Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Christian BILHAC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 7
CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Christian BILHAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits de trois programmes propres à des institutions : le Conseil d'État ainsi que les juridictions administratives, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour des comptes ainsi que les juridictions financières. Les crédits du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ont été intégrés, depuis le projet de loi de finances pour 2023, au programme de la Cour des comptes et des autres juridictions financières.

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION

La mission bénéficierait en 2023 de 817,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Les dépenses de personnel représentent 80,9 % des crédits demandés pour la mission.

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représente 64,2 % des dépenses de la mission , contre 30,3 % pour les juridictions financières et seulement 5,5 % pour le CESE.

Évolution des crédits de paiement
de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé des programmes et titres de la dépense

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023/LFI 2022 (volume)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

481,2

525,0

+ 9,1 %

126 - Conseil économique, social et environnemental

44,6

45,1

+ 1,2 %

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

226,7

247,4

+ 9,2 %

340 - Haut Conseil des finances publiques

1,35

0

- 100 %

Mission « Conseil et contrôle de l'État »

753,7

817,6

+ 8,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des crédits s'explique principalement par le poids accru des dépenses de personnel, sous l'effet de 41 créations d'emplois pour les juridictions administratives, des revalorisations indemnitaires pour les magistrats administratifs et financiers et de l'augmentation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique.

Les dépenses de fonctionnement sont elles aussi en nette progression, de + 117 % en AE et + 13 % en CP. Ces hausses se concentrent sur le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » à raison notamment de l'accroissement des charges locatives , dont le coût prévisionnel passe de 2,7 millions en AE en 2022 à 84 millions d'euros en AE en 2023. Les frais de consommations énergétiques et de justice sont aussi en forte hausse.

II. UN RENFORCEMENT DES MOYENS ACCORDÉS AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES DANS UN CONTEXTE D'ACCROISSEMENT DES VOLUMES CONTENTIEUX

Rassemblant près des deux-tiers des crédits de la mission, le budget des juridictions administratives est fixé à 611,89 millions d'euros en AE et à 525,02 millions d'euros en CP , soit une augmentation de 38,5% des AE et de 9,1 % des CP par rapport à 2022. Les crédits de titre 2 progressent de 7,6 % par rapport à 2022 . Cette hausse s'explique principalement par le renforcement du schéma d'emplois du programme de + 41 ETP , l'augmentation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique pour un coût de 10,9 millions d'euros en année pleine et la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs , à hauteur de 8,3 millions d'euros .

En 2021, la baisse conjoncturelle des entrées liée à la crise sanitaire s'est progressivement résorbée . Le niveau des entrées a même dépassé de 3,2 % celui de l'année 2019 devant les tribunaux et les cours.

Évolution des recours devant les tribunaux administratifs
et les cours administratives d'appel entre 2019 et 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction des délais de jugement représente ainsi un enjeu de long terme. Entre 2002 et 2021, le délai prévisible moyen de jugement est passé en 1 ère instance de près de 20 mois à 9 mois et 16 jours.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction

2019

2020

2021

2022

(cible PAP 2022)

2023
(cible)

Tribunaux administratifs

9 mois et 4 jours

10 mois

9 mois et 16 jours

10 mois et 15 jours

10 mois

Cours administratives d'appel

10 mois et 26 jours

1 an et 3 jours

11 mois et 15 jours

11 mois

11 mois

Conseil d'État

7 mois et 20 jours

7 mois et 29 jours

7 mois et 8 jours

9 mois

9 mois

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour maîtriser les délais, une attention doit être portée à l'enrayement des entrées contentieuses, via le développement de la médiation , à la maîtrise des stocks , notamment pour les dossiers de plus de deux ans, et au perfectionnement de la gestion prévisionnelle des effectifs , dans un contexte de départs en mobilité accrus du fait de la réforme de la haute fonction publique.

III. UNE ÉVOLUTION LIMITÉE DES MOYENS ACCORDÉS AU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL MAIS ENTÉRINANT LA PÉRENNISATION DE LA HAUSSE DES MOYENS DÉDIÉS À LA PARTICIPATION CITOYENNE

Les crédits demandés pour 2023 sont légèrement en hausse de 1,2 % avec 45,1 millions en AE et en CP. Si cette évolution est limitée, ce budget est toutefois en dissonance avec le manque de visibilité des travaux du CESE.

Pour 2023, les moyens accordés à la participation citoyenne sont pérennisés , pour une enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers cette dernière . Le coût de l'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie devrait s'élever à 3 millions d'euros, ce coût demeurant tributaire de la capacité du CESE à nouer des partenariats et à négocier les prix de la prise en charge des frais des citoyens.

Le plafond d'emplois a été relevé pour créer un poste à la direction de la participation citoyenne, passant de 152 ETP à 153 ETP . Pour autant, le plafond d'emplois du CESE est chroniquement sous-exécuté. Le plafond d'emplois autorisé pour 2021 était de 154 ETP , pour une exécution 2021 de 140,4 ETP. Le CESE prévoit une saturation de ce plafond d'emplois début 2023.

Consommation du plafond d'emplois depuis 2017

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, le CESE tente de développer le mécénat pour pallier la baisse durable de ses ressources propres, afin de financer des travaux de rénovation du Palais d'Iéna.

IV. UNE PROGRESSION DU BUDGET DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES EN PARTIE DÛE AUX EFFETS DE PÉRIMÈTRE DANS UN CONTEXTE DE DIVERSIFICATION DE LEURS MISSIONS

Le budget des juridictions financières s'élève pour 2023 à 247,4 millions en CP, dont 219,3 millions de dépenses de personnel, soit une hausse de 9,2 % par rapport à 2022.

Le budget de la Cour des comptes et des juridictions financières est en hausse en partie à raison du rattachement du budget du HCFP , stable par rapport à 2022, à hauteur de 1,3 million d'euros . De même, le budget des juridictions financières supporte les dépenses de personnel et de fonctionnement de la nouvelle commission d'évaluation de l'aide publique au développement (CEAPD), pour un montant de 3,5 millions d'euros, réparti entre 2 millions pour les dépenses de personnel et 1,5 million d'euros pour les dépenses de fonctionnement. La CEAPD concentre ainsi presque la moitié de la hausse des dépenses de fonctionnement du programme, due aussi à l'augmentation des coûts énergétiques pour 0,7 million d'euros.

Par ailleurs, comme les magistrats administratifs, les magistrats financiers bénéficient d'une revalorisation indemnitaire, estimée à 4,1 millions d'euros en année pleine, hors CAS Pensions, qui a été appliquée pour les auditeurs et les conseillers référendaires en service extraordinaire, mais pas encore déployée pour les conseillers de chambres régionales et territoriales des comptes. La hausse du point d'indice représente quant à elle un coût annuel de 4,4 millions d'euros hors CAS Pensions .

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans le cadre de la réforme des juridictions financières, dite « JF 2025 » , celles-ci poursuivent la refonte de leurs missions , avec le développement et le perfectionnement des missions de contrôle et d'évaluation de politiques publiques, à effectifs constants .

Réunie le mardi 25 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, a commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

Au 10 octobre 2022, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires concernant la présente mission, 97,9 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE
APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

La mission « Conseil et contrôle de l'État » a pour particularité de rassembler les crédits de trois programmes propres à différentes institutions depuis le projet de loi de finances pour l'année 2023 :

- le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » . Il regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux cours administratives d'appel, aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d'asile ;

- le programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ;

- le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » . Il regroupe les moyens affectés aux juridictions financières, c'est-à-dire la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, ainsi qu'aux autres institutions associées que sont le Conseil des prélèvements obligatoires et la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins. Les crédits affectés au Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sont, depuis cette année, intégrés dans le programme 164, et ne font plus l'objet d'un programme propre (ancien programme 340). En effet, l'article 30 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a abrogé l'article 22 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui prévoyait un programme budgétaire dédié au HCFP.

L'ampleur budgétaire de ces programmes est toujours plus inégale en faveur du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ». Les crédits demandés se répartissent comme suit :

Ventilation des crédits parmi les différents programmes de la mission
en PLF pour 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission bénéficierait en 2023 de 904,5 millions d'euros en AE et de 817,6 millions d'euros en CP .

Évolution des crédits par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023 courant

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2022

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

AE

456,5

441,9

611,9

+ 170

+ 38,5 %

0,2

CP

450,0

481,2

525,0

+ 43,5

+ 9,1 %

0,2

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

AE

215,5

225,7

247,5

+ 21,8

+ 9,6 %

4,6

CP

218,3

226,6

247,4

+ 20,8

+ 9,2 %

4,6

126 - Conseil économique, social et environnemental

AE

44,7

44,6

45,1

+ 0,1

+ 1,2 %

1,7

CP

44,7

44,6

45,1

+ 0,1

+ 1,2 %

1,7

340 - Haut Conseil des finances publiques

AE

0,5

1,3

0

- 1,3

- 1,3

- 100 %

0

CP

0,5

1,3

0

- 100 %

0

Total mission

AE

717,3

713,4

904,5

+ 191,1

+ 26,8 %

6,5

CP

713,6

753,7

817,6

+ 64

+ 8,5 %

6,5

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi, les moyens alloués à la mission sont en nette progression, tant du point de vue des autorisations d'engagement (+ 26,8 %) que des crédits de paiement (+ 8,5 %) . En deux ans, les crédits de la mission auront augmenté de presque 13 %.

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les différents programmes ne contribuent pas à cette hausse de manière identique . Les crédits du programme 126 sont relativement stables (+ 1,25 % en AE et en CP), alors que l'évolution des crédits est bien plus dynamique pour les juridictions administratives et financières, pour lesquelles les dépenses de personnel représentent respectivement 77,5 % et 88,6 % de leur budget.

Évolution des dépenses

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de fonctionnement connaîtraient une très forte hausse en AE (+ 117 %), qui se concentre sur le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ». La hausse des CP est quant à elle plus modérée (+ 13 %). L'accroissement des charges locatives pèse lourdement sur le budget des juridictions administratives. Alors que les coûts prévisionnels d'occupation s'élevaient à 2,7 millions d'euros en AE et 23,2 millions d'euros en CP en 2022, ils sont désormais en 2023 de 84 millions d'euros en AE et 26,4 millions d'euros en CP. Les frais de consommations énergétiques sont aussi en hausse, avec 12,8 millions d'euros en AE et 3,4 millions d'euros en CP, contre 2 millions d'euros en AE et en CP en 2022. Les frais de justice sont quant à eux en hausse de 2 millions d'euros par rapport à 2022.

On assiste en 2023 de nouveau à un fort rattrapage des dépenses d'investissement . Elles augmenteraient de 392,5 % en AE et de 10,4 % en CP. Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » tire à la hausse les dépenses d'investissement tandis qu'une baisse de 60 % des dépenses d'investissement en AE comme en CP est observable pour le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Cette baisse s'explique par la part moins importante de dépenses pour lesquelles une immobilisation comptable est requise. Il s'agit notamment des logiciels produits en interne, ce qui concerne plus spécifiquement le renouvellement du logiciel utilisé pour la programmation des contrôles des juridictions financières dont les dépenses prévisionnelles immobilisables étaient plus importantes sur l'année 2022 qu'elles ne le seront en 2023.

SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES » : UNE HAUSSE MARQUÉE DES CRÉDITS DANS UN CONTEXTE D'AUGMENTATION DE MOYEN TERME DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

Les crédits demandés pour les juridictions administratives pour 2023 s'élèvent à 611,89 millions d'euros en AE et à 525,02 millions d'euros en CP , soit une augmentation de 38,5 % des AE et de 9,1 % des CP par rapport à 2022. Cette augmentation est tirée par les dépenses de personnel, à raison notamment de 41 créations d'emplois dans le projet de loi de finances pour 2023, mais aussi de la revalorisation de la rémunération des membres des juridictions administratives et du point d'indice de la fonction publique.

L'enjeu majeur du programme 165 consiste en l'adéquation des crédits demandés avec la croissance continue du contentieux administratif, soumis à de nombreux facteurs exogènes aux juridictions, afin de rendre des décisions juridictionnelles dans des délais satisfaisants pour les justiciables sans jamais nuire à la qualité des décisions rendues.

Le programme 165 concentre 64,2 % des crédits de la mission et est le plus important en volume.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

30,4

31,8

+ 1,4

+ 4,6 %

0,02

CP

30,4

31,8

+ 1,4

+ 4,6 %

0,02

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

57,8

59,6

+ 1,8

+ 3,1 %

0,0

CP

57,8

59,6

+ 1,8

+ 3,1 %

0,0

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

175,3

189,6

+ 14,3

+ 8,2 %

0,0

CP

175,3

189,6

+ 14,3

+ 8,2 %

0,0

04 - Fonction consultative

AE

16,8

16,8

+ 0

+ 0 %

0,0

CP

16,8

16,8

+ 0

+ 0 %

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

8,9

12,7

+ 3,8

+ 42,5 %

0,0

CP

8,9

12,7

+ 3,8

+ 42,5 %

0,0

06 - Soutien

AE

106,7

253,3

+ 146,6

+ 137,4 %

0,2

CP

146,0

166,5

+ 20,5

+ 14 %

0,2

07 - Cour nationale du droit d'asile

AE

46,1

48

+ 0,9

+ 4,1 %

0,0

CP

46,1

48

+ 0,9

+ 4,1 %

0,0

Total programme 165

AE

469,4

611,9

+ 170

+ 38,5 %

0,2

CP

451,7

525,0

+ 43,5

+ 9,1 %

0,2

Dont hors CAS Pensions

377

406,6

+ 29,6

+ 7,9 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE PROGRESSION DURABLE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Les dépenses de personnel pèsent fortement dans les crédits du programme 165, à l'instar de tous les autres programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». La hausse de ces dépenses est constante sur les dernières années, et s'accentue pour l'année 2023.

