B. UNE REFONTE DES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES À EFFECTIFS CONSTANTS

1. Une montée en puissance annoncée des missions d'évaluation et de contrôle des juridictions financières
a) Une mission d'évaluation des politiques publiques fixée à terme à 20 % de l'activité des juridictions financières

L'objectif fixé par le Premier président est que l'évaluation des politiques publiques représente 20 % de l'activité d'ensemble des juridictions financières, contre 5 % aujourd'hui. Par ailleurs, 75 % de l'activité devra être dédiée au contrôle, 5 % à la mission de juger, contre 7 % actuellement pour la Cour des comptes et 10 % pour les CRTC, et enfin, de l'ordre de 1 % pour la certification.

La Cour des comptes estime que cette montée en compétences des juridictions financières en matière d'évaluation de politiques publiques nécessiterait des créations d'emplois à partir du PLF pour 2024 et pour les trois prochains exercices.

S'agissant de la mission de contrôle, la Cour a lancé en 2022 une plateforme citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles de citoyens du 9 mars au 20 mai 2022. En juillet 2022, la Cour des comptes a retenu 11 ( * ) six propositions de contrôle : « Le recours par l'État à des cabinets de conseil privé », « L'évaluation de l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale par des particuliers », « Les soutiens publics aux fédérations de chasseur », « L'école inclusive », « L'égalité homme/femme » et « La permanence des soins ». L'ensemble de ces contrôles feront l'objet de publications d'ici fin 2023, voire début 2024 pour le contrôle sur le recours aux cabinets de conseil privé.

b) Une compétence d'évaluation des politiques publiques territoriales attribuée aux chambres régionales des comptes, au volume encore incertain

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale a reconnu aux chambres régionales des comptes (CRC) 12 ( * ) une nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques territoriales . Ainsi, l'article L. 211-15 du code des juridictions financières dispose désormais que la « chambre régionale des comptes contribue, dans son ressort, à l'évaluation des politiques publiques ». Jusqu'à présent, les CRC ne pouvaient prendre part à de telles évaluations que dans le cadre d'enquêtes menées conjointement avec la Cour.

Ainsi, les exécutifs locaux peuvent saisir , de leur propre initiative ou de celle de l'organe délibérant, la CRC régionalement compétente aux fins de réaliser l'évaluation d'une politique publique relevant de la compétence des collectivités territoriales ou établissements publics auteurs de la saisine 13 ( * ) .

De plus, selon les mêmes modalités de saisine, les exécutifs locaux peuvent saisir la CRC pour avis « sur les conséquences de tout projet d'investissement exceptionnel dont la maîtrise d'ouvrage est directement assurée par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » 14 ( * ) .

Si cette nouvelle compétence a été bien accueillie par les CRC, les incertitudes quant au nombre de saisines , et donc quant à la charge de travail que celles-ci peuvent représenter pour les CRC, restent entières à ce stade. Par ailleurs, au regard des possibilités de saisine offertes par la loi, celles-ci risquent d'être exercées de façon hétérogène à raison des configurations territoriales. À titre d'exemple, la région Occitanie compte 13 départements lorsque la région Hauts-de-France n'en compte que cinq. La région Occitanie et la ville de Montpellier ont déjà fait savoir qu'elles allaient demander des évaluations.

Par suite, au regard de toutes ces incertitudes et de la difficulté à évaluer comment les collectivités se saisiront de cet outil, aucune création d'emploi n'a pour l'instant été prévue pour 2023 .

2. Une centralisation des missions juridictionnelles au profit d'une chambre contentieuse de la Cour des comptes

L'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 a créé un régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics, qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable.

En conséquence, le schéma contentieux de la responsabilité des gestionnaires publics a été unifié au profit de la 7 ème chambre de la Cour des comptes . Dans le même temps, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a été supprimée et les CRTC ont perdu leurs compétences juridictionnelles. Cette chambre juridictionnelle a été créée par le décret n° 2021-604 du 18 mai 2021 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions administratives, à partir du 1 er septembre 2021. À partir du 1 er janvier 2023, une chambre du contentieux succèdera à la 7 ème chambre, et exercera l'ensemble des compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes.

Elle sera composée à parité de magistrats de la Cour des comptes et de magistrats de CRTC , affectés à la chambre du contentieux à temps plein ou à temps partiel.

La création de cette chambre contentieuse est réalisée sous plafond et par redéploiements internes, sans moyens nouveaux . Une réévaluation sera effectuée à l'aune de la montée en charge éventuelle issue du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

Un véritable ordre juridictionnel financier nouveau est créé , avec la création d'une Cour d'appel financière, qui devrait être instituée au 1 er janvier 2023. Elle sera présidée par le Premier président de la Cour des comptes et sera composée de quatre conseillers d'État, quatre conseillers maîtres à la Cour des comptes et deux personnalités qualifiées justifiant d'une expérience supérieure à dix ans dans le domaine de la gestion publique, nommés pour cinq ans par décret du Premier ministre. L'appel sera suspensif et le juge de cassation demeure le Conseil d'État.

3. Un ajustement subséquent des indicateurs à la revalorisation de la mission d'évaluation

En 2023, les indicateurs ont été adaptés, notamment pour prendre en compte la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics . À titre d'exemple, dès lors que les CRTC perdent leurs compétences juridictionnelles et que la Cour de discipline budgétaire et financière est supprimé, l'indicateur afférent aux délais de jugement ne cible logiquement plus que la performance de la Cour des comptes.

Toutefois, la place grandissante souhaitée des missions d'évaluation de politiques publiques et de contrôle au sein de l'activité des juridictions financières pourrait se trouver en décalage avec les indicateurs actuels, plutôt centrés sur les délais . Or, le développement des missions d'évaluation va les dégrader dès lors que celles-ci requièrent des diligences structurellement plus longues et que les délais de contradiction avec les contrôlés ou les évalués qui n'ont pas été réduits.

Le rapporteur spécial souligne donc la nécessité d'enrichir les indicateurs pour qu'ils reflètent au mieux la diversité des missions des juridictions financières .


* 11 Les propositions ont été sélectionnées selon six critères : la nouveauté du thème proposé, son auditabilité ou sa faisabilité, la plus-value susceptible d'être apportée par la Cour, la popularité de la proposition, la diversité des thèmes proposés et leur adéquation aux moyens de la Cour.

* 12 La réforme ne s'étend pas aux chambres territoriales qui relèvent d'une loi organique.

* 13 Article L. 235-1 du code des juridictions financières.

* 14 Article L. 235-2 du code des juridictions financières.

Page mise à jour le

Partager cette page