Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Jean Pierre VOGEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 29b

SÉCURITÉS
(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS QUI TRADUIT L'ACCCÉLÉRATION DU RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS, PORTÉE PAR LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE D'HÉLICOPTÈRES « DRAGONS »

Pour 2023, les crédits demandés sur le programme 161 « Sécurité civile » s'élèvent à près d' 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), et à 640,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , contre respectivement 678 et 568,1 millions d'euros en LFI 2022.

Évolution des crédits de paiement du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2022 (LFI)

CP 2022 (LFI)

AE 2023 (PLF)

CP 2023 (PLF)

Variation AE 2023/2022

Variation CP 2023/2022

11 - Prévention et gestion de crises

35,5

37,7

69,2

48,2

94,9

28

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

490,4

378

815,1

413,1

66,2

9,3

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

140,9

141,3

171 ,4

164,8

21,7

16,7

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

11,2

11,2

14,4

14,4

28,4

28,4

Total

678

568,1

1070

640,6

57,8

12,8

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des AE résulte en grande partie de la commande de 36 hélicoptères destinées à compléter et renouveler la flotte actuelle de « Dragons ».

La hausse des CP , plus modeste, est en revanche portée par l'ensemble des postes de dépenses. Cette augmentation résulte de l'augmentation des dépenses de fonctionnement liées au décaissement des crédits afférant au marché de maintenance des aéronefs renouvelé l'année dernière , aux dépenses d'investissement induites par le paiement de la livraison du sixième et dernier Dash commandé en 2018 , et au dynamisme de certaines dépenses d'intervention telle que la contribution de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

Évolution des crédits de paiement entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

B. UN EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ CIVILE QU DEVRAIT SE POURSUIVRE DANS LES PROCHAINS EXERCICES BUDGÉTAIRES

Les prévisions budgétaires triennales indiquent que le montant des autorisations d'engagement devrait passer de près d'1,1 milliard d'euros à 632 millions entre 2023 et 2025 , soit une baisse de 40,9 %, en trompe-l'oeil, puisqu'elle s'explique par le fait que l'année 2023 sera marquée par un engagement exceptionnel de crédits en raison du renouvellement de la flotte de « Dragons ».

La hausse anticipée des CP entre 2023 et 2025 est révélatrice de l'effort consenti par l'État en faveur de la sécurité civile, et plus particulièrement du renouvellement de la flotte aérienne qui se traduit par l'augmentation de 42,5 % des dépenses d'investissement sur cette période .

C. UN DÉFAUT DE VISIBILITÉ SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME

Les montant des crédits demandés dans la programmation initiale doit être nuancé, dans la mesure où il ne prend pas en compte les annonces récentes du président de la République, qui se sont traduites par l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale majorant de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP les crédits du programme. Si ces annonces peuvent être saluées à certains égards, le fait qu'elles interviennent en plein examen du budget entrave la lisibilité des crédits du programme , d'autant plus que certaines mesures annoncées ne sont retranscrites ni dans le PLF pour 2023, ni dans le texte issu de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Il convient en outre de rappeler que le budget du programme 161 ne contribue depuis plusieurs années que minoritairement aux dépenses bénéficiant à la sécurité civile . La suppression du document de politique transversale par l'Assemblée nationale lors du PLF pour 2022 constitue à cet égard une réduction de l'information du Parlement particulièrement regrettable.

II. LA SAISON DES FEUX 2022 A SOULIGNÉ LA NÉCESSITÉ POUR L'ÉTAT DE RENFORCER LES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE, AINSI QUE SON SOUTIEN AU FINANCEMENT DE L'INVESTISSEMENT DES SDIS

A. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT CONSACRÉE AU FINANCEMENT DES SDIS, QU'IL CONVIENT TOUTEFOIS DE NUANCER

Le financement de la sécurité civile repose en grande partie sur les dépenses locales. En effet, les dépenses du budget consolidé des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), financé quasi-intégralement par les collectivités territoriales, se sont élevées à 5,4 milliards d'euros en 2021 . L'année 2023 devrait être marquée par une augmentation des dépenses de l'État en faveur des SDIS, dont l'ampleur doit toutefois être nuancée.

L'année 2023 marquera ainsi le renouvellement bienvenu de la dotation de soutien à l'investissement structurant des SIS (DSIS²), par l'intermédiaire de pactes capacitaires. Ils auront vocation à favoriser la concrétisation, dans le cadre de cofinancements paritaires entre l'État et collectivités, de projets d'investissement visant à combler une faiblesse capacitaire identifiée au niveau de chaque zone de défense et de sécurité. Les moyens financés seraient ensuite mutualisés entre les SDIS d'une même zone.

La budgétisation initiale prévoyait un montant très faible de 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP. Dans la lignée des annonces présidentielles, 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP se sont ajoutés à cette enveloppe . Cet abondement de crédit s'inscrit toutefois dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il s'agit donc en réalité d'un reversement du produit d'une recette qui bénéficiait déjà aux principaux financeurs des SDIS que sont les collectivités territoriales, et dont le Gouvernement s'était déjà engagé à compenser la suppression.

Par ailleurs, l'augmentation des dépenses de l'État en faveur des SDIS résulte en très grande partie du dynamisme de dépenses d'intervention sur lesquelles il n'a par définition aucune marge de manoeuvre, comme l'illustre l'augmentation de 9 % de la contribution de l'État au budget de la BSPP , et la hausse de 49 % de sa contribution au volontariat des sapeurs-pompiers .

B. SI L'ACQUISITION DE NOUVEAUX APPAREILS AÉRIENS EST PARTICULIÈREMENT BIENVENUE, ELLE DOIT TOUTEFOIS S'INSCRIRE DANS LE CADRE D'UNE STRATÉGIE MULTIDIMENSIONNELLE DE GESTION DE LA FLOTTE

Composition de la flotte aérienne de la sécurité civile

Type de véhicule

Quantité

Vieillissement moyen

Avions Canadair

12

25 ans

Avions Dash 8

5

21 ans et 6 mois pour les MR et 3 ans pour les MRBet livrés récemment

Avions Beechcraft King 200

3

38 ans

Hélicoptères EC145

33

17 ans

Hélicoptères H145 D3

2

9 mois

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Comme évoqué supra , l'année 2023 sera marquée par l'engagement du renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères «Dragons » , dans le cadre de la loi de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), et qui représente 471,6 millions d'euros en AE dans le PLF pour 2023, soit environ 13 millions d'euros par appareil commandé. Si la flotte actuelle est quasi-exclusivement utilisée pour des opérations de secours à la personne, les appareils nouvellement commandés devraient disposer d'une capacité de largage d'eau importante, et pourront ainsi être utilisés dans le cadre de la lutte contre les feux. Le budget pour 2023 prévoit également 7 millions d'euros destinés à la location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau , dont le montant apparait toutefois assez faible au regard des annonces présidentielles de location de 10 appareils de ce type en 2023.

Le renouvellement de la flotte de Canadair vieillissants, et son extension à hauteur de 16 appareils, est aujourd'hui acté, mais s'inscrit dans une temporalité incertaine . La chaîne de production de cet appareil vient seulement d'être relancée par le producteur, qui attendait un nombre de commandes suffisant pour engager les investissements initiaux . La France pourrait dès lors espérer disposer d'ici 2027 de deux appareils financés à 90 % par l'Union européenne dans le cadre du dispositif RescUE , ainsi que deux appareils supplémentaires en option, dont le coût unitaire serait par ailleurs estimé entre 35 et 37 millions d'euros, pour compléter la flotte existante. Il est en revanche peu probable, contrairement à ce qui a été indiqué dans les annonces présidentielles, que l'intégralité des 12 Canadairs vieillissants puisse être renouvelée à cet horizon, compte tenu des délais de production et de livraison.

La lutte contre les feux de forêts ne peut par ailleurs être envisagée sous le seul prisme capacitaire, et doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie multidimensionnelle. Elle doit notamment porter sur le renforcement des moyens humains nécessaires au fonctionnement opérationnel de la flotte . Le rapporteur spécial constate à cet égard un déficit d'attractivité du métier de pilote de la sécurité civile, impliquant des difficultés de recrutement regrettables dans un contexte d`extension à venir de la flotte. En ce qui concerne la question des infrastructures, l'ouverture d'une seconde base aérienne de la sécurité civile devrait être , à juste titre, écartée par le Gouvernement, au profit de l'extension d'actuelle de la base aérienne de Nîmes.

C. L'AVANCÉE DES PROJETS DE MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE EST CONTRASTÉE

Le projet NexSIS est cette année doté d'une enveloppe de 9,9 millions d'euros, soit 2,9 millions de plus qu'en 2022. L'agence du numérique de la Sécurité civile (ANSC), chargée de sa conception et son déploiement, est confrontée à des difficultés engendrant un retard de nature à fragiliser l'adhésion des SDIS au projet, dont le modèle économique repose notamment sur leurs contributions volontaires. Le déploiement du projet, qui devrait enfin être effectif cette année, devra en outre s'accompagner d'un accompagnement accru de l'État, au travers notamment du relèvement du plafond d'emplois de l'ANSC.

Certains projets, non retracés dans le programme 161, font par ailleurs l'objet d'une attention particulière du rapporteur spécial. Le projet FR Alert , volet « mobile » du système d'alerte et d'information des populations, financé à hauteur de 3 millions sur la mission « Plan de relance », est désormais opérationnel et a vocation à s'étendre à l'ensemble du territoire . Une enveloppe de 5 millions d'euros est également prévue pour financer la mise en oeuvre de l'expérimentation d'une plateforme unique d'appel des numéros d'urgence.

Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Sécurités ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

Au 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 83 % des réponses.

ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS QUI TRADUIT L'ACCÉLÉRATION DU RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE

La dotation inscrite en PLF pour 2023 s'élève à près d' 1,07 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 640,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , contre respectivement 678 millions d'euros et 568,1 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2022.

Les crédits alloués au programme sécurité civile font donc l'objet d'une augmentation substantielle de 57,8 % en AE et 12,8 % en CP par rapport à la LFI pour 2022.

Évolution des crédits de paiement du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2022 (LFI)

CP 2022 (LFI)

AE 2023 (PLF)

CP 2023 (PLF)

Variation AE 2023/2022

Variation CP 2023/2022

11 - Prévention et gestion de crises

35,5

37,7

69,2

48,2

94,9

28

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

490,4

378

815,1

413,1

66,2

9,3

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

140,9

141,3

171 ,4

164,8

21,7

16,7

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

11,2

11,2

14,4

14,4

28,4

28,4

Total

678

568,1

1070

640,6

57,8

12,8

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les montants présentés dans le projet de loi de finances pour 2023 doivent cependant être relativisés puisqu'ils ne traduisent pas les annonces formulées par le président de la République le 28 octobre 2022, en réaction à la saison des feux exceptionnelle de l'été 2022. Ces annonces se sont traduites par un amendement déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, puis repris dans le texte transmis à l'issue de l'engagement de sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui a majoré de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions en CP les crédits du programme, les portant ainsi à près d'un 1,2 milliard d'euros en AE et 678,1 millions d'euros en CP.

1. Une augmentation des autorisations d'engagement qui résulte du renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons »

La hausse des AE est en très grande partie portée par les dépenses d'investissement. Celles-ci s'élèvent à 550 millions d'euros en AE, ce qui représente une augmentation de près de 1 352 % par rapport aux 37,9 millions d'euros ouverts en LFI pour 2022.

Cet écart considérable est la traduction de la concrétisation du renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères Dragons EC145 dans le cadre de la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI).

La hausse des AE s'explique également par le dynamisme des dépenses d'intervention , résultant à la fois de l'augmentation de la participation de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui passe de 96,2 millions d'euros à 104,9 millions d'euros, et de sa contribution au volontariat des sapeurs-pompiers, à hauteur de 25 millions d'euros, contre 16,7 millions d'euros en LFI pour 2022.

Cette hausse est toutefois légèrement atténuée par la baisse conséquente des dépenses de fonctionnement en AE (- 48,8 %), qui s'explique par le fait que le renouvellement pluriannuel du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs de la sécurité civile ait été effectué l'année dernière. Le renouvellement de ce marché avait conduit à l'engagement en LFI pour 2022 d'un montant d'AE exceptionnellement élevé en fonctionnement sur cet exercice, et permet donc de justifier l'écart conséquent avec les montants demandés en LFI pour 2023.

Évolution des autorisations d'engagement entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

2. Une hausse des crédits de paiement plus modeste mais non négligeable, portée par l'ensemble des postes de dépenses

La hausse des CP de 12,8 % entre la LFI 2022 et la programmation budgétaire pour 2023 est portée par l'ensemble des postes de dépenses.

Cette hausse est, comme pour les AE, d'abord portée par les dépenses d'investissement, qui augmentent de 22 % entre la LFI pour 2022 et le PLF pour 2023. La hausse des CP d'investissement est bien plus modeste que celles des AE, dans la mesure où les crédits engagés pour la commande d'hélicoptères « Dragons » ne seront que très partiellement décaissés en 2023. En effet, 18,4 millions de CP seront consommés sur les 471,6 millions engagés. Le dynamisme des CP est toutefois soutenu en investissement par le paiement du solde de la commande des six avions Dash , entamée en 2018 et qui s'achèvera en juin 2023 avec l'engagement de 43,1 millions d'euros au titre de la livraison du dernier appareil.

La hausse des CP s'explique également par le dynamisme des dépenses de fonctionnement ( + 14,5 % par rapport à la LFI pour 2022), qui résulte mécaniquement de la dynamique de décaissement des crédits engagés en LFI pour 2022 au titre du renouvellement du marché de MCO des aéronefs, pour un total de 88,6 millions d'euros de CP en PLF pour 2023 contre 84,55 millions en 2022. Elle est également soutenue par le dynamisme des dépenses de carburant des aéronefs (12,3 millions d'euros contre 11,5 millions d'euros en LFI pour 2022) et de produit retardant (4,6 millions d'euros contre 4,2 millions en LFI pour 2022).

