III. LE PROGRAMME 361 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » : UNE PROGRESSION DES CREDITS MOINS CENTRÉE SUR LE PASS CULTURE

Créé en loi de finances pour 2021 et issu pour partie du programme 224, le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est géré par la délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Il répond à cinq objectifs :

- permettre la participation à la vie culturelle de tous les habitants, quels que soient leur âge et leur situation géographique ;

- améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur de la culture et assurer l'insertion professionnelle des diplômés ;

- promouvoir et développer la politique linguistique de l'État ;

- produire des connaissances scientifiques et techniques reconnues au niveau international ;

- promouvoir auprès de tous les publics la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.

Le présent projet de loi de finances prévoit une majoration de la dotation du programme de 5,86 % en AE et 6,72 % en CP par rapport au projet de loi de finances pour 2022. 50,7 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus en son sein, les crédits devant au total atteindre 800,68 millions d'euros en AE et 798,18 millions d'euros en CP.

Corrigée de l'hypothèse d'inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (4,3 %), la majoration des crédits en volume atteint 1,5 % en AE et 2,3 % en CP.

Ces crédits sont répartis au sein de quatre actions :

- l'action 01 « soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », à laquelle seraient affectés 293,98 millions d'euros en crédits de paiement ;

- l'action 02 « soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » qui serait dotée de 383,85 millions d'euros en crédits de paiement ;

- l'action 03 « langue française et langue de France » dont les crédits de paiement dédiés pourraient atteindre, comme lors de l'exercice précédent, 4,22 millions d'euros. L'essentiel de l'action du ministère en la matière semble désormais concentrée sur la construction de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (cf supra ), qui ne relève pas du programme 361 et qui a vu sa dotation dopée par la mission « Plan de relance » (100 millions d'euros sur la période 2021--2023).

Les rapporteurs spéciaux relèvent cependant, comme l'an dernier, que le projet annuel de performance ne comporte aucun indicateur visant l'efficacité de cette action et donc portant sur l'efficience de cette dépense publique ;

- l'action 04 « recherche culturelle et culture », pour laquelle le présent projet de loi de finances prévoit 116,13 millions d'euros. Cette action reprend les crédits affectés jusqu'en 2021 au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Répartition des crédits prévus en 2023 au sein du programme 361
« Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »

Source : commission des finances du Sénat

A. UNE PROGRESSION BIENVENUE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE

L'action 1 du programme 361 concentre l'essentiel de la progression des dépenses , le projet de loi de finances prévoyant 36 millions d'euros en AE et 32 millions en CP de mesures nouvelles. Au total, les dotations devraient être majorées de 13,75 % en AE et 12,01 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2022.

Quatre objectifs sont poursuivis :

- la réévaluation des bourses sur critères sociaux ;

- le renforcement des subventions de fonctionnement et d'investissement des écoles d'art et d'architecture ;

- faciliter la mise en oeuvre des grands projets d'investissements de ces mêmes écoles ;

- conforter le soutien aux établissements territoriaux d'enseignement supérieur, en ciblant notamment le statut des enseignants au sein de ces écoles.

1. Des diplômés de l'enseignement supérieur culture mieux aidés mais pas assez suivis ?

La progression des crédits dédiés aux bourses sur critères sociaux pour la deuxième année consécutive mérite d'être saluée. Après 4,1 millions d'euros supplémentaires (AE=CP) en loi de finances pour 2022, le présent projet de loi de finances prévoit une majoration de 7,5 millions d'euros (AE=CP). Celle-ci est liée à deux raisons : la réalité de la consommation des crédits en 2022, elle-même conditionnée par la poursuite des conséquences de la crise sanitaire. Le collectif budgétaire de fin de gestion 2022 prévoit ainsi enveloppe supplémentaire de crédits dédiés de 6,5 millions d'euros (AE=CP).

Le montant des bourses versées dans le cadre du programme 361 devrait, dans ces conditions, atteindre 41,4 millions d'euros (AE=CP) en 2023, dont 37 millions d'euros au titre des seules bourses sur critères sociaux. 11 299 étudiants ont bénéficié de ce dispositif au cours de l'année scolaire 2021/2022.

Le soutien à l'insertion professionnelle et à la vie étudiante ne bénéficie pas, quant à lui, de nouveaux crédits. La dotation reste équivalente à celle prévue en loi de finances pour 2022 : 9,12 millions d'euros (AE=CP). 2 millions d'euros supplémentaires avaient alors été mobilisés afin d'aider les étudiants frappés par la crise sanitaire. Plus de la moitié des crédits sont en partie dédiés à des actions de formation des demandeurs d'emplois (4,71 millions d'euros).

Une interrogation subsiste quant à l'efficience de la dépense publique en la matière. Le projet annuel de performances pour 2023 prévoit ainsi, à l'horizon 2023, une diminution du taux d'insertion professionnelle des étudiants en arts plastiques ainsi que ceux issus des formations au spectacle vivant et au cinéma. Ainsi, pour les premiers, seuls 66 % des diplômés devraient obtenir un emploi dans leur secteur de compétence dans les trois ans suivant l'obtention de leur titre, contre 79 % en 2021. S'agissant des étudiants en spectacle vivant et cinéma, le document table sur une diminution sensible entre la cible retenue en 2022 et celle établie pour 2023 : 94 % contre 87 %.