Le rapporteur spécial salue les créations d'emplois pour faire face au dynamisme contentieux auquel sont exposées les juridictions administratives. Toutefois, ces créations doivent s'accompagner d'une meilleure gestion prévisionnelle de ceux-ci afin que les départs en mobilité, favorisés dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, ne déstabilisent les juridictions en cours d'année.

1. Un poids conforté et accru des dépenses de personnel au sein du budget du programme 165

Dans le projet de finances pour l'année 2023, les crédits demandés pour les dépenses de personnel s'élèvent à 406,7 millions d'euros dont 105 millions d'euros au titre du compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions . Ces dépenses de titre 2 représentent 77,5 % des crédits du programme et sont en augmentation de 7,6 % par rapport à 2022. Hors CAS Pensions, cette progression représente 9,2 % .

Ventilation par titre des crédits de paiement

(en millions d'euros)

LFI 2021

LFI 2022

PLF

2023

Hors titre 2

84,4

103,2

118,3

Dont dépenses de fonctionnement

71

71,3

81,9

Dont dépenses d'investissement

13,4

31,9

36,4

Titre 2

367,3

377,9

406,7

Total

451,7

481,1

525

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, le schéma d'emplois a de nouveau été relevé pour l'année 2023 de + 41 ETP. Pour l'année 2022, le programme 165 avait déjà bénéficié de 41 créations d'emplois (24 magistrats, 15 agents de greffes et 2 membres du Conseil d'État). Sur les 24 postes de magistrats ouverts, 3 ont permis de renforcer la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) et 6 ont été destinés à la création de 6 emplois de vice-présidents dans les tribunaux administratifs (TA) de trois chambres (TA de Caen, de Châlons-en-Champagne, de Dijon, de Nancy, de Pau et de Poitiers).

Ces créations d'emplois ont vocation à être ciblées sur le renforcement des moyens humains des tribunaux administratifs, et non sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui avait attrait les créations de postes du précédent quinquennat. À ce titre, pour l'année 2023, le nombre de places au concours de recrutement direct des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'est accru par rapport aux dernières années, avec 27 postes au concours externe et 21 au concours interne, contre respectivement 22 et 16 places pour l'année 2022.

Ainsi, pour 2023, le plafond d'emplois est fixé à 4 330 ETPT en tenant compte de l'impact du schéma d'emplois pour 2023 ( + 31 ETPT pour 41 créations d'emplois ) et de l'extension en année pleine du schéma d'emplois prévu en loi de finances initiale pour 2022 ( + 13 ETPT ).

Les 41 créations d'emplois devraient être ventilées comme suit : 1 membre du Conseil d'État, 25 magistrats dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, ainsi que 15 agents de greffe . La répartition des créations d'emplois par juridiction sera arrêtée lors des conférences de gestion qui se tiendront à l'automne 2022 avec les chefs de juridiction.

Emplois ouverts en 2022

Créations

d'emplois LFI 2022

Créations 2022 + reports

Dont CAA de Toulouse

Dont CE

Dont TACAA

Dont CNDA

41

72

6

5

58

0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le Conseil d'État a indiqué que ces créations d'emplois ont vocation à s'inscrire dans la durée dès lors que 41 créations d'emplois sont prévues pour l'année 2024 , et 40 chaque année jusqu'en 2027 .

Si l'on considère le plafond d'emplois pour 2023, son relèvement de 31 ETPT ne représente qu'à peine 1 % de ce dernier, tandis que depuis plusieurs décennies, le rythme moyen de croissance du contentieux s'élève au moins à 3 % par an .

Évolution des emplois consommés depuis 2016

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial considère donc que ce schéma d'emplois, positif depuis 2015, devrait permettre de répondre au dynamisme du contentieux administratif, qui ne se tarit pas.

2. Des dépenses de personnel tirées à la hausse par la revalorisation de la rémunération des magistrats administratifs

Comme tous les fonctionnaires, les membres titulaires des juridictions administratives ont bénéficié de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique à partir de juillet 2022. D'après les réponses au questionnaire budgétaire, l'extension en année pleine de cette revalorisation du point d'indice représente 10,9 millions d'euros .

L'évolution tendancielle des dépenses de personnel s'explique également par des mesures catégorielles , et notamment la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs rendue nécessaire par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État . En effet, le corps des administrateurs de l'État, créé par le décret n° 2021-1550 du 1 er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'État, a été doté d'un échelonnement indiciaire résultant d'une refonte partielle de la grille indiciaire des administrateurs civils, en vertu du décret n° 2021-1648 du 13 décembre 2021, entré en vigueur le 1 er janvier 2022. Il en a résulté un écart encore creusé entre les conditions de rémunération des administrateurs de l'État et celles applicables aux magistrats administratifs.

Par ailleurs, l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État a imposé aux magistrats administratifs une double mobilité subordonnant leur avancement, une mobilité au grade de conseiller pour passer au grade de premier conseiller et une autre pour être promu au grade de président. Ainsi, la rémunération des magistrats administratifs se doit d'être attractive, au risque que les magistrats partis en mobilité ne reviennent pas dans leur corps d'origine à raison d'un décrochage financier trop important.

Le 16 décembre 2021, à l'occasion de l'inauguration de la Cour administrative de Toulouse, le Premier ministre, Jean Castex, s'était engagé à partir de 2022 à « une revalorisation des régimes indemnitaires des magistrats administratifs, mais aussi des grilles indiciaires pour les débuts de carrière ».

Pour l'heure, la revalorisation indemnitaire a été préférée à la revalorisation indiciaire de tous les magistrats. L'arrêté du 22 avril 2022 procède à une revalorisation du traitement indemnitaire des magistrats administratifs, auparavant fixé par l'arrêté du 29 décembre 2009, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1 er janvier 2022 .

L'arrêté du 22 avril 2022 prévoit ainsi une revalorisation de la rémunération indemnitaire des magistrats du premier grade, de l'ordre de 40 %, et de l'ordre de 20 % pour ceux du deuxième grade, correspondant à l'application des revalorisations moyennes décidées pour les administrateurs de l'État soit, respectivement, une augmentation de 8 433 euros annuels pour le premier grade, et de 6 197 euros pour le deuxième.

Pour le grade de président, il est prévu une mesure forfaitaire permettant une revalorisation de l'ordre de 20 %, afin de préserver une cohérence au regard de la revalorisation retenue pour le deuxième grade, correspondant à une somme de 6 197 euros pour les magistrats concernés.

8,3 millions d'euros 1 ( * ) ont été ouverts en AE et en CP dans la loi n° 2022-1157 de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 pour financer cette mesure, dont la première mise en paie a été opérée sur le mois de juillet 2022 avec un rappel au titre de la période de janvier à juin 2022.

La rémunération des magistrats administratifs

La rémunération des magistrats est composée d'un traitement indiciaire 2 ( * ) , et d'un traitement indemnitaire , ou indemnité de fonction.

Le décret n° 2007-1762 du 14 décembre 2007 relatif au régime de l'indemnité de fonction des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel précise le régime de l'indemnité de fonction versée aux magistrats administratifs, qui comprend deux parts :

- une part tenant compte des responsabilités, du niveau d'expérience et des sujétions afférentes aux fonctions exercées, dite part fonctionnelle ;

- une part tenant compte des résultats obtenus et de la manière de servir, dite part individuelle .

La part fonctionnelle est versée chaque mois tandis que la part individuelle variable est attribuée en fin d'année.

La revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs par l'arrêté du 22 avril 2022 n'a pas remis en cause la répartition entre part fixe et part variable : pour chaque grade et chaque échelon la part individuelle représente environ 25 % de la rémunération indemnitaire et la part fixe 75 %.

La rémunération des magistrats est d'ailleurs protégée au niveau européen comme élément indissociable de leur indépendance. Ainsi, dans sa recommandation CM/Rec(2010)12 du 17 novembre 2010, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a énoncé que les magistrats devaient bénéficier d'un niveau de rémunération suffisant pour les mettre à l'abri de toute pression. De même, il met en garde contre les systèmes de rémunération essentiellement basés sur la performance, peu protecteurs de l'indépendance des juges.

Les magistrats affectés en outre-mer bénéficient des mêmes majorations de traitement que l'ensemble de la fonction publique de l'État, souvent dénommée « surrémunération ». Celle-ci s'applique au traitement indiciaire, à l'indemnité de résidence et au supplément familial de traitement. Elle ne s'applique pas à l'indemnité de fonction dont les montants sont les mêmes qu'en métropole.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit aussi d'autres mesures catégorielles pour un montant total de 0,6 million d'euros :

- la revalorisation du premier grade de la grille des magistrats a été réalisée à hauteur de 0,3 million d'euros en 2022 et se poursuivra à hauteur de 0,08 million d'euros par an à compter de 2023 ;

- la fin du contingentement des premiers conseillers de l'accès à l'indice HE B Bis (PC 8) a été réalisée pour 0,02 million d'euros en 2022 et le sera de 0,04 million d'euros pour 2023 , et 0,1 million sont prévus jusqu'en 2027 ;

- la revalorisation de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) pour les agents et les attachés du Conseil d'État et de la CNDA pour 0,47 million d'euros.

3. Une sous-consommation des emplois accordés qui se résorbe

Le rapporteur spécial avait regretté la sous-consommation du plafond d'emplois accordé au programme 165 durant la crise sanitaire, et qui est structurelle à l'échelle des dernières années. En effet, dès lors que le schéma d'emplois est en augmentation continue depuis huit ans, la consommation pleine et entière des crédits est nécessaire à la légitimité de cette hausse.

Pour l'année 2021, le rapporteur spécial a de nouveau regretté une sous-consommation du plafond d'emplois à l'occasion de la loi de règlement. Cet écart a été justifié par le décalage de l'ouverture de la Cour administrative d'appel (CAA) de Toulouse début 2022 pour laquelle seule l'équipe de préfiguration a été recrutée en 2021 et à un nombre de départs en mobilité de magistrats administratifs plus important que prévu.

Pour l'année 2022 , les prévisions dessinent une consommation quasi-complète du plafond d'emplois, avec un taux de consommation des crédits de 99 % .

Taux de consommation des emplois

2018

2019

2020

2021

Prévisions

2022

Conseil d'État

653

642

680

650

650

CAA

648

670

657

656

670

TA

2 151

2 173

2 131

2 197

2 227

CNDA

476

584

634

680

683

CCSP

6

9

12

12

14

Total

3 934

4 079

4 114

4 194

4 245

Plafond d'emplois autorisé

3 956

4 125

4 224

4 253

4 286

Taux de consommation

99,4 %

98,9 %

97,4 %

98,6 %

99%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial sera donc particulièrement attentif à ce que les crédits soient consommés intégralement , eu égard au contexte de créations d'emplois prévues jusqu'en 2027.

4. Une amélioration requise de la gestion prévisionnelle des effectifs par le Conseil d'État dans un contexte de mobilité accrue suite à la réforme de la haute fonction publique

La loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif a transféré la gestion des corps des membres des tribunaux administratifs du ministère de l'intérieur vers le Conseil d'État. L' article R. 222-11 du code de justice administrative dispose que « Le vice-président du Conseil d'État ordonnance les dépenses des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ». L' article R. 121-9 du même code énonce que « Sous l'autorité du vice-président, le secrétaire général dirige les services du Conseil d'État et prend les mesures nécessaires à la préparation de ses travaux, à leur organisation et à la gestion du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ».

Eu égard à son rôle dans la gestion du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'instaurer une meilleure gestion prévisionnelle des effectifs centralisée par le Conseil d'État .

En effet, il a rappelé que la sous-consommation du plafond d'emplois autorisé en 2021 s'est notamment expliquée par un nombre de départs en mobilité de magistrats administratifs plus important que prévu. Le même phénomène peut être constaté pour les départs à la retraite, avec 101 départs en 2021 pour 31 départs anticipés.

Avec la double mobilité obligatoire des magistrats administratifs induite par la réforme de la haute fonction publique, cette situation d'incertitude quant aux effectifs réels de la juridiction administrative a vocation à s'accroître, au risque de désorganiser les juridictions lorsque les départs s'opèrent en milieu d'année, en particulier pour les plus petites juridictions.

Afin de compenser le nombre important de départs en mobilité, le Conseil d'État a dû organiser en 2022 une seconde vague de recrutement de magistrats administratifs en détachement pour une prise de poste au 1 er septembre 2022, en plus des recrutements avec prise de poste traditionnellement au 1 er janvier de l'année. Les 28 nouveaux magistrats bénéficieront d'une formation accélérée de 4 mois au lieu de 6, sur la période du 5 septembre 2022 au 31 décembre 2022, avec un dispositif de mentorat au sein des juridictions.

Enfin, les aides à la décision, recrutées en appui des magistrats, peuvent être aussi une variable d'ajustement, bien qu'elles n'aient pas vocation à les remplacer.

Le rapporteur spécial invite donc le Conseil d'État à se saisir pleinement de son rôle de gestionnaire des juridictions administratives. Si les prévisions peuvent s'avérer plus délicates pour les départs en mobilité, notamment au regard des négociations avec les administrations d'accueil des magistrats, les marges de progression de la prévisibilité des départs à la retraite sont quant à elles considérables.

Les aides à la décision au sein des juridictions administratives

L'aide à la décision a pour objectif d'accroître la qualité et l'efficacité de l'activité juridictionnelle en mettant à la disposition des juridictions une gamme plus large de moyens humains.

Le rapport du groupe de travail sur l'aide à la décision , présidé par le président de la mission d'inspection de la juridiction administrative et remis au vice-président du Conseil d'État en juillet 2020 , a montré que les différents types d'aide à la décision répondaient à des besoins différents et se complétaient.