Cette hausse résulte enfin, comme c'est le cas pour les autorisations d'engagement, du dynamisme des dépenses d'intervention relatives à la participation de l'État au budget de la BSPP et à sa contribution au volontariat des sapeurs-pompiers.

Évolution des crédits de paiement entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

3. Une hausse des dépenses de personnel, traduisant des mesures de revalorisation salariale et un schéma d'emplois positif

Les dépenses de personnel prévues dans le PLF pour 2023 s'élèvent à 201,8 millions d'euros en AE et en CP, contre 190,3 millions d'euros ouverts en LFI pour 2022.

Évolution des dépenses de personnel entre 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Crédits de titre 2

LFI 2022

PLF 2023

dont CAS Pensions

53,7

56

Total hors CAS pensions

136,7

145,8

Total titre 2

190,3

201,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Cette hausse de 6 % s'explique essentiellement, selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) par des mesures visant à renforcer l'attractivité des métiers de la sécurité civile. Des efforts devraient plus particulièrement être réalisés pour les personnels navigants, traduisant ainsi certains des engagements du ministère de l'intérieur dans le protocole signé en juillet 2022 avec les syndicats des personnels navigants, en réaction à un mouvement de grève des pilotes de la sécurité civile (voir supra ).

Ainsi, l'augmentation des dépenses de titre 2 en PLF pour 2023 s'explique par plusieurs mesures de revalorisation salariales :

- la revalorisation du point d'indice ;

- la nouvelle politique de rémunération des militaires ;

- des mesures « bas salaires » au titre de la revalorisation de l'indice minimum de traitement ;

- la revalorisation de la grille indiciaire et la mise en oeuvre du protocole des personnels navigants du groupement « hélicoptères » et du groupement « avion » de la sécurité civile.

Le plafond d'emplois et le schéma d'emplois ont en outre été augmentés dans ce PLF pour 2023. Ils sont ainsi respectivement fixés à 2 476,3 ETPT et à + 17 ETP . Dans le cadre de la LOPMI, un effort de 238 emplois supplémentaires serait prévu sur la période 2023-2027 , intégrant notamment une hausse des plafonds d'emploi de l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), opérateur en charge de la mise en oeuvre du projet NexSIS 18-112.

B. UN EFFORT DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ CIVILE QUI DEVRAIT SE POURSUIVRE DANS LES PROCHAINS EXERCICES BUDGÉTAIRES

1. Les autorisations d'engagement du programme 161 devraient fait l'objet d'une baisse en trompe-l'oeil d'ici 2025

Les documents budgétaires permettent de disposer cette année d'une visibilité sur les prévisions triennales de dépenses du programme. Entre 2023 et 2025, le montant des autorisations d'engagement devrait passer de près d'1,1 milliard à 632 millions d'euros, soit une baisse notable de près de 40,9 %.

Cette baisse, particulièrement importante en apparence, doit toutefois être relativisée par le fait que les variations des montants d'AE du programme 161 entre les exercices sont en grande partie rythmées par les cycles de commandes d'appareils et de renouvellement des marchés de maintenance des aéronefs de la sécurité civile . L'anticipation d'une dynamique de baisse des AE à partir de l'année 2024 est donc logique, dans la mesure où le PLF pour 2023 prévoit un engagement pluriannuel de crédits d'une ampleur exceptionnelle, destiné en grande partie au renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons ».

C'est pourquoi la baisse des AE sur les années 2024 et 2025 sera portée principalement sur les dépenses d'investissement. Ces dépenses, qui devraient s'élever à 72,6 millions d'euros en 2024 et 96,7 millions d'euros en 2025 , seront toutefois à un niveau supérieur à celui voté en LFI pour 2022, ce qui traduit bien l'effort consenti par l'État en faveur du renforcement des moyens capacitaires de la sécurité civile.

Prévisions des autorisations d'engagement du programme 161
entre 2023 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. La hausse annoncée des crédits de paiement reflète l'effort consenti par l'État en faveur de la sécurité civile, mais témoigne aussi d'un dynamisme de certaines dépenses d'intervention

La hausse programmée des crédits de paiement reflète davantage l'effort consenti par l'État en faveur de la sécurité civile. L'augmentation des dépenses d'investissement sur la période (+ 42,5 % entre 2023 et 2025), est en effet la traduction logique des efforts de modernisation et de renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile consentie par l'État dans le cadre de la LOPMI.

Le dynamisme des dépenses d'intervention est également à souligner, puisqu'elles devraient augmenter de 18,5 % entre 2023 et 2025. Le dynamisme de la contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP a plus particulièrement été identifié par la Cour des comptes 1 ( * ) comme un facteur de fragilisation de la soutenabilité budgétaire du programme, dans un contexte où la brigade a engagé un plan de modernisation impliquant une augmentation pérenne de certaines dépenses de fonctionnement (voir supra ).

Prévisions des crédits de paiement du programme entre 2023 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

C. UN DÉFICIT DE VISIBILITÉ SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME

1. Des annonces présidentielles en plein examen du projet de loi de finances qui nuisent à la lisibilité des crédits du programme

La temporalité des annonces présidentielles du 28 octobre 2022, qui ont donné lieu à l'ouverture de 150 millions d'euros en AE et en CP sur le programme , peut susciter des réserves dans la mesure où elles interviennent au coeur de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances pour 2023.

Certaines de ces annonces n'ont en outre pas été traduites dans le budget pour 2023, que ce soit dans le projet de loi initialement déposé, ou dans le texte présenté au Sénat à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement au titre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution . C'est notamment le cas de l'annonce relative à l'achat de deux hélicoptères lourds bombardiers d'eau pour lesquels aucun crédit n'est prévu.

En outre, l'annonce du renouvellement intégral de la flotte de 12 Canadair entre en contradiction avec les informations transmises par le ministère de l'intérieur au rapporteur spécial, qui indiquait que, compte tenu des délais de production des appareils, la France ne pourrait espérer obtenir la livraison que de quatre appareils à l'horizon 2027.

Il en résulte en tout état de cause un défaut de lisibilité des informations budgétaires, nuisant à la bonne information du Parlement.

Les annonces du président de la République du 28 octobre 2022
en faveur de la sécurité civile

En réaction à la saison des feux exceptionnelle qu'a connue la France lors de l'été 2022, le président de la République a annoncé plusieurs mesures, dont certaines ne sont pas retranscrites dans le budget du PLF pour 2023,

Un premier volet de mesures concerne le soutien aux services d'incendie et de secours (SDIS), et se traduisent par :

- Une enveloppe de 150 millions d'euros destinée au financement des pactes capacitaires, au titre des mesures de compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ;

- Des mesures visant à encourager le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, avec notamment une augmentation de la durée pendant laquelle les entreprises pourront libérer les sapeurs-pompiers volontaires, et ainsi qu'une meilleure indemnisation de ces entreprises en conséquence ;

- Un doublement des colonnes de renfort en 2023.

Le président de la République a par ailleurs indiqué qu'une enveloppe de 250 millions serait consacrée au renforcement des moyens aériens de la sécurité civile. Il a ainsi annoncé, sans toutefois préciser la ventilation précise de cette enveloppe et la temporalité dans laquelle elle sera consommée :

- le renouvellement intégral des Canadair actuels (12 appareils), couplé à une extension de la flotte (4 appareils supplémentaires) ;

- la location de dix hélicoptères bombardiers d'eau, et l'acquisition de deux appareils de ce type ;

- la mobilisation de moyens inédits, tel que l'Airbus A 400M, sur lequel l'avionneur français a annoncé avoir fait des essais en vue d'équiper ce modèle d'une capacité de largage d'eau, ou l'expérimentation de drones.

Source : commission des finances, d'après l'intervention du président de la République du 28 octobre 2022

2. La suppression du document de politique transversale l'année dernière a renforcé l'illisibilité des crédits bénéficiant effectivement à la sécurité civile

Par ailleurs, les crédits du budget de l'État qui bénéficient effectivement à la sécurité civile font l'objet, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises par le rapporteur spécial, d'un émiettement regrettable pour la visibilité de cette politique publique.

Le document de politique transversale relatif à la sécurité civile constituait à cet égard une réelle plus-value . Ce document avait toutefois été supprimé, pour les programmations budgétaires futures, par un amendement de Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022.

Cet amendement était justifié, selon la commission des finances de l'Assemblée nationale, par le fait que le thème sécurité civile était déjà abordé dans le cadre de l'examen du programme 161, et faisait donc déjà l'objet d'un développement dans le PAP qui y est annexé. Cet argument faisait totalement abstraction du fait que les crédits du programme 161 ne contribuent en réalité que minoritairement aux dépenses de la sécurité civile.

Évolution des crédits affectés à la sécurité civile entre 2015 et 2022

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI+LFR 2020

LFI 2021

LFI 2022

Programme 161

433,2

448,6

507,7

515,1

537,1

519,5

546,9

520,4

568,6

Montant consolidé - tous programmes confondus

883,9

894,4

946,5

979,5

1 024,3

975,1

1 013,2

1 196,9

1 297

Part du programme 161

49 %

50,2 %

53,6 %

52,6 %

52,4 %

53,3 %

54 %

43,5 %

43,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents de politique transversale relatifs à la sécurité civile)

Cette année encore, des crédits tels que les 3 millions de la mission « Plan de relance » affectés au nouveau volet mobile du système d'alerte et d'information des populations FR-Alert , ne sont pas retracés dans le projet annuel de performance du programme 161. La suppression du document de politique transversale a ainsi constitué une régression notable de la visibilité des crédits du budget de l'État bénéficiant effectivement à la sécurité, et de fait, à une dégradation de l'information du Parlement.

LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME CONSACRÉS AU FINANCEMENT DES SDIS QU'IL CONVIENT TOUTEFOIS DE NUANCER

Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) s'élève en 2021 à 5,7 milliards d'euros 2 ( * ) , et il est donc presque 9 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2023. Les SDIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et notamment par les départements, dont la part dans leur financement demeure prépondérante (59 %).

Les crédits demandés dans le PLF pour 2023 reflètent donc la contribution modeste de l'État dans le financement des SDIS. Si les dépenses de l'État en faveur des SDIS sont certes en augmentation dans la budgétisation initiale pour 2023, cette hausse résulte en grande partie du dynamisme de certaines dépenses d'intervention telles que la contribution de l'État au budget de la BSPP ou de sa contribution au financement de la nouvelle prime de fidélisation et revalorisation (NPFR).

Les 150 millions d'euros en AE et 35,7 millions d'euros en CP destinée aux pactes capacitaires ( voir supra ), ajoutés par le Gouvernement par voie d'amendement au texte, auront certes vocation à soutenir les dépenses d'investissement des SDIS et à renforcer ainsi la part des dépenses de l'État dans le financement des SDIS.

Il convient néanmoins de souligner que cet abondement de crédits s'inscrit dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) 3 ( * ) inscrite dans le PLF pour 2023. Il est donc contestable de présenter cette enveloppe comme un véritable renouvellement de l'effort budgétaire de la part de l'État en faveur des SDIS, puisqu'il s'agit en réalité d'un reversement du produit d'une recette qui bénéficiait déjà aux principaux financeurs des SDIS que sont les collectivités territoriales, et dont le Gouvernement s'est par ailleurs engagé à compenser la suppression dans le cadre du PLF pour 2023.

1. Le renouvellement de la dotation de soutien à l'investissement structurant des SDIS à travers la concrétisation des « pactes capacitaires »

Dans le cadre du PLF pour 2023, 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP sont inscrits au titre de la dotation de soutien aux investissements structurant des services d'incendie et de secours (DSIS²), pour le financement de pactes capacitaires entre l'État, les collectivités territoriales et les SDIS. Ces pactes capacitaires, annoncés dans le cadre de la LOPMI, bénéficiaient, dans le projet de loi initialement déposé, d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, ce qui apparaissait modeste au regard des besoins d'investissement des SDIS.

Comme évoqué supra , le Gouvernement a toutefois déposé un amendement au PLF pour 2023 visant à abonder de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP ces pactes capacitaires, dans la lignée des annonces formulées par le président de la République le 28 octobre 2022.

La dotation de soutien à l'investissement structurant des SIS (DSIS²) :
une enveloppe considérablement réduite depuis 2017

Entre 2003 et 2012, l'État était intervenu en faveur des SIS au travers du fonds d'aide à l'investissement des SIS (FAI) pour un total de 302 millions d'euros sur l'ensemble de la période. Selon le ministère de l'intérieur, cet instrument a fait l'objet dès 2007, de critiques en raison du saupoudrage des crédits qu'il occasionnait, c'est pourquoi il n'était plus doté d'autorisation d'engagement dès 2013.

Le FAI a été remplacé dès 2017 par la dotation de soutien à l'investissement structurant des services d'incendies et de secours (DSIS²), prévue par l'article L1424-36-2 du code général des collectivités territoriales, et financée par un prélèvement sur la contribution que l'État versait jusqu'alors annuellement aux conseils départementaux, au travers de la dotation globale de fonctionnement (DGF), au titre de sa participation au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires.

Le rapporteur spécial a plusieurs fois regretté que le montant et le périmètre de cette dotation aient été considérablement réduits depuis sa création 4 ( * ) . Le montant de l'enveloppe consacrée à la DSIS², qui était de 25 millions en 2017, a en effet progressivement chuté pour atteindre 2 millions d'euros en AE et en CP en LFI pour 2022, exclusivement dédiés au financement du projet national de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, NexSIS 18-112.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces pactes capacitaires doivent permettre à l'État, en concertation avec les collectivités territoriales et les services d'incendie et de secours, de « combler une faiblesse capacitaire ou de favoriser une stratégie de mutualisation 5 ( * ) ». Ces pactes seraient définis au niveau des zones de défense et de sécurité (ZDS), dans le cadre d'une contractualisation avec les collectivités locales.

Les projets identifiés dans le cadre de ces pactes capacitaires feraient ainsi l'objet d'un cofinancement à 50 % par l'État et à 50 % par les collectivités locales. Une interrogation continue toutefois de subsister concernant les critères de répartition de la charge des dépenses entre les différents SDIS d'une même zone.

