LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME CONSACRÉS AU FINANCEMENT DES SDIS QU'IL CONVIENT TOUTEFOIS DE NUANCER

Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) s'élève en 2021 à 5,7 milliards d'euros 2 ( * ) , et il est donc presque 9 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2023. Les SDIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et notamment par les départements, dont la part dans leur financement demeure prépondérante (59 %).

Les crédits demandés dans le PLF pour 2023 reflètent donc la contribution modeste de l'État dans le financement des SDIS. Si les dépenses de l'État en faveur des SDIS sont certes en augmentation dans la budgétisation initiale pour 2023, cette hausse résulte en grande partie du dynamisme de certaines dépenses d'intervention telles que la contribution de l'État au budget de la BSPP ou de sa contribution au financement de la nouvelle prime de fidélisation et revalorisation (NPFR).

Les 150 millions d'euros en AE et 35,7 millions d'euros en CP destinée aux pactes capacitaires ( voir supra ), ajoutés par le Gouvernement par voie d'amendement au texte, auront certes vocation à soutenir les dépenses d'investissement des SDIS et à renforcer ainsi la part des dépenses de l'État dans le financement des SDIS.

Il convient néanmoins de souligner que cet abondement de crédits s'inscrit dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) 3 ( * ) inscrite dans le PLF pour 2023. Il est donc contestable de présenter cette enveloppe comme un véritable renouvellement de l'effort budgétaire de la part de l'État en faveur des SDIS, puisqu'il s'agit en réalité d'un reversement du produit d'une recette qui bénéficiait déjà aux principaux financeurs des SDIS que sont les collectivités territoriales, et dont le Gouvernement s'est par ailleurs engagé à compenser la suppression dans le cadre du PLF pour 2023.

1. Le renouvellement de la dotation de soutien à l'investissement structurant des SDIS à travers la concrétisation des « pactes capacitaires »

Dans le cadre du PLF pour 2023, 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP sont inscrits au titre de la dotation de soutien aux investissements structurant des services d'incendie et de secours (DSIS²), pour le financement de pactes capacitaires entre l'État, les collectivités territoriales et les SDIS. Ces pactes capacitaires, annoncés dans le cadre de la LOPMI, bénéficiaient, dans le projet de loi initialement déposé, d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, ce qui apparaissait modeste au regard des besoins d'investissement des SDIS.

Comme évoqué supra , le Gouvernement a toutefois déposé un amendement au PLF pour 2023 visant à abonder de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP ces pactes capacitaires, dans la lignée des annonces formulées par le président de la République le 28 octobre 2022.

La dotation de soutien à l'investissement structurant des SIS (DSIS²) :
une enveloppe considérablement réduite depuis 2017

Entre 2003 et 2012, l'État était intervenu en faveur des SIS au travers du fonds d'aide à l'investissement des SIS (FAI) pour un total de 302 millions d'euros sur l'ensemble de la période. Selon le ministère de l'intérieur, cet instrument a fait l'objet dès 2007, de critiques en raison du saupoudrage des crédits qu'il occasionnait, c'est pourquoi il n'était plus doté d'autorisation d'engagement dès 2013.

Le FAI a été remplacé dès 2017 par la dotation de soutien à l'investissement structurant des services d'incendies et de secours (DSIS²), prévue par l'article L1424-36-2 du code général des collectivités territoriales, et financée par un prélèvement sur la contribution que l'État versait jusqu'alors annuellement aux conseils départementaux, au travers de la dotation globale de fonctionnement (DGF), au titre de sa participation au financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) versée aux sapeurs-pompiers volontaires.

Le rapporteur spécial a plusieurs fois regretté que le montant et le périmètre de cette dotation aient été considérablement réduits depuis sa création 4 ( * ) . Le montant de l'enveloppe consacrée à la DSIS², qui était de 25 millions en 2017, a en effet progressivement chuté pour atteindre 2 millions d'euros en AE et en CP en LFI pour 2022, exclusivement dédiés au financement du projet national de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, NexSIS 18-112.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces pactes capacitaires doivent permettre à l'État, en concertation avec les collectivités territoriales et les services d'incendie et de secours, de « combler une faiblesse capacitaire ou de favoriser une stratégie de mutualisation 5 ( * ) ». Ces pactes seraient définis au niveau des zones de défense et de sécurité (ZDS), dans le cadre d'une contractualisation avec les collectivités locales.

Les projets identifiés dans le cadre de ces pactes capacitaires feraient ainsi l'objet d'un cofinancement à 50 % par l'État et à 50 % par les collectivités locales. Une interrogation continue toutefois de subsister concernant les critères de répartition de la charge des dépenses entre les différents SDIS d'une même zone.