Des conférences de gestion avec chaque président de tribunal administratif et de cour administrative d'appel sont organisées tous les ans afin d'examiner la structure de l'aide à la décision dans chaque juridiction pour l'adapter aux besoins.

Il existe quatre catégories d'aide à la décision :

- les assistants du contentieux qui sont des personnels titulaires issus du concours des instituts régionaux d'administration (IRA) ;

- les assistants de justice , recrutés sur des contrats courts et généralement à temps partiel, ont vocation à décharger les magistrats sur les contentieux de masse (droit des étrangers, droit au logement opposable) et à rédiger des ordonnances ;

- les juristes assistants , créés par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont recrutés par contrat de trois ans renouvelable une fois, à temps complet ou partiel, pour aider les magistrats sur des dossiers plus complexes ou pour écouler les dossiers anciens du stock.

La loi de finances pour 2020 a autorisé le recrutement de 21 juristes assistants par transformation de postes de vacataires ou d'assistants de justice. Au 31 décembre 2021, 16 postes ont été créés au sein des juridictions administratives. 4 juristes assistants exercent leurs fonctions dans les cours administratives d'appel et 12 dans les tribunaux administratifs.

- les vacataires .

Les assistants de justice sont rémunérés au niveau du salaire minimum de croissance (SMIC) tandis que les juristes assistants perçoivent une rémunération comprise entre 25 000 et 38 000 bruts annuels compte tenu de l'expérience et pour un contrat à temps plein. Cette rémunération peut être réexaminée une première fois après un an, puis une seconde fois au bout de trois ans de contrat.

En 2021, le coût mensuel moyen d'un assistant de justice à temps partiel et d'un juriste assistant à temps complet, était le suivant :

Coût mensuel moyen des assistants de justice et juristes assistants

(en euros)

Assistant de justice

Juriste assistant

Rémunération

1 085

2 270

Indemnités

1

29

Cotisations patronales

390

838

Coût moyen

1 476

3 137

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

B. DES CRÉDITS HORS TITRE 2 TOUJOURS DYNAMIQUES

Les crédits demandés pour couvrir les dépenses hors titre 2 s'élèvent à 118,3 millions d'euros en CP et 205,2 millions en AE , soit une hausse de 14,6 % des CP et de 225 % des AE.

L'action 06 Soutien comprend des dépenses de personnel du programme non affectées à d'autres actions et les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'ensemble du programme 165. Ainsi, tous les crédits de titre 3 et de titre 5 sont concentrés sur l'action 06 Soutien .

1. Des dépenses d'investissement pour couvrir la poursuite de projets immobiliers d'ampleur

Les dépenses de titre 5 augmentent de 43,4 millions d'euros en AE et de 4,5 millions d'euros en CP par rapport à 2022.

Ces dépenses sont imputables à la poursuite des projets immobiliers d'ampleur tels que le relogement de la CNDA et du TA de Montreuil , avec une revalorisation de 5 millions d'euros pour 2023. Le coût total de cette opération, estimé à 120 millions d'euros, sera finalement de l'ordre de 130 millions d'euros du fait de la hausse des prix de la construction. Les crédits demandés en 2023 visent également à financer des investissements informatiques pour 4,5 millions d'euros en AE et 6 millions d'euros en CP, qui comprennent le renouvellement des licences informatiques et, surtout, la refonte du système d'information contentieux pour 3,9 millions d'euros en CP.

De nouveaux projets tirent les AE à la hausse avec notamment, la réhabilitation et la restructuration du TA de Nîmes pour 2,9 millions d'euros, le lancement de diverses opérations de relogement pour 1,3 million d'euros (services du secrétariat général du Conseil d'État, TA de Guyane, CAA de Versailles) et la revalorisation d'opérations de travaux (lancement de phase 4 de la restructuration TA de Paris et travaux au TA de Dijon).

2. Des dépenses de fonctionnement accrues sous l'effet de l'inflation des frais de justice et de location

Les dépenses de titre 3 incluent les dépenses de frais de justice d'une part, et les autres dépenses de fonctionnement d'autre part. Les frais de justice se composent des frais postaux, des dépenses d'interprétariat et des dépenses de consommable. Les dépenses de fonctionnement augmentent de 97,9 millions d'euros en AE et de 10,6 millions d'euros en CP .

Cette augmentation des dépenses de fonctionnement en 2023 tient, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, pour 5,6 millions d'euro s à l'inflation et à l'augmentation des loyers , pour 2 millions d'euros à la hausse des frais de justice liée à l'accroissement de l'activité juridictionnelle et pour 1,4 million d'euros au financement des surcoûts prévisionnels de l'énergie .

Plus particulièrement, l'augmentation de 177 % des AE s'explique principalement par la budgétisation de renouvellements de baux (immeuble Richelieu des services du Conseil d'État, immeuble Arborial de la CNDA dans l'attente du relogement et TA de Toulouse). Le coût prévisionnel des charges locatives passe de 2,7 millions en AE en 2022 à 84 millions d'euros en AE en 2023.

Évolution des frais de justice depuis 2017

(en millions d'euros et en pourcentage)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

PLF 2023

Dotation en LFI en millions

9,7

10,1

12,7

15,3

16,3

17,3

19,3

Évolution par rapport à l'année n - 1

18,1 %

4,5 %

25,7 %

20 %

6,2 %

6,1 %

11,6 %

Pour l'année 2023, la hausse des frais de justice, et plus particulièrement des frais d'interprétariat , se concentre sur la CNDA . Ces frais passent de 10,4 millions d'euros en 2022 à 13,4 millions d'euros pour 2023, soit une hausse de l'ordre de 30 %.

C. DES MOYENS DIMENSIONNÉS À LA HAUSSE DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF DANS L'OBJECTIF D'UNE MAÎTRISE EFFICIENTE DES DÉLAIS DE JUGEMENT

Les juridictions administratives font face à une progression constante des recours contentieux, l'année 2020 faisant figure d'exception à raison de la crise sanitaire, de sorte que le fonctionnement des juridictions administratives est aujourd'hui à flux tendu. Par suite, la hausse des moyens des juridictions administratives a pour objet d'absorber le traitement du flux de requêtes sans dégrader les délais de jugement.

1. Une reprise des entrées désormais supérieures au niveau observé avant la crise sanitaire
a) Une forte progression des entrées qui s'inscrit dans la durée

Les juridictions administratives ont connu une hausse des recours portés devant elles mais aussi une diversification des contentieux . De 2000 à 2019, les entrées contentieuses en données nettes ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel. Sur la période 2017-2021 , l' évolution moyenne annuelle du contentieux est de 5,2 % pour les tribunaux administratifs , et de 7 % en excluant l'année 2020, caractérisée par un recul des entrées.

En 2021, la baisse conjoncturelle des entrées liée à la crise sanitaire s'est progressivement résorbée . De 2020 à 2021, le nombre d'affaires enregistrées en cumulé devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel est en augmentation de 14,5 %, passant de 240 486 à 275 396 affaires.

Le niveau des entrées a même dépassé de 4 % celui de l'année 2019 dans les tribunaux administratifs et a été proche de celui de 2019 dans les cours administratives d'appel, soit une hausse de + 3,2 % en moyenne devant les tribunaux et les cours en 2021 par rapport à 2019 .

Évolution des recours devant les tribunaux administratifs
et les cours administratives d'appel entre 2019 et 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le dynamisme des recours contentieux s'observe de nouveau en 2022. Au cours des huit premiers mois de l'année, les tribunaux administratifs ont été confrontés de nouveau à une hausse de 1,1 % de leurs entrées par rapport à 2021.

Pour le Conseil d'État, le nombre de dossiers enregistrés par la section du contentieux est passé, en données nettes, de 10 034 en 2020 à 11 313 en 2021, soit une hausse de 10,7 % par rapport à 2019.

La hausse des entrées concerne quasiment tous les contentieux . Sur les huit premiers mois de l'année 2022, le contentieux des étrangers enregistre une hausse de 2,2 % et représente dès lors 43,9 % du nombre total des entrées. Le contentieux fiscal poursuit quant à lui sa baisse : il ne représente que 5,1 % du total des entrées en 2022 contre 5,7 % à la même période en 2021.

Des différences existent toutefois sur la répartition en volume du nombre d'affaires enregistrées devant les juridictions, avec une prépondérance du contentieux des étrangers pour toutes les juridictions administratives. En 2021, 41,6 % des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs relevaient du contentieux des étrangers, devant le contentieux des aides sociales (10,2 %) ou encore le contentieux fiscal (7,8 %). Devant les cours administratives d'appel, le contentieux des étrangers représente 54,4 % des affaires enregistrées en 2021, devant le contentieux fiscal (9,2 %) et le contentieux de la fonction publique (8,7 %).

Nombre de requêtes enregistrées devant les tribunaux administratifs
selon les matières

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) Les sources d'augmentation exponentielle du contentieux administratif exogènes aux juridictions

Bien que les juridictions aient vu leurs moyens adaptés pour faire face au dynamisme du contentieux administratif, certains phénomènes sont susceptibles de déstabiliser à nouveau les juridictions administratives.

Les choix du législateur et de l'administration ont en effet une incidence directe sur les entrées contentieuses dès lors que le juge administratif est le principal juge de l'administration. À titre d'exemple, la contestation de l'obligation vaccinale imposée aux personnels de santé est à l'origine de plus de 3 000 requêtes devant les tribunaux administratifs. Dans un autre registre, l'entrée en vigueur en 2023 de l'ETIAS (European Travel Information and Authorization System ), système électronique permettant de suivre les visiteurs des pays qui n'ont pas besoin de visa pour entrer dans la zone Schengen, est potentiellement source de contentieux.

Plus particulièrement, le contentieux des étrangers est un vivier à contentieux 3 ( * ) , notamment au regard de la multiplicité des décisions attaquables. La création , annoncée par le ministère de l'intérieur, de nouveaux centres de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière devrait provoquer un accroissement du contentieux et en particulier des référés urgents dont le traitement est particulièrement contraignant pour l'organisation des tribunaux administratifs.

Le rapporteur spécial formule de ses voeux que les propositions issues du « rapport Stahl » 4 ( * ) de simplification du contentieux des étrangers soient intégrées à la prochaine réforme législative à venir à la rentrée 2023, avec notamment d'une part la réduction de 12 à 3 mois des procédures de recours devant le juge selon le degré réel d'urgence, et d'autre part l'obligation pour l'administration de se prononcer, dès la première demande de titre de séjour, sur l'ensemble des possibilités d'obtention du titre.

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2014

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. Une amélioration des délais moyens de jugement en 2021

Le délai moyen constaté de jugement des affaires constitue le principal indicateur de performance du programme.

Au préalable, il convient de relever les limites à ce délai moyen. D'une part, la forte hausse des référés fait mécaniquement baisser le délai moyen . Ainsi en 2021, les délais de jugement pour les affaires ordinaires, en excluant les ordonnances, les référés, les obligations de quitter le territoire français (OQTF) et le contentieux électoral, sont de 1 an 4 mois et 11 jours au niveau national. Devant le Conseil d'État, le délai est de 1 an et 11 jours. De plus, il existe des disparités territoriales entre juridictions . Pour l'année 2021, le délai moyen constaté de jugement pour les affaires ordinaires devant le tribunal administratif de Nice est de 1 an 9 mois et 11 jours quand il est seulement de 1 an et 21 jours devant le tribunal administratif de Montreuil.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction
y compris procédures d'urgence

2019

2020

2021

2022

(cible PAP 2022)

2023
(cible)

Tribunaux administratifs

9 mois et 4 jours

10 mois

9 mois et 16 jours

10 mois et 15 jours

10 mois

Cours administratives d'appel

10 mois et 26 jours

1 an et 3 jours

11 mois et 15 jours

11 mois

11 mois

Conseil d'État

7 mois et 20 jours

7 mois et 29 jours

7 mois et 8 jours

9 mois

9 mois

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Force est de constater que devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel , les délais moyens de jugement , qui s'étaient dégradés en 2020, retrouvent progressivement leur niveau de 2019 . Ainsi, devant les tribunaux administratifs, le délai moyen est de 9 mois et 16 jours en 2021, soit inférieur de 14 jours par rapport à la réalisation 2020 et de 29 jours par rapport à la cible 2022. De même, au Conseil d'État, le délai moyen est de 7 mois et 8 jours, soit inférieur de 21 jours par rapport à la réalisation de 2020 et de 1 mois et 22 jours par rapport à la cible 2022. Par ailleurs, la trajectoire de réduction des délais à travers les objectifs cibles du projet annuel de performance jusqu'en 2025 semble réaliste.

Les prévisions sont plus délicates pour la CNDA , et sont intrinsèquement liées aux capacités de traitement des demandes par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), alors même que les délais moyens prévus par le projet annuel de performance sont plus ambitieux. Le délai de jugement pour les procédures ordinaires, qui s'établit à 6 mois et 28 jours au 1 er semestre 2022, est inférieur de 2 jours par rapport à l'objectif cible et devrait rester stable jusqu'à la fin de l'année. L'objectif de réduction des délais de plus de 2 mois, pour s'établir à 5 mois à horizon 2025, semble assez improbable. Il serait sans doute utile de transformer cet indicateur pour la CNDA pour lui donner une plus grande crédibilité.

Le rapporteur spécial salue toutefois ces objectifs et insiste sur l'importance que représente le coût de la réduction des délais de jugement. Un gain d'un mois de délai moyen de jugement se traduit par une baisse des dépenses de 14 millions euros, sans compter le coût humain et social que peuvent représenter des procédures trop longues.