Cette enveloppe pourrait notamment permettre de financer des moyens capacitaires de lutte contre les feux de forêts mutualisés entre les SDIS. C'est notamment le cas des camions-citernes forestiers (CCF), dont le nombre a diminué de manière inquiétante sur le territoire depuis plusieurs années, en raison d'un sous-investissement chronique dans ces appareils par certains SDIS de départements historiquement peu touchés par les feux de forêts. Cette situation constitue une source de préoccupation dans un contexte où le risque de feux de forêts tend à gagner l'ensemble du territoire, nécessitant la mobilisation accrue des SDIS dans le cadre des colonnes de renfort. Ce besoin a été confirmé par les sapeurs-pompiers rencontrés par le rapporteur spécial lors de son déplacement au SDIS des Bouches-du-Rhône le 14 octobre 2022, effectué dans le cadre de l'élaboration du présent rapport.

Les pactes capacitaires pourraient également avoir vocation à financer des dépenses de formation, de manière à développer entre les SDIS une culture commune en ce qui concerne la gestion de certains risques spécifiques, et notamment le risque feux de forêts.

Ces pactes capacitaires constituent en tout état de cause, et en dépit du caractère contestable de son procédé de budgétisation, un renouvellement bienvenu de la DSIS², alors que le rapporteur spécial avait en effet regretté à plusieurs reprises la réduction du montant de cette dotation et de son périmètre 6 ( * ) .

2. Une participation de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP dynamique en raison d'un plan de modernisation impliquant des dépenses supplémentaires

La contribution de l'État au budget de fonctionnement de de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une obligation légale , prévue par l'article L. 2512-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25% des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Cette contribution est aujourd'hui particulièrement dynamique, puisqu'elle est passée de 96,2 millions d'euros en AE et en CP en LFI pour 2022 à 104,9 millions d'euros dans le PLF pour 2023, soit une augmentation de 9 %. Elle avait par ailleurs déjà fait l'objet d'une augmentation substantielle de 10,8 % entre 2021 et 2022.

Ce dynamisme s'explique en grande partie par la mise en oeuvre du plan de modernisation de la BSPP , présenté en 2019, qui vise notamment à lui permettre de répondre aux enjeux qui se posent à elle dans les prochaines années, et plus particulièrement, aux enjeux de sécurité posés par les Jeux olympiques 2024 organisés à Paris. Ce plan de modernisation se traduit budgétairement par une enveloppe de 202 millions d'euros répartis sur une période de 10 ans entre 2020 et 2029, et vise à garantir le renforcement des capacités opérationnelles de la BSPP, l'amélioration des conditions de travail et de vie des pompiers de Paris, et l'acquisition d'équipements technologiques modernes.

Évolution de la contribution de l'État au budget de de la BSPP
entre 2018 et 2023

(en millions d'euros et en AE = CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. La contribution de l'État aux mesures d'encouragement du volontariat des sapeurs-pompiers est en augmentation

Près de 25 millions d'euros sont prévus en AE et en CP dans le PLF pour 2023 au titre de la contribution de l'État au financement du régime d'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires (RISP), qui couvre l'ensemble des risques d'invalidité permanente partielle, totale ou le décès des sapeurs-pompiers volontaires, et de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR). Cette contribution était fixée à 16,7 millions d'euros en LFI pour 2022, ce qui signifie que le PLF pour 2023 prévoit une augmentation de la participation de l'État au titre de ces deux prestations de 49 %.

La NPFR

La NPFR, institué par la loi du 27 décembre 2016, est une prestation de fin de service des sapeurs-pompiers volontaires visant à récompenser leur engagement.

Il s'agit d'une rente annuelle, variable en fonction de la durée de l'engagement, versée aux sapeurs-pompiers volontaires répondant à certaines conditions, que sont l'atteinte de la limite d'âge et la réalisation, depuis la loi du 25 octobre 2021, de 15 années de service au minimum, contre 20 années auparavant, et de 10 années en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service, contre 15 ans auparavant.

Son financement est assuré par l'intermédiaire d'une association nationale chargée de la surveillance et du contrôle de la NPFR et d'un organisme national de gestion choisi par cette association auquel chaque service d'incendie et de secours adhère obligatoirement et verse une cotisation correspondant aux sommes à verser pour ses anciens SPV.

L'État contribue au financement de cette rente annuelle dans la limite des crédits votés en loi de finances, selon une règle retenue à ce jour d'un financement à hauteur de 50 % de la charge totale du dispositif.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

La NPFR fait l'objet d'un dynamisme particulier qui nécessitera, selon le ministère l'intérieur, de mener une réflexion sur le financement à long terme de cette prestation dans les prochaines années . Cette charge semble en effet amenée à devenir exponentielle pour l'État comme pour les collectivités locales, en raison du nombre progressif et cumulatif de bénéficiaires.

Évolution prévisionnelle de la charge de la NPFR pour l'État
et les collectivités territoriales*

(en millions d'euros)

* Évaluation réalisée à partir des montants de l'année 2021, sur la base d'une hypothèse de revalorisation annuelle à hauteur de 2 %.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. LES MOYENS AÉRIENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE : DES ACQUISITIONS DE NOUVEAUX APPAREILS À SALUER, MAIS QUI DOIVENT S'INSCRIRE DANS LE CADRE D'UNE STRATÉGIE GLOBALE DE GESTION DE LA FLOTTE

1. La saison des feux 2022, partiellement prise en compte dans la budgétisation pour 2023, a souligné le nécessaire renforcement des moyens aériens
a) L'accroissement de la sollicitation opérationnelle dans le cadre de la multiplication des feux implique des surcoûts partiellement pris en compte dans la budgétisation pour 2023

L'été 2022 a été marqué par des feux d'une ampleur exceptionnelle. Ces « méga-feux », qui concernent habituellement davantage la moitié sud-est du pays, ont cette année eu la particularité de s'étendre concomitamment à plusieurs parties du territoire, dont la Gironde, particulièrement touchée cette année. Ainsi, au 31 août, plus de 8 550 incendies ont été recensés pour une surface brûlée proche de 70 000 hectares . Le bilan 2022 est ainsi 2,3 fois supérieur en nombre de feux et 6 fois supérieur en termes de superficie brûlée par rapport à la moyenne décennale.

La saison des feux a par ailleurs généré un surcoût budgétaire estimé à 33 millions d'euros en CP , réparti sur des dépenses de location d'aéronefs, de maintenance, de colonnes de renfort, de carburant et de produit retardant. Cette situation a conduit le Gouvernement à proposer, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022, l'ouverture de 18,1 millions d'euros en AE et 26,3 millions d'euros CP pour absorber ces surcoûts.

La budgétisation du PLF pour 2023 ne tire que partiellement les conséquences des surcoûts induits par la saison des feux 2022. Or, si ces évènements étaient de nature quasi-inédite, il est malheureusement probable, compte tenu de l'intensification et de l'extension géographique du risque feux de forêts induit par le réchauffement climatique, que la saison des feux 2022 devienne à l'avenir une saison de référence. Il apparaît donc raisonnable d'émettre une réserve sur la crédibilité de la budgétisation de certains postes de dépenses.

La DGSCGC a en effet procédé à la location en urgence de deux hélicoptères lourds , s'additionnant à la location de deux appareils de ce type initialement prévue et à la réquisition de huit autres appareils. Il en a résulté un surcoût de près de 7,2 millions d'euros , qui se sont ajoutés aux 6 millions d'euros déjà prévus en LFI pour 2022. Dans le cadre de ses annonces du 28 octobre 2022, le président de la République a annoncé le recours à la location de dix hélicoptères lourds bombardiers d'eaux en 2023 . Il apparaît raisonnable d'émettre un doute sur la crédibilité de la budgétisation pour 2023 au regard de ces annonces. Le PLF pour 2023 prévoit en effet 7 millions d'euros en AE et CP, soit une augmentation de seulement 1 million d'euros par rapport à la budgétisation de la LFI pour 2022, qui n'était pourtant dimensionnée que pour la location de deux appareils.

La mobilisation exceptionnelle de colonnes de renfort 7 ( * ) supplémentaires a en outre impliqué une dépense de 5 millions d'euros supplémentaires par rapport aux 4,3 millions initialement budgété s. Près de 44 colonnes de renforts ont ainsi été engagées, soit un quasi-doublement des 24 colonnes de renforts planifiées en début de saison. Dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2022, dont l'examen est intervenu au coeur de la saison des feux , le Sénat avait introduit, à l'initiative du rapporteur de la commission des finances, et contre l'avis du Gouvernement, un amendement visant à abonder la mission budgétaire de 5 millions d'euros en AE et en CP, finalement conservé dans le texte issu de la commission mixte paritaire. Il s'avère que cette initiative était bienvenue puisqu'elle a permis de couvrir intégralement le surcoût constaté au titre de ces colonnes de renfort. S'il est encourageant de constater une augmentation des crédits consacrés aux colonnes de renfort dans le PLF 2023, qui s'élèvent à 6,6 millions d'euros en AE et en CP contre 4,8 millions d'euros en LFI pour 2022, des doutes peuvent également être émis concernant la crédibilité de cette budgétisation, eu égard aux annonces du président de la République d'un doublement des colonnes de renfort par rapport à 2022.

Par ailleurs, la sur-sollicitation de la flotte aérienne de la sécurité civile s'est traduite :

- d'une part, par une augmentation de 5 millions d'euros des dépenses de carburant, et de 5 millions pour les produits retardants ;

- et d'autre part, par des opérations de maintenance plus nombreuses, générant un surcoût de 11 millions d'euros .

Si le PLF pour 2023 a prévu une augmentation des dépenses de MCO de 4,7 % (88,6 millions d'euros en CP en 2023, contre 84,6 en 2022), les informations contenues dans les documents budgétaires ne permettent pas d'identifier dans quelle mesure celle-ci résulte d'une anticipation accrue de l'activité opérationnelle.

La budgétisation pour 2023 prévoit en outre une augmentation des dépenses de produit retardant (4,6 millions d'euros contre 4,2 millions en LFI pour 2022) et de carburant des aéronefs (12,3 millions d'euros contre 11,5 millions d'euros en LFI pour 2022), mais cette hausse est justifiée par l'inflation et l'anticipation de frais supplémentaires induits par l'arrivée d'un nouveau Dash au sein de la flotte .

b) Une saison des feux qui souligne la nécessité d'un renforcement des moyens aériens de la sécurité civile, dans un contexte marqué par les critiques de la Cour des comptes sur la gestion de la flotte

Ces feux d'une ampleur exceptionnelle ont en tout état de cause mis en lumière la nécessité d'un renforcement de la flotte aérienne, rappelée à maintes reprises par le rapporteur spécial . L'absence de feux de grande ampleur dans la zone de défense et de sécurité Sud a permis de concentrer les moyens aériens sur les autres incendies, notamment ceux de la Gironde, et d'éviter une situation de rupture capacitaire. Si la zone Sud n'avait pas été relativement épargnée, les forces aériennes de la sécurité civile et les SDIS engagés contre les feux auraient probablement été, du propre aveu de l'ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur spécial, dans une situation critique.

Ces incendies sont par ailleurs intervenus dans un contexte où la gestion de la flotte aérienne de la sécurité civile a fait l'objet des critiques de la part de la Cour des comptes, dans un référé du 26 juillet 2022 8 ( * ) adressé au ministère de l'intérieur. La Cour a notamment fait état d'un défaut stratégique dans la gestion de la flotte, qui selon elle, ne s'inscrirait pas suffisamment dans une logique d'anticipation pluriannuelle. Ces éléments doivent toutefois être nuancés au regard de la dynamique de renouvellement engagée depuis maintenant plusieurs années, et aux annonces formulées dans le cadre de la LOPMI.

La Cour a notamment soulevé les difficultés propres au maintien en condition opérationnelle des aéronefs . Cette problématique constitue une source de préoccupation d'autant plus importante dans un contexte où l'augmentation de la pression opérationnelle liée à l'extension du risque feux de forêts implique une multiplication de ces opérations de maintenance. La Cour des comptes a plus particulièrement fait état de « tensions fréquentes » entre le DGSCGC et le prestataire concernant la qualité du service de la flotte d'avions bombardiers d'eau. Ce constat est également valable concernant le marché de soutien des hélicoptères dont le titulaire n'a, selon la DGSCGC, pas été à la hauteur des enjeux, ce qui a conduit le groupement hélicoptère à limiter drastiquement son activité aux missions essentielles et a déstabilisé l'activité du centre de maintenance de manière durable.

2. Le renforcement de la flotte doit désormais être accéléré mais est soumis à des contraintes liées aux délais de production des appareils

La flotte aérienne de la sécurité civile est actuellement composée de 33 hélicoptères EC145 , 12 Canadair CL415, 7 avions Dash , 3 avions Beechcraft, et 2 hélicoptères H145 D3 .

Composition de la flotte aérienne de la sécurité civile*

Type de véhicule

Quantité

Vieillissement moyen

Avions Canadair

12

25 ans

Avions Dash 8

5

21 ans et 6 mois pour les MR et 3 ans pour les MRBet livrés récemment

Avions Beechcraft King 200

3

38 ans

Hélicoptères EC145

33

17 ans

Hélicoptères H145 D3

2

9 mois

* Les calculs ont été repris à partir des données dont disposent les mainteneurs pour faire le suivi des vieillissements horaires et calendaires des aéronefs.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

a) Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères, engagé depuis plusieurs années et accéléré dans le cadre de la LOPMI, doit être salué
(1) Des commandes engagées depuis plusieurs années pour compléter la flotte actuelle

La problématique de l'extension et du renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » de la sécurité civile constitue depuis plusieurs années une source de préoccupation, déjà soulignée par le rapporteur spécial 9 ( * ) . Au-delà de l'enjeu du vieillissement nécessitant un renouvellement des appareils , la sécurité civile était en effet soumise à une obligation pressante de compléter sa flotte amputée de plusieurs hélicoptères à la suite d'accidents intervenus ces dernières années, dont le dernier, survenu en septembre 2021 avait ramené la flotte de Dragons à 33 appareils.

