donc, lorsque le recul sera nécessaire, d'évaluer l'efficacité de ces contrats en matière de DTO, ainsi que leur efficience en termes de maîtrise des coûts de MCO pour le budget de la mission « Défense ».

Pour l'armée de terre, les crédits d'EPM affichent une hausse de 18% entre 2022 et 2023. Elle résulte majoritairement de l'accroissement des coûts de l'EPM terrestre du fait de la modernisation du parc (prise en charge totale du MCO du Griffon en 2023), concomitante avec le maintien des parcs plus anciens durant la période de transition.

Pour la marine, les crédits d'EPM affichent une hausse de 9 % entre 2022 et 2023.

Pour l'armée de l'air et de l'espace, l'année 2023 confirme l'effort sur les crédits d'EPM (hausse de 9 % entre 2022 et 2023) avec notamment la satisfaction et la montée en puissance des contrats de soutien verticalisés (MIRAGE 2000, MRTT, ALPHAJET, etc.)

Évolution des crédits en faveur de l'entretien programmé des matériels (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

Le rapporteur spécial ne peut que saluer cette évolution, qui est de nature à permettre d'améliorer la DTO des matériels , même si l'effort de MCO ne saurait être perçu comme un moyen de compenser les trous capacitaires provoqués par les exportations de Rafale , puisque ces contrats et cette hausse de la disponibilité étaient prévus par la LPM.


* 6 Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot, Rapport d'information fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale en conclusion d'une mission d'information sur la préparation à la haute intensité, février 2022.

* 7 À compter de 2021, l'agrégat inclut le Jaguar, en sus de l'AMX-10 RC.

* 8 À compter de 2020, l'agrégat inclut le Griffon, en sus du VAB.

* 9 PAP 2022.

* 10 Moyens aériens dédiés au recueil du renseignement.

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