Taux d'insertion professionnelle des diplômés
de l'enseignement supérieur Culture (ESC)

2018

Réalisation

2019

Réalisation

2020

Réalisation

2021

Réalisation

2022

Prévision

2023

Cible

Architecture et patrimoine

87 %

90 %

88 %

91 %

91 %

91 %

Arts plastiques

58 %

61 %

73 %

79 %

75 %

66 %

Spectacle vivant et cinéma

90 %

93 %

89 %

87 %

94 %

87 %

Tous établissements ESC

80 %

82 %

84 %

87 %

85 %

86 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dynamique baissière du taux d'insertion professionnelle des étudiants issus du domaine du spectacle vivant n'est pas à relier à une absence de moyens. 3,3 millions d'euros (AE=CP) sont ainsi fléchés vers des établissements de formation et/ou continue au-delà du diplôme. Le ralentissement de l'activité culturelle lié à la crise sanitaire fragilise bien évidemment l'entrée sur le marché du travail. Les incertitudes entourant une reprise pleine et entière de l'activité dans le domaine du spectacle vivant supposeraient un suivi renforcé de cette question. Aucun dispositif particulier n'a été proposé au sein de la mission « Culture ». La mission Plan de relance avait de son côté prévu un dispositif de soutien aux artistes fragilisés par la crise et non couverts par les dispositifs transversaux mis en place, doté de 13 millions d'euros (AE = CP). Pour autant, ce fonds ne consistait pas spécifiquement en une aide à l'insertion professionnelle.

Les rapporteurs spéciaux rappellent les observations qu'ils avaient formulées lors de leur mission de contrôle sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant 18 ( * ) . Le taux global d'insertion devrait ainsi être affiné et mieux documenté, s'agissant des revenus perçus notamment. Les éléments fournis par la plupart des opérateurs auditionnés relevaient en effet des enquêtes DESC, menées par le département des études et prospectives du ministère de la culture. Ces enquêtes portaient jusqu'en 2019 sur l'insertion professionnelle des diplômés 3 ans après l'obtention du diplôme. Un nouvel instrument a été mis en place en vue d'interroger les jeunes diplômés, six mois après leur sortie.

Cette amélioration de la documentation va dans le bon sens, même si elle reste tributaire du taux de réponse. La délégation à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture a, de son côté, indiqué aux rapporteurs spéciaux qu'une évolution de l'indicateur en vue d'évaluer l'insertion professionnelle à 10 ans était également envisagée.

Cette réévaluation devra, en tout état de cause, être doublée d'un véritable accompagnement, en déclinant le modèle du Jeune théâtre national (JTN), associé au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris et au Théâtre national de Strasbourg, qui organise rencontres et auditions, prend en charge une partie des jeunes artistes engagés à la suite des auditions, programme des maquettes de premiers spectacles et élabore un annuaire des artistes issus des onze écoles nationales d'art dramatique.

2. Une nouveau volant financier en faveur des écoles nationales, qui prend le relais du Plan de relance

L'intervention du ministère en faveur des écoles nationales de l'enseignement supérieur culture passe en premier lieu par un appui au fonctionnement et à l'investissement courant. Il devrait atteindre 218,21 millions d'euros en CP en 2023. Ce montant a été réévalué de 8 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2022, afin de prendre en compte la hausse des coûts, notamment énergétiques. 1,2 million d'euros de mesures nouvelles sont par ailleurs prévus pour réévaluer le statut des enseignants des écoles territoriales.

Financements du programme 361 en faveur de l'enseignement supérieur culture

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'action 05 du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoyait, pour la période 2021-2022, 70 millions d'euros pour la rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs infrastructures informatiques (50 millions d'euros en loi de finances pour 2021 et 20 millions d'euros dans le cadre du présent projet de loi de finances). Ce soutien complémentaire devrait permettre de dynamiser les établissements d'enseignement supérieur culturel et de renforcer leur attractivité.

Le présent projet de loi de finances poursuit cette logique avec 14,2 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros de CP de mesures nouvelles en faveur d'investissements structurants au sein des écoles de la création et du patrimoine. Ces crédits viennent notamment abonder des chantiers déjà couverts par une dotation l'an passé (nouvelle école supérieure d'art de Cergy, écoles nationales supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-Malaquais, Marseille et Toulouse, Villa Arson à Nice). Le montant total de ces investissements structurants devrait atteindre 20 millions d'euros en AE et 24,48 millions d'euros en CP. 1,3 million d'euros sont, par ailleurs dédiés au financement des projets d'investissement des établissements territoriaux d'enseignement supérieur .

Répartition de l'aide à l'investissement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si cet apport doit être salué, les rapporteurs spéciaux rappellent néanmoins l'importance des restes à payer sur des chantiers couverts par le programme 361. Ils s'établissaient au 31 décembre 2021 à 107,58 millions d'euros, soit une progression de 64 % par rapport à 2018 (cf supra) . La multiplication des chantiers, si légitimes qu'ils soient, et des canaux de financement tend, par ailleurs, à brouiller l'action du ministère en la matière. Comme ils l'avaient demandé lors de la présentation de leur mission de contrôle sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant en février dernier, il eut été utile de présenter en projet de loi de finances pour 2023 un état des lieux précis de l'avancée des travaux effectués dans le cadre du Plan de relance, des restes à charge ainsi que les travaux d'envergure demeurant à mener. Ce document aurait dû être complété par un état des lieux identique sur les travaux menés dans le cadre du programme 361, avec possibilité de présenter ainsi l'étendue éventuelle des retards pris dans l'exécution des travaux.


* 18 Répartition territoriale, ouverture sociale, insertion professionnelle et contrainte immobilière : les défis de l'enseignement du spectacle vivant. Rapport d'information n° 501 (2021-2022) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, fait au nom de la commission des finances, 16 février 2022.

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