Pour restaurer les capacités opérationnelles de la flotte, la DGSCGC a ainsi fait l'acquisition de deux hélicoptères de type H145 , livrés en décembre 2021 et opérationnels depuis juillet 2022. Ce marché d'acquisition était par ailleurs assorti d'une option d'achat de deux autres appareils, qui a été activée dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 10 ( * ) . Ainsi, deux nouveaux H145 devraient venir renforcer la flotte en décembre 2022, la portant à 37 hélicoptères au total . Le paiement du solde de cette livraison se traduit dans le PLF pour 2023 par une enveloppe de 8,36 millions d'euros en CP.

Cette première année d'utilisation de ce modèle a par ailleurs permis d'affiner le cahier des charges du futur appareil qui succédera aux « Dragons » actuels, dont le renouvellement intégral a été annoncé cette année.

(2) La concrétisation du renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères Dragons dans le cadre de la LOPMI

La présentation de la LOPMI a en effet été l'occasion d'acter le renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons ». Elle se traduira ainsi par l'acquisition de 36 hélicoptères neufs pour atteindre un nombre total de 40 appareils , ce qui permettrait, selon la DGSCGC, de mettre enfin le dimensionnement de la flotte en cohérence avec sa sollicitation opérationnelle.

L'année 2023 marquera le lancement de cette commande, puisque 471,6 millions en AE et 18,43 millions d'euros en CP ont été budgétés pour l'acquisition de ces hélicoptères, ce qui représenterait approximativement un montant de 13 millions d'euros par appareil. L'échéancier des paiements devra être déterminé ultérieurement en fonction de la capacité de l'industriel qui sera retenu à livrer les appareils selon un rythme à définir. Selon, le ministère de l'intérieur, afin de garder une homogénéité maximale dans les standards d'appareils, la livraison de l'ensemble des appareils doit être réalisée sur une période de 5 ans.

Ces appareils auront la particularité de disposer d'une capacité bombardier d'eau à hauteur d'un peu moins de 1 000 litres, ce qui les distingue des « Dragons » actuels, aujourd'hui quasi-exclusivement utilisés pour la réalisation d'opérations de secours, et dont la configuration opérationnelle ne permet pas d'emporter une masse d'eau significative pour lutter contre les feux de forêts.

(3) La location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau : un atout pour la lutte contre les feux, qui devrait se traduire par l'acquisition en propre de ce type d'appareils

La DGSCGC a eu recours depuis 2020 à la location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau. La campagne 2022 de lutte contre les feux a de nouveau mis en évidence l'intérêt de disposer de ce type d'appareils, en complément de la flotte actuelle, puisque 7 hélicoptères lourds ont été loués voire réquisitionnés au total par le DGSCGC. Ainsi, 7 millions d'euros en AE et CP sont inscrits en PLF pour 2023 en vue de la location de tels appareils .

D'après la DGSCGC, l'acquisition de ces hélicoptères offrirait en effet une réelle complémentarité avec le reste de la flotte existante , puisqu'ils permettraient de développer une capacité de vol et de largage de nuit, afin d'assurer la permanence du soutien aérien pour les sapeurs-pompiers au sol. Ils sont en outre les seuls appareils capables d'opérer des évacuations massives, de larguer un volume significatif d'eau, d'effectuer des vols de reconnaissance ou stationnaires nécessitant une bonne autonomie en carburant et d'emporter des détachements lourds.

Plusieurs études seraient en cours dans l'optique d'une acquisition en propre de ce type d'appareil, notamment dans le cadre de financements européens. Ces perspectives ont été confirmées par les annonces du président de la République du 28 octobre dernier, qui a acté, outre la location de 10 appareils de ce type en 2023, l'achat de deux hélicoptères lourds bombardiers d'eau sans pour autant que cette annonce ne soit traduite dans le PLF pour 2023

b) Des interrogations sur les perspectives de renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau
(1) L'année 2023 marque la conclusion de la commande de Dash multi-rôles

L'année 2023 sera marquée en outre par la livraison du dernier des six avions Dash multi-rôles commandés en 2018 afin de compenser l'arrêt des avions Trackers mis à l'arrêt en 2020, tout en élargissant les capacités opérationnelles de la flotte. Ainsi, 43,2 millions d'euros de CP sont prévus en 2023 et serviront à honorer la dernière échéance de paiement pour la livraison du 8 ème et dernier Dash commandé qui devrait être réceptionné en juin 2023.

Échéancier actualisé d'acquisition d'avions Dash multi-rôles

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Commande

6

6

Livraison

1

1

2

1

1

6

AE

322,06

1,62

2,31

3,14

9,26

15,68

354,07

CP

34,35

64,17

66,05

76,08

64,01

49,4

354,07

Source : réponses au questionnaire budgétaire

(2) Le renouvellement de la flotte des Canadair vieillissants s'inscrit dans une temporalité incertaine

L'enjeu du dimensionnement de la flotte de Canadair CL 145, et de leur nécessaire renouvellement impliqué par leur vieillissement, a également été souligné à plusieurs reprises par le rapporteur spécial 11 ( * ) , et a fait l'objet de débats animés cet été dans le cadre de la saison des feux.

Cette flotte d'avions amphibies 12 ( * ) bombardiers d'eau est actuellement composée de 12 appareils , ce qui est aujourd'hui, de l'aveu de l'ensemble des acteurs de la sécurité, trop faible au regard de l'augmentation de la pression opérationnelle . Dans le cadre de la LOPMI, il a été indiqué une cible de 16 appareils. Outre la question du dimensionnement de cette flotte , l'enjeu de son renouvellement fait actuellement l'objet d'une réflexion approfondie. D'après la DGSCGC, les Canadair n'ont pas de limite d'obsolescence mécanique ou technique, mais leur limite de vie est liée à l'augmentation croissante du coût de leur MCO qui, passé un certain stade, nécessitera leur remplacement.

Une commande de Canadair a d'ores et déjà été formalisée au niveau européen dans le cadre du dispositif RescUE , qui prévoit la possibilité d'un cofinancement européen de moyens capacitaires en matière de sécurité civile. Cette commande tarde à se concrétiser, en raison de la réticence du producteur Viking 13 ( * ) à relancer la chaîne de production, faute de commandes suffisantes pour lui assurer de rentabiliser les coûts d'investissements initiaux conséquents et propres à la production de ce type d'appareils. Au terme d'un long processus de négociation entre le producteur, la Commission européenne et les États membres acquéreurs, le lancement effectif de la chaîne de production d'un nouveau modèle de Canadair DHC-515 a été officiellement annoncé le 31 mars 2022, sécurisant ainsi le programme RescUE , avec au total une commande de 22 appareils. La France se portera ainsi acquéreur de deux avions dans ce cadre. Ce marché d'acquisition prévoira en outre la possibilité de commander deux avions supplémentaires sur fonds nationaux. Le coût unitaire d'un appareil de ce type serait actuellement estimé entre 35 et 37 millions d'euros.

La principale source de préoccupation réside toutefois dans le délai de livraison de ces appareils. Dans la mesure où la chaîne de production vient seulement d'être relancée, il n'est pas raisonnable d'envisager une livraison avant 2026. À cet égard, les annonces du président de la République d'un renouvellement intégral d'ici la fin du quinquennat des 12 Canadairs existant, outre la commande des quatre appareils supplémentaire, ne semble pas réaliste.

D'autres perspectives de renforcement de la flotte d'avions sont par ailleurs actuellement à l'étude. Dans le cadre des annonces présidentielles, la perspective d'un recours aux avions A 400 M d'Airbus, dont les représentants ont annoncé avoir effectué des tests afin d'équiper ce modèle de capacité de kit de largage d'eau, a été évoquée. Cette annonce suscite également des interrogations, compte du tenu du scepticisme partagé par l'ensemble des acteurs auditionnés par le rapporteur spécial sur la capacité de cet appareil à apporter une réelle plus-valu e dans le dispositif opérationnel de lutte contre les feux.

Le recours à des drones pour renforcer la flotte a également été explicitement évoqué dans le rapport annexé à la LOPMI et dans les annonces présidentielles, mais ne trouve pour l'instant aucune traduction budgétaire concrète.

3. L'acquisition de nouveaux appareils doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie multidimensionnelle de gestion de la flotte

Si les débats en marge de la saison des feux ont, à juste titre, porté sur le dimensionnement de la flotte, ils ont bien souvent éludé d'autres facteurs tout aussi décisifs dans la stratégie de lutte contre ces incendies. La lutte contre les feux de forêts ne peut en effet être envisagée sous le seul prisme capacitaire . Les réflexions relatives au dimensionnement de la flotte doivent donc s'inscrire dans le cadre plus large d'une stratégie regroupant des enjeux de prévention, de ressources humaines et d'infrastructures.

a) Au-delà de l'enjeu du dimensionnement de la flotte, la nécessité d'anticiper et prévenir les feux

La question du dimensionnement de la flotte ne saurait en effet être décorrélée des enjeux liés à la stratégie de prévention des feux de forêts, dont le succès réside à la fois dans l'identification des zones à risque, et dans la définition d'une doctrine d'intervention permettant d'en limiter la propagation.

La réussite de la lutte contre les feux de forêts repose en effet aujourd'hui en grande partie sur la doctrine de lutte contre les feux naissants dans le cadre du guet aérien armée (GAAR) assuré par les avions Dash .

Il est par ailleurs essentiel que soit développée, indépendamment de la question du dimensionnement de la flotte, une véritable culture de la prévention du risque feux de forêts, y compris dans des territoires qui n'y étaient jusqu'à aujourd'hui pas confrontés . Le rapporteur spécial a pu constater, dans le cadre de son déplacement au Centre zonal opérationnel de crise (CeZOC) à Marseille le 13 octobre 2022, que l'exploitation croisée des données de Météo France et de l'Office national des forêts (ONF) permet d'anticiper avec un degré de précision important les zones où le risque de feux de forêts est avéré, afin d'opérer en conséquence un pré-positionnement optimal des forces aériennes. Il s'avère toutefois que le recours à ce type d'outil de prévention est beaucoup moins développé dans les autres zones , et notamment en zone Sud-ouest, qui est pourtant amenée à être davantage touchée par les feux, comme les incendies de Gironde l'ont démontré.

b) Le recrutement et la fidélisation des pilotes de la sécurité civile : un enjeu crucial

L'enjeu du dimensionnement de la flotte est également étroitement lié à la question de moyens humains nécessaires au fonctionnement du dispositif opérationnel.

Les pilotes de la sécurité civile font l'objet de fortes contraintes en termes d'heure de vol et d'organisation de leur temps de travail. Si ces règles sont parfaitement légitimes au regard des spécificités de leurs missions et des exigences qu'elles impliquent en matière de sécurité, il en résulte une contrainte importante en termes de ressources humaines , d'autant plus que ces pilotes, dont les compétences sont extrêmement reconnues et rares, sont aujourd'hui particulièrement difficiles à recruter pour la DGSCGC.

Le rapporteur a effet pu relever, dans le cadre de son déplacement à la base aérienne de la sécurité civile (BASC), les importantes difficultés de recrutement de ces pilotes, en grande partie dues à un manque d'attractivité de la profession en comparaison avec l'aviation civile. Il s'avère en effet que les rémunérations des pilotes de la sécurité civile sont en moyenne environ 3 fois moins élevées que celles des pilotes de l'aviation commerciale .

Une dynamique de recrutement aurait en outre été engagée au sein des principales compagnies d'aviation civile dans le contexte de sortie de la crise sanitaire et de reprise de leur activité, ce qui aurait conduit, selon les représentants de la BASC à une vague de départs de certains pilotes vers ces compagnies.

Ce constat est d'autant plus alarmant dans un contexte où le redimensionnement de la flotte à venir nécessitera mécaniquement davantage des pilotes afin d'assurer son fonctionnement opérationnel. Il est ainsi indiqué, dans le rapport annexé à la LOPMI, que 12 postes de personnels navigants devraient être créés pour accompagner l'acquisition à venir des quatre avions Canadair .

La signature d'un protocole entre le ministère de l'intérieur
et les syndicats des personnels navigants de la sécurité civile

Les pilotes des bombardiers d'eau de la base de la Sécurité civile ont déposé en mars 2022 un préavis de grève qui devait commencer le 1 er juillet 2022. Cette grève a finalement été annulée le 28 juin, les négociations finalement abouti à la signature, le 1 er juillet, d'un protocole entre le ministre de l'intérieur et les représentants syndicaux des personnels navigants de la sécurité civile, à l'issue de plusieurs mois de discussions.

Les revendications des syndicats portaient sur des mesures de revalorisations, mais aussi sur des mesures visant à développer les capacités de formations à destination des pilotes, ou la reconnaissance de la pénibilité et du caractère risqué du métier.

Le protocole signé a permis définir le contour des demandes de revalorisations exprimées par les organisations syndicales des personnels navigants que la DGSCGC s'engage à porter dans les discussions budgétaires à venir, sans garantie toutefois que celles-ci ne se concrétisent concrètement.

Ce protocole prévoit par ailleurs une clause de revoyure à l'issue des arbitrages budgétaires de la LOPMI et du PLF pour 2023. La budgétisation pour 2023 prévoit, selon la DGSCGC, une enveloppe d'1,5 millions d'euros visant à financer diverses mesures de revalorisation à destination des pilotes de la sécurité civile.

Sources : réponses au questionnaire budgétaire et auditions du rapporteur spécial

c) L'engagement, dans le cadre de la LOPMI, d'une réflexion sur les infrastructures susceptibles d'accueillir les nouveaux appareils

La question du renforcement de la flotte est enfin étroitement liée à celle du dimensionnement des infrastructures susceptibles d'accueillir les aéronefs et de les maintenir en condition opérationnelle.

