C. LA MONTÉE EN CHARGE DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL EST PLUS LENTE QUE PRÉVUE, CE QUI S'EXPLIQUE PAR LES DIFFICULTÉS IMPORTANTES POSÉES PAR LE PROJET DE SA GÉNÉRALISATION

Jusqu'en 2021, le service national universel était organisé en deux phases : le séjour de cohésion, et la réalisation d'une mission d'intérêt général. La seconde phase, la mission d'intérêt général, présentait toutefois plusieurs incertitudes : sa durée n'était pas clairement déterminée, ni son caractère obligatoire ou non.

À partir de 2022, la seconde phase a été divisée en deux : un engagement obligatoire, et un engagement facultatif. Le service national universel est donc désormais découpé en trois phases :

- une première phase qui est constitué un séjour de cohésion en hébergement collectif . Pendant la durée de ce séjour, les jeunes participent à des activités collectives, et bénéficient de formations sur des sujets divers ;

- une deuxième phase d'engagement dans une mission d'intérêt général , qui doit durer un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase. Les conditions d'accueil du volontaire dans une structure sont cadrées par un contrat d'engagement ;

- une troisième phase d'engagement volontaire , qui dure au minimum trois mois , et qui s'articule avec d'autres dispositifs de volontariat, comme les réserves opérationnelles des armées et de la gendarmerie nationale, et surtout le service civique.

Cette nouvelle organisation a le mérite de clarifier le fonctionnement de l'ancienne phase 2 du service national universel. Toutefois, elle soulève également des questions.

La seconde phase, l'engagement volontaire, est réduite à une durée inférieure à deux semaines. Or, les associations privilégient les engagements sur une durée plus longue : plusieurs mois sont nécessaires pour former un jeune, et qu'il puisse s'impliquer réellement dans le fonctionnement et la vie de l'association. Pour cette raison, il est particulièrement difficile de mobiliser les organismes d'accueil pour créer et développer les missions d'intérêt général.

Les crédits inscrits pour le service national universel connaissent une hausse de 27,3 % par rapport à l'année dernière, pour atteindre 140 millions d'euros. L'objectif est que 64 000 jeunes accomplissent le service national universel en 2023.

En 2022, la cible était de 50 000 jeunes en 2022, pour un budget de 110 millions d'euros. 40 000 jeunes ont finalement effectué le séjour de cohésion. Il n'y a pas encore d'estimation du coût effectif par jeune du séjour de cohésion en 2022.

Cibles et nombre de jeunes ayant effectivement
réalisé le séjour de cohésion

Année

Objectif

Réalisation

2019

Entre 2 000 et 3 000

1 941

2020

20 000

0 20 ( * )

2021

25 000

14 653

2022

50 000

32 416

2023

64 000

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La différence entre les objectifs et le nombre de jeunes en 2022 a été justifiée par la DJEPVA par la poursuite des restrictions sanitaires au début de l'année, ainsi que par des difficultés rencontrées pour leur transport .

Le déploiement du service national universel se fait à un rythme plus lent que prévu . La crise sanitaire a certes conduit à reporter de plusieurs années les objectifs de généralisation, mais avec la fin de l'essentiel des restrictions sanitaires, la trajectoire initiale aurait dû en théorie être reprise à partir de 2023.

En 2019, il était en effet prévu que le Service national universel concerne 20 000 jeunes pour 2020, 150 000 pour 2021, 400 000 pour 2022, avant d'être généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire environ 800 000 jeunes.

La trajectoire initiale était manifestement surévaluée, même sans tenir compte de la crise sanitaire . Les contraintes d'organisation du service national universel ne sont pas compatibles avec une généralisation aussi rapide du dispositif. Les centres pouvant accueillir les jeunes effectuant le séjour de cohésion sont en nombre limité, il est difficile de recruter des encadrants, et la construction d'une administration du service national universel prend du temps.

Les témoignages des acteurs du service national universel mettent tous en avant que la cible de 50 000 jeunes en 2022 représente déjà une limite en termes de centres d'hébergement disponibles et de logistique .

Pour toutes ces raisons, le rapporteur spécial doute de la faisabilité d'une généralisation du service national universel en l'état actuel du dispositif .

Le service national universel présente un intérêt parmi les politiques d'engagement de la jeunesse, et le rapporteur spécial a pu constater l'engagement des équipes pour offrir aux jeunes un séjour de qualité . Les données disponibles montrent par ailleurs que les jeunes sont majoritairement satisfaits de l'expérience 21 ( * ) . Toutefois, s'il devait être maintenu, le service national universel devrait rester limité à un public de quelques dizaines de milliers de jeunes volontaires, comme c'est le cas actuellement .

La généralisation du service national universel présente également des enjeux financiers importants . Le coût prévisionnel par jeune est de 2 187,5 euros pour 2023. En faisant l'hypothèse d'un coût par jeune inchangé, la généralisation du service national universel à l'ensemble d'une classe d'âge (800 000 jeunes) coûterait 1,75 milliard d'euros chaque année .

Ce coût doit être considéré comme une hypothèse basse . Le passage d'une cible de 50 000 à 800 000 jeunes n'est pas seulement une question de moyens supplémentaires, mais implique une réorganisation complète de la logistique et de l'administration du service national universel. Le passage d'un public de volontaires à un régime obligatoire ajoute également de nombreuses contraintes en termes d'encadrement. Les éventuelles économies d'échelle ne seront sans doute pas suffisantes pour compenser les surcoûts .

Avant de poursuivre davantage la montée en puissance du service national universel, le rapporteur spécial invite donc à réfléchir sur l'opportunité de sa généralisation .


* 20 La pandémie a conduit à l'annulation du Séjour de cohésion. En revanche, 7 000 jeunes ont participé au service national universel au titre de la seule Mission d'intérêt général.

* 21 D'après le rapport de l'INJEP de janvier 2022, 9 jeunes sur dix se déclarent satisfaits du séjour.

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