SECONDE PARTIE
ANALYSE DES PROGRAMMES

I. L'ABSENCE DE MESURES NOUVELLES DANS LE PROGRAMME 219 DOIT ÊTRE L'OCCASION DE RENFORCER LA GOUVERNANCE ET L'ÉVALUATION DES POLITIQUES DU SPORT

Le programme 219 « Sport » enregistre une augmentation de 5,5 % en crédits de paiement entre 2022 et 2023. Cette progression est portée par l'action 01, « Promotion du sport pour le plus grand nombre », qui gagne 8,4 % de crédits, comme le détaille le tableau ci-après.

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

2022-2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre »

390,5

290,5

215,0

315,0

- 44,9 %

+ 8,4 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

296,6

291,9

299,1

298,7

+ 0,8 %

+ 2,3 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

26,2

28,3

+ 8,0 %

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

45,7

48,3

+ 5,7 %

Total

759,1

654,3

590,6

690,3

- 22,2 %

+ 5,5 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. LE PASS'SPORT EST UN DISPOSITIF INTÉRESSANT POUR RÉPONDRE À LA CRISE ACTUELLE, MAIS SON EFFICACITÉ DOIT ÊTRE RENFORCÉE

1. Les dispositifs d'aides à la pratique sportive ciblés sur les ménages modestes présentent un intérêt important en période d'inflation

Après plusieurs années de diminution des crédits destinés au sport hors Olympiades, les années 2021 et 2022 avaient impulsé une nouvelle dynamique à la politique de promotion du sport pour le plus grand nombre. Des crédits supplémentaires avaient été accordés à l'Agence nationale du Pass'sport, et l'introduction du Pass'sport en 2022, pour un budget de 100 millions d'euros, a joué un rôle important dans l'inversion de cette tendance.

L'année 2023 marque cependant un ralentissement de la progression des crédits destinés au « Sport pour tous ». Cette moindre augmentation du programme 219 est logique, dans la mesure où le Pass'sport n'a été introduit en lois de finances que depuis l'année dernière. Toutefois, il convient de s'assurer que les dispositifs du programme sont suffisants pour répondre à la crise actuelle .

La rentrée 2022 est en effet marquée par la crise énergétique et la poussée inflationniste, qui s'est accélérée avec la guerre en Ukraine. Ce risque ne doit pas être négligé en ce qui concerne le monde sportif : les ménages les plus exposés à l'inflation tendent à limiter les dépenses liées au sport, comme l'achat d'une licence sportive ou d'équipements, qui ne sont pas considérées comme prioritaires. D'après un sondage réalisé par Odoxa et publié le 4 septembre 2022, 24 % des Français auraient ainsi renoncé à pratiquer un sport à cause de l'inflation .

Par ailleurs, les conséquences de la crise sanitaire continuent de peser sur le monde sportif . Les associations sportives continuent de souffrir de la perte d'activité qu'elles ont connue durant cette période, et l'interruption pendant une durée longue des activités sportives a pu conduire à éloigner durablement certaines parties de la population des structures sportives.

Les aides au monde sportif durant la crise sanitaire

Les entreprises et associations du secteur sportif ont pu premièrement recourir aux différents outils de soutien mis en place par l'État (prêts garantis par l'État, fonds de solidarité, prise en charge de l'activité partielle, etc.), dont le coût total est estimé à 7,1 milliards d'euros .

Un dispositif spécifique pour le monde sportif de compensations partielles de perte d'exploitation (billetterie et restauration) a été mis en place. 107 millions d'euros de crédits ont été ouverts par le décret n°2020-1472 du 27 novembre 2020, mais le dispositif n'a été mis en oeuvre qu'en 2021. Le dispositif de compensation des pertes de billetterie a par la suite fait l'objet de 100 millions d'euros de crédits supplémentaires, pour un total de 207 millions d'euros.

De plus, les crédits de la mission « Plan de relance », qui ont représenté 122 millions d'euros pour le sport en 2021 et en 2022, avaient en partie vocation à répondre aux difficultés économiques du monde sportif liées à la crise sanitaire.

La crise sanitaire avait augmenté en 2021 le nombre de fédérations en situation financière fragile . La maquette budgétaire pour 2023 prévoit une diminution de moitié des fédérations sportives en situation financière fragile et dégradée, comme l'indique le tableau suivant :

2019 Réalisation

2020 Réalisation

2021 Réalisation

2022 Prévisions PAP

2023 Prévisions PAP

2024 Prévisions PAP

Nombre de fédérations sportives en situation financière fragile

6

6

7

10

5

4

Nombre de fédérations sportives en situation financière dégradée

5

2

6

7

4

4

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial juge optimiste la cible retenue pour 2023 . La levée des restrictions sanitaires a certes permis une reprise de l'activité sportive, mais ses conséquences continuent de peser sur la santé financière des fédérations sportives. En outre, les tensions sur le marché de l'énergie peuvent conduire à mettre en difficulté des fédérations, en particulier celles des sports d'intérieur .

Les ménages les plus touchés par l'inflation sont les plus modestes, et à ce titre, les dispositifs ciblés d'aide à la pratique sportive sont particulièrement importants. Le Pass'sport peut jouer ce rôle, mais il est nécessaire de s'assurer de son effectivité .