La quasi-totalité des moyens aériens de la sécurité civile est concentrée sur la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes-Garons. Dans le cadre de la saison des feux 2022, beaucoup d'observateurs ont appelé à la création d'une nouvelle base de la sécurité civile, de manière à assurer une meilleure couverture du territoire par les forces aériennes dans le contexte d'extension territoriale du risque de « méga-feux ». Il ressort toutefois des auditions du rapporteur spécial, et notamment de son déplacement du 13 octobre dernier à la BASC, que la pertinence d'une telle proposition n'est pas avérée . L'ouverture d'une nouvelle base serait de nature à démultiplier les coûts de maintenance et les dépenses en ressources humaines.

L'enjeu d'une meilleure couverture du risque feux de forêts implique davantage la question du quadrillage du territoire par les pélicandromes , qui sont des points de ravitaillement permettant aux bombardiers de la sécurité civile d'effectuer davantage de largages dans des délais permettant d'assurer une meilleure efficacité de la lutte anti-incendie. Il est à cet égard satisfaisant de constater la création de plusieurs de ces point de ravitaillement ces dernières années, au nord, à l'est et à l'ouest du pays, conformément aux recommandations du rapporteur spécial 14 ( * ) .

En tout état de cause la stratégie qui semble aujourd'hui retenue par le Gouvernement repose la volonté, annoncée dans le cadre de la LOPMI, de faire de la BASC de Nîmes un « hub européen de la sécurité civile ». Un élargissement de la base serait envisagé par le Gouvernement. Le coût de cet élargissement ne peut à ce jour être estimé avec précision, une étude étant actuellement menée au sein du ministère de l'intérieur.

La France : un pilier de la coopération européenne
en matière de sécurité civile

Le mécanisme européen de protection civile (MPCU) permettant de mobiliser, en cas de catastrophe de grande ampleur, l'aide des pays européens participants à ce dispositif coordonné par la Commission européenne. La France est un véritable pilier de ce mécanisme de coopération, puisqu'elle arme à elle seule 18 des 118 modules européens le cadre du MPCU.

Dans le cadre de l'été 2022, la France a ainsi pu bénéficier du soutien de plusieurs pays voisins, au premier rang desquels figurent l'Italie et la Grèce. Les personnels navigants de la sécurité civile ont souligné, dans le cadre du déplacement du rapporteur spécial à la base aérienne de la sécurité civile (BASC) de Nîmes Garons le 13 octobre dernier, en dépit les inévitables divergences de culture en matière d'appréhension opérationnelle de la lutte contre les feux la qualité de la coopération avec leurs homologues, qui se serait parfaitement intégré dans le dispositif opérationnel.

Selon la DGSCGC, l'approfondissement de ce mécanisme sera impératif face à l'intensification des crises, leur multiplication et leur caractère transfrontalier.

Source : réponse au questionnaire budgétaire et auditions du rapporteur spécial

C. LA POURSUITE DES PROJETS DE MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE

1. Un retard dans le déploiement de projet NexSIS 18-112 doublé d'une fragilisation de son modèle économique

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS). Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurés par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC ), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction du numérique et par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur.

Le coût total du projet est aujourd'hui estimé à 295 millions d'euros et inclut, outre les coûts de développement, de déploiement du projet et de fonctionnement de l'ANSC, les coûts d'exploitation de celui-ci sur une période de 10 ans.

a) Un retard dans le déploiement de NexSIS, de nature à fragiliser l'adhésion des SDIS au projet

Le programme NexSIS avait été perturbé en 2021 par la persistance de la crise sanitaire , ce qui avait impliqué un retard dans le déploiement du projet 15 ( * ) .

Force est aujourd'hui de constater que ce retard s'est encore accru en 2022. Le déploiement effectif SDIS préfigurateur, le SDIS 77 Seine-et-Marne, n'a toujours pas pu être effectué par l'Agence du numérique de la sécurité civile, alors que celui-ci devait l'être à la fin 2021. Ce déploiement devrait être effectif, d'après l'ANSC, d'ici le mois d'avril. L'année 2023 devrait par ailleurs être marquée par le déploiement de programme dans huit autres SDIS, ce qui constitue, du propre aveu de l'agence, un calendrier particulièrement ambitieux eu égard aux difficultés rencontrées depuis deux ans.

Selon l'ANSC, cette accumulation de retards aurait entamé la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SDIS, et par conséquent, leur adhésion au projet. Ces derniers demeurent toutefois convaincus de l'intérêt de l'outil, qui doit permettre, par la mutualisation des systèmes d'information, une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi des économies substantielles.

Ces doutes sur la concrétisation effective du projet ont en outre été accentués par une situation de distension des liens entre l'ANSC et les SDIS depuis un an, nuisant de fait à la circulation de l'information sur l'avancée du projet. Il semble effectivement que l'agence se soit repliée exclusivement sur le développement de l'outil dans le contexte de manque de ressources auquel elle a été confrontée, au détriment d'actions de communication vis-à-vis des SDIS.

En outre, le retard dans le déploiement du projet est également de nature à déstabiliser certains des SDIS dont les contrats de maintenance arrivent à terme, et qui ne les ont pas renouvelés, comptant bénéficier de la nouvelle solution NexSIS. L'ANSC envisage pour pallier ces difficultés de mettre à disposition des SDIS concernés dès le premier trimestre 2023 une solution de secours au système actuel.

b) Un modèle économique fragilisé

Près de 9,9 millions d'euros en AE et en CP sont prévus pour le soutien du projet NexSIS dans le PLF pour 2023, contre 7 millions ouverts en LFI pour 2022. En effet, près de 2,9 millions d'euros de mesures nouvelles visent des opérations de modernisation numérique et des systèmes de communication.

La situation budgétaire de l'ANSC serait actuellement sous tension. L'exercice budgétaire 2022, déficitaire, serait ainsi le dernier exercice au cours duquel l'ANSC est en mesure de financer ses activités à l'appui d'un prélèvement de sa trésorerie accumulée au cours des exercices précédents. Pour les exercices suivants et en particulier à compter de 2025, la situation financière dépendra du nombre effectif de SIS migrés et des possibilités de refonte du modèle économique du projet.

Outre la part du financement de l'État, le modèle économique de NexSIS repose sur des contributions volontaires des SIS. Ce modèle économique serait plus particulièrement mis en péril par le fait que les subventions volontaires des SDIS ne permettraient pas de couvrir l'ensemble des dépenses nécessaires à son déploiement et à son exploitation . Ainsi, près de 51 SIS n'auraient pas contribué au financement du projet. Ces difficultés semblent donc s'inscrire dans un cercle vicieux, puisque le retard du projet, en partie dû aux fortes contraintes budgétaires que subit l'agence, pèse sur le financement de NexSIS, en altérant l'adhésion des SDIS à ce programme et en réduisant de fait le montant de leurs contributions volontaires.

Pour renforcer le modèle économique de NexSIS, l'ANSC envisage donc d'inciter les SDIS à participer davantage au financement du projet en consacrant une part plus importante de leurs contributions à des dépenses relevant de leur budget d'investissemen t, qui est moins contraint que leur budget de fonctionnement.

L'ANSC chercherait également à diversifier ses financements étatiques. Elle devrait ainsi bénéficier d'une enveloppe du fonds de transformation de l'action publique (FTAP). Le recours à des financements européens a également été identifié comme une piste de solution.

D'après les informations transmises par l'ANSC, 37 ETPT supplémentaires ont été annoncés dans le cadre de la LOPMI, ce qui devrait porter d'ici cinq ans le nombre d'emplois sous plafond de l'agence à 49 ETPT. Un effort a été réalisé dès le PLF pour 2023, qui prévoit une augmentation du plafond d'emplois de 12 à 14 ETPT. Cette augmentation apparait toutefois insuffisante d'après l'ANSC, qui avait sollicité 22 ETPT. D'après l'agence, il est essentiel que le rehaussement de ce plafond soit accéléré, dans un contexte où le déploiement de l'outil doit justement être assuré pour ne pas fragiliser l'adhésion de ses principaux contributeurs que sont les SDIS. Ce manque de moyens humains devrait par ailleurs conduire l'ANSC à procéder à des externalisations particulièrement coûteuses.

Compte tenu des sommes déjà investies, il est incontestable que le projet a atteint un point de non-retour. Il serait regrettable que celui-ci ne puisse se concrétiser faute de moyens mobilisés par l'État, d'autant plus que l'intérêt de cet outil fait aujourd'hui l'objet d'une adhésion partagée de la part de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, et que le projet est aujourd'hui particulièrement attendu, notamment par les SIS de la région parisienne dans la perspective des Jeux Olympiques de Paris en 2024.

En dépit de toutes ces difficultés, l'ANSC a toutefois fait part au rapporteur spécial de son optimisme quant à la réussite du projet, estimant que le déploiement de NexSIS dans les premiers SDIS lors du premier trimestre 2023 devrait avoir un effet d'entraînement susceptible de rétablir la confiance des autres SDIS dans sa concrétisation.

2. Certains projets de modernisation non financés par le programme 161, font néanmoins l'objet d'une attention particulière de la part du rapporteur spécial
a) Le projet FR-Alert, nouveau volet mobile d'alerte et d'information des populations, est désormais opérationnel

Le système FR-Alert, dont la création a été annoncée par le ministre de l'intérieur en septembre 2020, vise à doter les services intervenant dans le champ de la sécurité publique et de la sécurité civile d'un système de diffusion d'alerte via la téléphonie mobile. Il doit ainsi permettre de compléter le système d'alerte et d'information des populations (SAIP), et son volet « sirènes ».

Ce projet a également vocation à mettre la France en conformité avec la directive européenne du 11 décembre 2018 16 ( * ) , qui prévoit l'obligation pour les États de l'Union européenne devait se doter d'un système d'alerte par téléphone d'ici juin 2022.

La concrétisation de FR-Alert, après l'échec du volet « sirènes » du SAIP

Initié en 2009 par le ministère de l'intérieur, le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) fait suite à la préconisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 : « La France doit, tout d'abord, disposer d'un moyen d'information rapide de sa population. À ce titre, un réseau d'alerte performant et résistant sera mis en place, [...] pour utiliser au mieux la diversité des supports aujourd'hui possibles : sirènes, SMS, courriels, panneaux d'affichage public ... ».

Dans son rapport d'information consacré au SAIP, le rapporteur spécial avait critiqué le choix contestable de faire des sirènes « le principal vecteur » du système d'alerte, au détriment du volet « mobile » , qui aurait davantage contribué à le moderniser. Ce dernier n'avait ainsi bénéficié que d'1,6 million d'euros entre 2016 et 2018 , afin de couvrir le déploiement de l'application SAIP. Cette dernière s'est avérée infructueuse et a été abandonnée.

Le rapporteur spécial préconisait néanmoins de réorienter ce volet mobile vers le déploiement du cell broadcast, une technologie permettant la diffusion d'une alerte claire et immédiate par SMS. Il déplorait à cet égard que les PLF précédents ne prévoient aucun crédit à cet effet, alors que ce moyen d'alerte se faisait de plus en plus nécessaire.

Source : Rapport d'information n° 595 (2016-2017), Le système d'alerte et d'information des populations : un dispositif indispensable fragilisé par un manque d'ambition, de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances - 28 juin 2017

Le dispositif FR-Alert comprend :

- pour les autorités publiques, un portail numérique de diffusion des alertes, à vocation multicanale ;

- pour les opérateurs de communication électronique, la mise en oeuvre dans leur réseau respectif de deux technologies de diffusion des messages d'alerte : la diffusion cellulaire ( Cell Broadcast ) et la diffusion de SMS géo localisés ( LB SMS ), avec le remboursement par l'État des investissements effectués à ce titre.

Le coût total du programme FR-Alert a été évalué à 50 millions d'euros. Comme en 2021 et 2022, ces crédits ne sont pas retracés au sein du programme 161, mais sont intégrés à la mission Plan de relance, et s'élèvent à 3 millions d'euros en AE et CP pour 2023.

Échéancier de mise en oeuvre du projet FR-Alert

(en millions d'euros et en CP)

2021

2022

2023

2024

37

8

3

2

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Le système est aujourd'hui opérationnel et a vocation à être déployé sur l'ensemble du territoire , après une phase d'expérimentation menée en 2022 dans plusieurs territoires tests, dans les Bouches-du-Rhône, le Rhône, la Seine-Maritime et les Yvelines.

b) L'expérimentation d'un numéro unique d'appel d'urgence : une première traduction budgétaire du dispositif en 2023 par l'intermédiaire du programme 216

Les acteurs de la sécurité civile préconisaient depuis plusieurs années de façon unanime un développement de plateformes communes d'appels d'urgence, adossées à un numéro unique pour la réception de ces appels.

L'article 46 de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels a concrétisé cette demande en prévoyant l'expérimentation pour deux ans d'un numéro unique d'appel d'urgence pour 2 ans, et pourrait conduire à la généralisation d'une telle plateforme sur l'ensemble du territoire à l'issue de ce délai .

Toutefois, près d'un an après l'adoption de cette loi, les textes d'application nécessaires au lancement de cette expérimentation n'ont toujours pas été publiés. Les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation seraient en effet toujours en phase de cadrage entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la santé et de la prévention.

Cette expérimentation devrait toutefois se concrétiser en 2023, puisqu'une enveloppe de 5 millions d'euros en AE et en CP lui est consacrée dans le PLF pour 2023 sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », piloté par la direction du numérique du ministère de l'intérieur (DNUM).

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

En application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à augmenter de 150 millions d'euros en AE et de 37,5 millions d'euros en CP les crédits du programme 161.

Ces crédits, destinés au financement des pactes capacitaires entre l'État, les collectivités et les services d'incendies et de secours (SIS), auront vocation à financer, par l'intermédiaire de la dotation de soutien à l'investissement structurant des SIS (DSIS²), des projets investissements structurants identifiés au niveau des zones de défense et de sécurité, et feront l'objet d'une mutualisation au niveau de ces zones.

Il convient toutefois de souligner que ces 150 millions d'euros s'inscrivent dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Ainsi, ces 150 millions ne constituent en réalité pas un véritable renouvellement de l'effort budgétaire de la part de l'État en faveur des SDIS, mais plutôt un redéploiement du produit d'une recette qui bénéficiait déjà aux principaux financeurs des SDIS que sont les collectivités territoriales.