Cette enveloppe pourrait notamment permettre de financer des moyens capacitaires de lutte contre les feux de forêts mutualisés entre les SDIS. C'est notamment le cas des camions-citernes forestiers (CCF), dont le nombre a diminué de manière inquiétante sur le territoire depuis plusieurs années, en raison d'un sous-investissement chronique dans ces appareils par certains SDIS de départements historiquement peu touchés par les feux de forêts. Cette situation constitue une source de préoccupation dans un contexte où le risque de feux de forêts tend à gagner l'ensemble du territoire, nécessitant la mobilisation accrue des SDIS dans le cadre des colonnes de renfort. Ce besoin a été confirmé par les sapeurs-pompiers rencontrés par le rapporteur spécial lors de son déplacement au SDIS des Bouches-du-Rhône le 14 octobre 2022, effectué dans le cadre de l'élaboration du présent rapport.

Les pactes capacitaires pourraient également avoir vocation à financer des dépenses de formation, de manière à développer entre les SDIS une culture commune en ce qui concerne la gestion de certains risques spécifiques, et notamment le risque feux de forêts.

Ces pactes capacitaires constituent en tout état de cause, et en dépit du caractère contestable de son procédé de budgétisation, un renouvellement bienvenu de la DSIS², alors que le rapporteur spécial avait en effet regretté à plusieurs reprises la réduction du montant de cette dotation et de son périmètre 6 ( * ) .

2. Une participation de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP dynamique en raison d'un plan de modernisation impliquant des dépenses supplémentaires

La contribution de l'État au budget de fonctionnement de de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une obligation légale , prévue par l'article L. 2512-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25% des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Cette contribution est aujourd'hui particulièrement dynamique, puisqu'elle est passée de 96,2 millions d'euros en AE et en CP en LFI pour 2022 à 104,9 millions d'euros dans le PLF pour 2023, soit une augmentation de 9 %. Elle avait par ailleurs déjà fait l'objet d'une augmentation substantielle de 10,8 % entre 2021 et 2022.

Ce dynamisme s'explique en grande partie par la mise en oeuvre du plan de modernisation de la BSPP , présenté en 2019, qui vise notamment à lui permettre de répondre aux enjeux qui se posent à elle dans les prochaines années, et plus particulièrement, aux enjeux de sécurité posés par les Jeux olympiques 2024 organisés à Paris. Ce plan de modernisation se traduit budgétairement par une enveloppe de 202 millions d'euros répartis sur une période de 10 ans entre 2020 et 2029, et vise à garantir le renforcement des capacités opérationnelles de la BSPP, l'amélioration des conditions de travail et de vie des pompiers de Paris, et l'acquisition d'équipements technologiques modernes.

Évolution de la contribution de l'État au budget de de la BSPP
entre 2018 et 2023

(en millions d'euros et en AE = CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. La contribution de l'État aux mesures d'encouragement du volontariat des sapeurs-pompiers est en augmentation

Près de 25 millions d'euros sont prévus en AE et en CP dans le PLF pour 2023 au titre de la contribution de l'État au financement du régime d'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires (RISP), qui couvre l'ensemble des risques d'invalidité permanente partielle, totale ou le décès des sapeurs-pompiers volontaires, et de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR). Cette contribution était fixée à 16,7 millions d'euros en LFI pour 2022, ce qui signifie que le PLF pour 2023 prévoit une augmentation de la participation de l'État au titre de ces deux prestations de 49 %.

La NPFR

La NPFR, institué par la loi du 27 décembre 2016, est une prestation de fin de service des sapeurs-pompiers volontaires visant à récompenser leur engagement.

Il s'agit d'une rente annuelle, variable en fonction de la durée de l'engagement, versée aux sapeurs-pompiers volontaires répondant à certaines conditions, que sont l'atteinte de la limite d'âge et la réalisation, depuis la loi du 25 octobre 2021, de 15 années de service au minimum, contre 20 années auparavant, et de 10 années en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service, contre 15 ans auparavant.

Son financement est assuré par l'intermédiaire d'une association nationale chargée de la surveillance et du contrôle de la NPFR et d'un organisme national de gestion choisi par cette association auquel chaque service d'incendie et de secours adhère obligatoirement et verse une cotisation correspondant aux sommes à verser pour ses anciens SPV.

L'État contribue au financement de cette rente annuelle dans la limite des crédits votés en loi de finances, selon une règle retenue à ce jour d'un financement à hauteur de 50 % de la charge totale du dispositif.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

La NPFR fait l'objet d'un dynamisme particulier qui nécessitera, selon le ministère l'intérieur, de mener une réflexion sur le financement à long terme de cette prestation dans les prochaines années . Cette charge semble en effet amenée à devenir exponentielle pour l'État comme pour les collectivités locales, en raison du nombre progressif et cumulatif de bénéficiaires.

Évolution prévisionnelle de la charge de la NPFR pour l'État
et les collectivités territoriales*

(en millions d'euros)

* Évaluation réalisée à partir des montants de l'année 2021, sur la base d'une hypothèse de revalorisation annuelle à hauteur de 2 %.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires


* 2 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 3 Exposé sommaire de l'amendement n°II-2875 , déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale sur la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023.

* 4 Rapport général n° 163 (2021- 2022) de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances 2022, Annexe n° 29b sur le programme 161 « Sécurité civile », déposé le 18 novembre 2021.

* 5 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 6 Ibid.

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