2. Le taux de recours du Pass'sport est trop faible, et il doit être davantage articulé avec les aides à la pratique sportive qui existent déjà

Le Pass'sport a été mis en place par le décret n° 2021-1171 du 10 septembre 2021, et la loi de finances pour 2022 l'a inscrit dans le programme 219. Le dispositif était ouvert à l'origine jusqu'au 31 novembre 2021, mais il a fait l'objet d'une prolongation jusqu'au 28 février 2022. Le dispositif est reconduit pour l'année 2023, et il est doté d'un budget de 100 millions d'euros .

Le Pass'sport

Le Pass'sport est une allocation de 50 euros par personne , versée à la rentrée scolaire, qui doit lui permettre de financer une inscription dans une association sportive de son choix. Son budget est de 100 millions d'euros en 2023.

Le dispositif s'adressait initialement aux enfants âgés de 6 à 18 ans bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé 2 ( * ) , et en 2023, il sera étendu aux étudiants boursiers et aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé jusqu'à 30 ans.

Cette aide est cumulable avec les dispositifs similaires mis en place par les collectivités territoriales et les aides de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales.

Le rapporteur spécial soutient la logique du dispositif qui peut contribuer à amener à la pratique sportive des personnes qui en sont éloignées . Le caractère ciblé du dispositif permet de limiter les effets d'aubaine, et son individualisation favorise l'accès au sport des filles. Un dispositif ciblé sur les ménages modestes est par ailleurs particulièrement pertinent dans un contexte de forte inflation.

Le dispositif a toutefois connu plusieurs difficultés au cours de la première année de sa mise en oeuvre.

Premièrement, son articulation avec les aides similaires qui existent déjà dans de nombreuses collectivités territoriales 3 ( * ) n'a souvent pas été prévue . Le rapporteur spécial alertait déjà sur ce risque l'année précédente : « Il est donc nécessaire, pour que le dispositif puisse être pleinement efficace, de préciser son articulation avec les aides similaires présentes au niveau territorial . »

La direction des sports note en effet de « fortes disparités régionales » dans le recours au dispositif, qui « s'expliquent principalement par la concurrence avec d'autres dispositifs d'aides financières directes à la pratique mis en place notamment par les collectivités locales et qui rendent déjà l'offre sportive quasiment gratuite . » 4 ( * ) Il doit être relevé également que le dispositif a fait l'objet de très peu de recours dans les régions et départements d'Outre-mer (moins de 8 %).

Deuxièmement, la communication sur le Pass'sport et l'implication des associations n'a pas été suffisante . Les acteurs locaux ont été mobilisés de manière hétérogène sur le fonctionnement du dispositif.

Dans son rapport sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sur le projet de loi de règlement pour 2021, le rapporteur spécial mettait en avant une sous-exécution importante du dispositif : « L'exécution du dispositif est nettement inférieure aux prévisions. Sur les 100 millions d'euros prévus, ont été consommés 65,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 45,8 millions d'euros en crédits de paiement . »

Environ 1 million de jeunes ont bénéficié du dispositif, ce qui représente un taux de recours de 18,3 %. Parmi ces jeunes, 37,1 % étaient des filles, et 86,4 % avaient entre 6 et 14 ans. Le secteur associatif est le premier porteur du dispositif, représentant 95,4 % des structures accueillantes, tandis que les structures marchandes composent le reste. Enfin, le football est le sport choisi par un tiers des entrants dans le dispositif.

La direction des sports a indiqué au rapporteur spécial que pour améliorer le recours au Pass'sport, il est prévu de simplifier le parcours des bénéficiaires et des structures, et d'améliorer la performance de la gestion .

De plus, un portail unique a été mis en place le 2 septembre 2022 pour faciliter le traitement des demandes, et l'information des familles sur le fonctionnement du Pass'sport et des autres dispositifs similaires mis en place par les collectivités territoriales 5 ( * ) . Ce portail unique permet de faciliter la coordination entre les services de l'État et ceux des collectivités territoriales, mais il ne résout pas le problème de l'éventuelle incompatibilité entre les différentes aides proposées. Dans ce cadre, le ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques (MSJOP) conduit en ce moment un recensement des aides analogues au Pass'sport. Ces évolutions sont saluées par le rapporteur spécial.

Pour 2023, le Pass'sport a été élargi aux jeunes âgés de 16 à 30 ans qui bénéficient de l'allocation adulte handicapé (AAH), et à l'ensemble des étudiants boursiers. L'objectif, similaire à 2022, est d'atteindre 2 millions de bénéficiaires. Le budget qui y est consacré reste cependant constant, à 100 millions d'euros.

Le rapporteur spécial est favorable à ce que les étudiants et les personnes bénéficiaires de l'AAH bénéficient du Pass'sport. Toutefois, l'élargissement de la cible du dispositif, alors que le budget est constant, rendra nécessairement plus difficile d'évaluer si le taux de recours a été amélioré ou non . Le rapporteur spécial sera donc particulièrement vigilant sur l'exécution des crédits du Pass'sport.


* 2 Certains enfants bénéficiaires de l'Allocation aux adultes handicapés ont également été concernés, dans la mesure où l'AAH peut être ouverte à partir de 16 ans si l'enfant ne bénéficie plus de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

* 3 Par exemple, la ville de Saint-Denis a mis en place en 2019 une aide nommée « Atout sport », dont les caractéristiques sont proches de celles du Pass'sport : elle vise à financer une première adhésion à un club de sport pour l'ensemble des jeunes âgés de 6 à 18 ans.

* 4 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 5 Lien du portail : https://www.pass.sports.gouv.fr/

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