Il n'en demeure pas moins que la création de ces pactes capacitaires constitue un renouvellement bienvenu de la DSIS², dont la réduction du montant et du périmètre avait été regrettée à plusieurs reprises par le rapporteur spécial.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » . - Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, en septembre 2021, le Président de la République avait annoncé un projet de loi de programmation pour la sécurité intérieure, dont le but était notamment « de penser la police et la gendarmerie de 2030 ». Une première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a ainsi été déposée en mars 2022, en toute fin de quinquennat, et n'a pu être examinée par le Parlement. Une seconde version allégée a ensuite été élaborée. C'est cette version que le Sénat a examinée en octobre 2022. La loi comporte trois objectifs principaux : « être à la hauteur de la révolution numérique » ; « doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 » et enfin « mieux anticiper les menaces et les crises ».

Le budget du ministère de l'intérieur passerait ainsi, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et sans compter quelques programmes spécifiques, de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiements (CP) annuels en 2022 à 25,29 milliards d'euros en 2027, soit une hausse significative de 4,51 milliards d'euros, en augmentation de 21,7 %. Au total, la hausse cumulée de budget du ministère de l'intérieur sur les cinq années 2023-2027 atteindrait 15 milliards d'euros.

Les crédits prévus pour 2023 pour la mission « Sécurités » s'inscrivent dans le prolongement de la Lopmi. Pour l'ensemble de la mission, la hausse des crédits s'élève à 1,55 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 1,43 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). La hausse concerne l'ensemble des quatre programmes de la mission. Nous avions voté les crédits de cette mission les deux dernières années, car la police et la gendarmerie nationales bénéficiaient du concours des crédits du plan de relance. On pouvait donc légitimement se demander si l'effort d'investissement allait être maintenu avec la fin du plan de relance. Force est toutefois de constater que le projet de loi de finances poursuit et renforce surtout, en 2023, la trajectoire de hausse des dépenses de personnel constatée sur les précédents budgets, avec une augmentation de 4,96 % pour la police nationale et de 6,91 % pour la gendarmerie nationale.

Cette hausse s'explique tout d'abord par l'engagement du Président de la République et du Gouvernement d'augmenter les effectifs : le projet de loi de finances prévoit ainsi la création de 2 857 équivalents temps plein (ETPT) pour les deux forces, dont 1 907 pour la police nationale et 950 pour la gendarmerie nationale. La hausse des crédits du titre 2 s'explique aussi par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, pour un coût de 164 millions pour les deux forces. Il faut enfin évoquer le poids des mesures catégorielles : 84,7 millions d'euros pour la police nationale et 71,80 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. Ce montant est en forte hausse du fait des premières conséquences budgétaires des deux protocoles conclus en mars 2022 pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale. J'ai souvent déploré, lors de l'examen des budgets des années passées, la dégradation du ratio entre les crédits de personnels, d'une part, et ceux de fonctionnement et d'investissement, d'autre part : ce ratio se stabilise en 2023, autour de 86,1 % en CP, mais nous devrons être vigilants, car il reste élevé. Il est aussi supérieur à celui de nos voisins : il s'établit autour de 75 % en Allemagne, entre 75 % et 80 % au Royaume-Uni, où le système est différent, et à 85 % en Espagne.

Un mot sur les rythmes de travail. L'année 2023 sera marquée par l'abandon du système de la vacation forte, mis en place en 2016, et que j'avais eu l'occasion de critiquer à plusieurs reprises. Selon l'inspection générale de la police nationale (IGPN), pour compenser la généralisation de ce régime de travail à l'ensemble des unités travaillant en régime cyclique, il aurait fallu envisager le recrutement de 4 542 ETP supplémentaires pour maintenir le nombre total d'heures travaillées. Ce chiffre est à comparer aux 10 000 postes qui ont été créés dans les forces de sécurité durant le dernier quinquennat. Un nouveau cycle de travail, qui a la faveur des syndicats, se met en place, dans lequel les agents doivent effectuer 140 vacations dans l'année de 12 heures et 8 minutes de suite. Reste à savoir si les agents pourront tenir pendant une telle durée dans la mesure où leur travail est très exigeant.

Le stock d'heures supplémentaires à apurer se réduit peu à peu ; la dotation qui a été prévue en 2020, 2021 et 2022 permet d'indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ, correspondant à un volume identifié comme incompressible pour donner aux chefs de service des marges de manoeuvre opérationnelles, et de réduire peu à peu le stock accumulé d'heures supplémentaires. En 2023, il est prévu le relèvement de cette enveloppe de crédits dédiés à la campagne d'indemnisation des heures supplémentaires de 18,7 millions d'euros, pour atteindre 45,2 millions d'euros. Nous devons rester vigilants quant à la nécessité de ne pas laisser subsister un compte par agent d'heures supplémentaires non indemnisables trop important, au risque de déstabiliser fortement les services. En effet, les fonctionnaires peuvent liquider leurs heures supplémentaires avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un « trou » opérationnel, particulièrement prégnant dans certains services.

Une réforme est par ailleurs engagée pour doter la police nationale d'une réserve opérationnelle de police de 30 000 hommes à l'horizon de 2027, comme il en existe dans la gendarmerie, qui est dotée de 31 500 hommes et dont la mobilisation représente environ 1 900 ETP par jour. L'objectif semble particulièrement ambitieux. Il est peu probable que la réserve de la police sera suffisamment opérationnelle pour contribuer significativement à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.

Enfin, ce projet de loi de finances ne comporte aucune disposition quant à une réforme de la police nationale. Celle-ci avait pourtant été annoncée : elle devait entrer en vigueur le 1 er janvier 2023, mais le ministre a annoncé son report. Cette réforme aurait évidemment des conséquences financières.

Concernant le fonctionnement, nous pouvons dire que le principal effort qui est fait dans la Lopmi porte sur le numérique. Premièrement, il y a une explosion de la cybercriminalité - des rançons sont, par exemple, demandées à des citoyens ou à des entreprises. Le paradoxe est que les voyous se modernisent beaucoup plus rapidement que nos forces de police. Ce qui était simple avant devient plus compliqué pour ces dernières ; un investissement très significatif est donc effectué pour lutter contre la cybercriminalité. Deuxièmement, il y a une modernisation du numérique pour les agents de l'État, notamment dans les procédures et les outils informatiques. Enfin, nous faisons en sorte d'améliorer le fonctionnement des forces de sécurité vis-à-vis du citoyen, notamment en lui donnant la possibilité de porter plainte en ligne - pour les violences faites aux personnes, notamment.

Je constate par ailleurs que l'enjeu de la drogue reste particulièrement prégnant aujourd'hui. À titre d'exemple, via Cayenne, des mules viennent en nombre par avion pour importer de la cocaïne en provenance du continent sud-américain, le but étant de saturer nos services, puisqu'ils savent que nos forces de police ne peuvent arrêter que trois à quatre mules par vol, en raison des procédures médicales et policières associées. Pendant ce temps, les autres mules peuvent passer. Le procureur de Cayenne a pris des mesures, comme, par exemple, ne plus poursuivre une mule qui transporte une petite quantité, pour essayer d'arrêter ceux qui transportent le plus de drogue. Sur certains vols, il a été constaté que de 25 % à 30 % des passagers ne se présentaient pas lorsque la compagnie aérienne annonçait qu'un contrôle de police serait réalisé au départ.

S'agissant des véhicules, s'il y a une baisse des crédits de renouvellement pour 2023, il faut reconnaître que la police comme la gendarmerie ont bénéficié du plan de relance et ont donc été bien pourvues ces deux dernières années. Je suis toutefois méfiant sur l'effet stop and go : lorsqu'il y a eu une forte dotation, on a tendance à oublier ce poste dans les années qui suivent. Le parc est d'environ 32 000 véhicules pour chacune des deux forces. Le renouvellement est nécessaire : il maintient le parc et l'empêche de vieillir.

Un effort significatif a été effectué récemment pour la gendarmerie nationale, puisque 50 % des véhicules ont été renouvelés en cinq ans, entre 2017 et 2021. Pour autant, nous devons être vigilants, car il s'agit d'un outil essentiel pour la gendarmerie nationale. Une brigade de neuf gendarmes rayonne sur une surface comparable à la ville de Paris.

Toujours s'agissant du fonctionnement, deux autres points sont à noter. Un effort sera réalisé pour l'habillement compte tenu des deux événements internationaux que j'évoquais tout à l'heure. Par ailleurs, un changement est prévu sur la formation, puisqu'elle repasse progressivement à douze mois, contre huit aujourd'hui.

Concernant l'investissement dans l'immobilier de la police nationale - et cela contribue à m'inciter à donner un avis favorable à l'adoption des crédits- les crédits sont supérieurs à ceux de l'année dernière : 74 millions supplémentaires en AE et 56 millions en CP. Pour la police nationale, nous comptons 2 641 sites et 1,3 million de mètres carrés de surface. Le budget tient pour 2023 le rythme qui avait été donné dans le cadre du plan de relance.

Il y a un léger fléchissement pour la gendarmerie, mais elle avait été mieux dotée que la police ces dernières années. Néanmoins, une véritable interrogation politique peut se poser. La Lopmi a prévu la création de 200 nouvelles brigades - le territoire en compte actuellement 3 100. Il y a quelques années, le général Favier m'avait expliqué qu'il était difficile de rigidifier l'implantation des brigades au motif que, souvent, les collectivités territoriales payaient les bâtiments et qu'il n'était donc pas possible de supprimer des effectifs pour mieux les répartir sur le territoire. L'installation d'une brigade se faisait donc sur du long terme et grevait le budget. Ces 200 brigades supplémentaires sont bien accueillies par les territoires concernés et par la gendarmerie, mais en même temps l'immobilier existant se dégrade ; il ne bénéficie pas des crédits d'investissement qui étaient espérés au moment du plan de relance. Il convient donc d'être prudent, car créer des brigades, mais ne pas disposer de budgets d'investissement n'est sans doute pas une bonne orientation. Je vous rappelle en effet que les gendarmes sont logés dans les brigades ou les casernes. Telle est la réserve que j'émets.

Je vous propose donc de donner un avis favorable sur ces deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Je tiens tout de même à souligner qu'il n'y a pas dans le budget de réserve pour une augmentation éventuelle des frais d'énergie. Sans doute cela fera-t-il l'objet d'un budget rectificatif.

S'agissant de la sécurité routière et du compte d'affectation spéciale « radars », je vous ferai part d'un point d'attention : le financement des kits de détection de drogues, notamment du cannabis. Dans 13 % des cas d'accidents mortels, il est constaté que les responsables ont consommé de la drogue. Pour l'instant, 500 000 dépistages de drogues sont effectués par an, contre plus de 9,4 millions pour l'alcool.

Par ailleurs, 200 millions d'euros seront investis en 2023 dans les radars, en particulier de nouvelle génération, faisant ainsi passer le nombre de 4 447 radars à 4 600 à fin 2023. Il s'agit d'une source de recettes supplémentaire pour l'État. L'État ne veut pas dépasser le seuil fatidique ou psychologique de 4 700 radars.

Je rappelle également que près de la moitié des départements sont repassés à une limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » . - Je saluerai tout d'abord l'augmentation globale des crédits, notamment les 120 millions d'euros dont bénéficieront les systèmes d'information et de communication de la gendarmerie. Cela permettra de poursuivre l'équipement des personnels en téléphone NEO2, qui est devenu un outil de travail essentiel pour l'ensemble de nos gendarmes.

Il faut ensuite se féliciter de l'augmentation des crédits destinés à la création de la future agence du numérique des forces de sécurité intérieure. À ce propos, nous avons été rassurés sur le fait que cette nouvelle agence sera bien construite à partir du service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (Stsisi), qui a fait ses preuves par le passé. En réalité, c'est un véritable retour en arrière par rapport à la réforme de 2020, qui avait créé la direction du numérique du ministère de l'intérieur. Cependant, nous nous en félicitons, car nous avions exprimé de fortes réserves sur cette réforme en son temps.

Concernant l'immobilier domanial, qui est pour nous un sujet de préoccupation récurrent, je redirai ce que nous avons souligné lors de l'examen de la Lopmi : ce texte n'est pas vraiment une loi de programmation, puisqu'il ne présente toujours pas d'échéancier de crédits pour remettre le parc domanial à niveau. Avec 150 millions d'euros en 2023, ce sont environ 25 euros qui seront consacrés à l'État pour chaque mètre carré de caserne. Or, nous estimons qu'il en faudrait quelque 60 par mètre carré. Nous attendons à ce sujet que l'amendement que nous avons déposé, et qui a été adopté dans la Lopmi, prévoyant une remise à niveau pérenne des crédits d'investissement immobiliers, reçoive une traduction concrète de la part du Gouvernement.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » . - D'abord, comme l'a dit le rapporteur spécial, ce sont 15 milliards d'euros supplémentaires qui seront attribués à nos forces de sécurité avec la LOPMI. Un effort considérable qui était très attendu, avec notamment la création de postes de policiers et de gendarmes - 950 postes de gendarmes sont prévus pour 2023, avec un montant de crédits supplémentaires de 349 millions d'euros. En outre, il est prévu, pour « mettre plus de bleus dans la rue », d'augmenter les forces de réserve, les faisant passer de 30 000 à 50 000 pour la gendarmerie nationale. Il faudra cependant être vigilants, car nous le savons, à partir du mois d'octobre - et de juillet dans certains départements -, il n'y a plus d'argent pour les financer. Je n'ai pas besoin de le rappeler, mais les gendarmes ont de plus en plus de mal à se loger, les loyers étant très chers, et l'explosion du prix du carburant met encore plus à mal les budgets alloués.