3. Une aggravation préoccupante du stock en première instance

La progression du niveau du stock des tribunaux administratifs est alarmante. Après une hausse de plus de 8 % des stocks dans les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs entre 2017 et 2019, le stock des affaires enregistrées dans les tribunaux administratifs a augmenté de plus de 5 % en 2020 , et de nouveau de 4,6 % en 2021 , passant d'un stock de 182 703 à 191 053 affaires.

Par ailleurs, au sein du stock global, la proportion d'affaires en stock depuis plus de deux ans a nettement augmenté , avec 10 % du stock global en 2021 contre 8,9 % en 2020. La crise sanitaire, de même que l'obligation de juger les contentieux urgents des élections en 2020 et 2021 expliquent la hausse du stock ancien. La part des dossiers de plus de deux ans au sein du stock global devrait être ramenée à 9 % en 2023 et n'entamer de baisse durable qu'à partir de 2024.

La situation est plus contrastée pour les cours administratives d'appel . En effet, si elles connaissent une maîtrise faciale de leurs stocks (baisse de 1,4 % de 2019 à 2020 et hausse limitée à 0,2 % de 2020 à 2021), le poids du stock ancien est grandissant . Alors que la proportion d'affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans était de 3,6 % en 2020, elle est de 5,2 % en 2021.

4. Des outils de maîtrise des entrées et des délais de traitement des requêtes à perfectionner

Plusieurs outils se développent pour juguler les entrées et maîtriser les délais d'instruction et de jugement, avec des résultats inégaux. Bien utilisés, ces outils sont source d'économies non négligeables pour le programme 165.

Tout d'abord, le développement des téléprocédures a permis de fluidifier les échanges des mémoires entre les parties, de telle sorte à améliorer l'efficience de l'instruction et par suite le délai de traitement des affaires enregistrées. L'application « Télérecours » est obligatoire pour les administrations et les avocats depuis le 1 er janvier 2017. Son utilisation a été étendue aux citoyens par le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 relatif à l'utilisation d'un téléservice devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs et portant autres dispositions, mais demeure facultative. Depuis 2014 , le déploiement de Télérecours a permis de générer 4,95 millions d'économies sur la période, jusqu'en 2022. Pour la seule année 2022, les économies attendues sont de l'ordre de 350 000 euros.

Ensuite, la numérisation permet aujourd'hui de repenser le rôle des greffes au sein des juridictions administratives. Avec la dématérialisation des procédures, le rapport du groupe de travail relatif à l'avenir des métiers du greffe dans les juridictions administratives de 2022 a relevé une potentielle montée en puissance des greffes vers des fonctions d'aides à la décision. L'indicateur du nombre d'affaires réglées par un agent de greffe a d'ailleurs particulièrement augmenté en 2021, en passant de 200 à 231 dossiers dans les tribunaux administratifs, soit un niveau supérieur à l'objectif cible 2022.

Pour 2023, les 15 créations d'emplois d'agents de greffe seront réparties comme suit : 4 agents de catégorie A, 6 agents de catégorie B et 5 agents de catégorie C.

Le rapporteur spécial soutient particulièrement ce mouvement de repyramidage des agents de greffe accompagnant leur montée en compétences . Les agents de greffe pourraient être davantage mobilisés pour traiter des séries contentieuses, et plus largement des ordonnances. Toutefois, il tient à préciser que l'exercice de fonctions juridictionnelles par les agents de greffe devra s'accompagner de formations adéquates .

Enfin, le développement de la médiation , si elle n'a pas une incidence directe sur la réduction des délais de jugement, peut limiter les entrées contentieuses et a vocation à oeuvrer au désencombrement des juridictions.

Le développement imparfait de la médiation
dans les juridictions administratives

Le Conseil d'État a adopté une démarche volontariste de promotion de la médiation, avec la fixation d'objectifs chiffrés. En effet, 1 % des requêtes doit faire l'objet d'une médiation en première instance.

Il existe deux sortes de médiation : l'une comme préalable obligatoire à la saisine du juge, et l'autre volontaire dans le cadre d'un litige déjà engagé devant le juge.

La médiation préalable obligatoire (MPO) concerne certains types de contentieux. L'article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle a prévu une expérimentation sur quatre ans de la médiation comme condition de recevabilité des recours exercés par certains agents publics à l'encontre de décisions individuelles défavorables relatives à leur situation personnelle, mais aussi des recours relatifs à des prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale. Le Conseil d'État relève que durant la phase d'expérimentation un accord a été trouvé pour 76 % des 4 364 médiations préalables menées 5 ( * ) .

Le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux a pérennisé la MPO pour les décisions individuelles défavorables à l'ensemble des agents du ministère de l'Éducation nationale et à tous les agents de la fonction publique territoriale en lien avec les 97 centres de gestion de la fonction publique. Elle s'applique également l'ensemble des décisions individuelles prises par Pôle Emploi. En revanche, elle est abandonnée pour les contentieux sociaux (RSA, APL...) et ceux liés aux fonctionnaires du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Lorsque le juge est saisi du litige, une médiation est toujours possible, soit à l' initiative du juge , soit à l' initiative des parties . Le juge administratif organise dès lors la médiation qui est confiée à un des membres de la juridiction ou bien à un tiers.

En 2021, dans les tribunaux administratifs , 2 104 médiations à l'initiative du juge ont été enregistrées, soit une hausse de près de 60 % par rapport à 2020. Le taux d'accord en fin de médiation a été de 53,5 % , contre 41,9 % en 2020. Sur les six premiers mois de l'année 2022, 1 049 médiations à l'initiative du juge ont été engagées, et 808 ont été menées à leur terme, avec un taux d'accord cependant plus faible à ce stade à ce stade ( 43,1 % ). En ce qui concerne les médiations à l'initiative des parties , 92 médiations ont été engagées en 2021, pour un taux d'accord de 44 %.

Le volume est moins important devant les cours administratives d'appel . En 2021, 101 médiations à l'initiative du juge ont été enregistrées et 57 ont été menées à leur terme. La progression est considérable par rapport à 2020 dès lors que 54 médiations avaient été engagées en 2020 et 10 avaient été menées à leur terme.

Médiations à l'initiative du juge devant les TA et les CAA

Toutefois, le développement de la médiation se heurte à plusieurs limites .

En premier lieu, la culture de la médiation n'est pas diffusée. Les principaux interlocuteurs dans l'administration sont les services contentieux, qui ne sont pas encore pleinement acculturés à la procédure de médiation.

En second lieu, il ressort des auditions menées par le rapporteur spécial que les juridictions administratives ne sont pour l'heure pas adaptées à une croissance optimale de la médiation , faute de structure dédiée à temps plein. Il existe par exemple au sein du tribunal administratif de Versailles un pôle médiation, composé de quatre magistrats, qui appartiennent au pôle, en plus de leurs tâches juridictionnelles. Pourtant, la recherche d'affaires éligibles à la médiation est chronophage pour les magistrats administratifs.

Eu égard au potentiel de limitation des recours contentieux dont la médiation est porteuse, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'une part, d'adapter l'organisation des juridictions en déployant de véritables pôles médiation, et, d'autre part, de prévoir une décharge d'activité pour les magistrats qui en seraient membres .

D. LE BUDGET CONTENU DE LA CNDA AU DÉFI DE LA MAÎTRISE DES DÉLAIS ET DES STOCKS FACE LA REPRISE D'UNE ACTIVITÉ CONTENTIEUSE SOUTENUE

1. Une légère hausse du budget de la CNDA dans un contexte d'emballement du contentieux de l'asile
a) Une juridiction confrontée à une nouvelle hausse historique de ses entrées

La CNDA ne dispose d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle , celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux et d'autre part du rythme d'activité et du taux d'admission de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort et pour lequel le taux de recours est élevé. 83 % des décisions de l'OFPRA ont fait l'objet d'un recours en 2021.

L'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont crû de 115 %. En effet, la CNDA est confrontée année après année à un niveau soutenu du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %.

Après une année 2020 marquée par le confinement et une évolution des entrées non significative (- 37 %), les entrées pour 2021 ont dépassé le niveau des entrées de 2019, année ayant enregistré un pic historique. La CNDA a été saisie de 68 243 recours , soit une hausse de 15,5 % par rapport à 2019 .

Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Un accroissement mesuré des dépenses de personnel

L' action 07 Cour nationale du droit d'asile finance les dépenses de titre 2 de cette juridiction. Elles s'élèvent pour 2023 à 47,9 millions d'euros , soit une hausse de 3,9 % par rapport à 2022.

L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA . La CNDA a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrats ou d'agents n'a été accordée depuis 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2023 .

S'agissant des dépenses de fonctionnement , qui sont imputées à l'action 06 Soutien , les moyens alloués à la Cour seront fixés à l'issue de la conférence de gestion interne au Conseil d'État, qui se déroulera à la fin de l'année 2022. Il ressort toutefois des documents budgétaires que le montant prévisionnel alloué à la CNDA est en augmentation de 0,9 million d'euros pour tenir compte, dans une moindre mesure que celle initialement attendue, de l'activité contentieuse par rapport à 2021.

En 2022, les crédits alloués pour le fonctionnement de la Cour s'établissent, selon la dernière actualisation à 28,5 millions d'euros en AE et 17,2 millions d'euros en CP, soit une baisse de 42,5 % des AE et de 16,8 % des CP par rapport à 2021.

2. Une attention particulière portée à la maîtrise des délais de jugement et à l'assainissement des stocks à poursuivre

Les moyens accordés à la CNDA sur tout le quinquennat précédent ont permis de renforcer ses capacités de jugement , avec un nombre de décisions jugées par la Cour qui est passé de 42 045 en 2020 à 68 403 en 2021. Toutefois, les délais de jugement et les stocks demeurent importants.

a) Une diminution des délais de jugement toutefois supérieurs aux objectifs fixés par le législateur

Le principal enjeu de la Cour réside toujours dans la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile résultant des lois n° 2015-925 du 29 juillet 2015 6 ( * ) et n° 2018-778 du 10 septembre 2018 7 ( * ) . Celle-ci a instauré des délais de jugement selon le type de procédure, qui ne doivent pas dépasser cinq mois pour les procédures ordinaires et cinq semaines pour les procédures accélérées .

La crise sanitaire a eu pour effet de dégrader les délais de jugement . S'agissant des procédures ordinaires, le délai moyen constaté en 2020 est de 10 mois et 19 jours, contre 9 mois et 20 jours en 2019. En ce qui concerne les procédures accélérées, le délai moyen a été de 17 semaines au lieu de 16 en 2019.

En dépit du mouvement social engagé par les avocats en 2021 contre le recours aux ordonnances, qui a entraîné le report de près de 5 000 recours au deuxième semestre 2021 et au premier semestre 2022, le délai moyen constaté a été réduit. Il a été ramené en 2021 à 7 mois et 8 jours, contre 8 mois et 8 jours en 2020. Au 30 juin 2022, le délai moyen constaté s'élève à 6 mois et 6 jours.

Si le délai moyen de jugement de la CNDA s'est amélioré, force est de constater que le délai pour les procédures accélérées est de nouveau de 17 semaines, bien loin de l'objectif de 5 semaines fixé par le législateur. La réduction de ce délai de l'ordre de 12 semaines à échéance 3 ans semble donc assez irréaliste, comme cela a déjà été relevé par le rapporteur spécial.

b) Une priorité donnée au déstockage des affaires anciennes

La proportion des affaires enregistrées depuis plus d'un an par rapport au stock global de la CNDA est passée de 26,7 % en 2020 à 12,1 % fin 2021 , alors même que les entrées ont augmenté de 48 %.

D'ici la fin de l'année 2022, la CNDA s'est donné pour objectif principal de juger en priorité les recours les plus anciens afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'asile.

En octobre 2022, elle a lancé une nouvelle mission foraine à Mayotte dans cette perspective de déstockage. 480 demandeurs d'asile seront auditionnés sur deux semaines. 25 magistrats et agents de la Cour sont mobilisés à cette occasion, avec l'aide de deux agents du TA de Mayotte.

Enfin, de futures réformes de l'asile ont été annoncées dans le cadre du projet de loi sur l'asile et l'immigration, qui devrait être présenté à la rentrée 2023 et qui pourrait avoir une incidence sur l'organisation de la Cour. Il est en effet question de prévoir une gestion territorialisée de l'asile avec des pôles territoriaux France Asile composés d'agents déconcentrés de l'OFPRA et des chambres territoriales de la CNDA dans le ressort des CAA.

II. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » (CESE) : UN BUDGET EN AUGMENTATION MODÉRÉE MAIS EN DISSONANCE AVEC LA VISIBILITÉ DE L'INSTITUTION

Les crédits demandés pour le CESE en 2023 sont légèrement en hausse de 1,2 % avec 45,1 millions en AE et en CP. Les crédits sont concentrés sur deux nouvelles actions : 04 Travaux consultatifs et 05 Fonctions supports à l'institution . Cette augmentation, quoique relative des crédits, doit toutefois être mise en regard avec la revalorisation discontinue du budget du CESE depuis 2020. Le programme 126 a en effet bénéficié d'une augmentation de 10,4 % , soit 4,2 millions d'euros en 2020 et 2021 , en vue d'organisation de conventions citoyennes thématiques. La stabilité du budget du CESE en 2022 revenait en réalité à entériner la hausse des crédits accordés au programme 126 et alors même qu'aucune convention citoyenne n'avait été prévue sur la période.

