II. L'IMPORTANTE DYNAMIQUE CONSTATÉE DES CRÉDITS DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » SUR LES DERNIÈRES ANNÉES EST RÉVÉLATRICE DE NOS FRAGILITÉS

A. LA SUCCESSION DE DISPOSITIFS D'URGENCE NE FAIT PAS UNE POLITIQUE SOCIALE

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se caractérisent par un taux de croissance annuel moyen très élevé (10 %).

Comme l'illustre le graphique ci-après, cette dynamique est largement liée à la mobilisation de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale .

L'augmentation à 90 euros du bonus individuel de la prime d'activité avait ainsi constitué en 2019 l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Cette mesure représente un coût annuel pérenne d'environ 4,4 milliards d'euros.

L'exercice 2020 avait ensuite été marqué par le financement d'une série de mesures d'urgence en réponse à la crise sanitaire, avec l'ouverture de 2,7 milliards d'euros en lois de finances rectificatives , au premier rang desquelles les aides exceptionnelles de solidarité (AES) en faveur des ménages modestes (1,9 milliard d'euros) , ainsi qu'un plan d'urgence en faveur de l'aide alimentaire (94 millions d'euros), de l'aide sociale à l'enfance (50 millions d'euros) et de lutte contre les violences conjugales dans le contexte des confinements (4 millions d'euros).

Dans le contexte de la forte poussée inflationniste, particulièrement sensible sur les produits énergétiques, amorcée à l'automne 2021 et intensifiée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 , la mission a permis le financement de plusieurs mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat des ménages.

La seconde loi de finances rectificative pour 2021 9 ( * ) a d'abord prévu une indemnité inflation de 100 euros devant être versée à toute personne percevant moins de 2 000 euros de revenu net mensuel 10 ( * ) . Cette indemnité exceptionnelle a concerné 38 millions de personnes et représenté un coût de 3,8 milliards d'euros pour l'État, dont 3,2 milliards financés sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » au titre de la compensation des caisses de sécurité sociale chargées du remboursement de l'indemnité versée par les employeurs aux salariés du secteur privé.

Les crédits ouverts en cours d'année au titre de la
loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 ont ensuite permis le financement d'une aide exceptionnelle de rentrée destinée aux ménages les plus modestes bénéficiaires des minima sociaux et de la prime d'activité, représentant un coût de 1,2 milliard d'euros. Mise en oeuvre par le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, bénéficiant aux allocataires des minima sociaux 11 ( * ) , celle-ci a été fixée à 100 euros, auxquels s'ajoutent 50 euros par enfant à charge effective et permanente . Elle concerne environ 10 millions de foyers. Pour les bénéficiaires de la seule prime d'activité, le montant de l'aide s'élève à 28 euros, majoré de 14 euros par enfant à charge.

Évolution des crédits de la missionà périmètre courant entre 2018 et 2023 (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La nécessité d'inscrire sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », chaque année depuis 2019, des dépenses nouvelles visant à répondre à des situations d'urgence sociale est révélatrice d'un problème de fond . Après les deux AES « Covid » et l'indemnité inflation, l'aide exceptionnelle de rentrée pour 2022 est donc le quatrième dispositif ponctuel mis en place en un peu plus de deux ans. Par-delà les aléas conjoncturels, cette « politique du chèque », qui permet juste aux plus pauvres de nos concitoyens de passer le mois en cas de crise aigüe sans leur donner la moindre perspective, traduit la vulnérabilité de notre modèle social et l'impuissance dans laquelle sont plongées nos politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Le budget de l'État ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles : le chômage - en particulier le chômage de longue durée et le chômage des jeunes -, le sous-emploi et la faiblesse des salaires.


* 9 Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 10 Conformément à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 et au décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021

* 11 Bénéficiaires d'une aide personnelle au logement (APL), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite (AER), du revenu de solidarité active (RSA), du revenu de solidarité (RSO), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et des anciennes allocations du minimum vieillesse, de l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (AVFS), de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et de l'allocation simple pour personnes âgées.

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