Concernant les 200 brigades qu'il est prévu de créer, je précise que deux tiers d'entre elles seront des brigades fixes et un tiers des brigades volantes. Beaucoup de territoires sont en attente de cette création, quelque 500 gendarmeries ayant été fermées il y a plusieurs années. C'est la raison pour laquelle nous avions voté un amendement lors de l'examen de la Lopmi visant à associer les élus des collectivités locales qui seront sollicitées pour construire les bâtiments. L'État a promis une dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à un taux pouvant aller jusqu'à 30 % pour les communes de 20 000 habitants et plus.

Pour ce qui est de l'immobilier, nous avons beaucoup insisté sur le fait que, selon les estimations effectuées, le parc immobilier nécessiterait tous les ans 300 millions d'euros ; 100 millions pour l'entretien des casernes existantes et 200 millions d'euros pour la création de bâtiments neufs. Il conviendra également d'être vigilant sur ce point, même si dans l'ensemble ce programme est positif.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis . - Je souhaiterais ajouter, concernant les 200 brigades, que les consultations sont déjà lancées sur les territoires par les préfets. Je vous demande donc d'être vigilants, et de vous assurer que les élus locaux y soient associés en amont, en étant à l'initiative des demandes. En effet, j'ai l'impression que les consultations avaient été lancées avant même que la Lopmi n'arrive devant le Sénat.

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » . - Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une dotation de près d'1,1 milliard d'euros en AE et de 640,6 millions d'euros en CP sur le programme « Sécurité civile », soit une augmentation substantielle de près de 58 % en AE et de 13 % en CP par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cette hausse est particulièrement bienvenue, au lendemain d'un été marqué par les feux de forêt d'une ampleur exceptionnelle.

Par ailleurs, ces montants ne prennent pas en compte les annonces du Président de la République le 28 octobre dernier, lesquelles ont donné lieu au dépôt d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, repris dans le texte transmis au Sénat, majorant de 150 millions d'euros en AE et de 37,5 millions d'euros en CP les crédits du programme.

Si les mesures annoncées constituent des avancées à certains égards, on peut toutefois regretter que ces annonces interviennent en plein examen du projet de loi de finances par le Parlement, ce qui nuit considérablement à la visibilité des crédits du programme, d'autant plus que certaines des mesures annoncées entrent en contradiction avec les informations transmises par le ministère de l'intérieur.

Je voudrais tout d'abord m'attarder sur l'enjeu du soutien de l'État en faveur des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et plus particulièrement sur la concrétisation en 2023 des « pactes capacitaires » qui permettront, dans le cadre de cofinancement entre l'État et les collectivités locales, de porter des projets d'investissement dans des besoins opérationnels des Sdis, qui seront ensuite mutualisés au sein d'une même zone défense de sécurité.

La concrétisation de ces pactes capacitaires doit ainsi être saluée, et fait par ailleurs l'objet d'une attente très forte de la part des Sdis, comme j'ai pu le constater lors de mon déplacement dans les Bouches-du-Rhône.

Le montant initialement prévu pour ces pactes capacitaires, de 30 millions d'euros sur cinq ans pour 100 Sdis, dont seulement 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP pour 2023, apparaissait toutefois particulièrement faible au regard des besoins d'investissement des Sdis. L'enveloppe de 150 millions d'euros ajoutée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale est à cet égard bienvenue, mais s'inscrit dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sur laquelle l'État s'est déjà engagé. On peut donc difficilement présenter cette enveloppe comme un renforcement de l'effort financier de l'État en faveur des Sdis, puisqu'elle repose sur un procédé de budgétisation consistant en réalité à leur réaffecter une recette qui bénéficiait déjà dans les faits à leurs principaux financeurs, à savoir les collectivités locales.

J'en viens maintenant à l'enjeu du dimensionnement et du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, qui a été au coeur de l'actualité lors de la saison des feux de cet été.

À cet égard, ce projet de loi de finances constitue une avancée, puisqu'il concrétise le renouvellement de la flotte des hélicoptères Dragons vieillissante, qui avait été amputée ces dernières années de plusieurs appareils, suite à des accidents. Ainsi, l'augmentation des autorisations d'engagement du programme en 2023 est en grande partie portée par la commande de 36 nouveaux hélicoptères, annoncée dans le cadre de la présentation du projet de la Lopmi, et concrétisée dans ce PLF pour 2023 par l'inscription de 471,6 millions d'euros en AE, soit environ 13 millions d'euros par appareil. Ces hélicoptères, contrairement à la flotte de Dragons actuelle, seront équipés d'une capacité de largage d'eau importante et pourraient dès lors utilement être mobilisés pour la lutte contre les feux de forêt.

La saison des feux en 2022 a également souligné la nécessité de compléter et de renouveler la flotte de Canadairs vieillissante. Notre flotte d'avions amphibies bombardiers d'eau devrait ainsi être portée à 16 appareils à l'horizon de 2027, grâce à l'acquisition de deux appareils financés à 90 % par l'Union européenne (UE), puis par l'achat de deux appareils sur fonds nationaux. Nous pouvons toutefois émettre des doutes sur la crédibilité de l'annonce du Président de la République d'un renouvellement intégral des 12 Canadairs existants à l'horizon de 2027. En effet, la chaîne de production des Canadairs vient seulement d'être relancée, et il ressort de mes auditions qu'il est très peu probable que la France puisse obtenir la livraison d'autant d'appareils dans un délai aussi court.

Je tiens enfin à attirer votre attention sur le fait que l'enjeu du renforcement des moyens aériens de la sécurité civile ne peut être envisagé sous le seul prisme capacitaire. Les problématiques de prévention du risque, de gestion des ressources humaines ou encore du dimensionnement des infrastructures nécessaires au fonctionnement opérationnel de la flotte doivent également être prises en considération.

J'ai notamment eu l'occasion de rencontrer, dans le cadre de mon déplacement à Nîmes le 13 octobre dernier, les services de la base aérienne de la sécurité civile (Basc), qui ont indiqué rencontrer des difficultés pour recruter et fidéliser des pilotes de la sécurité civile, dont la rémunération est en moyenne trois fois inférieure à celle des pilotes des compagnies aériennes commerciales. Ainsi, quel serait l'intérêt d'acquérir de nouveaux appareils, si nous ne disposons pas, par ailleurs, des ressources pour les piloter ?

Le présent projet de loi finances prévoit certes des mesures de revalorisation pour les personnels navigants, estimées à 1,5 million d'euros, mais celles-ci devront à l'avenir être doublées d'une véritable stratégie de valorisation du métier de pilote de la sécurité civile.

Je conclurai mon propos en évoquant le projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, NexSIS 18-112. L'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), qui est chargée du projet, nous a fait part de difficultés, qui se sont traduites par des retards importants dans le déploiement effectif de NexSIS. Ces retards ont entamé la confiance des Sdis dans la concrétisation du projet, et ont de fait fragilisé la situation économique de l'agence, puisque les SDIS sont largement impliqués dans le financement de NexSIS par leurs contributions volontaires.

Si le déploiement effectif au sein du Sdis préfigurateur de Seine-et-Marne devrait permettre de rétablir cette confiance, il sera par ailleurs essentiel que les contributions des Sdis soient complétées par un soutien renforcé de l'État en faveur de l'agence, et notamment de ses moyens humains qui apparaissent aujourd'hui bien trop faibles.

M. Michel Canévet . - Je voudrais tout d'abord féliciter les deux rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs exposés qui nous permettent de bien appréhender la situation de deux missions importantes.

Monsieur Vogel, concernant la flotte aérienne, si des engagements ont été pris quant au renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qu'en est-il de la flotte d'avions, qui est, elle aussi, vieillissante ? Quel est le facteur limitant à ce renouvellement ? Est-ce l'absence de modèle idéal ou faut-il attendre que l'usine de Canadairs se remette en route ?

J'interrogerai M. Dominati sur les questions liées à la gendarmerie. Les moyens affectés à la gendarmerie pour l'immobilier sont trois fois moins importants par rapport à ceux qui sont dévolus à la police. Cela veut-il dire qu'un effort avait été fait antérieurement ?

Par ailleurs, les écoles de gendarmerie sont-elles bien dimensionnées pour assurer la formation d'un grand nombre de gendarmes ?

Concernant le parc de véhicules, le renouvellement intègre-t-il les préoccupations environnementales ? D'autres modes de propulsion des véhicules sont-ils prévus ?

Mme Isabelle Briquet . - Je remercie les rapporteurs pour tous les éléments d'analyse qu'ils nous ont livrés.

Ma question concerne les gendarmeries, puisque la création de 200 brigades a été annoncée. Le plan de déploiement de ces gendarmeries est actuellement relayé par les préfets dans le cadre d'un appel à projets en direction des collectivités. Je partage l'inquiétude soulevée quant au financement desdites gendarmeries. Si nous ne pouvons que saluer cette annonce d'un plus grand maillage des forces de gendarmerie dans les territoires, les brigades actuelles - au-delà de la question des bâtiments - disposent-elles des moyens humains et matériels suffisants pour mener à bien leurs missions dans de bonnes conditions ?

M. Jean-François Rapin . - Ma question est relative aux effectifs de gendarmerie et de police. Vous avez indiqué, monsieur Dominati, que l'année 2024 sera spéciale, avec notamment les Jeux Olympiques, et elle sera particulièrement tendue pour les forces de sécurité en matière de congés. Vous le savez, en été, les forces de sécurité sont appelées en renfort, à la fois sur nos plages et au sein des pôles touristiques importants. Avez-vous des informations sur la façon dont tout cela sera organisé, sachant que les effectifs seront fortement mobilisés sur les grands événements.

M. Vogel a évoqué son déplacement à Nîmes ; or je pense que nous devons être exemplaires sur la question de la flotte. En effet, Nîmes a fait une demande au niveau européen pour être centre de référence sur la sécurité civile, mais aussi agence de référence au niveau européen pour la sécurité civile. De fait, le discours un peu négatif qui est porté n'est pas forcément bon. En êtes-vous conscient ?

M. Éric Jeansannetas . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leurs exposés, ainsi que les rapporteurs pour avis de nous avoir éclairés de manière supplémentaire.

Si nous pouvons nous satisfaire des crédits de cette mission, il y a aussi des points de vigilance. Je reviendrai sur le volet immobilier : disposons-nous aujourd'hui d'un état des lieux en termes énergétiques des bâtiments de la gendarmerie nationale et des locaux de la police nationale, qui sont globalement des passoires thermiques ? Il est nécessaire d'avoir des crédits supplémentaires en vue d'investissements importants.

Par ailleurs, une question se pose pour le recrutement et la montée en charge des réserves. L'appareil de formation de la police et de la gendarmerie sera-t-il au rendez-vous ? Un effort budgétaire est-il réalisé en direction des outils de formation ? Avons-nous le personnel nécessaire pour former les gendarmes - nous passons de huit à douze mois de formation avec une ambition assez élevée pour la réserve ?

Enfin, s'agissant de la sécurité civile, vous avez noté que les déclarations du Président de la République sont venues percuter la discussion et la préparation budgétaires. Les Sdis vont être impactés. Le financement est largement assuré par les collectivités territoriales. Avons-nous une idée de l'impact financier sur ces dernières de la nouvelle organisation des Sdis ?

M. Marc Laménie . - Je remercie également nos rapporteurs spéciaux pour leurs exposés ainsi que nos deux rapporteurs pour avis pour leurs remarques judicieuses.

Nos collègues des commissions des affaires étrangères et de la défense ont évoqué le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, avec notamment des moyens financiers supplémentaires et la création de 200 brigades, alors qu'il y a quelques années des brigades ont été fermées dans plusieurs départements. Comment seront choisis les lieux d'implantation de ces brigades et surtout qui sera le maître d'ouvrage pour construire les casernes ? Cela vaut aussi pour la sécurité civile, car nous avons des difficultés à recruter et à fidéliser des sapeurs-pompiers. Comment s'articulera l'attractivité de ces métiers ?

M. Didier Rambaud . - Je souhaiterais également attirer l'attention des rapporteurs sur les conditions de financement des constructions des nouvelles brigades de gendarmerie. En l'espace de huit jours, j'ai rencontré deux maires qui m'ont fait part de leurs difficultés à concrétiser cette construction, alors qu'ils avaient obtenu l'accord de la direction de la gendarmerie.

Nous connaissons le principe : la commune met à disposition le foncier et trouve un bailleur qui construit. Mais il s'avère qu'aujourd'hui les bailleurs se font tirer l'oreille, parce qu'ils n'arrivent pas à équilibrer leur opération, en raison, paraît-il, d'un décret de décembre 2016, qui met en valeur deux points : d'une part, la durée du bail limitée à neuf ans et, d'autre part, le montant trop faible de la location par unité logement, notamment pour les brigades inférieures à vingt unités logement. Ce décret devrait, semble-t-il, être actualisé.

M. Christian Bilhac . - J'évoquerai également l'immobilier, car il reflète l'ambiance dans les casernes : lorsque l'on regroupe deux anciennes brigades, la moitié des gendarmes vit dans des bâtiments neufs, tandis que l'autre moitié vit dans des taudis. Tout l'immobilier que l'État a gardé est en ruines. C'est un constat d'échec. Et si les bâtiments transférés aux collectivités locales sont en bon état, celles-ci ne peuvent pas toujours en supporter le coût.

Les CP sont en baisse. Avons-nous une idée de la masse financière qui serait nécessaire pour arriver à loger dignement nos gendarmes ? Je vous assure que, dans mon département, certains vivent dans des logements indignes, et le fait que d'autres gendarmes vivent dans des logements neufs crée des tensions dans les compagnies.

S'agissant de la sécurité civile, le projet Antares a été un fiasco. Si NexSIS en est un aussi, je ne sais pas ce que feront demain les Sdis quand nous leur dirons que le nouveau modèle de communication ne fonctionne pas ; nous ne pouvons pas nous tromper.

Enfin, concernant la flotte aérienne, je m'interroge : connaissez-vous les raisons pour lesquelles l'Airbus A400M ne peut être utilisé pour lutter contre les feux de forêt ?