Évolution des crédits par action du programme 126

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

01 - Représentation des activités économiques et sociales

AE

30,2

0

- 30,2

- 100 %

CP

30,2

0

- 30,2

- 100 %

02 - Fonctionnement de l'institution

AE

12,5

0

- 12,5

- 100 %

CP

12,5

0

- 12,5

- 100 %

03 - Communication et international

AE

1,8

0

- 1,8

- 100 %

CP

1,8

0

- 1,8

- 100 %

04 - Travaux consultatifs

AE

CP

0

0

32,2

32,2

+ 32,2

+ 32,2

+ 100 %

+ 100 %

05 - Fonctions supports à l'institution

AE

CP

0

0

12,9

12,9

+ 12,9

+ 12,9

+ 100 %

+ 100 %

Total programme 126

AE

44,6

45,1

+ 0,5

+ 1,2 %

CP

44,6

45,1

+ 0,5

+ 1,2 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE VOLONTÉ DE RÉALLOCATION DES DÉPENSES DE PERSONNEL À L'AUNE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE ET DES IMPÉRATIFS CONTEMPORAINS

1. Une adaptation bienvenue des objectifs et des indicateurs à la participation citoyenne

Le rapporteur spécial salue l'évolution de la maquette de performance , désormais en adéquation avec les nouvelles missions du CESE issues de la loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental.

L'objectif « Associer les principales organisations de la société civile à l'élaboration de la politique économique, sociale et environnementale de la Nation » devient « Conseiller les pouvoirs publics » , avec un indicateur unique afférent à la participation à l'élaboration et à l'évaluation des politiques publiques. Ce sont surtout les sous-indicateurs qui ont plus de pertinence au regard des nouvelles missions du CESE. En effet, un sous-indicateur présente le pourcentage de travaux associant les citoyens, tandis qu'un autre s'attache à quantifier la visibilité du CESE à travers la presse, les réseaux sociaux, la participation aux plateformes et les conventions citoyennes.

Indicateur de participation à l'élaboration et à l'évaluation
des politiques publiques

(en % et en nombre)

2020

2021

2022

(Cible PAP 2022)

2023

(Cible)

2024

(Cible)

2025

(Cible)

Part des travaux résultant d'une saisine parlementaire

13

22

26

30

30

30

Part des travaux résultant d'une saisine d'initiative citoyenne

87

78

74

70

70

70

Pourcentage de travaux associant la participation de citoyennes et citoyens

18

4,5

20

20

25

25

Visibilité du CESE à travers la presse, les réseaux sociaux, la participation aux plateformes, les conventions citoyennes (en nombre)

2 430

4 550

7 000

8 200

8 500

8 700

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performance

De plus, deux autres objectifs ciblent des préoccupations contemporaines, à savoir, d'une part, la participation à la transition sociale, écologique et éducative , et d'autre part, le dialogue et la coopération avec les instances consultatives créées au niveau local . Ce nouvel objectif d'interaction avec les territoires s'inscrit dans la lignée de la volonté du nouveau président du CESE, Thierry Beaudet, de créer des liens forts avec les associations d'élus et les conseils économiques, sociaux et environnementaux (CESE) au niveau régional. Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif à la réalisation de cet objectif via le suivi du pourcentage de formations de travail associant les instances locales.

2. Un plafond d'emplois de nouveau relevé malgré un décalage de sa consommation

Les dépenses de personnel du programme 126 s'élèvent à 35,9 millions pour 2023, soit une hausse de 1,1 % par rapport à 2022. Elles représentent 79,6 % du budget total alloué au CESE.

L'augmentation des dépenses de titre 2 s'explique principalement par la création d'un ETP (un emploi de catégorie A+) et par la prise en compte de la revalorisation du point d'indice fonction publique et du glissement vieillesse technicité.

En effet, pour 2023, le plafond d'emplois a été relevé, passant de 152 ETP à 153 ETP .

Pour autant, le plafond d'emplois du CESE est chroniquement sous-exécuté. Le plafond d'emplois autorisé pour 2021 était de 154 ETP , pour une exécution 2021 à 140,4 ETP . En 2022, ce plafond a été fixé à 152 ETP du fait que deux ETP, correspondant aux apprentis, ont été sortis du plafond d'emplois. Les prévisions d'exécution du plafond sont de 143,86 ETP .

Le CESE explique ce décalage dans la consommation des crédits par l'objectif d'allouer au mieux les effectifs au regard de ses nouvelles missions et dans un contexte de réorganisation complète du CESE par la création de nouvelles structures . De plus, eu égard au besoin de nouveaux profils, les référentiels n'existaient pas forcément et la recherche de profils adéquats a été difficile. Ainsi, le CESE prévoit de recruter un directeur des systèmes d'information, un directeur des affaires européennes et internationales et un directeur des services consultatifs. En effet, un grand nombre de ces structures n'existaient pas jusqu'en 2022, avec l'absence notable d'une direction des systèmes d'information et d'une direction des relations européennes et internationales. Ainsi, 7 postes de catégorie A et A+ sont actuellement publiés sur le site Place de l'emploi public. Au regard des délais de recrutement, ces postes devraient être pourvus fin 2022 voire début 2023.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial en octobre 2022, le CESE prévoit, compte tenu de ces éléments, un stock prévisionnel des emplois de 150,78 ETP au 31 décembre 2022 , soit 99,2 % du plafond d'emplois, pour une saturation de ce plafond début 2023 .

Consommation du plafond d'emplois depuis 2017

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial insiste sur le fait que cette situation ne saurait perdurer dès lors que la consommation du plafond d'emplois demandé est indispensable à la sincérité du budget . Par suite, il veillera à la saturation du plafond d'emplois pour 2022 et les prochaines années, surtout dans la mesure où la lettre plafond prévoit une création d'un poste supplémentaire par an pendant cinq ans pour tirer les conséquences de la loi organique en termes de participation citoyenne.

B. UN BUDGET DÉDIÉ À LA PARTICIPATION CITOYENNE POTENTIELLEMENT INFLATIONNISTE

1. Une participation citoyenne multiple

La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental a considérablement diversifié la participation citoyenne en injectant des outils de démocratie représentative au CESE.

La participation citoyenne au CESE peut prendre plusieurs formes .

En premier lieu, des citoyens peuvent désormais être tirés au sort pour participer à une formation de travail : soit un groupe d'une quinzaine de citoyens tirés au sort intègre l'une des commissions du CESE, soit les travaux d'un groupe citoyen peuvent venir nourrir l'avis final qui a vocation à être voté en assemblée plénière du CESE. Dans ce dernier cas, une cinquantaine de personnes peut être tirée au sort.

En deuxième lieu, les citoyens peuvent saisir le CESE par voie de pétition . À ce titre, la loi organique a étendu la saisine du CESE par voie de pétition : le Conseil examine les pétitions ayant recueilli 150 000 signatures de personnes âgées de 16 ans et plus par voie papier ou numérique.

En troisième lieu, des consultations en ligne sont ouvertes sur des sujets précis. Les contributions des citoyens nourrissent ainsi les travaux de la formation de travail en charge de rédiger un avis, qui a vocation à être voté en assemblée plénière. En octobre et novembre 2022, le CESE a organisé deux consultations numériques sur le sport pour toutes et tous, ainsi que sur les mobilités durables et inclusives en zones peu denses.

En dernier lieu, le CESE organise des conventions citoyennes sur de grands sujets de société, avec des groupes de citoyens de 150 à 200 personnes. En juin 2019, le CESE a organisé la convention citoyenne pour le climat. Le 13 septembre 2022, le président de la République a annoncé le lancement d'une convention citoyenne pour la fin de vie , dont le pilotage a été confié au CESE. En revanche, aucun rôle ne lui serait attribué dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) . Le rapporteur spécial regrette que le CESE n'y soit associé, alors qu'il existe une structure dédiée à la participation citoyenne déjà dotée de moyens budgétaires .

2. Une participation citoyenne au coût incertain

Pour l'année 2023, le CESE dispose d'une enveloppe budgétaire de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne . Le CESE gère directement ces crédits, contrairement aux années précédentes où les crédits devaient être débloqués par le Gouvernement. Le rapporteur spécial sera attentif à l'utilisation de ces crédits, encore dans l'objectif de sincérité budgétaire . En effet, sur les années précédentes, les crédits n'ont été que partiellement utilisés. En 2020 par exemple, sur ces 4,2 millions d'euros, seul un million aura été utilisé pour financer le surcoût de la prolongation de la convention citoyenne pour le climat. Les 3 millions restants n'ont été que partiellement dégelés. La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a par conséquent procédé à l'annulation d'une partie de ces crédits, à hauteur de 2,5 millions d'euros .

Tout d'abord, le CESE a procédé à une réorganisation institutionnelle interne pour s'adapter à la participation citoyenne . En juin 2022, une direction de la participation citoyenne a été créée.

Cette direction aura en charge la partie stratégique et de cadrage de la participation citoyenne sous toutes ses formes, tandis que la partie logistique d'accueil concret des groupes citoyens est assurée par le Bureau d'accueil. La direction de la participation citoyenne a vocation, à terme, à se rapprocher de la direction des services consultatifs, qui gère les commissions. Les objectifs fixés dans le cadre des dialogues de gestion sont de six saisines participatives par an , et au moins une convention citoyenne , deux par an à plus long terme. Actuellement, ses effectifs se composent de la directrice , Mme Marianne Escurat, nommée en juin 2022, et de son adjointe . Il n'est pas prévu d'augmentation des effectifs de la direction , sauf ajustement avec des contrats temporaires dans le cadre des conventions citoyennes, dans la limite de deux ETP.

Ensuite, les coûts des outils de la participation citoyenne commencent à être évalués, même si des incertitudes demeurent pour les années à venir .

En ce qui concerne les pétitions citoyennes , le décret n° 2022-886 du 14 juin 2022 a précisé les modalités de leur recueil. Elles peuvent l'être via la plateforme du CESE ou bien via des plateformes déjà existantes, sous réserve qu'elles bénéficient d'un agrément du CESE. Le 29 juillet 2022, le CESE a lancé une procédure d'appel d'offres afin de se doter de sa propre plateforme dématérialisée , dont la mise en ligne est attendue au premier semestre 2023. Le coût estimé est de 65 000 à 75 000 euros en phase de développement initial , pour un coût de maintenance annuelle ensuite de 20 000 euros .

S'agissant du tirage au sort de groupes citoyens , la procédure de recrutement est externalisée au profit le plus souvent d'instituts de sondage. Le prestataire en charge du tirage au sort peut missionner jusqu'à 10 personnes pour passer des appels.

Actuellement, le CESE doit recourir au marché « Conseil en organisation » de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) pour traiter avec des prestataires spécialisés. Le CESE a lancé un appel d'offres pour bénéficier d'un accompagnement plus direct sur les opérations de participation citoyenne, afin de mieux maîtriser les coûts. Un des lots de cet accord-cadre concerne spécifiquement le recrutement de citoyens , dont le montant maximal annuel est de 0,4 million d'euros .

De plus, pour 2023, le CESE prévoit un budget de 0,5 million d'euros dédié à l'animation de groupes citoyens , hors convention citoyenne. Là encore, le CESE a pour objectif d'intensifier l'internalisation de ces compétences. Il existe aussi d'autres postes budgétaires afférents à l'accueil de citoyens tels que les indemnités de participation, les frais de transport, de logement et de restauration.

En ce qui concerne plus spécifiquement le budget de la convention citoyenne sur la fin de vie , environ 3 millions d'euros sont prévus à titre prévisionnel , mais de nombreux arbitrages sont encore en attente au niveau du comité de gouvernance de ladite convention.

Estimation des principaux postes budgétaires pour la convention citoyenne
sur la fin de vie pour 2023

(en millions d'euros)

Postes budgétaires

Coût estimé

Prise en charge, accueil et indemnisation des citoyens

1,5*

Indemnisation des personnels du CESE mobilisé

0,25

Communication

0,3

Prestataires (tirage au sort, animation et plateforme)

1

Total

3,05

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises au rapporteur spécial

* hors convention de partenariat pour le transport et l'hébergement

Certains postes budgétaires sont largement tributaires de la capacité du CESE à nouer des partenariats et négocier avec les groupes hôteliers, par exemple pour l'hébergement de citoyens pour obtenir les tarifs les plus bas sur le marché.

Le tirage au sort du groupe de 150 citoyens a lieu en octobre de cette année, avec un calendrier de la convention citoyenne sur la fin de vie qui s'étale de décembre 2022 à mars 2023. Neuf sessions de trois jours (du vendredi midi au dimanche après-midi) sont prévues.

Au-delà des incertitudes budgétaires, le statut des citoyens participants n'est pas juridiquement déterminé. Il n'existe par exemple aucune obligation pour les employeurs de libérer leurs salariés pour venir aux travaux de la convention citoyenne. Les citoyens sont simplement indemnisés 8 ( * ) , sachant que cette indemnité peut se cumuler avec certaines prestations sociales 9 ( * ) .

Le rapporteur spécial insiste donc sur le potentiel inflationniste des crédits accordés à la participation citoyenne, qui représente aujourd'hui un peu moins de 10 % du budget du CESE , et dont le coût devra être maîtrisé pour les prochains exercices . Il salue toutefois la volonté du CESE d'internaliser le processus de participation citoyenne , afin de développer de réelles compétences et de réaliser des économies d'échelle . Le coût de la convention citoyenne pour le climat, pour laquelle toutes les procédures ont été externalisées, s'est élevé à plus de 6 millions d'euros, pour une enveloppe estimée à 3 millions d'euros pour la convention citoyenne sur la fin de vie.

3. Un perfectionnement primordial de la communication du CESE, condition sine qua non de la légitimité des crédits accordés

Thierry Beaudet, président du CESE depuis 2021, a fait de la communication l'une des priorités de sa mandature. La visibilité des travaux du CESE, et plus particulièrement de ceux issus de la participation citoyenne, doit être largement amplifiée. Le déficit de médiatisation du CESE est en décalage avec la hausse des crédits accordés sur les dernières années.

La direction de la communication est dotée de 6 ETP en 2022 . Afin d'atteindre les objectifs fixés en matière de communication, une personne entièrement dédiée à la convention sur la fin de vie va être recrutée en contrat de courte durée pour six mois.

