II. LE BOULEVERSEMENT DE LA GUERRE EN UKRAINE ET SES CONSÉQUENCES POUR LES ARMÉES

A. LE GUERRE EN UKRAINE CONTINUERA D'AFFECTER LE BUDGET DES ARMÉES EN 2023

1. La guerre en Ukraine : un tournant stratégique

L'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors constituent un tournant stratégique majeur pour la sécurité en Europe, qui affectera nécessairement le budget de défense de la France dans la période qui s'ouvre.

La guerre en Ukraine marque d'abord le retour de l'affrontement entre États souverains et de la guerre de haute intensité en Europe , avec un emploi désinhibé de la force.

Elle se caractérise également par un changement d'échelle de la conflictualité , qui se déploie sur tous les champs, aussi bien sur les trois champs historiques (terre, mer, airs) que dans les champs cyber et informationnels. Le volume des unités de combat engagées est en effet sans commune mesure avec les combats des dernières décennies, avec près de 150 000 combattants mobilisés de part et d'autre sur le front ukrainien. À titre de comparaison, l'opération Barkhane au Sahel, principale opération extérieure menée par la France, mobilise moins de 5 000 militaires.

Ces évolutions s'inscrivent dans le prolongement des tendances géopolitiques identifiées depuis plusieurs années par les principaux documents stratégiques publiés par les armées françaises.

Dès 2017, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale faisait état d'un « durcissement des menaces » - en soulignant notamment les problématiques du « renouveau de la puissance russe » - dont il résulte « un risque accru d'escalade et de montée aux extrêmes entre États, potentiellement jusqu'au franchissement du seuil nucléaire » .

Si les enseignements stratégiques tirés de cette guerre ne sauraient être établis définitivement à ce stade, les retours d'expérience (Retex) mettent en avant plusieurs éléments structurants , avec le constat de la transparence des champs de bataille compte tenu des moyens technologiques déployés (cyber, drones, radars...), de l'importance du champ informationnel, et de la préparation opérationnelle la haute intensité.

Plus largement, cette guerre a témoigné du rôle décisif des forces morales dans un conflit majeur et rappelé l'importance, par-delà les armées, de préparer la Nation à une posture de guerre dès le temps de paix, ce qui implique nécessairement d'en tirer les conséquences quant à l'effort à fournir en faveur de sa défense.

2. Bien que la France ne soit pas belligérante, la guerre en Ukraine affecte le budget des armées françaises en 2022 et 2023

Bien que la France ne soit pas belligérante, la guerre en Ukraine affecte le budget de la mission « Défense » à deux titres.

Premièrement, du fait du soutien de la France à la résistance ukrainienne.

Ce soutien se traduit en particulier par la cession de matériels aux forces armées ukrainiennes :

- en premier lieu, des matériels visant à leur permettre de réagir en urgence face à l'invasion russe entre février et avril 2022, tels que des équipements de protection individuelle, armements individuels, systèmes de missiles anti-char et anti-aérien ;

- dans un second temps, avec la fourniture de pièces d'artillerie au premier rang desquelles la livraison de 18 canons Caesar et des véhicules blindés, notamment de transport de troupes ;

- en parallèle, avec la réponse à certaines demandes précises des forces ukrainiennes en matière de carburant - l'accès à celui-ci étant décisif -, de maintenance, de pièces détachés, de munitions et de formation.

La mission « Défense » financera également, suite aux annonces du président de la République lors de sa conférence de presse donnée le 7 octobre 2022 à l'issue du Sommet informel des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne de Prague, un fonds de soutien d'un montant initialement prévu de 100 millions d'euros et qui devrait être porté à 200 millions d'euros, pour permettre aux forces armées ukrainiennes d'acheter directement du matériel militaire auprès des industriels français.

Deuxièmement, au titre du renforcement de la posture de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) sur le flanc oriental de l'Europe , afin d'éviter que le conflit puisse s'étendre au-delà des frontières de l'Ukraine, dans les pays membres de l'Otan, les armées françaises participent notamment :

- à la mission AIGLE, lancée dès le 28 février 2022 en Roumanie. En tant que nation-cadre, la France y assure depuis le 1 er mai le commandement d'un bataillon multinational de présence avancée - Battle group forward presence - BGFP ) ;

- à la mission LYNX en Estonie, au titre de la contribution française à la présence avancée renforcée de l'Otan ( enhanced Forward presence -eFP ) ;

- à des missions de surveillance et de défense aérienne renforcées dans le ciel polonais ( enhanced Vigilance activity - eVA ).

D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, ces engagements ont représenté un surcoût estimé à près de 700 millions d'euros en 2022 . Au titre de l'année 2023, des besoins de l'ordre d'environ 255 millions d'euros sont d'ores et déjà estimés pour renforcer les capacités de projection militaire sur ces théâtres.

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