M. Jean Pierre Vogel , rapporteur spécial . - Tout d'abord, s'agissant de la flotte d'avions, nous avons appris que l'industriel ne pouvait relancer la fabrication des Canadairs que s'il avait une commande de plus de vingt appareils, le budget pour relancer la chaîne de fabrication étant de 850 millions d'euros. C'est pourquoi l'annonce qui a été faite d'acheter seize Canadairs d'ici à 2027 n'est pas raisonnable. Si nous nous en procurons deux, voire quatre, ce serait déjà bien.

Par ailleurs, de tels appareils doivent être livrés dans un délai relativement court, car les pilotes formés sur d'anciens Canadairs auraient des difficultés à piloter des avions qui ne seraient pas issus de la même fabrication.

En ce qui concerne la base aérienne de Nîmes, il a été rappelé et acté dans la Lopmi que ce serait bien un hub européen. A priori le ministère chargé de la sécurité civile est propriétaire de surfaces foncières relativement importantes, d'une quarantaine d'hectares. Par contre, nous avons pu constater qu'à certains endroits le tarmac était dégradé. Et la question se pose de savoir qui doit financer la remise en état du tarmac. Il faudrait, en cas d'augmentation du nombre de bombardiers d'eau ou d'avions de la sécurité civile qui seraient stationnés à Nîmes, bénéficier de remises en surface suffisamment importantes pour pouvoir abriter les avions et assurer la maintenance en conditions opérationnelles. C'est la raison pour laquelle il ne faut qu'une seule base de référence et qu'elle soit à Nîmes pour pouvoir assurer la maintenance dans des conditions satisfaisantes, car cela nécessite à la fois de la ressource humaine et des pièces détachées en nombre suffisant. D'ailleurs, un Canadair est resté cloué au sol l'été dernier en raison d'une problématique d'approvisionnement de pièces détachées.

En revanche, il faut soulever les véritables problèmes liés, d'une part, à la ressource humaine et aux pilotes et, d'autre part, à la concurrence qui existe avec la flotte commerciale qui a repris depuis l'apaisement de la crise sanitaire.

L'impact financier des colonnes de renfort sur les Sdis est difficile à évaluer, mais si nous prenons le pacte capacitaire des 150 millions d'euros sur cinq ans, cela fait une moyenne de 30 millions d'euros divisés par 100 Sdis, soit 300 000 euros chacun. L'État les financerait à hauteur de 50 %, et les Sdis prendraient en charge l'autre moitié, l'impact ne serait donc pas très significatif.

S'agissant de la difficulté de recruter des sapeurs-pompiers volontaires, le Président de la République a fait des annonces pour favoriser le volontariat et créer un statut spécifique de sapeurs-pompiers volontaires. Il a aussi fait des annonces sur les conventions de mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires par les employeurs privés qui pourraient être sur une durée plus longue avec une meilleure indemnisation, sachant que, en vérité, le recrutement se fait localement, notamment via les maires et les chefs de centre. Ce n'est donc pas forcément une meilleure indemnisation qui déciderait un employeur à libérer l'un de ses employés qui travaille sur une chaîne de production, si celle-ci devait s'arrêter. Cependant, il faut le dire, certaines annonces sont bien reçues par la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Il est vrai qu'Antares a été un vrai problème, mais ce n'est pas le cas de NexSIS. Le nouveau directeur nous a indiqué que NexSIS irait jusqu'au bout, car il n'y a pas d'autre choix ; NexSIS est un bon système, il doit aboutir et il aboutira. Des engagements de création de postes ont déjà été pris, même s'ils sont encore insuffisants, mais surtout l'État doit soutenir financièrement NexSIS. Ainsi, les Sdis reprendront confiance et accepteront de continuer à le financer sur leur budget - il existe notamment une procédure qui leur permet de participer via leur budget d'investissement, qui est plus souple que le budget de fonctionnement.

Je n'ai donc pas de crainte sur l'aboutissement de NexSIS, mais il ne faudrait pas que le projet prenne du retard, car cela nuirait à sa crédibilité et à la confiance que lui accorderaient les Sdis.

Concernant les Airbus A400M, une très bonne publicité a été faite avec l'atterrissage de l'un d'eux sur une plage bondée. Selon les professionnels, il est nécessaire de les voir en action et non pas uniquement sur des photos de synthèse ou de montage. Mais il semblerait que ces avions ne soient pas totalement au point, et vu les délais nécessaires pour obtenir un Canadair, je ne suis pas certain que ce type d'avion pourrait être, aujourd'hui, disponible et opérationnel pour les pilotes dans les trois ou quatre prochaines années. Sachant que le dernier Dash, le huitième, arrivera l'année prochaine.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas compter que sur les Canadairs ; il faudrait ajouter les Dash, les hélicoptères légers et les hélicoptères lourds qui peuvent contenir une réserve d'eau dans une espèce de big bag important.

Pour revenir à l'A400M, les pilotes que nous avons rencontrés demandent à les piloter en réel pour pouvoir juger, mais il semblerait que, techniquement, ils ne soient pas prêts à servir en tant que bombardiers d'eau.

Je proposerai néanmoins de poursuivre les investigations sur la flotte avionique de bombardiers d'eau, car il semblerait que plusieurs constructeurs soient en capacité de proposer des appareils, alors qu'aujourd'hui nous ne parlons que des Canadairs et des Dash. Cela mériterait peut-être l'organisation de nouvelles auditions.

M. Claude Raynal , président . - Le coût de mise au point d'un avion comme l'A400M sur une application nouvelle est considérable. Et le temps de validation de l'avion dans sa nouvelle configuration est un programme en soi.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - D'abord, en ce qui concerne les véhicules, les questions d'écologie ne sont pas oubliées. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, 2,8 millions d'euros ont été consacrés à l'installation de prises électriques pour la police nationale, par exemple. En outre, un effort important est consenti annuellement pour doter la police et la gendarmerie de véhicules électriques.

Par ailleurs, en matière de moyens humains et matériels, on peut s'interroger sur l'opportunité des créations de brigades. La question se pose depuis des années de revoir la carte des compétences territoriales de la police et de la gendarmerie. Cette dernière, dont les brigades sont souvent situées dans les périphéries de zones urbaines et qui sont de plus en plus confrontées à la criminalité, a besoin d'être renforcée. Cependant, la carte n'ayant pas évolué, nous avons recours à l'installation de brigades, financées par les collectivités territoriales. Le Gouvernement devrait commencer par arbitrer et revoir la carte dans un certain nombre de départements.

M. Claude Raynal , président . - Le ministre Darmanin a dit lui-même à Toulouse qu'il n'en avait pas l'intention.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - En effet, il a dit que c'était prématuré, comme l'ont fait ses prédécesseurs, alors que ce problème des périphéries est lancinant.

Ensuite, en termes d'investissement immobilier, l'effort fourni n'est pas le même pour la police et la gendarmerie. Certaines régions cherchent à investir dans l'immobilier de la police tandis que dans la gendarmerie, les collectivités territoriales investissent dans les brigades. J'aurais préféré que le budget consacré par la Lopmi à la création des brigades soit dédié à l'investissement, compte tenu de l'état de dégradation de nombreux locaux existants.

Pour donner une idée, en parallèle des 143 millions d'euros d'AE investis dans l'immobilier de la gendarmerie en 2023, le relèvement du point d'indice et les mesures catégorielles représentent à eux seuls un coût de 138 millions d'euros pour elle, sans compter le coût de l'augmentation des effectifs. Cette question des équilibres entre dépenses d'investissement et dépenses de personnel mériterait un vrai débat.

J'avais été frappé il y a quelques années par les arguments fondés du directeur général de la gendarmerie d'alors, le général Favier, expliquant que les petites brigades posaient problème parce qu'elles manquaient d'efficacité opérationnelle, mais qu'il n'était pas possible d'en réduire les effectifs puisque les communes avaient investi. Il aurait donc fallu développer une stratégie de long terme consistant à privilégier les brigades mobiles ou à restreindre le champ des brigades, mais nous avançons dans le sens inverse. Par ailleurs, comme il s'agit de créer 200 brigades, ce qui représente un objectif ambitieux, les difficultés liées au déploiement et aux appels d'offres devraient conduire à l'utilisation de brigades mobiles et à l'usage d'une certaine souplesse.

En 2021 et 2022, la gendarmerie nationale avait bénéficié au titre du plan de relance de 90 millions d'euros d'investissement supplémentaires dans l'immobilier. Cette année, la police rattrape donc un peu la gendarmerie en termes d'investissement immobilier. Le directeur général de la gendarmerie nationale m'assure d'ailleurs être satisfait de ce budget, les moyens étant présents en termes de véhicules, mais aussi de formation, tout en soulignant les enjeux en termes d'immobilier.

L'école des officiers est revenue au système antérieur quant au temps attribué à la formation. En effet, pour accélérer le recrutement et l'entrée en fonction après les attentats, les sessions avaient été raccourcies, et nous reprenons désormais progressivement un rythme plus raisonnable, sur 12 mois.

Pour conclure, j'invite les élus à réfléchir à l'opportunité de la création des brigades, qui est toujours très populaire sur un territoire. Cependant, si une partie de ce budget pouvait être transférée dans l'investissement, ce serait une bonne chose.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 46 ter

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Cet article vise à tirer les conséquences des négociations ayant conduit à l'intégration de mesures catégorielles dans les protocoles de mars 2022 dans la police et la gendarmerie nationale. Des primes ayant été prévues concernant les agents de terrain et opérationnels, les personnels de soutien se voient également attribuer une indemnité. Il s'agit d'une indemnité de sujétion spécifique pour les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale.

Le présent article prévoit, conformément à ce qu'annonçaient les protocoles, que les personnels concernés admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1 er juillet 2023 bénéficient d'un complément de retraite au titre de l'indemnité de sujétion spécifique qu'ils ont perçue au cours de leur carrière.

Si les incidences financières précises de cette disposition n'ont pas été communiquées par le Gouvernement, mon avis est favorable.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 46 ter .

M. Claude Raynal , président . - En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », quel est votre avis, monsieur le rapporteur ?

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Favorable, monsieur le président.

Mme Christine Lavarde . - De mon côté, je suis favorable à une suppression pour des raisons déjà évoquées devant le ministre. Des problèmes insolubles se posent en raison de l'existence de ce CAS.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », de même que l'article 46 ter .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Alain THIRION, directeur général ;

- M. Stéphane THEBAULT, sous-directeur des affaires internationales, des ressources et de la stratégie.

Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF)

- M. Grégory ALLIONE, contrôleur général, président de la FNSPF ;

- M. Éric FLORÈS, contrôleur général, vice-président chargé du positionnement des sapeurs-pompiers de France ;

- M. Guillaume BELLANGER, directeur de cabinet du président de la FNSPF.

Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC)

- M. Pierre CASCIOLA, directeur ;

- M. Jean-Yves LAMBROUIN, colonel, directeur adjoint ;

- M. Yann BOUKOUYA, secrétaire général.

Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

- M. Olivier RICHEFOU, président ;

- Mme Miléna MUNOZ, conseillère spéciale.

Contribution écrite

Assemblée des départements de France (ADF).

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement à Nîmes-Garons et Marseille les 13 et 14 octobre 2022

Base aérienne de la sécurité civile de Nîmes (BASC)

- M. Romain ROYET, directeur adjoint de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ;

- Mme Adeline SAVY, cheffe du groupement des moyens aériens ;

- M. Jérôme BRUNET, adjoint au chef de la division technique ;

- M. Pierre CHICHA, chef du secteur Canadair ;

- M. Yves GENTY, adjoint au chef du groupement d'hélicoptères ;

- M. Bruno HENRY, adjoint au chef des moyens opérationnels ;

- M. Éric MAHOUDO, adjoint au chef du groupement d'avions ;

- M. Benoit QUENNEPOIX, pilote au sein du secteur DASH ;

- M. Philippe ROUX, officier de sécurité aérienne, pilote de Canadair ;

- M. Xavier ROY, représentant du syndicat autonome du personnel navigant de la sécurité Civile (SAPNSC), et chargé de la mission d'officier de sécurité aérienne pour le groupement hélicoptère ;

- M. Frédéric VERDIER, chef de la division animation du marché, groupement d'avions.

Centre zonal opérationnel de crise de la zone Sud (CeZOC Sud)

- M. François PRADON, inspecteur général, chef de l'état-major interministériel de zone.

Service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône (SDIS 13)

- M. Pierre BÉPOIX, colonel, directeur départemental adjoint du SDIS 13 ;

- M. Marc DUMAS, lieutenant-colonel, sous-directeur action & anticipation ;

- M. Jean-Marc RODITIS, lieutenant-colonel, chef du groupement risques naturels et feux de forêts.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Cour des comptes , Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021 - Mission « Sécurités ».

* 2 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 3 Exposé sommaire de l'amendement n°II-2875 , déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale sur la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023.

* 4 Rapport général n° 163 (2021- 2022) de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances 2022, Annexe n° 29b sur le programme 161 « Sécurité civile », déposé le 18 novembre 2021.

* 5 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 6 Ibid.

* 7 En cas de catastrophe majeure, les colonnes de renfort, composées de sapeurs-pompiers des SDIS, sont mises à disposition des préfets sur les territoires concernés. Cette mobilisation est prise en charge par l'État.

* 8 Cour des comptes, La flotte aérienne de la sécurité civile , référé n° S2022-135 du 26 juillet 2022

* 9 Rapport général n° 163 (2021- 2022) de Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances 2022, Annexe n° 29b sur le programme 161 « Sécurité civile », déposé le 18 novembre 2021.

* 10 Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 11 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre Vogel, Les feux de forêts : l'impérieuse nécessité de renforcer les moyens de lutte face à un risque susceptible de s'aggraver, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 12 Un avion amphibie est un avion ayant la faculté d'écoper sur un plan d'eau.

* 13 Viking a depuis été racheté par le constructeur canadien De Havilland.

* 14 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre Vogel, Les feux de forêts : l'impérieuse nécessité de renforcer les moyens de lutte face à un risque susceptible de s'aggraver, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 15 Rapport général n° 163 (2021- 2022) de Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances 2022, Annexe n° 29b sur le programme 161 « Sécurité civile », déposé le 18 novembre 2021.

* 16 Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte).

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