Le budget de la communication s'élève, pour 2023, à 0,7 million d'euros . Il a fait l'objet d'une sous-consommation en 2021 de l'ordre de 2 %. Sur les 0,8 million d'euros alloués à la communication en 2022, seuls 0,2 ont été consommés au 15 septembre 2022.

Le rapporteur spécial sera donc particulièrement vigilant sur l'utilisation de ces crédits et l'amplification de la visibilité des travaux du CESE, notamment ceux de la convention citoyenne sur la fin de vie .

C. LE RECOURS AU MÉCÉNAT POUR FINANCER LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT DANS UN CONTEXTE DE BAISSE DES RESSOURCES PROPRES

Depuis 2018, en accord avec la direction du budget, le CESE ne mentionne pas de dépense d'investissement prévisionnelle en loi de finances initiale . Il est convenu que les opérations d'investissement soient financées par des ressources propres, en l'espèce par les recettes tirées de la valorisation du Palais d'Iéna et des partenariats, versées au programme 126 par voie d'attribution de produits.

Cependant, d'une part, dans les faits, les attributions de produits servent largement à couvrir les dépenses de fonctionnement du CESE. D'autre part, le montant des recettes tirées de la valorisation du Palais d'Iéna est en baisse constante et a été fortement impacté par la crise sanitaire, mais aussi par les travaux d'accessibilité du Palais d'Iéna. Alors que ces recettes étaient respectivement de 2,5 et 2,4 millions en 2018 et 2019, elles n'étaient plus que 2,1 millions pour 2020. Ces recettes sont passées sous la barre des 2 millions en 2021 (1,7 million d'euros) et en 2022 (1,4 million d'euros) .

En 2023, les recettes de valorisation sont prévues à hauteur de 1,7 million d'euros .

Ces crédits seront principalement affectés à la réfection du sol de la salle hypostyle pour 30 000 euros et à l'accessibilité et l'aménagement de la terrasse Albert de Mun pour 2 millions d'euros. Ces travaux sont stratégiques en vue de pouvoir utiliser la terrasse dans le cadre des Jeux Olympiques de Paris en 2024. En effet, le partenariat avec la maison de couture Prada a pris fin et le CESE est à la recherche de nouveaux partenaires.

Dans ce contexte de baisse des ressources propres, le CESE a diversifié ses financements en lançant un programme de mécénat fin 2020 au travers du fonds de dotation Co-construire . Ainsi, ce fonds a vocation à financer à hauteur de 0,4 million d'euros par an en 2022 et 2023 les travaux d'accessibilité de la terrasse Albert de Mun, en plus des 2 millions d'euros issus des attributions de produit.

Le fonds de dotation Co-construire

Le fonds de dotation Co-construire a été lancé en décembre 2020 et vise à financer quatre chantiers prioritaires : la restauration du Palais d'Iéna, les travaux d'accessibilité du lieu, la restauration du mobilier Pierre Paulin de la salle hypostyle et l'ouverture d'un toit-terrasse.

Ce fonds est principalement géré par le pôle valorisation et mécénat du CESE, qui comprend deux agents, avec un remboursement du fonds de dotation pour la participation d'agents publics au fonds.

Depuis sa création, une vingtaine d'entreprises ont contribué au fonds : 0,4 million d'euros pourront être reversés aux travaux du CESE en 2022 et 2023.

Le fonds a vocation à être pérennisé avec l'objectif de trouver des mécènes qui pourront apporter des financements plus importants ou bien fournir au CESE un mécénat de compétences.

Enfin, s'agissant de la qualité de l'information financière et budgétaire, le rapporteur spécial salue les progrès effectués vers la certification des comptes clos en 2022 , qui s'est accompagnée d'un plan de contrôle interne comptable. Dans ce cadre, le CESE pourrait bénéficier de l'aide de la Cour des comptes en tant que tiers de confiance, similaire au comité d'audit des assemblées parlementaires. Le rapporteur spécial regrette toutefois que le CESE ne puisse toujours pas recourir à Chorus .

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS ASSISE SUR DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE ET UNE RÉORIENTATION DES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) - 13 en métropole et 10 en outre-mer - mais aussi le Conseil des prélèvements obligatoires, la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont les crédits ont été intégrés cette année au programme 164.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

21 - Examen des comptes publics

AE

44,2

49,2

+ 5

+ 11,3 %

4,5

CP

44,2

49,2

+ 5

+ 11,3 %

4,5

22 - Contrôle des finances publiques

AE

16,9

18

+ 1,1

+ 6,5 %

0,0

CP

16,9

18

+ 1,1

+ 6,5 %

0,0

23 - Contrôle des gestions publiques

AE

63,9

68,1

+ 4,2

+ 6,6 %

0,0

CP

63,9

68,1

+ 4,2

+ 6,6 %

0,0

24 - Évaluation des politiques publiques

AE

35,9

39,4

+ 3,5

+ 9,7 %

0,0

CP

35,9

39,4

+ 3,5

+ 9,7 %

0,0

25 - Information des citoyens

AE

7,5

8,2

+ 0,7

+ 9,3 %

0,0

CP

7,5

8,2

+ 0,7

+ 9,3 %

0,0

26 - Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

5,1

5,3

+ 0,2

+ 3,9 %

0,0

CP

5,1

5,3

+ 0,2

+ 3,9 %

0,0

27 - Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

52,3

57,9

+ 5,6

+ 10,7 %

0,1

CP

52,3

57,9

+ 5,6

+ 10,7 %

0,1

28 - Gouvernance des finances publiques

AE

CP

0

0

1,32

1,32

+ 1,32

+ 1,32

+ 100 %

+ 100 %

0

0

Total programme 164

AE

225,8

247,4

+ 21,6

+ 9,6 %

4,6

CP

226,7

247,4

+ 20,7

+ 9,1 %

4,6

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 247,4 millions d'euros en CP (comprenant 1,3 million d'euros affectés au HCFP) dont 219,3 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 9,2 % par rapport à 2022, et de 8,6 % hors HCFP.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS LIÉE EN PARTIE À DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de 18,6 millions d'euros pour 2023, soit une hausse de 9,3 % par rapport à 2022. Hors CAS Pensions, ces dépenses passent de 149,9 millions à 165,6 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 10 %. Les dépenses de fonctionnement sont aussi en hausse de 3,3 millions d'euros, ce qui représente + 19,2 % en AE et + 13,7 % en CP par rapport à 2022. Les dépenses d'investissement sont en revanche en baisse de 62,8 % en AE et de 56 % en CP . Les dépenses d'intervention stagnent quant à elles.

1. Le rattachement de nouvelles institutions explique en partie la hausse des crédits du programme 164
a) Les dépenses de titre 2 du Haut Conseil des finances publiques retracées au sein d'une nouvelle action du programme 164

Depuis le projet de loi de finances pour 2023, les crédits du HCFP sont transférés au sein du programme 164 et retracés dans une nouvelle action 28 - Gouvernance des finances publiques . En réalité, cette action ne retrace que les crédits de titre 2 dédiés au financement de la rémunération des membres du secrétariat permanent, constitué de huit ETP, et qui s'élèvent à 1,32 million pour l'année 2023 . Il ressort des réponses au questionnaire budgétaire que 0,05 million d'euros seront consacrés aux dépenses de fonctionnement du HCFP en 2023.

Dans la mesure où le budget du HCFP se compose à plus de 95 % de dépenses de personnel, son intégration au sein du programme 164 a eu pour principal effet d'augmenter les crédits de titre 2 du programme 164, à hauteur de 1,3 million d'euros, dont 0,3 million de contribution au CAS Pensions.

Le budget du HCFP est donc stable par rapport à l'année 2022, après avoir doublé en 2021. Toutefois, les crédits alloués sont chroniquement sous-consommés. Au 30 septembre 2022 , les crédits de titre 2 ont été consommés à hauteur de seulement 43 % , pour une consommation de 44 % des AE et 83 % des CP des crédits hors titre 2.

Le rapporteur spécial tient à saluer la stabilité de la dotation du HCFP pour 2023 . Si ses compétences ont été élargies par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il souligne que la réforme avait été anticipée d'un point de vue budgétaire. De nouvelles hausses éventuelles des moyens du HCFP ne sont en tout état de cause pas justifiées tant que les crédits sont systématiquement sous-consommés.

Si le HCFP dispose de moyens adaptés à l'ensemble de ses missions, il est toutefois confronté à des délais particulièrement contraints .

Ainsi, en juin 2022, les délais qui ont été accordés au HCFP pour rendre son avis sur les prévisions macro-économiques et de solde structurel du projet de loi de finances rectificative (PLFR) ont été particulièrement contraints. La date prévisionnelle de saisine du Haut Conseil a été modifiée à plusieurs reprises et la date définitive de celle-ci ne lui a pas été communiquée que tardivement. Le HCFP n'a finalement été saisi par le Gouvernement que le 29 juin 2022, pour un avis attendu deux jours plus tard. Un tel délai, nullement justifié par l'urgence, était très réduit au regard de la complexité du contexte macroéconomique et de l'ampleur des mesures contenues dans ce PLFR. Il a rendu particulièrement difficile l'exercice par le Haut Conseil du mandat qui lui est confié par le législateur organique.

Concernant la saisine du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2022 à 2027, elle est intervenue plus de trois mois plus tard que les années précédentes, au-delà même du calendrier électoral. La date prévisionnelle de saisine a par ailleurs été modifiée à plusieurs reprises. Comme pour le premier PLFR pour 2022, la date définitive de cette saisine n'a été communiquée au Haut conseil que très tardivement. Ces conditions compliquent indûment l'exercice du mandat qui lui est confié.

b) Le financement nouveau de la commission de l'évaluation de l'aide publique au développement

Le budget 2023 des juridictions financières est également affecté par le rattachement la commission de l'évaluation de l'aide publique au développement (CEAPD) à la Cour des comptes . Il est opéré sur le même modèle que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) ou la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins (CCOGDA).

Le secrétariat de la commission est assuré par la Cour des comptes. À ce titre, cinq ETP ont été affectés pour 2023 à ce secrétariat permanent. Le budget de la CEAPD s'élève à 3,5 millions d'euros . 2 millions d'euros sont affectés aux dépenses de personnel hors CAS Pensions tandis que 1,5 million d'euros visent à couvrir les dépenses de fonctionnement de la commission. Elle occupe des locaux mis à disposition par la Cour .

La CEAPD concentre presque la moitié de la hausse des dépenses de fonctionnement du programme 164 . Le reste de la progression des crédits de titre 3 repose notamment sur les prévisions d'augmentation des coûts énergétiques pour 0,7 million d'euros ou encore d'autres prestations soumises à des effets d'indexation telles que les loyers ou encore les prestations de services (nettoyage, accueil et surveillance).

La constitution de la commission d'évaluation de l'aide publique
au développement (CEAPD)

L'article 12 de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a institué une commission d'évaluation de l'aide publique au développement , placée auprès de la Cour des comptes.

Les dispositions du I de l'article 12 précité définissent les missions de cette commission : « Elle conduit des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France. Elle contribue à la redevabilité de la politique de développement solidaire et à la transparence sur les résultats atteints ainsi qu'à l'information du public. La commission élabore un cadre d'évaluation permettant de mesurer l'efficacité et l'impact de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ».

Lors de l'examen du projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales 10 ( * ) , le Sénat avait proposé de clarifier l'intitulé et les nouvelles missions de la commission au regard de la mission d'évaluation des politiques publiques confiée au Parlement aux termes de l'article 24 de la Constitution. Par ailleurs, le Sénat a permis de préciser la composition de la commission, en prévoyant notamment la présence de deux députés et deux sénateurs , de telle sorte à assurer un lien avec la représentation nationale, chargée de l'évaluation des politiques publiques.

Ainsi, la CEAPD est composée de deux collèges, d'une part, un collège de parlementaires, et, d'autre part, un collège d'experts indépendants composé de dix personnalités qualifiées, à savoir deux magistrats de la Cour des comptes, dont son Premier président, trois personnes nommées par le ministère des affaires étrangères, trois par le ministre de l'économie, une par le ministre de la transition écologique et une par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le décret n° 2022-787 du 6 mai 2022 relatif aux modalités de fonctionnement de la CEAPD précise que les parlementaires sont désignés par le président de leur assemblée respective de manière à assurer, pour chacune des assemblées, une représentation pluraliste.

Pour l'heure, la Cour des comptes est dans une phase de préfiguration avec la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats , et espère une mise en place de la commission au premier trimestre de l'année 2023. Celle-ci devra aussi veiller à la complémentarité de ses travaux avec la section affaires étrangères de la 4 ème chambre de la Cour des comptes, en charge des questions régaliennes.

Ces nouvelles dépenses sont ainsi la conséquence de mesures de périmètre, comme l'avait été en 2022 le mandat de commissaires aux comptes des Nations unies pour les années 2022 à 2028 . Pour l'année 2023, cette mission mobilisera le concours de 35,6 ETPT pour les jours de contrôle, qui ont été fixés à 6 300 par le Secrétaire général des Nations Unies. La Cour des comptes participe également à l'activité de commissariat aux comptes de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et du Conseil de l'Europe. Cette activité permet aussi à la Cour de dégager des recettes. Le montant prévisionnel des recettes attendues pour tous les mandats s'élève à 2,2 millions d'euros pour 2022 et 4,4 millions d'euros pour 2023.

2. L'accroissement des crédits induit par la revalorisation des rémunérations des magistrats financiers

Le poids des dépenses de personnel s'est tout d'abord accru, comme dans toutes les autres administrations publiques, à raison de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique , pour un coût annuel de 6 millions d'euros , dont 4,4 millions d'euros hors CAS Pensions.

