B. UNE DÉPENSE FISCALE QUI ILLUSTRE UNE DIFFICILE SORTIE DE CRISE

Les crédits budgétaires de la mission « Culture » sont, par ailleurs, complétés par différentes dépenses fiscales : crédit d'impôts, taux réduit de TVA, abattement sur le bénéfice imposable, aménagement de l'imposition et exonération.

1. Une diminution de près de 25 % depuis 2019

Les rapporteurs spéciaux avaient relevé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 une approche optimiste de la dépense fiscale au sein du projet annuel de performances. Celui-ci indiquait une progression de 23,6 % entre 2020 et 2021 puis tablaient sur une hausse de 21,7 % entre 2021 et 2022. Le montant de la dépense fiscale était alors censé atteindre 1 078 millions d'euros, soit un niveau comparable à celui prévu en 2019.

Cette prévision n'a pas résisté à la poursuite de la crise sanitaire en 2021, la fermeture des salles de spectacle ou la réduction de leurs jauges et le bouleversement des habitudes culturelles. Le projet annuel de performances propose désormais un chiffrage ramené à 802 millions d'euros en 2022. 865 millions sont attendus en 2023, soit 24,5 % de moins qu'en 2023.

Évolution prévisionnelle du montant des dépenses fiscales rattachées
à la mission « Culture » de 2019 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rendement des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les entrées à des événements culturels illustre cette difficulté à sortir de la crise : le montant attendu en 2023 représente 65 % de celui constaté en 2019. La TVA à taux réduit devrait représenter 65,7 % de la dépense fiscale rattachée à la mission en 2023 contre 80,8% en 2019.

Évolution du rendement des réductions de TVA rattachées
à la mission « Culture » de 2019 à 2023

(en millions d'euros)

Chiffrage 2019

Chiffrage 2020

Chiffrage 2021

Chiffrage 2022

Chiffrage 2023

Taux réduit de TVA de 5,5 % applicable aux théâtres, cirques, concerts, spectacle de variété, sur les droits d'entrée dans les salles de cinéma et les parcs zoologiques

500

260

275

300

315

Taux réduit de TVA de 10 % applicable aux droits d'admission aux expositions, sites et installations à caractère culturel, ludique, éducatif et professionnel ainsi qu'aux loteries foraines

290

150

180

190

200

Taux réduit de TVA de 2,10 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles

80

47

47

50

53

Total

870

447

502

540

568

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Des opérations de mécénat moins tournées vers la culture

La dépense fiscale rattachée à la mission culture n'intègre pas les dispositifs de réduction d'impôts au titre des dons effectués par des entreprises ou des particuliers dans le cadre du mécénat culturel 1 ( * ) alors même que le domaine culturel était, avant la crise sanitaire, le deuxième domaine prioritaire investi par les mécènes (26 % d'entreprises engagées) et représentant près d'un cinquième des budgets mécénat (18 % du montant global du budget du mécénat). Ces dispositifs sont, en effet, rattachés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Aucune distinction n'est opérée au sein de celle-ci pour isoler les dépenses dédiées au secteur de la culture.

L'enquête Admical-IFOP, cofinancée par le ministère de la culture, permet néanmoins de préciser que le mécénat culturel représentait 22 % du montant global du mécénat des entreprises en 2021 pour atteindre environ 230 millions d'euros. Sur la période 2019-2021, les montants de mécénat obtenus par les principaux opérateurs du ministère de la culture ont baissé d'un tiers entre 2019 et 2021 2 ( * ) . La baisse observée diffère cependant selon les secteurs : les opérateurs de la création ont pu maintenir un niveau de collecte quasi comparable à celui d'avant crise (-5 % entre 2019 et 2021) tandis que les opérateurs du patrimoine sont plus affaiblis : - 29 % sur la même période 2019-2021.

Cette diminution peut être reliée aux changements de comportements en matière de dons observés avec la crise sanitaire , le soutien à l'accompagnement des populations vulnérables, la lutte contre le décrochage scolaire et l'aide aux hôpitaux et autres établissements de santé (40 %) devenant prioritaires aux yeux des donateurs 3 ( * ) . La direction du Louvre interrogée par les rapporteurs spéciaux sur ce sujet a confirmé cette réorientation. Le contexte de fermeture des institutions culturelles et d'annulation des événements programmés a également pu dissuader le recours au mécénat. Le baromètre du mécénat d'entreprise Admical-IFOP publié en décembre 2020 avait ainsi mis en avant que l'impact de la crise sanitaire sur le mécénat serait important sur l'attribution des dons de 65 % des grandes entreprises, 80 % des entreprises de taille intermédiaire et 86 % des PME. Les perspectives économiques incertaines devraient, en outre, contribuer à fragiliser les budgets dédiés aux opérations de communication externe.

Il convient enfin de rappeler que l'instauration du seuil de 2 millions d'euros en loi de finances pour 2020, destiné à contenir la dépense fiscale générée par le mécénat des grandes entreprises, a, de son côté, été perçue comme un signal négatif. Le baromètre du mécénat d'entreprise Admical-IFOP faisait ainsi ressortir que 27 % des entreprises ont adapté leur stratégie et/ou leur budget de mécénat suite à la réforme du dispositif. Les PME semblent avoir été les plus sensibles à la réforme, 30 % d'entre elles déclarant que la réforme aurait un impact sur leur politique de mécénat, contre 16 % des grandes entreprises et 17 % des entreprises de taille intermédiaire.

Interrogés par le ministère de la culture, 80 % des opérateurs du ministère ont adapté leurs stratégies de recherche de mécénat à ces nouveaux enjeux 4 ( * ) . La majorité d'entre eux ont cherché à développer le mécénat des particuliers, le mécénat en nature et la recherche de financement pour des projets numériques. D'autres ont fait le choix de s'orienter davantage vers la recherche de mécénat d'accompagnement ou de compétences, de développer le parrainage ou encore de proposer de nouvelles contreparties ou de nouveaux types de mécénat croisés (association de la culture à un autre domaine d'intérêt général : environnement, social ou santé).


* 1 Articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

* 2 Études ministère de la Culture 2021 et 2022 s'appuyant sur une saisine des principaux opérateurs du ministère (décembre 2020) et sur les liasses budgétaires. Échantillon de 40 opérateurs en 2021 et de 20 en 2022. Baisse observée d'un tiers en 2020 et stabilisation en 2021.

* 3 Article 134 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 4 Saisine réalisée par le ministère de la Culture auprès de ses opérateurs culturels ayant une activité significative en matière de mécénat (10 répondants).

Page mise à jour le

Partager cette page