B. UNE HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2023, PRINCIPALEMENT LIÉE À L'INDEXATION DES PRESTATIONS SOCIALES SUR L'INFLATION

1. Des évolutions de périmètre limitées

La mission est affectée à la marge par des mouvements de périmètre et de transferts représentant un montant global de 140,7 millions d'euros en AE et en CP.

Le programme 304 comporte une mesure de périmètre de 138 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre de l'expérimentation de recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) dans les Pyrénées orientales (voir infra ).

Le programme 137 comporte deux mesures de transferts sortants représentant un total de 225 750 euros , au titre de la contribution au contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane, transférée sur le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (200 000 euros en AE et CP) et des crédits consacrés au financement du fonctionnement courant des directions régionales aux droits des femmes et à l'égalité (DRDFE) ultramarines, transférés sur le programme 354 « Administration générale et territoriale de l'État ».

Le programme 124 comporte également différentes mesures de transferts sortants représentant un total de 637 026 euros. Enfin, il comprend un transfert entrant de 157 939 euros correspondant aux crédits de fonctionnement de la direction de la cohésion sociale, du travail, de l'emploi et des populations (DCSTEP) de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'une mesure de périmètre positive à hauteur de 1 531 521 euros en AE et CP, dans le cadre de la redéfinition de l'imputation des dépenses de fonctionnement liées à la lutte antivectorielle (LAV) dans les ARS de Guadeloupe, Mayotte et la Réunion.

La recentralisation du RSA
en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales

L'article 43 de la loi de finances initiale pour 2023 permet aux départements qui le souhaitent d'expérimenter, pendant cinq ans, une recentralisation du RSA. L'État assure alors le financement du RSA ainsi que l'instruction, l'attribution et le service de cette prestation qui seront exercés par délégation par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Les départements conservent donc la compétence liée à l'orientation ainsi que celle liée à l'insertion. En contrepartie, l'État bénéficie d'un droit à compensation calculé sur la base de la moyenne des dépenses de RSA sur la période 2018-2020, financée par la reprise aux départements des ressources qui avaient été transférées en compensation du transfert de compétence RSA, complétées par certaines ressources tirées du produit des droits de mutation à titre onéreux, de la dotation globale de fonctionnement et le cas échéant de la fraction de TVA perçue en compensation de la perte de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Au moment de l'élaboration de la loi de finances pour 2022, seul le département de la Seine-Saint-Denis avait officiellement manifesté sa volonté de participer à cette expérimentation. Ainsi, le montant de l'enveloppe budgétaire en PLF 2022 était de 564,9 millions d'euros .

La première loi de finances rectificative pour 2022 a quant à elle prévu une ouverture de crédits à hauteur de 149,4 millions d'euros pour financer l'entrée dans l''expérimentation du département des Pyrénées-Orientales.

L'objectif de l'expérimentation est d'analyser si, sans supporter la gestion et le financement du RSA, les départements pourront accroitre l'efficacité de l'orientation et de l'insertion des bénéficiaires du RSA dans l'emploi. Ils s'engagent ainsi à renforcer leur politique d'insertion, au travers d'une convention signée avec l'État qui fixe les modalités de suivi ainsi que les engagements du département en matière d'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Les accords conclus avec les départements de Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales fixent les engagements des parties en matière d'insertion en mettant en place des indicateurs de suivi ainsi qu'une gouvernance au niveau départemental. Ceux-ci doivent permettre d'apprécier de façon concertée les résultats atteints et les mesures correctrices éventuellement nécessaires.

Grâce aux moyens financiers dégagés par la recentralisation du financement du RSA, les départements se sont engagés à augmenter leurs dépenses d'insertion (+ 23 millions d'euros à horizon 2026 en Seine-Saint-Denis et + 24 millions d'euros dans les Pyrénées-Orientales).

En 2023, le financement du RSA recentralisé dans ces deux départements représenterait une dépense brute de 1,5 milliard d'euros pour l'État.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. À périmètre constant, les crédits de la mission connaîtraient une hausse de 8 % en 2023

À périmètre constant, les crédits de la mission connaissent entre 2022 et 2023 une progression de 1,8 milliard d'euros en AE (+ 6,6 %) et de 2,2 milliards d'euros en CP (+ 8 %).

Évolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021 (hors P371)

LFI 2022

PLF 2023 courant

PLF 2023 constant

Evolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Evolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

48,5

47,4

54,5

54,7

+ 7,3

+ 15,4

0

CP

41,9

50,6

57,7

57,9

+ 7,3

+ 14,4

0

157 - Handicap et dépendance

AE

12 833,0

13 237,2

14 082,2

14 082,2

+ 845,0

+ 6,4

0

CP

12 831,9

13 238,5

14 083,5

14 083,5

+ 845,0

+ 6,4

0

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

AE

1 141,0

1 578,2

1 237,6

1 236,6

- 341,6

- 21,6

11,2

CP

1 176,5

1 213,0

1 332,3

1 331,3

+ 118,3

+ 9,8

11,2

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

12 428,4

13 144,3

14 469,7

14 331,6

+ 1 187,3

+ 9,0

0

CP

12 425,8

13 144,3

14 469,7

14 331,6

+ 1 187,3

+ 9,0

0

Total mission

AE

26450,9

28 007,1

29 844,0

29 705,1

+ 1 698,0

+ 6,1

11,2

CP

26476,1

27 646,4

29 943,2

29 804,3

+ 2 157,9

+ 7,8

11,2

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits. La différence entre les montants courants et constants correspond aux évolutions de périmètre présentées dans le PAP et détaillées ci-dessus. Les différences et pourcentages correspondent à l'évolution en termes constants.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les principaux facteurs de la hausse des crédits de paiement demandés en PLF 2023 sont :

- les revalorisations, notamment anticipées, de prestations sociales (AAH, prime d'activité, RSA) : 1,6 milliard d'euros ;

- la déconjugalisation de l'AAH , effective à compter du 1 er octobre 2023 : 93 millions d'euros ;

- la mise en place du nouveau fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires : 60 millions d'euros ;

- la mise en oeuvre des revalorisations décidées lors de la conférence des métiers (Ségur médico-éducatif) en faveur des personnels de la protection juridique des majeurs : 62 millions d'euros ;

- l' impact de la hausse du Smic sur la rémunération des personnes handicapées travaillant en ESAT conduit à une hausse des crédits de l'aide au poste pour la garantie de ressource des travailleurs handicapés (GRTH) : 87 millions d'euros ;

- l' accompagnement financier des départements au titre de la mise en oeuvre de la nouvelle obligation de prise en charge des jeunes majeurs à l'aide sociale à l'enfance : 50 millions d'euros ;

- la hausse de la subvention pour charges de service public (SCSP) aux Agences régionales de santé (ARS) permettant notamment de financer des renforts d'emplois au sein de l'inspection de contrôle des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour la préparation des Jeux Olympiques de Paris 2024 : 22,5 millions d'euros ;

- la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » : 7,3 millions d'euros.

Décomposition de la hausse des crédits de la mission en PLF 2023
à périmètre constant (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

3. Une hausse des emplois rémunérés par la mission, liée à la volonté de pérenniser la capacité de réaction du ministère face aux crises

Les dépenses de personnel représentent 416,7 millions d'euros en PLF 2023, soit une augmentation de 7,6 % par rapport au PLF 2022. Ces crédits ne représentent que 1,4 % des CP de la mission, qui est essentiellement composée de dépenses d'intervention. Il est à noter que l'ensemble des crédits du T2 sont ouverts sur le programme support 124.

Évolution du plafond d'emploi à périmètre constant depuis 2019
(base 2023, hors opérateurs)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Depuis 2019, le plafond d'emplois de la mission (hors opérateurs) a diminué de 165 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à périmètre constant. Après une phase de diminution des effectifs entre 2018 et 2021, décidée dans un souci de maîtrise de la dépense publique, on observe néanmoins une hausse du plafond d'emplois à périmètre constant depuis la LFI 2022 (+ 143 ETPT), notamment imputable à une nouvelle hausse du schéma d'emplois prévu pour 2023 (+ 53 ETP) après celle constatée en 2022.