Ensuite, d'autres mesures pèsent sur les dépenses de personnel, telles que les primes pour le télétravail (0,3 million d'euros), l'impact du schéma d'emplois (3 millions d'euros) et le solde total du glissement vieillesse technicité (GVT) pour 0,6 million d'euros.

Enfin, comme pour les magistrats administratifs , les conseillers de chambres régionales et territoriales des comptes ainsi que les auditeurs et conseillers référendaires en service extraordinaire vont bénéficier d'une revalorisation indemnitaire dans le cadre de la création du corps des administrateurs de l'État, en vue de maintenir l'attractivité des corps de magistrats financiers . Les conseillers référendaires et les conseillers maîtres ne sont pas encore concernés par cette revalorisation. En année pleine , ces mesures indemnitaires sont estimées à 4,1 millions d'euros, hors CAS Pensions . Ces mesures ont été budgétées dès 2022 puisque 3,8 millions d'euros ont été ouverts en AE et CP dans la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 .

Ainsi, les primes de rendement des auditeurs de la Cour des comptes et des conseillers référendaires en service extraordinaire ont été revalorisées, respectivement à hauteur de 5 200 euros bruts annuels et de 6 197 bruts annuels, sous réserve d'arrondis comptables. Ces revalorisations ont été traduites en paie au mois d'août 2022, avec un effet rétroactif au 1 er février 2022.

S'agissant des magistrats de CRTC , la revalorisation du régime indemnitaire n'a pas encore été déployée . Selon les informations transmises au rapporteur spécial, un projet d'arrêté a été présenté au Conseil supérieur des CRTC le 7 juillet 2022 et un projet de nouvelle instruction encadrant le régime indemnitaire aurait été signé. La revalorisation devrait être mise en oeuvre en décembre 2022, avec une application également rétroactive au 1 er février.

B. UNE REFONTE DES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES À EFFECTIFS CONSTANTS

1. Une montée en puissance annoncée des missions d'évaluation et de contrôle des juridictions financières
a) Une mission d'évaluation des politiques publiques fixée à terme à 20 % de l'activité des juridictions financières

L'objectif fixé par le Premier président est que l'évaluation des politiques publiques représente 20 % de l'activité d'ensemble des juridictions financières, contre 5 % aujourd'hui. Par ailleurs, 75 % de l'activité devra être dédiée au contrôle, 5 % à la mission de juger, contre 7 % actuellement pour la Cour des comptes et 10 % pour les CRTC, et enfin, de l'ordre de 1 % pour la certification.

La Cour des comptes estime que cette montée en compétences des juridictions financières en matière d'évaluation de politiques publiques nécessiterait des créations d'emplois à partir du PLF pour 2024 et pour les trois prochains exercices.

S'agissant de la mission de contrôle, la Cour a lancé en 2022 une plateforme citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles de citoyens du 9 mars au 20 mai 2022. En juillet 2022, la Cour des comptes a retenu 11 ( * ) six propositions de contrôle : « Le recours par l'État à des cabinets de conseil privé », « L'évaluation de l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale par des particuliers », « Les soutiens publics aux fédérations de chasseur », « L'école inclusive », « L'égalité homme/femme » et « La permanence des soins ». L'ensemble de ces contrôles feront l'objet de publications d'ici fin 2023, voire début 2024 pour le contrôle sur le recours aux cabinets de conseil privé.

b) Une compétence d'évaluation des politiques publiques territoriales attribuée aux chambres régionales des comptes, au volume encore incertain

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a reconnu aux chambres régionales des comptes (CRC) 12 ( * ) une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales . Ainsi, l'article L. 211-15 du code des juridictions financières dispose désormais que la « chambre régionale des comptes contribue, dans son ressort, à l'évaluation des politiques publiques ». Jusqu'à présent, les CRC ne pouvaient prendre part à de telles évaluations que dans le cadre d'enquêtes menées conjointement avec la Cour.

Ainsi, les exécutifs locaux peuvent saisir , de leur propre initiative ou de celle de l'organe délibérant, la CRC régionalement compétente aux fins de réaliser l'évaluation d'une politique publique relevant de la compétence des collectivités territoriales ou établissements publics auteurs de la saisine 13 ( * ) .

De plus, selon les mêmes modalités de saisine, les exécutifs locaux peuvent saisir la CRC pour avis « sur les conséquences de tout projet d'investissement exceptionnel dont la maîtrise d'ouvrage est directement assurée par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » 14 ( * ) .

Si cette nouvelle compétence a été bien accueillie par les CRC, les incertitudes quant au nombre de saisines , et donc quant à la charge de travail que celles-ci peuvent représenter pour les CRC, restent entières à ce stade. Par ailleurs, au regard des possibilités de saisine offertes par la loi, celles-ci risquent d'être exercées de façon hétérogène à raison des configurations territoriales. À titre d'exemple, la région Occitanie compte 13 départements lorsque la région Hauts-de-France n'en compte que cinq. La région Occitanie et la ville de Montpellier ont déjà fait savoir qu'elles allaient demander des évaluations.

Par suite, au regard de toutes ces incertitudes et de la difficulté à évaluer comment les collectivités se saisiront de cet outil, aucune création d'emploi n'a pour l'instant été prévue pour 2023 .

2. Une centralisation des missions juridictionnelles au profit d'une chambre contentieuse de la Cour des comptes

L'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 a créé un régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics, qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable.

En conséquence, le schéma contentieux de la responsabilité des gestionnaires publics a été unifié au profit de la 7 ème chambre de la Cour des comptes . Dans le même temps, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a été supprimée et les CRTC ont perdu leurs compétences juridictionnelles. Cette chambre juridictionnelle a été créée par le décret n° 2021-604 du 18 mai 2021 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions administratives, à partir du 1 er septembre 2021. À partir du 1 er janvier 2023, une chambre du contentieux succèdera à la 7 ème chambre, et exercera l'ensemble des compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes.

Elle sera composée à parité de magistrats de la Cour des comptes et de magistrats de CRTC , affectés à la chambre du contentieux à temps plein ou à temps partiel.

La création de cette chambre contentieuse est réalisée sous plafond et par redéploiements internes, sans moyens nouveaux . Une réévaluation sera effectuée à l'aune de la montée en charge éventuelle issue du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Un véritable ordre juridictionnel financier nouveau est créé , avec la création d'une Cour d'appel financière, qui devrait être instituée au 1 er janvier 2023. Elle sera présidée par le Premier président de la Cour des comptes et sera composée de quatre conseillers d'État, quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes et deux personnalités qualifiées justifiant d'une expérience supérieure à dix ans dans le domaine de la gestion publique, nommés pour cinq ans par décret du Premier ministre. L'appel sera suspensif et le juge de cassation demeure le Conseil d'État.

3. Un ajustement subséquent des indicateurs à la revalorisation de la mission d'évaluation

En 2023, les indicateurs ont été adaptés, notamment pour prendre en compte la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics . À titre d'exemple, dès lors que les CRTC perdent leurs compétences juridictionnelles et que la Cour de discipline budgétaire et financière est supprimé, l'indicateur afférent aux délais de jugement ne cible logiquement plus que la performance de la Cour des comptes.

Toutefois, la place grandissante souhaitée des missions d'évaluation de politiques publiques et de contrôle au sein de l'activité des juridictions financières pourrait se trouver en décalage avec les indicateurs actuels, plutôt centrés sur les délais . Or, le développement des missions d'évaluation va les dégrader dès lors que celles-ci requièrent des diligences structurellement plus longues et que les délais de contradiction avec les contrôlés ou les évalués qui n'ont pas été réduits.

Le rapporteur spécial souligne donc la nécessité d'enrichir les indicateurs pour qu'ils reflètent au mieux la diversité des missions des juridictions financières .

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 25 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Claude Raynal , président . - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État » . - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse de 8,5 % des crédits de la mission, qui atteindrait 817 millions d'euros en crédits de paiement.

Eu égard au poids des dépenses de personnel, à savoir 80,9 % des crédits demandés, le volume du budget de la mission est largement tributaire des moindres variations qui peuvent affecter les dépenses de personnel. Pour 2023, ces dépenses sont mécaniquement accrues, sous l'effet de la hausse de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique. Pour les juridictions administratives, cette revalorisation du point d'indice représente un coût de 10,9 millions en année pleine. Pour les juridictions financières, dont les effectifs sont moins nombreux, cette augmentation du point d'indice représente 4,4 millions d'euros en année pleine.

Par ailleurs, la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers a été rendue nécessaire pour maintenir l'attractivité financière de ces corps par rapport au nouveau corps des administrateurs de l'État, issu de la réforme de la haute fonction publique. La revalorisation indemnitaire cible donc les débuts de carrière et a été opérée par arrêté du 22 avril 2022 pour les magistrats administratifs, avec une entrée en vigueur au 1 er janvier 2022. 8,3 millions d'euros ont été ouverts en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) dans la loi de finances rectificative de cet été pour financer la mesure sur toute l'année 2022. Le coût de la mesure pour l'année 2023 et les années à venir est donc le même : 8,3 millions d'euros. Du point de vue des magistrats, cela représente environ 8 000 euros annuels pour les magistrats de premier grade et 6 000 euros annuels pour ceux de deuxième grade. Ces montants correspondent aux revalorisations moyennes qui ont été décidées pour les administrateurs de l'État, pour qu'il n'y ait pas de décalage entre les hauts fonctionnaires.

Cette revalorisation a vocation à s'appliquer aussi aux magistrats financiers. Elle a déjà été appliquée pour les auditeurs de la Cour des comptes à hauteur de 5 000 euros bruts annuels, ainsi que pour les conseillers référendaires en service extraordinaire à hauteur de 6 000 euros bruts annuels, via une revalorisation de leur prime de rendement. Un projet d'arrêté est encore en cours pour la revalorisation indemnitaire des conseillers de cours régionales et territoriales des comptes (CRTC), qui devrait être mise en oeuvre en décembre 2022 selon les informations communiquées par la Cour des comptes. Le coût de cette mesure est estimé à 4,1 millions d'euros en année pleine.

L'inflation et la crise énergétique n'épargnent pas non plus le budget de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Alors les crédits demandés pour les consommations énergétiques s'élevaient à 2 millions d'euros en 2022 en AE comme en CP, ils s'élèvent à 13 millions d'euros en AE et plus de 3 millions d'euros en CP en 2023 pour les juridictions administratives. De même, les dépenses d'investissement pour relogement du tribunal administratif de Montreuil et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont été revalorisées de 10 millions d'euros à raison de la hausse des frais de construction.

Ces tendances haussières sur les dépenses de la mission « Conseil et contrôle de l'État » établies, je vais dès à présent détailler rapidement les mécanismes propres à chaque programme pour 2023.

Le Conseil d'État et les juridictions administratives sont de nouveau confrontés à une reprise des entrées contentieuses, après une baisse non significative des entrées en 2020 du fait de la crise sanitaire. La maîtrise des délais et des stocks, qui se sont accrus en 2020, constitue donc un enjeu majeur pour les années à venir. Les affaires enregistrées depuis plus de deux ans devant les tribunaux et les cours pèsent de plus en plus sur le stock global de ces juridictions.

Bien que les effectifs aient été majorés de quarante et un postes pour 2023, la gestion prévisionnelle des effectifs par le Conseil d'État, pourtant gestionnaire des juridictions administratives, est insuffisante, qu'il s'agisse des départs en mobilité, mais aussi à la retraite. Dès lors, les juridictions administratives, et plus particulièrement plus petites, se trouvent déstabilisées par des départs de magistrats en cours d'année. Or, ce phénomène a vocation à s'amplifier avec les mobilités de plus en plus encouragées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique.

La CNDA est elle aussi confrontée à une reprise des entrées contentieuses en 2021, avec 15,5 % de recours en plus par rapport à 2019. Aucune création d'emplois n'a été fléchée cette année vers la CNDA, qui avait attrait à elle la quasi-totalité des créations du quinquennat précédent. Les futures réformes annoncées de l'asile pourraient avoir une incidence sur l'organisation de la Cour, avec la création de chambres territoriales.

En ce qui concerne maintenant le budget de la Cour des comptes et des juridictions financières, celui-ci a progressé de 9,2 % par rapport à 2022. Cette augmentation est en partie due à des effets de périmètre. Les crédits du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), auparavant retracés dans un programme propre, sont intégrés en 2023 au programme des juridictions financières. Si le budget du HCFP est stable, ce transfert accroît les dépenses du programme 164 de 1,3 million d'euros. De même, la nouvelle commission d'évaluation de l'aide publique au développement (CEADP), placée auprès de la Cour des comptes, a un budget de 3,5 millions d'euros : 2 millions pour les dépenses de personnel et 1,5 million pour les dépenses de fonctionnement.

Par ailleurs, les juridictions financières sont toujours engagées dans une refonte de leurs missions, avec comme objectif d'accroître les missions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. À ce titre, la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », a confié aux chambres régionales des comptes une nouvelle compétence d'évaluation des politiques publiques territoriales sur saisine des exécutifs locaux. Elles peuvent aussi être saisies de tout projet d'investissement exceptionnel. Les configurations territoriales laissent penser que les saisines seront assez hétérogènes selon les territoires. Par exemple, la région Occitanie compte 13 départements lorsque la région Hauts-de-France n'en compte que cinq. Pour l'heure, du fait de ces incertitudes, aucune création d'emplois n'a été prévue en 2023 dans les chambres régionales des comptes.

