D. LE BUDGET CONTENU DE LA CNDA AU DÉFI DE LA MAÎTRISE DES DÉLAIS ET DES STOCKS FACE LA REPRISE D'UNE ACTIVITÉ CONTENTIEUSE SOUTENUE

1. Une légère hausse du budget de la CNDA dans un contexte d'emballement du contentieux de l'asile
a) Une juridiction confrontée à une nouvelle hausse historique de ses entrées

La CNDA ne dispose d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle , celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux et d'autre part du rythme d'activité et du taux d'admission de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort et pour lequel le taux de recours est élevé. 83 % des décisions de l'OFPRA ont fait l'objet d'un recours en 2021.

L'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont crû de 115 %. En effet, la CNDA est confrontée année après année à un niveau soutenu du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %.

Après une année 2020 marquée par le confinement et une évolution des entrées non significative (- 37 %), les entrées pour 2021 ont dépassé le niveau des entrées de 2019, année ayant enregistré un pic historique. La CNDA a été saisie de 68 243 recours , soit une hausse de 15,5 % par rapport à 2019 .

Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Un accroissement mesuré des dépenses de personnel

L' action 07 Cour nationale du droit d'asile finance les dépenses de titre 2 de cette juridiction. Elles s'élèvent pour 2023 à 47,9 millions d'euros , soit une hausse de 3,9 % par rapport à 2022.

L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA . La CNDA a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrats ou d'agents n'a été accordée depuis 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2023 .

S'agissant des dépenses de fonctionnement , qui sont imputées à l'action 06 Soutien , les moyens alloués à la Cour seront fixés à l'issue de la conférence de gestion interne au Conseil d'État, qui se déroulera à la fin de l'année 2022. Il ressort toutefois des documents budgétaires que le montant prévisionnel alloué à la CNDA est en augmentation de 0,9 million d'euros pour tenir compte, dans une moindre mesure que celle initialement attendue, de l'activité contentieuse par rapport à 2021.

En 2022, les crédits alloués pour le fonctionnement de la Cour s'établissent, selon la dernière actualisation à 28,5 millions d'euros en AE et 17,2 millions d'euros en CP, soit une baisse de 42,5 % des AE et de 16,8 % des CP par rapport à 2021.

2. Une attention particulière portée à la maîtrise des délais de jugement et à l'assainissement des stocks à poursuivre

Les moyens accordés à la CNDA sur tout le quinquennat précédent ont permis de renforcer ses capacités de jugement , avec un nombre de décisions jugées par la Cour qui est passé de 42 045 en 2020 à 68 403 en 2021. Toutefois, les délais de jugement et les stocks demeurent importants.

a) Une diminution des délais de jugement toutefois supérieurs aux objectifs fixés par le législateur

Le principal enjeu de la Cour réside toujours dans la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile résultant des lois n° 2015-925 du 29 juillet 2015 6 ( * ) et n° 2018-778 du 10 septembre 2018 7 ( * ) . Celle-ci a instauré des délais de jugement selon le type de procédure, qui ne doivent pas dépasser cinq mois pour les procédures ordinaires et cinq semaines pour les procédures accélérées .

La crise sanitaire a eu pour effet de dégrader les délais de jugement . S'agissant des procédures ordinaires, le délai moyen constaté en 2020 est de 10 mois et 19 jours, contre 9 mois et 20 jours en 2019. En ce qui concerne les procédures accélérées, le délai moyen a été de 17 semaines au lieu de 16 en 2019.

En dépit du mouvement social engagé par les avocats en 2021 contre le recours aux ordonnances, qui a entraîné le report de près de 5 000 recours au deuxième semestre 2021 et au premier semestre 2022, le délai moyen constaté a été réduit. Il a été ramené en 2021 à 7 mois et 8 jours, contre 8 mois et 8 jours en 2020. Au 30 juin 2022, le délai moyen constaté s'élève à 6 mois et 6 jours.

Si le délai moyen de jugement de la CNDA s'est amélioré, force est de constater que le délai pour les procédures accélérées est de nouveau de 17 semaines, bien loin de l'objectif de 5 semaines fixé par le législateur. La réduction de ce délai de l'ordre de 12 semaines à échéance 3 ans semble donc assez irréaliste, comme cela a déjà été relevé par le rapporteur spécial.

b) Une priorité donnée au déstockage des affaires anciennes

La proportion des affaires enregistrées depuis plus d'un an par rapport au stock global de la CNDA est passée de 26,7 % en 2020 à 12,1 % fin 2021 , alors même que les entrées ont augmenté de 48 %.

D'ici la fin de l'année 2022, la CNDA s'est donné pour objectif principal de juger en priorité les recours les plus anciens afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'asile.

En octobre 2022, elle a lancé une nouvelle mission foraine à Mayotte dans cette perspective de déstockage. 480 demandeurs d'asile seront auditionnés sur deux semaines. 25 magistrats et agents de la Cour sont mobilisés à cette occasion, avec l'aide de deux agents du TA de Mayotte.

Enfin, de futures réformes de l'asile ont été annoncées dans le cadre du projet de loi sur l'asile et l'immigration, qui devrait être présenté à la rentrée 2023 et qui pourrait avoir une incidence sur l'organisation de la Cour. Il est en effet question de prévoir une gestion territorialisée de l'asile avec des pôles territoriaux France Asile composés d'agents déconcentrés de l'OFPRA et des chambres territoriales de la CNDA dans le ressort des CAA.


* 6 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 7 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

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