Ces hausses ont notamment permis de renforcer les équipes d'appui à la cellule de crise sanitaire , ainsi que de couvrir les besoins du nouveau Conseil stratégique des industries de santé. En effet, de l'aveu même du ministère des solidarités et de la santé, « la crise sanitaire due au coronavirus en 2020 a montré que le programme 124 ne pouvait plus diminuer ses effectifs » 12 ( * ) . Dans le cadre du schéma d'emploi 2022, 45 ETP sont ainsi consacrés au « réarmement » des services des ministères sociaux, en « soclant » une partie des renforts temporaires recrutés durant la pandémie de covid-19 afin de renforcer de façon pérenne les compétences de gestion de crise.

4. Focus : la poursuite du renforcement des crédits dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes, mais une transparence des crédits à améliorer

Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Ce programme intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.

Dans un rapport publié en juillet 2020 et intitulé : « Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes » 13 ( * ) , les rapporteurs spéciaux ont dressé deux principaux constats :

- d'abord celui d' une politique publique budgétairement contrainte, souffrant d'un morcellement des crédits, qui nuit à la lisibilité et à l'efficacité de mesures mises en oeuvre ;

- ensuite, celui d' une politique insuffisamment portée et inégalement appliquée sur le territoire . L'administration et les associations, véritables pivots de cette politique, ne sont pas assez outillées, ni dotées pour mener à bien une politique, dont les demandes et les enjeux sont grandissants et qui requiert une capacité d'action interministérielle.

Les rapporteurs spéciaux relèvent la poursuite de l'augmentation des crédits en 2023. Les crédits demandés s'élèvent en effet à 54,5 millions d'euros en AE (soit une augmentation de 15 % par rapport à la LFI 2022) et 57,7 millions d'euros en CP (soit une hausse de 14 % par rapport à 2021).

Le financement par le programme 137 des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes s'élève en PLF 2023 à 29,2 millions d'euros en AE et 32,4 millions d'euros en CP. Les crédits auraient ainsi connu une progression de 140 % (+ 18,9 %) entre 2019 et 2023.

Évolution des crédits destinés spécifiquement à la lutte
contre les violences faites aux femmes

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Crédits ouverts en LFI

13,7

13,5

13,5

13,8

29,5

22,3

24,9

28

29,2

32,4

Crédits consommés

13,9

13,3

19,9

20,1

32,1

25,5

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Cette hausse des crédits s'explique notamment par le financement de de deux mesures du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019 :

- l'ouverture de 30 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA) , financés à hauteur de 5,9 millions d'euros par le programme 137 en PLF 2023, qui, dans une logique de prévention des violences, ont permis l'accompagnement de 6 000 auteurs de violence en 2021. En termes d'affichage, les associations entendues ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 - qui devrait être dédié uniquement aux victimes - et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relève dans la majorité des cas de décisions judiciaires (92 %) ;

- le financement du passage, depuis 2021, à un fonctionnement 24h/24 et 7j/7 de la plateforme d'écoute « 39.19 - Violences femmes infos » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes FNSF) , à laquelle serait attribuée une dotation dédiée de 2,9 millions d'euros en 2023. Cette extension permet notamment de renforcer son accessibilité pour les femmes victimes outre-mer. En 2021, le taux de réponse est de 75 %, ce qui constitue un progrès par rapport aux années précédentes mais reste inférieur à la cible (85 %). Des difficultés subsistent en matière de recrutement et de formation des écoutantes, qui doivent de surcroît traiter un trafic d'appels très soutenu (149 794 appels en 2021, soit 54,7 % de plus qu'en 2019).

Il convient également de noter la légère augmentation de l'enveloppe allouée à l'aide financière pour l'insertion sociale (AFIS) destinée aux personnes en parcours de sortie de prostitution (+ 0,3 million d'euros). Le dynamisme du dispositif, avec un quasi-triplement du nombre de bénéficiaires entre 2018 et 2021 (passage de 108 à 456) témoigne d'un meilleur accès aux droits et accompagnement des personnes en parcours de sortie de la prostitution. Le montant de l'AFIS (363 euros en moyenne) reste très faible, et insuffisamment incitatif à l'engagement dans un tel parcours.


* 12 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 13 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.

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