Enfin, s'agissant du CESE, ses moyens sont en légère hausse de 1,2 %. Le budget dédié à la participation citoyenne est de nouveau pérennisé en 2023 avec une enveloppe financière dédiée de 4,2 millions d'euros. Le coût de l'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie a été évalué à 3 millions d'euros, mais dépendra largement de la capacité du CESE à nouer des partenariats pour obtenir les prix les plus compétitifs sur les marchés, notamment pour l'hébergement des citoyens tirés au sort lorsqu'ils viennent à Paris. L'internalisation des procédures de la participation citoyenne, en cours au CESE, devrait permettre de diviser par deux le coût des conventions citoyennes. Pour rappel, la convention citoyenne pour le climat avait coûté 6 millions d'euros.

Pour conclure, avec 817 millions d'euros pour la mission, nous n'en sommes pas encore au coût du recours aux cabinets privés, estimé à 1 milliard d'euros pour le conseil de l'État. Or, je suis d'avis, comme beaucoup parmi nous, que la priorité doit être donnée à l'État pour les missions régaliennes.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Les crédits augmentent de près de 10 %. Il faut qu'on soit attentif à la ligne budgétaire qui se dégage de l'ensemble des missions, y compris s'agissant de celles relatives aux missions de conseil et de contrôle. J'invite à une grande prudence lorsque l'on augmente la dépense publique.

M. Marc Laménie . - Merci à notre rapporteur pour cette analyse qui peut poser quelques questions. On peut s'interroger sur la hausse constatée malgré les explications données. Concernant le Conseil d'État et les tribunaux administratifs ainsi que la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), beaucoup d'emplois sont concentrés sur Paris ou la région parisienne. A-t-on une idée de la répartition des effectifs en régions ?

M. Roger Karoutchi . - Je suis interpellé par vos observations sur la CNDA qui a vu ses effectifs augmenter lors du précédent quinquennat de manière légitime pour accélérer les procédures sur le droit d'asile. Mais faut-il vraiment territorialiser les missions relatives au droit d'asile ? Est-ce que le rapporteur a plus d'éléments sur la territorialisation de la CNDA ? Cela signifie que l'on aurait 8 à 10 structures qui nécessiteraient alors du personnel supplémentaire pour ces entités territoriales. Par ailleurs, je m'interroge sur l'unité de la manière de juger qui se profile avec plusieurs chambres territoriales, contrairement à une CNDA unique.

M. Éric Bocquet . - Le CESE tente de développer le mécénat pour pallier la baisse durable de ces ressources propres pour financer les travaux de rénovation du palais de d'Iéna. Est-ce qu'il s'agit d'entreprises privées qui viendraient apporter leur contribution à la rénovation du palais ? Peut-on imaginer que des cabinets privés apportent leur contribution dans cette opération ?

Mme Isabelle Briquet . - Dans ce contexte de hausse du contentieux devant les juridictions administratives, l'augmentation des moyens est indispensable pour donner des réponses aux justiciables dans des délais raisonnables. Pour autant, ces délais restent source d'inquiétude d'autant que le stock s'est de nouveau accru en 2021 lors de la crise sanitaire et les affaires en instance ont augmenté de 17 % devant les tribunaux administratifs et de 46 % devant les cours administratives d'appel. Il y a là un point de vigilance. Malgré les augmentations des effectifs, il semble que la réduction des délais en parallèle de l'assainissement des stocks soit compliquée en l'état des moyens. Concernant le HCFP, sans minimiser son rôle, je trouve que la masse salariale de cette structure est assez importante pour seulement huit personnes.

M. Michel Canévet . - La CEADP est-elle en place et a-t-elle commencé à travailler effectivement ? Par ailleurs, concernant le Conseil d'État et les juridictions administratives, les délais de traitement des dossiers s'allongent. Je regrette que les cibles fixées en matière de délais ne montrent pas plus d'ambition. La question des rémunérations n'est-elle pas un problème ? La rémunération est pourtant bien plus élevée dans les juridictions administratives que dans les juridictions judiciaires. Le rapporteur a-t-il des informations sur ce point ?

M. Daniel Breuiller . - La hausse du contentieux est-elle une tendance profonde ? La judiciarisation se développe dans tous les domaines mais met-on les moyens pour y répondre et réduire les délais de traitement des dossiers ? Par ailleurs, peut-on demander à la Cour des comptes des explications sur la hausse de 9,2 % du programme 164 qui concerne les juridictions financières ?

M. Claude Raynal , président . - Il y a de nouveaux contentieux systématiques comme le contentieux des étrangers qui doit représenter 50 % des contentieux. Les demandes sont automatiques et on doit y répondre de manière systématique ce qui demande beaucoup d'énergie pour chaque magistrat qui doit les traiter correctement en étant respectueux des demandes malgré leur caractère automatique. Des choses pourraient donc être revues avant d'augmenter les effectifs.

Mme Christine Lavarde . - Nous allons voter contre les crédits de cette mission. On est face à des crédits qui ont, pour certain, un caractère en réalité évaluatif notamment ceux relatifs au coût de la convention citoyenne sur la fin de vie, ce qui pose question.

Sur la CEADP, est-ce à dire qu'on va avoir une diminution parallèle de 3,5 millions d'euros des crédits de l'agence française de développement (AFD) car je n'ose pas croire que l'AFD distribuait de l'argent sans en évaluer l'efficacité.

Enfin, sur les revalorisations indemnitaires des juridictions financières : concerne-t-elle uniquement les nouveaux entrants ? Comment a-t-elle été décidée, s'additionne-t-elle à la revalorisation du point d'indice ? Il y aurait alors un traitement particulier des membres des juridictions financières par rapport au reste de la fonction publique.

M. Jean-Marie Mizzon . - Les délais moyens de jugement des tribunaux administratifs mentionnés dans le rapport me surprennent car j'ai des chiffres dans ma circonscription, qui relève du tribunal administratif de Strasbourg, bien supérieurs à la moyenne indiquée.

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial . - S'agissant de la répartition territoriale des magistrats, pour les juridictions financières, 60 % des effectifs sont à Paris pour 40 % dans les CRTC. Pour les juridictions administratives, les effectifs se répartissent comme suit : 128 membres du Conseil d'État, 288 magistrats en cours administratives d'appel et 903 magistrats dans les tribunaux administratifs. Pour connaître la répartition territoriale plus précise, le site de chaque juridiction détaille les magistrats qui y sont affectés.

La territorialisation de la CNDA est une piste de réforme envisagée et n'a pas encore été traduite au niveau législatif. Je salue toutefois la démarche de déstockage engagée à la CNDA, avec la mission foraine sur Mayotte.

En ce qui concerne le recours au mécénat par le CESE, une vingtaine d'entreprises ont contribué au fonds de dotation Co-construire. D'après les informations transmises par le CESE, il s'agit d'entreprises spécialisées dans la construction. Le groupe de construction Vicat et la société coopérative et participative Up ont d'ailleurs été co-fondateurs. Les sommes ne sont d'ailleurs pas exceptionnelles, puisque 400 000 euros ont été levés pour 2022 et pour 2023.

Pour les juridictions administratives, les quarante et une créations d'emplois en 2023 devraient permettre de réduire les délais et les stocks, d'autant plus que pour cette année, ces créations sont concentrées sur les tribunaux administratifs, qui sont confrontés à une augmentation de leurs stocks plus importante que les autres juridictions.

Par ailleurs, la médiation préalable obligatoire a été pérennisée par décret du 25 mars 2022, notamment pour les décisions individuelles défavorables à certains agents publics. La médiation permet ainsi de réduire dans une certaine mesure le nombre des entrées dans ces domaines contentieux. Elle n'a toutefois pas d'incidence sur les délais de jugement et peut être chronophage pour les magistrats administratifs.

De plus, avec la dématérialisation des procédures, les agents de greffe sont déchargés d'un certain nombre de tâches. Ils ont donc vocation à assurer des missions plus juridictionnelles, avec la rédaction d'ordonnances, notamment dans les contentieux sériels et en matière de droit des étrangers. La montée en compétences des greffes peut donc permettre in fine de réduire les délais de jugement.

La mise en place de la CEADP doit intervenir au premier semestre 2023. La phase de préfiguration est toujours en cours avec la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation.

Les crédits demandés par le CESE pour la participation citoyenne ne sont pas évaluatifs. Ils s'élèvent à 4,2 millions d'euros et 3 millions d'euros sont estimés pour le coût d'organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie, en fonction des prix que le CESE pourra obtenir pour le logement des citoyens qui ne résident pas en région parisienne.

Sur la revalorisation de la rémunération des magistrats administratifs et financiers, ces corps se doivent d'être attractifs, au risque de perdre les meilleurs éléments. Le décalage avec le corps des administrateurs de l'État n'est pas non plus justifié.

Les délais de jugement pour les affaires ordinaires devant le tribunal administratif de Strasbourg, hors référés et obligations de quitter le territoire français, sont de 1 an, 3 mois et 14 jours, soit inférieurs à la moyenne nationale, qui est de 1 an, 4 mois et 11 jours.

Enfin, je tiens à souligner l'accroissement des charges locatives du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », dont le coût prévisionnel en AE passe de 2,7 millions en 2022 à 84 millions d'euros en 2023. Cette hausse s'explique notamment par la budgétisation du renouvellement des baux de l'immeuble Arborial de la CNDA, dans l'attente de son relogement, ainsi que de l'immeuble Richelieu des services du Conseil d'État. Les AE ont été provisionnées selon des hypothèses d'engagement maximales alors que les modalités de prises à bail en gestion sont souvent différentes.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous souhaitons être attentifs à l'ensemble des dépenses. Je propose un report du vote des crédits sur cette mission pour se prononcer au mieux au regard des éléments complémentaires fournis.

La commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » précédemment et réservés.

M. Christian Bilhac , rapporteur spécial. - Pour la mission « Conseil et contrôle de l'État », les crédits demandés sont en hausse de 8,5 % par rapport à 2022. En réalité, si l'on tient compte de l'inflation, cette augmentation n'est que de 4 %, soit du même ordre que l'an passé.

Les dépenses de personnel représentant 81 % des crédits de la mission, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique a eu pour effet mécanique d'augmenter les crédits demandés. La hausse des crédits repose aussi essentiellement sur les revalorisations indemnitaires des magistrats administratifs et financiers, décidées pour s'aligner sur celles du nouveau corps des administrateurs de l'État. Si l'on veut que les juridictions conservent un attrait, une concordance des rémunérations avec les administrateurs de l'État est nécessaire, d'autant que l'obligation de mobilité des magistrats tend à s'accroître. Le régalien doit être une priorité budgétaire ; c'est pourquoi j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Avis également favorable.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cour des comptes et Haut conseil des finances publiques

- M. Pierre MOSCOVICI, Premier président ;

- Mme Maïa WIRGIN, secrétaire générale ;

- M. Éric DUBOIS, rapporteur général du Haut conseil des finances publiques ;

- Mme Armelle DAAM, secrétaire générale adjointe ;

- M. Richard CHRÉBOR, directeur des affaires financières et du contrôle de gestion ;

- M. Jérôme BIARD, directeur des ressources humaines.

Conseil d'État et juridictions administratives

- M. Thierry-Xavier GIRARDOT, secrétaire général ;

- M. Jean-Noël BRUSCHINI, directeur de la prospective et des finances ;

- M. Sylvain HUMBERT, secrétaire général adjoint chargé des juridictions administratives ;

- M. Olivier MASSIN, secrétaire général de la CNDA.

Conseil économique, social et environnemental

- M. Thierry BEAUDET, président ;

- M. Pierre GOGUET, questeur ;

- M. Thierry CADART, questeur ;

- M. Valéry MOREL, secrétaire général.

Syndicats des magistrats administratifs

Union syndicale des magistrats administratifs

- M. Emmanuel LAFORÊT, président ;

- M. Nicolas CONNIN, magistrat.

Syndicat de la juridiction administrative

- Mme Maguy FULLANA, présidente ;

- M. Philippe THÉBAULT, magistrat.

Syndicat des juridictions financières

- M. Pierre GENÈVE, président.

Association des magistrats de la Cour des comptes

- M. Jean-François GUILLOT, conseiller maître ;

- Mme Maud CHOQUET, auditrice.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Il s'agit du coût de la mesure en année pleine sur l'exercice 2022 et qui concerne 1 270 magistrats.

* 2 Une indemnité de résidence, égale à un pourcentage du traitement indiciaire brut détenu par le magistrat s'ajoute, et éventuellement un supplément familial de traitement.

* 3 Voir en ce sens le rapport d'information de François-Noël BUFFET fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la question migratoire.

* 4 Simplifier le contentieux des étrangers, dans l'intérêt de tous, rapport du Conseil d'État, octobre 2020.

* 5 Retour sur 5 années de médiation administrative, 27 mars 2022.

* 6 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 7 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 8 Décret n° 2021-1245 du 29 septembre 2021 relatif à la rémunération des personnes participant aux travaux du Conseil économique, social et environnemental en application des articles 4-3 et 12 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.

* 9 Décret n° 2022-892 du 14 juin 2022 relatif aux modalités de prise en compte des indemnités des personnes participant aux travaux du Conseil économique, social et environnemental pour le droit à certaines prestations sociales. Le décret vise à exclure expressément les indemnités versées par le Conseil de la base ressource de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, de l'allocation aux adultes handicapés, des aides personnelles au logement et de l'allocation de solidarité spécifique.

* 10 Rapport de MM. Hugues SAURY et Rachid TEMAL fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiale.

* 11 Les propositions ont été sélectionnées selon six critères : la nouveauté du thème proposé, son auditabilité ou sa faisabilité, la plus-value susceptible d'être apportée par la Cour, la popularité de la proposition, la diversité des thèmes proposés et leur adéquation aux moyens de la Cour.

* 12 La réforme ne s'étend pas aux chambres territoriales qui relèvent d'une loi organique.

* 13 Article L. 235-1 du code des juridictions financières.

* 14 Article L. 235-2 du code des juridictions financières.

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